CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 5 décembre 2024, n° 24/14636
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Towercast (SAS)
Défendeur :
Tivana Topco (SA), Tivana Midco (SARL), TDF Infrastructure (SAS), TDF Infrastructure Holding (SAS), Tivana France Holdings (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maitrepierre
Conseillers :
M. Barbier, Mme Fenayrou
Avocats :
Me Teytaud, Me Aubron, Me Boccon-Gibod, Me Rameau, Me Trifounovitch
Vu l'arrêt de la Cour du 27 juin 2024 annulant la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-D-01 du 16 janvier 2020 relative à une pratique mise en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre et renvoyant l'affaire à l'Autorité de la concurrence pour instruction complémentaire ;
Vu la requête en interprétation de cet arrêt, déposée au greffe de la Cour par la société towerCast le 28 août 2024 ;
Vu l'invitation de la Cour, adressée aux participants à la procédure, le 17 septembre 2024, à déposer des observations écrites sur le point de savoir s'il y a lieu à interprétation de l'arrêt en vue de l'audience fixée le 17 octobre 2024 ;
Vu les observations déposées au greffe, respectivement par l'Autorité de la concurrence, les sociétés TDF et Tivana et le ministre chargé de l'économie, le 30 septembre 2024 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe par la société towerCast le 11 octobre 2024 ;
L'affaire ayant été transmise au ministère public ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 17 octobre 2024, en leurs observations orales, les conseils de la société towerCast, le représentant de l'Autorité de la concurrence, les conseils des sociétés TDF et Tivana et le représentant du ministre chargé de l'économie ;
1.Par un arrêt du 27 juin 2024, tirant les conséquences d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union du 16 mars 2023, en réponse à la question préjudicielle qu'elle lui avait soumise (C-449/21), la Cour a annulé la décision de l'Autorité de la concurrence n° 20-D-01 du 16 janvier 2020 relative à une pratique mise en oeuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre. Elle a, en outre, renvoyé l'affaire à l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») pour instruction complémentaire, puis dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
2.Estimant que deux interprétations de cet arrêt sont envisageables quant à la portée du renvoi de l'affaire à l'Autorité et que les incertitudes en découlant sur la suite de la procédure doivent impérativement être levées, la société towerCast (ci-après « Towercast ») a saisi la Cour d'une requête en interprétation dudit arrêt, sur le fondement de l'article 461 du code de procédure civile, parallèlement à la formation d'un pourvoi contre celui-ci.
3.À l'appui de sa requête en interprétation, Towercast prétend que ce renvoi :
' soit, se limite à un renvoi pour instruction complémentaire par les services d'instruction de l'Autorité, auquel cas la Cour resterait saisie de l'affaire au fond et serait ainsi amenée à statuer sur le grief déjà notifié, une fois en possession des éléments complémentaires sollicités ;
' soit, au contraire, ne se limite pas à un renvoi pour instruction complémentaire par lesdits services, mais tend, après la clôture de ladite instruction, à un renvoi de l'examen du grief au collège de l'Autorité, en vue de l'adoption d'une nouvelle décision par celui-ci, auquel cas la Cour se serait dessaisie de l'affaire au fond et aurait ainsi mis fin à l'instance de recours contre la décision n° 20-D-01, précitée.
4.Partant du postulat qu'en cas d'instruction insuffisante, la Cour renvoie l'affaire à l'Autorité pour que cette dernière statue définitivement sur les griefs notifiés, Towercast se demande si, en l'espèce, la Cour en a décidé ainsi dans la mesure où, après avoir constaté l'applicabilité de l'effet dévolutif du recours, elle a renvoyé l'affaire à l'Autorité « pour instruction complémentaire » et réservé les dépens, ce dont le requérant déduit que la première interprétation, susvisée, s'impose, la Cour ayant ainsi entendu circonscrire le renvoi à l'Autorité uniquement à une mesure d'instruction, portant sur les points précisés au paragraphe 68 de l'arrêt, sans se dessaisir de l'affaire au fond.
5.En conséquence, elle demande à la Cour d'interpréter le dispositif de l'arrêt du 27 juin 2024 afin :
' d'une part, de préciser si le renvoi prononcé par la Cour se limite à une mesure d'instruction complémentaire de l'Autorité, sans dessaisissement de la Cour au fond, ou s'il appartiendra à l'Autorité de statuer elle-même sur le grief notifié et ;
' d'autre part, de dire si le renvoi implique ou non la clôture de la procédure devant la Cour.
6.En réplique, elle fait valoir, notamment, que le code de procédure civile ne prescrit aucun formalisme particulier pour les arrêts avant dire droit et que l'absence, dans l'arrêt du 27 juin 2024, des mentions invoquées par les intervenantes volontaires, telles que celles du sursis à statuer, ne saurait déterminer la qualification de cet arrêt, ce qui contribuerait à l'ambiguïté du dispositif et justifierait son interprétation.
7.Par un courriel du 17 septembre 2024, la Cour a invité l'ensemble des participants à la procédure à déposer des observations écrites sur le point de savoir s'il y a lieu à interprétation de l'arrêt du 27 juin 2024.
8.En réponse, l'Autorité considère, en premier lieu, que cet arrêt ne présente aucune ambiguïté de nature à justifier l'interprétation sollicitée par Towercast. À cet égard, elle estime qu'à la lumière des motifs, le dispositif de l'arrêt ne peut se comprendre, au contraire, que comme ayant opéré un dessaisissement de la Cour.
9.À l'appui de cette lecture de l'arrêt, elle part du postulat que lorsque la Cour annule la décision attaquée et que cette annulation est sans incidence sur la notification des griefs et sa propre saisine, cette juridiction dispose d'une alternative, consistant, soit à vérifier elle-même la licéité de la pratique reprochée, soit à renvoyer l'affaire pour instruction complémentaire si elle estime ne pas disposer des éléments lui permettant d'effectuer cette analyse, et que dans l'un ou l'autre cas de figure, des mesures d'instruction complémentaires peuvent être décidées par la Cour : dans le premier cas, en recourant à des mesures avant dire droit, prévues aux articles 143 et suivants du code de procédure civile, lesquelles, en vertu des articles 482 et 483, ne dessaisissent pas le juge ; dans la second cas, en renvoyant l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire.
10.À l'aune de ces principes, elle estime qu'en l'espèce, la motivation de l'arrêt ne laisse aucun doute sur le fait que la Cour a renvoyé l'affaire à l'Autorité pour une nouvelle décision.
11.Elle fait valoir, en ce sens, tout d'abord, que la Cour, après avoir constaté la nécessité de compléter l'instruction, a clairement opté pour le renvoi. À cet égard, elle observe que les mesures d'instruction substantielles et non exhaustives, indiquées au paragraphe 68 de l'arrêt, justifient amplement le recours aux pouvoirs et moyens qu'elle seule détient, en vertu des dispositions de l'article L. 450-1 du code de commerce.
12.Elle relève, en outre, que l'arrêt ne revêt pas les formes d'une décision avant dire droit, son dispositif n'ordonnant aucune mesure d'instruction répondant aux prescriptions des articles 143 et suivants et 232 à 284 du code de procédure civile.
13.Quant à la mention, dans le dispositif, de la réserve des dépens, elle la considère insuffisante pour faire prévaloir l'interprétation soutenue par Towercast.
14.Elle fait valoir, en second lieu, que l'interprétation soutenue par cette requérante conduirait à une modification du dispositif de l'arrêt, en vue de préciser le périmètre, les modalités et le calendrier de l'instruction complémentaire, ce qui modifierait les obligations lui incombant (à l'Autorité) et excéderait ainsi l'office du juge dans le cadre de l'article 461 du code de procédure civile.
15.Elle en conclut que la requête en interprétation de Towercast ne saurait prospérer.
16.Les sociétés TDF et Tivana (ci-après « TDF et Tivana ») développent des observations similaires.
17.Elles font plus particulièrement valoir, en premier lieu, que l'arrêt du 27 juin 2024 ne renferme aucune forme d'ambiguïté qui rendrait son exécution incertaine. En effet, il ne ferait aucun doute que la Cour a renvoyé l'entier dossier à l'Autorité et s'en trouve donc dessaisie.
18.À l'appui de cette thèse, elles considèrent, tout d'abord, que l'interprétation soutenue par Towercast supposerait que ledit arrêt constitue un arrêt avant dire droit et mentionne en conséquence, dans son dispositif, un sursis à statuer, ce qui n'est pas le cas.
19.Elles prétendent, en outre, que, dans ses motifs, l'arrêt fait systématiquement référence à un renvoi « de l'affaire » dans son entier, et non à une simple mesure d'instruction complémentaire, c'est-à-dire à une sorte de mesure d'expertise qui serait « déléguée » à l'Autorité avant un retour devant la Cour. À cet égard, elles indiquent qu'il ne saurait être tiré des motifs de l'arrêt sur la portée de l'effet dévolutif du recours que la Cour ait entendu se prononcer sur le grief notifié, à l'issue de l'instruction complémentaire de l'Autorité, celle-ci ayant précisé, prétendument avant même de faire jouer l'effet dévolutif du recours, qu'elle devait vérifier si elle disposait d'éléments suffisants pour statuer sur le grief notifié ou s'il convenait de renvoyer l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire.
20.Enfin, elles considèrent que la décision de la Cour sur les dépens est sans incidence sur son propre dessaisissement, par l'effet du renvoi devant l'Autorité, et citent en ce sens deux cas dans lesquels la Cour a renvoyé l'affaire pour instruction complémentaire, tout en réservant les dépens, ce qui aurait donné lieu à l'adoption d'une nouvelle décision par l'Autorité (arrêts du 13 mars 2007 dans l'affaire Brenntag et du 24 septembre 2002 dans l'affaire Mediavision). Sur ce point, elles rappellent que la Cour réserve les dépens lorsqu'aucun grief n'a été notifié aux entreprises et qu'elle renvoie à l'Autorité l'instruction des pratiques dénoncées par la partie plaignante : dans ce cas de figure, par hypothèse, l'effet dévolutif ne peut pas jouer et la Cour doit renvoyer l'affaire pour instruction à l'Autorité, dont elle se trouve totalement dessaisie.
21.Elles déduisent de l'ensemble de ces éléments qu'il n'existe aucune ambiguïté sur le sens et la portée de l'arrêt, à savoir que la Cour a renvoyé l'entier dossier à l'Autorité, non seulement pour procéder à une instruction complémentaire, mais également pour décider de la suite à donner à celle-ci, de sorte que les services d'instruction pourront soit maintenir le grief, soit en notifier un nouveau, soit proposer de l'abandonner dans le rapport.
22.Elles soutiennent, en second lieu, tout d'abord, que, sous prétexte d'une prétendue ambiguïté de l'arrêt, Towercast tente de convaincre la Cour de modifier le dispositif de celui-ci, en ajoutant a minima que celle-ci a statué avant dire droit et qu'elle a sursis à statuer dans l'attente de la mesure d'instruction complémentaire. Elles prétendent, en outre, que l'interprétation soutenue par Towercast, qui reviendrait à introduire une troisième voie inédite ' s'ajoutant aux deux voies alternatives seules envisageables (soit un arrêt au fond de la Cour sur le grief, soit le renvoi de l'entière affaire à l'Autorité) ' n'a jamais été discutée contradictoirement et n'est pas évoquée par la Cour dans son arrêt. Elles observent, enfin, qu'aucun texte ne prévoit la possibilité pour la Cour de procéder à un renvoi à l'Autorité, uniquement pour obtenir de sa part une instruction complémentaire, avant que la Cour ne se prononce sur le grief notifié, et que le code de commerce ne prévoit pas davantage la possibilité pour les services d'instruction de l'Autorité de transmettre à la Cour une notification des griefs complémentaire ou un rapport complémentaire, de tels documents ne pouvant être transmis qu'au collège.
23.Elles en concluent qu'il n'y a pas lieu d'interpréter l'arrêt du 27 juin 2024 et que l'interprétation proposée par Towercast ne peut qu'être rejetée puisqu'elle reviendrait à modifier le dispositif de cet arrêt.
24.Quant au ministre chargé de l'économie, il considère que les motifs et le dispositif de l'arrêt sont clairs, mais qu'il apparaît opportun, dans un souci de bonne administration de la justice, de préciser la portée du renvoi à l'Autorité. Il explique qu'il convient de distinguer deux cas de figures, à savoir :
' d'une part, celui où la Cour renvoie l'affaire à l'instruction lorsque cette dernière est jugée insuffisante, ce qui implique qu'une nouvelle décision sur les poursuites soit prise par l'Autorité ;
' d'autre part, celui où la Cour, usant de son pouvoir d'évocation, estime être insuffisamment informée et considère n'avoir ni les moyens, ni les pouvoirs de procéder à l'instruction, ce qui la conduit à ordonner des mesures d'instruction complémentaires.
25.Il estime que ce dernier cas de figure correspond à celui de l'espèce. En ce sens, il relève que, dans son arrêt du 27 juin 2024, la Cour n'a pas critiqué l'instruction initiale, mais s'est bornée à considérer que l'instruction s'est avérée incomplète après le nouvel état du droit dégagé par la Cour de justice de l'Union dans son arrêt préjudiciel du 16 mars 2023. Il renvoie sur ce point au paragraphe 66 de l'arrêt de la Cour : il y est explicitement mentionné qu'une instruction complémentaire se justifie par la nécessité d'examiner « l'évolution réelle du marché », permettant ainsi de corroborer ou non le constat selon lequel « la pratique en cause avait la capacité effective et concrète, lorsqu'elle a été mise en oeuvre, de produire un effet d'éviction, en rendant plus difficile la pénétration ou le maintien de concurrents ». Il déduit de la lecture des motifs et du dispositif de l'arrêt que la Cour a ordonné des mesures d'instruction complémentaires ' décision n'ayant pas vocation à la dessaisir' aux fins d'obtenir des « éléments suffisants pour statuer sur le grief notifié ». Il indique qu'au terme de ces mesures complémentaires, l'affaire reviendra à la Cour en vertu de l'effet dévolutif du recours, puisqu'il ne s'agit pas d'un renvoi à l'instruction « aux fins de la poursuivre », ce qui supposerait que l'Autorité statue sur le bien-fondé des poursuites et ait la possibilité de conclure au non-lieu. L'instance étant ainsi suspendue dans l'attente de l'accomplissement des mesures d'instruction complémentaires, il estime justifié de réserver les dépens.
Sur ce, la Cour :
26.Aux termes de l'article 461 du code de procédure civile, « il appartient à tout juge d'interpréter sa décision ».
27.L'existence d'un pourvoi en cassation ne retire pas aux juges ayant rendu la décision frappée du pourvoi la possibilité de l'interpréter (voir, en ce sens, notamment, Com. 4 oct. 1983, pourvoi n° 82-13.917, Bull. n° 252).
28.Si les juges ne peuvent, sous couvert d'interprétation, modifier les dispositions précises de leurs décisions, ainsi que les droits et obligations des parties, il leur appartient, en vertu de l'article 461 précité, d'en fixer le sens lorsqu'elles donnent lieu à quelques doutes ou à des lectures différentes (voir notamment, Civ. 2ème, 16 juillet 1980, Bull. n° 185 ; Civ. 1ère, 2 avril 2008, Bull. n° 98 ; Civ. 3ème, 2 juin 2015, pourvoi n° 14-15.043).
29.En l'espèce, force est de constater que les dispositions de l'arrêt du 27 juin 2024, par lesquelles la Cour a renvoyé l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire, font l'objet, quant à leur portée, de lectures différentes. En effet, tandis que Towercast et le ministre chargé de l'économie comprennent ces dispositions comme se bornant à un renvoi à l'Autorité pour instruction complémentaire, sans dessaisissement au fond de la Cour, en revanche, l'Autorité, TDF et Tivana en déduisent un renvoi de l'entier dossier à l'Autorité, non seulement pour procéder à une instruction complémentaire, mais également pour décider de la suite à donner à celle-ci, par l'adoption d'une nouvelle décision, de sorte que la Cour se trouverait dessaisie au fond.
30.Il y a donc lieu d'interpréter le chef du dispositif de l'arrêt par lequel la Cour a renvoyé l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire.
31.Pour ce faire, il importe de rappeler les motifs de l'arrêt qui se rapportent à ce chef de dispositif.
32.Ainsi, après avoir précisé la portée du principe de l'effet dévolutif du recours contre une décision de l'Autorité, telle que dégagée par la jurisprudence, l'arrêt en déduit ' en l'absence d'incidence de l'annulation de la décision attaquée sur la validité de la notification du grief et de sa propre saisine ' qu'il appartient, en principe, à la Cour de statuer en fait et en droit sur le grief notifié (paragraphes 56 à 58 de l'arrêt). L'arrêt relève qu'il convient, néanmoins, d'examiner si la Cour dispose, en l'état du dossier, d'éléments suffisants pour statuer sur le grief notifié ou s'il est nécessaire de renvoyer l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire (paragraphe 60). Il retient qu'à la lumière des développements de la jurisprudence européenne sur le standard de preuve applicable en matière d'abus de position dominante, il convient de renvoyer l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire, afin d'analyser plus particulièrement certains points qu'il précise (paragraphes 61 à 68).
33.Ce faisant, la Cour, qui ne dispose ni des pouvoirs, ni des moyens de procéder à l'instruction d'une saisine de l'Autorité, dans les conditions prévues par les dispositions de articles L. 450-1 et suivants du code de commerce, s'est bornée à renvoyer l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire, estimant ne pas être immédiatement en mesure, en l'état du dossier, de statuer sur le grief notifié, en pleine connaissance de cause.
34.Par ce renvoi, la Cour n'a pas entendu se dessaisir de l'affaire au fond, mais seulement différer sa décision sur le fond, dans l'attente des résultats de l'instruction complémentaire confiée à l'Autorité, ce qui explique qu'elle a réservé les dépens, comme dans le cadre d'une mesure d'expertise.
35.En décider autrement, en renvoyant l'entier dossier à l'Autorité, afin qu'elle statue à nouveau sur le grief notifié, aurait méconnu le principe de l'effet dévolutif du recours, comme en témoigne la cassation totale, pour ce motif, d'un arrêt qui, après avoir annulé une décision de non-lieu du Conseil de la concurrence, a renvoyé l'affaire devant celui-ci « pour qu'il soit à nouveau statué » (sur le bien-fondé du grief notifié) et a prononcé une condamnation aux dépens (Com. 27 septembre 2005, Bull. n° 181). À cet égard, contrairement à ce que suggèrent TDF et Tivana, la situation litigieuse ne saurait être assimilée à celle où la Cour statue sur un recours contre une décision de rejet de plainte pour défaut d'éléments suffisamment probants (comme dans l'affaire Mediavision), le principe de l'effet dévolutif n'ayant pas vocation à jouer dans ce cas de figure, en l'absence de toute notification de grief.
36.Par ailleurs, TDF et Tivana sont mal fondées à soutenir que cette interprétation de l'arrêt du 27 juin 2024 serait contraire au principe du contradictoire. En effet, tous les participants à la procédure ont été précisément invités, lors de l'audience de procédure du 23 mai 2023, à s'exprimer par écrit, avant l'audience du 2 mai 2024, sur les conséquences à tirer de l'éventuelle annulation de la décision attaquée, en particulier sur l'éventuel renvoi de l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire, ainsi que sur l'incidence du statut procédural de TDF et Tivana, ce que les participants à la procédure ont effectué en développant une argumentation substantielle, rappelée par la Cour dans son arrêt du 27 juin 2024 (voir, notamment, paragraphes 32, 38 et 39).
37.Cette interprétation de l'arrêt du 27 juin 2024 n'implique pas de modifier son dispositif, en ajoutant des mentions relatives au sursis à statuer, rappelant le périmètre de l'instruction complémentaire (déjà indiqué au paragraphe 68 de l'arrêt) ou fixant un calendrier à celle-ci.
38.Il convient donc d'interpréter le dispositif de l'arrêt du 27 juin 2024, par lequel la Cour a renvoyé l'affaire à l'Autorité pour instruction complémentaire, en ce sens que cette juridiction lui a renvoyé l'affaire pour les seuls besoins de l'instruction complémentaire, selon les modalités précisées au paragraphe 68 dudit arrêt, sans se dessaisir de l'affaire au fond, de sorte que la procédure se poursuivra devant la Cour une fois l'instruction complémentaire achevée, afin que celle-ci statue sur le bien-fondé du grief notifié.
39.Il convient, en outre, de rejeter les demandes de TDF et Tivana au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de laisser les éventuels dépens de la présente procédure en interprétation à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement,
Vu l'article 461 du code de procédure civile ;
DIT qu'il y a lieu d'interpréter le chef de dispositif de l'arrêt du 27 juin 2024, par lequel la cour d'appel de Paris a renvoyé l'affaire à l'Autorité de la concurrence pour instruction complémentaire ;
DIT que ce chef de dispositif doit être interprété en ce sens que la cour d'appel de Paris a renvoyé l'affaire à l'Autorité de la concurrence pour les seuls besoins de l'instruction complémentaire, selon les modalités précisées au paragraphe 68 dudit arrêt, sans se dessaisir de l'affaire au fond, de sorte que la procédure se poursuivra devant ladite cour une fois l'instruction complémentaire achevée, afin que celle-ci statue sur le bien-fondé du grief notifié ;
DIT qu'il sera fait mention de cette interprétation en marge de la minute de l'arrêt du 27 juin 2024, ainsi que des expéditions qui en seront délivrées ;
REJETTE les demandes des sociétés TDF et Tivana au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les éventuels dépens de la procédure en interprétation à la charge du trésor public.