Livv
Décisions

CA Orléans, ch. com., 26 septembre 2024, n° 23/00489

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BGL BNP PARIBAS (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

MM. CHEGARAY

Conseillers :

MM. CHENOT, M. DESFORGES

Avocat :

SCP LAVAL-FIRKOWSKI-DEVAUCHELLE

TOURS, du 20 sept. 2022

20 septembre 2022

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le 26 SEPTEMBRE 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile .

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Exposant avoir consenti à M. [V] [J] un prêt étudiant en trois tranches de 6500 euros le 10 mars 2016, 3407 euros le 8 novembre 2016, et 3250 euros le 18 juillet 2007, mais n'avoir pu obtenir le moindre remboursement en dépit de ses mises en demeure, et faisant par ailleurs état du solde débiteur d'un compte courant, la société BGL BNP Paribas a fait assigner M. [V] [J] devant le tribunal judiciaire de Tours, par acte du 27 novembre 2021, en sollicitant principalement sa condamnation à lui payer les sommes de 13'324,51 euros au titre du prêt étudiant non réglé et de 2638,22 euros au titre du compte courant débiteur, outre intérêts au taux légal luxembourgeois de 2 % à compter du 18 juin 2021 et capitalisation des intérêts.

Par jugement du 20 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Tours a débouté la société BGL BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes et condamné celle-ci aux dépens.

La société BGL BNP Paribas a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 14 février 2023 signifiée à la personne de M. [V] [J] le 4 avril 2023, critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses conclusions notifiées au domicile de M. [V] [J] suivant acte du 15 mai 2023, la société BGL BNP Paribas demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.224-1 et suivants du code de la consommation luxembourgeois,

Vu les dispositions des articles 1134 et suivants du code civil luxembourgeois,

Vu les dispositions des articles 2277 et suivants du code civil luxembourgeois,

Vu les dispositions des articles 902 et suivants du code de procédure civile ,

- dire et juger la demande de la société BGL BNP Paribas recevable et bien fondée,

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 20 septembre 2022, en ce qu'il a débouté la société BGL BNP Paribas de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens,

Et statuant à nouveau :

- condamner M. [V] [J] à verser à la société BGL BNP Paribas la somme en principal de 13.381,78 euros au titre du prêt étudiant non réglé, montant arrêté au 31 juillet 2022,

- condamner M. [V] [J] à verser à la société BGL BNP Paribas la somme en principal de 2.658,22 euros au titre du compte courant débiteur, montant arrêté au 30 septembre 2022,

- dire et juger que ce montant portera intérêts au taux légal luxembourgeois de 2 % à compter du 18 juin 2021, date de première mise en demeure,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil luxembourgeois,

- condamner M. [V] [J] à verser à la société BGL BNP Paribas la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

- le condamner aux entiers frais et dépens de la présente instance,

- déclarer la décision à intervenir exécutoire par provision.

M. [V] [J] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l'appelante, il convient de se reporter à ses écritures.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2024. L'affaire a été plaidée le 27 juin suivant et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS :

Sur la loi applicable :

La société BGL BNP Paribas sollicite l'application de la loi luxembourgeoise en se référant à un document interne intitulé « conditions générales de banque ».

Il incombe au juge français, saisi d'une demande d'application d'un droit étranger, de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l'aide des parties, et de l'appliquer ( Civ 1re, 28 juin 2023, nº22-18.281 ; Civ 1re , 27 septembre 2023, nº22-15.146 ; Com 22 janv 2008, nº06-18.822).

Au cas présent la société BGL BNP Paribas ne justifie pas d'un accord des parties sur le droit applicable. En effet les conditions générales qu'elle verse à l'appui de sa demande d'application de la loi luxembourgeoise en visant leur article 36 en ce qu'il prévoit l'application du droit luxembourgeois dans les rapports entre les parties, n'ont pas été contresignées par M. [V] [J], et il n'en est fait nullement mention dans le contrat signé par celui-ci.

Il résulte néanmoins de la combinaison des articles 6 et 19 du règlement CE nº593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), que la loi qui régit le contrat de consommation que constitue le prêt litigieux est bien celle du pays dans lequel M. [V] [J] avait sa résidence habituelle au moment de sa conclusion, soit le Luxembourg, ainsi qu'il ressort des pièces produites par l'appelante.

Il sera donc fait application de la loi luxembourgeoise.

Sur le bien-fondé de la demande :

L'article 18 du règlement CE nº593/2008 précité dispose relativement à la charge de la preuve que la loi régissant l'obligation contractuelle en vertu du règlement s'applique dans la mesure où, en matière d'obligations contractuelles, elle établit des présomptions légales ou répartit la charge de la preuve.

Selon l'article 1315 du code civil luxembourgeois, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Ainsi que l'a constaté le premier juge à la lecture des pièces produites par la société BGL BNP Paribas, il est suffisamment établi que cette banque a consenti à M. [V] [J] un prêt étudiant d'un montant initial de 6500 euros en date du 10 mars 2016, ce premier déblocage ayant été complété par une somme de 3407 euros suivant avenant du 8 novembre 2016 , puis de 3250 euros par avenant du 18 juillet 2017 tel que prévu par le contrat initial, lequel faisait état d'un prêt global pour études supérieures accordé par tranches successives et échelonné sur les années d'études.

La demanderesse a ainsi prêté à M. [V] [J] la somme totale de 13'157 euros.

Suivant l'article 2 du contrat initial, les sommes prêtées « port[ent] intérêts à compter du jour du prêt au profit de la banque au taux interbancaire prêteur 6 mois augmenté d'une marge de 0,50 % p.a soit actuellement 0,50 % l'an. Ce taux sera ajusté selon la variation du taux interbancaire prêteur six mois aux 30 juin et 31 décembre de chaque année ».

L'article 3 stipule que les intérêts échoient et sont payables semestriellement les 30 juin et 31 décembre de chaque année, les intérêts non payés aux échéances étant ajoutés au principal et portant de plein droit et sans mise en demeure intérêts au profit de la banque au taux du prêt.

S'agissant du remboursement du prêt, l'article 5 prévoit : « deux ans au plus tard après la fin de l'arrêt de ces études toutes les tranches successives seront consolidées avec intérêts et accessoires en un prêt unique soit au 30 juin soit au 31 décembre de l'année. Le prêt ainsi consolidé est alors remboursable par versements mensuels, sans que ceux-ci puissent être inférieurs à 25 EUR, s'étalant sur une durée maximale de 10 ans. ».

Enfin l'article 9 autorise la banque à dénoncer le prêt à tout moment et sans préavis, en tout ou en partie soit par exploit d'huissier soit par lettre recommandée, lorsque la partie emprunteuse est en retard de six paiements périodiques.

La société BGL BNP Paribas justifie avoir :

- par courrier du 25 juillet 2019, informé M. [V] [J] de ce que le prêt, représentant le solde débiteur de 13'254,63 euros intérêts non compris à partir du 1er juillet 2019 était entré définitivement en phase de remboursement le 30 juin 2019, et lui avoir demandé d'en faire débuter le remboursement à partir du 20 décembre 2019 au moyen de versements mensuels de 111,61 euros jusqu'au remboursement total, par prélèvement sur son compte courant IBAN [XXXXXXXXXX07] ouvert dans ses livres,

- par courrier recommandé du 18 juin 2021, mis en demeure M. [V] [J] de lui rembourser le solde débiteur du compte courant pour 2638,22 euros, ainsi que le montant du prêt pour 13'306,63 euros, intérêts non compris à partir du 1er avril 2021.

La lecture des extraits du compte IBAN [XXXXXXXXXX08] sur lequel le prêt a été accordé, couvrant la période du 1er juillet 2019 au 30 juin 2022, complétée par celle des extraits du compte courant IBAN [XXXXXXXXXX07] pour la période du 1er janvier 2019 au 30 septembre 2022, permet de confirmer que M. [V] [J] n'a jamais débuté le remboursement de son prêt comme il y avait été invité le 25 juillet 2019, alors que son compte courant était constamment débiteur depuis cette date, de sorte que la banque a pu, conformément à l'article 9 précité, dénoncer le contrat de prêt.

En revanche, à défaut de produire des relevés de comptes antérieurs, la banque ne permet pas plus à la cour qu'au tribunal de vérifier la consistance du solde débiteur de 13'254,63 euros annoncé dans son courrier du 25 juillet 2019 et à partir duquel elle a appliqué des taux d'intérêt pour parvenir au montant de 13'381,78 euros qu'elle réclame aujourd'hui. Il n'est notamment pas permis de connaître les taux applicables et ceux effectivement appliqués étant rappelé que le contrat prévoyait des taux variables semestriellement selon la variation du taux interbancaire, ni de savoir si M. [V] [J] s'est acquitté en tout ou partie des intérêts échus, conformément à l'article 3 susvisé.

En définitive, seul le montant du capital prêté, à savoir 13'157 euros, est suffisamment justifié, de sorte que M. [V] [J] sera, par réformation du jugement déféré, condamné au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal luxembourgeois à compter du 18 juin 2021, date de la mise en demeure, en application de l'article 1153 du code civil luxembourgeois. Les intérêts échus seront capitalisés annuellement à compter du 18 juin 2021, conformément à l'article 1154 du même code.

S'agissant de la demande formée au titre du solde débiteur du compte courant, celle-ci ne pourra qu'être rejetée, à défaut pour la société BGL BNP Paribas de produire une convention d'ouverture de compte permettant de vérifier les conditions contractuelles de son fonctionnement, notamment quant à l'existence d'un éventuel découvert autorisé et aux conditions ainsi qu'aux modalités de résiliation du contrat à l'initiative de la banque. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'établissement bancaire l'intégralité des frais irrépétibles exposés pour les besoins de la présente procédure. M. [V] [J] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et devra en outre payer à la société BGL BNP Paribas la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté la société BGL BNP Paribas de sa demande formée à l'encontre de M. [V] [J] au titre du compte courant débiteur,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne M. [V] [J] à payer à la société BGL BNP Paribas la somme de 13'157 euros, outre intérêts au taux légal luxembourgeois à compter du 18 juin 2021 et capitalisation annuelle desdits intérêts à compter de cette même date en application de l'article 1154 du code civil luxembourgeois,

Condamne M. [V] [J] à payer à la société BGL BNP Paribas la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ,

Condamne M. [V] [J] aux dépens de première instance et d'appel.