Cass. 3e civ., 5 décembre 2024, n° 23-10.575
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Luxury Home Solutions Inc (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. Pety
Avocats :
SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 septembre 2022), par acte des 28 et 30 janvier 2011, M. et Mme [R] (les promettants) ont conclu avec la société Luxury Home Solutions Inc. (la bénéficiaire) une promesse synallagmatique de vente d'un immeuble, moyennant le prix de 1 234 548 euros.
2. Une clause pénale de 185 182 euros était mentionnée à l'acte, lequel prévoyait le versement par les bénéficiaires d'un dépôt de garantie du même montant, somme qui a été remise, en leur nom, par M. [J].
3. L'acte authentique n'ayant pas été signé à la date convenue, la bénéficiaire et M. [J] ont assigné les promettants en constat de la caducité de la promesse et en restitution du dépôt de garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La bénéficiaire et M. [J] font grief à l'arrêt de rejeter la demande de restitution de la somme versée à titre de dépôt de garantie et de la dire définitivement acquise aux promettants, alors « qu'une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime ; qu'en retenant, pour juger que l'obligation pour les vendeurs d'achever les travaux affectant le bien immobilier en cause avant la réitération de la vente par acte authentique n'était pas entrée dans le champ contractuel et ne constituait pas une condition suspensive, que la société Luxury Home Solutions Inc. et M. [J] « ne démontrent pas, devant la cour, l'existence et le contenu » du mandat de M. [T] qui avait évoqué cette obligation dans ses courriels, avant et après le compromis de vente litigieux, sans rechercher, à tout le moins, si la preuve d'un mandat apparent de M. [T] ne résultait pas des courriels que celui-ci avait adressés au représentant légal de la société Luxury Home Solutions Inc. en date des 28 décembre 2010, 14 janvier, 1er mars, 13 octobre, 7 novembre, et 24 et 26 décembre 2011, produits aux débats, dans lesquels M. [T], unique contact de la société Luxury Home Solutions Inc., intervenait pour le compte des époux [R], en signant certains desdits courriels comme « représentant du propriétaire » et en ayant expressément souligné dans l'un deux qu'il écrivait « au nom du propriétaire de l'immeuble », de sorte que la société Luxury Home Solutions avait pu légitimement croire que M. [T] était le mandataire des époux [R] et qu'il s'était ainsi obligé en leur nom à achever les travaux affectant le bien immobilier avant la réitération de la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1984 et 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1984 et 1998 du code civil :
5. Il résulte de ces textes que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
6. Pour rejeter la demande de restitution du dépôt de garantie, l'arrêt retient que, les promettants contestant avoir donné un quelconque mandat à M. [T], consultant immobilier, pour les représenter auprès de la société bénéficiaire, celle-ci aurait dû l'appeler dans la cause pour s'expliquer sur l'existence et la portée de ce mandat.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, dès lors qu'elle ne retenait pas que les activités de M. [T] étaient régies par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet, si les messages électroniques adressés par celui-ci à la bénéficiaire, qui s'en prévalait, et dans lesquels il se présentait comme le mandataire des vendeurs et prenait des engagements en leur nom, notamment sur une date d'achèvement des travaux, ne caractérisaient pas les circonstances d'où pouvait résulter l'apparence d'un mandat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. et Mme [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;