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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 3 décembre 2024, n° 22/04386

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 22/04386

3 décembre 2024

2ème Chambre

ARRÊT N°424

N° RG 22/04386

N° Portalis DBVL-V-B7G-S52N

(Réf 1ère instance : 21/01729)

M. [Z] [P] [L]

C/

M. [J] [T]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me GOSSELIN

- Me GUERIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Octobre 2024

devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Décembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [Z] [L]

né le 09 Juillet 1971 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [J] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Sabrina GUERIN de la SELAS GUERIN TREMOUREUX MARTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE

Suivant déclaration de cession du 30 juin 2019, M. [Z] [L] a, moyennant le prix de 8 400 euros, acquis auprès de M. [J] [T] un véhicule d'occasion de marque BMW de type Série 3, mis en circulation en mai 2013 et affichant au compteur un kilométrage de 321 162 km.

Le 17 juillet 2019, le véhicule a subi une panne entraînant son immobilisation.

Une expertise extrajudiciaire a été réalisée le 18 septembre 2019 à l'initiative de l'assureur de protection juridique de M. [Z] [L], en la présence d'un expert mandaté par l'assureur de protection juridique de M. [J] [T].

Un protocole transactionnel a été rédigé mais n'a pas été approuvé par M. [J] [T].

Se prévalant du rapport de l'expert amiable mandaté par son assureur, concluant à une avarie de la boîte de transfert dont l'origine serait antérieure à la vente et nécessitant son remplacement, M. [L] a, par acte du 9 mars 2021, fait assigner M. [J] [T] devant le tribunal judiciaire de Rennes en réduction du prix de vente pour vice caché et paiement de dommages-intérêts.

Estimant que n'était pas rapporté la preuve que la panne ait pour origine un vice caché, le premier juge a, par jugement du 13 juin 2022 :

- rejeté l'ensemble des demandes de M. [Z] [L], ainsi que la demande de dommages et intérêts de M. [J] [T],

- condamné M. [Z] [L] aux dépens, ainsi qu'à verser à M. [J] [T] une indemnité de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

M. [Z] [L] a relevé appel de ce jugement le 11 juillet 2022.

Par ordonnance du 10 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile les conclusions déposées le 11 avril 2024 sur le réseau privé virtuel des avocats par M. [J] [T],

- déclaré en conséquence, celui-ci irrecevable en son appel incident,

- condamné M. [J] [T] à verser à M. [Z] [L] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [T] aux dépens de l'incident.

En l'état de ses dernières conclusions du 11 mai 2024, M. [Z] [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué et le déclarer recevable et bien fondé en son action, ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement et juger que le véhicule immatriculé [Immatriculation 6] est affecté d'un vice caché antérieur à la vente et le rendant impropre à sa destination,

- infirmer le jugement et prononcer la réduction du prix de la vente conclu le 30 juin 2019,

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à restituer à M. [Z] [L] le prix de 4 182,64 euros,

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à payer les frais d'immobilisation du véhicule immatriculé [Immatriculation 6],

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à payer à M. [Z] [L] la somme de 436,76 euros au titre des frais d'immatriculation,

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à payer à M. [Z] [L] la somme à parfaire de 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait règlement,

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à payer à M. [Z] [L] la somme à parfaire de 362,89 euros au titre des cotisations d'assurance, avec intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait règlement,

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à payer à M. [Z] [L] la somme à parfaire de 2 000 euros au titre de la résistance abusive, avec intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait règlement,

- infirmer le jugement et ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal, à compter de l'assignation, sur l'intégralité des sommes dues jusqu'à parfait règlement,

- débouter M. [J] [T] de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris en cause d'appel,

- infirmer le jugement et condamner M. [J] [T] à payer à M. [Z] [L] la somme à parfaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, avec intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait règlement et aux entiers dépens de première instance,

- condamner M. [J] [T] à payer à M. [Z] [L] la somme à parfaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, avec intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu'à parfait règlement et aux entiers dépens, au titre de la procédure d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par M. [L], l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 septembre 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, la cour, lorsque l'intimé ne conclut pas, ne peut faire droit à la demande que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

M. [L] fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande en considérant qu'il résultait des pièces du dossier que la défaillance de la boîte de transfert ne revêtait pas un caractère anormal, mais procédait de l'usure, alors qu'il produisait un rapport d'expertise établissant que le véhicule était affecté de multiples vices, ce qui était, selon lui, corroborer par le rapport d'expertise produit par M. [T].

M. [L] qui sollicite la réduction du prix de vente, outre le paiement des frais exposés après la vente, exerce l'action régie par les articles 1641 et suivants du code civil, et doit démontrer que le véhicule était atteint lors de la vente d'un défaut caché le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné ou qui en diminue tellement cet usage qu'elle ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un moindre prix s'il l'avait connu.

A l'appui de ses prétentions, M. [L] produit un rapport d'expertise extrajudiciaire établi le 1er octobre 2019 à sa demande par M. [C], expert mandaté par son assureur de protection juridique.

Il ressort de ce rapport que les constatations ont été réalisées le 18 septembre 2019 au contradictoire de M. [T] qui était représenté par M. [M], son propre expert mandaté par son assureur de protection juridique, mais que celui-ci ayant lui-même établi un rapport contredisant l'avis du premier expert, il en résulte que M. [T] ne saurait être regardé comme ayant accepté M. [C] comme expert.

Ce rapport d'expertise extrajudiciaire n'est certes pas dépourvu de toute force probante, mais il est cependant de principe que la seule expertise extrajudiciaire produite par M. [L] ne saurait suffire à prouver le bien fondé de ses prétentions si l'avis de cet expert n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve.

Selon l'avis technique de M. [C] 'le véhicule est affecté d'une avarie sur la boîte de transfert, le diagnostic effectué par les Ets B57 huit jours après la panne immobilisant du véhicule a révélé trois défauts :

Un écart non admissible de la vitesse roue avec le régime de la sortie boîte et la vitesse de rotation de la turbine.

Régime de la sortie de boîte et vitesse roue, écart non admissible.

Boîte de transfert, usure d'huile.

Les deux premiers défauts datent du jour de la panne, le 3ème défaut d'usure d'huile a été mémorisé le 7 mars 2019 à 294 690 km, soit plus de trois mois et 26 472 km avant la vente du véhicule.

La boîte de transfert était déjà défectueuse avant la vente du véhicule par M. [T].

La responsabilité de M. [T] est engagée pour avoir vendu un véhicule avec un défaut présent.'

Cependant, il ressort des énonciations du jugement que si le rapport de l'expert de M. [T] constate les mêmes défauts et confirme l'existence d'une panne immobilisante, son analyse est radicalement divergente quant à ses causes ou son origine.

En effet, dans ses conclusions reproduites dans les motifs du jugement, ce rapport fait l'analyse suivante :

'M. [L], propriétaire actuel du véhicule a parcouru 2 438 km depuis l'achat du 30 juin 2019 à 312 162 km, confirmant qu'au moment de la vente le véhicule fonctionnait normalement.

En l'état actuel des constatations, sans démontage complet de la boîte de transfert en vue de rechercher l'origine de la panne, nous ne pouvons nous prononcer quant à l'antériorité.

La panne aujourd'hui immobilisante s'est manifestée à 323 600 km, sur un plan technique elle n'est pas considérée comme anormale du fait que nous estimons une durée de vie moyenne de cet organe mécanique à environ 300 000 km.

De plus, le constructeur ne préconise aucun entretien sur l'élément endommagé et les pneumatiques ont toujours été remplacés par M. [T] dans le respect des préconisations pour les véhicules 4 roues motrices.'

Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, le premier rapport fourni par M. [L] confirme également qu'il n'existe 'aucune préconisation du constructeur sur la vidange de la boîte de transfert (et qu') aucun système d'avertissement au conducteur (n') est prévu en cas d'anomalie sur la boîte de transfert.'

M. [L] soutient cependant que le défaut lié à l'usure de l'huile dans la boîte de transfert est apparu pour la première fois le 7 mars 2019, plus de trois mois avant la vente.

Cet élément ne saurait cependant suffire à caractériser l'existence d'un vice caché antérieur à la vente, dès lors qu'il ressort des conclusions de l'expert de M. [T] reproduites dans les motifs du jugement qu' 'il s'agit d'un défaut momentanément présent qui ne déclenche aucune information au conducteur (pas de voyant allumé) ; la première apparition du défaut date du 7 mars 2019 à 294 690 km et la dernière le 25 juillet 2019 à 323 600 km.'

M. [L], sur lequel pèse la charge de la preuve de l'antériorité du vice, ne démontre pas que le défaut affectant la boîte de transfert était antérieur à la vente, l'expert de M. [T] notant que 'sans démontage complet de la boîte de transfert en vue de rechercher l'origine de la panne, nous ne pouvons nous prononcer quant à l'antériorité.'

C'est donc par d'exacts et pertinents motifs que le premier juge a estimé que :

la défaillance de la boîte de transfert ne revêtait pas un caractère anormal au regard de l'important kilométrage du véhicule, mais correspondait au contraire à la durée de vie moyenne de cet élément mécanique et à une usure normale,

les deux rapports d'expertise confirment de la part de M. [T] un entretien régulier du véhicule auprès d'un concessionnaire de la marque et avec le remplacement régulier des quatre pneumatiques, ce qui conforte l'existence d'une usure normale de la pièce litigieuse,

le véhicule a été acquis avec un fort kilométrage équivalent à une moyenne de l'ordre de 53 500 km par an, ce qui est élevé et correspond à un usage intensif, rendant plus probable la nécessité de renouveler des pièces mécaniques plus coûteuses qu'un simple entretien courant.

Il n'est dès lors pas démontré que la défaillance de la boîte de transfert résulterait bien d'un vice rédhibitoire antérieur à la vente, et non d'un phénomène normal d'usure accentué par un usage intensif du véhicule.

Il n'est donc pas démontré que le véhicule litigieux était atteint au moment de la vente d'un vice caché rendant le véhicule impropre à sa destination, et c'est dès lors à juste titre que le premier juge a rejeté l'ensemble des prétentions de M. [L] sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Il convient donc de confirmer en tous points le jugement attaqué.

M. [L], qui succombe en appel, conservera la charge des dépens exposés devant la cour, sans qu'il ne puisse prétendre à être indemnisé au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes ;

Condamne M. [Z] [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT