CA Rouen, ch. premier président, 4 décembre 2024, n° 24/00074
ROUEN
Ordonnance
Autre
N° RG 24/00074 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JZQV
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 4 DECEMBRE 2024
DÉCISION CONCERNÉE :
Décision rendue par le président du tribunal judiciaire du Havre en date du 27 août 2024
DEMANDERESSES :
SARL ESPRIT DE FAMILLE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre
SCI LA FAMILIALE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre
DÉFENDEURS :
Monsieur [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
Madame [X] [L] épouse [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
Madame [S] [W] épouse [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
Monsieur [T] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
DÉBATS :
En salle des référés, à l'audience publique du 13 novembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 décembre 2024, devant Erick TAMION, président de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier
DÉCISION :
Contradictoire
Prononcée publiquement le 4 décembre 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signée par M. TAMION, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sci LA FAMILIALE est propriétaire sur le territoire de la commune de La Cerlangue (76) d'un ensemble immobilier aménagé en trois gîtes qui sont exploités par la Sarl ESPRIT DE FAMILLE, sous le nom commercial de « La Familiale ». Cet ensemble, situé dans un hameau isolé de la commune, est entouré par les propriétés de Mme [X] [L] épouse [G], M. [Y] [G] et Mme [S] [W] veuve [D] qui y demeurent.
Se plaignant notamment de bruits liés à l'exploitation des gîtes de La Familiale ces derniers ont agi en justice.
C'est ainsi que par ordonnance de référé contradictoire du 27 août 2024 la présidente du tribunal judiciaire du Havre a, notamment et principalement avec exécution provisoire de droit,
- enjoint conjointement à la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE, dans le mois de la décision à intervenir et, au-delà, sous astreinte provisoire de
100 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de deux mois de :
* limiter l'activité des gîtes de la propriété située [Adresse 2] à la seule destination « habitation », avec la suppression de la mention, sur tous les sites internet faisant référence au gîte « La Familiale », de la possibilité d'y organiser des événements festifs en tout genre,
* procéder à la pose d'une cloison inamovible entre la salle à manger et le salon du gîte « [7] »,
* limiter le mobilier de chaque gîte à sa capacité d'accueil,
* effectuer les démarches nécessaires auprès du fournisseur d'eau pour adapter le réseau au nombre de personnes accueillies dans les gîtes, sans perturbation pour les riverains desservis en aval,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à M. [Y] [G] à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à Mme [X] [L] épouse [G] à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à Mme [S] [W] veuve [D] à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à M. [T] [Z] à valoir sur la réparation de son préjudice moral, débouté M. [Y] [G] et Mme [X] [L] de leur demande en paiement d'une provision de 1 997,80 euros en réparation de leur préjudice matériel, condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE aux dépens,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer à M. [Y] [G] et Mme [X] [L], Mme [S] [W] et
M. [T] [Z] une indemnité de 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe reçue le 1er octobre 2024, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE ont formé appel de cette décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par acte introductif d'instance délivré le 29 octobre 2024, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE, représentées par leur conseil, ont fait assigner en référé Mme [X] [L] épouse [G], M. [Y] [G], Mme [S] [W] veuve [D] (ci-après les consorts [G], [W] et [D]) devant le premier président de la cour d'appel de Rouen, afin principalement d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre.
A l'audience du 13 novembre 2024, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE, représentés par leur conseil, ont demandé, au soutien de leur acte introductif d'instance, auquel il est renvoyé pour un exposé des moyens, de :
- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre,
subsidiairement,
- ordonner le séquestre des sommes allouées par l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre,
débouter les consorts [G], [W] et [Z] de toutes leurs demandes,
plus subsidiairement,
- réduire à de plus justes proportions les provisions allouées à valoir sur la réparation du préjudice moral prétendu par les consorts [G], [W] et [Z],
- condamner solidairement les consorts [G], [W] et [Z] à payer 1 500 euros à la Sci LA FAMILIALE et 1 500 euros à la Sarl L'ESPRIT DE FAMILLE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les consorts [G], [W] et [Z] aux dépens.
De leur côté, les consorts [G], [W] et [Z], représentés par leur conseil, ont demandé, au soutien de leurs conclusions transmises le 12 novembre 2024, auxquelles il convient également de se reporter pour un exposé des moyens, de :
- déclarer les demandes des sociétés LA FAMILIALE et ESPRIT DE FAMILLE d'arrêt de l'exécution provisoire irrecevables,
- débouter les sociétés LA FAMILIALE et ESPRIT DE FAMILLE de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner solidairement les sociétés LA FAMILIALE et ESPRIT DE FAMILLE à leur payer la somme de 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
Sur l'arrêt de l'exécution provisoire
En droit, l'article 514-3 aliénas 1er et 2 du code de procédure civile dispose :
« En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »
La décision dont il est demandé l'arrêt de l'exécution provisoire a fait l'objet d'un appel comme il a été précisé dans l'exposé de la procédure.
Dès lors il convient d'examiner les deux conditions cumulatives permettant d'accorder l'arrêt de l'exécution provisoire, à savoir l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
C'est à la partie qui sollicite l'arrêt de l'exécution provisoire de rapporter la preuve que ces conditions cumulatives sont réunies.
L'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation
La notion de moyens sérieux d'annulation ou de réformation suppose la démonstration d'une erreur sérieuse de droit ou de fait commise par le premier juge au regard des éléments qui lui ont été soumis, sans qu'il appartienne à la juridiction du premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments des parties que la cour examinera au fond.
Pour justifier l'existence d'un moyen sérieux d'infirmation de l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE font notamment valoir que cette juridiction n'a pas le pouvoir pour décider de modifier une construction immobilière, en leur enjoignant de « procéder à la pose d'une cloison inamovible entre la salle à manger et le salon du gîte [8] ».
Sur ce point les consorts [G], [W] et [Z] estiment, en s'appuyant sur l'article 835 du code de procédure civile, que le juge des référés peut prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au trouble manifestement illicite.
Contrairement à la lecture faite par les consorts [G], [W] et [Z], il apparaît discutable que le juge des référés tiennent de l'article 835 du code de procédure civile la possibilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble, alors que le texte se limite à des mesures conservatoires ou de remise en état, ce qui ne correspondrait pas en l'espèce à l'édification d'une cloison inamovible à l'intérieur du bâti. Le moyen tiré de l'absence de pouvoir en droit apparaît sérieux.
Par ailleurs, le second fondement juridique pouvant être envisagé pour cette injonction relative à la pose d'une cloison inamovible, celui de l'article 834 du code de procédure civile donnant au juge des référés la possibilité d'ordonner toutes les mesures, il est soumis à la condition de ne se heurter à aucune contestation sérieuse. A cet égard la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE font valoir notamment que l'injonction conduit à devoir aménager une pièce sans lien prouvé avec la réalité des nuisances prétendues et sans incidence sur la capacité d'accueil du gîte qui poserait problème.
Les éléments versés aux débats ne permettent pas d'évidence de justifier l'injonction en question, il s'en déduit donc un moyen de fait sérieux.
La première condition est donc remplie.
Les conséquences manifestement excessives
La notion de conséquences manifestement excessives en cas de poursuite de l'exécution provisoire s'apprécie pour les condamnations pécuniaires en particulier par rapport aux facultés de paiement du débiteur, ainsi qu'à celles du créancier, en cas d'infirmation de la décision.
Dans la mesure où les injonctions ordonnées sont susceptibles de générer des frais d'adaptation ou de travaux, dont l'utilité est discutée, alors même qu'ils peuvent s'avérer coûteux, surtout s'ils venaient à être remis en question par le second juge, la notion de conséquences manifestement excessives se trouve donc remplie.
En conséquence tout ce qui précède l'arrêt de l'exécution provisoire sera ordonné.
Sur les frais de procédure
En application de l'article 696 du code de procédure civile, l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a pu engager, ainsi que les frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance de référé contradictoire et mise à disposition au greffe,
Ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre (RG 24/00243) ;
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais au titre des dépens qu'elle a pu engager, ainsi que ceux au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président de chambre,
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 4 DECEMBRE 2024
DÉCISION CONCERNÉE :
Décision rendue par le président du tribunal judiciaire du Havre en date du 27 août 2024
DEMANDERESSES :
SARL ESPRIT DE FAMILLE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre
SCI LA FAMILIALE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS, avocat au barreau du Havre
DÉFENDEURS :
Monsieur [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
Madame [X] [L] épouse [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
Madame [S] [W] épouse [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
Monsieur [T] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Judith ARAUJO, avocat au barreau du Havre
DÉBATS :
En salle des référés, à l'audience publique du 13 novembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 décembre 2024, devant Erick TAMION, président de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier
DÉCISION :
Contradictoire
Prononcée publiquement le 4 décembre 2024, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signée par M. TAMION, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sci LA FAMILIALE est propriétaire sur le territoire de la commune de La Cerlangue (76) d'un ensemble immobilier aménagé en trois gîtes qui sont exploités par la Sarl ESPRIT DE FAMILLE, sous le nom commercial de « La Familiale ». Cet ensemble, situé dans un hameau isolé de la commune, est entouré par les propriétés de Mme [X] [L] épouse [G], M. [Y] [G] et Mme [S] [W] veuve [D] qui y demeurent.
Se plaignant notamment de bruits liés à l'exploitation des gîtes de La Familiale ces derniers ont agi en justice.
C'est ainsi que par ordonnance de référé contradictoire du 27 août 2024 la présidente du tribunal judiciaire du Havre a, notamment et principalement avec exécution provisoire de droit,
- enjoint conjointement à la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE, dans le mois de la décision à intervenir et, au-delà, sous astreinte provisoire de
100 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de deux mois de :
* limiter l'activité des gîtes de la propriété située [Adresse 2] à la seule destination « habitation », avec la suppression de la mention, sur tous les sites internet faisant référence au gîte « La Familiale », de la possibilité d'y organiser des événements festifs en tout genre,
* procéder à la pose d'une cloison inamovible entre la salle à manger et le salon du gîte « [7] »,
* limiter le mobilier de chaque gîte à sa capacité d'accueil,
* effectuer les démarches nécessaires auprès du fournisseur d'eau pour adapter le réseau au nombre de personnes accueillies dans les gîtes, sans perturbation pour les riverains desservis en aval,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à M. [Y] [G] à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à Mme [X] [L] épouse [G] à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à Mme [S] [W] veuve [D] à valoir sur la réparation de son préjudice moral,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer une provision de 6 000 euros à M. [T] [Z] à valoir sur la réparation de son préjudice moral, débouté M. [Y] [G] et Mme [X] [L] de leur demande en paiement d'une provision de 1 997,80 euros en réparation de leur préjudice matériel, condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE aux dépens,
- condamné conjointement la Sci LA FAMILIALE et la Sarl ESPRIT DE FAMILLE à payer à M. [Y] [G] et Mme [X] [L], Mme [S] [W] et
M. [T] [Z] une indemnité de 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe reçue le 1er octobre 2024, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE ont formé appel de cette décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par acte introductif d'instance délivré le 29 octobre 2024, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE, représentées par leur conseil, ont fait assigner en référé Mme [X] [L] épouse [G], M. [Y] [G], Mme [S] [W] veuve [D] (ci-après les consorts [G], [W] et [D]) devant le premier président de la cour d'appel de Rouen, afin principalement d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre.
A l'audience du 13 novembre 2024, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE, représentés par leur conseil, ont demandé, au soutien de leur acte introductif d'instance, auquel il est renvoyé pour un exposé des moyens, de :
- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre,
subsidiairement,
- ordonner le séquestre des sommes allouées par l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre,
débouter les consorts [G], [W] et [Z] de toutes leurs demandes,
plus subsidiairement,
- réduire à de plus justes proportions les provisions allouées à valoir sur la réparation du préjudice moral prétendu par les consorts [G], [W] et [Z],
- condamner solidairement les consorts [G], [W] et [Z] à payer 1 500 euros à la Sci LA FAMILIALE et 1 500 euros à la Sarl L'ESPRIT DE FAMILLE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les consorts [G], [W] et [Z] aux dépens.
De leur côté, les consorts [G], [W] et [Z], représentés par leur conseil, ont demandé, au soutien de leurs conclusions transmises le 12 novembre 2024, auxquelles il convient également de se reporter pour un exposé des moyens, de :
- déclarer les demandes des sociétés LA FAMILIALE et ESPRIT DE FAMILLE d'arrêt de l'exécution provisoire irrecevables,
- débouter les sociétés LA FAMILIALE et ESPRIT DE FAMILLE de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner solidairement les sociétés LA FAMILIALE et ESPRIT DE FAMILLE à leur payer la somme de 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
Sur l'arrêt de l'exécution provisoire
En droit, l'article 514-3 aliénas 1er et 2 du code de procédure civile dispose :
« En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »
La décision dont il est demandé l'arrêt de l'exécution provisoire a fait l'objet d'un appel comme il a été précisé dans l'exposé de la procédure.
Dès lors il convient d'examiner les deux conditions cumulatives permettant d'accorder l'arrêt de l'exécution provisoire, à savoir l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
C'est à la partie qui sollicite l'arrêt de l'exécution provisoire de rapporter la preuve que ces conditions cumulatives sont réunies.
L'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation
La notion de moyens sérieux d'annulation ou de réformation suppose la démonstration d'une erreur sérieuse de droit ou de fait commise par le premier juge au regard des éléments qui lui ont été soumis, sans qu'il appartienne à la juridiction du premier président de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments des parties que la cour examinera au fond.
Pour justifier l'existence d'un moyen sérieux d'infirmation de l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre, la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE font notamment valoir que cette juridiction n'a pas le pouvoir pour décider de modifier une construction immobilière, en leur enjoignant de « procéder à la pose d'une cloison inamovible entre la salle à manger et le salon du gîte [8] ».
Sur ce point les consorts [G], [W] et [Z] estiment, en s'appuyant sur l'article 835 du code de procédure civile, que le juge des référés peut prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au trouble manifestement illicite.
Contrairement à la lecture faite par les consorts [G], [W] et [Z], il apparaît discutable que le juge des référés tiennent de l'article 835 du code de procédure civile la possibilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble, alors que le texte se limite à des mesures conservatoires ou de remise en état, ce qui ne correspondrait pas en l'espèce à l'édification d'une cloison inamovible à l'intérieur du bâti. Le moyen tiré de l'absence de pouvoir en droit apparaît sérieux.
Par ailleurs, le second fondement juridique pouvant être envisagé pour cette injonction relative à la pose d'une cloison inamovible, celui de l'article 834 du code de procédure civile donnant au juge des référés la possibilité d'ordonner toutes les mesures, il est soumis à la condition de ne se heurter à aucune contestation sérieuse. A cet égard la Sarl ESPRIT DE FAMILLE et la Sci LA FAMILIALE font valoir notamment que l'injonction conduit à devoir aménager une pièce sans lien prouvé avec la réalité des nuisances prétendues et sans incidence sur la capacité d'accueil du gîte qui poserait problème.
Les éléments versés aux débats ne permettent pas d'évidence de justifier l'injonction en question, il s'en déduit donc un moyen de fait sérieux.
La première condition est donc remplie.
Les conséquences manifestement excessives
La notion de conséquences manifestement excessives en cas de poursuite de l'exécution provisoire s'apprécie pour les condamnations pécuniaires en particulier par rapport aux facultés de paiement du débiteur, ainsi qu'à celles du créancier, en cas d'infirmation de la décision.
Dans la mesure où les injonctions ordonnées sont susceptibles de générer des frais d'adaptation ou de travaux, dont l'utilité est discutée, alors même qu'ils peuvent s'avérer coûteux, surtout s'ils venaient à être remis en question par le second juge, la notion de conséquences manifestement excessives se trouve donc remplie.
En conséquence tout ce qui précède l'arrêt de l'exécution provisoire sera ordonné.
Sur les frais de procédure
En application de l'article 696 du code de procédure civile, l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a pu engager, ainsi que les frais au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance de référé contradictoire et mise à disposition au greffe,
Ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 27 août 2024 par la présidente du tribunal judiciaire du Havre (RG 24/00243) ;
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais au titre des dépens qu'elle a pu engager, ainsi que ceux au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président de chambre,