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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 5 décembre 2024, n° 23/01737

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Louvre Hotels Group (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevan

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Landais, Me Donat, Me Lafon, Me Mounicq

T. com. Nanterre, 4e ch., du 20 janv. 20…

20 janvier 2023

EXPOSE DES FAITS

La société Louvre hôtels group (ci-après LHG) exploite un réseau de franchises hôtelières sous différentes enseignes, incluant l'enseigne Kyriad.

Le 26 janvier 2014, la société LHG a conclu avec la Société hôtelière [Localité 6] centre (ci-après SHMC), prise en la personne de son dirigeant, M. [H] [X], un contrat de franchise d'une durée de dix ans pour l'exploitation d'un hôtel sous l'enseigne Kyriad situé [Adresse 1] à [Localité 6].

Au mois de janvier 2020, M. [X] a fait part à la société LHG des difficultés financières rencontrées par la société SHMC et a sollicité un échéancier de paiement permettant de régler les impayés de la société SHMC s'élevant à cette date à la somme de 134.668,17 euros.

De nombreux échanges ont eu lieu entre M. [X] et la société LHG pour fixer le montant des échéances et un accord a finalement été trouvé pour la mise en place d'un plan de remboursement en 37 échéances de 4.000 euros à compter du 30 juin 2020.

Par courriel du 12 mai 2020, la société LHG a adressé à M. [X], pour signature, un protocole d'accord auquel était annexé l'échéancier de règlement.

M. [X] a renvoyé le protocole signé par lettre recommandée avec accusé de réception, après avoir modifié l'article 4 portant sur les conditions de résiliation du contrat de franchise.

Puis, par courrier du 11 juin 2020, la société LHG a transmis à la société SHMC un exemplaire du protocole signé et paraphé par ses soins, à la date du 25 mai 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2020, la société SHMC a résilié le contrat de franchise, avec effet immédiat et sans paiement d'une indemnité de résiliation, sur le fondement de l'article 4 du protocole d'accord.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 septembre 2020, la société LHG a contesté la valeur juridique du protocole signé, tout en prenant acte de la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société SHMC au 28 août 2020. Elle a mis en demeure la société SHMC de lui payer l'intégralité des sommes dues à cette date en sus de l'indemnité de résiliation pour rupture anticipée prévue au contrat de franchise.

Ce courrier est resté sans réponse, en dépit d'une relance de la société LHG par courriel du 23 novembre 2020.

Par lettre du 21 décembre 2020, le conseil de la société LHG a de nouveau vainement mis en demeure la société SHMC de lui payer, avant le 31 décembre 2020, la somme de 259.926,73 euros, arrêtée au 16 décembre 2020.

Par actes des 28 avril et 3 mai 2021, la société LHG a assigné M. [X] et la société SHMC devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de nullité du protocole d'accord et de paiement de diverses sommes.

Par jugement du 20 janvier 2023, le tribunal a :

- condamné la société SHMC à payer à la société LHG la somme de 154.119,06 euros avec intérêts de retard calculés, à compter de la date d'exigibilité de chaque facture, au taux correspondant à une fois et demie le taux d'intérêt légal, jusqu'à parfait paiement ;

- condamné la société SHMC à payer à la société LHG la somme de 3.640 euros ;

- déclaré nul et de nul effet le protocole d'accord signé entre les sociétés LHG et SHMC en date du 25 mai 2020 ;

- dit que la société SHMC a rompu fautivement le contrat de franchise qui sera résilié à la date du 28 août 2020 ;

- condamné solidairement la société SHMC et M. [X] à payer à la société LHG la somme de 98.729,14 euros avec intérêt légal courant capitalisé à compter du 17 septembre 2020 ;

- condamné solidairement la société SHMC et M. [X] à payer à la société LHG la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- débouté la société SHMC et M. [X] de leur demande concernant l'exécution provisoire et rappelé qu'elle est de droit.

Le tribunal a condamné la société SHMC à régler les redevances impayées, outre une indemnité au titre des frais de recouvrement. Il a retenu l'existence de man'uvres dolosives de la part du franchisé justifiant l'annulation du protocole d'accord du 25 mai 2020. Il a également jugé que M. [X] engageait sa responsabilité personnelle et devait être condamné solidairement avec la société SHMC à payer à la société LHG l'indemnité de résiliation prévue au contrat de franchise en cas de résiliation anticipée, le contrat ayant été rompu fautivement par la société SHMC avant son terme.

Par déclaration du 14 mars 2023, M. [X] et la société SHMC ont interjeté appel de ce jugement, cet appel étant limité en ce qu'il vise tous les chefs critiqués du jugement à l'exception des deux premiers par lesquels la société SHMC a été condamnée à payer à la société LHG la somme de 154.119,06 euros avec intérêts de retard et celle de 3.640 euros.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 14 juin 2023, ils demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris dans les limites de l'appel ;

statuant à nouveau,

- débouter la société LHG de l'intégralité de ses demandes ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ;

- la condamner à leur payer chacun la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel ;

- rappeler le caractère exécutoire par provision de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 23 mai 2024, la société LHG demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions qui ne sont pas devenues définitives ;

- débouter M. [X] et la société SHMC de l'ensemble de leurs demandes et juger leur appel comme étant mal fondé ;

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour n'annulait pas l'article 4 du protocole en son entier, le déclarer nul comme étant potestatif, et à titre infiniment subsidiaire, déclarer non écrit l'article 4,

- en toute hypothèse, confirmer les condamnations prononcées par les premiers juges,

- condamner M. [X] et la société SHMC, chacun, à lui payer in solidum la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 mai 2024.

MOTIFS

Sur la nullité du protocole d'accord

M. [X] et la société SHMC soutiennent, au visa des articles 1101 et suivants anciens du code civil, que le protocole d'accord n'est pas nul et qu'aucune man'uvre frauduleuse de nature à avoir vicié le consentement de la société LHG ne peut leur être reprochée, observant à cet égard que celle-ci ne précise pas le vice du consentement dont elle entend se prévaloir, et que la résiliation anticipée, intervenue par lettre du 24 août 2020, sans indemnité et sans délai, est conforme aux dispositions contractuelles.

Ils font valoir que la société LHG a consenti au projet de protocole d'accord de manière libre et éclairée ; qu'elle leur reproche sa propre négligence ; que s'ils ont proposé une modification de l'article 4 du protocole portant sur la mise en 'uvre de la clause de résiliation anticipée, cette modification ne porte nullement atteinte à la substance essentielle de l'obligation principale de la société SHMC, qui restait tenue au remboursement de sa dette, mais envisage uniquement les conséquences d'un non-respect de cette obligation ; que le document n'a pas été « subrepticement et frauduleusement modifié » comme le prétend la société LHG ; que le protocole modifié lui a été adressé par voie postale le 20 mai 2020 et que cet envoi a été précédé d'un courriel annonçant cette expédition et mentionnant la notion de « proposition » ; qu'ainsi, il ne peut leur être reproché d'avoir renvoyé le protocole modifié sans aucune lettre d'accompagnement et sans avertissement préalable. Ils considèrent que la signature du protocole par la société LHG a emporté rencontre des volontés et accord sur les termes du contrat, la société LHG n'ayant émis aucune réserve après réception, lecture et signature du protocole et laissant même ledit protocole entrer en vigueur et être exécuté.

Ils relèvent que le projet de protocole adressé par courriel du 12 mai 2020 par la société LHG n'était pas signé, ce qui démontre que les discussions n'étaient nullement closes, et que le fichier, non protégé, pouvait faire l'objet de correction et de complément. Ils prétendent que la société LHG disposait de tout le temps et des connaissances juridiques nécessaires pour prendre connaissance du contenu du protocole qui lui a été retourné et le signer de manière éclairée, qu'une telle négligence dans la signature du protocole retire tout caractère excusable à l'erreur dont la société LHG entend se prévaloir.

La société LHG répond que l'argumentation adverse travestit gravement les faits de l'espèce et qu'elle est juridiquement erronée. Elle expose que par son courriel du 12 mai 2020, elle a demandé à la société SHMC de lui retourner le protocole d'accord joint signé afin d'acter d'un commun accord la mise en place de l'échéancier, qu'ainsi le processus de négociation était clos et qu'elle n'a pas indiqué que le document était susceptible d'une contre-proposition. Elle fait grief à M. [X] et à la société SHMC d'avoir « subrepticement et frauduleusement » modifié l'article 4 du protocole d'accord, après avoir « craqué » le document Pdf pour le transformer en document Word, et de l'avoir retourné signé sans aucune lettre d'accompagnement indiquant la modification et sans que la modification apportée ne soit signalée de façon apparente sur le document. Elle souligne qu'elle n'avait aucune raison de suspecter une modification du protocole.

Elle conclut que sa signature et son consentement ont été surpris par les man'uvres dolosives des appelants, telles que définies aux articles 1130 et 1137 du code civil, et que si elle avait été informée de la modification du protocole, elle n'aurait jamais accepté de le signer. Elle ajoute, au visa de l'article 1139 du même code, que l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable. Elle fait également état des mensonges de M. [X] et de la société SHMC qui se sont engagés à régler des sommes qu'ils n'ont jamais versées, à part un virement de 4.000 euros en mars 2020 puis une première mensualité de 4.000 euros en juin 2020.

La société LHG, qui demande à la cour de confirmer l'annulation du protocole d'accord pour dol, énonce justement que cet accord ayant été signé le 25 mai 2020, est soumis aux nouvelles dispositions du code civil, soit aux articles 1130 et suivants du code civil, et non aux anciennes dispositions du code civil visées par les appelants.

Selon l'article 1130 de ce code, « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».

Aux termes de l'article 1137 du même code, « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

L'article 1139 du code civil précise encore : « L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

En l'espèce, il est établi et non discuté que par courriel du 12 mai 2020, la société LHG a adressé à la société SHMC un protocole d'accord prévoyant :

1°/ un échelonnement de la dette du franchisé, arrêtée au 20 avril 2020, d'un montant de 146.234,87 euros, payable en 37 échéances de 4.000 euros chacune, sauf la dernière de 2.234,87 euros, à compter du 30 juin 2020 ;

2°/ une clause de déchéance du terme en cas de défaut de paiement ou de retard d'une seule de ces échéances (article 3) ;

3°/ une clause de résiliation anticipée du contrat de franchise (article 4) rédigée comme suit :

« Nonobstant la clause de déchéance du terme ci-dessus, en cas de non-respect du présent protocole, le Franchiseur se réserve la possibilité de mettre en 'uvre la clause de résiliation anticipée prévue au Contrat » (souligné par la cour).

Le courriel d'envoi du 12 mai 2020 de la société LHG est ainsi rédigé :

« Je fais suite à nos différents échanges concernant la mise en place du protocole de recouvrement en lien avec les factures échues de l'établissement Kyriad [Localité 6] Centre pour un montant de 146.234,87 euros.

La 1ère échéance aura lieu le 30 juin 2020 pour une durée de 37 mois.

Nous vous remercions de bien vouloir nous retourner le document signé afin d'acter d'un commun accord la mise en place de l'échéancier.

Dès réception, nous vous retournerons un exemplaire signé par notre CFO, [L] [I].

En espérant recevoir ce document rapidement afin d'assainir notre relation commerciale et éviter que le litige ne perdure dans la durée. » (souligné par la cour).

Il en ressort que la société LHG a bien demandé que lui soit retourné le protocole d'accord joint à ce courriel en format Pdf, revêtu de la signature de la société SHMC et rien n'indique dans ce message que les négociations étaient toujours en cours, bien au contraire puisqu'il est fait état d'un échange de signatures. Au demeurant, le seul fait d'envoyer ce document en format Pdf démontre qu'il s'agissait d'une version aboutie sur laquelle les parties s'étaient mises d'accord, au terme de discussions entamées au mois de janvier 2020, permettant à la fois au franchisé de bénéficier d'un échéancier de paiement relativement long de 37 mois et au franchiseur de se réserver la possibilité d'exiger le paiement immédiat de l'ensemble des sommes dues et de résilier sans délai le contrat de franchise en cas de non-respect de l'échéancier de paiement.

Or, plutôt que de retourner ce protocole signé, la société SHMC a renvoyé à la société LHG, sans aucune lettre d'accompagnement, un protocole d'accord modifié, signé par son dirigeant M. [X], l'article 4 devenant ainsi :

« Nonobstant la clause de déchéance du terme ci-dessus, en cas de non-respect du présent protocole, le Franchisé se réserve la possibilité de mettre en 'uvre la clause de résiliation anticipée prévue au Contrat » (souligné par la cour).

Cette clause, telle que rédigée initialement, était pourtant un élément déterminant du consentement de la société LHG dès lors qu'elle impliquait qu'elle puisse résilier le contrat de manière anticipée en cas de défaut de paiement, alors qu'elle avait déjà accepté de consentir à son franchisé la possibilité d'apurer sa dette sur un délai de 37 mois, et qu'il n'était donc pas envisageable pour elle de renoncer de surcroît à la perception d'une indemnité de résiliation anticipée en cas de rupture du contrat, avant son terme, aux torts du franchisé.

Pour soutenir que la société LHG avait pleinement conscience de ce à quoi elle s'engageait, les appelants se prévalent :

d'un premier courriel du 20 mai 2020 par lequel M. [X] écrit à la société LHG : « Vous trouverez ci-joint la preuve d'envoi en recommandé de la proposition de protocole signée en deux exemplaires. Nous vous remercions de nous renvoyer un exemplaire signé » ;

d'un second courriel adressé par M. [X] le 6 juin 2020 à réception du protocole d'accord signé par la société LHG, dans sa version numérique, aux termes duquel il la remercie « d'avoir accepté notre proposition de protocole ».

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, aucun de ces courriels ne permet de considérer que la société SHMC a informé la société LHG de la modification apportée en des termes clairs et non équivoques et le fait d'employer la notion de « proposition », sans autre précision, ne pouvait permettre au franchiseur de suspecter une quelconque modification du protocole transmis le 12 mai 2020, en format Pdf, dans sa version définitive.

Le 30 juin 2020, la première échéance de 4.000 euros a été réglée par la société SHMC, qui a ensuite cessé tout versement et a notifié à la société LHG dès le 24 août 2020, par la voie de son conseil, la résiliation anticipée du contrat de franchise, à effet immédiat et sans indemnité, en application de l'article 4 du protocole d'accord.

Si dans ce courrier du 24 août 2020, la société SHMC s'est engagée à « régler le solde des factures dues à la date de la résiliation du contrat, déduction des sommes versées dans le cadre de l'exécution du protocole », cet engagement n'a pas été tenu et la société SHMC n'a apporté aucune réponse aux relances de la société LHG et de son conseil. De plus, en première instance, elle s'est opposée à tout paiement et il a fallu attendre, pour qu'elle s'exécute, sa condamnation par le tribunal à payer les redevances encore dues (la première facture impayée remontant au 19 octobre 2018), ce chef de jugement ne faisant cependant l'objet d'aucun appel. Il est néanmoins à noter que la société LHG précise, sans être contredite, que le jugement n'a finalement reçu exécution par la société SHMC qu'en janvier 2024.

Il résulte par ailleurs d'un constat d'huissier réalisé le 7 juillet 2022 à la demande de la société LHG que dès le 21 août 2020, soit avant même l'envoi de la lettre de résiliation du contrat de franchise, la société SHMC a annoncé sur son compte Instagram : « A compter du 31 août 2020, l'hôtel Kyriad [Localité 6] Centre devient La Maison [Localité 6]. (') Nous voici INDEPENDANTS (bon on l'était déjà dans nos têtes) ! », après des rénovations dont il est fait état sur ce même compte Instagram.

Le fait pour la société SHMC d'avoir modifié un contrat en format Pdf qui n'avait pas vocation à l'être, sans en aviser son co-contractant, de lui avoir renvoyé le document signé sans aucune lettre d'accompagnement ni information d'aucune sorte sur la modification apportée, portant de surcroît sur une condition déterminante de son consentement, d'avoir en outre pris à l'égard du franchiseur des engagements qu'elle n'envisageait aucunement de respecter et d'avoir abusé de la confiance que la société LHG lui témoignait, après plus de six années de relations commerciales, en lui accordant d'importants délais de paiement, caractérise des man'uvres dolosives ayant vicié le consentement de la société LHG. Dans ces conditions, l'erreur commise par cette dernière, en signant le protocole d'accord modifié sans le relire attentivement, apparait excusable en application de l'article 1139 précité du code civil.

Au vu de ces éléments, c'est ainsi à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont estimé que la société SHMC avait « méthodiquement organisé sa sortie du contrat de franchise avec LHG en utilisant des man'uvres déloyales et en mentant sciemment et à plusieurs reprises afin d'obtenir la signature d'un protocole ne reflétant pas le consentement éclairé des parties », qu'ils ont qualifié ces man'uvres de dolosives et qu'ils ont déclaré nul et de nul effet le protocole d'accord en date du 25 mai 2020.

Sur le paiement de l'indemnité de résiliation

M. [X] et la société SHMC invoquent, en premier lieu, l'article 4 du protocole pour soutenir que l'indemnité de résiliation prévue au contrat de franchise n'est pas due et, en second lieu, l'article 1231-5 du code civil, l'article 10.2 du protocole relatif à l'indemnité de résiliation relevant de la qualification de clause pénale permettant à la cour d'écarter son application au regard de son caractère excessif.

Ils considèrent que le montant de l'indemnité contractuelle, représentant la quasi-intégralité de la durée restant à courir du contrat de franchise, apparait disproportionné, et que la société LHG ne justifie pas d'un préjudice effectif à hauteur de 98.729,14 euros. Ils rappellent que la résiliation du contrat est liée à l'impossibilité pour la société SHMC de régler le montant des redevances et que ce défaut de paiement n'est pas délibéré mais résulte du contexte économique et d'un résultat comptable dégradé. Ils reprochent aux premiers juges de n'avoir procédé à aucune vérification quant au montant réclamé et accordé.

Enfin, en réponse aux observations adverses, ils indiquent que l'indemnité de résiliation a fait l'objet d'une facture émise par la société LHG, ce qui explique son enregistrement en charge et non en risque dans les comptes de la société SHMC.

La société LHG soutient qu'une indemnité de résiliation lui est due en application de l'article 10.2 du contrat de franchise qui aurait dû se terminer le 26 janvier 2024 et que l'invocation par les appelants du protocole frauduleusement modifié est vaine pour tenter d'échapper au paiement de cette indemnité.

Elle précise que le montant de cette indemnité s'élève à 98.729,14 euros et relève que, pour l'exercice 2020, la société SHMC a comptabilisé une somme de 102.296 euros en charge exceptionnelle de gestion, et non en provision pour risques, au titre d'une « indemnité résiliation de contrat », reconnaissant ainsi l'existence et le bien-fondé de l'indemnité de résiliation sollicitée.

Enfin, elle s'oppose à voir minorée l'indemnité de résiliation dont elle réclame le paiement, en soulignant qu'elle n'est pas excessive pour un contrat qui aurait dû se poursuivre pendant encore 40 mois et que l'indemnisation vise la seule perte des redevances.

L'article 4 du protocole d'accord du 25 mai 2020, protocole annulé, ne peut être utilement invoqué.

Selon l'article 7 du contrat de franchise, celui-ci a été conclu « pour une durée de dix années consécutives à compter du 26/01/2014 ».

L'article 10.2 (Indemnité de résiliation) de ce contrat prévoit que :

« En cas de rupture avant l'échéance du contrat aux torts du Franchisé, le Franchiseur aura droit à un versement forfaitaire par le Franchisé représentant :

- 3 annuités de la redevance telle qu'elle est définie à l'article 5.2. du présent contrat, si la résiliation intervient au cours des cinq premières années à compter de la prise d'effet du présent contrat,

- 2 annuités de la même redevance, si la résiliation intervient pendant les trois années suivantes,

- 1 année de redevance si la résiliation intervient pendant les deux dernières années du contrat ou à la suite de son renouvellement.

Le calcul de ces annuités de redevance sera établi sur la base de la dernière redevance annuelle facturée. »

La société SHMC a résilié le contrat de franchise par lettre reçue le 28 août 2020 par la société LHG alors qu'elle n'avait pas réglé les redevances dues et qu'elle n'a argué d'aucun fondement juridique pertinent en invoquant un protocole d'accord nul. La rupture du contrat doit donc lui être imputée, à ses torts.

La société LHG produit une attestation établie par son directeur financier (CFO), M. [L] [I], le 8 avril 2021, reprenant les montants de redevances facturées à la société SHMC depuis la conclusion du contrat de franchise le 26 janvier 2014.

La dernière redevance annuelle facturée à la société SHMC, d'un montant de 49.364,57 euros HT, l'a été au titre de l'année 2019.

En conséquence, le montant de l'indemnité de résiliation s'établit à 98.729,14 euros, correspondant à deux annuités de redevances, conformément aux stipulations de l'article 10.2 du contrat de franchise.

L'article 1231-5 du code civil dispose que « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

Constitue une clause pénale la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée.

Au cas présent, l'indemnité due en cas de résiliation anticipée du contrat aux torts du franchisé correspond à des sommes que ce dernier aurait dû verser au franchiseur si le contrat s'était poursuivi. Cette indemnité, dont le montant décroit en fonction de la durée restant à courir du contrat, vise à contraindre le franchisé à exécuter le contrat jusqu'à son terme. Elle s'analyse par conséquent en une clause pénale au sens de l'article 1231-5 précité, susceptible d'être minorée lorsqu'elle présente un caractère manifestement excessif.

Cependant, rien, dans cette procédure, ne permet de considérer que la pénalité dont la société LHG réclame le paiement peut être tenue pour manifestement excessive, de sorte que la demande de modération de la société SHMC doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SHMC à payer la somme de 98.729,14 euros à la société LHG, outre intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2020, date de mise en demeure, et capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la responsabilité personnelle de M. [X]

Au visa de l'article L.223-22 du code de commerce la société SHMC et M. [X] affirment que ce dernier, gérant de la société SHMC, n'a commis aucune faute, ni intentionnelle, ni d'une particulière gravité, lors de la transmission du protocole d'accord ; qu'il s'est limité à soumettre à la société LHG un projet de protocole rectifié en son seul article 4 et ce, dans le but de préserver les intérêts de la société SHMC ; que la seule faute doit être recherchée du côté de la société LHG. Ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [X] au titre du paiement solidaire de l'indemnité de résiliation anticipée.

La société LHG considère que M. [X] doit être condamné personnellement, en sa qualité de co-gérant, au paiement de l'indemnité de résiliation, et ce solidairement avec la société SHMC. Elle souligne la particulière gravité des fautes dolosives commises par M. [X], qui a sciemment trompé son co-contractant en modifiant le protocole qu'il devait retourner signé, sans signaler ce changement, à l'effet de paralyser l'indemnité de résiliation prévue au contrat de franchise tout en s'accordant un droit dérogatoire unilatéral et immédiat de résiliation du contrat.

Selon l'article L.223-22 du code de commerce, « Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. (') ».

Il résulte de ce texte que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.

En sa qualité de co-gérant, M. [X] a été l'interlocuteur quasi exclusif de la société LHG.

Il a lui-même signé le protocole qu'il savait modifié et l'a renvoyé à la société LHG pour signature sans l'aviser de la modification substantielle apportée à son article 4 qui en changeait le sens, privait la société LHG de la possibilité de résilier par anticipation le contrat de franchise au premier impayé et de son droit à percevoir une indemnité de résiliation, et instaurait le droit pour la société SHMC de résilier unilatéralement le contrat sans bourse délier. Ces agissements ont revêtu un caractère intentionnel.

Il a ensuite personnellement contacté un avocat aux fins de résiliation anticipée du contrat de franchise sur le fondement de l'article 4 modifié du protocole, moins d'un mois après la mise en échec intentionnelle de l'échéancier de paiement convenu et longuement négocié. Ainsi, dans la lettre de résiliation qu'il adressée le 24 août 2020, le conseil de la société SHMC expose à la société LHG : « M. [H] [X], en sa qualité de cogérant de la Société Hôtelière [Localité 6] Centre, est venu me consulter et m'a fait part des difficultés rencontrées par sa structure dans le cadre de l'exploitation de son établissement situé [Adresse 1] à [Localité 6], sous la franchise Hôtel Kyriad ». Or, dans le même temps, était annoncé le changement d'identité de l'hôtel après d'importants travaux de rénovation.

De tels agissements, intentionnels, particulièrement déloyaux et destinés à tromper le franchiseur sur la portée d'un protocole accordant un échéancier de paiement de redevances demeurées impayées, à s'affranchir de ses obligations contractuelles par l'emploi de man'uvres dolosives tout en organisant la rupture du contrat de franchise sans frais pour le franchisé et au préjudice du franchiseur sont constitutifs d'une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions de gérant.

La responsabilité personnelle de M. [X] doit donc être retenue.

Toutefois, la société LHG ne peut solliciter la condamnation de M. [X] au paiement de l'indemnité de résiliation, qui est de nature contractuelle. A supposer que la somme réclamée de 98.729,14 euros corresponde au préjudice subi par la société LHG, la cour relève qu'un tel préjudice, constitué du non-paiement par la société SHMC de l'indemnité de résiliation, n'est ni actuel, ni certain. En effet, la société LHG ne subit pas de préjudice résultant de l'altération fautive du protocole puisqu'aux termes du présent arrêt, ledit protocole est annulé et la société SHMC est condamnée au paiement de l'indemnité de résiliation.

A défaut pour la société LHG d'invoquer un autre préjudice que celui résultant de la non-application de la clause du contrat de franchise prévoyant le paiement au franchiseur d'une indemnité en cas de résiliation anticipée aux torts du franchisé, l'intimée doit être déboutée de sa demande indemnitaire à l'encontre de M. [X], par infirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

M. [X] et la société SHMC, qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Lafon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à verser à la société LHG la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,

Confirme en ses dispositions déférées à la cour le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné M. [H] [X] à payer à la société Louvre hôtels group la somme de 98.729,14 euros in solidum avec la Société hôtelière [Localité 6] centre ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Louvre hôtels group de sa demande indemnitaire à l'encontre de M. [H] [X] ;

Condamne M. [H] [X] et la Société hôtelière [Localité 6] centre in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Franck Lafon ;

Condamne M. [H] [X] et la Société hôtelière [Localité 6] centre in solidum à verser à la société Louvre hôtels group la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile ;

Déboute M. [H] [X] et la Société hôtelière [Localité 6] centre de leur demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.