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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 5 décembre 2024, n° 23/06722

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

SMA (SA), Lloyd's Insurance Company (SA), Allianz IARD (Sté), Axa France IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Desalbres

Conseillers :

Mme Malardel, M. Belloir

Avocats :

Me Le Goff, Me Preneux, Me Massip, Me Lhermitte, Me Gerard Rehel, Me Doceul, Me Courant, Me Caillere, Me Verrando

CA Rennes n° 23/06722

4 décembre 2024

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant un acte de donation du 28 mai 2009, mesdames [Y] [V] née [L] et [G] [L] ont reçu de leur père M. [N] [L] la nue-propriété d'un immeuble situé au numéro [Adresse 10].

Au cours de l'année 2010, la façade en colombage de l'immeuble a fait l'objet d'importants travaux de restauration confiés à Mme [S] [C], assurée auprès de la Lloyd's Insurance Company SA et de la SA Axa France Iard, à laquelle a été confiée une mission complète de maîtrise d'oeuvre suivant contrat régularisé le 30 mars 2009.

Le lot n°1 'Enduits à la chaux'Gros-oeuvre' a été confié à la société Isola Nature, assurée auprès des sociétés MMA Iard.

Le lot n° 2 'Charpente Bois'traitement de bois' a été attribué à M. [B] [Z], assuré auprès de la SMA SA, venant aux droits de la Sagena ;

Le lot n° 3 'Menuiseries extérieures' est revenu à M. [H] [P], assuré auprès de la société Allianz Iard.

Le chantier a été déclaré ouvert à compter du 15 février 2010.

Invoquant l'existence de désordres et après réalisation d'une expertise amiable, M. et mesdames [L] (les consorts [L]) ont saisi, par actes des 30 septembre et 1er octobre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Malo qui a, suivant une ordonnance du 10 décembre 2020, ordonné l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [F].

Une nouvelle décision de ce magistrat en date du 3 juin 2021 a rendu commune et opposable la mesure d'instruction aux société Axa France Iard et la Lloyd's Insurance Company, assureurs du maître d'oeuvre.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 17 janvier 2022.

Par actes des 8, 9, 24 et 29 août et 6 septembre 2022, les consorts [L] ont assigné le maître d'oeuvre, messieurs [P] et [Z] ainsi que leurs assureurs respectifs afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices.

Suivant des conclusions du 15 novembre 2022, le maître d'oeuvre et son assureur, la Lloyd's Insurance Company SA, ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir.

Par ordonnance en date du 13 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Malo a :

- reçu la fin de non-recevoir soulevée par Mme [C], la Lloyd's Insurance Company, M. [Z], la SMA SA, M. [P], la société Allianz et la société Axa France Iard ;

- dit que l'action initiée à l'encontre des défenderesses est forclose ;

- déclaré en conséquence les maîtres d'ouvrage irrecevables en leur action intentée à l'encontre de Mme [C], des Lloyd's Insurance Company SA, de M. [Z], de la SMA SA, de M. [P], des sociétés Allianz et Axa France Iard ;

- débouté Mme [C], la Lloyd's Insurance Company, M. [Z], la SMA SA, M. [P], la société Allianz et la société Axa France Iard de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

- dit que les maîtres d'ouvrage supporteront les dépens de l'instance ainsi que les dépens de la procédure de référé, à l'exception des frais des assignations délivrées les 28 et 29 avril 2021 qui resteront à la charge de M. [P] et de son assureur.

Les consorts [L] ont relevé appel de cette décision le 28 novembre 2023.

L'avis du 17 avril 2024 a fixé la clôture des débats à la date du 17 septembre 2024 conformément aux dispositions des articles 905 et suivants du Code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions du 28 février 2024, les consorts [L] demandent à la cour, au visa des articles 122 et suivants du Code de procédure civile, de :

- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle :

- a reçu la fin de non-recevoir soulevée par Mme [C], la Lloyd's Insurance Company, M. [Z], la SMA SA, M. [P], la société Allianz et la société Axa France Iard ;

- a dit que leur action initiée à l'encontre des défenderesses est forclose ;

- les a déclarés en conséquence irrecevables en leur action intentée à l'encontre de Mme [C], des Lloyd's Insurance Company, de M. [Z], de la SMA SA, de M. [P], des sociétés Allianz et Axa France Iard ;

- dit qu'ils supporteront les dépens de l'instance ainsi que les dépens de la procédure de référé, à l'exception des frais des assignations délivrées les 28 et 29 avril Et statuant de nouveau,

- les déclarer recevables en leurs action et prétentions ;

- débouter Mme [C] et ses assureurs les sociétés Lloyd's Insurance Company SA et Axa France Iard , M. [Z] et son assureur la SMA SA, M. [P] et son assureur la société Allianz Iard de leurs prétentions tendant à les dire irrecevables comme forclos et/ou prescrit en leurs action et prétentions ;

- condamner in solidum Mme [C] et ses assureurs les sociétés Lloyd's Insurance Company SA et Axa France Iard , M. [Z] et son assureur la SMA SA, M. [P] et son assureur la société Allianz Iard à leur verser la somme de 8.000 € en indemnisation de leurs frais irrépétibles exposés en première instance entiers et en cause d'appel ainsi qu'au paiement des dépens de première instance et d'appel ;

- débouter Mme [C] et ses assureurs les sociétés Lloyd's Insurance Company SA et Axa France Iard , M. [Z] et son assureur la SMA SA, M. [P] et son assureur la société Allianz Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples et/ou contraires ;

- débouter M. [Z] et son assureur la SMA SA, de leur appel formé à titre incident.

Suivant ses dernières conclusions du 5 février 2024, M. [H] [P] et la SA Allianz demandent à la cour, au visa des articles 1792, 1792-4-1 et suivants du Code Civil, 789 du Code de Procédure Civile de :

- confirmer l'ordonnance entreprise ;

- recevoir la fin de non-recevoir soulevée par leurs soins ;

- juger que l'action intentée à l'encontre des défenderesses est forclose ;

- déclarer en conséquence les consorts [L] irrecevables en leur action intentée à leur encontre et les débouter de leur appel ;

- condamner en toutes hypothèses les appelants au versement d'une somme de 3 000 € à leur profit en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- juger que les appelants supporteront les entiers dépens de l'instance, ainsi que les dépens de la procédure de référé.

Dans ses dernières conclusions du 15 février 2024, la SA Axa France Iard demande à la cour, sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile, 1792 et suivants du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, ce faisant :

- constater que les travaux ont été réceptionnés le 16 mars 2010, et le 8 juin 2010 pour les travaux d'enduits ;

- constater que les appelants ont saisi le juge des référés pour la première fois par leur assignation signifiée les 30 septembre et 1er octobre 2020 ;

- déclarer en conséquence irrecevables les demandes formulées par les consorts [L] à son encontre, celles-ci étant forcloses ;

- débouter les appelants de leurs demandes, fins et conclusions formulées à son encontre ;

Et y ajoutant :

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par les appelants au titre de la responsabilité contractuelle de Mme [C], celles-ci étant d'une part, nouvelles en cause d'appel, et d'autre part, forcloses ;

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée :

- condamner in solidum les consorts [L] à lui verser la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et au paiement des entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat soussigné.

Suivant leurs dernières conclusions du 3 avril 2024, la Lloyd's Insurance Company SA et Mme [S] [C] demandent à la cour, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1792 et suivants du code civil, 122, 564 et suivants, 699, 700 et 905 du code de procédure civile, de :

- les déclarer recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondées toutes demandes, fins et conclusions, en tant qu'elles sont dirigées contre elles ;

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- juger en conséquence que les appelants sont irrémédiablement prescrits ou forclos dans leur action intentée à leur encontre ;

- déclarer en conséquence irrecevables toutes demandes, fins et prétentions les appelants à leur encontre ;

Et y ajoutant :

Sur l'action des consorts [L] sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

À titre principal :

- déclarer irrecevables comme nouvelles, toutes demandes, fins et prétentions sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

- prononcer leur mise hors de cause pure et simple ;

À titre subsidiaire :

- déclarer irrecevables comme prescrites, toutes demandes, fins et prétentions des les consorts [L] sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

- prononcer leur mise hors de cause pure et simple ;

À titre infiniment subsidiaire et en tout état de cause :

- déclarer irrecevables toutes demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Lloyd's Insurance Company SA, recherchée en qualité d'assureur de Mme [C], celle-ci n'étant pas l'assureur en risque à la date de la première réclamation ;

- condamner solidairement ou, à défaut, in solidum, de toute (s) partie (s) succombante (s) à leur règler la somme de 2.000 € à chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Isabelle Gerard-Rehel, avocat au Barreau de Saint-Malo, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 28 mai 2024, la SMA SA et M. [Z] demandent à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle les a déboutés, ainsi que Mme [C], la Lloyd's Insurance Company, M. [P], la société Allianz ainsi que la société Axa France Iard de leur demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de confirmer pour le surplus l'ordonnance entreprise ;

Et, statuant de nouveau de ce chef réformé :

- condamner in solidum les appelants, ou à défaut toute autre partie succombante, in solidum le cas échéant, au paiement à leur profit de la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens, au titre de la procédure de première instance ;

- condamner in solidum les appelants, ou à défaut toute autre partie succombante, in solidum le cas échéant, au paiement à leur profit de la somme de 4 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, outre des entiers dépens d'appel. :

MOTIVATION

Les maîtres d'ouvrage recherchent la responsabilité des intervenants au chantier et la garantie de leurs assureurs respectifs sur le fondement de la garantie décennale, à l'exception toutefois de celle de la société titulaire du lot n°1 (placée en liquidation judiciaire), assurée auprès des compagnies MMA.

Les parties s'opposent sur la détermination de la date de réception de l'ouvrage qui constitue le point de départ du délai de forclusion.

Le premier juge a considéré que la réception avec réserves des lots n°1 et 2 était intervenue le 16 mars 2010 et celle du n°3 le 8 juin 2010, et non le 5 octobre 2010 comme le soutenaient les maîtres d'ouvrage. Constatant que plus de dix années s'étaient écoulées entre le 16 mars 2010/8 juin 2010 et la date de délivrance des assignations en référé, il a déclaré leur action forclose.

Les appelants contestent l'irrecevabilité de leur action en estimant que la réception par lots n'est possible qu'en cas d'accord entre les parties matérialisé au CCTP. Ils prétendent que les travaux étaient seulement en cours d'exécution à la date du 16 mars 2010 de sorte qu'ils étaient loin d'être achevés et n'étaient donc pas en état d'être reçus. Ils soutiennent que les procès-verbaux signés ce jour-là entre les différentes parties au litige n'ont pas traduit leur volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage de sorte qu'ils ne peuvent avoir valeur de réception. Ils considèrent enfin que la date du 5 octobre 2010 doit être retenue car elle correspond à la signature entre toutes les parties d'un véritable procès-verbal de réception sans réserve suite à l'achèvement des travaux.

En réponse, les intimés reprennent les moyens retenus par le juge de la mise en état pour solliciter la confirmation de l'ordonnance entreprise.

Les éléments suivants doivent être relevés :

L'article 1792-6 du Code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente.

En principe, la réception de l'ouvrage est unique. Toutefois, la réception de travaux qui ne constituent pas des tranches indépendantes ou ne forment pas un ensemble cohérent ne vaut pas réception au sens de l'article 1792-6 du code civil. (3e Civ 16 mars 2022 n°20-16.829).

L'achèvement des travaux ne constitue pas une condition de la réception de sorte que le défaut d'achèvement n'est pas incompatible avec celle-ci. Pour pouvoir être réceptionné par le maître d'ouvrage, celui-ci doit manifester sa volonté non équivoque de le recevoir.

La réception peut être assortie de réserves.

S'agissant du lot n°2 : Charpente Bois'traitement de bois

Selon le marché conclu par les maîtres d'ouvrage avec M. [Z], les travaux devaient débuter le 15 février 2010 pour s'achever le 15 mars 2010.

La facture de l'entrepreneur a été validée par le maître d'oeuvre le 24 février 2010 et acquittée par les maîtres d'ouvrage au printemps de la même année.

Il n'est pas anormal de constater que les opérations de réception du lot n°2 se soient tenues le 16 mars 2010, soit le lendemain de la date prévue pour la fin des travaux, ceci afin de respecter les délais contractuellement prévus.

La réception a été assortie de la réserve suivante : fourniture et pose des moulures autour des ouvertures extérieures (porte d'entrée + linteau fenêtre basse droite).

L'expert judiciaire ne peut estimer qu'il ne s'agissait que d'une réception partielle au sein du même lot n°2 alors que celle-ci était prohibée (3e Civ., 2 février 2017, pourvoi n°14-19.279). Il précise cependant dans son rapport que le lot 'charpente' était achevé.

Comme l'a justement retenu le premier juge, le marché de travaux se réfère au CCTP et les documents contractuels ne mentionnent pas expressément un renvoi à la norme AFNOR P03-001 (dans sa rédaction antérieure à l'année 2017) de sorte que les appelants ne peuvent invoquer un manquement de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre aux mesures qu'elle contient.

Si l'article 4 du contrat souscrit entre le maître d'oeuvre et M. [Z] stipule que les travaux comprennent tous les ouvrages nécessaires au parfait achèvement des constructions telles que définis au plan du 2 février 2010 du CCTP, il ne peut en être déduit pour autant que la réception ne pouvait intervenir qu'à l'achèvement complet des travaux.

Certes, l'article 10 du CCTP stipule que, lors de la 'visite de réception', il devait 'être procédé aux essais et à la vérification des performances de l'installation', ce qui n'a pas été fait le 16 mars 2010. Toutefois, le juge de la mise en état a parfaitement considéré qu'il se déduisait de la nature de la prestation effectuée par M. [Z] l'impossibilité d'appliquer cette clause au lot n°2.

Enfin, les appelants ne contestent pas l'affirmation de M. [Z] et de son assureur selon laquelle le fonds de commerce situé au rez-de-chaussée de l'ouvrage a été exploité durant l'été 2010.

En signant le procès-verbal du 16 mars 2010, ils ont manifesté sans équivoque leur volonté de recevoir la tranche indépendante (lot n°2) relative à la charpente et ont approuvé également les réserves qui y étaient portées. Ils ne démontrent pas avoir ignoré les conséquences de l'apposition de leur signature.

Le second document signé le 5 octobre 2010 par l'ensemble des parties improprement intitulé 'procès-verbal de réception' ne constitue dès lors qu'un simple procès-verbal de levée des réserves.

Ainsi, plus de dix années se sont écoulées entre le 16 mars 2010 et les assignations en référé délivrées les 30 septembre et 1er octobre 2020 à l'encontre du titulaire du lot 'charpente bois-traitement bois' et de son assureur décennal. L'ordonnance ayant déclaré irrecevables les demandes de condamnation présentées par les maîtres d'ouvrage à leur encontre sera donc confirmée.

S'agissant du lot n° 3 'Menuiseries extérieures'

Selon le marché de travaux du 9 février 2010 conclu entre les maîtres d'ouvrage et M. [P], ce dernier devait débuter sa prestation le 15 février 2010 et l'achever au plus tard le 15 mars 2010.

Un procès-verbal de réception a été signé par les maîtres d'ouvrage, le maître d'oeuvre et l'entrepreneur le 16 mars 2010.

Comme indiqué ci-dessus, cette dernière date apparaît logique au regard de celle prévue pour la fin des travaux de sorte que les appelants ne peuvent reprocher au maître d'oeuvre et à l'entrepreneur concerné d'avoir uniquement choisi le 16 mars 2010 pour échapper aux pénalités contractuelles prévues en cas de retard.

Ce document comporte une réserve portant sur 'la pose d'un joint de silicone autour des montants de chaque ouverture intérieure', mention qui était identique à celle figurant au compte rendu de chantier n°5 du même jour. Un court délai était octroyé à l'entrepreneur pour terminer ses travaux (19 mars 2010).

L'expert judiciaire, sans être contesté par les parties sur ce point, souligne toutefois que les travaux n'étaient pas réalisés à cette date. Il estime que la réception est intervenue très précocement et décrit avec diverses précisions que le lot n°3 n'était pas en état d'être reçu dans la mesure où le clos et le couvert de l'ouvrage n'étaient pas assurés.

L'absence de calfeutrement des menuiseries, imputable au titulaire du lot n°3 présente un caractère de gravité suffisant, en raison de l'absence d'étanchéité de l'ouvrage à l'air et l'eau, permettant de considérer que le document signé ce jour-là ne peut valoir réception.

Le premier juge a justement estimé que la réception des travaux s'était en réalité déroulée le 8 juin 2010, date de la signature d'un second procès-verbal entre les maîtres d'ouvrage, le maître d'oeuvre et le titulaire du lot n°3. La précédente réserve a en effet disparu et une autre réserve mentionnée sur ce document concernait de simples travaux de finition sans lien direct avec l'absence de calfeutrement précédemment évoquée et dont la réalisation ne pourra être effectuée qu'après l'intervention de l'enduiseur titulaire du lot n°1.

Pour s'opposer à la solution retenue par le juge de la mise en état, les appelants invoquent le non-respect par l'entrepreneur et le maître d'oeuvre des stipulations de l'article 10 du CCTP qui prévoit que, lors de la 'visite de réception', il devait 'être procédé aux essais et à la vérification des performances de l'installation'.

Cependant, l'application de cette clause apparaît inadaptée au regard de la nature de la prestation confiée au titulaire du lot n°3 qui ne se prête pas à la réalisation d'essais et de réglages. Il doit de surcroît être ajouté qu'il n'y a pas eu d'essais ni de vérification de performance le 5 octobre 2010, date revendiquée par les appelants comme étant celle qui doit être retenue en tant que point de départ du délai décennal.

Comme l'observe à raison l'ordonnance déférée, il ne peut être déduit de la mention 'l'entrepreneur agissant en technicien qualifié, devra prévoir tous les travaux nécessaires à l'achèvement des travaux' figurant dans les parties réservées à chaque lot du CCTP, que la réception ne pouvait intervenir qu'à l'achèvement complet des travaux.

Ainsi, les appelants ne démontrent pas le caractère équivoque de leur acceptation de la réception de la tranche indépendante du lot n°3 à la date du 8 juin 2010 pour en contester la réalité et les effets.

La réalisation des travaux de finition par M. [P] a été entérinée le 5 octobre 2010, date à laquelle a été signé par l'ensemble des parties concernées un procès-verbal, improprement intitulé 'de réception', qui doit en réalité s'analyser en un document constatant la simple levée de la réserve du 8 juin 2010.

En conséquence, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a déclaré forclose l'action intentée par les maîtres d'ouvrage à l'encontre de M. [P] et de son assureur (8 juin 2010/30 septembre et 1er octobre 2020).

Sur le maître d'oeuvre

Le régime légal de forclusion de la garantie décennale s'applique au maître d'oeuvre comme l'énonce l'article 1792-1 du Code civil de sorte que l'irrecevabilité des prétentions formulées par les appelants prononcée par le juge de la mise en état sera confirmée.

Pour la première fois en cause d'appel, les consorts [L] réclament dans leurs conclusions au fond l'engagement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre en raison d'un défaut de conseil lors de la signature des procès-verbaux de réception. Se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du Code civil qui fixent le point de départ du délai de prescription à cinq ans à compter de la connaissance des conséquences de ce manquement, qui se serait révélé au cours des opérations d'expertise judiciaire, ils soutiennent que leur action à son encontre doit être déclarée recevable.

En réponse, les intimés soulèvent l'irrecevabilité de cette demande nouvelle sur le fondement des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile.

Il n'appartient pas à la cour, saisie d'un appel d'une décision du juge de la mise en état, de statuer sur l'irrecevabilité d'une demande qualifiée de nouvelle au sens des dispositions du texte précité, la compétence revenant au juge du fond.

Il en est de même de la question du non-cumul des responsabilités décennale et contractuelle et de celle de la détermination de l'assureur devant sa garantie, évoquées dans les motifs des conclusions d'incident de Mme [C] et de son assureur.

La faute reprochée par les appelants à Mme [C] n'est pas extérieure à la mission complète de maîtrise d''uvre qui lui a été confiée. En conséquence, l'action en responsabilité contractuelle fondée sur la violation d'un devoir de conseil lors des opérations de réception et dirigée contre celle-ci se prescrit par dix ans à compter de la date de réception des travaux avec ou sans réserve en application de l'article 1792-4-3 du code civil.

En conséquence et au regard des éléments retenus ci-dessus pour déterminer la date de réception des lots n°2 et 3 et de celle des assignations délivrées aux entrepreneurs et à leurs assureurs devant le juge des référés, l'irrecevabilité de cette prétention est avérée en raison de sa prescription. L'ordonnance déférée sera donc complétée sur ce point.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Si la décision de première instance doit être confirmée, il n'y a pas lieu en cause d'appel de mettre à la charge de l'une ou de l'autre des parties le versement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.

Les consorts [L] seront condamnés au paiement des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 novembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Malo ;

Y ajoutant ;

- Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme [S] [C] et la société Lloyd's Insurance Company SA tirée du caractère nouveau de la demande présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [N] [L], Mme [Y] [V] née [L] et Mme [G] [L] sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ;

- Déclare irrecevable la demande présentée par M. [N] [L], Mme [Y] [V] née [L] et Mme [G] [L] à l'encontre de Mme [S] [C] et la société Lloyd's Insurance Company SA au titre de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ;

- Rejette les autres demandes présentées en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamne in solidum M. [N] [L], Mme [Y] [V] née [L] et Mme [G] [L] au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.