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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 5 décembre 2024, n° 24/01968

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/01968

5 décembre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 34F

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 DECEMBRE 2024

N° RG 24/01968 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WN46

AFFAIRE :

[H] [B]

C/

S.A.R.L. FIRST INVESTISSMENT FINANCIAL

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 15 Février 2024 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2024R00023

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 05.12.2024

à :

Me Elisabeth ROUSSET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE (PN 313)

Me Stéphanie TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES (619)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [B]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 8] (37)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Elisabeth ROUSSET, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 313

Plaidant : Me Laurent MASCARAS, du barreau de Paris

APPELANT

****************

S.A.R.L. FIRST INVESTISSMENT FINANCIAL

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 492 71 9 8 44

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.A.S. PERCEVAL FINANCE CONSEIL

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

Plaidant : Me Christophe GERBET, du barreau de Paris

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Ahom Holding a été créée le 20 janvier 2015, en tant que société holding regroupant les fonds de dix associés (M. [H] [B], M. [M] [Y], M. [C] [P], Mme [R] [Z], M. [D] [L], les sociétés Perceval Finance Conseil, représentée par M. [J] [F], Hugo Finance, First Investissment Financial, Finergex et Vertus), afin de procéder à des opérations d'investissement sur les marchés financiers, M. [H] [B] étant chargé aux termes des statuts de présider, diriger et administrer la société.

Par assemblée générale extraordinaire du 2 juin 2017, les associés ont décidé à l'unanimité la dissolution amiable de la société et nommé M. [B] en qualité de liquidateur amiable, disposant d'un délai de 6 mois afin d'établir un rapport sur les opérations de liquidation.

Sur saisine de M. [C] [P], Mme [R] [Z], M. [M] [Y], des SARL Vertus, Perceval Finance Conseil et First Investissment Financial, par ordonnance du 31 octobre 2018, rendue en l'absence de comparution de M. [B], le président du tribunal de commerce de Nanterre a, en substance :

- désigné la SELARL de Bois-[S] mission conduite par Maître [S], en qualité de mandataire ad hoc pour convoquer dans le délai d'un mois l'assemblée générale des actionnaires de la SAS Ahom Holding, avec pour ordre du jour la révocation de M. [H] [B] en sa qualité de liquidateur amiable et la désignation d'un nouveau liquidateur amiable,

- condamné M. [H] [B] sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance à communiquer aux associés de la société Ahom Holding les documents suivants :

* la répartition et la composition du capital social ainsi que les éventuelles cessions ou acquisitions d'actions de la société Ahom Holding depuis son immatriculation, notamment le registre des mouvements des titres de la société Ahom Holding, et les actes relatifs à la modification du capital social et des associés de la société Ahom Holding,

* les procès-verbaux relatifs aux décisions d'assemblées générales ordinaires d'approbation des comptes, rapports de présidence et rapports de gestion,

* les contrats « broker » et le registre des mouvements de trading sur l'intégralité des comptes « broker » ouverts au nom de la société Ahom Holding et ce, depuis mars 2015,

et s'est réservé la liquidation de l'astreinte.

La société Ahom Holding a été radiée en 2023.

Par acte délivré le 21 décembre 2023, les sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil ont fait assigner en référé M. [B] aux fins d'obtenir principalement :

- la liquidation de l'astreinte provisoire ordonnée par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre rendue le 31 octobre 2018,

- la condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 177 000 euros, sauf à parfaire au jour du prononcé de l'ordonnance,

- la condamnation de M. [B] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de M. [B] aux entiers dépens de l'instance, comprenant notamment les frais d'assignation, de signification de l'ordonnance à intervenir, des frais d'exécution.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 15 février 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- liquidé l'astreinte provisoire ordonnée par l'ordonnance du 31 octobre 2018,

- condamné M. [B] à payer aux sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil la somme provisionnelle de 177 100 euros, sauf à parfaire au jour du prononcé de l'ordonnance,

- condamné M. [B] à payer à la somme provisionnelle de 1 000 euros à chacune des sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil en application des dipositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] aux dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 57,65 euros, dont TVA 9,61 euros,

- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 22 mars 2024, M. [B] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [B] demande à la cour, au visa de l'article L. 131-4 du code de procédure civile d'exécution, de :

'- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries et d'accueillir les présentes conclusions en réponse aux conclusions adverses tardives,

- infirmer et réformer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 15 février 2024.

à titre principal

- juger que le montant provisionnel de liquidation de l'astreinte provisoire doit être réduit à de plus justes proportions et ainsi à 1 euro compte tenu des importants problèmes de santé et des contrôles fiscaux qui sont des difficultés rencontrées pour exécuter l'obligation à laquelle le M. [B] a été condamné

à titre subsidiaire

- juger que le montant provisionnel de liquidation de l'astreinte provisoire doit être réduit à de plus justes proportions et ainsi à 1 184,28 euros compte tenu des importants problèmes de santé et des contrôles fiscaux qui sont des difficultés rencontrées pour exécuter l'obligation à laquelle le M. [B] a été condamné

en tout état de cause,

- condamner solidairement la sarl First Investissment Financial et sas Perceval Finance Conseil à verser la somme de 2 000 euros à M. [H] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la première instance

- condamner solidairement la sarl First Investissment Financial et sas Perceval Finance Conseil à verser la somme de 5 000 euros chacune à M. [H] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 28 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil demandent à la cour, au visa de l'article L. 131-4 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution, de :

'- recevoir les sociétés First Investissement Financial et Perceval Finance Conseil en leurs écritures et les y dire bien fondées

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise

- débouter M. [H] [B] de l'intégralité de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent

- condamner M. [H] [B] à verser aux sociétés First Investissement Financial et Perceval Finance Conseil, chacune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] [B] aux entiers dépens de l'instance. '

Par ordonnance du 19 septembre 2024, la magistrate déléguée par le premier président, aux motifs que M. [B] que ne développe aucun moyen d'annulation ou de réformation de la décision frappée d'appel mais uniquement des moyens portant sur la décision du 31 octobre 2018 dont le caractère définitif n'est pas contesté, et qui soutient sans être contredit ne disposer d'aucun patrimoine, justifie être dans l'impossibilité d'exécuter la condamnation mise à sa charge au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance du 31 octobre 2018, a :

- rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé rendue le 15 février 2024 par le président du tribunal de commerce de Nanterre ;

- rejeté la demande de radiation de l'affaire enregistrée sous le numéro RG 24/04968, pendante devant la chambre 1-5 du rôle de la cour d'appel de Versailles

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

S'agissant du contexte du prononcé de l'astreinte, l'appelant relate que la société Ahom Holding a été constituée sur les conseils de Monsieur [J] [F] dont il était l'étudiant, et qu'elle avait vocation à être un fonds d'investissement privé constitué pour placer de l'argent sur les marchés financiers selon les directives de M. [F].

Il précise que les associés étaient :

- M. [F], via la société Perceval Finance Conseil,

- 5 clients de la société de formation et de conseils financiers de M. [F] (à savoir M. [A], M. [L], M. [G], M. [Z], M. [B]) et

- 4 amis à lui (M. [Y], M. [P], M. [U], M. [K]).

Il fait valoir que dès le départ, les fonds apportés (20 000 euros par personne) étaient des fonds dont les associés avaient conscience des risques de perte au vu de l'activité de la société opérant sur des marchés et des produits financiers risqués ; que les investissements se sont bien déroulés pendant les 6 premiers mois ; que les difficultés sont apparues à l'été 2015 lorsque les stratégies d'investissement de M. [F] se sont avérées désastreuses ; que la crise grecque de juin 2015 puis la crise chinoise de l'été 2015 ont laissé de nombreuses personnes en difficultés financières parmi ses clients ; qu'en 2016, la décision de la Grande-Bretagne de sortir de l'Union Européenne a également bouleversé les marchés financiers ; que finalement, l'élection de M. [W] [O] à l'automne 2016 a fini d'ébranler les indices mondiaux, de sorte que toutes ces crises, et les mauvais conseils de M. [F], ont précipité les pertes de la société Ahom Holding, tandis qu'à ce moment-là, sa maladie a commencé à s'aggraver.

Il ajoute que compte tenu des pertes sur les marchés boursiers, les associés de la société ont décidé la dissolution anticipée, suivant assemblée générale extraordinaire en date du 2 juin 2017, et que dans ce cadre, il a été nommé liquidateur amiable.

Il fait observer que seuls deux associés le poursuivent, lesquels sont d'une parfaite mauvaise foi dans la mesure où il s'agissait d'une activité sur des marchés très risqués, et que M. [F] le sait parfaitement puisqu'il a lui même fait subir des déconvenues à ses clients.

M. [B] argue tout d'abord des difficultés qu'il a rencontrées pour exécuter l'astreinte, et en demande la suppression, faisant valoir que le fait de rencontrer d'importants problèmes de santé, lequel, s'il ne caractérise pas une cause étrangère, peut s'analyser comme des difficultés rencontrées pour exécuter l'obligation à laquelle le débiteur a été condamné.

Il décrit ainsi les souffrances, hospitalisation, multiples suivis médicaux engendrés par la maladie auto immune nommée la « polyarthrite rhumatoïde grave »dont il souffre depuis 2017.

Il expose que malgré cette maladie, il a toujours été de bonne foi et que s'il n'a pu faire diligences pour le dépôt des comptes, de la liquidation ou antérieurs, c'est en raison de l'absence de réponse des associés à sa proposition de convocation d'une assemblée générale formulée par courriel du 9 avril 2022 ainsi qu'à sa suggestion émise par courriel du 2 août 2022 d'apport des associés pour régler les frais afférents à la liquidation, en raison de la nécessité de faire appel à un expert-comptable pour établir les bilans et comptes de liquidation, dont la rémunération prévisible était de 5 000 euros.

Il allègue ensuite de difficultés rencontrées dans le cadre de contrôles fiscaux.

Il indique que le premier concernait la société Ahom Holding et s'est terminé, contrairement à ce que soutiennent les intimés, par un crédit de TVA, sans aucune pénalité ; qu'il n'y a eu aucune difficulté sur l'absence de dépôt des comptes puisque la société avait engendré des pertes sur les années 2015 à 2017 ; que si la société Ahom Holding n'a pas été redressée, c'est parce qu'il n'y a eu aucun manquement de sa part.

Il expose que le second le concernait à titre personnel ; qu'en raison de prêts personnels dont il a bénéficié compte tenu de ses difficultés financières, il a eu un redressement de 33 209 euros dont 8.606 euros de majorations ; qu'en raison de son état de santé fragile, il a sollicité des délais ; qu'il a adressé une réclamation qui a été refusée, puis a introduit un recours contentieux, dont les 19 annexes témoignent de son état de santé physique et moral.

Il souligne enfin que les intimés n'ont cessé de le mettre à mal pour des documents dont l'utilité n'était ni urgente ni avérée dans la mesure où les associés ont décidé à l'unanimité la dissolution anticipée de la société le 12 juin 2017 ; que les contrôles fiscaux n'ont entraîné aucun préjudice pour la société ; que la société a été radiée compte tenu de l'impossibilité d'établir les comptes et le bilan de liquidation du fait du défaut de réponse et d'apports des associés.

Il soulève par ailleurs que les nouvelles demandes de communication de pièces des intimés « ne peuvent être acceptées », comme ne relevant pas des pouvoirs du juge de l'exécution tels que prévus par l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

Se fondant sur un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de ses arrêts du 20 janvier 2022 (Civ 2ème 20 janvier 2022 n° 20-15261, 19-23721 et 19-22435), M. [B] invoque ensuite une disproportion manifeste entre la liquidation sollicitée et le bénéfice attendu par la communication des documents sollicités pour solliciter la réduction de la liquidation de l'astreinte à 1 euro.

Il avance qu'il lui est reproché son manquement à son obligation de communiquer des documents relatifs à la société Ahom Holding alors que cette dernière est liquidée depuis l'année 2018 et qu'il n'a pu faire les diligences auprès du greffe compte tenu de son état de santé et que « pour clore tout débat », il produit la liste des souscripteurs d'actions se trouvant dans le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 12 juin 2017 ainsi que les CERFA de cession de droits sociaux.

Il précise ne pas être en possession des contrats broker et mouvements trading depuis 2015 et les avoirs demandés vainement à plusieurs reprises à la Saxobanque ; que les approbations des comptes depuis 2015 n'ont pas été réalisées en raison de la dissolution de la société, de la dégradation de son état de santé et de l'absence de réponse des associés au courriel par lequel il leur indiquait qu'il fallait payer les comptables à hauteur de 5 000 euros et que la société n'avait pas les fonds nécessaires, ce qui démontre qu'ils étaient parfaitement informés de la situation.

M. [B] fait ensuite des développements sous un titre intitulé « sur l'absence de bénéfice attendu par la communication des documents sollicités », concernant :

- les cessions litigieuses dont il indique qu'elle sont intervenues les 31 août 2016 et 31 janvier 2017 soit moins d'un an avant la dissolution anticipée décidée par les associés et qu'il n'a pas choisi délibérément de ne pas exécuter les causes de l'ordonnance du 31 octobre 2018 ;

- les contrats brokers et le registre des mouvements de trading, pour lesquels il soutient que le premier contrat Broker était Bourse Trade qui a été créée et dirigée par la société Perceval Finance Conseil, dont elle avait partant parfaitement connaissance, et les autres avec Bourse Trade, dont M. [F] a été à l'origine, et SaxoBanque, qui n'a jamais répondu à ses 3 demandes par courriers d'avril 2024 ;

- concernant les assemblées générales, pour lesquelles il réitère ses précédents propos.

Les sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil, intimées, relatent quant à elles que les difficultés de la société Ahom Holding, constituée entre amis pour procéder à des investissements sur les marchés financiers, sont apparues lorsque M. [B], mandataire social, a cessé de rendre compte des diligences accomplies et n'a pas convoqué l'assemblée des actionnaires pour qu'elle approuve les comptes et délibère sur différents projet de cession d'actions, lesquelles sont donc intervenues en méconnaissance des stipulations statutaires.

Elles sollicitent la confirmation intégrale de l'ordonnance querellée, faisant valoir que M. [B] ne peut se prévaloir de ses propres carences pour poursuivre l'infirmation d'une ordonnance qui ne fait que tirer les conséquences de son refus d'exécuter une précédente ordonnance rendue à l'occasion d'une instance à laquelle il a choisi de ne pas se présenter et qu'il n'a pas contestée.

Elles soutiennent que l'appelant ne justifie pas son incapacité à communiquer la répartition du capital, les actes de cession d'actions et le registre des mouvements de titres, pièces ne nécessitant aucune diligence particulière technique.

Elles font observer que ces pièces sont enfin produites en appel et font apparaître que les cessions ont été réalisées au bénéfice de la société Ahom Holding, qui est ainsi devenue détentrice de plus de 21 % de son capital en violation des statuts, et ce qui aurait dû entraîner la convocation par M. [B] d'une assemblée générale pour se prononcer sur la réduction du capital et l'annulation de ces titres ; que ces pièces font encore apparaître que M. [B] a acquis les titres de M. [Y], sans recueillir l'agrément des autres associés.

Elles en concluent que M. [B] a délibérément choisi de ne pas exécuter les causes de l'ordonnance du 31 octobre 2018, afin de « camoufler » ses manquements.

S'agissant des contrats « brokers » et du registre des mouvement de trading, elles rétorquent que les affirmations de l'appelant ne sont corroborées par aucun élément objectif et sont au demeurant fausses ; que M. [B] précise en avoir sollicité la communication en avril 2024, après avoir interjeté appel de l'ordonnance qui a liquidé l'astreinte, sans justifier avoir demandé cette communication après la signification de l'ordonnance du 31 décembre 2018.

Elles considèrent que M. [B] n'a donc mis en 'uvre aucune démarche utile pour exécuter l'ordonnance qui l'a condamné sous astreinte et que son comportement doit conduire à la confirmation entreprise.

S'agissant des procès-verbaux relatifs aux décisions d'assemblée générale ordinaire d'approbation des comptes, rapport de présidence et rapport de gestion, elles font valoir que M. [B] n'a jamais tenu la comptabilité de la société Ahom Holding ; que c'est l'absence de déclaration fiscale déposée au nom de la société au titre des années 2015, 2016 et 2017 qui a donné lieu aux opérations de vérification de comptabilité de la société et à l'examen de la situation fiscale personnelle de M. [B] ; que les services fiscaux ont assorti les redressements notifiés à la société Ahom Holding de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, après avoir exercé leur droit de communication directe auprès des banques ; que M. [B] aurait pu communiquer les relevés bancaires de la société en exécution de l'ordonnance de 2018 ; que l'argument selon lequel les associés n'ont pas donné de réponse à la demande de paiement des honoraires du comptable n'est pas pertinent puisqu'il appartenait à M. [B], en sa qualité de président de la société, de réunir l'assemblée et de faire état des difficultés rencontrées.

Elles prétendent que M. [B] a choisi de ne pas régler les honoraires sollicités par le comptable pour arrêter les comptes, préférant prélever dans les caisses de la société Ahom Holding les fonds qui ont réglé ses honoraires et ses frais, sans autorisation ni validation de l'assemblée générale, pour des sommes bien supérieures au montant des honoraires du comptable ; que les pièces communiquées en cause d'appel font apparaître que :

- la société Ahom Holding a enregistré des pertes boursières pour 50 000 euros au plus,

- M. [B] a prélevé dans les caisses de la société 42 000 euros d'honoraires en 2015 et 38 500 euros d'honoraires en 2016 ;

- M. [B] a perçu des remboursement de frais pour 6 632,62 euros en 2015 et 9 385,68 euros en 2016 pour lesquels aucune explication n'est fournie.

Elles soutiennent qu'il n'a jamais été dans leurs intentions de reprocher à M. [B] des pertes intervenues sur un marché à risque et qu'il apparaît aujourd'hui, à la lecture des pièces produites, que M. [B] a manqué à ses obligations légales et statutaires ; que son refus de communiquer les pièces traduit en réalité sa volonté de dissimuler les détournements commis au préjudice de la société et de ses actionnaires par l'utilisation du capital de la société pour un montant de 190 000 euros, constitués par les apports des actionnaires, à son profit.

Elles demandent donc à la cour de retenir que le comportement de M. [B] justifie le montant de l'astreinte prononcée par l'ordonnance entreprise.

Sur ce,

A titre liminaire il convient de rejeter la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formulée par M. [B], le prononcé de la clôture ayant été reporté au jour des plaidoiries à dessein, afin d'accueillir ses conclusions numéros 3 et de permettre aux intimées d'y répondre le cas échéant.

Il sera également observé que les intimées ne sollicitent pas à hauteur d'appel qu'il soit enjoint à l'appelant de communiquer des pièces nouvelles, ainsi que les écritures de ce dernier l'indiquent. En effet, les sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil ne font dans leurs conclusions que tirer argument de documents bancaires de la société Ahom Holding mais n'en sollicitent pas la production. La cour n'est donc pas saisie de demandes de communications supplémentaires.

Sur la liquidation de l'astreinte

L'astreinte, qui est indépendante des dommages-intérêts, a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution.

Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, l'astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient en tout ou partie d'une cause étrangère.

La liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste donc pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1 du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit, lorsque la demande lui en est faite, apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige (voir notamment 2e Civ., 9 novembre 2023, pourvoi n° 21-25.582).

Il s'agit donc dans un premier temps d'examiner de quelle manière M. [B] a fait en sorte de se conformer aux injonctions qui lui ont été faites par l'ordonnance du 31 octobre 2018, étant relevé qu'il ne conteste pas ne pas y avoir déféré, mais prétend avoir rencontré des difficultés l'en ayant empêché.

Pour ce faire, il convient également de rappeler que les documents que l'appelant s'est vu enjoindre de communiquer sont les suivants :

- la répartition et la composition du capital social ainsi que les éventuelles cessions ou acquisitions d'actions de la société Ahom Holding depuis son immatriculation, notamment le registre des mouvements des titres de la société Ahom Holding, et les actes relatifs à la modification du capital social et des associés de la société Ahom Holding,

- les procès-verbaux relatifs aux décisions d'assemblées générales ordinaires d'approbation des comptes, rapports de présidence et rapports de gestion,

- les contrats « broker » et le registre des mouvements de trading sur l'intégralité des comptes « broker » ouverts au nom de la société Ahom Holding et ce, depuis mars 2015.

S'agissant des contrats « broker » et du registre de trading, les intimées ne contestent pas les dires de M. [B] selon lesquels il n'avait pas accès aux comptes « broker » et n'avait donc pas ces éléments en sa possession. C'est un fait cependant qu'il ne démontre avoir tenté d'obtenir communication des contrats de la part de Saxobanque que très tardivement, par courriers datés du mois d'avril 2024, tandis que M. [B] reste taisant sur le registre des mouvements de titres, ce dont on peut déduire qu'il ne l'aurait pas tenu.

Les sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil ne contestent pas non plus formellement l'inexistence des procès-verbaux des assemblées générales ordinaires de la société Ahom Holding, et une autre position de leur part serait en tout état de cause difficilement tenable puisqu'il apparaît qu'au cours des années d'exercice de la société, soit entre 2015 et 2017, il n'y a pas eu d'assemblée générale annuelle, sans d'ailleurs qu'à l'époque les intimées ne réclament leur convocation et alors qu'elles ont voté en juin 2017 à l'occasion de la dissolution de la société, la désignation de M. [B] en tant que liquidateur amiable de la société, sans critique donc de sa gestion passée.

Elles font grief dans leurs conclusions à M. [B] de ne pas avoir procédé à la reconstitution de la comptabilité de la société Ahom Holding à partir des relevés bancaires existants puisque l'administration fiscale a pu les consulter.

Toutefois, ce n'est pas un document rétrospectivement établi dont la communication était ordonnée, mais des procès-verbaux dont l'existence fait défaut. Le fait que l'absence de tenue de ces assemblées générales, et donc d'établissement de procès-verbaux, constitue un manquement de M. [B] à ses obligations de mandataire social de la société ne saurait éclipser cette inexistence.

En revanche, puisque M. [B] les produit désormais à hauteur d'appel, il est acquis qu'il était en possession des actes de cession d'actions, lesquels étaient de nature à permettre de connaître l'évolution de la répartition et de la composition du capital social au cours de la vie de la société Ahom Holding.

Comme le font valoir les intimées, les pièces désormais produites révèlent que des cessions sont intervenues sous l'égide de M. [B] en qualité de président de la société, sans autorisation de l'assemblée générale des associés, et donc en violation des statuts de la société, et qu'une cession est intervenue à son profit en tant qu'acquéreur, sans qu'il n'ait sollicité l'agrément des autres associés, en violation là-encore des statuts sociaux.

La dégradation de l'état de santé de l'appelant à partir du mois de juin 2017, qui résulte en effet notamment de la lettre du 27 juin 2017 de transmission du compte-rendu d'hospitalisation, faisant état d'un traitement de fond dans le cadre d'une polyarthrite rhumatoïde associée à une thrombopénie, ainsi que d'un état de prise en charge du mois d'avril 2022 mentionnant une polyarthrite rhumatoïde évolutive grave, ne saurait justifier qu'il ait été empêché de se conformer aux injonctions judiciaires de communication, à tout le moins pour les pièces dont il était à l'évidence en possession.

De même, les contrôles fiscaux pour lesquels il a dû rendre des comptes, tant pour la société Ahom Holding, qu'à titre personnel, ne sauraient justifier son inertie totale vis-à-vis des condamnations ordonnées et ce, même s'il s'avère en effet comme il le fait valoir que la vérification de comptabilité de la société Ahom Holding par l'administration fiscale n'a donné lieu à aucune rectification.

Dans ces conditions, s'il convient de retenir que l'absence de détention par M. [B] des deux dernières catégories de pièces caractérise des difficultés à les communiquer, difficultés qu'il convient toutefois de relativiser pour partie puisqu'il n'a tenté de se conformer aux injonctions judiciaires concernant les contrats « broker » que très tardivement, en revanche ni son état de santé, ni les contrôles fiscaux ne sont de nature à justifier sa carence dans la production des actes de cession de droits sociaux de la société Ahom Holding puisque comme le font valoir à juste titre les intimées, ces communications ne nécessitaient aucune diligence particulière technique.

S'il ne devait être retenu que le comportement de M. [B], il y aurait lieu au regard de l'ensemble de ces éléments de réduire le montant de l'astreinte à 60 % de son total, soit à la somme de 106 260 euros.

Toutefois, il convient en second lieu d'examiner également si le montant de l'astreinte à liquider est proportionnel à l'enjeu du litige, moyen invoqué par l'appelant sur lequel les intimées ne répondent pas.

Il est constant que la société Ahom Holding a fait l'objet d'une dissolution amiable selon décision unanime des associés lors de l'assemblée générale extraordinaire du 7 juin 2017 et que la société a été radiée d'office du registre du commerce et des sociétés de Nanterre le 29 juin 2023, de sorte que les pièces litigieuses ne présentent aucun intérêt au regard du fonctionnement de cette personne morale désormais disparue.

La lecture de l'ordonnance du 31 octobre 2018 permet de constater que les injonctions prononcées l'ont été à l'occasion de la liquidation amiable de la société et alors que le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a parallèlement désigné un mandataire ad hoc afin de pallier la carence de M. [B] qui n'avait pas convoqué les associés en assemblée générale pour faire le point sur les opérations de liquidation, malgré l'engagement en ce sens pris selon courrier du 9 avril 2018.

Déjà lors de cette procédure, des associés de la société Ahom Holding invoquaient les déclarations mensongères de M. [B], sa volonté délibérée de ne pas communiquer les documents sociaux, de ne pas convoquer une assemblée générale et son absence de respect des dispositions légales relatives au régime de la liquidation amiable.

S'il résulte des précédents développements qu'il n'est pas établi que M. [B] était en possession des deux dernières catégories de documents, il s'avère que les injonctions prononcées ont permis qu'il communique à hauteur d'appel de l'ordonnance liquidant l'astreinte les actes concernant les cessions de parts sociales intervenues à l'insu des associés non mandataires sociaux, ainsi que manifestement les documents relatifs à la procédure de vérification fiscale, contenant un certain nombre d'informations sur le fonctionnement de la société lors de son activité.

Si les sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil énoncent dans leurs conclusions les différentes fautes commises par M. [B] révélées par les pièces communiquées, elles ne précisent en revanche pas quelle pourrait être dès lors leur utilité au regard notamment d'un éventuel procès en germe possible.

Il s'ensuit qu'au regard notamment de la situation financière de M. [B], qui ne détient pas de patrimoine et dont le salaire brut s'élève à la somme de 2 081,09 euros par mois, le montant auquel l'astreinte devrait être liquidée est disproportionné à l'enjeu du litige.

En conséquence, il convient de le réduire à 20 % de la somme de 106 260 euros, soit à la somme de 21 252 euros.

M. [B] sera ainsi, par voie d'infirmation sur le quantum, condamné à payer cette somme aux sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil.

Sur les demandes accessoires :

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie essentiellement perdante, M. [B] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Il devra en outre supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser aux sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelant sera en conséquence condamné à verser à chacune d'elle la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture,

Infirme l'ordonnance du 15 février 2024 mais uniquement en ce qu'elle a statué sur le montant de la liquidation de l'astreinte provisoire,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. [H] [B] à payer aux sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil, ensemble, la somme de 21 252 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire ordonnée par l'ordonnance du 31 octobre 2018,

Dit que M. [H] [B] supportera les dépens d'appel,

Condamne M. [H] [B] à verser à chacune des sociétés First Investissment Financial et Perceval Finance Conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président