CA Versailles, ch. com. 3-1, 5 décembre 2024, n° 24/01285
VERSAILLES
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Storee Retail (SAS), Victoire Participations (SARL)
Défendeur :
Groupama immobilier (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevan
Avocats :
Me Dupuis, Me Dubecq, Me Sion
La société Victoire participations, titulaire de la marque verbale française « Storee Retail » et les sociétés Storee retail, Storee retail [Localité 11], Storee retail France, Storee retail [Localité 7] et Storee retail asset management ont, par acte du 2 mars 2023, assigné la société Groupama immobilier, qui a déposé deux marques françaises « Storytail » devant le tribunal judiciaire de Nanterre en contrefaçon de la marque verbale française « Storee Retail » et concurrence déloyale.
La société Groupama immobilier a soulevé une fin de non-recevoir fondée sur l'article L. 716-4-3, 1°, du code de la propriété intellectuelle et tirée du défaut d'usage sérieux de la marque verbale française « Storee Retail » pour les services pour lesquels elle est enregistrée au cours des cinq années précédant la date de la demande en contrefaçon.
Par ordonnance du 13 novembre 2023, le juge de la mise en état a renvoyé l'affaire devant la formation de jugement.
Par jugement du 7 février 2024, le tribunal a pour l'essentiel déclaré la société Victoire participations irrecevable à agir en contrefaçon de la marque « Storee Retail » en ce qu'elle désigne dans la classe 35 des services de gestion des affaires commerciales et de conseils en organisation et direction des affaires et dans la classe 36 des services de gérance de biens immobiliers et de gestion financière, services de financement, consultation en matière financière et analyse financière.
Par déclaration du 20 février 2024, les demanderesses ont fait appel de ce jugement.
Le greffier a, par lettre du 5 mars 2024, adressé à la société Groupama immobilier un exemplaire de la déclaration d'appel avec l'indication de l'obligation de constituer avocat.
La société Groupama immobilier a constitué avocat le 6 mars 2024.
Les appelantes ont remis au greffe et notifié leurs premières conclusions par RPVA le 17 mai 2024.
La société Groupama immobilier a remis au greffe et notifié ses premières conclusions par RPVA le 17 juillet 2024.
Par conclusions du 29 juillet 2024, les appelantes ont saisi le président de la chambre de l'irrecevabilité des conclusions et pièces de la société Groupama immobilier faute de remise au greffe et de notification dans le délai imparti par l'article 905-2 du code de procédure civile.
Par conclusions du 18 octobre 2024, la société Groupama immobilier a conclu à la recevabilité de ses conclusions et de son appel incident.
SUR CE,
L'appel du jugement rendu le 7 février 2024 par le tribunal judiciaire de Nanterre relève de la procédure à bref délai définie par les articles 905 et suivants anciens du code de procédure civile dès lors que ce jugement a statué, en cours de mise en état, sur une question de fond et une fin de non-recevoir en application du neuvième alinéa de l'article 789, après renvoi de l'affaire par le juge de la mise en état devant la formation de jugement.
Contrairement à ce que soutient la société Groupama immobilier, la cour n'a pas fixé de calendrier de procédure. A réception de la déclaration d'appel, seul le greffe l'a enregistrée en l'orientant, par erreur, dans le circuit de la procédure ordinaire avec mise en état de sorte que les informations, indicatives, des délais impartis aux parties pour conclure selon l'article 909 ancien s'agissant de l'intimé ne résultent pas du choix de la cour d'orienter ainsi la procédure d'appel mais du seul processus d'enregistrement des actes de procédure remis au greffe par les parties.
Si le président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée décide de l'orientation de l'affaire en application de l'article 904 ancien-1, cette compétence est liée par les dispositions du code de procédure civile telles que l'article 905 ancien. La procédure à bref délai s'imposant aux parties et à la cour en vertu de l'article 905 ancien, il n'entre ainsi pas dans les pouvoirs du greffe, du président de la chambre saisie ou de la cour d'orienter la procédure d'appel autrement.
En l'espèce, si les parties n'ont pas été avisées des dates de clôture de l'instruction et des plaidoiries, elles n'ont pas non plus été avisées de la désignation d'un conseiller de la mise en état.
La procédure à bref délai étant applicable de plein droit en l'espèce, les délais impartis aux parties pour conclure sont ceux définis à l'article 905-2 ancien, lequel définit à la fois le délai imparti et son point de départ pour chacune des parties, et ce, même en l'absence d'ordonnance de fixation de la procédure à bref délai.
Aux termes de l'article 905-2 ancien, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Il résulte de tout ce qui précède que le délai d'un mois imparti à la société Groupama immobilier pour conclure a couru de plein droit dès la notification des conclusions des appelantes le 17 mai 2024 de sorte que l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée déposées plus d'un mois après cette date, le 17 juillet 2024, est encourue.
Toutefois, même si l'avocat est un professionnel du droit à même d'appliquer les règles de procédure applicables, la société Groupama immobilier a été induite en erreur par le greffe de la cour qui lui a notifié la déclaration d'appel en rappelant l'application non des articles 905 et suivants anciens mais du seul article 909 ancien et qui a enregistré, par suite, des délais de procédure applicables aux deux parties erronés, dont la société Groupama immobilier a eu connaissance dès sa constitution d'avocat.
En outre, la société Groupama immobilier a persisté dans l'erreur en raison du comportement procédural des appelantes qui ont elles-mêmes attendu trois mois à compter de leur déclaration d'appel pour conclure, en gardant le silence sur la procédure s'appliquant de plein droit alors même qu'étant demanderesses devant le tribunal et appelantes, elles avaient intérêt à ce que leur appel soit jugé à bref délai. Ce délai de trois mois pris par les appelantes correspondant à celui prévu à l'article 908 ancien pour la procédure avec mise en état, la société Groupama immobilier a pu légitimement croire en l'application de cette dernière procédure alors que, dans le même temps, le président de la chambre s'était abstenu de fixer la date à laquelle l'affaire serait appelée pour être plaidée conformément à l'article 905 ancien.
La cour observe enfin que la société Groupama immobilier a été diligente en constituant avocat dès le lendemain de l'envoi de la lettre simple de notification de la déclaration d'appel par le greffe et en concluant, en formant un appel incident, dans les deux mois, et non dans les trois mois, des conclusions des appelantes.
Ainsi, en l'espèce, l'absence d'avis de fixation défini par le président de la chambre a eu pour effet de permettre aux appelantes de conclure au moment où elles le souhaitaient, soit en l'espèce trois mois après leur déclaration d'appel, tout en imposant à l'intimée de conclure dans le mois de sorte que cette carence a eu pour effet de rompre l'égalité des armes entre les parties.
Ensuite, la sanction attachée au non-respect par la société Groupama immobilier du délai pour conclure et formé appel incident prévue par l'article 905-2 ancien, soit l'irrecevabilité de ses conclusions, de ses pièces et de son appel incident qui revient à lui interdire de faire valoir ses droits et de contester la décision des premiers juges, constitue une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge par rapport au but poursuivi par ces dispositions qui est d'assurer la célérité des procédures.
Il s'ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par les appelantes sera rejetée et les conclusions de la société Groupama immobilier, ainsi que les pièces jointes, seront déclarées recevables.
Compte tenu du délai de recours à l'égard de la présente ordonnance, les dates de clôture de l'instruction et des plaidoiries ne peuvent être fixées par la présente ordonnance. Les appelantes seront déboutées de leur demande en ce sens.
Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance susceptible de déféré devant la cour dans les conditions définies par l'article 916 ancien du code de procédure civile,
Rejetons la fin de non-recevable soulevée par les appelantes ;
En conséquence, déclarons recevables les conclusions, contenant appel incident, remises au greffe et notifiées par RPVA le 17 juillet 2024 par la société Groupama immobilier et les pièces afférantes ;
Déboutons les appelantes de leur demande de fixation des dates de clôture de l'instruction et des plaidoiries ;
Laissons les dépens de l'incident à la charge des appelantes ;
Disons n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.