Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-5, 5 décembre 2024, n° 24/01871
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 DECEMBRE 2024
N° RG 24/01871 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WNVX
AFFAIRE :
S.A.S. SEGULA GLOBAL SERVICES
C/
SAS JJGK AERO
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Février 2024 par le Président du TC de NANTERRE
N° RG : 2023R01299
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 05.12.2024
à :
Me Asma MZE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
(628)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. SEGULA GLOBAL SERVICES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 414 393 6 94
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 699 - N° du dossier 2473369
Plaidant : Me Stéphanie ROUSSET et Me Olivia GUIGUET, du barreau de Marseille
APPELANTE
****************
SAS JJGK AERO
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 843 499 260
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628
Plaidant : Me Nicolas BRANTHOMME du barreau de Marseille
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Segula Global Services a pour activité l'ingénierie et les services de maintenance dans le secteur aéronautique civil et militaire. Elle vient aux droits de la société Simra Défense.
La SAS JJGK Aero a pour activité les prestations de pilotage et de maintenance d'hélicoptères, instruction au pilotage d'hélicoptère, conseil, expertise, gestion pour l'achat et vente d'hélicoptères.
Par acte sous seing privé des 5 et 15 janvier 2021, il a été constitué entre les deux sociétés un groupement momentané d'entreprises en vue de répondre à un appel d'offres de la société Airbus Helicopters référencé 'France 2 project', pour la réalisation de prestations de décapage et peinture d'hélicoptères 'Super Puma' nécessitant notamment l'acquisition d'une cabine de peinture spécifique.
Par avenant signé les 29 avril et 4 mai 2021, les parties ont arrêté les modalités de financement et de remboursement de l'achat et installation d'une cabine de peinture et d'une cabine de décapage, la société Segula Global Services participant à hauteur de 50% à ces investissements.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 février 2022, la société Segula Global Services a notifié à la société JJGK Aero la décision de résiliation anticipée de la convention de groupement momentané d'entreprises, arguant de difficultés rencontrées durant leur coopération.
Les deux sociétés ont décidé de recourir à une médiation sous l'égide du Centre de médiation et d'arbitrage de [Localité 4] (CMAP).
Un protocole transactionnel est intervenu entre les parties sous l'égide d'un médiateur, à la suite d'une réunion du 1er mars 2023. Il a été signé par les deux parties le 1er juin 2023. Il acte la fin du groupement momentané d'entreprises au 31 mars 2022 et prévoit le versement par la société JJGK de la somme forfaitaire de 298 566 euros et de la somme de 58 608 euros, suivant un échéancier d'une durée de 12 mois à compter de la signature, soit la somme mensuelle de 29 764,50 euros payable le 10 de chaque mois.
Les échéances de remboursement prévues au protocole pour les mois de juin et juillet 2023 ont été payées avec retard par société JJGK le 31 juillet 2023.
De nouvelles échéances étant demeurées impayées, la société Segula Global Services a vainement mis en demeure la société JJGK par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception les 17 octobre puis 13 novembre 2023.
Par acte délivré le 21 novembre 2023, la société Segula Global Services a fait assigner en référé la société JJGK Aero aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement d'une provision d'un montant, à parfaire jusqu'au jour de la décision, de 119 058 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de chaque échéance impayée, et la somme forfaitaire de 40 euros, conformément aux termes des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce, ainsi que sa condamnation au paiement d'une provision d'un montant de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par ordonnance contradictoire rendue le 14 février 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse, dit en conséquence n'y avoir lieu à référé, renvoyé la société Segula Global Services à mieux se pourvoir éventuellement au fond,
- dit corrélativement n'y avoir lieu à référé en dommages-intérêts et renvoyé la société Segula Global Services à se pourvoir éventuellement au fond,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties demanderesses sur ce fondement étant déboutées de leurs demandes,
- condamné la société Segula Global Services aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros,
- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 20 mars 2024, la société Segula Global Services a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Segula Global Services demande à la cour, au visa de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
'- déclarer la société Segula Global Services recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 14 février 2024 en ce qu'elle :
- constate l'existence d'une contestation sérieuse, dit en conséquence n'y avoir lieu à référé,
- renvoie la sas Segula Global Services à se mieux pourvoir éventuellement au fond ;
- dit corrélativement n'y avoir lieu en référé à dommages-intérêts et renvoie la sas Segula Global Services à se pourvoir éventuellement au fond ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties demanderesses sur ce fondement étant déboutées de leurs demandes ;
- condamne la sas Segula Global Services aux dépens ;
- rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;
- liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros.
statuant à nouveau,
- condamner la société JJGK Aero à payer à la société Segula Global Services une provision d'un montant de 297 645 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de chaque échéance impayée et la somme forfaitaire de 40 euros conformément aux termes des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce,
- débouter la société JJGK Aero de toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,
- condamner la société JJGK Aero à payer à la société Segula Global Services une provision d'un montant de 10 000 euros à titre de dommages et d'intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société JJGK Aero à payer à la société Segula Global Services la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.'
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société JJGK Aero demande à la cour, au visa des articles 9.3 du protocole d'accord transactionnel et 873 du code de procédure civile, de :
'- confirmer dans l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance de M. le président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 14 février 2024.
- se déclarer incompétente en l'état de la contestation sérieuse que la société JJGK-Aero sas est en mesure d'opposer aux demandes de la société Segula Global Services sas et qui est issue du fait que les parties au protocole du 1er juin 2023 disposent d'un droit contractuel à exciper de l'inexécution par chacune d'elles de ses obligations afin de ne pas exécuter les siennes propres, et que la société JJGK-Aero sas exerce actuellement ce droit en ayant saisi les juges du fond de la question de l'exécution par la société Segula Global Services sas de l'obligation qui est la sienne de produire une attestation d'assurances qui soit en mesure de justifier de la couverture de prestations de maintenance aéronautique.
- condamner la société Segula Global Services sas aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'elle ne peut pas considérer comme une évidence la réponse à la question de l'exécution par elle de ses propres obligations et qu'elle ne devrait avoir aucun mal à justifier de sa couverture d'assurance, sans pouvoir uniquement se réfugier derrière la production d'une attestation dont il est objectivement démontré qu'elle ne permet pas d'atteindre le degré de certitude donnant donc à cette société la possibilité de saisir directement le juge des référés.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Relevant que les échéances d'août 2023 à mai 2024 n'ont pas été payées et que la société JJGK détient et utilise exclusivement la cabine de peinture, acquise en copropriété à parts égales avec elle, la société Segula appelante sollicite l'infirmation de l'ordonnance du 14 février 2024 en ce qu'elle a considéré qu'il existait une contestation sérieuse à l'encontre de l'obligation de paiement de la société JJGK alors que selon elle, la simple lecture du protocole transactionnel permet d'établir qu'elle a exécuté son obligation contractuelle, sans qu'aucune interprétation ne soit nécessaire.
Elle rappelle que les parties ont consenti à plusieurs concessions réciproques énoncées aux articles 3 et 4 du protocole transactionnel, elle-même devant notamment « communiquer l'attestation de responsabilité professionnelle de son assureur confirmant que les prestations de maintenance réalisées par les équipes de Segula sont assurées. Cette attestation est jointe aux présentes. (Annexe 12) », rédaction qui établit sans contestation possible que l'attestation demandée par la société JJGK a été précisément annexée au protocole transactionnel.
Faisant valoir que l'intimée a procédé au paiement des 2 premières échéances, exécution partielle emportant reconnaissance par la société JJGK de ses obligations de paiement, l'appelante soutient que ces simples constats, qui relèvent de l'évidence, justifient le bien fondé de ses demandes.
En réponse à l'argumentation adverse, la société Segula argue d'allégations « parfaitement fantaisistes » qui ne sont qu'un « prétexte pour tenter de se soustraire à ses obligations contractuelles ».
Elle indique que le préambule du protocole transactionnel rappelle que JJGK a considéré « que l'attestation de RC transmise par Segula par email en date du 5 mai 2022 n'est pas suffisante pour attester que les prestations de maintenance réalisées par le personnel de Segula sont assurées », ce pourquoi une nouvelle attestation en date du 9 mars 2023 est venue précisément mentionner les activités de maintenance, comme demandé par la société JJGK.
Elle argue d'un d'échange d'emails entre JJGK, Segula et Siaci Saint Honoré en date des 26 et 27 janvier 2021 dont il résulte selon elle que la société JJGK a reconnu clairement que la société Segula bénéficiait d'une assurance idoine.
S'agissant de l'instance au fond introduite par la société JJGK, l'appelante considère qu'elle l'a été pour les seuls besoins de la cause et fait valoir qu'elle communique aujourd'hui :
- la police d'assurance à laquelle se réfère l'attestation annexée au protocole transactionnel, dans son intégralité à l'exception du montant de la prime d'assurance négociée qui est couverte par le secret des affaires ;
- une attestation complémentaire établie par sa compagnie d'assurance précisant le changement de dénomination sociale de la société assurée, les prestations assurées et l'application de la couverture d'assurance après la livraison des prestations,
- une note explicative établie par son courtier en assurances, la société Siaci Saint Honoré, confirmant que la police « responsabilité civile produits aéronautiques » couvre bien les activités de maintenance d'aéronefs (MRO).
L'appelante avance que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, la communication de ces documents complémentaires n'a pas pour effet de montrer que « dans [l'] esprit même [de Segula]et pour elle aussi, le débat sur cette question n'avait pas été éteint par la signature du protocole et son annexe 12 », mais vient au contraire couper court aux arguments fallacieux de l'intimée.
Pour lever encore une fois tout doute sur la couverture dont elle bénéficie, fait-elle valoir, elle établit en page 12 de ses conclusions un tableau récapitulatif des garanties et bénéficiaires de la police souscrite.
En réponse au nouvel argument de l'intimée qui prétend désormais que la communication de l'agrément PART 145 de Segula serait nécessaire pour justifier l'assurance des prestations réalisées par ses salariés dans le cadre du groupement, elle souligne que cette absence d'agrément a toujours été connue des parties, ce pourquoi précisément elles ont organisé un groupement, afin qu'elle puisse bénéficier de cet agrément détenu par la société JJGK.
En conséquence, la société Segula demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en date du 14 février 2024 en ce qu'elle a considéré qu'il existait une contestation sérieuse à l'encontre de l'obligation de paiement de JJGK et de condamner cette dernière au paiement de la somme de 297 645 euros en principal, outre les intérêts au taux légal et à la somme forfaitaire de 40 euros conformément aux termes des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce.
Elle sollicite également l'infirmation de l'ordonnance querellée qui l'a déboutée de sa demande de provision sur dommages-intérêts pour résistance abusive de la société JJGK à exécuter le protocole transactionnel et la condamnation de l'intimée à ce titre au paiement d'une provision de 10 000 euros.
Les conclusions de la société JJGK, intimée, ne respectent pas le formalisme imposé par l'article 954 du code de procédure civile, notamment en ce que ces écritures ne contiennent pas « distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens », mais sont articulées autour des quatre titres suivants :
1/ Le protocole d'accord transactionnel signé entre la société JJGK et la société Segula en vue de mettre un terme au groupe momentané d'entreprises qu'elles avaient constitué entre elles ;
2/ La concession relative à la production par la société Segula d'une attestation d'assurances « destinée à justifier de la couverture de l'ensemble des prestations réalisées par ses salariés » pendant la durée du groupement momentané d'entreprises ;
3/ L'échec de l'action en référé menée par la société Segula en vue de l'exécution forcée du protocole transactionnel ;
4/ La nécessaire confirmation de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre du 14 février 2024.
La cour retiendra que le titre 4 correspond à la partie « discussion » que doivent normalement contenir des conclusions.
La société JJGK y sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée, en répondant tout d'abord aux conclusions adverses que le début d'exécution de sa part du règlement des indemnités transactionnelles ne saurait être analysé comme une reconnaissance du caractère incontestable de ses obligations, puisqu'il s'agit pour elle de mettre en 'uvre son droit à arguer d'une exception d'inexécution, tel que prévu à l'article 9.3 du protocole.
Elle conclut ensuite sur le maintien d'une contestation sérieuse portant sur le contenu matériel de la concession consentie par la société Segula au titre de la couverture véritable des prestations de maintenance réalisées par ses salariés, faisant valoir que si désormais l'appelante produit les conditions générales de sa police d'assurance, celles-ci ne permettent pas de s'assurer de la réalité de la couverture effective.
Elle reproche à l'appelante d'invoquer en l'état de la production de ces conditions générales, le principe de la suffisance d'une seule police au sein du groupement momentané d'entreprises, considérant que la société Segula « n'est donc plus en mesure de considérer que le respect littéraliste de la concession consentie, à savoir la production de l'attestation, aurait été suffisante » pour la contraindre à ses propres obligations.
Elle rappelle que la cause de la concession qui avait été admise par la société Segula, est bien pour elle d'être certaine qu'en cas de sinistre dont l'origine serait issue des prestations réalisées par les équipes de la société Segula, une assurance viendrait couvrir les conséquences d'un tel sinistre.
Elle ajoute que la question de l'amplitude réservée à l'information qui lui a été donnée par la seule production de l'attestation d'assurance dans le cadre du processus de signature du protocole, et celle de savoir si cette amplitude était de nature à permettre un recueil équilibré de son consentement se pose indéniablement.
Elle soutient également qu'il n'est « absolument pas certain qu'en cas de sinistre dont l'origine proviendrait de la réalisation des prestations de maintenance aéronautique par les salariés de la société Segula, il n'y ait pas pour la compagnie d'assurances des moyens plus que fondés pour refuser toute couverture » ; que l'information sur le principe de partage de couverture des risques entre ses différents bénéficiaires n'a pas été portée à sa connaissance, en dépit de son caractère déterminant, tout comme l'information sur le plafond de garantie, qui n'apparaît pas dans l'attestation annexée au protocole transactionnel ; que les différentes attestations versées aux débats par la société Segula rendent désormais incertaine la couverture dite « responsabilité civile biens confiés » qui apparaît pourtant bien sur l'attestation versée aux débats, ce qui pourrait aboutir à concevoir une véritable réticence quasi-dolosive dans une annexe du protocole ne donnant pas une image fidèle des couvertures existantes, de sorte que la production des conditions particulières est indispensable.
Elle critique ensuite l'adéquation des garanties souscrites par la société Segula aux risques effectivement encourus du fait des prestations de maintenance aéronautique (couverture exclusivement dédiées aux conséquences pécuniaires d'accident ou d'arrêt de vol), posant encore selon elle la question de la validité de son consentement.
Suivent ensuite des développements de la part de l'intimée sur « l'ouverture d'une nouvelle contestation sérieuse liée à l'extrême dangerosité de la mise en avant judiciaire par la société Segula Global Services SAS des postulats erronés qui l'ont amené à avouer qu'elle aurait été dispensée de l'obligation de couvrir ses prestations de maintenance aéronautique ».
Elle s'étonne ainsi de l'assertion de l'appelante selon laquelle en tout état de cause, les sinistres issus de la réalisation des prestations de ses équipes seraient couverts par un mécanisme d'extension des garanties dont bénéficierait la société JJGK, affirmation qui ne correspond selon elle pas au contenu du contrat de groupement momentané d'entreprises.
Elle expose que la police d'assurances désormais produite comporte des exclusions de garantie pour les dommages qui résultent de travaux pour lesquels l'assuré n'est pas agréé, ce qui atteste bien du fait que cette police n'était en rien de nature à fonder la concession du protocole du 23 juin 2023 ; que l'appelante se méprend en arguant d'un contrat de sous-traitance entre elles, lequel n'a jamais existé ; que son hypothèse d'une dispense de souscription de police ne résulte que d'une interprétation hasardeuse du règlement PART 145 de la part de la société Segula, alors qu'il n'a jamais été question que la société JJGK couvre l'appelante par sa propre assurance ; que si la société Segula n'était pas en mesure d'obtenir une police d'assurances spécifique à sa situation du fait de l'absence d'agrément PART 145, elle se devait de l'en informer.
Enfin, l'intimée fait d'ultimes développements sous un titre intitulé « Les conclusions de la société Segula Global Services SAS communiquées le 11 octobre 2024 et la tentative d'extension de l'appréciation du domaine de la réciprocité transactionnelle, toujours plus loin dans la contestation sérieuse... », relevant que l'appelante invoque désormais à tort que certaines prestations de maintenance auraient pu ne pas relever de l'agrément PART 145, outre qu'elle tente de déplacer le débat sur la réciprocité de l'ensemble des concessions contenues au protocole d'accord en arguant de sa renonciation à la levée d'option sur la propriété de la cabine de peinture qu'elle aurait financée pour moitié, rappelant la lettre claire du protocole sur le fait que l'inexécution de l'un des quelconques engagements par une des parties justifie le refus de l'autre d'exécuter ses propres engagements.
Sur ce,
Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
Sur les sommes réclamées au titre du protocole transactionnel
A titre liminaire il convient de rejeter la demande de la société JJGK tendant à ce que la cour se déclare incompétente en l'état de la contestation sérieuse qu'elle allègue en vertu de son droit d'exciper d'une exception d'inexécution. Il revient en effet précisément au juge des référés, et à la cour à sa suite, d'examiner le caractère sérieux ou pas de la contestation élevée, pouvant faire obstacle aux demandes de l'autre partie.
Il découle de l'article susvisé que la juridiction des référés ne tranche pas une contestation sérieuse lorsqu'elle applique, sans les interpréter, les clauses claires et précises d'un protocole transactionnel tandis qu'elle ne peut en revanche procéder à l'interprétation des clauses imprécises d'un accord, ni trancher le litige lorsque seul un examen approfondi des pièces versées aux débats permet de connaître la commune volonté des parties.
Au cas d'espèce, selon protocole transactionnel élaboré dans le cadre d'une médiation effectuée sous l'égide du CMAP, signé le 1er juin 2023 entre la société Segula Global Services, représentée par son président d'une part, et la société JJGK Aéro, représentée par son président, alors qu'il n'est en outre pas contesté que chacune des parties étaient assistées de leurs conseils lors des négociations ayant abouti à cet accord, il a été convenu ce qui suit :
« Article 1 ' Objet du Protocole Transactionnel
Le présent Protocole Transactionnel a pour objet de mettre fin de manière définitive, irrévocable et forfaitaire, au litige entre les Parties concernant leurs difficultés rappelées dans le préambule du présent Protocole Transactionnel.
Article 2 ' Fin du Groupement
Les Parties conviennent d'un commun accord que le Groupement a pris fin le 31 mars 2022.
Article 3 ' Concessions de JJGK
A titre de concessions consenties dans le cadre du présent Protocole Transactionnel et afin de prendre en considération le préjudice invoqué par Segula, JJGK accepte de :
(i) payer à Segula la somme de 300 000 € (trois cent mille euros) à titre forfaitaire, définitif et transactionnel,
(ii) payer à Segula la somme de 48 840 € HT (quarante-huit mille huit cent quarante euros hors taxe), soit 58 608 € TTC (cinquante-huit mille six cent huit euros toutes taxes comprises) au titre de la facture Segula ;
(iii) renoncer au paiement des loyers impayés par Segula sur la période allant du 1er janvier 2021 au 31 mars 2022 .
(iv) ne pas porter atteinte à la liberté d'embaucher de la société Segula conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Article 4 ' Concessions de Segula
A titre de concession consentie dans le cadre du présent Protocole et en contrepartie des concessions consenties par JJGK au titre de l'Article 3 ci-avant, Segula accepte de :
(i) renoncer au bénéfice de la levée de l'option d'achat de la Cabine de Peinture et plus généralement à revendiquer toute propriété sur le Département Peinture JJGK ;
(ii) communiquer l'attestation de responsabilité professionnelle de son assureur confirmant que les prestations de maintenance réalisées par les équipes de Segula sont assurées.
Cette attestation est jointe aux présentes (Annexe 12) ;
(iii) renoncer aux intérêts de retard relatifs à la facture Segula à échéance au 30 avril 2022 ;
(iv) déduire de l'indemnité forfaitaire mentionnée à l'Article 3 (i) ci-avant la somme forfaitaire de 1 434 € (mille quatre cent trente-quatre euros) au titre de sa participation au paiement de la facture Graphique Aero ;
(v) ne pas porter atteinte à la liberté d'embaucher de la société JJGK Aero conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Article 5 ' Modalités de paiement
Après compensation des sommes mentionnées par l'Article 3 et l'Article 4 ci-avant, JJGK verse à Segula la somme forfaitaire de 298 566 € (deux cent quatre-vingt-dix-huit mille cinq cent soixante-six euros) et la somme de 58 608 € (cinquante-huit mille six cent huit euros toutes taxes comprises) sur le compte de Segula dont le RIB figure en Annexe 13 du présent Protocole Transactionnel suivant un échéancier d'une durée de 12 mois à compter de la signature des présentes, soit la somme mensuelle de 29 764,50 € payable le 10 de chaque mois. »
Après s'être acquittée, bien qu'avec retard, des deux premières échéances de paiement dues à la société Segula en vertu de ces stipulations, la société JJGK n'a plus respecté les engagements en découlant à compter de l'échéance du mois d'août 2023, soulevant une problématique sur ce qui serait essentiel pour elle, selon les termes du courriel du 31 juillet 2023 (pièce appelante n° 9), à savoir non pas la communication d'une attestation d'assurance, mais « les activités assurées ou le détail des couverture de [la] RC ».
Pourtant, cette problématique avait été précisément reprise dans le préambule du Protocole Transactionnel, au titre de l'énumération des griefs de la société JJGK, en ces termes « l'attestation de RC transmise par Segula par email du 5 mai 2022 n'est pas suffisante pour attester que les prestations de maintenance réalisées par le personnel de Segula sont assurées », de sorte que ce sujet avait fait l'objet d'une des concessions mises à la charge de la société Segula, laquelle était, selon les termes du protocole ci-dessus rappelés, uniquement chargée de communiquer une attestation confirmant que les activités de maintenance réalisées par ses équipes sont assurées, ce qu'elle a fait dès la signature du protocole puisqu'il y est précisé que cette attestation figure en annexe 12.
Etant relevé que figure également au préambule de ce protocole la mention selon laquelle « JJGK étant le seul par ses agréments dûment habilité et responsable », force est de constater que ladite attestation figurant en annexe 12 du protocole transactionnel, datée cette fois-ci du 9 mars 2023, fait apparaître que l'assurance garantit la « responsabilité civile produits », la « responsabilité civile pendant exploitation » et la « responsabilité biens confiés », pour l'activité de « maintenance sur aéronefs », ainsi que les montants garantis, « y compris les sous-limites de garanties » concernant l' « arrêt des vols » ainsi que le « sinistre » pour la garantie responsabilité civile pendant l'exploitation.
Les termes du protocole transactionnel et son annexe sont donc dénués de toute ambiguïté et il en résulte sans contestation possible que la société Segula a exécuté son obligation tenant à la communication de cette attestation d'assurance, de sorte que la société JJGK ne saurait valablement opposer une exception d'inexécution à cet égard pour refuser de payer le prix forfaitaire convenu.
Les sollicitations de sa part, visant à se voir remettre par l'appelante, toujours plus de documents concernant les termes et conditions de cette assurance, dépassent à l'évidence le cadre du protocole d'accord, lequel ne met pas à la charge de la société Segula l'obligation de rapporter la preuve de l'ampleur de sa couverture d'assurance.
Au vu des conditions dans lesquelles ce protocole a été conclu, chacune des parties étant assistée d'un conseil, et surtout, compte tenu du fait que tant la problématique de l'agrément que celle de l'insuffisance de l'attestation de responsabilité civile de la société Segula telle que transmise par email du 5 mai 2022, ont été explicitement et clairement prises en considération pour la conclusion de cet accord, les allégations de la société JJGK, qui en outre sont parfois formulées sous la forme de simples questionnements, faisant état d'une insuffisance d'informations transmises par la société Segula, voire du caractère vicié de son consentement, n'apparaissent pas remplir le degré de sérieux suffisant pour faire obstacle à son obligation de paiement.
Dès lors, par voie d'infirmation de l'ordonnance entreprise, la société JJGK sera condamnée à verser à la société Segula le montant de 297 645 euros, à titre de provision à valoir sur les sommes dues en vertu du protocole transactionnel du 1er juin 2023, dont le quantum n'est pas contesté en tant que tel.
L'article 1231-6 du code civil, alinéa 1er, dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
En conséquence, il sera dit que les intérêts au taux légal courront sur la somme de 89 293, 50 euros à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2023, puis sur la somme de 119 058 euros à compter de la mise en demeure du 13 novembre 2023, et enfin sur l'intégralité de la condamnation à compter du 21 novembre 2023, date de l'assignation introductive d'instance.
Conformément à l'article D. 441-5 du code de commerce, toute créance faisant l'objet d'un droit de recouvrement de 40 euros, la société JJGK sera également condamnée à payer cette somme à la société Segula à titre provisionnel.
Sur la résistance abusive :
La société Segula ne fournit à l'appui de sa demande en dommages et intérêts aucune preuve de la réalité d'un préjudice subi, hormis celui résultant de la nécessité d'engager la présente action, qui peut être indemnisé sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, il est de jurisprudence constante que le plaideur qui a obtenu gain de cause en première instance ne peut être condamné pour procédure abusive. L'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
La société Segula étant accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société JJGK ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Segula la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'intimée sera en conséquence condamnée à lui verser une somme globale de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Rejette l'incompétence de la juridiction des référés soulevée par la société JJGK Aero,
Infirme l'ordonnance du 14 février 2024, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages-intérêts formulée par la société Segula Global Services,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société JJGK Aero à verser à la société Segula Global Services la somme de 297 645 euros, à titre de provision à valoir sur les sommes dues en vertu du protocole transactionnel du 1er juin 2023, avec intérêts au taux légal sur la somme de 89 293, 50 euros à compter du 17 octobre 2023, puis sur la somme de 119 058 euros à compter du 13 novembre 2023, et enfin sur l'intégralité de la condamnation à compter du 21 novembre 2023,
Condamne la société JJGK Aero à verser à titre de provision à la société Segula Global Services la somme de 40 euros au titre de l'article D. 441-5 du code de commerce,
Dit que la société JJGK Aero supportera les dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société JJGK Aero à verser à la société Segula Global Services la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 DECEMBRE 2024
N° RG 24/01871 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WNVX
AFFAIRE :
S.A.S. SEGULA GLOBAL SERVICES
C/
SAS JJGK AERO
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Février 2024 par le Président du TC de NANTERRE
N° RG : 2023R01299
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 05.12.2024
à :
Me Asma MZE, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
(628)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. SEGULA GLOBAL SERVICES
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° SIRET : 414 393 6 94
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 699 - N° du dossier 2473369
Plaidant : Me Stéphanie ROUSSET et Me Olivia GUIGUET, du barreau de Marseille
APPELANTE
****************
SAS JJGK AERO
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 843 499 260
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628
Plaidant : Me Nicolas BRANTHOMME du barreau de Marseille
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Novembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Segula Global Services a pour activité l'ingénierie et les services de maintenance dans le secteur aéronautique civil et militaire. Elle vient aux droits de la société Simra Défense.
La SAS JJGK Aero a pour activité les prestations de pilotage et de maintenance d'hélicoptères, instruction au pilotage d'hélicoptère, conseil, expertise, gestion pour l'achat et vente d'hélicoptères.
Par acte sous seing privé des 5 et 15 janvier 2021, il a été constitué entre les deux sociétés un groupement momentané d'entreprises en vue de répondre à un appel d'offres de la société Airbus Helicopters référencé 'France 2 project', pour la réalisation de prestations de décapage et peinture d'hélicoptères 'Super Puma' nécessitant notamment l'acquisition d'une cabine de peinture spécifique.
Par avenant signé les 29 avril et 4 mai 2021, les parties ont arrêté les modalités de financement et de remboursement de l'achat et installation d'une cabine de peinture et d'une cabine de décapage, la société Segula Global Services participant à hauteur de 50% à ces investissements.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 février 2022, la société Segula Global Services a notifié à la société JJGK Aero la décision de résiliation anticipée de la convention de groupement momentané d'entreprises, arguant de difficultés rencontrées durant leur coopération.
Les deux sociétés ont décidé de recourir à une médiation sous l'égide du Centre de médiation et d'arbitrage de [Localité 4] (CMAP).
Un protocole transactionnel est intervenu entre les parties sous l'égide d'un médiateur, à la suite d'une réunion du 1er mars 2023. Il a été signé par les deux parties le 1er juin 2023. Il acte la fin du groupement momentané d'entreprises au 31 mars 2022 et prévoit le versement par la société JJGK de la somme forfaitaire de 298 566 euros et de la somme de 58 608 euros, suivant un échéancier d'une durée de 12 mois à compter de la signature, soit la somme mensuelle de 29 764,50 euros payable le 10 de chaque mois.
Les échéances de remboursement prévues au protocole pour les mois de juin et juillet 2023 ont été payées avec retard par société JJGK le 31 juillet 2023.
De nouvelles échéances étant demeurées impayées, la société Segula Global Services a vainement mis en demeure la société JJGK par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception les 17 octobre puis 13 novembre 2023.
Par acte délivré le 21 novembre 2023, la société Segula Global Services a fait assigner en référé la société JJGK Aero aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement d'une provision d'un montant, à parfaire jusqu'au jour de la décision, de 119 058 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de chaque échéance impayée, et la somme forfaitaire de 40 euros, conformément aux termes des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce, ainsi que sa condamnation au paiement d'une provision d'un montant de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par ordonnance contradictoire rendue le 14 février 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse, dit en conséquence n'y avoir lieu à référé, renvoyé la société Segula Global Services à mieux se pourvoir éventuellement au fond,
- dit corrélativement n'y avoir lieu à référé en dommages-intérêts et renvoyé la société Segula Global Services à se pourvoir éventuellement au fond,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties demanderesses sur ce fondement étant déboutées de leurs demandes,
- condamné la société Segula Global Services aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros,
- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 20 mars 2024, la société Segula Global Services a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Segula Global Services demande à la cour, au visa de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
'- déclarer la société Segula Global Services recevable et bien fondée en son appel,
y faisant droit
- infirmer l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 14 février 2024 en ce qu'elle :
- constate l'existence d'une contestation sérieuse, dit en conséquence n'y avoir lieu à référé,
- renvoie la sas Segula Global Services à se mieux pourvoir éventuellement au fond ;
- dit corrélativement n'y avoir lieu en référé à dommages-intérêts et renvoie la sas Segula Global Services à se pourvoir éventuellement au fond ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties demanderesses sur ce fondement étant déboutées de leurs demandes ;
- condamne la sas Segula Global Services aux dépens ;
- rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;
- liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros.
statuant à nouveau,
- condamner la société JJGK Aero à payer à la société Segula Global Services une provision d'un montant de 297 645 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de chaque échéance impayée et la somme forfaitaire de 40 euros conformément aux termes des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce,
- débouter la société JJGK Aero de toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,
- condamner la société JJGK Aero à payer à la société Segula Global Services une provision d'un montant de 10 000 euros à titre de dommages et d'intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société JJGK Aero à payer à la société Segula Global Services la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.'
Dans ses dernières conclusions déposées le 18 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société JJGK Aero demande à la cour, au visa des articles 9.3 du protocole d'accord transactionnel et 873 du code de procédure civile, de :
'- confirmer dans l'ensemble de ses dispositions l'ordonnance de M. le président du tribunal de commerce de Nanterre en date du 14 février 2024.
- se déclarer incompétente en l'état de la contestation sérieuse que la société JJGK-Aero sas est en mesure d'opposer aux demandes de la société Segula Global Services sas et qui est issue du fait que les parties au protocole du 1er juin 2023 disposent d'un droit contractuel à exciper de l'inexécution par chacune d'elles de ses obligations afin de ne pas exécuter les siennes propres, et que la société JJGK-Aero sas exerce actuellement ce droit en ayant saisi les juges du fond de la question de l'exécution par la société Segula Global Services sas de l'obligation qui est la sienne de produire une attestation d'assurances qui soit en mesure de justifier de la couverture de prestations de maintenance aéronautique.
- condamner la société Segula Global Services sas aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'elle ne peut pas considérer comme une évidence la réponse à la question de l'exécution par elle de ses propres obligations et qu'elle ne devrait avoir aucun mal à justifier de sa couverture d'assurance, sans pouvoir uniquement se réfugier derrière la production d'une attestation dont il est objectivement démontré qu'elle ne permet pas d'atteindre le degré de certitude donnant donc à cette société la possibilité de saisir directement le juge des référés.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Relevant que les échéances d'août 2023 à mai 2024 n'ont pas été payées et que la société JJGK détient et utilise exclusivement la cabine de peinture, acquise en copropriété à parts égales avec elle, la société Segula appelante sollicite l'infirmation de l'ordonnance du 14 février 2024 en ce qu'elle a considéré qu'il existait une contestation sérieuse à l'encontre de l'obligation de paiement de la société JJGK alors que selon elle, la simple lecture du protocole transactionnel permet d'établir qu'elle a exécuté son obligation contractuelle, sans qu'aucune interprétation ne soit nécessaire.
Elle rappelle que les parties ont consenti à plusieurs concessions réciproques énoncées aux articles 3 et 4 du protocole transactionnel, elle-même devant notamment « communiquer l'attestation de responsabilité professionnelle de son assureur confirmant que les prestations de maintenance réalisées par les équipes de Segula sont assurées. Cette attestation est jointe aux présentes. (Annexe 12) », rédaction qui établit sans contestation possible que l'attestation demandée par la société JJGK a été précisément annexée au protocole transactionnel.
Faisant valoir que l'intimée a procédé au paiement des 2 premières échéances, exécution partielle emportant reconnaissance par la société JJGK de ses obligations de paiement, l'appelante soutient que ces simples constats, qui relèvent de l'évidence, justifient le bien fondé de ses demandes.
En réponse à l'argumentation adverse, la société Segula argue d'allégations « parfaitement fantaisistes » qui ne sont qu'un « prétexte pour tenter de se soustraire à ses obligations contractuelles ».
Elle indique que le préambule du protocole transactionnel rappelle que JJGK a considéré « que l'attestation de RC transmise par Segula par email en date du 5 mai 2022 n'est pas suffisante pour attester que les prestations de maintenance réalisées par le personnel de Segula sont assurées », ce pourquoi une nouvelle attestation en date du 9 mars 2023 est venue précisément mentionner les activités de maintenance, comme demandé par la société JJGK.
Elle argue d'un d'échange d'emails entre JJGK, Segula et Siaci Saint Honoré en date des 26 et 27 janvier 2021 dont il résulte selon elle que la société JJGK a reconnu clairement que la société Segula bénéficiait d'une assurance idoine.
S'agissant de l'instance au fond introduite par la société JJGK, l'appelante considère qu'elle l'a été pour les seuls besoins de la cause et fait valoir qu'elle communique aujourd'hui :
- la police d'assurance à laquelle se réfère l'attestation annexée au protocole transactionnel, dans son intégralité à l'exception du montant de la prime d'assurance négociée qui est couverte par le secret des affaires ;
- une attestation complémentaire établie par sa compagnie d'assurance précisant le changement de dénomination sociale de la société assurée, les prestations assurées et l'application de la couverture d'assurance après la livraison des prestations,
- une note explicative établie par son courtier en assurances, la société Siaci Saint Honoré, confirmant que la police « responsabilité civile produits aéronautiques » couvre bien les activités de maintenance d'aéronefs (MRO).
L'appelante avance que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, la communication de ces documents complémentaires n'a pas pour effet de montrer que « dans [l'] esprit même [de Segula]et pour elle aussi, le débat sur cette question n'avait pas été éteint par la signature du protocole et son annexe 12 », mais vient au contraire couper court aux arguments fallacieux de l'intimée.
Pour lever encore une fois tout doute sur la couverture dont elle bénéficie, fait-elle valoir, elle établit en page 12 de ses conclusions un tableau récapitulatif des garanties et bénéficiaires de la police souscrite.
En réponse au nouvel argument de l'intimée qui prétend désormais que la communication de l'agrément PART 145 de Segula serait nécessaire pour justifier l'assurance des prestations réalisées par ses salariés dans le cadre du groupement, elle souligne que cette absence d'agrément a toujours été connue des parties, ce pourquoi précisément elles ont organisé un groupement, afin qu'elle puisse bénéficier de cet agrément détenu par la société JJGK.
En conséquence, la société Segula demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en date du 14 février 2024 en ce qu'elle a considéré qu'il existait une contestation sérieuse à l'encontre de l'obligation de paiement de JJGK et de condamner cette dernière au paiement de la somme de 297 645 euros en principal, outre les intérêts au taux légal et à la somme forfaitaire de 40 euros conformément aux termes des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce.
Elle sollicite également l'infirmation de l'ordonnance querellée qui l'a déboutée de sa demande de provision sur dommages-intérêts pour résistance abusive de la société JJGK à exécuter le protocole transactionnel et la condamnation de l'intimée à ce titre au paiement d'une provision de 10 000 euros.
Les conclusions de la société JJGK, intimée, ne respectent pas le formalisme imposé par l'article 954 du code de procédure civile, notamment en ce que ces écritures ne contiennent pas « distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens », mais sont articulées autour des quatre titres suivants :
1/ Le protocole d'accord transactionnel signé entre la société JJGK et la société Segula en vue de mettre un terme au groupe momentané d'entreprises qu'elles avaient constitué entre elles ;
2/ La concession relative à la production par la société Segula d'une attestation d'assurances « destinée à justifier de la couverture de l'ensemble des prestations réalisées par ses salariés » pendant la durée du groupement momentané d'entreprises ;
3/ L'échec de l'action en référé menée par la société Segula en vue de l'exécution forcée du protocole transactionnel ;
4/ La nécessaire confirmation de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nanterre du 14 février 2024.
La cour retiendra que le titre 4 correspond à la partie « discussion » que doivent normalement contenir des conclusions.
La société JJGK y sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée, en répondant tout d'abord aux conclusions adverses que le début d'exécution de sa part du règlement des indemnités transactionnelles ne saurait être analysé comme une reconnaissance du caractère incontestable de ses obligations, puisqu'il s'agit pour elle de mettre en 'uvre son droit à arguer d'une exception d'inexécution, tel que prévu à l'article 9.3 du protocole.
Elle conclut ensuite sur le maintien d'une contestation sérieuse portant sur le contenu matériel de la concession consentie par la société Segula au titre de la couverture véritable des prestations de maintenance réalisées par ses salariés, faisant valoir que si désormais l'appelante produit les conditions générales de sa police d'assurance, celles-ci ne permettent pas de s'assurer de la réalité de la couverture effective.
Elle reproche à l'appelante d'invoquer en l'état de la production de ces conditions générales, le principe de la suffisance d'une seule police au sein du groupement momentané d'entreprises, considérant que la société Segula « n'est donc plus en mesure de considérer que le respect littéraliste de la concession consentie, à savoir la production de l'attestation, aurait été suffisante » pour la contraindre à ses propres obligations.
Elle rappelle que la cause de la concession qui avait été admise par la société Segula, est bien pour elle d'être certaine qu'en cas de sinistre dont l'origine serait issue des prestations réalisées par les équipes de la société Segula, une assurance viendrait couvrir les conséquences d'un tel sinistre.
Elle ajoute que la question de l'amplitude réservée à l'information qui lui a été donnée par la seule production de l'attestation d'assurance dans le cadre du processus de signature du protocole, et celle de savoir si cette amplitude était de nature à permettre un recueil équilibré de son consentement se pose indéniablement.
Elle soutient également qu'il n'est « absolument pas certain qu'en cas de sinistre dont l'origine proviendrait de la réalisation des prestations de maintenance aéronautique par les salariés de la société Segula, il n'y ait pas pour la compagnie d'assurances des moyens plus que fondés pour refuser toute couverture » ; que l'information sur le principe de partage de couverture des risques entre ses différents bénéficiaires n'a pas été portée à sa connaissance, en dépit de son caractère déterminant, tout comme l'information sur le plafond de garantie, qui n'apparaît pas dans l'attestation annexée au protocole transactionnel ; que les différentes attestations versées aux débats par la société Segula rendent désormais incertaine la couverture dite « responsabilité civile biens confiés » qui apparaît pourtant bien sur l'attestation versée aux débats, ce qui pourrait aboutir à concevoir une véritable réticence quasi-dolosive dans une annexe du protocole ne donnant pas une image fidèle des couvertures existantes, de sorte que la production des conditions particulières est indispensable.
Elle critique ensuite l'adéquation des garanties souscrites par la société Segula aux risques effectivement encourus du fait des prestations de maintenance aéronautique (couverture exclusivement dédiées aux conséquences pécuniaires d'accident ou d'arrêt de vol), posant encore selon elle la question de la validité de son consentement.
Suivent ensuite des développements de la part de l'intimée sur « l'ouverture d'une nouvelle contestation sérieuse liée à l'extrême dangerosité de la mise en avant judiciaire par la société Segula Global Services SAS des postulats erronés qui l'ont amené à avouer qu'elle aurait été dispensée de l'obligation de couvrir ses prestations de maintenance aéronautique ».
Elle s'étonne ainsi de l'assertion de l'appelante selon laquelle en tout état de cause, les sinistres issus de la réalisation des prestations de ses équipes seraient couverts par un mécanisme d'extension des garanties dont bénéficierait la société JJGK, affirmation qui ne correspond selon elle pas au contenu du contrat de groupement momentané d'entreprises.
Elle expose que la police d'assurances désormais produite comporte des exclusions de garantie pour les dommages qui résultent de travaux pour lesquels l'assuré n'est pas agréé, ce qui atteste bien du fait que cette police n'était en rien de nature à fonder la concession du protocole du 23 juin 2023 ; que l'appelante se méprend en arguant d'un contrat de sous-traitance entre elles, lequel n'a jamais existé ; que son hypothèse d'une dispense de souscription de police ne résulte que d'une interprétation hasardeuse du règlement PART 145 de la part de la société Segula, alors qu'il n'a jamais été question que la société JJGK couvre l'appelante par sa propre assurance ; que si la société Segula n'était pas en mesure d'obtenir une police d'assurances spécifique à sa situation du fait de l'absence d'agrément PART 145, elle se devait de l'en informer.
Enfin, l'intimée fait d'ultimes développements sous un titre intitulé « Les conclusions de la société Segula Global Services SAS communiquées le 11 octobre 2024 et la tentative d'extension de l'appréciation du domaine de la réciprocité transactionnelle, toujours plus loin dans la contestation sérieuse... », relevant que l'appelante invoque désormais à tort que certaines prestations de maintenance auraient pu ne pas relever de l'agrément PART 145, outre qu'elle tente de déplacer le débat sur la réciprocité de l'ensemble des concessions contenues au protocole d'accord en arguant de sa renonciation à la levée d'option sur la propriété de la cabine de peinture qu'elle aurait financée pour moitié, rappelant la lettre claire du protocole sur le fait que l'inexécution de l'un des quelconques engagements par une des parties justifie le refus de l'autre d'exécuter ses propres engagements.
Sur ce,
Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
Sur les sommes réclamées au titre du protocole transactionnel
A titre liminaire il convient de rejeter la demande de la société JJGK tendant à ce que la cour se déclare incompétente en l'état de la contestation sérieuse qu'elle allègue en vertu de son droit d'exciper d'une exception d'inexécution. Il revient en effet précisément au juge des référés, et à la cour à sa suite, d'examiner le caractère sérieux ou pas de la contestation élevée, pouvant faire obstacle aux demandes de l'autre partie.
Il découle de l'article susvisé que la juridiction des référés ne tranche pas une contestation sérieuse lorsqu'elle applique, sans les interpréter, les clauses claires et précises d'un protocole transactionnel tandis qu'elle ne peut en revanche procéder à l'interprétation des clauses imprécises d'un accord, ni trancher le litige lorsque seul un examen approfondi des pièces versées aux débats permet de connaître la commune volonté des parties.
Au cas d'espèce, selon protocole transactionnel élaboré dans le cadre d'une médiation effectuée sous l'égide du CMAP, signé le 1er juin 2023 entre la société Segula Global Services, représentée par son président d'une part, et la société JJGK Aéro, représentée par son président, alors qu'il n'est en outre pas contesté que chacune des parties étaient assistées de leurs conseils lors des négociations ayant abouti à cet accord, il a été convenu ce qui suit :
« Article 1 ' Objet du Protocole Transactionnel
Le présent Protocole Transactionnel a pour objet de mettre fin de manière définitive, irrévocable et forfaitaire, au litige entre les Parties concernant leurs difficultés rappelées dans le préambule du présent Protocole Transactionnel.
Article 2 ' Fin du Groupement
Les Parties conviennent d'un commun accord que le Groupement a pris fin le 31 mars 2022.
Article 3 ' Concessions de JJGK
A titre de concessions consenties dans le cadre du présent Protocole Transactionnel et afin de prendre en considération le préjudice invoqué par Segula, JJGK accepte de :
(i) payer à Segula la somme de 300 000 € (trois cent mille euros) à titre forfaitaire, définitif et transactionnel,
(ii) payer à Segula la somme de 48 840 € HT (quarante-huit mille huit cent quarante euros hors taxe), soit 58 608 € TTC (cinquante-huit mille six cent huit euros toutes taxes comprises) au titre de la facture Segula ;
(iii) renoncer au paiement des loyers impayés par Segula sur la période allant du 1er janvier 2021 au 31 mars 2022 .
(iv) ne pas porter atteinte à la liberté d'embaucher de la société Segula conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Article 4 ' Concessions de Segula
A titre de concession consentie dans le cadre du présent Protocole et en contrepartie des concessions consenties par JJGK au titre de l'Article 3 ci-avant, Segula accepte de :
(i) renoncer au bénéfice de la levée de l'option d'achat de la Cabine de Peinture et plus généralement à revendiquer toute propriété sur le Département Peinture JJGK ;
(ii) communiquer l'attestation de responsabilité professionnelle de son assureur confirmant que les prestations de maintenance réalisées par les équipes de Segula sont assurées.
Cette attestation est jointe aux présentes (Annexe 12) ;
(iii) renoncer aux intérêts de retard relatifs à la facture Segula à échéance au 30 avril 2022 ;
(iv) déduire de l'indemnité forfaitaire mentionnée à l'Article 3 (i) ci-avant la somme forfaitaire de 1 434 € (mille quatre cent trente-quatre euros) au titre de sa participation au paiement de la facture Graphique Aero ;
(v) ne pas porter atteinte à la liberté d'embaucher de la société JJGK Aero conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Article 5 ' Modalités de paiement
Après compensation des sommes mentionnées par l'Article 3 et l'Article 4 ci-avant, JJGK verse à Segula la somme forfaitaire de 298 566 € (deux cent quatre-vingt-dix-huit mille cinq cent soixante-six euros) et la somme de 58 608 € (cinquante-huit mille six cent huit euros toutes taxes comprises) sur le compte de Segula dont le RIB figure en Annexe 13 du présent Protocole Transactionnel suivant un échéancier d'une durée de 12 mois à compter de la signature des présentes, soit la somme mensuelle de 29 764,50 € payable le 10 de chaque mois. »
Après s'être acquittée, bien qu'avec retard, des deux premières échéances de paiement dues à la société Segula en vertu de ces stipulations, la société JJGK n'a plus respecté les engagements en découlant à compter de l'échéance du mois d'août 2023, soulevant une problématique sur ce qui serait essentiel pour elle, selon les termes du courriel du 31 juillet 2023 (pièce appelante n° 9), à savoir non pas la communication d'une attestation d'assurance, mais « les activités assurées ou le détail des couverture de [la] RC ».
Pourtant, cette problématique avait été précisément reprise dans le préambule du Protocole Transactionnel, au titre de l'énumération des griefs de la société JJGK, en ces termes « l'attestation de RC transmise par Segula par email du 5 mai 2022 n'est pas suffisante pour attester que les prestations de maintenance réalisées par le personnel de Segula sont assurées », de sorte que ce sujet avait fait l'objet d'une des concessions mises à la charge de la société Segula, laquelle était, selon les termes du protocole ci-dessus rappelés, uniquement chargée de communiquer une attestation confirmant que les activités de maintenance réalisées par ses équipes sont assurées, ce qu'elle a fait dès la signature du protocole puisqu'il y est précisé que cette attestation figure en annexe 12.
Etant relevé que figure également au préambule de ce protocole la mention selon laquelle « JJGK étant le seul par ses agréments dûment habilité et responsable », force est de constater que ladite attestation figurant en annexe 12 du protocole transactionnel, datée cette fois-ci du 9 mars 2023, fait apparaître que l'assurance garantit la « responsabilité civile produits », la « responsabilité civile pendant exploitation » et la « responsabilité biens confiés », pour l'activité de « maintenance sur aéronefs », ainsi que les montants garantis, « y compris les sous-limites de garanties » concernant l' « arrêt des vols » ainsi que le « sinistre » pour la garantie responsabilité civile pendant l'exploitation.
Les termes du protocole transactionnel et son annexe sont donc dénués de toute ambiguïté et il en résulte sans contestation possible que la société Segula a exécuté son obligation tenant à la communication de cette attestation d'assurance, de sorte que la société JJGK ne saurait valablement opposer une exception d'inexécution à cet égard pour refuser de payer le prix forfaitaire convenu.
Les sollicitations de sa part, visant à se voir remettre par l'appelante, toujours plus de documents concernant les termes et conditions de cette assurance, dépassent à l'évidence le cadre du protocole d'accord, lequel ne met pas à la charge de la société Segula l'obligation de rapporter la preuve de l'ampleur de sa couverture d'assurance.
Au vu des conditions dans lesquelles ce protocole a été conclu, chacune des parties étant assistée d'un conseil, et surtout, compte tenu du fait que tant la problématique de l'agrément que celle de l'insuffisance de l'attestation de responsabilité civile de la société Segula telle que transmise par email du 5 mai 2022, ont été explicitement et clairement prises en considération pour la conclusion de cet accord, les allégations de la société JJGK, qui en outre sont parfois formulées sous la forme de simples questionnements, faisant état d'une insuffisance d'informations transmises par la société Segula, voire du caractère vicié de son consentement, n'apparaissent pas remplir le degré de sérieux suffisant pour faire obstacle à son obligation de paiement.
Dès lors, par voie d'infirmation de l'ordonnance entreprise, la société JJGK sera condamnée à verser à la société Segula le montant de 297 645 euros, à titre de provision à valoir sur les sommes dues en vertu du protocole transactionnel du 1er juin 2023, dont le quantum n'est pas contesté en tant que tel.
L'article 1231-6 du code civil, alinéa 1er, dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
En conséquence, il sera dit que les intérêts au taux légal courront sur la somme de 89 293, 50 euros à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2023, puis sur la somme de 119 058 euros à compter de la mise en demeure du 13 novembre 2023, et enfin sur l'intégralité de la condamnation à compter du 21 novembre 2023, date de l'assignation introductive d'instance.
Conformément à l'article D. 441-5 du code de commerce, toute créance faisant l'objet d'un droit de recouvrement de 40 euros, la société JJGK sera également condamnée à payer cette somme à la société Segula à titre provisionnel.
Sur la résistance abusive :
La société Segula ne fournit à l'appui de sa demande en dommages et intérêts aucune preuve de la réalité d'un préjudice subi, hormis celui résultant de la nécessité d'engager la présente action, qui peut être indemnisé sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, il est de jurisprudence constante que le plaideur qui a obtenu gain de cause en première instance ne peut être condamné pour procédure abusive. L'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
La société Segula étant accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, la société JJGK ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Segula la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'intimée sera en conséquence condamnée à lui verser une somme globale de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Rejette l'incompétence de la juridiction des référés soulevée par la société JJGK Aero,
Infirme l'ordonnance du 14 février 2024, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages-intérêts formulée par la société Segula Global Services,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société JJGK Aero à verser à la société Segula Global Services la somme de 297 645 euros, à titre de provision à valoir sur les sommes dues en vertu du protocole transactionnel du 1er juin 2023, avec intérêts au taux légal sur la somme de 89 293, 50 euros à compter du 17 octobre 2023, puis sur la somme de 119 058 euros à compter du 13 novembre 2023, et enfin sur l'intégralité de la condamnation à compter du 21 novembre 2023,
Condamne la société JJGK Aero à verser à titre de provision à la société Segula Global Services la somme de 40 euros au titre de l'article D. 441-5 du code de commerce,
Dit que la société JJGK Aero supportera les dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société JJGK Aero à verser à la société Segula Global Services la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président