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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 5 décembre 2024, n° 24/01629

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 24/01629

5 décembre 2024

N° RG 24/01629 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JUYG

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 05 DECEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2023R00075

Tribunal de commerce du Havre du 03 avril 2024

APPELANTE :

S.A.S. P'TIT CLOWN

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Jean-baptiste LELANDAIS de la SELARL JBL AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.S. AMATRANS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Fabrice LEMARIE de la SELARL MARGUET & LEMARIE, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 octobre 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme VANNIER, présidente de chambre

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 02 octobre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 décembre 2024.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 décembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme VANNIER, présidente de chambre et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SAS P'tit Clown est spécialisée dans l'importation et l'exportation d'articles festifs. Elle revend les articles qu'elle importe aux magasins spécialisés d'articles de fêtes situés en France en Suisse et en Europe.

La société Apinata est une société de droit tunisien, spécialisée dans la fabrication, la vente et l'exportation de « piñatas ».

La société Maxcess Logistics est une société de droit tunisien, spécialisée dans la réception, l'importation et l'exportation, le transport de toutes marchandises et toutes prestations de services liées à l'exécution des transports terrestres, maritimes et aériens.

La SAS Amatrans (Agence Maritime De Transit) est une société de droit français, spécialisée dans la réception, l'importation et l'exportation, le transport de toutes marchandises et toutes prestations de services liées à l'exécution des transports terrestres, maritimes et aériens.

Courant juin 2023, la société P'tit Clown a commandé auprès de la société Apinata en Tunisie, 660 cartons de piñatas pour un montant de 17 820 euros HT.

Afin d'importer ces marchandises en France, la société P'tit Clown a mandaté, le 20 juin 2023, la société Maxcess afin d'organiser le transport et la livraison de ses marchandises depuis les locaux de la société Apinata, à [Localité 4], jusqu'aux locaux de la société P'tit Clown, à [Localité 3] en France et ce contrat incluait l'acheminement, le fret maritime, le dédouanement en France et la livraison pour un prix de 2 650 euros HT.

Le 20 juillet 2023, la société P'tit Clown a payé l'intégralité de ces prestations à la société Maxcess.

La société P'tit Clown, n'ayant pas contracté avec la société Amatrans, a appris que la société Maxcess Logistics avait sous-traité à cette société, l'exécution de la prestation de dédouanement et de livraison de la marchandise à [Localité 3] lorsque le 27 juin 2023, la société Amatrans a pris attache avec la société P'tit Clown et lui a demandé de lui retourner divers documents pour l'ouverture de son compte client, afin de réceptionner le conteneur no CMAU 425.463/0 contenant les 660 cartons de piñatas et d'en assurer le dédouanement et la livraison à [Localité 3].

Par l'intermédiaire de M. [Y], agissant pour le compte de M. [H], directeur général de la SAS P'tit Clown, cette dernière a signé et retourné tous les documents demandés par la société Amatrans, afin d'obtenir la livraison de sa marchandise.

Le 18 juillet 2023, la société P'tit Clown a été informée de l'arrivée de la marchandise au port [Localité 2], cependant, la marchandise ne lui a pas été livrée.

La société Amatrans a refusé de récupérer la marchandise au port [Localité 2] en raison d'un impayé de son cocontractant Maxcess d'un montant de 1 025 euros HT, somme qui a été finalement payée le 7 août 2023 et ce refus de récupération de la marchandise a engendré des frais de stockage et de surestaries par le port à hauteur de 70 euros, puis 110 euros pour s'élever à 137 euros par jour.

Puis, la société Amatrans a refusé de récupérer la marchandise au port en excipant de ce que son cocontractant refusait de payer les frais de stockage et de surestarie.

Le 22 septembre 2023, la société Amatrans a récupéré la marchandise et s'est acquittée d'une somme de 10 641,81 euros au titre des frais de stockage et de surestarie.

La société Amatrans a refusé de livrer la marchandise à la société P'tit Clown et l'a retenue dans ses locaux au motif que la société Maxcess était débitrice à son égard de la contrepartie de la prestation qu'elle avait sous-traitée.

Le 16 octobre 2023, la société P'tit Clown a mis en demeure la société Amatrans de lui livrer sa marchandise.

Le 24 octobre 2023, la société Amatrans a indiqué mettre en 'uvre son droit de rétention.

Le 4 décembre 2023, la société P'tit Clown a assigné la société Amatrans devant le juge des référés du tribunal de commerce du Havre, auquel elle a demandé de faire cesser le trouble causé par la rétention abusive de la société Amatrans et de condamner cette dernière à lui livrer la marchandise sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

La société Amatrans s'y est opposée en soutenant que son droit de rétention était opposable à tous y compris la société P'tit Clown et elle a sollicité à titre reconventionnel le paiement de la somme provisionnelle de 13 294,84 euros et à titre subsidiaire que soit ordonnée la vente judiciaire des marchandises gagées.

Par ordonnance du 3 avril 2024, le président du tribunal de commerce du Havre a :

- jugé la société P'tit Clown recevable en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et les a déclarées mal fondées,

- dit que le droit de rétention des marchandises transportées dans le conteneur CMAU 425.463/0 appartenant à P'tit Clown existe et lui est opposable,

- dit Amatrans recevable et fondée en sa demande,

- ordonné à P'tit Clown de payer à Amatrans la somme en provision de 13 294,84 euros outre, à compter du 12 octobre 2023, la somme de 175 euros par semaine indivisible d'entreposage jusqu'à livraison des marchandises, et,

Par conséquent,

- ordonné à Amatrans la livraison des marchandises retenues et appartenant à P'tit Clown dans les 8 jours après paiement complet de la provision, en ses locaux sis [Adresse 5] [Localité 3],

- débouté Amatrans de sa demande reconventionnelle de vente des marchandises aux fins de paiement de sa créance,

- renvoyé les parties à se pouvoir ainsi qu'elles en aviseront,

- condamné P'tit Clown à payer à Amatrans la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens,

- débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes,

- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile à la somme de 40,66 euros.

La société P'tit Clown a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 3 mai 2024.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er octobre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 16 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société P'tit Clown qui demande à la cour de :

- juger la société P'tit Clown recevable et fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance rendue le 3 avril 2024 en ce qu'elle a :

- dit que le droit de rétention des marchandises transportées dans le conteneur CMAU 425.463/0 appartenant à P'tit Clown existe et lui est opposable,

- ordonné à P'tit Clown de payer à Amatrans la somme en provision de 13.294,84 euros outre, à compter du 12 octobre 2023, la somme de 175 euros par semaine indivisible d'entreposage jusqu'à livraison des marchandises,

- condamné la société P'tit Clown à payer à Amatrans la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,

En conséquence et statuant a nouveau,

- juger que la société Amatrans ne détient aucun droit de rétention à l'égard de la marchandise de la société P'tit Clown,

- condamner la société Amatrans à restituer et à livrer à la société P'tit Clown l'intégralité de sa marchandise en ses locaux sis [Adresse 5], [Localité 3],

- débouter la société Amatrans de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris :

* sa demande de condamnation provisionnelle de 13 294,84 euros outre, à compter du 12 octobre 2023, la somme de 175 euros par semaine indivisible d'entreposage jusqu'à livraison des marchandises,

- condamner la société Amatrans à payer à la société P'tit Clown, la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Amatrans aux entiers dépens.

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

- débouté Amatrans de sa demande de vente des marchandises aux fins de paiement de sa créance.

Vu les conclusions du 8 août 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Amatrans qui demande à la cour de :

- recevoir la société P'tit Clown en son appel,

- juger cet appel mal fondé et la débouter de ses demandes, fins et prétentions,

- juger que l'exercice du droit de rétention des marchandises transportées dans le conteneur CMAU 425.463/0 est légitime et opposable à la société P'tit Clown,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ;

- jugé mal fondées l'ensemble des demandes, fins et prétentions de P'tit Clown,

- dit que le droit de rétention des marchandises transportées dans le conteneur CMAU 425.463/0 appartenant à P'tit Clown existe et lui est opposable,

- dit Amatrans recevable et fondée en sa demande,

- ordonné à P'tit Clown de payer à Amatrans la somme en provision de 13 294,84 euros outre, à compter du 12 octobre 2023, la somme de 175 euros par semaine indivisible d'entreposage jusqu'à livraison des marchandises,

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- ordonné à Amatrans la livraison des marchandises retenues et appartenant à P'tit Clown dans les 8 jours après paiement complet de la provision, en ses locaux sis [Adresse 5] [Localité 3],

- Débouté Amatrans de sa demande reconventionnelle de vente des marchandises aux fins de paiement de sa créance,

Et, statuant à nouveau sur ces chefs de l'ordonnance critiquée,

Subsidiairement, dans l'hypothèse où son droit de rétention serait confirmé mais où la cour réformerait la condamnation à paiement de P'tit Clown,

- ordonner à la société P'tit Clown sous 48 Heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir de remettre à la société Amatrans les marchandises transportées dans le conteneur CMAU 425.463/0, objets du gage, soit en nature, soit en valeur,

- autoriser, dans l'hypothèse d'une restitution en nature, la société Amatrans à vendre les marchandises dépotées du conteneur n° CMAU 425.463/0 pour paiement de sa créance et à prélever sur le produit de cette vente le montant de sa créance, soit la somme de 13.294,84 Euros, somme qui sera augmentée des coûts d'entreposage à raison de 175 Euros par semaine indivisible, mais aussi de tous autre coûts, frais et honoraires exposés par elle pour obtenir une autorisation judiciaire et parvenir à ladite vente,

- désigner Monsieur [X] [F], courtier vendeur assermenté [Localité 2], avec mission de :

* se faire remettre tous documents relatifs aux marchandises litigieuses ;

* en présence de l'Administration des Douanes dûment appelée, si nécessaire, procéder à la vente publique ou, si nécessaire, afin de limiter l'accroissement des coûts d'entreposage, à la vente de gré à gré desdites marchandises ;

* remettre à la société Amatrans le solde du prix de vente après y avoir prélevé ses honoraires,

* du tout, dresser un procès-verbal qu'il déposera au greffe du tribunal de commerce, y compris si la vente s'avérait impossible pour les motifs qu'il exposera,

* en cas de difficulté, en référer au président du tribunal de commerce du Havre,

- dire que si la valeur des marchandises vendues devait être supérieure à la créance de la société Amatrans, celle-ci consignera le solde entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau du Havre, au profit de tout autre créancier muni d'un titre qui se présenterait,

En tout état de cause,

- condamner la société P'tit Clown à payer à la société Amatrans la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le droit de rétention de la SAS Amatrans :

Exposé des moyens :

La SAS P'tit Clown soutient que :

- la SAS Amatrans ne peut exciper d'aucun droit de rétention dès lors que les conditions de l'article 2286 du code civil ne sont pas remplies et notamment, il n'existe aucune connexité entre la créance détenue par la SAS Amatrans sur la société Maxcess, qui est son seul donneur d'ordre, et les marchandises détenues ;

- la SAS P'tit Clown n'a jamais traité avec la SAS Amatrans qui ne dispose d'aucune action contractuelle contre elle et elle ne l'a jamais mandatée pour quoi que ce soit ;

- la SAS P'tit Clown n'est pas la débitrice de la SAS Amatrans alors, au surplus, qu'elle a réglé l'intégralité de la prestation de la société Maxcess et que la marchandise retenue est sa propriété sur laquelle la SAS Amatrans n'a aucun droit ;

- les frais de stockage et de surestaries procèdent du refus de la SAS Amatrans de livrer la marchandise à la SAS P'tit Clown et ne peuvent être imputées à cette dernière ;

- la créance alléguée par la SAS Amatrans sur la société Maxcess est incertaine et est totalement inconnue de la SAS P'tit Clown ;

- la conditions générales de vente de la SAS Amatrans n'ont été signées par la SAS P'tit Clown que pour obtenir le dédouanement de la marchandise et elles ne sauraient fonder un droit de rétention conventionnel ; ces conditions ne sont opposables qu'au contractant de la SAS Amatrans, c'est à dire la société Maxcess ; à supposer que ces conditions générales de vente soient déclarées opposables à la SAS P'tit Clown, alors au surplus qu'elles ont été signées par une personne ne pouvant pas la représenter, son consentement aurait été obtenu par dol ;

- le droit de rétention n'est pas opposable à la SAS P'tit Clown et constitue un trouble manifestement illicite à son égard ;

- la SAS Amatrans a fait valoir un prétendu droit de rétention de mauvaise foi alors que la SAS P'tit Clown n'a jamais donné son accord pour que des frais soient exposés, frais qui auraient pu être évités si la SAS Amatrans avait récupéré la marchandise ;

La SAS Amatrans soutient que :

- la société Maxcess l'a chargée de la réception, du dédouanement et de la réexpédition de la marchandise, le tout contre paiement comptant et la SAS P'tit Clown lui a donné mandat de prendre livraison de la marchandise et de la dédouaner ;

- la société Maxcess ne l'a pas provisionnée des divers frais de stockage de la marchandise et la SAS Amatrans, afin de faire cesser ces frais, en a fait l'avance à hauteur de 10 649,81 euros ;

- la SAS Amatrans, transitaire, dispose d'un droit de rétention légal sur les marchandises qu'il est chargé de dédouaner et de réexpédier en garantie du prix de sa prestation et ce conformément à l'article 2286 2° du code civil ;

- ce droit est opposable au propriétaire de la marchandise même s'il n'est pas débiteur à l'égard du transitaire ;

- les conditions générales de vente signées par la SAS P'tit Clown, un mois avant l'arrivée des marchandises et hors de toute urgence, prévoient un droit de rétention conventionnel ;

- la signature du mandat par la SAS P'tit Clown, destinataire de la marchandise selon le connaissement, était nécessaire comme pouvant seule justifier l'intervention de la SAS Amatrans pour la recevoir et la dédouaner ;

- les documents signés par la SAS P'tit Clown sont clairs et comportent de façon évidente mandat de représentation donné à la SAS Amatrans, aucune erreur n'a pu être commise par la SAS P'tit Clown ;

- le mandat a été signé par M. [Y], directeur des achats et qualité, pour le compte du directeur général de la SAS P'tit Clown, M. [H] et l'acte comporte le cachet commercial de l'entreprise ; la SAS Amatrans ne pouvait douter des pouvoirs de M. [Y] de représenter la SAS P'tit Clown eu égard à cette apparence ;

- l'opération a été validée par la suite puisque la SAS P'tit Clown a payé la taxe à la valeur ajoutée ;

- étant mandataire, la SAS Amatrans est en droit de recouvrer les frais exposés par elle pour le compte de son mandant alors que le réceptionnaire est également débiteur du fret et des frais dus en exécution du contrat de transport selon l'article R5422-9 du code des transports ; ces frais ont été facturés par des sociétés tierces ;

- la facture de Maxcess était payable à réception, soit le 26 juin 2023, alors qu'elle n'a été payée par la SAS P'tit Clown que le 20 juillet 2024 tandis que la facture de prestations d'Amatrans était payable par Maxcess avant l'arrivée du navire [Localité 2], soit le 18 juillet 2023 ; la SAS P'tit Clown n'avait pas provisionné Maxcess en temps et en heure laquelle n'a pas pu ou pas voulu faire l'avance du prix convenu avec Amatrans, ce qui a engendré les premiers frais de demurrages et de storages au paiement desquels Maxcess n'a pas su faire face ;

- dès lors que la SAS Amatrans n'avait pas été payée, elle n'avait pas à récupérer la marchandise ;

Réponse de la cour :

L'article 873 du code de procédure civile relatif aux tribunaux de commerce dispose que : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

L'article 2286 du code civil dispose que : « Peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance ;

2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer ;

3° Celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ;

4° Celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession.

Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire. »

Des pièces produites de part et d'autre, il résulte que courant juin 2023, la société P'tit Clown a commandé auprès de la société Apinata en Tunisie, 660 cartons de piñatas pour un montant de 17 820 euros HT, que la société P'tit Clown a mandaté, le 20 juin 2023, la société Maxcess Logistique afin d'organiser le transport et la livraison de ces piñatas depuis les locaux de la société Apinata, à [Localité 4], jusqu'aux locaux de la société P'tit Clown, à [Localité 3] en France, ce contrat incluant l'acheminement, le fret maritime, le dédouanement en France et la livraison, le tout pour un prix de 2 650 euros HT et que le 20 juillet 2023, la société P'tit Clown a payé l'intégralité de ces prestations à la société Maxcess Logistique.

La SAS Amatrans verse aux débats ses conditions générales signées par la société Maxcess Logistique le 26 juin 2023 ainsi que divers courriers électroniques des 20 et 21 juin 2023 démontrant de façon manifeste que la SAS Amatrans et la société Maxcess Logistique ont été liées par un contrat aux termes duquel la première a été chargée par la seconde de recevoir et de dédouaner puis de réacheminer la marchandise appartenant à la SAS P'tit Clown transportée par bateau depuis la Tunisie jusqu'au port [Localité 2].

La SAS Amatrans verse en outre aux débats de multiples courriers électroniques échangés avec la société Maxcess Logistique, son seul cocontractant, entre le 18 juillet 2023 et le 11 octobre 2023 ainsi que des factures émanant de sociétés tierces à l'attention de la SAS Amatrans, desquels il résulte, à l'évidence que :

- la société Maxcess Logistique a promis, à de multiples reprises, le paiement intégral des prestations exécutées par la SAS Amatrans,

- la SAS Amatrans a fait l'avance de frais de stockage et des surestaries relatifs à la marchandise appartenant à la SAS P'tit Clown maintenue dans un entrepôt privé du port [Localité 2],

- la SAS Amatrans a établi une facture de l'ensemble de sa prestation et de ces frais à l'attention de la société Maxcess Logistique le 27 septembre 2023 pour la somme de 13 294,84 euros,

- la société Maxcess Logistique n'a jamais contesté le principe de cette dette dont rien dans le dossier remis à la cour par les parties ne permet d'affirmer qu'elle a été finalement réglée.

Il est constant que la SAS Amatrans s'est prévalue d'un droit de rétention sur la marchandise appartenant à la SAS P'tit Clown au motif qu'elle n'avait pas été réglée par la société Maxcess Logistique de sa prestation et des frais qu'elle avait exposés.

Il appartient à la SAS P'tit Clown, laquelle a initialement agi en référé contre la SAS Amatrans afin que cesse le trouble causé par le droit de rétention exercé par cette dernière sur la marchandise considérée, de démontrer le caractère manifestement illicite du trouble qu'elle invoque.

La créance de la SAS Amatrans à l'égard de la société Maxcess Logistique n'est pas sérieusement contestable et n'a pas été contestée lors des divers échanges par cette dernière société. Il s'ensuit que, sur le fondement de l'article 2286 2° du code civil, la SAS Amatrans pouvait effectivement se prévaloir d'un droit de rétention sur la marchandise visée dans le contrat la liant à la société Maxcess Logistique afin d'obtenir le paiement de sa créance à l'égard de cette dernière et ce quand bien même la marchandise n'aurait pas appartenu à la société Maxcess Logistique, le droit de rétention étant opposable à tous.

La SAS P'tit Clown ne démontrant pas que le trouble subi par elle est illicite et encore moins manifestement illicite, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a dit que le droit de rétention des marchandises transportées dans le conteneur CMAU 425.463/0 appartenant à P'tit Clown existe et lui est opposable.

Sur les sommes réclamées à titre provisionnel :

Exposé des moyens :

La SAS P'tit Clown, reprenant les moyens mentionnés ci-dessus soutient qu'aucune somme n'est due par elle à la SAS Amatrans et que toute demande en paiement formée par cette dernière est sérieusement contestable.

La SAS Amatrans soutient que les frais de demurrages et de storages sont dus même s'ils n'ont pas été contractuellement prévus ; ils ont été exposés dans l'intérêt de tous et découlaient du contrat de transport liant la SAS P'tit Clown au transporteur maritime.

Réponse de la cour

L'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier.

La SAS Amatrans affirme qu'elle n'est liée par aucun contrat à la SAS Amatrans, que les conditions générales et le mandat qui lui sont opposés par cette dernière ont été établis pour un motif totalement étranger à la volonté de conclure un contrat, que ces deux actes procèdent d'un dol, que leur signataire n'avait pas le pouvoir d'engager la société et que les frais de stockage ont été exposés par la SAS Amatrans du fait de son inertie dès lors qu'elle n'a pas récupéré la marchandise en temps utile.

La SAS Amatrans soutient que le signataire de ces deux actes avait l'apparence d'un représentant de la SAS P'tit Clown et qu'il pouvait dès lors valablement l'engager.

Statuer sur ces moyens suppose de déterminer si un contrat a existé entre la SAS Amatrans et la SAS P'tit Clown, si le signataire des deux actes considérés avait bien le pouvoir d'y consentir, si le consentement de la SAS P'tit Clown, à la supposer engagée, n'a pas été vicié et si le prétendu mandataire, la SAS Amatrans, n'a pas commis une faute à l'égard de son mandant en laissant courir les frais de stockage sur la marchandise considérée. La connaissance de ces moyens ne peut pas relever du juge des référés, juge de l'évidence, mais seulement du juge du fond.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a dit Amatrans recevable et fondée en sa demande et ordonné à P'tit Clown de payer à Amatrans la somme en provision de 13 294,84 euros outre, à compter du 12 octobre 2023, la somme de 175 euros par semaine indivisible d'entreposage jusqu'à livraison des marchandises, et la cour dira n'y avoir lieu à référé sur ce point eu égard aux contestations sérieuses soulevées par la SAS P'tit Clown.

Sur le sort des marchandises :

Exposé des moyens :

La SAS P'tit Clown soutient que la SAS Amatrans ayant finalement livré la marchandise, elle n'est plus en sa possession à la suite de sa revente à des tiers et aucune vente forcée ne peut être ordonnée.

La SAS Amatrans soutient qu'elle souhaite réaliser son gage et faire vendre la marchandise pour être payée.

Réponse de la cour

La SAS Amatrans verse aux débats un courrier émanant de son propre conseil adressé à celui de la SAS P'tit Clown ainsi qu'une lettre de voiture du 29 avril 2024 desquels il résulte que la marchandise ayant fait l'objet du droit de rétention exercé par la SAS Amatrans a été finalement rendue à la SAS P'tit Clown en exécution de la décision entreprise qui avait ordonné cette remise.

La SAS Amatrans n'a émis aucune observation quant à l'affirmation de la SAS P'tit Clown selon laquelle la marchandise considérée a été vendue par ses soins à des tiers.

Aucune demande subsidiaire n'ayant été formée par la SAS Amatrans notamment quant à son éventuel droit de rétention sur le prix de vente de cette marchandise, aucune restitution ne peut être ordonnée au profit de la SAS Amatrans pas plus que ne peut être ordonnée une vente de cette marchandise.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté Amatrans de sa demande reconventionnelle de vente des marchandises aux fins de paiement de sa créance et la SAS Amatrans sera déboutée de sa demande de restitution.

Par ailleurs, la restitution des marchandises ayant déjà été effectuée selon les conclusions de la SAS P'tit Clown, celle-ci sera déboutée de cette même demande.

Pour le surplus, l'ordonnance sera confirmée .

Chacune des parties assumera la charge de ses dépens ainsi que celle de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire en matière de référé , par mise à disposition au greffe ;

Confirme l'ordonnance du 3 avril 2024 du président du tribunal de commerce du Havre sauf en ce qu'elle a :

- dit Amatrans recevable et fondée en sa demande,

- ordonné à P'tit Clown de payer à Amatrans la somme en provision de 13 294,84 euros outre, à compter du 12 octobre 2023, la somme de 175 euros par semaine indivisible d'entreposage jusqu'à livraison des marchandises ;

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de paiement provisionnel formée par la SAS Amatrans contre la SAS P'tit Clown ;

Y ajoutant :

Déboute la SAS Amatrans et la SAS P'tit Clown de leur demande de restitution des marchandises qui ont d'ores et déjà remises à la SAS P'tit Clown ;

Dit que chacune des parties supportera les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,