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Décisions

TA Grenoble, 1re ch., 5 décembre 2024, n° 2107986

GRENOBLE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thierry

Rapporteur :

Mme Barriol

Avocat :

Me Ségurel

TA Grenoble n° 2107986

4 décembre 2024

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021 et un mémoire du 24 mai 2022, la société Constructel constructions et télécommunications, représentée par Me Vogel, demande au tribunal :

1°) à titre principal, d'annuler la décision de sanction, de publication et de diffusion résultant du 21 octobre 2021 prononcée par la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) ;

2°) à titre subsidiaire de réformer la décision de sanction, de publication et de diffusion résultant du 21 octobre 2021 en ramenant l'amende administrative à un montant symbolique et en ne prononçant aucune publication et diffusion ;

3°) de mettre à la charge de la DREETS une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le procès-verbal du 11 août 2020 n'est pas valable car il n'a pas été signé par son auteur ;

- la décision de publication et de diffusion d'un communiqué relatif à l'amende prononcée à son encontre n'est pas motivée ;

- la décision d'amende n'est pas motivée ;

- elle porte atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité ;

- la décision de sanction est entachée d'une erreur de droit ;

- elle ne répond pas au principe de proportionnalité des peines prévu à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, également consacré par l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision de publication et de diffusion d'un communiqué de sanction sur son site internet résulte d'une application rétroactive des dispositions de la loi PACTE du 22 mai 2019 et de l'ordonnance du 3 juillet 2019 ;

- elle porte une atteinte disproportionnée et injustifiée à son image.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2022, la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) d'Auvergne-Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barriol ;

- les conclusions de Mme E ;

- et les observations de Me Ségurel pour la société Constructel constructions et télécommunications.

Considérant ce qui suit :

1. La société Constructel constructions et télécommunications exerce une activité de conception, construction et d'installation d'infrastructures de réseaux cuivre et fibre optique pour le compte principal de l'opérateur Orange. A la suite d'un contrôle du 2 octobre 2019 diligenté par la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), un procès-verbal en manquement en matière de délais de paiement convenu a été rédigé. Après avoir informé la société, par courrier du 13 avril 2021, des manquements constatés, par une décision du 21 octobre 2021, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à l'entreprise une amende administrative d'un montant de 540 000 euros, du fait du non-respect des délais de paiement " convenus " au titre des manquements aux dispositions de l'article L. 441-6 I, al 9 du code de commerce, assortie d'une publication sur le site du service pour une durée de neuf mois et sur le site de l'entreprise pour une durée d'un mois. La société Constructel constructions et télécommunications demande au tribunal l'annulation de cette sanction ou, à titre subsidiaire, de la réduire.

Sur les conclusions à fin d'annulation ou de modulation de la sanction :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie :

2. D'une part, aux termes du IV de l'article L. 470-2 du code de commerce : " Avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende. "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 2° Infligent une sanction () ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. La décision attaquée du 21 octobre 2021, qui vise les articles L. 470-2 et L. 441-6 du code de commerce sur lesquels elle est fondée, expose avec suffisamment de précision les motifs de droit et de fait ayant conduit à prononcer l'amende en litige, notamment les manquements de la société Constructel constructions et télécommunications durant la période de contrôle. Elle précise, en outre, la période du contrôle, le nombre et le pourcentage de factures payées en retard, le nombre de fournisseurs victimes, le retard moyen pondéré constaté et le montant en avantage de trésorerie généré par la pratique. Elle comporte ainsi tous les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement. Enfin, s'agissant de la détermination du montant de la sanction en cause, le procès-verbal communiqué à la société requérante, comporte l'exposé du calcul de l'avance de trésorerie sur le fondement de laquelle est déterminé le montant de l'amende, ainsi que la liste des factures vérifiées et les délais retenus. La décision n'avait pas, à cet égard, à motiver autrement le montant de l'amende prononcée. Elle répond en outre de façon circonstanciée et détaillée aux observations formulées par la société dans le cadre du débat contradictoire mené en amont de son édiction et tient notamment compte des mesures de correction qui ont été dorénavant mises en place et des process internes qui ne sont plus ceux du moment des faits, des aspects économiques invoqués et de la crise sanitaire. Elle précise également que compte tenu des observations du 15 juin 2021 émises par l'entreprise 46 factures émanant de 9 fournisseurs ont été finalement écartées pour une somme de 1 182 255 euros. Quant à la sanction complémentaire de publication, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 470-2 du code de commerce : " I. -L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements mentionnés au titre IV du présent livre ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction prévues à l'article L. 470-1. / () III. - Les manquements passibles d'une amende administrative sont constatés par procès-verbal, selon les modalités prévues à l'article L. 450-2. () ". Selon l'article L. 450-2 du même code : " Les enquêtes donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et, le cas échéant, de rapports. / Les procès-verbaux sont transmis à l'autorité compétente. Copie en est transmise aux personnes intéressées. Ils font foi jusqu'à preuve contraire. ". L'article R. 450-1 du même code : " I.-Les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-2 énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés d'un agent mentionné à l'article L. 450-1 ". L'article R. 470-2 dudit code dispose que : " I. L'autorité administrative mentionnée à l'article L. 470-2 est : / () 3° Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ou son représentant nommément désigné ; / () ". Aux termes du II de l'article L. 450-1 du même code : " Des fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l'économie peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions du présent livre. ". Enfin, selon l'article A. 450-1 de ce code : " Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités, en application de l'article L. 450-1, à procéder aux enquêtes dans les conditions prévues au présent livre. ".

6. Le procès-verbal, sur lequel est fondé la décision contestée, est régit par les seules dispositions de l'article R. 450-1 du code du commerce. La société Constructel constructions et télécommunications ne peut dès lors utilement soutenir qu'il méconnaît les dispositions des articles L. 212-1 et L. 200-1 du code des relations entre le public et l'administration, relatives à la signature des décisions et aux mentions relatives à leurs auteurs. En outre, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de l'enquête diligentée par les services de la DREETS Auvergne-Rhône-Alpes auprès de la société Constructel constructions et télécommunications, un procès-verbal des manquements constatés a été signé par Mme B C, inspecteur principal de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avant d'être ultérieurement transmis à la société par un courrier du 14 avril 2021. Ni les dispositions précitées, ni aucune autre disposition législative ou règlementaire en vigueur à la date de la décision attaquée n'impose que ce procès-verbal de constat dressé à l'issue de l'enquête soit signé de l'agent ayant mené l'enquête. La double circonstance que le procès-verbal n'a pas été signé par M. D A, empêché dès lors qu'il avait été admis à la retraite et que le document a été transmis une première fois sans être signé, n'est pas de nature à entacher d'illégalité ce procès-verbal qui a été signé par la cheffe de service et transmis pour observation par un courrier du 14 avril 2021. Le moyen tiré du vice d'incompétence entachant le procès-verbal en cause doit donc être écarté.

7. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit ainsi être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne le principe d'indépendance et d'impartialité :

8. Aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle./ Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ".

9. D'une part, il résulte des termes des points 67 à 69 de la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 du Conseil constitutionnel que l'attribution à la direction régionale de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, devenue DREETS, autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, de la compétence pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par les diverses dispositions du code de commerce, enjoindre aux professionnels de se conformer à celles-ci, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite et, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements relevés ne méconnaissent pas le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle. Par ailleurs, ni la DREETS ni son directeur, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent être regardés comme un tribunal au sens des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, conformément aux exigences de cet article. Par suite, si les poursuites engagées par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, en vue d'infliger des sanctions financières sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, constituent des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'en résulte pas que la procédure administrative soit soumise au respect des stipulations précitées de cet article 6. Dès lors, la société Constructel constructions et télécommunications n'est pas fondée à soutenir que le cumul des pouvoirs de constatation et de répression des infractions par la DREETS méconnaît le principe d'impartialité ou tout autre principe, stipulation ou disposition imposant la séparation des autorités administratives responsables du déclenchement des poursuites et de leur sanction.

En ce qui concerne l'erreur de droit :

10. La décision contestée du 21 octobre 2021 a été établie sur la base d'un procès-verbal des manquements, qui a été régulièrement transmis à la société. Par une lettre d'intention du 14 avril 2021, la société Constructel constructions et télécommunications a été informée qu'une sanction administrative d'un montant de 710 000 euros était envisagée pour ce manquement à l'article L. 441-10 du code de commerce (anciennement L. 441-1 I, al9) et précisait que le contrôle avait donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal de manquements, dont une copie était jointe au courrier. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un autre procès-verbal aurait été élaboré sans être transmis à la société Constructel constructions et télécommunications. Si la décision contestée du 21 octobre 2021 ainsi que le courrier du 14 avril 2021 comportent en entête sous la rubrique " référence " la mention d'un procès-verbal du 25 octobre 2019, cette simple erreur de plume est sans incidence sur la légalité de la décision.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction :

11. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Le respect du principe de proportionnalité d'une sanction financière s'apprécie au regard de la gravité des manquements commis, de la durée de la période durant laquelle ces manquements ont perduré, du comportement de la société et de sa situation financière.

12. Aux termes de l'article L. 441-10 du code de commerce : " I.- Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d'émission de la facture. () ". L'article L. 441-16 du même code dispose : " Est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder () deux millions d'euros pour une personne morale, le fait de : / a) Ne pas respecter les délais de paiement prévus au I de l'article L. 441-10 () / Le maximum de l'amende encourue est porté à () quatre millions d'euros pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ".

13. Il résulte de l'instruction que pour prononcer l'amende en litige, la DREETS d'Auvergne-Rhône-Alpes a relevé que la société Constructel constructions et télécommunications avait accusé des retards de paiement de ses fournisseurs pour l'année civile 2018 à concurrence de 37 448 766 euros sur une période de douze mois, soit un retard pondéré de 34,35 jours par rapport aux exigences légales, lesquels lui ont permis d'opérer un avantage de trésorerie évalué à 3 524 450 euros.

14. D'une part, la société fait valoir que l'absence de critères objectifs et prédéfinis par des dispositions législatives ou réglementaires pour déterminer la sanction empêche le tribunal de contrôler le montant de l'amende infligé et ne respecte pas le principe de proportionnalité des peines. Toutefois, les délais de paiement sont prévus par des dispositions législatives et en l'absence de méthode de calcul réglementaire, la sanction du non-respect de ces délais est déterminée en fonction de la gravité des manquements constatés, de leur caractère répété et de la situation financière de la personne sanctionnée. Dès lors, la circonstance que la sanction n'est pas établie selon des critères pré-définis ne contrevient pas au principe de proportionnalité des peines.

15. D'autre part, l'administration a procédé au retrait de plusieurs factures à la demande de l'entreprise dans ses observations concernant le procès-verbal de contrôle, a diminué de près de 25% le montant de la sanction de 710 000 euros envisagé initialement à 540 000 euros et a ainsi tenu compte des observations de l'entreprise. La circonstance, à la supposée établie que l'année 2018 aurait été une année exceptionnelle en termes de gestion de trésorerie et non représentative, tout comme le fait que l'entreprise n'aurait pas mis en place " une stratégie de rétention de trésorerie " sont sans influence sur la légalité de la décision litigieuse. L'administration, qui n'était pas tenue de justifier précisément le quantum de l'amende, a fourni des éléments suffisants quant à la nature, la répétition et la gravité des faits qu'elle avait retenus pour que puisse être utilement appréciée la proportionnalité de la sanction. La société ne fournit pas d'élément dont il ressortirait qu'en raison de sa situation financière, l'amende, d'un montant excessif, serait de nature à compromettre la pérennité de son activité alors que son chiffre d'affaires était de 170 millions d'euros en 2018. Au vu de l'ampleur des dépassements constatés et du volume d'affaires concernées, en fixant l'amende à 540 000 euros assortie d'une publication de cette sanction, l'administration n'a pas prononcé de sanctions disproportionnées aux manquements constatés et à la situation financière de la société Constructel constructions et télécommunications. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe constitutionnel de proportionnalité des peines, également consacré par l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu.

16. Les conclusions à fin d'annulation et de modulation du montant de l'amende contesté doivent dès lors être rejetées.

En ce qui concerne la publication de la sanction :

17. En premier lieu, aux termes du V de l'article L. 470-2 du code du commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " V.-La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée aux frais de la personne concernée. La décision est toujours publiée lorsqu'elle est prononcée en application du VI de l'article L. 441-6 ou du dernier alinéa de l'article L. 443-1. Toutefois, l'administration doit préalablement avoir informé la personne sanctionnée, lors de la procédure contradictoire fixée au IV, de la nature et des modalités de la publicité envisagée ".

18. Aux termes de l'article R. 470-2 du même code dans sa version alors applicable : " () III. - La publication prévue au V de l'article L. 470-2 peut être effectuée par voie de presse, par voie électronique, ou par voie d'affichage. / La publication peut porter sur tout ou partie de la décision, ou prendre la forme d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de cette décision. / La diffusion de la décision est faite au Journal officiel de la République française, par une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique. Les publications ou les services de communication au public par voie électronique chargés de cette diffusion sont désignés dans la décision. Ils ne peuvent s'opposer à cette diffusion. / L'affichage s'effectue dans les lieux et pour la durée indiqué par la décision ; il ne peut excéder deux mois. En cas de suppression, dissimulation ou lacération des affiches apposées, il est de nouveau procédé à l'affichage. / Les modalités de la publication sont précisées dans la décision prononçant l'amende. ".

19. La société requérante soutient que les dispositions du code de commerce précitées ne prévoyaient pas une publicité sur le site de l'entreprise. Selon elle, dès lors que l'ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019, entrée en vigueur postérieurement aux manquements sanctionnés, a explicitement ajouté au dispositif existant, la diffusion sur le site internet de l'entreprise, l'administration a, en l'espèce, méconnu le principe de non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère en prévoyant une publicité sur son site internet pendant une durée d'un mois.

20. Si l'article L. 470-2 du code de commerce dans sa version applicable au litige ne prévoyait pas les supports de publicité de la sanction, rien ne faisait obstacle ou interdisait à l'administration de décider que le communiqué serait diffusé sur le site internet de l'entreprise. Par suite, le moyen tiré de ce que la publication de la sanction prononcée par l'administration sur le site internet de l'entreprise pendant un mois procède d'une application rétroactive illégale de la loi plus sévère du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises manque en fait et doit être écarté.

21. En second lieu, l'administration a sanctionné la requérante compte tenu des nombreux manquements en matière de délais de paiement qui s'élèvent à 82% sur une durée de douze mois pour un retard moyen de 34 jours et un avantage de trésorerie égal à 3 395 141 euros. Outre sa portée punitive, l'objet de cette publication est de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées, en particulier les sous-traitants de l'entreprise, tant les irrégularités qui ont été commises que les sanctions que celles-ci ont appelées. S'il est vrai qu'une décision de publication porte toujours en principe une atteinte à l'image de la personne sanctionnée, il n'en demeure pas moins que la décision litigieuse est avant tout justifiée par le nombre et l'ampleur des manquements commis par la requérante. Eu égard à l'intérêt des tiers à être informés des pratiques de la société et à la valeur pédagogique d'une telle mesure, compte tenu en outre de la de la durée de publication limitée à un mois, la société n'est pas fondée à soutenir que cette mesure est disproportionnée.

22. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la société Constructel constructions et télécommunications doivent être rejetées. Les conclusions tendant à la diminution du montant de la sanction et présentées à titre subsidiaire doivent être rejetées pour les même motifs que ceux exposés précédemment.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

23. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de la société Constructel constructions et télécommunications en ce sens doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Constructel constructions et télécommunications est rejetée.

Article 2 : le présent jugement sera notifié à la société Constructel constructions et télécommunications, au préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et au ministre du travail et de l'emploi.