CJUE, 9e ch., 12 décembre 2024, n° C-300/23
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
NB
Défendeur :
Kutxabank SA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodin
Juges :
M. Passer, Mme Spineanu-Matei (rapporteure)
Avocat général :
Mme Medina
Avocats :
Me Erausquin Vázquez, Me Ortiz Pérez, Me Ortega Ochoa
LA COUR (neuvième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, premièrement, de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 5, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), deuxièmement, de l’article 7 de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22), ainsi que, troisièmement, du principe d’effectivité.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant NB à Kutxabank SA au sujet de la validité de la clause de révision périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 93/13
3 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 :
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
4 L’article 4 de cette directive prévoit :
« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.
2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
5 L’article 5 de ladite directive est rédigé comme suit :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7, paragraphe 2. »
6 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
7 L’article 7, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
8 Aux termes de l’article 8 de ladite directive :
« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »
La directive 2005/29
9 Conformément à l’article 19 de la directive 2005/29, les États membres devaient avoir adopté et publié au plus tard le 12 juin 2007 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci, et en informer immédiatement la Commission européenne. Ces dispositions devaient être applicables au plus tard le 12 décembre 2007.
Le droit espagnol
La loi 7/1998
10 La directive 93/13 a été transposée dans le droit espagnol par la Ley 7/1998, sobre condiciones generales de la contratación (loi 7/1998, relative aux conditions générales des contrats), du 13 avril 1998 (BOE no 89, du 14 avril 1998, p. 12304).
11 L’article 5, paragraphe 5, de cette loi, tel que modifié par la Ley 5/2019, de regulación de los contratos de crédito inmobiliario (loi 5/2019, portant réglementation des contrats de crédit immobilier), du 15 mars 2019 (BOE no 65, du 16 mars 2019), prévoit que les conditions insérées de manière non transparente dans les contrats au détriment des consommateurs sont nulles de plein droit.
La loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers
12 Le Real Decreto Legislativo 1/2007, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007, portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE no 287, du 30 novembre 2007, p. 49181), a promulgué la refonte de la cette loi, laquelle a été modifiée par la loi 5/2019 (ci-après la « loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers »).
13 L’article 8 de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers dispose :
« Constituent des droits fondamentaux des consommateurs et des usagers :
[...]
b) La protection de leurs intérêts économiques et sociaux légitimes, tout particulièrement face aux pratiques commerciales déloyales et à l’insertion de clauses abusives dans les contrats.
[...]
d) L’information exacte sur les différents biens ou services ainsi que l’éducation et la vulgarisation afin de favoriser la connaissance relative à l’utilisation, à la consommation ou à la jouissance appropriée de ces biens ou services.
[...] »
14 L’article 60 de cette loi générale, intitulé « Information précontractuelle », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Avant que le consommateur ou l’usager soit lié par un contrat ou une offre du même type, le professionnel lui fournit, d’une manière claire et compréhensible, les informations pertinentes, véridiques et suffisantes sur les principales caractéristiques du contrat, notamment sur ses conditions juridiques et économiques [...] »
15 Aux termes de l’article 80, paragraphe 1, de ladite loi générale, intitulé « Exigences applicables aux clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle » :
« Dans les contrats conclus avec des consommateurs et des usagers qui comprennent des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, y compris les contrats conclus par l’administration publique et les entités et entreprises qui en dépendent, ces clauses doivent respecter les exigences suivantes :
a) La rédaction doit être précise, claire et simple, et doit pouvoir être directement comprise, sans renvoyer à des textes ou à des documents qui ne seraient pas fournis préalablement ou au moment de la conclusion du contrat et qui, en tout état de cause, sont expressément mentionnés dans le document contractuel ;
[...]
c) Bonne foi et juste équilibre entre les droits et obligations des parties, ce qui exclut, en tout état de cause, l’utilisation de clauses abusives. »
16 L’article 82, paragraphe 1, de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers, intitulé « Notion de clause abusive », dispose :
« Sont considérées comme abusives toutes les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ainsi que toutes les pratiques qui ne résultent pas d’un accord exprès et qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »
17 L’article 83 de cette loi générale, intitulé « Nullité des clauses abusives et subsistance du contrat », prévoit :
« Les clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites. À ces fins, après avoir entendu les parties, le juge constate la nullité des clauses abusives figurant dans le contrat, celui-ci restant néanmoins contraignant pour les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives.
Les conditions insérées de manière non transparente dans les contrats au détriment des consommateurs sont nulles de plein droit. »
Le code civil
18 L’article 1303 du Código civil (code civil) dispose :
« Lorsqu’une obligation est déclarée nulle, les contractants doivent se restituer réciproquement les choses ayant fait l’objet du contrat, les fruits produits par ces choses et le prix assorti d’intérêts, sauf dans les cas prévus par les articles suivants. »
19 Aux termes de l’article 1306, point 2, de ce code :
« Si l’acte constitutif de la cause immorale n’est pas une infraction, les règles suivantes sont observées :
[...]
2) Lorsqu’un seul contractant est impliqué, il ne peut réclamer ce qu’il aura donné en vertu du contrat, ni demander l’exécution de ce qui lui aura été offert. L’autre partie, qui n’est pas impliquée dans la cause immorale, peut réclamer ce qu’elle aura donné, sans obligation d’exécuter ce qu’elle aura offert. »
Les circulaires 8/1990 et 5/1994
20 Le Banco de España (Banque d’Espagne) a adopté la circular 8/1990, a entidades de crédito, sobre transparencia de las operaciones y protección de la clientela (circulaire 8/1990, à l’attention des établissements de crédit, relative à la transparence des opérations et à la protection des clients), du 7 septembre 1990 (BOE no 226, du 20 septembre 1990, p. 27498).
21 La circulaire 8/1990 a été modifiée, entre autres, par la circular 5/1994, a entidades de crédito (circulaire 5/1994, à l’attention des établissements de crédit), du 22 juillet 1994 (BOE no 184, du 3 août 1994, p. 25109), laquelle a notamment ajouté une annexe VIII à la circulaire 8/1990. Le Juzgado de Primera Instancia no 8 de Donostia – San Sebastián (tribunal de première instance no 8 de Saint-Sébastien, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, précise à cet égard que la circulaire 8/1990 telle que modifiée par la circulaire 5/1994 (ci-après la « circulaire 8/1990 telle que modifiée ») n’a pas fait l’objet d’une version consolidée publiée au Boletín Oficial del Estado.
22 La circulaire 8/1990 telle que modifiée a établi certains indices de référence officiels pour les prêts hypothécaires. Parmi ceux-ci figuraient divers taux moyens de prêts hypothécaires d’une durée supérieure à trois ans, destinés à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé (ci-après les « IRPH »), parmi lesquels l’IRPH relatif aux prêts accordés par les caisses d’épargne (ci-après l’« IRPH des caisses d’épargne »).
23 L’IRPH des caisses d’épargne est défini de la manière suivante dans l’annexe VIII de la circulaire 8/1990 telle que modifiée :
« [...] la moyenne simple des taux d’intérêt moyens pondérés par le capital des opérations de prêt assorti d’une garantie hypothécaire d’une durée supérieure ou égale à trois années visant à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé, que l’ensemble des caisses d’épargne ont entamées ou renouvelées pendant le mois de référence de l’indice. Ces taux d’intérêt moyens pondérés sont les taux annuels équivalents déclarés à la Banque d’Espagne pour ces échéances par l’ensemble des caisses d’épargne [...] »
24 Il résulte de la décision de renvoi que cette définition est complétée par l’indication selon laquelle les « taux d’intérêt moyens pondérés » sont les taux annuels effectifs globaux (TAEG) déclarés à la Banque d’Espagne par l’ensemble des caisses d’épargne pour les opérations concernées.
25 Il résulte également de cette décision que la circulaire 5/1994 contenait un avertissement à l’attention des établissements de crédit, auxquels elle était adressée, selon lequel le fait d’utiliser les IRPH directement et simplement aurait pour conséquence de placer le TAEG de l’opération hypothécaire au-dessus du taux pratiqué sur le marché, situation qui serait évitée en appliquant une marge négative appropriée, dont la valeur varierait en fonction des commissions de cette opération et de la fréquence des versements.
La loi 14/2013
26 La Ley 14/2013, de apoyo a los emprendedores y su internacionalización (loi 14/2013, de soutien aux entrepreneurs et à leur internationalisation), du 27 septembre 2013 (BOE no 233, du 28 septembre 2013, p. 78787), comporte une quinzième disposition additionnelle prévoyant la disparition à partir du 1er novembre 2013, notamment, de l’IRPH des caisses d’épargne.
27 Les paragraphes 2 à 4 de cette disposition additionnelle sont libellés comme suit :
« 2. Les références aux taux visés au paragraphe précédent sont remplacées, à compter de la prochaine révision des taux applicables, par le taux ou l’indice de référence de substitution prévu dans le contrat.
3. En l’absence du taux ou de l’indice de référence prévu dans le contrat ou dans le cas où celui-ci serait l’un des indices ou taux dont la suppression est prévue, le taux ou indice en question est remplacé par le taux d’intérêt officiel dénommé [IRPH des établissement de crédit], en appliquant une marge équivalant à la moyenne arithmétique des différences entre le taux dont la suppression est prévue et le taux cité ci dessus, calculée sur la base des données disponibles entre la date de conclusion du contrat et la date effective de la substitution du taux.
[...]
4. Aucune voie de recours n’est ouverte aux parties pour réclamer la modification, la modification unilatérale ou la résiliation du prêt ou crédit en contrepartie de l’application de la présente disposition. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
28 Le 11 septembre 2006, NB a conclu un contrat de prêt hypothécaire avec Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Gipuzkoa y San Sebastián, devenue Kutxabank (ci-après le « contrat de prêt en cause au principal »), d’une durée de 35 ans.
29 Conformément à l’article 3 bis de ce contrat (ci-après la « clause litigieuse »), le taux d’intérêt est variable, un nouveau taux d’intérêt devant être fixé périodiquement par rapport à l’IRPH des caisses d’épargne.
30 Il est précisé dans la clause litigieuse que cet indice correspond à la moyenne simple des taux d’intérêt moyens, pondérés par le capital, des opérations de prêt assorti d’une garantie hypothécaire réalisées par les caisses d’épargne, d’une durée supérieure ou égale à trois années, visant à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé, sans aucune transformation, et que la valeur de référence est celle du dernier indice publié par la Banque d’Espagne au cours du mois précédent chaque échéance prévue pour la révision du taux ou, subsidiairement, du dernier indice publié par la Banque d’Espagne avant le mois précédent susmentionné.
31 Il résulte de la décision de renvoi que la clause litigieuse ne mentionne pas la partie finale de la définition de l’IRPH des caisses d’épargne figurant dans l’annexe VIII de la circulaire 8/1990 telle que modifiée, qui précise que ces « taux d’intérêt moyens pondérés » sont les TAEG déclarés à la Banque d’Espagne par l’ensemble des caisses d’épargne pour les opérations concernées.
32 Le 4 mars 2022, NB a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, visant, notamment, à faire constater le caractère abusif de la clause litigieuse.
33 La juridiction de renvoi précise que les IRPH sont établis sur la base d’une moyenne des TAEG appliqués à des opérations similaires. Par conséquent, une adaptation du taux d’intérêt d’un contrat donné sur la base d’un IRPH entraînerait une majoration de ce taux d’intérêt incorporant ce que les emprunteurs concernés par l’ensemble des contrats qui ont servi de base pour établir cet IRPH ont payé au titre, outre du taux d’intérêt nominal, de tous les frais et éventuelles commissions, alors que seraient ajoutés au titre du contrat dont le taux d’intérêt est ainsi indexé, outre une marge, des coûts similaires et qu’une commission aurait déjà été payée. Cette juridiction ajoute que certains éléments pris en compte dans les TAEG ayant servi de base pour l’établissement de l’IRPH découlaient de clauses contractuelles dont le caractère abusif a été reconnu depuis lors ou est sujet à caution.
34 Examinant en premier lieu la clause litigieuse au regard de l’exigence de transparence, la juridiction de renvoi s’interroge quant au respect de cette exigence, car cette clause ne permettrait pas au consommateur de connaître exactement les conséquences économiques qu’elle implique dans le cadre d’un contrat d’une durée de 35 ans.
35 Tout d’abord, elle doute qu’un consommateur moyen puisse comprendre par lui-même les différences entre les notions de « taux d’intérêt », d’« indice de référence » ou de « TAEG » et, par conséquent, le fonctionnement de la méthode de calcul d’indices de référence qui sont établis sur la base de TAEG.
36 Par ailleurs, la juridiction de renvoi relève que la clause litigieuse comporte une définition de l’IRPH des caisses d’épargne qui ne comprend pas la partie de cette définition relative au fait que cet indice est fondé sur des TAEG. Elle en déduit que le consommateur moyen, qui n’a pas connaissance des circulaires de la Banque d’Espagne adressées aux établissements de crédit et qui n’a pas été informé par son cocontractant du fait que l’IRPH des caisses d’épargne correspond à un TAEG ni des précisions figurant dans la circulaire 5/1994 concernant le niveau des IRPH par rapport au taux du marché, n’a aucune raison de demander des informations à ce sujet pendant la phase précontractuelle, pensant que la proposition de contrat qui lui est présentée est intéressante dès lors qu’elle prévoit une marge inférieure à celles habituellement prévues dans les contrats dont le taux d’intérêt est fixé par rapport à l’indice de référence Euribor (taux interbancaire offert en euros).
37 Ces considérations sont présentées à l’appui des première à troisième et cinquième questions.
38 Ensuite, la juridiction de renvoi fait état de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), dont il résulterait que l’exigence de transparence concernant la composition et le calcul des IRPH est nécessairement remplie en raison de la publication au Boletín Oficial del Estado de la circulaire 8/1990 et du mode de calcul de ces indices, de sorte qu’un établissement de crédit qui intègre un tel indice dans ces conditions contractuelles n’aurait pas l’obligation d’inclure dans le contrat de prêt la définition complète de cet indice. Cette jurisprudence serait fondée exclusivement sur les points 53 et 56 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138), à l’exclusion des points 51, 52, 54 et 55 de celui-ci.
39 La juridiction de renvoi considère que les points 53 et 56 de cet arrêt reposent sur des indications qui ne sont pas totalement conformes à la réalité. En effet, d’une part, la circulaire 8/1990, sur la publication de laquelle ledit arrêt se fonde, ne contient aucune mention des IRPH, puisque ceux-ci ont été introduits par la circulaire 5/1994. D’autre part, en toute hypothèse, la consultation de cette dernière circulaire ne permettrait pas de connaître la méthode de calcul des IRPH, car celle-ci n’y figure pas, de sorte que le consommateur devrait déduire des données consultables que les IRPH sont des TAEG, incluant déjà des marge, commissions et frais.
40 Ces considérations sont présentées à l’appui des quatrième et sixième à huitième questions.
41 Par ailleurs, la juridiction de renvoi doute que la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) susmentionnée, en ce qu’elle serait fixée en ce sens que les établissements de crédit sont inconditionnellement dispensés d’inclure dans les contrats de prêt hypothécaire une définition complète de l’IRPH retenu pour l’adaptation périodique du taux d’intérêt et d’informer les consommateurs de l’évolution antérieure de cet indice dès lors que celui-ci fait l’objet de publications officielles, soit conforme à la jurisprudence de la Cour, eu égard au point 54 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch(C 125/18, EU:C:2020:138), et au point 34 de l’ordonnance du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch (C 655/20, EU:C:2021:943).
42 Ces doutes sont à l’origine des neuvième et dixième questions.
43 Enfin, la juridiction de renvoi fait également état de la directive 2005/29, dont elle considère qu’elle était applicable au moment de la conclusion du contrat de prêt en cause au principal. Elle envisage que l’absence d’éléments importants dans la définition de l’IRPH des caisses d’épargne qui figure dans ce contrat puisse équivaloir à l’omission d’une information substantielle, au sens de l’article 7 de cette directive, et, donc, constituer une pratique trompeuse. Si tel était le cas, elle se demande si un tel constat est de nature à exclure toute bonne foi, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.
44 Ces considérations sont présentées à l’appui des onzième et douzième questions.
45 En deuxième lieu, la juridiction de renvoi envisage l’hypothèse dans laquelle la clause litigieuse devrait être considérée comme étant non conforme à l’exigence de transparence. Dans une telle situation, elle estime qu’elle devrait examiner le caractère éventuellement abusif de cette clause, ce qu’elle demande à la Cour de confirmer, dès lors que les précédentes décisions de celle-ci n’auraient porté que sur cette exigence.
46 Dans cette hypothèse, premièrement, la juridiction de renvoi fait état des règles nationales qui, depuis l’année 2019, prévoient que les conditions contractuelles insérées de manière non transparente au détriment des consommateurs sont nulles de plein droit. Elle relève que le Tribunal Supremo (Cour suprême) ne considérerait pas ces règles comme étant applicables rétroactivement. En revanche, s’agissant des clauses dites « plancher », en application desquelles un taux d’intérêt variable ne pourrait pas descendre sous un certain seuil, la jurisprudence de cette juridiction suprême serait fixée en ce sens que ces clauses ne sont pas transparentes et, de ce fait, sont abusives, en ce qu’elles prévoient un taux d’intérêt apparemment variable, mais qui, en réalité, ne varierait qu’à la hausse. La juridiction de renvoi estime que cette jurisprudence devrait être appliquée par analogie en l’occurrence, eu égard à l’élément trompeur que comporterait la clause litigieuse du fait de l’absence d’indication dans la définition contractuelle de l’IRPH que ce dernier est un TAEG.
47 Ces considérations sont présentées à l’appui des treizième et quatorzième questions.
48 Deuxièmement, la juridiction de renvoi mentionne la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) selon laquelle le recours à un indice officiel, et utilisé par des autorités publiques pour le financement des logements subventionnés, ne pourrait pas être contraire à l’exigence de bonne foi.
49 Elle observe toutefois, d’une part, que le recours à un indice officiel est imposé en cas de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire et que les autorités publiques ayant recouru à un IRPH l’ont fait en tenant compte de l’avertissement de la Banque d’Espagne figurant dans le préambule de la circulaire 5/1994.
50 D’autre part, la juridiction de renvoi relève que l’appréciation du caractère abusif porte non pas sur le recours à un IRPH, mais sur la clause ayant prévu ce recours dans un contrat de prêt. Eu égard au point 69 de l’arrêt du 14 mars 2013, Aziz (C 415/11, EU:C:2013:164), il serait donc pertinent de déterminer si le prêteur, en traitant loyalement et équitablement avec l’emprunteur, aurait pu s’attendre à ce que ce dernier accepte l’insertion de la clause litigieuse dans le contrat de prêt en cause au principal à la suite d’une négociation individuelle s’il avait compris le fonctionnement de la méthode de calcul de l’IRPH des caisses d’épargne et, donc, pu évaluer, sur le fondement de critères précis, les conséquences économiques potentiellement significatives découlant de l’application de cet indice, s’il avait connu l’évolution de celui-ci pendant les deux années ayant précédé la conclusion de ce contrat et s’il avait été informé de ce que la circulaire 5/1994 contenait un avertissement sur la nécessité d’introduire, le cas échéant, une marge négative, avertissement dont le prêteur ne voulait pas tenir compte.
51 Selon la juridiction de renvoi, dans le cadre de cette appréciation, il y aurait lieu notamment de comparer le mode de calcul du taux d’intérêt contractuel et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et le taux d’intérêt légal ainsi que les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat concerné pour des prêts comparables, eu égard au point 67, deuxième tiret, de l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C 421/14, EU:C:2017:60).
52 Ces considérations sont présentées à l’appui des quinzième à dix huitième questions.
53 En troisième et dernier lieu, dans l’hypothèse où il serait constaté que la clause litigieuse est abusive et où, en principe, le contrat de prêt en cause au principal ne pourrait pas subsister sans cette clause, la juridiction de renvoi considère qu’elle devrait envisager de permettre au consommateur de choisir entre l’annulation de ce contrat ou le maintien de celui-ci moyennant le remplacement de la clause litigieuse par une référence à un indice prévu par la loi à titre supplétif, eu égard, notamment, au point 52 de l’ordonnance du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch (C 655/20, EU:C:2021:943).
54 Premièrement, dans le cas où le consommateur opterait pour le maintien du contrat, la juridiction de renvoi relève que la disposition supplétive qu’elle identifie, qui visait à assurer la continuité des contrats après la disparition non contentieuse de l’IRPH des caisses d’épargne et de l’IRPH des banques, tendait, selon elle, à préserver l’équilibre entre les prestations des parties, alors que la reconnaissance du caractère abusif de la clause litigieuse impliquerait que celle-ci crée une situation de déséquilibre à laquelle il y aurait lieu de remédier. Dans ces conditions, cette juridiction est d’avis que le rétablissement de l’équilibre entre les prestations des parties conduirait à appliquer à l’indice de référence désigné par la clause litigieuse une marge négative, conformément à ce que la Banque d’Espagne aurait recommandé dans le préambule de la circulaire 5/1994.
55 Deuxièmement, dans le cas où le consommateur opterait pour l’annulation du contrat, la juridiction de renvoi considère que l’application de l’article 1303 du code civil, qui impliquerait la restitution réciproque des prestations majorées des intérêts, favoriserait l’établissement financier, alors que, par hypothèse, celui-ci serait responsable de l’annulation de ce contrat. En effet, en cas d’application de cet article, l’établissement financier aurait droit à des intérêts au taux légal, qui est supérieur au taux d’intérêt contractuel, sur l’entièreté du capital prêté depuis la date de conclusion dudit contrat. Tel ne serait apparemment pas le cas s’il y avait lieu de recourir à l’article 1306, point 2, de ce code, ce qui semblerait possible, pour autant qu’il soit considéré que le contrat de prêt en cause au principal doit être annulé en raison de sa « cause immorale », au sens de cette dernière disposition, et que cette cause immorale est exclusivement imputable à cet établissement, dès lors qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion imposé à l’emprunteur.
56 Ces considérations sont présentées à l’appui des dix-neuvième à vingt deuxième questions.
57 Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia no 8 de Donostia – San Sebastián (tribunal de première instance no 8 de Saint Sébastien) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Eu égard au fait que la Banque d’Espagne, dans la circulaire 5/1994 [...], par laquelle elle intégrait les taux fondés sur [les IRPH] au marché [des prêts] hypothécaire[s] espagnol, a également averti que l’utilisation de ces taux, directement et simplement, aurait pour effet de placer le TAEG [...] de l’opération en cause au-dessus du TAEG pratiqué sur le marché et que, pour éviter cela, il était nécessaire d’appliquer la marge négative appropriée, le fait d’ignorer cet avertissement et de ne pas inclure cette marge négative peut-il être considéré comme étant une manière de créer [un] déséquilibre en dépit de l’exigence de bonne foi visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive [93/13] ?
2) Le fait pour les établissements financiers d’appliquer des marges négatives, des coefficients réducteurs ou des pourcentages de l’IRPH, comme la Banque d’Espagne le préconise, dans les seuls cas où les contrats de prêt hypothécaire sont destinés à l’acquisition d’un logement subventionné, sous le contrôle des administrations publiques, et, au contraire, de ne pas appliquer ces marges négatives, coefficients réducteurs ou pourcentages de l’IRPH lorsque le prêt hypothécaire contracté est destiné à l’acquisition d’un logement dont le prix est librement fixé, sans contrôle des administrations publiques, peut-il constituer un moyen de créer un [...] déséquilibre en dépit de l’exigence de bonne foi visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive [93/13] ?
3) Dès lors que certains éléments constitutifs des TAEG appliqués aux opérations de prêt hypothécaire ayant servi à la détermination de l’IRPH des caisses d’épargne sur une base mensuelle, tels que la commission d’ouverture ou certains frais qui auraient dû être à la charge du professionnel, ont été jugés abusifs, l’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13] s’oppose-t-il [à] la validité de la clause incorporant l’IRPH des caisses d’épargne qui a été déterminé, sur une base mensuelle, à partir de données résultant de l’utilisation de clauses déclarées abusives ?
4) Les points 51, 52, 54 et 55 de l’arrêt [du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138),] s’opposent-ils à une jurisprudence nationale, telle que celle établie par le Tribunal Supremo (Cour suprême), selon laquelle, sans qu’il soit nécessaire de procéder aux contrôles et vérifications requis par les points précités, le juge national doit considérer qu’il est satisfait, en tout état de cause, au contrôle de transparence d’une clause incorporant [un] indice de référence IRPH dans le contrat conclu entre un consommateur et un professionnel dès lors que la définition de cet indice figure [...] dans la circulaire 5/1994 [...], publiée au [Boletín Oficial del Estado (BOE no 184, du 3 août 1994)], [...] données que le consommateur ne connaît pas ?
5) Afin de respecter l’exigence de transparence d’une clause insérée dans un contrat de prêt hypothécaire à taux d’intérêt variable indexé sur un indice officiel, tel que l’IRPH, lorsque, compte tenu des caractéristiques de son calcul, cet indice officiel ne reflète pas uniquement les intérêts rémunératoires, requiert l’application d’une marge dont le calcul est complexe pour pouvoir être comparé à d’autres indices, et comporte, pour le consommateur, le risque potentiel de devoir supporter le paiement de commissions bancaires partiellement doublées, l’article 5 de la directive [93/13] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation ou à une jurisprudence permettant au professionnel de ne pas inclure dans le contrat, ni de fournir expressément au consommateur suffisamment longtemps avant sa conclusion, les informations suivantes :
a) le fait que [l’indice] de référence reflète non seulement les intérêts rémunératoires, mais aussi les commissions ;
b) l’augmentation concrète qui en résulte ;
c) s’il applique, pour sa part, une marge négative dans la marge du taux de référence pour compenser cette augmentation ;
étant entendu que ces informations visent à permettre au consommateur d’effectuer une comparaison effective entre les différents taux de référence possibles, de savoir si, dans le contrat qu’il va conclure, il va supporter le paiement de commissions partiellement doublées et à concurrence de quel montant, et, le cas échéant, de contester ces commissions ?
6) Le point 57 des observations de la Commission européenne [dans l’affaire C 125/18], les points 2 et 125 des conclusions de l’avocat général [Szpunar dans l’affaire Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2019:695),] et les points 51, 52, 54 et 55 de l’arrêt [du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138),] s’opposent-ils à une jurisprudence nationale, telle que celle établie par le Tribunal Supremo (Cour suprême), selon laquelle le professionnel est exonéré de toute responsabilité en ce qui concerne l’information du consommateur quant au fonctionnement de la méthode de calcul de l’indice [de référence] IRPH et aux conséquences économiques qui en découlent, cette responsabilité étant transférée au consommateur, lequel doit rechercher lui-même [les informations], sans aucune connaissance dans le domaine financier, en retrouvant et en comprenant une définition publiée au [Boletín Oficial del Estado] qui ne mentionne pas expressément l’incorporation des marges et des frais dans [cet] indice [...], circonstance qu’il doit déduire par lui même du fait que [ledit] indice [...] est déterminé mensuellement sur la base d’une moyenne des TAEG appliqués aux opérations de référence ?
7) L’interprétation des points 53 et 56 de l’arrêt [du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138),] selon laquelle la simple publication de la définition de l’IRPH au [Boletín Oficial del Estado] permet au consommateur de savoir que [cet indice] inclut les marges et les frais appliqués par les établissements [de crédit] est-elle compatible avec la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en matière d’information et avec le point 2 des conclusions de l’avocat général [Szpunar dans l’affaire Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2019:695),] selon lequel le consommateur moyen n’est pas en mesure de comprendre certaines notions, telles que celles de “taux d’intérêt”, d’“indice de référence” ou de “[TAEG]”, et, en particulier, les différences entre ces notions, et que tel est également le cas en ce qui concerne le fonctionnement ou le calcul concret non seulement des taux d’intérêt variables, mais également des indices de référence officiels des prêts hypothécaires et des TAEG sur la base desquels ces taux d’intérêt sont calculés ?
8) L’interprétation des points 53 et 56 de l’arrêt [du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138),] selon laquelle un consommateur peut savoir que l’indice [...] IRPH inclut les marges et les frais sur la base de la définition publiée au [Boletín Oficial del Estado], alors qu’il est nécessaire pour cela que ce consommateur sache ce qu’est un TAEG et ce qu’il représente pour pouvoir en déduire que, comme l’IRPH des caisses d’épargne est déterminé sur la base d’une moyenne simple des TAEG, il inclura nécessairement les commissions, les marges et les frais appliqués par les établissements [de crédit], est-elle contraire à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en matière d’information et avec le point 2 des conclusions de l’avocat général [Szpunar dans l’affaire Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2019:695)] ?
9) La dispense de l’obligation pour le professionnel d’intégrer dans le contrat la définition complète de l’indice de référence servant au calcul du taux d’intérêt variable et de remettre une brochure d’information faisant état de l’évolution antérieure de cet indice, figurant dans l’ordonnance [du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch (C 655/20, EU:C:2021:943)], opère-t-elle de manière radicale et inconditionnelle ou est-elle, au contraire, subordonnée à la condition que, grâce aux informations susmentionnées fournies par le professionnel, le consommateur soit déjà en mesure de comprendre le fonctionnement de la méthode de calcul de [cet] indice [...] afin de pouvoir évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, en découlant sur ses obligations financières ?
10) Une telle dispense s’étend-elle aussi aux cas dans lesquels l’inclusion dans le contrat de la définition complète de l’indice de référence servant au calcul du taux d’intérêt variable et la remise de la brochure d’information faisant état de l’évolution antérieure de cet indice sont exigées par la réglementation nationale en vigueur au moment de la conclusion du contrat ?
11) Dès lors que la directive [2005/29,] relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, est applicable, l’omission par le professionnel d’informations aussi importantes que [celles relatives au] fonctionnement particulier de la méthode de calcul des [...] IRPH, [à] leur détermination sur la base des TAEG appliqués aux opérations de référence (ce qui conduit à l’inclusion, dans leur valeur nominale, de la moyenne des marges, des commissions et des frais de ces opérations) et [à] leur évolution permanente au-dessus de l’[indice de référence] Euribor tout au long des années qui se sont écoulées depuis la création de celui-ci, alors que la Banque d’Espagne a [...] émis un avertissement à l’attention des établissements financiers quant à la nécessité d’incorporer une marge négative afin d’éviter que le TAEG de l’opération se situe au-dessus du TAEG du marché, peut-elle être considérée comme une pratique trompeuse au regard de l’article 7 de cette directive ?
12) Dès lors que le juge national conclut que la pratique mise en œuvre par le professionnel est trompeuse au regard de la directive [2005/29], doit-on automatiquement considérer que [le] comportement [de celui-ci] crée [un] déséquilibre significatif en dépit de l’exigence de bonne foi, visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive [93/13], ou un professionnel peut-il, au contraire, agir de manière trompeuse au regard de la directive [2005/29] tout en étant de bonne foi [au regard de] la directive [93/13] ?
13) Le principe d’effectivité s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale, telle que celle établie par le Tribunal Supremo (Cour suprême), prévoyant que, lorsque le défaut de transparence de la clause incorporant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans le contrat conclu entre un consommateur et un professionnel a été constaté, les dispositions [de] l’article 83 de [la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers] et [de] l’article 5, paragraphe 5, de la loi [7/1998, après leur modification par la loi 5/2019,] ne sont pas applicables rétroactivement, créant ainsi deux niveaux de protection à l’égard d’une même clause abusive, l’un pour les consommateurs qui ont conclu un contrat avant cette modification, l’autre pour les consommateurs qui ont conclu un contrat après celle-ci ?
14) Le principe d’effectivité s’oppose-t-il à une jurisprudence nationale, telle que celle établie par le Tribunal Supremo (Cour suprême), prévoyant que le défaut de transparence d’une clause relative au prix du contrat, telle que la clause plancher, lui confère un caractère abusif, étant donné qu’elle comporte un élément trompeur, alors que le défaut de transparence de la clause incorporant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans le contrat, laquelle affecte également le prix du contrat, ne lui confère pas un caractère abusif ?
15) Une jurisprudence nationale, telle que celle établie par le Tribunal Supremo (Cour suprême), en vertu de laquelle [...] il est illogique de soutenir que le professionnel n’a pas agi de bonne foi lorsqu’il a utilisé un [indice de référence] officiel, réglementé par la Banque d’Espagne et habituellement utilisé par les administrations publiques dans leurs programmes de logements subventionnés, ce dont il [se] déduit que le professionnel est en tout état de cause de bonne foi, sans qu’il soit nécessaire de [vérifier] si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, aurait pu s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause litigieuse à la suite d’une négociation individuelle, est-elle contraire au point 69 de l’arrêt [du 14 mars 2013, Aziz (C 415/11, EU:C:2013:164),] et à la notion de déséquilibre “en dépit de l’exigence de bonne foi” ?
16) Dans le cadre d’un litige relatif à l’incorporation dans [un] contrat [de prêt hypothécaire] d’une clause prévoyant un taux [d’intérêt indexé par rapport à l’]IRPH des caisses d’épargne pour déterminer la rémunération du contrat, le point 69 de l’arrêt [du 14 mars 2013, Aziz (C 415/11, EU:C:2013:164),] doit-il être interprété en ce sens que le juge national doit se demander si le professionnel aurait pu s’attendre à ce que le consommateur accepte l’insertion de cette clause à la suite d’une négociation individuelle si ce dernier avait compris le fonctionnement de la méthode de calcul [de l’]IRPH des caisses d’épargne, s’il avait connu son évolution au moins durant les deux années précédant la conclusion du contrat et s’il avait été informé de ce que la Banque d’Espagne avait adressé, dans sa circulaire 5/1994, un avertissement sur la nécessité d’introduire, le cas échéant, une marge négative, avertissement dont le professionnel n’entendait pas tenir compte ?
17) En ce qui concerne la clause incluant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans [un] contrat [de prêt hypothécaire] conclu entre un professionnel et un consommateur, le point 67 de l’arrêt [du 26 janvier 2017, Banco Primus (C 421/14, EU:C:2017:60),] doit-il être interprété en ce sens que le juge national, pour apprécier l’existence d’un déséquilibre en dépit de l’exigence de bonne foi, doit comparer [l]a méthode de calcul [de cet IRPH] avec celle utilisée pour déterminer l’indice [de référence] Euribor, majoritairement utilisé, et les taux effectifs qui en résultent respectivement pour des prêts d’un montant et d’une durée équivalents ?
18) En ce qui concerne la clause incluant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans [un] contrat [de prêt hypothécaire] conclu entre un professionnel et un consommateur, aux fins de l’appréciation de l’existence d’un déséquilibre en dépit de l’exigence de bonne foi au regard du point 67 de l’arrêt [du 26 janvier 2017, Banco Primus (C 421/14, EU:C:2017:60)], la circonstance que le taux effectif résultant [...] de l’indice [de référence] Euribor représente le prix auquel les établissements [de crédit] se procurent l’argent qu’ils mettent ensuite à disposition de leurs clients, alors que le taux effectif résultant de [l’]IRPH des caisses d’épargne, toujours supérieur, représente le coût total supporté par les clients auxquels les caisses d’épargne ont prêté cet argent, est-elle pertinente ?
19) L’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] s’oppose-t-il à ce que, par suite de la constatation du caractère abusif de la clause incorporant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans [un] contrat [de prêt hypothécaire] conclu entre un professionnel et un consommateur, avec pour effet que le contrat ne peut pas subsister après l’exclusion de cette clause, celle-ci soit remplacée conformément à [la règle supplétive figurant dans] la quinzième disposition additionnelle de la [loi 14/2013], étant entendu que ce remplacement conduirait à maintenir, au profit du professionnel, la même situation de déséquilibre que celle qui [résultait de la clause] annulée par le juge national, puisque cette règle supplétive a été instaurée pour la substitution non contentieuse de l’indice [qu’elle prévoit] et visait à ce que cette substitution ne modifie pas la situation existante avant la disparition de [l’]indice [de référence initial] ?
20) Compte tenu du fait que la Banque d’Espagne estime que tous les griefs [relatifs] à l’utilisation de [l’]IRPH des caisses d’épargne auraient été évités si [une] marge négative [...] avait été incluse, l’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, par suite de la constatation du caractère abusif de la clause incorporant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans [un] contrat [de prêt hypothécaire] conclu entre un consommateur et un professionnel, le juge national remplace rétroactivement la marge qui a été [initialement prévue] par la marge négative qui aurait dû être [prévue à] la conclusion de ce contrat, avec restitution au consommateur de la somme [qu’il] a [...] indûment [payée], majorée des intérêts, afin d’éviter la nullité dudit contrat [en le transformant] en celui qui aurait dû être conclu conformément à l’avertissement de la Banque d’Espagne ?
21) L’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] s’oppose-t-il à ce que, par suite de la constatation du caractère abusif de la clause incorporant [l’]IRPH des caisses d’épargne dans [un] contrat [de prêt hypothécaire] conclu entre un professionnel et un consommateur, et de la constatation de la nullité de ce contrat au motif qu’il ne peut pas subsister après l’exclusion de cette clause, l’article 1303 du code civil produise ses effets de telle manière que le responsable de l’infraction soit avantagé en récupérant la totalité du [capital] prêt[é], assorti d’un [taux d’]intérêt légal supérieur à celui qui est prévu dans ledit contrat et applicable au montant total du prêt dès le premier jour ?
22) [En] présence d’un contrat d’adhésion constitué de conditions générales non négociées, qui ont été imposées exclusivement par le professionnel[, dès lors] que ce dernier est seul responsable de l’inclusion de clauses abusives concernant des éléments essentiels du prix, l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] doit-il être interprété en ce sens que le professionnel est le responsable de la cause immorale ayant entraîné la nullité du contrat dans sa totalité et que, par conséquent, l’article 1306, point 2, du code civil est applicable ? »
Sur la demande de décision préjudicielle
Sur la recevabilité
58 Le gouvernement espagnol émet des doutes quant à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. À cet égard, il fait valoir que, en l’absence d’indications suffisantes en ce qui concerne le cadre factuel de l’affaire au principal, outre qu’il n’a pas encore été statué sur l’admission des preuves présentées par les parties au principal et que les prétentions de ces parties sont inconnues, la Cour est dans l’impossibilité de se prononcer utilement sur les questions posées, alors que l’appréciation de la transparence et du caractère abusif d’une clause doit être fondée sur l’ensemble des circonstances particulières de chaque espèce. Dans ces circonstances, la Cour serait amenée à réaliser un examen général et abstrait de la directive 93/13 en rapport avec l’utilisation d’un IRPH en tant qu’indice de référence dans des contrats de prêt hypothécaire. Ce gouvernement soutient également que la présentation de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) figurant dans la décision de renvoi est approximative, voire inexacte, et que la jurisprudence de la Cour comporte déjà la réponse à plusieurs de ces questions.
59 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler, premièrement, qu’il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à cette question (arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C243/20, EU:C:2021:1045, point 25 et jurisprudence citée). Deuxièmement, conformément à l’article 94, sous a) et c), du règlement de procédure de la Cour, une décision de renvoi doit contenir « un exposé sommaire » des faits et « l’exposé » de la motivation du renvoi.
60 Or, la décision de renvoi contient des indications en ce qui concerne les éléments factuels de l’affaire au principal qui, bien qu’elles soient limitées, sont néanmoins suffisantes pour permettre de comprendre la portée des questions posées et leur pertinence en vue du règlement de cette affaire ainsi que pour permettre à la Cour de fournir des réponses utiles, tout en donnant aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
61 À cet égard, il convient de souligner que c’est au juge national, et non à la Cour, qu’il incombe de tenir compte de l’ensemble des circonstances propres au cas d’espèce afin de déterminer si, au regard des critères énoncés à l’article 3, paragraphe 1, ainsi qu’à l’article 5 de la directive 93/13, une clause contractuelle satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C70/17 et C179/17, EU:C:2019:250, point 50 ainsi que jurisprudence citée).
62 Ensuite, les juridictions nationales sont libres d’interroger la Cour à tout moment de la procédure qu’elles jugent approprié, à la condition qu’elles expliquent, à tout le moins, les hypothèses factuelles sur lesquelles sont fondées leurs questions préjudicielles [voir, en ce sens, ordonnance du 25 mars 2022, IP e.a. (Établissement de la matérialité des faits au principal), C 609/21, EU:C:2022:232, point 21 ainsi que jurisprudence citée].
63 Enfin, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union sont posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck, C 479/14, EU:C:2016:412, point 30 et jurisprudence citée).
64 La défenderesse au principal conteste également, en pratique, la recevabilité de l’ensemble des questions posées, au motif que la jurisprudence de la Cour contiendrait déjà la réponse à celles-ci.
65 À cet égard, il y a lieu de constater qu’une telle circonstance, à la supposer établie, pourrait seulement justifier le recours à une réponse par voie d’ordonnance motivée, fondée sur l’article 99 du règlement de procédure, et non le rejet de la demande de décision préjudicielle. Au demeurant, il y a lieu de constater que, si la réponse à certaines questions peut se déduire de la jurisprudence, tel n’est pas le cas de l’ensemble des questions.
66 En conséquence, la demande de décision préjudicielle est recevable, sans préjudice de l’examen de la recevabilité de certaines questions.
Sur les questions préjudicielles
67 Les quatrième et sixième à dixième questions ainsi que, pour partie, la cinquième question portent sur le respect de l’exigence de transparence des clauses des contrats conclus avec des consommateurs dans le cadre de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire comportant une clause telle que la clause litigieuse.
68 Les première à troisième et onzième à dix-huitième questions ainsi que, pour partie, la cinquième question portent sur le caractère éventuellement abusif d’une telle clause.
69 Les dix-neuvième à vingt-deuxième questions portent sur les conséquences de la constatation éventuelle du caractère abusif de cette clause.
70 C’est dans cet ordre qu’il convient d’examiner ces questions.
Sur les quatrième et sixième à dixième questions ainsi que, pour partie, la cinquième question, relatives au respect de l’exigence de transparence
71 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 267, premier alinéa, TFUE, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel uniquement sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union européenne. Elle ne saurait donc se prononcer sur l’interprétation ni de conclusions qui ont été prononcées par un avocat général dans le cadre d’un renvoi préjudiciel antérieur ni d’observations qui ont été présentées par une institution dans le cadre d’un tel renvoi préjudiciel.
72 La Cour n’est dès lors pas compétente pour répondre aux sixième à huitième questions en tant que celles-ci visent à l’interprétation de telles conclusions ou observations.
73 Cela étant, par ses quatrième et sixième à dixième questions ainsi que, pour partie, par sa cinquième question, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que l’exigence de transparence résultant de ces dispositions est respectée lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire en ce qui concerne la clause de ce contrat prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice officiel instauré par un acte administratif, qui en comporte la définition, du seul fait que cet acte ainsi que les valeurs antérieures de l’indice concerné ont été publiés au journal officiel de l’État membre concerné, sans donc que le prêteur doive lui-même informer le consommateur quant à la définition de cet indice et à son évolution antérieure, même si, en raison de son mode de calcul, celui-ci correspond non pas à un taux d’intérêt rémunératoire, mais à un TAEG, puisque ce mode de calcul prend également en compte des marges, des commissions et des frais prévus par les contrats similaires qui servent à établir les valeurs successives dudit indice. La juridiction de renvoi s’interroge en outre sur l’influence éventuelle à cet égard du fait que la réglementation nationale applicable au moment de la conclusion du contrat concerné prévoit que les établissements de crédit doivent inclure dans les contrats conclus avec les particuliers la définition de l’indice de référence servant à l’adaptation périodique du taux d’intérêt et fournir un document retraçant l’évolution antérieure de cet indice de référence durant une certaine période.
74 La juridiction de renvoi souligne à cet égard que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité par rapport au professionnel en matière d’information, notamment quant à la portée exacte de la notion de « TAEG », que le mode de calcul d’un indice tel qu’un IRPH peut rendre difficile la comparaison d’une proposition de contrat comportant une clause d’adaptation du taux d’intérêt par référence à un tel indice avec des propositions prévoyant une adaptation du taux d’intérêt par référence à des indices qui correspondent à des taux d’intérêt nominaux, et non à des TAEG, et qu’il est malaisé pour un consommateur de déterminer dans quelle mesure l’utilisation d’un indice tel qu’un IRPH implique indirectement le paiement d’autres marges, commissions ou frais que ceux qui sont explicitement prévus dans son propre contrat.
75 Afin de répondre aux questions telles que reformulées au point 73 du présent arrêt, il convient de rappeler que l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de cette conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur le fondement de cette information que ce dernier décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées préalablement par le professionnel [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 51 et jurisprudence citée].
76 En conséquence, et dès lors que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, l’exigence de transparence doit être entendue de manière extensive [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 52 et jurisprudence citée].
77 Concrètement, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible implique que, dans le cas des contrats de prêt, les établissements financiers fournissent aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, il incombe au juge national, lorsqu’il tient compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion d’un contrat, de vérifier qu’ont été communiqués au consommateur concerné l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement et qui lui permettent d’évaluer celle-ci, notamment en ce qui concerne le coût total de l’emprunt [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 53 et jurisprudence citée].
78 Jouent un rôle décisif dans cette appréciation, d’une part, la question de savoir si les clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible, de telle sorte qu’elles permettent à un consommateur moyen, à savoir un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’évaluer un tel coût, et, d’autre part, la mention ou l’absence de mention, dans le contrat de prêt, des informations considérées, au regard de la nature des biens ou des services qui font l’objet de ce contrat, comme étant essentielles [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 54 et jurisprudence citée].
79 En ce qui concerne plus particulièrement une clause prévoyant, dans le cadre d’un contrat de prêt hypothécaire, une rémunération de ce prêt au moyen d’intérêts calculés sur la base d’un taux variable établi, comme dans l’affaire au principal, par référence à un indice officiel, l’exigence de transparence doit s’entendre comme imposant, notamment, qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 55 et jurisprudence citée].
80 Parmi les éléments pertinents qu’il incombe au juge national de prendre en considération lorsqu’il effectue les vérifications nécessaires à cet égard figurent non seulement la teneur de l’information fournie par le prêteur dans le cadre de la négociation du contrat de prêt concerné, mais également la circonstance que les éléments principaux relatifs au calcul de l’indice de référence sont aisément accessibles, en raison de leur publication [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 56 et jurisprudence citée].
81 En effet, dans le cas d’un contrat de prêt dont le taux d’intérêt est variable, de sorte que la valeur exacte de ce taux d’intérêt ne peut pas être déterminée pour toute la durée de ce contrat, il est pertinent que l’indice de référence auquel renvoie ledit contrat soit établi par un acte administratif ayant fait l’objet d’une publication officielle, car, en principe, les emprunteurs ont ainsi accès à des informations susceptibles de permettre à un consommateur moyen de comprendre le mode de calcul de cet indice.
82 Néanmoins, si une telle publication peut conduire à dispenser un prêteur professionnel de fournir certains renseignements à un candidat emprunteur quant à la clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt du prêt envisagé, c’est à la condition que, eu égard aux éléments d’information publiquement disponibles et accessibles ainsi qu’aux informations fournies, le cas échéant, par le professionnel, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a été en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul du taux d’intérêt variable, notamment en tant qu’il implique un indice de référence, et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières (voir, en ce sens, ordonnance du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch, C 655/20, EU:C:2021:943, points 29 et 34).
83 Il en résulte notamment que l’information sur certains aspects contractuels nécessaire aux candidats emprunteurs pour comprendre la portée de l’acceptation d’une proposition de contrat de prêt peut résulter d’éléments non fournis directement par le prêteur professionnel, pour autant que ces éléments soient publiquement disponibles et accessibles, le cas échéant grâce à certaines indications données à cet effet par ce professionnel.
84 S’agissant, en particulier, de l’accessibilité des éléments d’information non directement fournis par le professionnel, il découle du point 60 de l’arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel) (C 265/22, EU:C:2023:578), qu’il importe que ce professionnel donne des indications suffisamment précises et exactes aux candidats emprunteurs pour que ceux-ci puissent prendre connaissance de ces éléments sans accomplir des démarches qui, relevant de la recherche juridique, ne peuvent être raisonnablement attendues d’un consommateur moyen.
85 En l’occurrence, il ne résulte pas de la décision de renvoi que le contrat de prêt en cause au principal comporte un renvoi au Boletín Oficial del Estado ni à la circulaire pertinente de la Banque d’Espagne. Or, il découle du point précédent du présent arrêt que l’absence d’indication fiable à cet égard est de nature à compromettre l’accessibilité des informations concernées pour un consommateur moyen.
86 En revanche, la clause litigieuse contient une définition de l’IRPH des caisses d’épargne. Toutefois, la juridiction de renvoi précise que cette définition est incomplète, car elle ne reproduit que la première partie de la définition officielle de cet indice, telle qu’elle figure dans la circulaire 5/1994, selon laquelle ledit indice constitue une moyenne des taux d’intérêt moyens des contrats analogues au contrat de prêt en cause au principal. N’y figure donc pas la seconde partie de cette définition officielle, qui indique que ces « taux d’intérêt moyens » sont des TAEG.
87 Ne figure pas non plus dans la clause litigieuse un renvoi à l’avertissement émis par la Banque d’Espagne dans le préambule de cette circulaire à propos de cette caractéristique, attirant l’attention des établissements de crédit sur la conséquence de celle-ci en ce qui concerne le niveau des IRPH par rapport au taux du marché et, partant, sur le fait qu’il serait nécessaire d’appliquer un différentiel négatif pour aligner le TAEG de l’opération concernée sur celui du marché.
88 Or, s’agissant de ladite caractéristique et de cet avertissement, la Cour a indiqué, au point 59 de l’arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel) (C 265/22, EU:C:2023:578), que constitue un indice pertinent de l’utilité de telles informations pour le consommateur le fait que l’institution auteur de la circulaire 5/1994 ait estimé opportun, par ce préambule, d’attirer l’attention des établissements de crédit concernant le niveau des IRPH par rapport au taux du marché et la nécessité d’appliquer un différentiel négatif pour aligner le TAEG de l’opération concernée sur le TAEG du marché.
89 Par ailleurs, sous réserve de vérification à cet égard par la juridiction de renvoi quant à son libellé exact, ledit avertissement, tel qu’il est reproduit au point 14 de l’arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel) (C 265/22, EU:C:2023:578), peut également être un indice pertinent pour déterminer la compréhension, par un consommateur moyen, de la notion de TAEG dans un tel contexte, dès lors que la Banque d’Espagne paraît avoir estimé utile de préciser que c’est parce qu’ils incluent en outre l’effet des commissions que les taux moyens des prêts hypothécaires pris en considération pour fixer la valeur d’un IRPH sont des TAEG.
90 En revanche, le recours à un IRPH ne semble pas de nature à porter atteinte à la comparabilité d’une proposition de contrat qui le prévoit avec d’autres propositions qui renvoient à un indice ne correspondant pas à un TAEG, pour autant que la valeur actuelle et les valeurs antérieures successives de ces deux indices soient données ou accessibles de telle sorte que les candidats emprunteurs puissent en prendre connaissance sans accomplir des démarches qui ne peuvent être raisonnablement attendues d’un consommateur moyen. En effet, dans ce cas de figure, un consommateur moyen peut comparer les taux d’intérêt prévus par les différentes propositions, puisqu’il lui suffit, pour chacune, d’ajouter aux valeurs successives de l’indice de référence désigné, quel qu’il soit, la marge prévue, afin d’obtenir des valeurs comparables.
91 Cela étant, le fait que, par leurs modalités de calcul, des indices tels que les IRPH sont établis par référence à des TAEG n’a pas pour effet de transformer le taux d’intérêt d’un prêt adapté périodiquement par référence aux valeurs successives d’un IRPH en un TAEG, susceptible d’être décomposé, d’une part, en un taux d’intérêt rémunératoire proprement dit et, d’autre part, en des marge, commissions et frais. En effet, la clause d’un contrat de prêt qui détermine l’indice de référence, quel qu’il soit, applicable pour l’adaptation périodique du taux d’intérêt ne vise qu’à établir un mode de calcul contractuel de ce taux, sans en modifier la nature.
92 Enfin, s’agissant de la circonstance que la réglementation nationale impose aux établissements de crédit certaines obligations d’information spécifiques à l’égard des candidats emprunteurs, il résulte des points 54 et 55 de l’arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch (C 125/18, EU:C:2020:138), que de telles obligations doivent être respectées par le professionnel.
93 En effet, l’article 8 de la directive 93/13 autorise expressément les États membres à adopter, dans le domaine régi par celle-ci, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. Or, de telles dispositions peuvent concerner certaines informations devant être obligatoirement fournies par les professionnels dans le cadre de la conclusion de contrats déterminés.
94 Il y a lieu dès lors de répondre aux quatrième et sixième à dixième questions ainsi que, pour partie, à la cinquième question que l’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que l’exigence de transparence résultant de ces dispositions est respectée lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire en ce qui concerne la clause de ce contrat prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice officiel instauré par un acte administratif, qui en comporte la définition, du seul fait que cet acte ainsi que les valeurs antérieures de cet indice ont été publiés au journal officiel de l’État membre concerné, sans donc que le prêteur doive lui-même informer le consommateur quant à la définition dudit indice et à son évolution antérieure, même si, en raison de son mode de calcul, celui-ci correspond non pas à un taux d’intérêt rémunératoire, mais à un TAEG, pour autant que, du fait de leur publication, ces éléments soient suffisamment accessibles pour un consommateur moyen grâce aux indications données à cet effet par ce professionnel. À défaut de telles indications, il incombe au professionnel de fournir directement une définition complète de cet indice ainsi que tout élément d’information pertinent, notamment quant à un éventuel avertissement émanant de l’autorité ayant établi ledit indice en ce qui concerne les particularités de celui-ci et leurs conséquences pouvant être considérées comme étant importantes pour le consommateur afin d’évaluer correctement les conséquences économiques de la conclusion du contrat de prêt hypothécaire qui lui est proposé. En tout état de cause, il incombe au professionnel de donner au consommateur l’ensemble des informations dont la fourniture est imposée par la réglementation nationale applicable au moment de la conclusion du contrat.
Sur les première à troisième et onzième à dix-huitième questions ainsi que, pour partie, la cinquième question, relatives à l’éventuel caractère abusif d’une clause contractuelle
95 À titre liminaire, il convient de relever, tout d’abord, que les onzième et douzième questions portent sur l’interprétation de la directive 2005/29.
96 Or, ainsi que la Cour l’a constaté au point 40 de l’arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel) (C 265/22, EU:C:2023:578), la directive 2005/29 a été transposée dans le droit espagnol par la Ley 29/2009, por la que se modifica el régimen legal de la competencia desleal y de la publicidad para la mejora de la protección de los consumidores y usuarios (loi 29/2009, modifiant le régime légal de la concurrence déloyale et de la publicité aux fins de l’amélioration de la protection des consommateurs et des usagers), du 30 décembre 2009 (BOE no 315, du 31 décembre 2009, p. 112039).
97 En conséquence, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 37 à 39 et 42 de l’arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel) (C 265/22, EU:C:2023:578), la directive 2005/29 n’étant pas applicable à la date de conclusion du contrat de prêt en cause au principal, intervenue le 11 septembre 2006, l’interprétation de cette directive est sans rapport avec la solution du litige au principal.
98 Ensuite, la treizième question vise à obtenir de la Cour qu’elle se prononce sur la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) relative au champ d’application ratione temporis d’une loi nationale introduisant une disposition plus favorable aux consommateurs.
99 À cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales et de juger si l’interprétation qu’en donne la juridiction nationale est correcte, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, IOS Finance EFC, C 555/14, EU:C:2017:121, point 21 et jurisprudence citée).
100 Enfin, la quatorzième question vise à obtenir de la Cour qu’elle contrôle la cohérence de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) non pas par rapport à une norme du droit de l’Union, mais par rapport à deux éléments de cette jurisprudence dont la juridiction de renvoi paraît considérer qu’ils divergent sans raison valable.
101 Or, la Cour n’est pas non plus compétente pour exercer un tel contrôle, sous réserve, le cas échéant, du principe d’équivalence, lequel n’est cependant pas pertinent dans le cas de figure concerné et n’est d’ailleurs pas mentionné par la juridiction de renvoi.
102 Dès lors, les onzième à quatorzième questions sont irrecevables.
– Sur les première et deuxième questions
103 Le gouvernement espagnol conteste la recevabilité de la deuxième question, relative au comportement habituel des établissements de crédit lorsque des contrats de prêt hypothécaire sont conclus sous le contrôle d’administrations publiques, au motif que cette question serait fondée sur une hypothèse exposée de façon incomplète ou inexacte. En effet, le taux applicable dans le cadre des contrats relatifs à l’acquisition de logements subventionnés aurait été déterminé par la réglementation nationale, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’un contexte de libre détermination des prix, contrairement aux contrats de prêt hypothécaire conclus pour l’acquisition d’autres logements, comme le contrat de prêt en cause au principal.
104 Toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée au point 63 du présent arrêt, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union sont posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude.
105 La deuxième question est dès lors recevable.
106 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’est pertinent pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice officiel le fait que cette clause renvoie directement et simplement à cet indice, alors qu’il résulte des indications figurant dans l’acte administratif ayant instauré ledit indice que, en raison des particularités découlant de son mode de calcul, il serait nécessaire d’appliquer un différentiel négatif afin d’aligner le TAEG de l’opération concernée sur le TAEG du marché.
107 La juridiction de renvoi souligne à cet égard que les établissements de crédit appliquent néanmoins une telle marge négative dans certains contrats de prêt hypothécaire, qui sont conclus sous le contrôle d’administrations publiques.
108 Il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une juridiction nationale considère qu’une clause contractuelle ayant pour objet la fixation du mode de calcul d’un taux d’intérêt variable dans un contrat de prêt hypothécaire n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, il lui incombe d’examiner si cette clause est abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus, C 421/14, EU:C:2017:60, point 67, deuxième tiret ; voir également, en ce sens, ordonnance du 17 novembre 2021, Gómez del Moral Guasch, C 655/20, EU:C:2021:943, point 46).
109 En conséquence, la réponse aux première et deuxième questions en ce qui concerne l’éventuel caractère abusif d’une clause telle que la clause litigieuse suppose qu’il résulte d’une appréciation préalable de la juridiction de renvoi que cette clause ne respecte pas l’exigence de transparence imposée par la directive 93/13.
110 Par ailleurs, le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à l’article 5 de la directive 93/13, constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause. Toutefois, il découle de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive que la circonstance qu’une clause ne soit pas rédigée de manière claire et compréhensible n’est pas, à elle seule, de nature à lui conférer un caractère abusif [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 66 et jurisprudence citée].
111 Cela étant précisé, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.
112 Dans le cadre de l’appréciation qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il lui incombe d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de cette disposition [arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 63 et jurisprudence citée].
113 Quant à la question de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle [arrêts du 14 mars 2013, Aziz, C 415/11, EU:C:2013:164, point 69, et du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 64 ainsi que jurisprudence citée].
114 Par ailleurs, afin de déterminer si une clause crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il y a lieu, notamment, de tenir compte des règles applicables dans le droit national en l’absence d’accord des parties, de manière à évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure ce contrat place ce consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national en vigueur. S’agissant d’une clause portant sur le calcul des intérêts relatifs à un contrat de prêt, il est également pertinent de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et le taux d’intérêt légal ainsi que les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat de prêt concerné pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux de ce contrat de prêt [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 65 et jurisprudence citée].
115 La pertinence, dans le cas d’un contrat de prêt hypothécaire contenant une clause telle que la clause litigieuse, d’informations figurant dans une circulaire, faisant état de la nécessité, compte tenu du mode de calcul de l’indice de référence, d’appliquer un différentiel négatif en vue d’aligner le TAEG du contrat sur le TAEG du marché, a déjà été reconnue par la Cour [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2023, Banco Santander (Référence à un indice officiel), C 265/22, EU:C:2023:578, point 67].
116 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’est pertinent pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice officiel le fait que cette clause renvoie directement et simplement à cet indice, alors qu’il résulte des indications figurant dans l’acte administratif ayant instauré ledit indice que, en raison des particularités découlant de son mode de calcul, il serait nécessaire d’appliquer un différentiel négatif afin d’aligner le TAEG de l’opération concernée sur le TAEG du marché, pour autant que le professionnel n’ait pas informé le consommateur de ces indications et que celles-ci n’aient pas été suffisamment accessibles pour un consommateur moyen.
– Sur la troisième question
117 Le gouvernement espagnol conteste la recevabilité de la troisième question, car celle-ci serait fondée sur une hypothèse exposée de façon incomplète ou inexacte. En effet, il ne résulterait pas de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) que des clauses contractuelles prévoyant les commission et frais visés dans le cadre de cette question devraient être considérées comme abusives.
118 Cependant, ainsi qu’il est rappelé au point 63 du présent arrêt, la définition du cadre juridique national pertinent pour les questions posées relève de la responsabilité exclusive de la juridiction de renvoi. Cette responsabilité concerne, le cas échéant, la jurisprudence nationale qu’elle considère comme pertinente. En tout état de cause, il résulte de la décision de renvoi que, dans le cadre de la troisième question, relative à la possibilité qu’une clause telle que la clause litigieuse soit abusive par répercussion, en tant qu’elle intégrerait dans un contrat certains éléments des TAEG relatifs à d’autres prêts servant de base à l’établissement de l’IRPH applicable à ce contrat dans l’hypothèse où ces éléments découleraient de clauses abusives, la juridiction de renvoi fait état non seulement de clauses contractuelles dont le caractère abusif est établi, mais également de clauses dont la légalité est contestable.
119 La troisième question est dès lors recevable.
120 À titre liminaire, il convient de relever que, si cette question porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, visant la validité d’une clause telle que la clause litigieuse, l’interrogation de la juridiction de renvoi concerne essentiellement le caractère abusif d’une telle clause, lequel emporterait l’invalidation de celle-ci à l’égard du consommateur, telle que visée à cette disposition.
121 En conséquence, il y a lieu de considérer que, par ladite question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, en cas de recours, dans une clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire, à un indice de référence établi sur la base des TAEG applicables aux contrats pris en considération pour le calcul des valeurs successives de cet indice, le fait que ces TAEG comportent des éléments découlant de clauses dont le caractère abusif serait constaté ultérieurement implique que la clause d’adaptation du taux d’intérêt du contrat concerné doive être considérée comme abusive et, partant, inopposable au consommateur.
122 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte du point 91 du présent arrêt, la référence à un indice officiel pour l’adaptation périodique du taux d’intérêt applicable à un contrat de prêt ne vise qu’à établir un mode de calcul contractuel de ce taux, de sorte que les modalités de détermination de la valeur de cet indice sont sans influence sur la nature du taux d’intérêt du contrat concerné, indépendamment des éléments pris en considération dans le cadre de ces modalités. En conséquence, ce taux d’intérêt ne peut pas être considéré comme étant un TAEG dont certains éléments pourraient être tenus pour nuls et entraîner la nullité de la clause prévoyant l’adaptation périodique dudit taux d’intérêt.
123 Au demeurant, la circonstance que, dans les TAEG des contrats pris en considération pour le calcul des valeurs successives d’un indice, certains éléments puissent découler de clauses contractuelles se révélant, a posteriori, abusives ne saurait ni remettre en cause le caractère de référence officielle de cet indice, ni affecter rétroactivement la validité d’une clause d’un autre contrat renvoyant à celui-ci. En effet, il découle de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que de l’article 3 de cette directive, tels qu’interprétés par la Cour, que l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit se faire par référence à la date de la conclusion du contrat concerné (arrêt du 27 janvier 2021, Dexia Nederland, C 229/19 et C 289/19, EU:C:2021:68, point 52 ainsi que jurisprudence citée).
124 En conséquence, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, en cas de recours, dans une clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire, à un indice de référence établi sur la base des TAEG applicables aux contrats pris en considération pour le calcul des valeurs successives de cet indice, le fait que ces TAEG comportent des éléments découlant de clauses dont le caractère abusif serait ultérieurement constaté n’implique pas que la clause d’adaptation du taux d’intérêt du contrat concerné doive être considérée comme abusive et, partant, inopposable au consommateur.
– Sur les quinzième et seizième questions
125 Par ses quinzième et seizième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que la bonne foi du professionnel doit être présumée en cas de recours, dans une clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire, à un indice de référence du seul fait qu’il s’agit d’un indice officiel établi par une autorité administrative et utilisé par les administrations publiques.
126 À cet égard, il y a lieu tout d’abord de souligner que la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être déterminée en fonction des circonstances propres au cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C 621/17, EU:C:2019:820, point 47 ainsi que jurisprudence citée). Il ne saurait donc être considéré a priori que l’inclusion, par un professionnel, d’une clause donnée dans un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est nécessairement compatible avec l’exigence de bonne foi imposée par cette disposition, sous réserve de l’application de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, qui exclut du champ d’application de celle-ci les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives, cette exception étant justifiée par la présomption selon laquelle le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats, équilibre que le législateur de l’Union a explicitement entendu préserver (arrêt du 5 mai 2022, Zagrebačka banka, C 567/20, EU:C:2022:352, point 57 et jurisprudence citée). Il résulte toutefois de la décision de renvoi que cette exclusion n’est pas applicable en l’occurrence, les IRPH étant des indices parmi d’autres, qui n’ont d’ailleurs été utilisés que minoritairement par les établissements financiers.
127 Ensuite, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une clause contractuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
128 Ainsi qu’il est rappelé au point 113 du présent arrêt, l’appréciation de l’exigence de bonne foi à propos d’une clause donnée d’un contrat implique de déterminer si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle.
129 Ce critère suppose qu’une telle négociation soit intervenue en toute connaissance de cause, c’est-à-dire, s’agissant d’une clause portant sur le calcul des intérêts relatifs à un contrat de prêt, alors que le consommateur était bien informé concernant l’ensemble des éléments intervenant dans le mode de calcul du taux d’intérêt et pouvait évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de cette clause sur ses obligations financières.
130 En effet, conformément à la jurisprudence rappelée au point 110 du présent arrêt, le caractère transparent d’une clause contractuelle, tel qu’exigé à l’article 5 de la directive 93/13, constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause. Or, comme il ressort du point 109 de cet arrêt, l’examen de l’éventuel caractère abusif de la clause litigieuse supposerait qu’il ait déjà été constaté que celle-ci ne respecte pas l’exigence de transparence, ce qui constituerait un élément pertinent dont il y aurait lieu de tenir compte.
131 Enfin, le caractère abusif d’une clause dépend également de l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13. Ainsi qu’il est rappelé au point 114 du présent arrêt, pour apprécier à cet égard une clause portant sur la détermination des intérêts relatifs à un contrat de prêt, il est également pertinent de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et, notamment, les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion de ce contrat pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux dudit contrat.
132 S’agissant d’une clause telle que la clause litigieuse, qui prévoit l’adaptation du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire par référence à un indice officiel qui, eu égard à ses caractéristiques, apparaît de prime abord désavantageux pour le consommateur, une telle appréciation requiert de prendre en considération non seulement les valeurs de cet indice de référence, mais aussi la marge appliquée contractuellement à celui-ci, afin de comparer le taux d’intérêt effectif en résultant avec les taux d’intérêt habituels du marché. En effet, sous réserve d’autres aspects possiblement pertinents du mode de calcul du taux d’intérêt contractuel ou de l’indice de référence, l’existence éventuelle d’un déséquilibre au détriment du consommateur résultant d’une telle clause dépend essentiellement, en définitive, non pas de l’indice de référence lui-même, mais du taux d’intérêt qui découle effectivement de cette clause eu égard à la majoration appliquée à la valeur de cet indice en vertu de ladite clause.
133 Il y a lieu dès lors de répondre aux quinzième et seizième questions que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que la bonne foi du professionnel ne saurait être présumée en cas de recours, dans une clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire, à un indice de référence du seul fait qu’il s’agit d’un indice officiel établi par une autorité administrative et utilisé par les administrations publiques. L’appréciation de l’éventuel caractère abusif d’une telle clause doit être effectuée en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, en prenant en considération, notamment, le non-respect de l’exigence de transparence et en comparant le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et, entre autres, les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat de prêt concerné pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux de ce contrat.
– Sur les dix-septième et dix-huitième questions
134 Par ses dix-septième et dix-huitième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice de référence déterminé, il est pertinent, d’une part, de comparer la méthode de calcul de cet indice avec celle d’un autre indice de référence, auquel il est majoritairement recouru dans l’État membre concerné pour des contrats similaires, ainsi que les taux effectifs qui résultent respectivement de cette clause et de clauses comparables recourant à cet autre indice de référence, et, d’autre part, de prendre en considération ce que représente concrètement chacun de ces indices.
135 Conformément à la jurisprudence rappelée au point 114 du présent arrêt, afin de déterminer si une clause portant sur le calcul des intérêts relatifs à un contrat de prêt crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il est pertinent de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et, notamment, les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat de prêt concerné pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux de ce contrat.
136 La juridiction de renvoi s’interroge également sur la pertinence éventuelle de la méthode de calcul des deux indices qu’elle mentionne et de ce que représentent ces deux indices, à savoir, en substance, s’agissant d’un IRPH, le TAEG moyen des contrats de prêt hypothécaire comparables au contrat de prêt en question et, s’agissant de l’Euribor, qui est l’autre indice de référence dont cette juridiction fait état, le taux d’intérêt moyen auquel des banques européennes se consentent des prêts en euros.
137 À cet égard, il convient de constater que tant cette correspondance, qui découle des modalités de calcul desdits indices, que ces modalités elles mêmes se traduisent concrètement dans les valeurs respectives de ceux-ci.
138 Il résulte par ailleurs du point 132 du présent arrêt que, en règle générale, l’existence éventuelle d’un déséquilibre au détriment du consommateur résultant d’une clause portant sur le calcul des intérêts relatifs à un contrat de prêt dépend essentiellement, en définitive, non pas de l’indice de référence lui-même, mais du taux d’intérêt qui découle effectivement de cette clause eu égard à la majoration appliquée à la valeur de cet indice en vertu de ladite clause.
139 Il ne saurait toutefois être exclu que certaines particularités du mode de calcul du taux d’intérêt contractuel ou de l’indice de référence lui-même soient de nature à créer un déséquilibre au détriment du consommateur, notamment en raison de leur impact sur l’évolution de ce taux ou de cet indice.
140 Il y a lieu dès lors de répondre aux dix-septième et dix-huitième questions que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice de référence déterminé, il est pertinent de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et, notamment, les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion de ce contrat pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux dudit contrat. D’autres aspects du mode de calcul du taux d’intérêt contractuel ou de l’indice de référence peuvent être pertinents s’ils sont de nature à créer un déséquilibre au détriment du consommateur.
Sur les dix-neuvième à vingt-deuxième questions, relatives aux conséquences de l’éventuel constat du caractère abusif d’une clause contractuelle
141 Les dix-neuvième à vingt-deuxième questions concernent les conséquences de l’éventuel constat du caractère abusif d’une clause contractuelle telle que la clause litigieuse dans l’hypothèse où, en principe, le contrat ne pourrait pas subsister sans cette clause.
– Sur les dix-neuvième et vingtième questions
142 Par ses dix-neuvième et vingtième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où, en principe, un contrat de prêt hypothécaire à taux variable ne pourrait pas subsister sans la clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice de référence déterminé, dont le caractère abusif a été constaté, mais où l’annulation de ce contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, le juge national est tenu de remplacer cette clause par une disposition supplétive du droit national même si l’application de celle-ci impliquerait le maintien d’un déséquilibre au détriment du consommateur analogue à celui qui aurait été pris en considération dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de ladite clause et, dans la négative, si ce juge peut adapter rétroactivement celle-ci en introduisant dans les modalités de calcul du taux d’intérêt un élément de nature à supprimer ce déséquilibre.
143 Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe au juge national d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose. Le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C 269/19, EU:C:2020:954, point 29 et jurisprudence citée).
144 Lorsque cette persistance n’est pas possible, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, écarte l’application de la clause abusive en lui substituant une disposition du droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’annulation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que, d’une part, ce dernier en serait pénalisé et, d’autre part, le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat risquerait d’être compromis. En effet, s’agissant d’un contrat de prêt, une telle annulation aurait en principe comme conséquence de rendre immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et, de ce fait, tendrait à pénaliser celui-ci plutôt que le prêteur (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C 269/19, EU:C:2020:954, points 32 et 34 ainsi que jurisprudence citée).
145 Une telle substitution suppose toutefois que la disposition concernée soit effectivement supplétive et qu’elle ait une portée équivalente à celle de la clause dont la substitution est envisagée.
146 En l’occurrence, la juridiction de renvoi semble partir de la prémisse selon laquelle ces conditions pourraient être remplies en ce qui concerne la quinzième disposition additionnelle de la loi 14/2013.
147 S’agissant, premièrement, de la nature de cette disposition, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge national de déterminer si une disposition du droit national peut être considérée comme ayant un caractère supplétif au regard de ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C 125/18, EU:C:2020:138, points 65 et 66). À cette fin, il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner le contenu précis de la quinzième disposition additionnelle de la loi 14/2013.
148 Or, cette disposition semble instaurer un régime transitoire à la suite de la suppression, à partir du 1er novembre 2013, de deux IRPH en disposant que, dans les clauses de contrats de prêt hypothécaire prévoyant l’adaptation du taux d’intérêt par rapport à un IRPH supprimé, le renvoi à cet IRPH est remplacé, pour l’avenir, par un renvoi à un autre IRPH, qui subsistait, moyennant certaines adaptations requises pour assurer une équivalence.
149 Sous réserve des vérifications qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, il semble qu’une telle règle transitoire ne réponde pas à la définition généralement admise d’une règle supplétive, qui, selon la jurisprudence de la Cour, vise les cas où les parties ou bien ne se sont pas écartées d’une règle standard prévue par le législateur national pour les contrats concernés, ou bien ont expressément choisi l’applicabilité d’une règle instaurée par le législateur national à cette fin (arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak, C 260/18, EU:C:2019:819, point 60).
150 Deuxièmement, s’agissant de la portée de la quinzième disposition additionnelle de la loi 14/2013, le remplacement prévu par celle-ci porte, apparemment, non pas sur les clauses visées, mais seulement sur un des éléments de ces clauses, à savoir l’indice de référence qu’elles désignent, alors que, en l’occurrence, c’est la substitution d’une clause qui est envisagée.
151 Il convient de relever en outre qu’un tel mécanisme de remplacement paraît supposer la validité des clauses concernées, hypothèse que les considérations figurant dans la décision de renvoi ne semblent pas absolument exclure en l’occurrence, dès lors que les développements du présent arrêt relatifs à l’examen des questions portant sur l’éventuel caractère abusif d’une clause telle que la clause litigieuse mettent en évidence que les doutes de la juridiction de renvoi concernent principalement non pas tant le recours à un IRPH que le fait d’y recourir sans appliquer un différentiel négatif tel que mentionné dans le préambule de la circulaire 5/1994. Il résulte toutefois du point 142 du présent arrêt que, en l’occurrence, les dix-neuvième et vingtième questions sont posées dans l’hypothèse où l’invalidité d’une telle clause serait constatée en raison de son caractère abusif.
152 Pour le surplus, dans l’hypothèse où la clause jugée abusive ne pourrait pas être écartée et remplacée par une disposition supplétive, il y a lieu de rappeler que, lorsque le juge national constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ce juge ne saurait compléter ce contrat en révisant le contenu de cette clause. En effet, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. Cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser ces clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt de ces professionnels (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C 269/19, EU:C:2020:954, points 30 et 31 ainsi que jurisprudence citée).
153 Or, ajouter aux modalités de calcul du taux d’intérêt telles que prévues dans une clause telle que la clause litigieuse un élément complémentaire visant à remédier au déséquilibre contractuel qui a participé au constat du caractère abusif de cette clause reviendrait à réviser le contenu de celle-ci.
154 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux dix-neuvième et vingtième questions que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où, en principe, un contrat de prêt hypothécaire à taux variable ne pourrait pas subsister sans la clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice de référence déterminé, dont le caractère abusif a été constaté, mais où l’annulation de ce contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national remplace cette clause par une disposition supplétive du droit national pour autant que cette disposition supplétive ait une portée équivalente à celle de la clause dont la substitution est envisagée. En revanche, ce juge ne saurait réviser cette clause en y ajoutant un élément de nature à remédier au déséquilibre qu’elle comporte au détriment du consommateur.
– Sur la vingt et unième question
155 La défenderesse au principal et le gouvernement espagnol soutiennent que la Cour n’est pas compétente pour répondre à la vingt et unième question, dès lors qu’elle porterait sur l’application d’une disposition du droit national.
156 Toutefois, cette question tend non pas à ce que la Cour interprète la disposition du droit national visée par celle-ci, mais à ce qu’elle se prononce sur la compatibilité avec la directive 93/13 des conséquences que la juridiction de renvoi présente comme découlant de cette disposition, pour autant qu’elle soit applicable.
157 Il y a lieu dès lors de répondre à ladite question.
158 À titre liminaire, il doit être observé que, bien que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne soit pas visé par la juridiction de renvoi, il convient d’en tenir également compte, dès lors que cette disposition prévoit les conséquences de l’invalidité d’une clause contractuelle.
159 Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par sa vingt et unième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un contrat de prêt hypothécaire ne pourrait pas subsister sans une clause dont le caractère abusif a été constaté, ils s’opposent à l’application d’une disposition du droit national en vertu de laquelle le professionnel serait en droit d’obtenir la restitution de la totalité de la somme prêtée majorée des intérêts calculés au taux légal à compter de la date à laquelle cette somme a été mise à la disposition du consommateur.
160 Il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que les États membres prévoient que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs « dans les conditions fixées par leurs droits nationaux ». Toutefois, l’encadrement par le droit national de la protection garantie aux consommateurs par la directive 93/13 ne saurait modifier l’étendue et, partant, la substance de cette protection, et par là même remettre en cause le renforcement de l’efficacité de ladite protection par l’adoption de règles uniformes concernant les clauses abusives, qui a été voulu par le législateur de l’Union, ainsi qu’il est indiqué au dixième considérant de cette directive [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C 520/21, EU:C:2023:478, point 60 et jurisprudence citée].
161 S’agissant des conséquences pratiques de la nullité d’un contrat de prêt hypothécaire en raison de la présence de clauses abusives, la Cour a jugé que la compatibilité avec le droit de l’Union de règles nationales régissant ces conséquences dépend de la question de savoir si ces règles, d’une part, permettent de rétablir en droit et en fait la situation du consommateur qui aurait été la sienne en l’absence de ce contrat et, d’autre part, ne compromettent pas l’effet dissuasif recherché par la directive 93/13 [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C 520/21, EU:C:2023:478, point 68].
162 Les prétentions qu’un professionnel peut faire valoir à l’égard d’un consommateur dans une telle situation ne peuvent donc être admises que si elles ne compromettent pas les objectifs visés au point précédent du présent arrêt.
163 Or, octroyer à un établissement de crédit le droit de demander au consommateur une compensation allant au-delà du remboursement du capital versé au titre de l’exécution de ce contrat ainsi que, le cas échéant, du paiement d’intérêts de retard serait susceptible de remettre en cause l’effet dissuasif recherché par la directive 93/13 [arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C 520/21, EU:C:2023:478, point 76].
164 La possibilité, pour le professionnel, d’obtenir de tels intérêts de retard doit s’entendre des intérêts dus à compter d’une mise en demeure de restituer les sommes reçues en exécution du contrat annulé. En effet, dans l’hypothèse où le professionnel pourrait réclamer des intérêts à compter du jour où le capital prêté en exécution du contrat annulé a été remis à l’emprunteur, ce professionnel serait mis en position d’obtenir une rémunération pour l’utilisation de ce capital par le consommateur. Or, une telle possibilité compromettrait à la fois l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par l’annulabilité des contrats affectés d’une clause abusive et l’effectivité de la protection conférée aux consommateurs par la directive 93/13, dès lors que ces derniers pourraient se trouver dans une situation où il serait plus avantageux pour eux de poursuivre l’exécution du contrat comportant une clause abusive plutôt que d’exercer les droits qu’ils tirent de cette directive [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C 520/21, EU:C:2023:478, points 78, 79 et 84].
165 Il convient encore de souligner qu’une telle solution est conforme au principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans (nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude), dès lors qu’il ne saurait être admis ni qu’une partie tire des avantages économiques de son comportement illicite, ni que celle-ci soit indemnisée pour les désavantages découlant d’un tel comportement [voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2023, Bank M. (Conséquences de l’annulation du contrat), C 520/21, EU:C:2023:478, point 81].
166 Il en est a fortiori ainsi lorsque le taux d’intérêt légal qui est applicable en cas d’obligation de restitution des sommes reçues en exécution d’un contrat de prêt annulé excède celui prévu par ce contrat, comme ce serait le cas en l’occurrence.
167 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la vingt et unième question que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où un contrat de prêt hypothécaire ne pourrait pas subsister sans une clause dont le caractère abusif a été constaté, ils s’opposent à l’application d’une disposition du droit national en vertu de laquelle le professionnel serait en droit d’obtenir la restitution de la totalité de la somme prêtée majorée des intérêts calculés au taux légal à compter de la date à laquelle cette somme a été mise à la disposition du consommateur.
– Sur la vingt-deuxième question
168 La défenderesse au principal et le gouvernement espagnol soutiennent également que la Cour n’est pas compétente pour répondre à la vingt deuxième question, car celle-ci porterait sur l’application d’une disposition du droit national.
169 Il y a lieu de constater que cette question vise essentiellement à déterminer si l’inclusion dans un contrat, par un professionnel, d’une clause contractuelle abusive, n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, dont la nullité entraîne celle de ce contrat constitue une « cause immorale », au sens de l’article 1306, point 2, du code civil.
170 Or, l’examen de ladite question suppose l’interprétation de cette notion de droit national, interprétation qui, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 63 du présent arrêt, ne relève pas de la compétence de la Cour.
171 Il n’y a pas lieu dès lors de répondre à la vingt-deuxième question.
Sur les dépens
172 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
1) L’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,
doivent être interprétés en ce sens que :
l’exigence de transparence résultant de ces dispositions est respectée lors de la conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire en ce qui concerne la clause de ce contrat prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice officiel instauré par un acte administratif, qui en comporte la définition, du seul fait que cet acte ainsi que les valeurs antérieures de cet indice ont été publiés au journal officiel de l’État membre concerné, sans donc que le prêteur doive lui-même informer le consommateur quant à la définition dudit indice et à son évolution antérieure, même si, en raison de son mode de calcul, celui-ci correspond non pas à un taux d’intérêt rémunératoire, mais à un taux annuel effectif global (TAEG), pour autant que, du fait de leur publication, ces éléments soient suffisamment accessibles pour un consommateur moyen grâce aux indications données à cet effet par ce professionnel. À défaut de telles indications, il incombe au professionnel de fournir directement une définition complète de cet indice ainsi que tout élément d’information pertinent, notamment quant à un éventuel avertissement émanant de l’autorité ayant établi ledit indice en ce qui concerne les particularités de celui-ci et leurs conséquences pouvant être considérées comme étant importantes pour le consommateur afin d’évaluer correctement les conséquences économiques de la conclusion du contrat de prêt hypothécaire qui lui est proposé. En tout état de cause, il incombe au professionnel de donner au consommateur l’ensemble des informations dont la fourniture est imposée par la réglementation nationale applicable au moment de la conclusion du contrat.
2) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
est pertinent pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice officiel le fait que cette clause renvoie directement et simplement à cet indice, alors qu’il résulte des indications figurant dans l’acte administratif ayant instauré ledit indice que, en raison des particularités découlant de son mode de calcul, il serait nécessaire d’appliquer un différentiel négatif afin d’aligner le taux annuel effectif global (TAEG) de l’opération concernée sur le TAEG du marché, pour autant que le professionnel n’ait pas informé le consommateur de ces indications et que celles-ci n’aient pas été suffisamment accessibles pour un consommateur moyen.
3) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
en cas de recours, dans une clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire, à un indice de référence établi sur la base des taux annuels effectifs globaux (TAEG) applicables aux contrats pris en considération pour le calcul des valeurs successives de cet indice, le fait que ces TAEG comportent des éléments découlant de clauses dont le caractère abusif serait ultérieurement constaté n’implique pas que la clause d’adaptation du taux d’intérêt du contrat concerné doive être considérée comme abusive et, partant, inopposable au consommateur.
4) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
la bonne foi du professionnel ne saurait être présumée en cas de recours, dans une clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt d’un contrat de prêt hypothécaire, à un indice de référence du seul fait qu’il s’agit d’un indice officiel établi par une autorité administrative et utilisé par les administrations publiques. L’appréciation de l’éventuel caractère abusif d’une telle clause doit être effectuée en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, en prenant en considération, notamment, le non-respect de l’exigence de transparence et en comparant le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et, entre autres, les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion du contrat de prêt concerné pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux de ce contrat.
5) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13
doit être interprété en ce sens que :
pour apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire à taux variable prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice de référence déterminé, il est pertinent de comparer le mode de calcul du taux des intérêts ordinaires prévu par cette clause et le niveau effectif de ce taux en résultant avec les modes de calcul habituellement retenus et, notamment, les taux d’intérêt pratiqués sur le marché à la date de la conclusion de ce contrat de prêt pour un prêt d’un montant et d’une durée équivalents à ceux dudit contrat. D’autres aspects du mode de calcul du taux d’intérêt contractuel ou de l’indice de référence peuvent être pertinents s’ils sont de nature à créer un déséquilibre au détriment du consommateur.
6) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13
doivent être interprétés en ce sens que :
dans l’hypothèse où, en principe, un contrat de prêt hypothécaire à taux variable ne pourrait pas subsister sans la clause prévoyant l’adaptation périodique du taux d’intérêt par rapport à la valeur d’un indice de référence déterminé, dont le caractère abusif a été constaté, mais où l’annulation de ce contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national remplace cette clause par une disposition supplétive du droit national pour autant que cette disposition supplétive ait une portée équivalente à celle de la clause dont la substitution est envisagée. En revanche, ce juge ne saurait réviser cette clause en y ajoutant un élément de nature à remédier au déséquilibre qu’elle comporte au détriment du consommateur.
7) L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13
doivent être interprétés en ce sens que :
dans l’hypothèse où un contrat de prêt hypothécaire ne pourrait pas subsister sans une clause dont le caractère abusif a été constaté, ils s’opposent à l’application d’une disposition du droit national en vertu de laquelle le professionnel serait en droit d’obtenir la restitution de la totalité de la somme prêtée majorée des intérêts calculés au taux légal à compter de la date à laquelle cette somme a été mise à la disposition du consommateur.