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Décisions

CA Poitiers, référés premier président, 5 décembre 2024, n° 24/00086

POITIERS

Ordonnance

Autre

CA Poitiers n° 24/00086

5 décembre 2024

Ordonnance n 80

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05 Décembre 2024

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N° RG 24/00086 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HFKJ

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[E] [H]

C/

[U] [D], S.A.S. CEDIGEP, prise en la personne de Maître

[O]

[N]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le cinq décembre deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame [J] [L], greffière stagiaire,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt et un novembre deux mille vingt quatre, mise en délibéré au cinq décembre deux mille vingt quatre.

ENTRE :

Monsieur [E] [H]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Dimitri BUISSON de l'AARPI LEX VALORYS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Monsieur [U] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

S.A.S. CEDIGEP, prise en la personne de Maître [O] [N] es qualité de liquidateur

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEURS en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

Selon ordonnance en date du 17 septembre 2024, le président du tribunal judiciaire de La Rochelle a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 19 janvier 2024,

dit que Monsieur [U] [D] exerçant sous l'enseigne RB MECA devra libérer le local sis [Adresse 6] à [Localité 2] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance,

ordonné, passé ce délai, son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

condamné Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA à payer à Monsieur [E] [H] la somme provisionnelle de 22 201,90 euros au titre des arriérés de loyer décomptés au 19 01 2024 ;

condamné Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA à payer à Monsieur [E] [H] la somme provisionnelle de 2 220,19 euros au titre de la clause pénale ;

condamné Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA à payer à Monsieur [E] [H] à titre d'indemnité d'occupation la somme de 1 680 euros par mois à compter du 19 01 2024 ;

condamné Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA à payer à Monsieur [E] [H] la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA, supportera les entiers dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer du 18 12 2023 ;

rappelé que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision.

Monsieur [U] [D] a interjeté appel de ladite ordonnance selon déclaration en date du 9 octobre 2024.

L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai.

Par exploits en date des 5 et 6 novembre 2024, Monsieur [E] [H] a fait assigner Monsieur [U] [D] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, la radiation de l'appel du rôle de la cour.

L'affaire a été appelée à l'audience du 21 novembre 2024.

Monsieur [E] [H] indique que l'ordonnance de référé est de droit exécutoire et qu'à ce jour Monsieur [U] [D] n'aurait pas exécuté, ne serait-ce que partiellement, les condamnations issues de l'ordonnance, sans invoquer, ni rapporter la preuve que l'exécution provisoire de l'ordonnance dont appel aurait pour lui des conséquences manifestement excessives ou qu'il serait dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Il sollicite, en conséquence, la radiation de l'appel de Monsieur [U] [D] et de la SAS CODEGEP, prise en la personne de Maître [O] [N], es qualité de liquidateur, enregistré par la cour d'appel de Poitiers sous le n° de RG 24/02353 ainsi que la condamnation de ces derniers à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U] [D] et la SAS CODIGEP s'opposent à la demande de radiation.

Ils font valoir que l'assignation du 21 mai 2024 serait nulle de plein droit en ce qu'elle aurait sollicité sa condamnation à titre personnel et prononcé la résiliation du bail commercial alors que la société RB MECA en serait seule titulaire.

Ils soutiennent ainsi que l'assignation en référé résiliation de bail et expulsion aurait été délivrée à Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA, à l'adresse [Adresse 6] à [Localité 2], alors qu'il aurait été, à l'époque de la délivrance de l'assignation, président de la SAS RB MECA, laquelle aurait son siège [Adresse 4], qui serait également son adresse personnelle, de sorte que ni lui, ni la SAS RB MECA ne pouvait être assignés à l'adresse [Adresse 6] à [Localité 2].

Ils ajoutent que ladite assignation semblerait viser monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA, alors que l'ordonnance de référé aurait été rendue à son encontre sans aucune autre précision, toujours comme étant domicilié à [Localité 2].

Ils soutiennent que monsieur [U] [D] ne pourrait être poursuivi en qualité de commerçant, mais seulement et uniquement en qualité de président de la SAS RB MECA.

Ils ajoutent que les loyers auraient été réglés par la SAS RB MECA et que s'agissant d'un bail professionnel, seule ladite société aurait dû être destinataire d'un commandement de payer visant la clause résolutoire puis d'une assignation et Monsieur [U] [D], exerçant sous l'enseigne RB MECA, de sorte que la condamnation personnelle de ce dernier ne serait que le produit d'une fraude de ses droits.

Ils font valoir, en outre, que l'ordonnance de référé serait nulle et devrait être rétractée.

Ils indiquent ainsi que seul Monsieur [U] [D] serait visé dans le corps de l'ordonnance, comme exerçant sous l'enseigne RB MECA, et condamné à un arriéré de loyers locatifs ainsi qu'à une indemnité d'occupation en lieu et place de la société RB MECA, laquelle serait alors fondée à solliciter la rétractation par tierce opposition de l'ordonnance de référé du 17 septembre 2024 en ce qu'elle porterait atteinte à ses droits, celle-ci étant seule visée par les demandes contenues dans l'assignation initiales.

Ils ajoutent que la société RB MECA aurait été placée en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de La Rochelle en date du 26 juillet 2024 avec une date de cessation des paiements au 1er juillet 2024 et qu'aucune démarche n'aurait été entreprise pour régulariser la situation alors même que Monsieur [E] [H] aurait été officiellement informé de cette situation selon courrier en date du 5 août 2024.

Ils font ainsi valoir que l'exécution provisoire de la décision dont appel aurait pour Monsieur [U] [D] des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle le contraindrait à libérer les lieux et à payer le montant des condamnations prononcées alors même qu'il n'a jamais été locataire.

Ils ajoutent que les locaux auraient été libérés par la société RB MECA ce dont Monsieur [E] [H] serait informé et que Monsieur [U] [D] ne disposerait pas des fonds lui permettant d'exécuter la décision dont appel.

Ils sollicitent, à titre reconventionnel, sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Ils font ainsi valoir, qu'au regard des irrégularités affectant l'ordonnance dont appel, il existerait plusieurs moyens d'annulation et de réformation de l'ordonnance dont appel tant par la cour d'appel elle-même sur les appels interjetés par eux, que par le juge de première instance, sur tierce opposition de la SAS RB MECA et du mandataire.

Ils sollicitent la condamnation de Monsieur [E] [H] à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions écrites des parties, déposées lors de l'audience, pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

A l'audience, Monsieur [E] [H], représenté par Maître Dimitri BUISSON indique s'opposer à la demande reconventionnelle de Monsieur [U] [D].

Motifs :

Sur la demande de radiation :

L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.

La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.

La demande de radiation suspend les délais impartis à l'intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911.

Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.

La décision de radiation n'emporte pas suspension des délais impartis à l'appelant par les articles 905-2, 908 et 911. Elle interdit l'examen des appels principaux et incidents ou provoqués.

Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation.

Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.

Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée.

Sur la recevabilité de la demande :

L'affaire ayant été orientée en circuit court devant la cour d'appel en application de l'article 905 du code de procédure civile, aucun conseiller de la mise en état n'a été désigné, de sorte que le premier président reste compétent pour statuer sur la radiation de l'appel.

Par ailleurs, la demande a été introduite selon actes en date des 5 et 6 novembre 2024, soit dans les délais impartis par le code de procédure civile à l'intimée pour conclure.

La demande de radiation est donc recevable.

Sur le bienfondé de la demande :

En l'espèce, il convient de relever que Monsieur [U] [D] n'est pas titulaire du bail litigieux, seule la société RB MECA étant signataire.

Il en résulte que l'exécution provisoire de la décision dont appel aurait pour lui des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle le contraindrait à libérer les lieux et à payer le montant des condamnations mise à sa charge alors même qu'il n'est pas locataire.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de radiation de l'appel de Monsieur [U] [D] et de la SAS CODEGEP, prise en la personne de Maître [O] [N], es qualité de liquidateur, présentée par Monsieur [E] [H].

Sur la demande reconventionnelle d'arrêt de l'exécution provisoire :

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l'espèce, Monsieur [U] [D] justifiant de conséquences manifestement excessives qu'aurait pour lui l'exécution provisoire de la décision dont appel, il convient de rechercher si les moyens soulevés à l'appui de son appel paraissent sérieux.

Il apparaît, au regard des éléments versés aux débats, qu'un bail professionnel a été signé le 1er avril 2022 entre Monsieur [E] [H] et la RB MECA, résidant [Adresse 4].

Il en résulte que la société RB MECA est seule titulaire du bail litigieux, de sorte que Monsieur [U] [D] ne pouvait être poursuivi personnellement en qualité de commerçant, ni condamné personnellement, de sorte que Monsieur [U] [D] justifie d'un moyen sérieux de réformation de la décision appel.

Il convient, en conséquence, de relever que les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile sont réunies et d'ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Succombant à la présente instance, Monsieur [E] [H] sera condamné aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur [U] [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déclarons recevable la demande de radiation de Monsieur [E] [H],

Déboutons Monsieur [E] [H] de sa demande de radiation de l'appel interjeté Monsieur [U] [D] et de la SAS CODEGEP, prise en la personne de Maître [O] [N], es qualité de liquidateur, contre l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle le 17 septembre 2024 ;

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle le 17 septembre 2024 ;

Condamnons Monsieur [E] [H] aux entiers dépens ;

Condamnons Monsieur [E] [H] à payer à Monsieur [U] [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La conseillère,

Marion CHARRIERE Estelle LAFOND