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Décisions

CA Lyon, jurid. premier président, 9 décembre 2024, n° 24/00205

LYON

Ordonnance

Autre

CA Lyon n° 24/00205

9 décembre 2024

N° R.G. Cour : N° RG 24/00205 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P6GO

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 09 Décembre 2024

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. CAPUANO IMMOBILIER

immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 409 736 121

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicolas LARCHERES, avocat au barreau de LYON (toque 162)

DEFENDEURS :

M. [J] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Nawel FERHAT de la SELARL KAÉNA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

(toque 1559)

M. [K] [T]

[Adresse 3]

[Localité 6]

non comparant, ni représenté à l'audience

Audience de plaidoiries du 25 Novembre 2024

DEBATS : audience publique du 25 Novembre 2024 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 septembre 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : par défaut

prononcée le 09 Décembre 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

Par acte de partage du 29 mars 2007, M. [J] [B] s'est vu attribuer une maison d'habitation située à [Localité 6] qu'il avait acquise avec Mme [L] le 4 mai 2006 auprès de M. [K] [T] et pour laquelle il avait versé des honoraires de 11 050 € TTC à la S.A.R.L. Capuano immobilier (Capuano) en vertu d'un contrat de mandat de recherche.

Par arrêt du 17 janvier 2017, la cour d'appel de Lyon a prononcé la nullité de l'acte de vente et condamné M. [T] à restituer le prix de vente de 150 950 € et à payer à une somme de 11 886,42 € à titre de dommages et intérêts.

Par acte du 16 mars 2020, M. [B] a ensuite assigné la société Capuano devant le tribunal judiciaire de Lyon, laquelle a alors appelé en garantie M. [T].

Par jugement du 11 juin 2024, le tribunal judiciaire de Lyon a notamment condamné la société Capuano à payer à M. [B] la somme de 11 050 € au titre du remboursement des honoraires indus.

La société Capuano a interjeté appel du jugement le 31 juillet 2024.

Par acte du 8 octobre 2024, la société Capuano a assigné en référé MM. [B] et [T] devant le premier président afin d'obtenir à titre principal l'arrêt de l'exécution provisoire portant sur sa condamnation à verser la somme de 11 050 € à M. [B] résultant du jugement du 11 juin 2024, à titre subsidiaire la consignation de la somme de 11 050 € sur le compte qui sera indiqué, en toute hypothèse la condamnation de MM. [B] et [T] aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'audience du 25 novembre 2024 devant le délégué du premier président, les parties régulièrement représentées, la société Capuano et M. [B], s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Capuano fait valoir au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile l'existence de conséquences manifestement excessives en ce qu'elle rencontre actuellement d'importantes difficultés financières du fait du marché immobilier actuel et qu'elle fait face à un risque d'insolvabilité de M. [B] en cas de réformation du jugement.

Elle soutient ensuite l'existence de moyens sérieux de réformation de la décision tenant au fait que le tribunal a considéré que M. [B] serait subrogé dans les droits de Mme [L] alors que ce dernier ne justifie pas avoir réglé l'intégralité de la facture de la société Capuano correspondant aux honoraires et que Mme [L] ne l'a jamais mandaté pour agir en son nom pour récupérer tout ou partie des sommes qu'elle a personnellement versées.

Elle reproche aussi au tribunal d'avoir considéré qu'elle ne subirait aucun préjudice du fait des agissements de M. [T] alors qu'elle se retrouve contrainte 18 ans après la vente à devoir rembourser les honoraires versés par les acquéreurs de M. [T].

Ensuite, la société Capuano sollicite au visa de l'article 514-5 du Code de procédure civile la consignation de la somme à laquelle elle a été condamnée afin de ne se heurter à aucune difficulté pour obtenir sa restitution lorsque le jugement rendu viendra à être réformé par la cour.

Elle relève que cela permettra aussi de garantir M. [B] du paiement effectif et sans délai en cas d'éventuelle confirmation par la cour de la décision rendue.

Dans ses conclusions déposées à l'audience le 25 novembre 2024, M. [B] demande au délégué du premier président de :

- déclarer irrecevable la société Capuano en ses demandes,

- rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la société Capuano,

- condamner la société Capuano à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient l'irrecevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, l'absence de conséquences manifestement excessives à l'exécution provisoire, l'absence de moyens sérieux de réformation et l'incohérence de solliciter la consignation des sommes subsidiairement à la demande de suspension de l'exécution provisoire pour défaut de trésorerie.

L'irrecevabilité de la demande de suspension de l'exécution provisoire est invoquée au motif qu'en première instance, la société Capuano a sollicité que l'exécution provisoire soit suspendue, mais n'a pas soulevé ses conditions de trésorerie et n'a pas invoqué de risque existant dans l'hypothèse où l'exécution provisoire soit maintenue.

Il relève qu'une saisie attribution récemment signifiée a été fructueuse et n'a pas mis la société Capuano en péril.

Il relève ensuite que la société Capuano ne produit aucun élément comptable permettant d'établir l'existence de conséquences manifestement excessives en cas d'exécution provisoire de la décision tenant en des conséquences irréversibles et disproportionnées. Il ajoute que les sommes ont été saisies sur les comptes bancaires de la société, et que le juge de l'exécution a été saisi afin que soit ordonnée la main levée de la saisie pratiquée.

Il en conclut que la société Capuano est en possession de la trésorerie nécessaire afin de faire face à sa condamnation, et n'est pas en état de cessation des paiements.

Il relève ensuite la contradiction à invoquer un manque de trésorerie pour payer la condamnation et à demander à titre subsidiaire la consignation de la somme.

Enfin, concernant le moyen de réformation invoqué par la société Capuano, M. [B] avance qu'il a payé l'intégralité des sommes dues au titre de la commission d'agence et que l'argument de la société Capuano ne tient donc pas.

M. [T], régulièrement assigné par acte remis à son épouse, n'a pas comparu.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que l'assignation n'ayant pas été signifiée à la personne de M. [T], la présente ordonnance est rendue par défaut ;

Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 514-3 du Code de procédure civile, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Capuano a développé en première instance une prétention tendant à ce que le tribunal écarte l'exécution provisoire assortissant de plein droit la décision à intervenir ;

Attendu que l'article 514-1 du Code de procédure civile ne conduit la partie qui sollicite cet écart qu'à soutenir que l'exécution provisoire n'est pas compatible avec la nature de l'affaire ;

Qu'en l'espèce, la société Capuano a fait notamment valoir dans ses dernières conclusions déposées devant le tribunal judiciaire Lyon que :

«il s'avère que l'exécution provisoire de droit n'est pas compatible avec la nature de l'affaire dans la mesure où la société Capuano immobilier n'a aucune part de responsabilité dans l'annulation par la cour d'appel de Lyon de l'acte de vente du 4 mai 2006.» ;

Attendu qu'elle a ainsi présenté des observations sur l'exécution provisoire au sens de l'article 514-3 du Code de procédure civile et la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est déclarée recevable ;

Sur la demande principale d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que l'exécution provisoire de droit dont est assorti le jugement du 11 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Lyon ne peut être arrêtée, que conformément aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux conditions sont cumulatives ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue notamment en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation à respecter une obligation de faire, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la personne qui est contrainte à exécuter ;

Attendu que la société Capuano soutient que l'exécution provisoire risquerait d'entraîner des conséquences manifestement excessives en raison de difficultés financières importantes rencontrées par la société du fait du marché immobilier actuel ;

Attendu que la société Capuano fournit des comptes au 31 décembre 2022, au 31 décembre 2023 et au 30 juin 2024 ; que le bilan au 31 décembre 2023 fait état d'un chiffre d'affaires de 410 618 € et d'une trésorerie de 241 362 €, qui étaient en 2022 respectivement de 619 678 € et de 375 949 €, faisant état d'une baisse des résultats économiques de la société Capuano ;

Attendu que le bilan intermédiaire de la société Capuano arrêté au 30 juin 2024 fait état de disponibilités à hauteur de 227 551 € ;

Que ces montants de disponibilités sont largement supérieurs au montant de la condamnation de 11 050 € et l'intervention d'une saisie-attribution à hauteur de 14 188,55 € le 5 septembre 2024 n'a pas plus mis en péril l'exploitation de cette société, l'attestation de l'expert-comptable du 25 novembre 2024 ne constituant qu'une appréciation non étayée par le visa d'éléments comptables concrets ;

Attendu que les éléments comptables produits n'établissent pas une incapacité actuelle à supporter le paiement de la condamnation litigieuse et ne peut conduire à retenir que ce paiement soit de nature à l'exposer à une mise en péril de la continuité de son exploitation ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la saisie-attribution a fait l'objet d'une saisine du juge de l'exécution ;

Attendu que la société Capuano soutient en outre que M. [B] ne présente aucune garantie quant au remboursement des sommes actuellement saisies et fait état de ce qu'il a déménagé à trois reprises au cours de la procédure ;

Que cette seule mobilité géographique de son créancier est insuffisante à caractériser les conséquences manifestement excessives nécessaires à motiver l'arrêt de l'exécution provisoire à raison de difficultés à obtenir le remboursement des sommes versées ;

Attendu que la société Capuano défaille ainsi à établir les conséquences irréversibles et disproportionnées susceptibles notamment de résulter des effets attributifs de cette voie d'exécution surtout en l'état de sa demande subsidiaire de consignation qui objective sa capacité à y faire face ;

Attendu que la société Capuano ne caractérise pas les conséquences manifestement excessives nécessaires à l'arrêt de l'exécution provisoire et sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée sans qu'il soit besoin d'apprécier le sérieux de ses moyens de réformation ;

Sur la demande subsidiaire de consignation de la somme

Attendu que la société Capuano fonde à tort sa demande au visa de l'article 514-5 du Code de procédure civile, qui régit la constitution de garanties et non les consignations ;

Attendu qu'aux termes de l'article 521 du Code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation ;

Que le pouvoir prévu par ce texte est laissé à la discrétion du premier président, le demandeur n'ayant comme charge que d'invoquer un motif légitime pour être autorisé à procéder à cette consignation qui n'a pas pour effet d'arrêter l'exécution provisoire mais d'empêcher sa poursuite ;

Attendu que la société Capuano demande la consignation de la somme afin de ne se heurter à aucune difficulté pour en obtenir la restitution en cas de réformation du jugement par la cour ;

Attendu qu'en l'espèce, la mesure d'exécution forcée d'ores et déjà engagée a conduit à rendre indisponible la somme de 11 050 € qui a fait l'objet d'une saisie-attribution sur un compte de la société Capuano ;

Que ce juge peut tout autant prononcer une consignation et en l'état du rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, celle subsidiaire tendant à une consignation est rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société Capuano succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser en partie son adversaire des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance par défaut,

Vu la déclaration d'appel du 31 juillet 2024,

Déclarons la S.A.R.L. Capuano immobilier recevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire,

Rejetons les demandes d'arrêt et d'aménagement de l'exécution provisoire présentées par la S.A.R.L. Capuano immobilier,

Condamnons la S.A.R.L. Capuano immobilier aux dépens de ce référé et à verser à M. [J] [B] une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE