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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 9 décembre 2024, n° 24/02831

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 24/02831

9 décembre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2024

N° RG 24/02831 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N2MP

S.A.S. GROUPE BUMIN

S.C. FINANCIERE BIRUNI

c/

S.A.S. BOCA INVESTISSEMENTS

S.A.S. BOCALO

S.C. FONCIERE GABO

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 11 juin 2024 (R.G. 2024R00205) par le Président du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 18 juin 2024

APPELANTES :

S.A.S. GROUPE BUMIN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

S.C. FINANCIERE BIRUNI, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentées par Maître Marc FRIBOURG de la SELARL SELARL FRIBOURG ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.A.S. BOCA INVESTISSEMENTS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

S.A.S. BOCALO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

S.C. FONCIERE GABO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représentées par Maître Philippe OLHAGARAY de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 janvier 2020, la SAS Boca Investissements et la SAS Groupe Bumin ont conclu un contrat de partenariat dont l'objet était de s'associer dans la mise en place d'opérations immobilières en Aquitaine, chacune portée par une structure ad hoc, société tantôt civile tantôt commerciale. C'est ainsi qu'ont été constituées 3 sociétés civiles immobilières, 4 sociétés civiles de construction vente, 2 sociétés en nom collectif, et une société par actions simplifiée.

Par courriers recommandés du 29 décembre 2022 puis du 11 juillet 2023, la société Groupe Burmin a notifié son intention d'user de son droit de retrait pour une partie des structures communes, au visa des dispositions statutaires ou des dispositions de l'article 1869 du code civil, et, pour ce qui concerne la valeur des droits sociaux concernés, de l'article 1843-4 du code civil. Une lettre de mission signée d'un commun accord a désigné M. [W], expert près la cour d'appel de Bordeaux, qui a déposé son rapport le 31 janvier 2024.

Par courrier du 06 février 2024, la société Boca Investissements, au regard du rapport d'expertise déposé, a notifié aux sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni leur retrait au prix fixé par l'expert. Ces dernières n'ont pas régularisé les actes de cession, invoquant des erreurs dans la fixation du prix définitif de cession.

Par actes des 11 et 13 mars 2024, la SAS Boca Investissements, la SAS Bocalo et la société civile foncière Gabo ont assigné devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux la société civile Financière Biruni et la SAS Groupe Bumin pour lui demander d'ordonner sous astreinte la remise des actes de cession signés et régularisés.

Par ordonnance du 11 juin 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Rejeté les exceptions de procédure soulevées par la Société Civile Financière Biruni et dit compétent territorialement et matériellement.

- Débouté les sociétés Boca Investissements, Bocalo et Foncière Gabo de leurs demandes dirigées contre la Société Civile Financière Biruni.

- Renvoyé les sociétés Boca Investissements, Bocalo et Foncière Gabo à mieux se pourvoir pour ce qui concerne les actes des SCI Boca La Mouline et Boca Biruni

- Ordonné à la SAS Groupe Bumin de remettre les actes de cession qui lui ont été transmis dûment signés et régularisés, pour les SCI Boca Chance, Boca Pluton, Boca St Sever, Boca La Gardette, Boca Albina One, Boca Albina Two, Boca Vidor et Boca Capella sous un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et ceci, sous astreinte provisoire de 2 000 euros par jour de retard passé ce délai pendant un délai de 1 mois passé lequel il sera fait droit à nouveau.

- Dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte.

- Débouté les demanderesses de leur demande au titre de la résistance abusive.

- Condamné la SAS Groupe Bumin à payer aux sociétés Boca Investissements, Bocalo et à la Foncière Gabo une somme totale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la SAS Groupe Bumin aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 18 juin 2024, la SAS Groupe Bumin et la SC Financière Biruni ont relevé appel de l'ordonnance, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la SAS Boca Investissements, la SAS Bocalo et la SC Foncière Gabo.

Par ordonnance du 04 juillet 2024, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 28 octobre 2024.

Par ordonnance du 1er août 2024, la première présidente de chambre déléguée a débouté la SAS Groupe Bumin et la SC Financière Biruni de leur demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 11 juin 2024, en considérant que le premier juge n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 8 octobre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, les sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni demandent à la cour de :

Vu les articles 455, 484 et 873 du code de procédure civile, 90 du même code,

- Infirmer l'ordonnance entreprise, en jugeant que la juridiction commerciale était matériellement incompétente pour statuer sur la question du droit de retrait des sociétés civiles.

Statuant sur le fondement de l'article 90 du code de procédure civile ;

- Prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par les Sociétés Boca Investissement, Bocalo et Foncière Gabo, seules les sociétés objet du retrait pouvant procéder au rachat des parts des retrayants,

A défaut,

- Déclarer irrecevables les Sociétés Boca Investissement, Bocalo et Fonciere Gabo en leurs demandes concernant les SNC Boca Saint Sever et Boca la Gardette,

Subsidiairement,

- Infirmer l'ordonnance entreprise en raison des difficultés sérieuses empêchant la juridiction des référés de statuer et renvoyer les sociétés intimées à mieux se pourvoir au fond.

En tout état de cause,

- Réformer la décision en ce qu'elle a prononcé une astreinte à l'encontre de la SAS Groupe Bumin, et dire qu'il n'y avait pas lieu de la prononcer.

- Condamner les intimées chacune au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Les condamner aux entiers dépens.

Les appelantes font notamment valoir :

Sur la recevabilité au titre de l'incompétence matérielle, que le litige a trait à des sociétés de forme civile, et que les dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce prévoyant la compétence spéciale des tribunaux de commerce ne s'applique pas à l'exercice d'un droit de retrait d'un associé d'une société civile ;

Sur « l'incompétence » en raison des difficultés sérieuses, que la société Groupe Burmin a signifié son intention d'exercer son droit de retrait des sociétés commerciales, alors qu'un tel droit de retrait n'existe pas aux termes des statuts et de la loi ; que c'était une difficulté sérieuse qui nécessitait un débat au fond ; qu'il n'a pas été répondu à son moyen ;

Sur le prix de cession et l'identité de l'acquéreur, que l'expert, comme les sociétés en demande, se sont manifestement trompés à son détriment sur les mécanismes du retrait en estimant que les titres devaient faire l'objet d'un abattement de 20% de leur valeur ; que cette décote constitue bien une erreur grossière, et qu'à tout le moins il peut être considéré qu'une discussion sérieuse existe que le magistrat des référés n'a pas vocation à trancher ; que la décote pour minorité ou clause d'agrément n'a aucun sens puisque la société dont on se retire est la seule qui peut acheter ses parts au retrayant ; que la première présidente n'a pas répondu au moyen relatif à l'identité de l'acquéreur ;

Sur l'astreinte, que l'appelante a exécuté la décision alors que les intimées ont saisi le juge de l'exécution pour obtenir paiement de l'astreinte sans même attendre l'issue du litige en référé.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 7 octobre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, les sociétés Boca Investissements, Bocalo et Foncière Gabo demandent à la cour de :

Vu l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l'article 90 du même code,

Vu les articles L 131-1 et L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 11 juin 2024,

- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés Groupe Bumin et Financiere Biruni,

- Condamner le Groupe Bumin au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner en tous les dépens.

Les sociétés intimées font notamment valoir :

Sur la compétence du tribunal de commerce et de la cour d'appel de Bordeaux, que le premier juge a estimé, au vu de l'imbrication des parts détenues dans 10 sociétés civiles et pour une bonne administration de la justice, il convenait que l'ensemble des dossiers soient examinés par une seule et même juridiction ; que la partie non commerciale en demande peut à son choix actionner l'autre partie devant la juridiction civile ou commerciale ; que le fait que l'une des défenderesses soit une société civile n'avait pas vocation à empêcher le tribunal de commerce de statuer ; que le tribunal était saisi d'une demande concernant des parts de sociétés constituées entre les parties pour la réalisation d'opérations immobilières par nature commerciales ; que la cour d'appel de Bordeaux est tant la juridiction d'appel du tribunal de commerce que du tribunal judiciaire, l'exception d'incompétence est inopérante en application de l'article 90 du code de procédure civile ;

Sur l'absence de toute contestation sérieuse, que la mise en 'uvre des dispositions de l'article 1843-4 du code civil constitue une offre qui ne peut être retirée dès lors qu'elle a été acceptée ; que cédant et cessionnaire son liés par le prix fixé par l'expert, à défaut d'erreur grossière ; que les appelantes ont régulièrement fait valoir leur intention de se retirer des différentes structures détenues en commun et volontairement fait choix de confier à un expert la détermination de la valeur des parts ; que les cessions sont donc parfaites et doivent être menées à leur terme ; que l'expert a pris soin de justifier ses choix et qu'aucune erreur grossière ne peut être caractérisée ; sur l'abattement, que l'expert a purement et simplement appliqué la jurisprudence ; que l'ensemble des structures sont aujourd'hui à l'arrêt ; qu'il est donc urgent que la cession intervienne ; que la décote ne s'applique qu'à 5 structures sur 10, les 5 autres ayant une valeur de 1 euro.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 1869 du code civil, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. L'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4.

Le retrait d'associé par la SAS Groupe Bumin, qui vise soit les statuts soit les dispositions de l'article 1869 ci-dessus, n'est pas contesté en lui-même. Le litige concerne les valeurs retenues par le rapport d'expertise rendu en application de l'article 1843-4 ci-dessus, outre désormais l'étendue de ce retrait.

Les sociétés intimées ont obtenu du juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux, par l'ordonnance dont appel, qu'il soit ordonné à la SAS Groupe Bumin de remettre les actes de cession signés et régularisés, sous astreinte.

Aux termes des dispositions de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce, dans les limites de la compétence du tribunal, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, et de celles de l'article 873 du même code que le président, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur la compétence ratione materiae et la recevabilité

Les appelantes soutiennent que la juridiction commerciale était matériellement incompétente pour statuer sur la question du droit de retrait des sociétés civiles.

Il est constant que le tribunal de commerce n'a compétence que pour les litiges entre commerçants, sociétés commerciales, ou actes de commerce.

Pour autant, d'une part, le juge des référés a pu, à juste titre, considérer que l'imbrication des parts détenues dans les société communes, qui sont pour partie des société civiles et pour partie des société commerciales, outre le fait que les parties principales, Groupe Bumin, Boca Investissements et Bocalo, sont des sociétés par actions simplifiée, donc commerciales, et pour une bonne administration de la justice, il convenait que l'ensemble des dossiers soit examiné par une seule et même juridiction.

Au surplus, d'autre part, la cour d'appel de Bordeaux est juridiction d'appel tant du tribunal de commerce de Bordeaux que du tribunal judiciaire de la même ville, de sorte que la question de la compétence à raison de la matière ne se pose plus devant la cour d'appel saisie de nouveau de l'ensemble du litige de référé, en application notamment des dispositions de l'article 90 du code de procédure civile.

Les appelantes soutiennent aussi l'irrecevabilité des demandes formées par les société Boca Investissement, Bocalo et Foncière Gabo, en ce que seules les société objet du retrait peuvent procéder au rachat des parts des retrayants.

Pour autant, cet argument, qui omet de viser un fondement juridique à une éventuelle irrecevabilité, apparaît en réalité être soutenu par des considérations sur la valeur des droits, ce qui est inopérant pour entraîner une telle irrecevabilité.

Subsidiairement, les mêmes soutiennent encore l'irrecevabilité des demandes concernant les deux sociétés en nom collectif, les dispositions sur le retrait ne s'appliquant pas dans les société commerciales. Les appelantes font valoir que c'est par erreur que la société Groupe Bumin a signifié son intention d'exercer son droit de retrait des sociétés commerciales, alors que ce droit n'existait ni dans les statuts ni dans la loi.

Pour autant, la lettre du conseil de Groupe Bumin et de Financière Biruni, tout comme la lettre de mission de l'expert visent bien l'ensemble des structures (pièces n° 1bis et 2 des intimées). Les société Groupe Bumin et Financière Biruni ne sauraient ici tenter de revenir sur l'accord des parties pour retirer certaines structures de la procédure d'évaluation des parts.

Ainsi, il n'y a pas lieu à prononcer une quelconque irrecevabilité.

Sur les difficultés sérieuses invoquées

Les appelantes soutiennent que des difficultés sérieuses devraient conduire à rejeter la demande en référé.

En réalité, elles contestent le montant du prix fixé par l'expert, notamment en raison de l'abattement de 20% pratiqué sur la valeur des titres, faisant valoir, comme vu ci-dessus, qu'il ne s'agit pas d'une valorisation dans le cadre d'une cession des parts, mais dans celui d'un droit de retrait pour lequel la société va racheter ses propres titres. Elles en déduisent que cette décote constitue une erreur grossière de nature à ne pas les tenir à la valeur fixée par l'expert.

Les société intimées opposent que l'associé ayant engagé les démarches pour exercer son droit de retrait ne peut plus revenir en arrière et renoncer à son retrait après avoir pris connaissance du prix fixé par l'expert. Elles relèvent exactement que tant le premier juge que le premier président statuant sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ont jugé qu'il ressortait bien des pièces produites que la société Groupe Bumin avait bien entendu se retirer de toutes les sociétés, civiles et commerciales, dans lesquelles elle s'était associée avec la société Boca Investissement.

Aux termes de l'article 1843-4 du code civil, dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, et que dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les mêmes conditions.

Ainsi, il convient d'observer que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni, ce texte vise bien aussi bien expressément les cas dans lesquels la société procède elle-même au rachat des droits en cause, ce qui ne saurait alors constituer ici une difficulté sérieuse.

L'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil a toute latitude pour déterminer la valeur des actions selon les critères qu'il juge opportuns, et, à défaut d'erreur grossière de sa part, il n'appartient pas au juge de remettre en cause le caractère définitif de sa décision.

En l'espèce, l'expert a pris soin dans son rapport (pièce n° 5 des intimées) de s'expliquer de façon détaillée sur sa méthode d'évaluation, après analyse de comptes, évaluation foncière par le sapiteur, valeur mathématique et valeur de rentabilité, pour parvenir à une synthèse (par ex pour la SCI Boca la Mouline, p. 17 à 19 du rapport), conformément à la volonté des parties. De même, l'expert a expressément répondu aux observations et dires des parties (annexes 9 et10). Particulièrement, il a précisé que le taux d'abattement de 20%, discuté au cours des opérations d'expertise, avait été choisi comme plus réaliste par rapport à la jurisprudence judiciaire et administrative, et plus adaptée au contexte particulier (rapport, p. 6).

Aucune autre critique n'est élevée à l'encontre du travail de l'expert. Ainsi, c'est à juste titre que le juge des référés a pu juger qu'aucune erreur grossière n'était établie en l'espèce, et qu'aucune difficulté sérieuse ne pouvait empêcher la juridiction des référés de statuer.

Sur la demande de transmission des actes régularisés, sous astreinte

Pour les motifs ci-dessus, outre l'urgence signalée par les intimées, le juge des référés était bien fondé à faire droit aux demandes de la SAS Boca Investissements, la SAS Bocalo et la SC Foncière Gabo, de retourner les actes de cession signés et régularisés, et sa décision sera confirmée.

Les sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni demandent encore la réformation de la décision en ce qu'elle a fixé une astreinte. Elles font valoir qu'elles ont exécuté la décision et que les intimées ont saisi le juge de l'exécution pour obtenir le paiement de l'astreinte sans même attendre l'issue du litige de référé.

Pour autant, ces explications sont au contraire de nature à conforter le prononcé de l'astreinte par le premier juge, et, étant observé qu'aucune astreinte n'étant plus demandée en cause d'appel et que le juge de l'exécution est déjà saisi pour une liquidation de l'astreinte provisoire, il n'y a nullement lieu à réformer la décision de ce chef.

Sur les autres demandes

Parties tenue aux dépens d'appel, les sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni paieront in solidum aux sociétés Boca Investissements, Bocalo et Foncière Gabo la somme totale de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en référé,

Dit n'y avoir lieu à statuer davantage sur la compétence matérielle,

Dit n'y avoir lieu à prononcer une quelconque irrecevabilité,

Dit y avoir lieu à référé,

Confirme l'ordonnance rendue entre les parties le 11 juin 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux,

Condamne in solidum les sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni à payer aux sociétés Boca Investissements, Bocalo et Foncière Gabo la somme totale de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne in solidum les sociétés Groupe Bumin et Financière Biruni aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président