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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 13, 6 décembre 2024, n° 20/04706

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 20/04706

6 décembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/04706 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEAA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 18/005344

APPELANTES

URSSAF 45 - LOIRET

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par M. [T] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [E] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Monsieur Philippe BLONDEAU, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 24 mai 2024 puis prorogé au 20 septembre 2024, puis au 25 octobre 2024, puis au 8 novembre 2024, puis au 22 novembre 2024, puis au 6 décembre 2024,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales du Centre - Val-de-Loire (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 16 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l'opposant à [E] [L] (l'assuré).

EXPOSÉ DU LITIGE

L'Urssaf a adressé le 15 décembre 2017 à l'assuré un appel de cotisations au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) d'un montant de 19 069 euros au titre de l'année 2016. L'assuré a contesté la CSM par lettre du 18 janvier 2018. L'Urssaf a adressé à l'assuré une décision le 14 mai 2018 lui ouvrant les voies et délais de recours devant la commission de recours amiable (CRA). L'assuré a saisi la CRA le 15 juin 2018. Faute de réponse dans le délai d'un mois, il a formé un recours le 18 septembre 2018 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris à l'encontre la décision implicite de rejet. La CRA a rejeté ce recours le 26 juillet 2018. Une mise en demeure a été adressée à l'assuré le 19 avril 2019, reçue le 24 avril 2019, pour le paiement de la somme de 19 069 euros au titre de la CSM. À la suite de cette mise en demeure, l'assuré a intégralement réglé la CSM 2016.

Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 16 juin 2020, a :

- Annulé l'appel de cotisations adressé à l'assuré et daté du 15 décembre 2017 ;

- Débouté l'Urssaf de l'intégralité de ses ;

- Condamné l'Urssaf à rembourser à l'assuré la somme de 9 739 euros ;

- Dit n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- Condamné l'Urssaf à supporter les éventuels dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu qu'aux termes de l'article R. 380-4, section I, du code de la sécurité sociale, qui est clair, précis et sans équivoque, la cotisation au titre des revenus de l'année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017, sous réserve que ce jour n'ait pas été un jour ouvré ; qu'au cas d'espèce, l'appel de cotisations porte la date du 15 décembre 2017 ; qu'il est intervenu postérieurement à la date limite fixée au dernier jour ouvré du mois de novembre 2017 ; que cet appel ne respecte pas les dispositions de l'article précité qui sont d'ordre public et doivent être appliquées strictement ; que l'appel de cotisations est donc frappé de nullité absolue et doit être annulé ; qu'il importe peu que l'Urssaf dispose d'un délai de 3 ans pour recouvrer la créance, ce délai supposant que la cotisation ait été appelée dans le délai précité ; que l'article 114 du code de procédure civile ne s'applique qu'aux actes judiciaires et non pas aux actes extrajudiciaires tels qu'un appel à cotisation ; qu'il n'y avait pas lieu d'analyser l'autre moyen soulevé par l'assuré.

L'Urssaf a interjeté appel de ce jugement le 10 juillet 2020, lequel lui avait été notifié le 26 juin 2020.

L'Urssaf a fait soutenir et déposer par son représentant des conclusions écrites demandant à la cour de :

- Infirmer le jugement de première instance de Paris en ce qu'il a dit que l'appel de cotisation litigieux a été effectué tardivement et en dehors des délais accordés par la loi et a annulé en conséquence l'appel de cotisation contesté ;

- Valider l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 9 739 euros ;

- Confirmer la décision explicite de rejet rendue par la CRA le 13 décembre 2018 ;

- Rejeter toutes les demandes de l'assuré ;

- Condamner l'assuré aux dépens.

L'assuré a fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites demandant à la cour de :

À titre principal,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 juin 2020 enregistré sous le numéro RG n° 18/05344 ;

- Confirmer la nullité de l'appel de CSM au titre de l'année 2016 envoyé par l'Urssaf ;

- Juger l'Urssaf incompétente à réclamer le paiement de la CSM due au titre de l'année 2016 ;

- Rejeter l'ensemble des demandes de l'Urssaf ;

En conséquence,

- Ordonner à l'Urssaf de lui rembourser la CSM d'un montant de 9 739 euros (Hors intérêts moratoires) ;

- Condamner l'Urssaf à payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'Urssaf aux entiers dépens de la procédure.

Il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties et visées par le greffe à la date du 11 mars 2024 pour un exposé complet des moyens et arguments développés oralement.

MOTIFS

Sur le caractère tardif de l'appel de cotisation

Moyens des parties

En substance, demandant la confirmation du jugement entrepris, le cotisant soutient que l'appel de cotisation pour l'année 2016, daté du 15 décembre 2017, est nul pour être postérieur à la date du 30 novembre 2017, qui était celle à laquelle elle devait être appelée au plus tard en application du texte susvisé.

Pour s'opposer à ce moyen, l'Urssaf soutient que ce texte ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de la date limite qu'il énonce et que de surcroît, le cotisant n'a subi aucune conséquence puisque la date d'exigibilité de la cotisation a été logiquement décalée.

Réponse de la cour

En premier lieu, l'appel de cotisation, contrairement à ce que veut faire accroire l'assuré, n'est pas un acte administratif, au sens de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, mais est un acte purement informatif, de sorte que les développements de l'assuré sur ce point sont sans emport sur la solution du litige.

En second lieu, selon l'article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

Il résulte de ces textes que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite d'appel à cotisation fixée par l'article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Cass., Civ. 2e, 6 janvier 2022, n°20-16.379 ; Cass. Civ. 2e, 7 avril 2022, n°20-17.872).

Il s'ensuit que la circonstance selon laquelle l'appel de la cotisation en cause, soit intervenu le 15 décembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l'article R. 380-4.

Cette solution ne saurait porter atteinte aux principes constitutionnels de sécurité juridique et d'égalité dans l'application de la loi qui, selon les conclusions de l'assuré, exigent précision et prévisibilité de la loi d'une part et respect des délais par les parties d'autre part, aucune sanction de nullité n'étant prévue au délai indicatif prévu par les textes qui, en lui-même, ne constitue pas une garantie des droits de l'assuré mais une simple indication pour l'organisme de recouvrement, les délais de prescription du recouvrement des cotisations à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues constituant en revanche cette garantie établissant la sécurité juridique et l'égalité dans l'application de la loi.

Au surplus, aucun préjudice n'est démontré par l'assuré du seul fait de l'appel tardif de cotisations auxquelles il était tenu par la loi.

Sur la violation de la réglementation en matière des données à caractère personnel

Moyens des parties

En substance, l'assuré soutient que le droit européen ainsi que le droit interne ont mis en place des règles afin de garantir la protection des données personnelles des individus (« RGPD ») et que ce corpus de normes octroie des droits et garanties aux personnes concernées en prévoyant des obligations à la charge du responsable de traitement de ces données (au cas d'espèce, dans la situation prévue par l'article 32 de la loi Informatique et Liberté). Ainsi, le traitement de données personnelles suppose, notamment, une autorisation par décret après avis de la CNIL conformément à l'article 27 de la loi Informatique et Liberté. Or, au cas d'espèce le traitement relatif au transfert des données personnelles des cotisants entre l'administration et l'Urssaf n'a été autorisé qu'à compter de mai 2018, soit postérieurement à l'appel de cotisations contesté. Par ailleurs, cette obligation de consultation et d'autorisation préalable suppose que le traitement autorisé ne soit pas modifié a posteriori. Le traitement de données personnelles suppose également l'information préalable des personnes concernées par ce traitement. Il s'ensuit que l'irrégularité de la collecte des données par l'Urssaf rend bien nul son traitement par ce même organisme et l'appel de la cotisation de la CSM 2016 doit être annulé.

En substance également, l'Urssaf réplique que le litige concernant la CSM 2016, les articles du RGPD ne sauraient s'appliquer. L'Urssaf fait valoir que l'information reprochée figure sur le site internet urssaf.fr et répond à l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés. Elle ajoute que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, il ne lui appartenait pas de prendre l'initiative d'une information individuelle de l'assuré alors que les droits auxquels celui-ci peut prétendre et qu'il allègue ignorer se déduisent de la mise en application d'une nouvelle loi. Elle soutient ainsi qu'elle a respecté son obligation d'information générale concernant la CSM par une campagne d'information auprès des personnes concernées réalisée au mois de novembre 2017. Elle rappelle les nombreuses décisions de cours d'appel, dont la cour d'appel de Paris, allant dans le sens d'un rejet de ce moyen de l'assuré. Elle ajoute que l'Acoss a mené une campagne d'information auprès des personnes concernées en novembre 2018. Au cas d'espèce, l'Urssaf fait valoir que l'appel de cotisation du 15 décembre 2017 mentionnait correctement toutes les informations nécessaires sur la transmission des données et qu'il était loisible à l'assuré de solliciter les informations relatives aux calculs et aux montants établis de la cotisation, ce que ce dernier a fait par correspondance du 20 septembre 2018, soit presqu'une année après l'appel de cotisations et s'être acquitté de la somme réclamée sans même informer les services de son souhait de contester son assujettissement. L'Urssaf conclut que l'assuré ne saurait arguer ne pas avoir été informé des transferts de données entre l'administration fiscale et l'Urssaf pour solliciter l'annulation de l'appel de cotisations et qu'en tout état de cause, si une atteinte à la loi Informatique et Libertés était avérée, seule la CNIL pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction, laquelle ne pourrait pas consister en une annulation de l'appel de cotisations litigieux.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version applicable au litige, « sont autorisés par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en 'uvre pour le compte de l'État, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l'authentification ou au contrôle de l'identité des personnes... »

La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) a été saisie et s'est prononcée sur le fondement de cet article.

Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret, publié le 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en 'uvre du traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

La CNIL a notamment observé que l'article 1er-IV du projet de décret prévoyait que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d'en connaître :

- les agents habilités de l'Acoss ;

- les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S'agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu'ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.

Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement.

La CNIL a également observé, sur « l'information et les droits des personnes », que :

Le projet demeure silencieux sur les modalités d'information des personnes concernées.

La commission observe dans le dossier joint à la saisine que le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en 'uvre par la DGFIP [Direction générale des finances publiques] relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire.

Elle rappelle toutefois que, si la DGFIP a pour obligation d'informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l'Acoss devra également assurer l'information des personnes concernées pour le traitement qu'elle met en 'uvre.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 est venu ainsi autoriser le traitement par l'Acoss et les Urssaf des informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la CSM et a mis à la charge de l'Acoss l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement mis en 'uvre.

Suivant l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, notamment, « les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales ».

L'article R. 380-3 du code de la sécurité sociale dispose, notamment, que la CSM est « calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l'administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations ».

L'article D. 380-5 I du code de la sécurité sociale prévoit que « les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l'administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l'article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l'article L. 380-3-1 ».

Il résulte de la combinaison de ces textes, à la lumière de la délibération de la CNIL, que sont autorisés le transfert de données entre la DGFIP et l'Acoss, ainsi qu'un traitement de ces données par l'Acoss et les Urssaf pour le calcul de la CSM, de sorte que les dispositions de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ont bien été respectées.

Le décret n° 2018-392 du 24 mai 2018 portant création d'un traitement automatisé de transfert de données relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est venu compléter le dispositif existant et seul applicable au litige de transfert de données entre la DGFIP et l'Acoss et de traitement de ces données par l'Acoss tel qu'autorisé par le décret du 3 novembre 2017, le décret ayant pour objet de créer un traitement automatisé permettant de transférer à l'Acoss les données fiscales nécessaires à la détermination de l'assiette sociale et au calcul de la cotisation subsidiaire maladie des personnes. Ce traitement autorisé permettant le transfert de données fiscales ne saurait en aucun cas constituer, comme le soutient l'assuré, la création et constitution d'un fichier illicite. Il ne peut donc pas être utilement soutenu par l'assuré que l'Urssaf s'est appropriée en toute illégalité le traitement de ses données personnelles.

Quant à l'obligation d'informer les personnes concernées du traitement automatisé de transfert de leurs données fiscales résultant de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et de l'avis de la CNIL du 26 octobre 2017, il y a lieu de relever, que le site internet urssaf.fr contient une telle information puisqu'il y est indiqué que les redevables sont identifiés « à partir des données transmises par l'administration fiscale sur la base des éléments de revenus pris en compte pour l'impôt sur le revenu ».

Outre le fait que la transmission des données a été portée à la connaissance de l'assuré, en sa qualité de cotisant, par la publication de la loi ayant institué la CSM au Journal Officiel, loi que nul n'est censé dès lors ignorer, l'obligation d'information individuelle a été mise à la charge de l'Acoss et de la DGFIP, selon la CNIL, lesquelles ne sont pas parties à la présente instance, et non à la charge de l'Urssaf.

Ensuite, si le RGPD, qui est invoqué en termes généraux par l'assuré, et plus précisément ici l'article 14, soumet le responsable du traitement des données personnelles à l'obligation de fournir un certain nombre d'informations à la personne concernée lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès d'elle, il résulte bien du paragraphe 5 de ce texte que cette obligation ne s'applique pas lorsque la personne concernée dispose déjà de ces informations ou que la fourniture de telles informations se révélerait impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, ou encore quand l'obtention ou la communication des informations sont prévues par le droit de l'État membre, de sorte que conformément à l'article 15 du RGPD, s'il désirait des informations complémentaires, il appartenait à l'assuré de solliciter de l'Urssaf ces informations individuelles, ce qu'il n'établit pas avoir fait en l'espèce.

Il s'ensuit que les critiques de l'assuré relatives à l'information alléguée d'insuffisante, ou de non conforme, au regard du RGPD, reçue de l'Urssaf sont inopérantes.

Par ailleurs l'appel à cotisation du 15 décembre 2017 mentionne que les revenus du patrimoine ont été transmis par la DGFIP et prévoit une procédure contradictoire en cas de contestation de la prise en compte des revenus par le cotisant. Dès lors, l'absence d'information personnalisée préalable ne saurait être sanctionnée par la nullité de l'appel à cotisation régulièrement notifié, l'assuré ayant eu la possibilité de contester cette décision, ce qu'il a fait en l'espèce.

Il s'ensuit que la nullité de la cotisation subsidiaire maladie pour manquement à l'obligation d'information et pour transmission des données ne saurait donc être encourue.

Sur la compétence de l'Urssaf ayant émis l'appel de cotisations

Moyen des parties

L'assuré soutient, en substance, qu'une convention qui vise à optimiser l'exercice du pouvoir d'une autorité exerce un nombre conséquent de compétences et s'inscrit plus largement dans une logique d'organisation interne des services présente la nature d'une décision réglementaire d'un établissement public et doit faire en conséquence l'objet d'une publicité par voie d'insertion dans un recueil officiel ou d'un affichage. Il soutient alors qu'une telle convention non encore publiée à la date de l'appel de cotisations ne lui est pas opposable et ne peut pas justifier la compétence de l'organisme instrumentaire. L'assuré observe qu'en l'espèce l'acte établi par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire en 2017 a été réalisé avant le 16 janvier 2018, date d'entrée en vigueur de la délégation invoquée, de sorte qu'elle ne peut pas valider l'appel de cotisations contesté puisque la convention de délégation invoquée par l'Urssaf n'est devenue opposable que le 16 janvier 2018. La décision du directeur de l'Acoss ne pouvait être opposable aux tiers qu'à compter du lendemain de sa publication. Il soutient qu'il relevait donc de la compétence de l'Urssaf d'Île-de-France et non du Centre - Val-de-Loire, laquelle n'avait reçu délégation valable qu'à compter du 16 janvier 2018.

L'Urssaf réplique, en substance, qu'il résulte de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale que la convention de délégation prend effet après approbation par le directeur de l'Acoss et qu'en l'espèce, par décision du 11 décembre 2017 du directeur de l'Acoss publiée au Bulletin Officiel Santé-Protection sociale-Solidarité n° 2017/12 du 15 janvier 2018, la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale datée du 1er décembre 2017 entre l'Urssaf d'Île-de-France et l'Urssaf Centre - Val-de-Loire a été approuvée. La convention de mutualisation est donc devenue applicable et opposable au cotisant à compter de cette date conformément aux dispositions de l'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et de la convention elle-même.

Réponse de la cour

L'article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable du 25 décembre 2016 au 23 décembre 2018, disposait que :

Le directeur d'un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l'organisme national de chaque branche concernée.

Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l'agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.

Il résulte du premier alinéa de ce texte que la convention de délégation prend effet dès son approbation par le directeur de l'organisme national de la branche concernée. En conséquence, l'organisme délégataire est habilité à exercer les pouvoirs résultants de cette délégation à compter de la décision d'approbation (Cass., Civ. 2, 16 novembre 2023, n° 21-25.534).

Au cas d'espèce, il est constant que la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d'assurance maladie visée à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale signée le 1er décembre 2017 entre l'Urssaf d'Île-de-France et l'Urssaf Centre - Val-de-Loire a été approuvée par décision du directeur de l'Acoss le 11 décembre 2017, de sorte que l'appel de cotisations intervenu le 15 décembre 2017 opéré par l'Urssaf Centre - Val-de-Loire n'est entaché d'aucune irrégularité, peu important que la décision approuvant la convention de délégation n'ait été publiée au Bulletin Officiel que le 15 janvier 2018.

Cette décision du 11 décembre 2017 n'est ni une loi ni un acte administratif publié au Journal officiel. Elle a été publiée au Bulletin Officiel Santé-Protection sociale-Solidarité le 15 janvier 2018. Elle concerne les relations entre deux organismes publics, est destinée à la mise en 'uvre de leurs prérogatives de puissance publique et est donc d'application immédiate.

L'Urssaf du Centre - Val-de-Loire est donc territorialement compétente et a été régulièrement désignée pour le recouvrement de la cotisation en cause.

Par ailleurs, l'assuré n'établit pas que l'exploitation de données personnelles par l'Urssaf est intervenue avant la décision du 11 décembre 2017.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de compétence de l'Urssaf ayant émis l'appel de cotisations est inopérant.

Sur les mesures annexes

L'assuré succombant en appel sera condamné aux dépens et sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU,

REJETTE les moyens soulevés par [E] [L] au soutien de ses demandes ;

VALIDE l'appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 9 739 euros ;

REJETTE la demande en remboursement de la somme de 9' 739 euros formée par [E] [L] ;

DÉBOUTE [E] [L] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [E] [L] aux dépens d'appel.

La greffière Le président