CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 décembre 2024, n° 23/01475
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Helionwood (SASU), Hotel (SASU)
Défendeur :
Nextone Residence (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Vice-président :
Mme Salord
Conseiller :
M. Buffet
Avocats :
Me Schwab, Me Monod, Me Gaspar
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 8 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté le 10 janvier 2023 par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 mai 2024 par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 juin 2024 par la société Nextone Résidence,
Vu l'ordonnance de clôture du 20 juin 2024.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Nextone Résidence est spécialisée dans l'exploitation immobilière notamment de résidences hôtelières.
Elle exploite depuis 2013 un hôtel classé 5 étoiles sous le nom 'Marquis [Adresse 8], situé dans le [Localité 6].
La société Nextone Résidence a déposé les marques françaises suivantes :
la marque verbale n°3815966 « Marquis » le 20 mars 2011,
la marque verbale n°3941569 « Marquis [Adresse 8] » le 23 août 2012,
la marque semi-figurative n°3865066, le 7 octobre 2011
Pour désigner, en classe 43, les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ».
La société Helionwood appartient à un groupe spécialisé dans le domaine de l'hôtellerie désigné sous le signe 'Inwood Hotels'. Elle détient la société Hôtel [7], immatriculée en 2001, laquelle exploite un hôtel (classé 4 étoiles) dénommé "Le Marquis" situé dans le [Localité 2].
La société Helionwood a procédé, le 10 juin 2015, au dépôt des marques verbales françaises suivantes : « Marquis » n°4187747, « Marquis Hôtel » n°4187746, « Le Marquis Hôtel » n°4187741, « Hôtel Marquis » n°4187756, « Hôtel Le Marquis » n°4187760, « Hôtel Marquis Effeil » n°4187753, « Marquis Effeil » n°4187750, « Le Marquis Effeil » n°4187751, « Hôtel Le Marquis Effeil » n°4187764, enregistrées pour désigner des services en classes 35, 36 et 43, dont, pour cette dernière classe, les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ».
Par courrier du 28 juillet 2020, la société Helionwood a mis en demeure la société Nextone Résidence de cesser tous usages du signe "[9]" qui porterait atteinte à la dénomination commerciale identique exploitée par la société Hôtel [7] depuis son immatriculation en juin 2011.
Considérant que la société Helionwood était forclose à contester l'enregistrement de ses marques qu'elle avait tolérées, et qu'elle ne pouvait justifier de l'usage d'un nom commercial antérieur, la société Nextone Résidence a, par lettre du 19 août 2020, mis en demeure la société Helionwood de cesser l'utilisation du signe "Le Marquis" et de retirer l'ensemble des marques françaises précitées déposées en 2015.
C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier en date du 29 septembre 2020, la société Nextone Résidence a fait assigner les sociétés Helionwood et Hôtel [7] devant le tribunal judiciaire de Paris, en nullité des marques 'Marquis' n°4187747, 'Marquis Hôtel' n°4187746, 'Le Marquis Hôtel' n°4187741, 'Hôtel Marquis' n°4187756, 'Hôtel Le Marquis' n°4187760, 'Marquis Effeil' n°4187750, 'Le Marquis Effeil' n°4187751 et 'Hôtel Le Marquis Effeil' n°4187764, ainsi qu'en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire.
Par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état a notamment :
- dit la société Helionwood irrecevable en ses demandes en nullité des marques « Marquis » et « Marquis [Adresse 8] » fondées sur le nom commercial "Le Marquis " (seule la société Hôtel [7] étant recevable à invoquer l'usage du nom commercial 'Le Marquis' tandis que l'effectivité de cet usage est un moyen de fond),
- dit la société Helionwood irrecevable en ses demandes en concurrence déloyale fondée sur le nom commercial "Le Marquis",
- dit que les sociétés Helionwood et Hôtel [7] sont irrecevables en leurs demandes du fait de la forclusion par tolérance en raison de leur connaissance de l'usage des marques n°3815966, n°39411569 et n°3865066 de la société Nextone depuis plus de 5 années.
Selon jugement du 8 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré irrecevable la demande en 'illicéité' des marques présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- déclaré nulles pour atteinte aux droits de marques antérieures de la société Nextone Résidence, les marques verbales françaises suivantes : 'Marquis' n°4187747, 'Marquis Hôtel' n°4187746, 'Le Marquis Hôtel' n°4187741, 'Hôtel Marquis' n°4187756, 'Hôtel Le Marquis' n°4187760, 'Marquis Effeil' n°4187750, 'Le Marquis Effeil' n°4187751 et 'Hôtel Le Marquis Effeil' n°4187764, de la société Helionwood, mais uniquement en ce qu'elles désignent en classe 43 les services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars, services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires,
- dit que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI pour sa transcription sur le registre national des marques à l'initiative de la partie la plus diligente,
- rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon de ses marques en raison de l'usage antérieur démontré du nom commercial 'Le Marquis' par les sociétés Helionwood et Hôtel [7] pour désigner un hôtel situé [Adresse 1] à [Localité 11],
- rejeté les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire présentées par les sociétés Nextone d'une part et Helionwood et Hôtel [7] d'autre part,
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour abus de procédure présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- condamné in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] aux dépens et autorisé la Selarl Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques.
Par déclaration matérialisée par la voie électronique le 10 janvier 2023, les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 mai 2024, les sociétés Helionwood et Hôtel [7] demandent à la cour de :
Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 8 décembre 2022 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande en « illicéité » des marques présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- déclaré nulles pour atteinte aux droits de marques antérieures de la société Nextone Résidence, les marques verbales françaises suivantes : « Marquis » n°4187747, «Marquis Hôtel » n° 4187746, « Le Marquis Hôtel » n°4187741, « Hôtel Marquis » n°4187756, « Hôtel Le Marquis » n°4187760, « Marquis Eiffel » n°4187750, « Le Marquis Eiffel » n°4187751 et « Hôtel Le Marquis Eiffel » n°4187764, de la société Helionwood, mais uniquement en ce qu'elles désignent en classe 43 les services de restauration (alimentation), hébergement temporaire, services de bar, services de traiteurs, services hôteliers, réservation de logements temporaires,
- rejeté les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire présentées par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- condamné in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] aux dépens.
Le confirmer pour le surplus.
En conséquence, statuant de nouveau,
- juger que la société Nextone Résidence a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en reprenant fautivement la dénomination sociale antérieure « Le Marquis » exploitée par la société Hôtel [7],
- interdire à la société Nextone Résidence toute utilisation, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit (physique ou digital), de ses noms commerciaux litigieux reprenant le terme « Marquis », et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans un délai de quinze (15) jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir,
- juger qu'en application de l'article L131-3 du Code de procédure civile d'exécution, les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par la juridiction ayant statué sur la présente demande,
- condamner la société Nextone Résidence à verser à la société Hôtel [7] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- prononcer l'illicéité des marques françaises n°3815966 « Marquis », n°3941569 « Marquis [Adresse 8] » et n°3865066 « Marquis Cur Non » de la société Nextone Résidence,
- inscrire l'arrêt au registre national des marques,
- ordonner l'insertion dans cinq journaux, au choix des sociétés Helionwood et Hôtel [7], et aux frais de la société Nextone Résidence, dans la limite de 5.000 euros H.T., par insertion, du communiqué suivant, sous astreinte définitive de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir :
« Par décision du'.., la Cour d'appel de Paris a condamné la société NEXTONE RESIDENCE pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire par reprise illicite de la dénomination commerciale de l'hôtel «Le Marquis » de la chaîne d'hôtels INWOOD HOTELS et à verser à la société HOTEL [7] des dommages-intérêts. »
- ordonner la diffusion dudit communiqué, pendant un délai d'un mois, en première page du site www.marquisfaubourgsainthonore.com/fr, dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le consommateur, dans une taille de caractères d'une valeur au moins égale à 12, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- condamner la société Nextone Résidence à payer à la société Hôtel [7] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Me Schwab, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2024, la société Nextone Résidence demande à la cour de :
Confirmer le jugement du 8 décembre 2022 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande en « illicéité » des marques présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- déclaré nulles pour atteinte aux droits de marques antérieures de la société Nextone Résidence, les marques verbales françaises suivantes : « Marquis » no 4187747, « Marquis Hôtel » no 4187746, « Le Marquis Hôtel » no 4187741, « Hôtel Marquis » no 4187756, « Hôtel Le Marquis » no 4187760, « Marquis Effeil » no 4187750, « Le Marquis Effeil » no 4187751 et « Hôtel Le Marquis Effeil » no 4187764, de la société Helionwood, mais uniquement en ce qu'elles désignent en classe 43 les services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars , services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires,
- dit que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI pour sa transcription sur le registre national des marques à l'initiative de la partie la plus diligente,
- rejeté les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire présentées par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- rejeté la demande de dommages-intérêts pour abus de procédure présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel [7],
- condamné in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] aux dépens et autorise la Selarl Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Infirmer le jugement du 8 décembre 2022 sur le surplus en ce qu'il a :
- rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon des marques de Nextone Résidence en raison de l'usage antérieur démontré du nom commercial « Le Marquis » par les sociétés Helionwood et Hôtel [7] pour désigner un hôtel situé [Adresse 1] à [Localité 11],
- rejeté les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire présentées par la société Nextone.
En conséquence et statuant à nouveau :
- juger qu'en utilisant le signe « Le Marquis » pour des services hôteliers, la société Helionwood et la société Hôtel [7] ont commis des actes de contrefaçon de la marque « Marquis » n°3815966 et de la marque «Marquis [Adresse 8]» n°39411569 et ont porté atteinte aux noms commerciaux de Nextone,
- juger qu'en utilisant le signe « Le Marquis » pour des services hôteliers, la société Helionwood et la société Hôtel [7] ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- interdire à la société Helionwood et la société Hôtel [7] sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, l'exploitation à quelque titre que ce soit, du signe « Le Marquis »,
- condamner solidairement la société Helionwood et Hôtel [7] à verser à Nextone la somme de 50 000 euros,
- ordonner la publication du jugement à intervenir, constatant la contrefaçon commise par la Société Helionwood et la société Hôtel [7] au détriment de la société Nextone, dans trois publications au choix de la demanderesse, dans la limite de 1 000 euros, par publication,
- dire que les condamnations porteront sur tous les faits illicites commis jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir,
- condamner in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] à payer à la société Nextone Résidence la somme de 15 000 euros au titre de la procédure d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2024.
MOTIFS :
1/Sur la recevabilité de la demande des sociétés Helionwood et Hôtel [7] tendant à voir prononcer « l'illicéité » des marques n°3815966, 3941569 et 3865066 de la société Nextone Résidence :
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En vertu de l'article 794 dudit code, les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article 789.
Les sociétés Helionwood et Hôtel [7] faisant valoir que les marques de la société Nextone Résidence porteraient atteinte à un nom commercial antérieur qu'elles exploitaient et qu'elles seraient constitutives de concurrence déloyale à leur préjudice, leur demande en « illicéité » de ces marques s'analyse en une demande en nullité, ainsi que le tribunal l'a justement retenu.
Or, il est rappelé qu'aux termes de son ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal a dit les sociétés Helionwood et Hôtel [7] irrecevables en leur demande en nullité des marques déposées par la société Nextone Résidence, étant ajouté que les sociétés appelantes n'ont pas interjeté appel de cette ordonnance.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit les sociétés Helionwood et Hôtel [7] irrecevables en leur demande en « illicéité » de ces marques.
2/ Sur la validité des marques verbales françaises 'Marquis' n°4187747, 'Marquis Hôtel' n°4187746, 'Le Marquis Hôtel' n°4187741, 'Hôtel Marquis' n°4187756, 'Hôtel Le Marquis' n°4187760, 'Marquis Effeil' n°4187750, 'Le Marquis Effeil' n°4187751 et 'Hôtel Le Marquis Effeil' n°4187764 déposées par la société Helionwood :
La société Nextone Résidence fait valoir que la société Helionwood, créée en 2008, ne peut revendiquer aucun droit antérieur sur un nom commercial dès lors que le fonds de commerce est exploité par la société Hôtel [7] ; que les marques de la société Helionwood n'étaient pas enregistrées depuis plus de cinq ans au moment de l'introduction de l'action, de sorte qu'aucune forclusion par tolérance ne peut lui être opposée ; qu'un titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité d'une marque déposée postérieurement s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste ; que les services visés à l'enregistrement des marques en classe 43 sont au moins pour partie les mêmes, tandis que les signes sont très similaires, de sorte qu'il résulte de leur combinaison que les marques postérieures de la société Helionwood portent atteinte aux droits de la société Nextone Résidence sur ses marques.
La société Helionwood soutient que c'est à tort que le tribunal a cru pouvoir faire droit à la demande de nullité de ses marques formée par la société Nextone Résidence ; qu'à cet égard, il est justifié d'un usage antérieur au dépôt des marques de la société Nextone Résidence par la société Hôtel [7] du nom commercial « Le Marquis » ; que l'utilisation des marques de la société Nextone Résidence est constitutive de concurrence déloyale ; que la juridiction ne peut analyser le bien fondé des demandes de la société Nextone Résidence qu'après s'être prononcée sur la licéité de ses marques; qu'en toute hypothèse, les services visés par les marques invoquées, soit ceux de la classe 43, sont différents des services des classes 35 et 36 visés par les marques de la société Helionwood.
Sur ce :
En vertu de l'article L.711-3 I du code de la propriété intellectuelle, ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;
b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure.
Au cas d'espèce, il est rappelé que la société Nextone Résidence a déposé les marques verbales « Marquis » et « Marquis [Adresse 8] » n°3815966 et 3941569 qu'elle oppose à la société Helionwood les 20 mars 2011 et 23 août 2012, soit antérieurement aux marques de la société Helionwood déposées le 10 juin 2015.
Il est justifié que, par contrat du 29 mai 2008, la société de droit américain Inwood Suffren Real Estate a cédé à la société Helionwood les actions qu'elle détenait sur sa filiale, la société Hôtel [7], laquelle exploite l'hôtel situé [Adresse 1] à [Localité 12].
Il est observé que seule la société Hôtel [7] revendique des droits sur le nom commercial « Le Marquis » qui seraient antérieurs au dépôt des marques de la société Nextone Résidence.
Par conséquent, la société Helionwood, même si elle détient la société Hôtel [7], ne peut se prévaloir, pour faire échec à la demande de nullité de ses marques formée par la société Nextone Résidence, qu'elle disposerait d'un droit antérieur au dépôt des marques de la société intimée sur le signe « Marquis », dont elle aurait toléré l'usage depuis plus de cinq années, étant ajouté que les faits de concurrence déloyale invoqués ne sont en aucun cas de nature à remettre en cause la validité de ces marques.
Sur la similarité des signes, il résulte de la comparaison des marques « Marquis » et « Marquis [Localité 13] » déposées par la société Nextone Résidence et des marques postérieures de la société Helionwood « Marquis », « Marquis Hôtel », « Le Marquis Hôtel », « Hôtel Marquis », « Hôtel Le Marquis », « Marquis Effeil », « Le Marquis Effeil » et « Hôtel Le Marquis Effeil » que :
- en premier lieu, concernant la marque « Marquis » n°4187747 déposée par la société Helionwood, elle est identique à la marque « Marquis » n°3815966 de la société Nextone Résidence et désigne, en classe 43, les mêmes services : « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ».
- en second lieu, les marques « Marquis Hôtel », « Le Marquis Hôtel », « Hôtel Marquis », « Hôtel Le Marquis », « Marquis Effeil », « Le Marquis Effeil » et « Hôtel Le Marquis Effeil » de la société Helionwood reproduisent le même élément « Marquis » que les marques opposées par la société Nextone Résidence ; les signes sont donc similaires. Les marques contestées désignent, en classe 43, les mêmes services que celles de la société Nextone Résidence, qui se rapportent à l'hébergement temporaire et la restauration légère ; le public concerné, à la recherche d'un hébergement hôtelier, d'une attention élevée, retiendra plus particulièrement le terme « Marquis », qui est particulièrement distinctif, évoquant l'élégance et la distinction, pour désigner une offre de service d'hôtellerie, et non les signes « Hôtel » et « Le », qui sont descriptifs, ou « Effeil », difficile à retenir et qui n'a aucune signification particulière.
Par conséquent, au regard de la ressemblance visuelle et auditive des signes qui présentent une forte similarité conceptuelle, pour des services identiques couverts par les marques en classe 43, le public concerné sera amené à considérer qu'il existe un lien économique entre les sociétés Nextone Résidence et Helionwood.
C'est par des justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu l'existence d'un risque de confusion, dans l'esprit du public, entre les marques et le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé les marques susvisées de la société Helionwood, en ce qu'elles désignent uniquement en classe 43 les « services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires » et ordonné la transcription de cette annulation sur le registre national des marques de l'INPI.
3-Sur la contrefaçon des marques de la société Nextone Résidence :
La société Nextone Résidence fait valoir que les appelantes utilisent les noms « Le Marquis » ou « Hôtel Le Marquis » sur leurs supports de communication, ce qui engendre un risque de confusion dans l'esprit du public avec ses marques « Marquis » et « Marquis [Adresse 8] » ; que les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ne peuvent bénéficier d'un usage antérieur du nom commercial « Le Marquis » pour désigner un hôtel situé [Adresse 1] à [Localité 11] ; que seule la société Hôtel [7] pourrait se prévaloir de l'usage d'un nom commercial antérieur mais ne justifie pas que les conditions de l'article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle seraient remplies, cette société n'établissant pas qu'elle exploiterait le nom commercial « Le Marquis » de façon continue, publique et non équivoque antérieurement au dépôt des marques de la société Nextone Résidence ; qu'à tout le moins, au jour du dépôt de ces marques, le nom commercial utilisé pour exploiter l'hôtel de la société Hôtel [7] était exclusivement « Hôtel Le Marquis Eiffel » qu'elle a abandonné à la date d'introduction de l'action en justice ; que ce n'est que postérieurement au dépôt des marques de la société Nextone Résidence que la société Hôtel [7] a commencé à exploiter le nom commercial « Le Marquis » et à promouvoir son hôtel sous ce nom.
Les appelantes répliquent que la société Hôtel [7] exploite de manière personnelle, continue, paisible et non équivoque, la dénomination commerciale « Le Marquis » depuis 2001, antérieurement au dépôt des marques de la société Nextone Résidence, notamment par le biais du site internet de l'hôtel « Le Marquis » ; que cette société ne démontre pas un « glissement » de cette dénomination commerciale pour de nouveaux noms commerciaux ; qu'en toute hypothèse, l'élément essentiel, distinctif, dominant et attractif pour la clientèle est l'élément « Le Marquis » ; que la société Nextone Résidence ne peut invoquer des actes de contrefaçon de ses marques compte tenu de l'antériorité de l'usage du signe « Le Marquis » par la société Hôtel [7].
Sur ce :
En vertu de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.
Selon l'article L.713-6 II du code de la propriété intellectuelle, une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, de portée locale, lorsque cet usage est antérieur à la date de la demande d'enregistrement de la marque et s'exerce dans les limites du territoire où ils sont reconnus.
La société Nextone Résidence justifie que la société Hôtel [7] utilise dans sa communication commerciale les dénominations « Le Marquis », « Hôtel Le Marquis », « Marquis Eiffel » et « Hôtel Le Marquis Suffren » pour identifier son établissement.
Les sociétés Helionwood et Hôtel [7] produisent aux débats de nombreux articles de la presse spécialisée dans le tourisme (Le Quotidien du Tourisme, Tour Hebdo, Univers des Voyages) ou généraliste (L'Industrie, L'Express, Atmosphères) divulguant au public l'hôtel exploité par la société Hôtel [7], ouvert le 15 janvier 2004, sous le nom « Le Marquis ».
Elles communiquent également les tarifs de l'année 2005, un contrat de collaboration tarifaire du 1er avril 2007 au 31 octobre 2007, un accord de parution sur un site de référencement et les tarifs communiqués à des réservataires et partenaires commerciaux pour 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 établissant que l'hôtel était effectivement exploité sous le nom commercial « Hôtel Le Marquis », la société Hôtel [7] utilisant pour la promotion de ses services l'adresse internet www.lemarquisparis.com à compter de 2005.
Il résulte de ces éléments la preuve suffisante qu'antérieurement au dépôt des marques de la société Nextone Résidence, la société Hôtel [7] utilisait de manière continue, publique et non équivoque, le nom commercial « Le Marquis » et « Hôtel Le Marquis » pour identifier son établissement hôtelier.
Par conséquent, c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'existence d'un droit antérieur sur ces signes faisant échec aux demandes formées par la société Nextone Résidence au titre de la contrefaçon. Le jugement sera donc confirmé sur ce chef.
4- Sur les demandes formées par les sociétés Helionwood et Hôtel [7] au titre de la concurrence déloyale et parasitaire :
Les sociétés Helionwood et Hôtel [7] font valoir qu'au regard de leurs droits antérieurs sur le signe « Le Marquis », son usage par la société Nextone Résidence engendre un risque de confusion manifeste dans l'esprit de la clientèle à leur préjudice, constitutif de concurrence déloyale et parasitaire ; qu'il n'est pas justifié qu'elles auraient toléré l'exploitation des marques de la société Nextone Résidence, une hypothétique tolérance n'étant pas de nature à ôter aux agissements parasitaires de cette société leur caractère fautif ; que la société Nextone Résidence a cherché à capter leurs investissements, leur occasionnant un important préjudice commercial, leur clientèle étant identique.
La société Nextone Résidence réplique que les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ont été déclarées irrecevables à agir contre ses marques et, partant, contre l'usage de ces signes ; que ces sociétés ne peuvent donc solliciter, sur le fondement du droit commun, l'interdiction de l'usage des marques de la société Nextone Résidence à titre de nom commercial, ni se prévaloir du caractère fautif du dépôt de ces marques, en raison de leur inaction, dès lors qu'elles ont toléré l'exploitation de l'hôtel de cette société sous les signes contestés ; que la société Nextone Résidence s'est bornée à reprendre un signe lui appartenant du fait du dépôt de ses marques antérieures, lequel a été utilisé conformément à ce dépôt ; que les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ne peuvent remettre en cause les termes de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 juillet 2021 ayant autorité de chose jugée ; que la forclusion par tolérance de l'action en contestation des marques s'étend nécessairement à l'usage de ces marques, qui ne peut être remis en cause sous couvert d'un fondement de droit commun tiré de la concurrence déloyale et parasitaire ; que la société Nextone Résidence n'a pas cherché à alimenter un quelconque risque de confusion entre ses services et ceux offerts par la société Hôtel [7] ; qu'il n'est pas justifié que la société Nextone Résidence aurait fautivement cherché à profiter des investissements et du savoir-faire d'un hôtel d'une catégorie inférieure ; qu'enfin, les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ne justifient d'aucun préjudice.
Sur ce :
Il convient de rappeler que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme, lequel est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens du texte susvisé, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit, qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
En l'espèce, il est rappelé qu'aux termes de son ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal a déclaré les sociétés Helionwood et Hôtel [7] irrecevables en leur demande en nullité des marques déposées par la société Nextone Résidence du fait de la forclusion par tolérance prévue par l'article L.716-2-8 du code de la propriété intellectuelle, les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ne pouvant ignorer l'exploitation des signes de la société Nextone Résidence.
C'est à bon droit que la société Nextone Résidence oppose que la forclusion par tolérance empêche non seulement d'agir en nullité de ses marques, mais également de s'opposer à leur usage.
Les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ne justifient d'aucun fait distinct de la seule exploitation des marques de la société Nextone Résidence de nature à caractériser des actes de concurrence déloyale à leur préjudice par la création fautive d'un risque de confusion avec les droits antérieurs sur le signe « Le Marquis », pas plus que la société Nextone Résidence aurait cherché à se placer dans leur sillage en déposant ses marques et à profiter sans bourse délier de leurs investissements, lesquels ne sont pas justifiés.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Helionwood et Hôtel [7] de leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
5- Sur les demandes formées par la société Nextone Résidence au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme :
La société Nextone Résidence soutient qu'en imitant sans autorisation le nom commercial « Marquis » par la mention « Le Marquis », les sociétés Helionwood et Hôtel [7] ont commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice, celles-ci ayant modifié fautivement leur nom commercial en abandonnant les éléments propres à l'adresse de l'établissement Suffren puis Eiffel, pour se placer comme le seul hôtel Marquis à [Localité 11] afin de capter la clientèle de la société Nextone Résidence et bénéficier de sa renommée, l'hôtel qu'elle exploite bénéficiant de la catégorie 5 étoiles et faisant partie de l'association Relais & Châteaux, en détournant ses efforts de promotion et la réputation qu'elle a acquise.
Les sociétés Helionwood et Hôtel [7] répliquent que ces demandes ne peuvent prospérer, le tribunal ayant retenu un droit antérieur à leur profit sur le nom commercial « Le Marquis ».
Sur ce :
C'est à bon droit que le tribunal a retenu qu'en raison de l'utilisation du nom commercial « Le Marquis » par la société Hôtel [7] avant le dépôt des marques de la société Nextone Résidence, les faits de concurrence déloyale et parasitaire invoqués par cette société devaient être écartés, étant ajouté au demeurant que la société Nextone Résidence ne justifie d'aucune faute distincte de la libre utilisation de ce signe exploité dès l'origine, pas plus que d'une reprise de ses investissements.
6- Sur les demandes accessoires :
Le jugement sera confirmé du chef du dépens et de l'indemnité pour frais irrépétibles allouée à la société Nextone Résidence.
Les sociétés Helionwood et Hôtel [7] seront condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
Y AJOUTANT
CONDAMNE in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] aux dépens d'appel,
EN APPLICATION de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, CONDAMNE in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel [7] à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10 000 euros et REJETTE la demande formée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix à ce titre.