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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 6 décembre 2024, n° 22/03459

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 22/03459

6 décembre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03459 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ITJ7

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE D'AUBENAS

20 septembre 2022 RG :2021 3024

S.A.S.U. MAZET MESSAGERIE

C/

Société COMPTOIR MOURSOIS DE DISTRIBUTION

Grosse délivrée

le 06 décembre 2024

à :

Me Emmanuelle VAJOU

Me Clotilde LAMY

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2024

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AUBENAS en date du 20 Septembre 2022, N°2021 3024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Christine CODOL, Présidente de Chambre

Claire OUGIER, Conseillère

Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Novembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S.U. MAZET MESSAGERIE, Société par actions simplifiée unipersonnelle, immatriculée au RCS de AUBENAS sous le n° 492 486 402, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Bertrand POYET de la SELARL CHOULET PERRON AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON substitué par Me Mildred JACQUOT,avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SAS COMPTOIR MOURSOIS DE DISTRIBUTION COMODIS, SAS au capital de 37.925,00 €, immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le numéro 326 981 560,prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités au siège social sis,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Renaud FOLLET de la SELAS CABINET FOLLET RIVOIRE COURTOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 07 Novembre 2024

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 06 Décembre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 26 octobre 2022 par la SASU Mazet messagerie à l'encontre du jugement rendu le 20 septembre 2022 par le tribunal de commerce d'Aubenas dans l'instance n° RG 2021 3024 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 31 janvier 2023 par la SASU Mazet Messagerie, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 19 avril 2023 par la SAS Comptoir moursois de distribution (Comodis), intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 21 mai 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 7 novembre 2024.

Sur les faits

La société Mazet Messagerie est spécialisée dans le secteur d'activité du transport, de la messagerie et du fret. La société Comodis est quant à elle spécialisée dans le commerce de produits et de matériel pour l'hygiène et l'entretien à destination des professionnels ainsi que les équipements de protection.

La S.A.S. Comodis a eu recours aux services de la SASU Mazet Messagerie afin d'acheminer ses produits chez ses clients sortant de sa zone géographique, à partir du mois de mai 2010.

Par courrier du 20 août 2020, la S.A.S. Comodis s'est plainte auprès de la SASU Mazet Messagerie de la qualité de ses prestations et a indiqué attendre sa proposition d'indemnisation sur le manque à gagner et la perte significative de ses gros clients, comme [...] et le groupe [...].

Par courrier du 16 février 2021, la SASU Mazet Messagerie a reproché à la S.A.S. Comodis d'avoir brusquement arrêté de lui remettre de la marchandise à compter du 26 janvier 2021 et lui a réclamé une indemnité de 28 330,80 euros correspondant à 40% du chiffre d'affaires manquant.

Par courrier du 26 février 2021, la S.A.S. Comodis a répondu à la SASU Mazet Messagerie qu'elle n'était pas venue récupérer les marchandises qui lui étaient destinées depuis le début du mois de février 2021 et que c'était donc elle qui était à l'origine de la rupture des relations commerciales. La S.A.S. Comodis a proposé à la SASU Mazet Messagerie de respecter un délai de préavis de trois mois commençant à compter du refus de venir retirer les marchandises.

Par courrier du 5 mars 2021, la SASU Mazet Messagerie a maintenu sa demande d'indemnité pour rupture abusive.

Par courrier du 26 mars 2021, la S.A.S. Comodis a proposé à la SASU Mazet Messagerie de porter le préavis à six mois expirant au 31 juillet 2021.

Sur la procédure

Par exploit du 21 juin 2021, la SASU Mazet Messagerie a assigné la S.A.S. Comodis en indemnisation devant le tribunal de commerce d'Aubenas.

Par jugement du 20 septembre 2022, le tribunal s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige et a :

- Constaté que la société Mazet Messagerie était à l'origine de la rupture des relations commerciales la liant à la société la S.A.S. Comodis,

- Débouté la société Mazet Messagerie de sa demande de paiement de la somme de 28.330 euros HT au titre de la perte de marge brute subie sur la période de préavis de six mois,

- Débouté la société Comodis de sa demande de condamnation de la société Mazet Messagerie à lui payer de la somme de 10.000 euros, en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale de la relation commerciale,

- Condamné la société Mazet Messagerie à payer à la société Comodis la somme de 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Mazet Messagerie aux entiers dépens d'instance, dont ceux de greffe liquidés à 69,59 euros TTC,

- Débouté les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions.

La SASU Mazet Messagerie a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir annuler ou à tout le moins réformer en ce qu'elle a :

- Constaté que la société Mazet Messagerie était à l'origine de la rupture des

relations commerciales la liant à la société la S.A.S. Comodis,

- Débouté la société Mazet Messagerie de sa demande de paiement de la somme de 28.330 euros HT au titre de la perte de marge brute subie sur la période de préavis de six mois,

- Condamné la société Mazet Messagerie à payer à la société Comodis la somme de 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Mazet Messagerie aux entiers dépens d'instance, dont ceux de greffe liquidés à 69,59 euros TTC,

- Débouté la SASU Mazet Messagerie de ses plus amples demandes, fins et conclusions.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, la société Mazet messagerie, appelante, demande à la cour de :

« La déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Constaté que la société Mazet messagerie est à l'origine de la rupture des relations commerciales la liant à la société Comodis,

- Débouté la société Mazet messagerie de sa demande de paiement de la somme de 28.330 euros HT au titre de la perte de marge brute subie sur la période de préavis de six mois,

- Condamné la société Mazet messagerie à payer à la société Comodis la somme de 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Mazet messagerie aux entiers dépens d'instance, dont ceux de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros TTC,

- Débouté la société Mazet messagerie de ses plus amples demandes, fins et conclusions.

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Comodis à payer à la société Mazet messagerie la somme de 28 330 euros au titre de la perte de marge brute subie sur la période de préavis de 6 mois,

- Débouter la société Comodis, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.

- Condamner la société Comodis, à payer à la SASU Mazet messagerie, la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel ».

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que le volume des remises de marchandises s'est, sans aucune justification, considérablement réduit à partir du 7 janvier 2021. Ainsi, en janvier, sur les dix passages planifiées, au moins cinq se sont avérés totalement vains. Le 26 janvier 2021, la S.A.S. Comodis a mis définitivement fin au partenariat, sans qu'aucun courrier de résiliation ne soit adressé, ni même un préavis respecté. Dans ces conditions, c'est l'intimée qui a pris l'initiative de la rupture en cessant de confier des marchandises à la SASU Mazet Messagerie. La société intimée n'a jamais prouvé que les prestations de la société Mazet Messagerie étaient inadaptées. Elle n'a jamais prouvé avoir perdu le client [...] qui aurait justifié une baisse de flux, ni même que cette perte aurait été imputable à la société Mazet Messagerie. La S.A.S. Comodis se contredit dans les courriers produits. Les factures produites entre août et septembre 2020 démontrent que la société Mazet Messagerie a continué de livrer le groupe [...]. En décembre 2020, la société Mazet Messagerie a livré de 140 positions à [...] pour le compte de la S.A.S. Comodis mais seulement 24 des 27 positions prévues en janvier 2021. Des documents de transports communiqués par la S.A.S. Comodis prouvent que les livraisons au groupe [...], précédemment confiées à la société Mazet Messagerie, ont été réalisées en janvier 2021, pour le compte de la société intimée, par la société de transport [...]. Compte tenu de l'ancienneté des relations contractuelles, la S.A.S. Comodis aurait dû respecter un préavis de six mois avant d'y mettre un terme. Aucune mission n'a été confiée à la SASU Mazet Messagerie, pendant la durée du préavis, qui ne pouvait être discuté et fixé postérieurement à la rupture.

L'appelante indique que le préjudice de la partie qui subit une rupture contractuelle immédiate est évalué en fonction de la perte de marge brute consécutive sur la période de préavis qui aurait dû être respectée. Le taux de marge brut moyen doit être fixé à 40 %. Le chiffre d'affaires mensuel était de 11.804 euros HT. L'indemnité doit donc être évaluée à la somme de 28 330 euros sur une période de six mois.

Dans ses dernières conclusions, la société Comodis, intimée, demande à la cour, au visa des articles 46 du code de procédure civile, L446-1 et D441-5 du code du commerce, de :

« Rejetant toutes fins et demandes contraires,

Confirmer intégralement le jugement entrepris et ce faisant,

Dire et juger que la société Comodis n'a pas rompu de manière brutale les relations commerciales avec la société Mazet messagerie ;

Dire et juger que la société Mazet messagerie est à l'origine de la rupture des relations commerciales ;

Constater que la société Mazet messagerie a expressément refusé la réalisation d'un préavis en cessant d'affecter de chauffeur dans les locaux de la société Comodis ;

Débouter par conséquent à titre principal la société Mazet messagerie de toute demande visant à réparer un quelconque préjudice lié à la perte de chiffre d'affaires potentiel durant le temps du préavis de 6 mois ;

Dire et juger à titre subsidiaire que le chiffre d'affaires potentiel durant le temps du préavis doit s'apprécier au regard de la facture de janvier 2021 correspondant à la réalité de l'activité suite à la perte de client par la société Comodis depuis le mois d'août 2020 ;

Fixer la perte de chiffre d'affaires potentiel durant le préavis à la somme de 6441,60 euros HT

Dire et juge que le préjudice subi doit s'apprécier au regard de la perte de marge nette de la société Mazet messagerie ;

Condamner la société Mazet messagerie à payer à la société Comodis la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner enfin la société Mazet messagerie aux entiers dépens de l'instance. ».

L'intimée rétorque qu'elle n'a procédé à aucune résiliation des relation commerciales, et qu'à l'inverse, c'est la société Mazet Messagerie qui en est à l'origine. La SASU Mazet Messagerie a été parfaitement avisée, dès le mois d'août 2020, des raisons de la baisse significative de marchandises. La SASU Mazet Messagerie, parfaitement consciente que la perte par la société Comodis de ses deux plus gros clients, allait impacter à terme le flux de prestations a cru bon pouvoir modifier les conditions tarifaires de ses prestations. La SASU Mazet Messagerie a cessé volontairement toute diligence pendant le temps des échanges entre les parties sur les conditions tarifaires. Elle n'a plus acheminé de chauffeur auprès de la société Comodis à compter du 25 janvier 2021. De bonne foi et de surcroît soucieuse de maintenir les relations qu'elle entretenait avec ce partenaire commercial, la S.A.S. Comodis a proposé à la société appelante, malgré la baisse de son flux de commandes, de maintenir des prestations de livraisons pendant une durée de six mois.

S'agissant du préjudice, l'intimée fait observer qu'il appartient à l'appelante de justifier de son taux de marge nette puisqu'elle n'a engagé aucun frais. Son calcul du chiffre d'affaires prévisible, durant le temps de préavis, n'est pas conforme à la réalité dans la mesure où elle ne prend pas en considération la perte conséquente de flux annoncée depuis le 20 août 2020.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la responsabilité de la S.A.S. Comodis

La SASU Mazet messagerie ne recherche pas la responsabilité de la SAS Comodis sur le fondement de l'article L.442-1 du code de commerce mais se prévaut de l'application des stipulations contenues dans les conditions générales de vente messagerie, conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil.

La SASU Mazet messagerie verse au débat un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 14 décembre 2021 qui établit que la SAS Comodis a bien accepté ses conditions générales de vente qui prévoient en leur article 10 que les relations contractuelles peuvent être résiliées par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de six mois quand la durée d'exécution du contrat est supérieure à trois ans, comme c'est le cas en l'espèce.

La SASU Mazet messagerie justifie en produisant sa facture n°10103285 du 31 janvier 2021, des relevés GPS et un message électronique récapitulatif du 2 mars 2021 qu'à partir du 8 janvier 2021, le volume des remises qui lui a été confié par la SAS Comodis s'est considérablement ralenti et qu'elle a effectué entre le 8 et le 22 janvier 2021 au moins cinq passages en vain au siège de la SAS Comodis qui ne lui a donné aucune palette à ramasser.

Dès son courrier du 20 août 2020, la SAS Comodis s'est prévalue de la perte significative de certains de ses gros clients, comme [...] et le groupe [...]. Dans son courriel du 2 février 2021, la SAS Comodis a encore rappelé à la SASU Mazet messagerie qu'elle avait perdu son plus gros client [...], 'comme exprimé à chaque communication tout au long de 2019 et de 2020". Dans son courrier du 26 mars 2021, la SAS Comodis a, à nouveau, expliqué la baisse brutale du recours aux services de la SASU Mazet messagerie, par la perte de son plus gros client 'la société [...]', en précisant que ce client représentait plus de 90% des livraisons dont la SASU Mazet messagerie avait la charge.

Cependant, les factures d'août à novembre 2020 libellées à l'ordre de la SAS Comodis démontrent que la SASU Mazet messagerie a continué à livrer la société [...], pour le compte de la SAS Comodis, au cours de cette période. De plus, les documents de transport qui ont été adressés à la SASU Mazet messagerie, dans le message électronique du 28 janvier 2021, établissent que la SAS Comodis a encore envoyé, les 28 et 29 janvier 2021, des marchandises à la société [...] en utilisant les services d'un autre transporteur que la SASU Mazet messagerie.

La perte du client [...] que la SASU Mazet messagerie était chargée principalement de livrer n'est ainsi pas avérée. La SAS Comodis ne rapporte donc aucunement la preuve de la baisse involontaire de sa propre activité pour justifier la modification substantielle du volume de transport imposée à la SASU Mazet messagerie, à partir du mois de janvier 2021.

Il s'en suit que c'est bien la SAS Comodis qui est à l'origine de la rupture des relations commerciales. Cette rupture est intervenue avant même que la SAS Comodis ne propose à la SASU Mazet messagerie, par courrier du 26 février 2021, de poursuivre leur collaboration durant un préavis de trois mois, puis par courrier du 26 mars 2021, durant un préavis de six mois.

Le préavis accordé doit être effectif, ce qui signifie que pendant cette période, la relation commerciale doit se poursuivre aux conditions antérieures et que les modifications éventuellement apportées ne doivent pas être substantielles (Com., 24 juin 2020, n°18-25.517).

Il ne saurait être fait grief à la SASU Mazet messagerie de ne plus s'être présentée à partir du 26 janvier 2021, compte-tenu des cinq passages effectués précédemment en vain au siège de la SAS Comodis et du faible nombre prévisible de livraisons qui allaient lui être confiées par cette dernière. En effet, la SAS Comodis n'entendait pas, pendant la durée du préavis, poursuivre la relation commerciale aux conditions antérieures, puisqu'elle se retranchait derrière la perte du client [...], annoncée depuis le 20 août 2020, représentant 90% du volume de transport confié à la SASU Mazet messagerie.

Il convient, par conséquent, de constater que la SAS Comodis n'a pas respecté le délai contractuel de préavis de six mois et qu'elle doit indemniser la SASU Mazet messagerie, à ce titre.

Le jugement critiqué sera ainsi infirmé en ses dispositions soumises à la cour.

2) Sur le montant du préjudice subi

Le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est à dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période (Com. 28 juin 2023, n°21-16.940).

La SAS Comodis soutient que, le calcul de la perte de chiffre d'affaire prévisible durant le temps de préavis ne doit pas s'effectuer sur la base de l'année 2020 mais en prenant en considération la perte conséquente de flux annoncé depuis le 20 août 2020.

La relation commerciale aurait du se poursuivre pendant la durée du préavis aux conditions habituelles du contrat. Il n'y a donc pas lieu d'apprécier le chiffre d'affaires au regard de la seule facture de la SASU Mazet messagerie du mois de janvier 2021 mais des prestations réalisées les années précédentes au cours desquelles l'activité n'avait pas été encore réduite du fait de la SAS Comodis.

La SASU Mazet messagerie verse au débat une attestation d'un expert comptable qui indique qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 141 654 euros hors taxes avec la SAS Comodis en 2020 et un taux de marge brute moyen de 40% (taux moyen dans l'activité de transport).

Cette attestation non étayée par des éléments concrets et qui se réfère au taux moyen dans l'activité de transport, sans déterminer précisément la marge effectivement réalisée par la SASU Mazet messagerie, dans ses relations commerciales avec la SAS Comodis, est insuffisante pour établir le préjudice subi par l'appelante. Il convient, par conséquent, d'ordonner une mesure d'expertise comptable dont les frais seront avancés par cette dernière.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Dit que la SAS Comodis est à l'origine de la rupture des relations commerciales avec la SASU Mazet messagerie

Dit que la SAS Comodis doit indemniser la SASU Mazet messagerie du préjudice subi du fait du non respect du préavis contractuel de six mois,

Avant dire droit sur la demande d'indemnisation de la SASU Mazet messagerie,

Ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder Monsieur [L] [Z] [Adresse 5] : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX02] Mèl : [Courriel 8], avec mission de :

- Convoquer les parties et leurs conseils

- Entendre les parties en leurs dires et explications, et éventuellement tout sachant;

- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il jugera nécessaires à l'accomplissement de sa mission, dans le respect du principe du contradictoire;

- Fournir tous éléments permettant de déterminer le préjudice économique subi par la SASU Mazet messagerie du fait du non respect du préavis de six mois

- Déterminer le chiffre d'affaires hors taxe escompté par la SASU Mazet messagerie dans ses relations commerciales avec la SAS Comodis, sur une période de six mois, à partir des chiffres d'affaires des années 2018, 2019 et 2020,

- Déterminer les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis du 26 janvier au 26 juillet 2021, ainsi que le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période

- Faire toutes observations utiles à la détermination du préjudice économique subi par la SASU Mazet messagerie du fait de la rupture brutale des relations commerciales avec la SAS Comodis

Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, l'expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport;

Dit que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile, qu'il pourra, conformément aux dispositions de l'article 278 du code de procédure civile, s'adjoindre d'initiative un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne,

Dit que les frais d'expertise seront avancés par la SASU Mazet messagerie qui consignera à cette fin au greffe de ce tribunal, la somme de 2 000 euros pour provision à valoir sur la rémunération de l'expert, dans le délai d'un mois suivant le prononcé de la présente décision;

Dit qu'à défaut de consignation selon les modalités fixées, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime, ne décide d'une prorogation du délai ou du relevé de forclusion,

Désigne le président de la chambre commerciale en qualité de magistrat chargé du contrôle des expertises, ou tout magistrat délégué par lui,

Dit que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, les entendre en leurs observations et répondre à leurs dires,

Dit qu'il sera pourvu au remplacement de l'expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du code de procédure civile,

Dit qu'après avoir provoqué les observations des parties, en leur soumettant un rapport préalable et en leur impartissant à cette fin un délai raisonnable, l'expert établira son rapport dans un délai de huit mois à compter de la réception de l'avis qui lui sera donné par le secrétariat greffe du caractère effectif de la consignation, et dit qu'il en remettra une copie à chacune des parties ou à leurs représentants, en faisant mention de cette remise sur l'original,

Dit que s'il estime insuffisante la provision fixée, l'expert devra, lors de la première convocation ou au plus tard lors de la deuxième, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant de ses honoraires et débours,

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 6 février 2025 à 9 heures 30 pour vérifier le versement de la consignation et prendre toutes mesures utiles du fait de ce versement ou non versement,

Y ajoutant,

Réserve les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,