CA Nancy, 1re ch., 9 décembre 2024, n° 23/00986
NANCY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cunin-Weber
Conseillers :
M. Firon, Mme Olivier-Vallet
FAITS ET PROCÉDURE :
[W] [M], décédé le [Date décès 8] 1983, a laissé pour lui succéder :
- [I] [N], sa conjointe survivante, décédée le [Date décès 11] 2002,
- Madame [T] [M], sa fille,
- Monsieur [G] [Y], son petit-fils, lequel venait par représentation de sa mère pré-décédée, [MB] [M].
Il dépend de la succession de Monsieur [W] [M] un immeuble composé de locaux commerciaux et d'appartements situés [Adresse 16] à [Localité 24] (88).
En 1'absence de Monsieur [G] [Y], demeuré sans adresse connue pendant plusieurs années, Madame [T] [M] a confié la gestion de 1'indivision à Maître [V], notaire au sein de la SCP [V]-[S]-Gunslay, notaires à [Localité 24] et a donné un mandat de gestion de l'immeuble indivis à l'agence [17], située à [Localité 24].
[G] [Y] est décédé accidentellement le [Date décès 14] 2018, laissant pour lui succéder :
- Monsieur [TI] [Y], son père, héritier pour le quart,
- Madame [J] [Y], sa s'ur, héritière pour les trois quarts.
Par acte du 10 mars 2020, Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] ont assigné Madame [T] [M] devant le tribunal judiciaire d'Epinal, aux fins :
- de constater qu'ils sont fondés à agir en leur qualité d'héritiers venant aux droits de feu [G] [Y],
- de constater que Madame [T] [M] a perçu plus que la part lui revenant, s'agissant des fruits produits par l'immeuble sis [Adresse 16] à [Localité 24],
- de constater que ladite perception s'est effectuée de sa part, avec une totale mauvaise foi,
- de condamner Madame [T] [M] à leur rembourser une somme de 17198 euros avec intérêts au taux légal se capitalisant chaque année, à compter de son entrée en jouissance des fonds perçus indûment,
- de constater que Madame [T] [M] a consenti à la perception par l'office notarial saisi d'une somme de 6084,64 euros à titre d'honoraires, en sus des émoluments lui revenant et ce, sans l'accord de feu [G] [Y], sans établissement d'une convention préalable d'honoraires et sans même l'envoi par l'office notarial d'un avis écrit informant du caractère onéreux de sa prestation et du montant estimé de sa rémunération,
- de constater que les honoraires ont été perçus en toute illégalité,
- de constater, en outre, que les honoraires ont été exposés dans le seul intérêt de Madame [T] [M] en vue de la protéger des indélicatesses dont elle s'est rendue coupable dans sa gestion de fait de l'indivision,
- de condamner Madame [T] [M] à leur rembourser la somme de 6084,64 euros avec intérêts au taux légal se capitalisant chaque année, à compter du versement indu des honoraires,
- de constater que les deux promesses de porte fort consenties par Madame [T] [M] pour le compte de feu [G] [Y] n'ont pas été ratifiées par l'intéressé,
- de déclarer les actes notariés des 27 décembre 1995 et des 29 novembre et 1er décembre 2011 frappés de nullité absolue,
- d'appliquer à l'encontre de Madame [T] [M] les règles du recel successoral s'agissant de la somme de 17198 euros perçue indûment par elle et dire que ladite somme viendra en déduction de la part successorale lui revenant.
Par acte du 4 août 2020, Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] ont fait assigner Madame [T] [M] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Epinal, au visa des articles 834 et 264 du code civil, aux fins :
- de donner acte à Madame [T] [M] de son accord pour qu'ils disposent d'un trousseau des clés de l'immeuble situé [Adresse 16] à [Localité 24], ainsi que de chaque local ou appartement dudit immeuble, qu'il soit libre ou occupé,
- de dire que Madame [T] [M] devra faire parvenir les clés à Monsieur [TI] [Y], sous astreinte de 15,00 euros par jour de retard à compter du jour du prononcé de la décision à intervenir,
- d'ordonner le versement de la moitié des locations à échoir de l'immeuble situé [Adresse 16] à [Localité 24], ainsi que la remise de la moitié du solde du compte leur revenant ouvert en l'[23], pour la gestion de 1'immeuble précité, entre les mains de Maître [D] [A], notaire à [Localité 18], en tant que notaire chargé du règlement de la succession de Monsieur [G] [Y].
Par ordonnance du 18 novembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Epinal, saisi par Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] relativement à l'accès à l'immeuble de [Localité 24] a :
- donné acte à Madame [T] [M] de ce qu'elle a déposé un jeu des clés de l'immeuble à l'agence [17] située [Adresse 2] à [Localité 24], laquelle les tient à la disposition des consorts [Y],
- rejeté toutes les demandes des consorts [Y],
- condamné solidairement les consorts [Y] à payer à Madame [T] [M] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement les consorts [Y] aux dépens.
Par jugement contradictoire du 21 juillet 2022, le tribunal judiciaire d'Epinal a :
- condamné Madame [T] [M] à verser une somme de 4299,50 euros à Monsieur [TI] [Y] et une somme de 12898,40 euros à Madame [J] [Y], outre les intérêts légaux à compter du 4 août 2020, date de l'assignation au fond,
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leur demande de capitalisation au titre de ces sommes,
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leur demande de remboursement dirigée contre Madame [T] [M] au titre des honoraires versés à l'[23], et de leurs demandes subséquentes d'intérêts et de capitalisation,
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leur demande de constat au titre de promesses de porte-fort,
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leur demande en nullité au titre des actes notariés des 27 décembre 1995, et des 29 novembre et 1er décembre 2011,
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leur demande au titre d'un recel successoral,
- fixé la rémunération de Madame [T] [M] en sa qualité de gérante d'indivision, à compter de l'année 2003 à une somme de 17198 euros et laissé à sa charge la moitié de cette somme,
- ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [W] [M], né le [Date naissance 3] 1914 à [Localité 24] et décédé le [Date décès 8] 1983 à [Localité 24] et de [I] [N], née le [Date naissance 7] 1907 à [Localité 25] et décédée le [Date décès 11] 2002 à [Localité 24], et la communauté ayant existé entre les époux,
- désigné Maître [P] [X], notaire à [Localité 24], pour y procéder et adresser au tribunal à l'issue de ses opérations, un projet de partage, après l'avoir soumis aux parties et à leurs avocats, avoir recueilli leurs avis et y avoir répondu, et annexé à son projet ces observations et réponses (...),
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage,
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit.
Pour statuer ainsi, le tribunal a, au visa des dispositions des articles 815-11, 1231-7 et 1352-7 du code civil, retenu un solde relatif à la location de 5079,60 euros au 27 mai 2019 ainsi qu'une part inégale sur la succession de 37500 euros pour [T] [M] et de 5079,60 pour [G] [Y] ; le trop perçu de 17198 euros est reconnu par [T] [M] ; cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande, en l'absence de toute preuve de mauvaise foi de la part de l'intimée et la capitalisation sera écartée faute d'être justifiée ;
Au vu de la part revenant à chaque héritier de [G] [Y], décédé le [Date décès 14] 2018, la condamnation au paiement de Madame [T] [M] sera de 4299,54 euros au profit de Monsieur [TI] [Y] et de 12898,40 euros au profit de Madame [J] [Y].
S'agissant des honoraires versés au notaire chargé de la gestion de l'immeuble indivis depuis 2003, de 6084,64 euros, ce à l'initiative de Madame [T] [M] cela représente 338 euros par an, ce qui n'apparaît pas excessif et cet acte d'administration a permis la perception de fonds par l'indivision ce qui justifie de débouter les consorts [Y] de la demande de leur remboursement;
Sur les demandes de constat de promesse de porte-fort et la nullité des deux actes notariés des 27 décembre 1995 et des 29 novembre et 1er décembre 2011 portant renouvellement de baux commerciaux, aucune opposition n'est établie de la part de Monsieur [G] [Y], nu-propriétaire à l'époque, d'autant que ce dernier a perçu des revenus consécutivement à ces actes ; la demande de nullité a, par conséquent, été écartée ;
Enfin le recel successoral n'a pas été retenu concernant la somme de 17198 euros, trop perçue par Madame [T] [M] en l'absence de preuve d'une volonté de spolier son co-indivisaire ;
La gérance de l'indivision ayant été faite par Madame [T] [M] depuis 2003, elle a effectivement fait des actes conservatoires et d'administration afin de continuer à valoriser l'immeuble indivis et d'en percevoir des revenus sans opposition de [G] [Y], ce qui justifie sa demande de rémunération qui sera fixée à la somme de 17198 euros pour 18 ans, dont la moitié sera laissée à la charge de l'intimé, co-indivisaire.
Au surplus les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision ont été ordonnées et confiées à Maître [P] [X], notaire à [Localité 24], selon une mission reprise dans le dispositif de la décision.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 28 octobre 2022, Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] ont relevé appel de ce jugement.
[TI] [Y] est décédé le [Date décès 1] 2023 à [Localité 26], il a laissé pour lui succéder :
- Madame [C] [Y], épouse séparée de biens,
- Madame [J] [Y], sa fille.
Suite à l'acte de notoriété du 16 mars 2023, établi par Maitre [D] [A], notaire à [Localité 18], transmis au greffe le 08 juin 2023, l'instance a été reprise au nom de Madame [C] [K] et Madame [J] [Y], venant aux droits de Monsieur [TI] [Y].
Par acte signifié le 30 octobre 2023, Mesdames [C] [K] et [J] [Y] ont fait assigner la S.A.R.L. [20] devant la cour d'appel de Nancy afin que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré commun et opposable.
Par conclusions d'incident reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 décembre 2023, la S.A.R.L. [20] a demandé au conseiller de la mise en état :
- de déclarer la mise en cause de la société [20] pour la première fois devant la cour d'appel irrecevable,
- de déclarer toutes les demandes formées par Mesdames [C] [K] et [J] [Y], à l'encontre de la société [20] irrecevables pour n'avoir pas été formées en première instance.
Par conclusions d'incident reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 9 janvier 2024, Mesdames [C] [K] et [J] [Y] ont demandé au conseiller de la mise en état :
- de désigner un expert judiciaire en graphologie aux fins de comparaison des écritures et signatures des courriers des 13 décembre 1997 et 14 octobre 2005,
- de statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ordonnance d'incident du 10 avril 2024, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable la mise en cause de la société [20] devant la cour,
- déclaré irrecevables les demandes formées par Mesdames [C] et [J] [Y] à l'encontre de la société [20],
- condamné Mesdames [C] et [J] [Y] aux dépens de l'incident,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 21 mai 2024.
Par une seconde ordonnance d'incident du 10 avril 2024, le conseiller de la mise en état a :
- constaté que la S.A.R.L. [20] retire sa pièce n° 9 de sa communication de pièces dans le cadre de la procédure au fond,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'expertise graphologique de Mesdames [C] et [J] [Y], devenue sans objet,
- débouté Madame [T] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- débouté les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale,
- renvoyé l'affaire à la mise en état du 21 mai 2024.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 18 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mesdames [C] et [J] [Y] demandent à la cour :
- de dire et juger leur appel recevable et bien fondé,
- de voir infirmer le jugement du 21 juillet 2022 en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leurs demandes de remboursement des honoraires versés à l'[23],
- débouté Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y] de leurs demandes au titre des promesses de porte-fort,
- débouté les consorts [Y] de leur demande de nullité des actes notariés des 27 décembre 1995 et des 29 novembre et 1er décembre 2011,
- fixé la rémunération due à Madame [T] [M] au titre de sa gérance de l'indivision à compter de l'année 2003 à une somme de 17198,00 euros et laisser à sa charge la moitié de cette somme,
- désigné Maître [P] [X] pour procéder aux opérations de compte, liquidation, partage,
Statuant à nouveau :
- de débouter Madame [T] [M] de sa demande de rémunération en qualité de gérante de l'indivision successorale,
- d'appliquer à l'encontre de Madame [T] [M] les règles du recel successoral s'agissant de la somme de 17198,00 euros perçue indûment par elle et dire que ladite somme viendra en déduction de la part successorale lui revenant,
- de condamner Madame [T] [M] à rembourser à Mesdames [C] [K] et [J] [Y] la somme de 6084,64 euros avec les intérêts au taux légal se capitalisant chaque année, à compter du versement indu des honoraires,
- de constater que les deux promesses de porte fort consenties par Madame [T] [M] pour le compte de feu [G] [Y] n'ont pas été ratifiées par l'intéressé,
- de prononcer l'annulation des actes notariés des 27 décembre 1995 et des 29 novembre et 1er décembre 2011 frappés de nullité absolue,
- de dire qu'il sera procédé conjointement aux opérations de liquidation et partage de la succession de feu [W] [M] par Maître [D] [A], notaire à [Localité 18] et Maître [H] [S], notaire à [Localité 24],
- d'ordonner la licitation judiciaire de l'immeuble sis à [Adresse 16],
- de désigner à l'effet de procéder à cette licitation Maître [D] [A], notaire à [Localité 18] et Maître [H] [S], notaire à [Localité 24], ou à défaut, d'accord de Madame [T] [M], de dire et juger que ladite licitation, aura lieu à l'audience des criées du tribunal judiciaire d'Epinal,
- de dire et juger que la mise à prix sera faite sur la base du rapport d'expertise-valeur vénale- de Madame [O] [E], expert judiciaire, rapport établi le 2 mars 2021 soit 430000 euros avec faculté de baisse de 15% puis encore si besoin était, à défaut d'enchère, de 15% à nouveau sans nouveau jugement et sans nouvelle publicité (pièce 16),
- à titre subsidiaire, de dire qu'en cas d'accord de Madame [T] [M], la licitation judiciaire pourra être ordonnée avec une mise à prix de 220000,00 euros,
(...)
- de dire que la publicité de la vente sera assurée par une publication dans un journal d'annonces légales et une autre dans un périodique du ressort du tribunal judiciaire d'Epinal, lieu de situation des biens, situés dans le département des Vosges,
- d'ordonner de tout enchérisseur, la consignation de garantie préalable de 30000 euros sur le compte de l'étude notariale de Maître [D] [A] ou de Maître [H] [S], notaires, ou de l'avocat poursuivant et ce, afin d'éviter toute folle-enchère,
- de confirmer le jugement du 21 juillet 2022 pour le surplus,
- de condamner Madame [T] [M] à régler à Mesdames [C] [K] et [J] [Y] en leur qualité d'ayants droits de Monsieur [TI] [Y] et Mme [J] [Y] la somme de 3000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Madame [T] [M] aux entiers dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 3 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [T] [M] demande à la cour :
- de déclarer l'appel recevable mais mal fondé,
En conséquence :
- de confirmer le jugement du 21 juillet 2022 du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions, sauf en ce que le tribunal a désigné Maître [X], notaire à [Localité 24],
Statuant à nouveau,
- de désigner conjointement Maître [D] [A], notaire à [Localité 18] et Maître [H] [S], notaire à [Localité 24] aux fins de procéder aux opérations de liquidation-partage,
- de dire que les sommes auxquelles Madame [M] a été condamnée à verser à Monsieur [TI] [Y] et Madame [J] [Y], le sont en deniers et quittances pour tenir compte de l'avance faîte par Maître [S] à Maître [A] d'une somme de 8000 euros,
- de constater l'irrecevabilité de la demande de licitation du bien immobilier indivis,
- d'enjoindre aux appelantes de verser aux débats le jugement de déclaration d'absence de [G] [Y] et les jugements d'adjudication de ses biens immobiliers ainsi que les actes notariés subséquents,
- si par impossible la cour d'appel ordonnait la licitation du bien, de dire que la faculté de baisse ne pourra être inférieure au prix plancher de 220000 euros,
- d'interdire la faculté de substitution dans le cahier des charges au profit des appelants,
Ajoutant au jugement,
- de condamner les appelantes à verser à Madame [T] [M] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner solidairement Madame [C] [K] et Madame [J] [Y] à verser à Madame [T] [M] la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts,
- de condamner les appelantes aux entiers dépens.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 24 janvier 2024, la société [20], assignée en intervention forcée, sollicite, l'irrecevabilité de sa mise en cause, en l'absence de décision du conseiller de la mise en état sur ce point,
à titre subsidiaire elle conclut à la confirmation du jugement du 21 juillet 2022 rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal, en ce qu'il a débouté les consorts [Y] de leur demande en nullité des baux notariés des 27 décembre 1995 et 29 novembre et 1er décembre 2014, disant et jugeant que [G] [Y], les a rétroactivement ratifiés, à la condamnation in solidum des consorts [Y] à lui payer une somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts outre 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 17 septembre 2024.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 7 octobre 2024 et le délibéré au 9 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Mesdames [J] [Y] et [C] [K] veuve [Y] le 18 juillet 2024, par Madame [T] [M] veuve [U] le 3 septembre 2024, et par la S.A.R.L. [20] le 24 janvier 2024, et visées par le greffe, auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile,
Sur la demande de remboursement des honoraires du notaire
Les appelantes entendent obtenir la condamnation de Madame [T] [M] veuve [U], à leur rembourser la somme de 6084,64 euros perçue à titre d'honoraires avec son accord, en sus des émoluments légaux, par la SCP [S]-Gunslay-Dubar, devenue entre-temps l'[23] ;
Ells considèrent que la perception d'honoraires, par un officier ministériel, doit faire l'objet de manière préalable, d'une convention d'honoraires, et ce, en application des dispositions de l'article L 444-1, alinéa 3 du code de commerce ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Elles indiquent qu'à aucun moment, feu [G] [Y] n'avait donné son accord, pour le versement desdits honoraires ; elles affirment qu'ils faisaient double emploi avec les honoraires de gestion encaissés par l'Agence Immobilière [17] ; elles contestent l'affirmation de l'intimée quand elle dit avoir souhaité que les comptes de l'indivision soient gérés par un officier ministériel, pour que la gestion soit totalement transparente ;
là encore elles relèvent qu'il n'est pas justifié que [G] [Y] a ratifié les opérations de gestion faites par [T] [M], avant son décès, à l'occasion de ses deux rencontres avec Maître [V] ;
Aussi l'intervention de l'office notarial ne s'est effectuée, que dans le seul intérêt de Madame [M] ; il constitue une dissipation par celle-ci, des deniers de l'indivision, au sens de l'article 1137 du code civil ce qui justifie qu'elle soit condamnée à leur remboursement ;
En réponse l'intimé s'étonne du fait que cette demande de remboursement d'honoraires n'a pas été formulée contre l'étude notariale qui les a perçus, qu'elle considère au demeurant prescrite ; or elle n'a pas perçu de fonds ;
De plus s'agissant de la pertinence de cette décision, acte d'administration courant, elle se réfère aux dispositions de l'article 815-8 du code civil qui précise que quiconque perçoit des revenus ou expose des frais pour le compte de l'indivision, doit en tenir un état qui est à la disposition des indivisaires ;
Madame [M] était donc tenue de présenter un état des revenus et des frais exposés et compte tenu de l'absence de [G] [Y], elle a sollicité un Officier Ministériel pour permettre de rendre une gestion et une comptabilité exemplaire ; elle rappelle qu'il s'agit d'une dépense entraînée par la gestion des biens indivis, qui est opposable à l'autre indivisaire ; en outre la dépense qu'elle a ainsi engagée peut être considérée comme étant nécessaire à la conservation du bien indivis ;
Elle ajoute que les honoraires demandés par le notaire ne sont en rien identiques à ceux de l'agence immobilière qui percevait uniquement les loyers pour les envoyer au notaire ; ce dernier était chargé d'établir le compte annuel et de régler les charges afférentes ; elle ajoute enfin que l'absence de convention d'honoraires n'entraîne pas l'illégalité des honoraires ;
L'obligation de conclure une convention d'honoraires pour un notaire résulte effectivement des dispositions de l'article L 444-1 alinéa 3 du code de commerce qui prévoit que 'les professionnels concernés concluent par écrit avec leur client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés' ;
Cependant ces dispositions protectrices du non professionnel, régissent les relations entre les co-contractants à l'exclusion de tiers au contrat ; dès lors cet argument développé par les appelantes à leur profit sera rejeté ;
Aux termes de l'article 815-2 du code civil 'tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.
Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.
A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coindivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires (...)' ;
L'article 815-8 du code civil qui régit les indivisions précise que quiconque perçoit des revenus ou expose des frais pour le compte de l'indivision, doit en tenir un état qui est à la disposition des indivisaires ;
En l'espèce il résulte des débats et des conclusions qu'à la demande de Madame [M], le notaire Maître [V] puis Maître [S], a effectivement justifié avoir perçu sur un compte d'indivision les différents loyers de 2003 à 2019 résultant des locations de l'immeuble par quatre agences immobilières successives ; il s'est également assuré du règlement du montant des prêts relatifs à l'immeuble, des remboursements d'assurance liés à un sinistre, du remboursement des contributions sociales, du règlement des taxes foncières, de la TVA, des factures d'eau, de la taxe d'habitation, des frais de procédure pour le recouvrement des loyers impayés liés à un lot de copropriété, du règlement des factures de travaux ; sa rémunération à ce titre, tel que relevé par le premier juge est de 338 euros par an, sur la base de 18 années (2003 à 2021) ;
Ces dépenses visant principalement à tenir le compte des mouvements comptables de l'indivision au sens de l'article 815-8 sus énoncé, mais aussi à assurer des paiements, ont été exposées par Madame [M], seule indivisaire présente et qui, à ce titre, s'est chargée d'assurer la gestion de ce bien, compte-tenu de la disparition sans laisser d'adresse de son neveu [G] [Y] ce, jusqu'en 2013 ; elles sont distinctes des frais exposés auprès de l'agence immobilière, destinés à la mise en location des appartements (trois) ;
Il est également à noter que les recherches du lieu d'établissement de [G] [Y] ont été réalisées par Maître [S], dans le cadre d'un mandat de la part de l'intimée ce qui démontre l'absence de volonté de sa part de prendre le contrôle de l'indivision, sans en rendre compte à l'autre indivisaire ;
Dès lors, le jugement déféré qui a retenu la légitimité de ce mandat en l'absence de preuve de l'opposition de [G] [Y] une fois revenu, au compte d'indivision établi conformément à la loi et eu égard au caractère modique de la rémunération ainsi perçue, sera confirmé ; la demande de paiement formée par les appelantes à ce titre sera rejetée ;
Sur la demande de nullité des baux commerciaux passés en la forme authentique
* Sur la recevabilité des demandes en intervention forcée contre la société [20]
Se fondant sur la décision rendue sur ce point par le conseiller de la mise en état de ce siège, la société [20] conclut, en tant que de besoin, à ce que la cour dise et juge que les demandes formées contre elle dans l'assignation en intervention forcée du 30 octobre 2023, pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
Au visa des dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, des motifs de l'ordonnance sus énoncée, et de l'absence de survenance d'un événement nouveau depuis son prononcé, ses motifs concluant à une irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée de la société [20], seront repris à ce stade de la procédure et justifient de prononcer l'irrecevabilité de l'appel en intervention forcée, émanant des appelantes ;
** Sur les demandes de nullité des baux commerciaux
Les appelantes indiquent qu'un bail à usage commercial a été consenti par acte notarié du 27 décembre 1995 à la société [20], pour le local de café restaurant, par Madame [I] [N] veuve [M], usufruitière à présent décédée et Madame [T] [M] nu-propriétaire ; elles se sont engagées par une promesse de porte-fort, à ce que Monsieur [G] [Y], ratifie le bail passé, par acte authentique, au cas où il viendrait à réapparaître, son adresse étant inconnue depuis des années ; ce dernier est également désigné comme nu-propriétaire ;
Ultérieurement, suite au décès de [I] [N] veuve [M] et, à l'occasion d'un renouvellement de bail commercial et par acte notarié daté des 29 novembre et 1er décembre 2011 avec la SARL [19], portant sur le salon de coiffure, Madame [T] [M] s'est engagée à l'acte, en tant que bailleur, tant en son nom personnel, qu'en qualité de gérante de l'indivision existant entre elle et Monsieur [G] [Y], son neveu ; ce dernier a été retrouvé étant domicilié [Adresse 9] à [Localité 15], mais n'a pas, pour autant, ratifié par acte authentique, les deux promesses de porte fort prises pour son compte en son absence, par Madame [T] [M] ce qui justifie l'annulation des deux acte notariés ;
En réponse Madame [M] relève que les appelantes contestent les deux actes notariés et promesses de porte-fort, alors que les consorts [Y] ont perçu des avances sur les revenus locatifs encaissés suite à la conclusion de ces baux ; elle affirme que son neveu retrouvé avait l'intention de ratifier ces baux, mais qu'il n'en a pas eu le temps étant décédé accidentellement le [Date décès 14] 2018 ; elle pose la question du fondement juridique de la demande des consorts [Y] ;
De plus, elle rappelle que le deuxième contrat de bail qu'elle a effectué était fait dans l'intérêt de l'immeuble indivis afin qu'il ne se déprécie pas et qu'il rapporte des fruits, ne pouvant être cédé en l'absence de son co-indivisaire ; elle affirme que le contrat principal n'est pas annulable nonobstant la promesse de porte-fort faite ; elle ajoute que le premier contrat de bail a été conclu par l'usufruitière et la nue-propriétaire en l'absence d'indivision ce qui exclut toute sanction s'y rapportant ; le bail souscrit avec la société [20] est versé aux débats (pièce 9) ainsi que le congé avec offre de renouvellement et le renouvellement de bail commercial avec la société [19] (pièces 11 et 12) ; elle affirme que son neveu a ratifié ces baux de manière tacite et en tout état de cause que la sanction ne serait pas leur nullité ;
Les dispositions de l'article 815-3 du code civil, énoncent que 'le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis (...),
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal ;
Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3° (vente)- (...)'
De plus l'article 815-4 du même code prévoit que ' Si l'un des indivisaires se trouve hors d'état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge.
A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un indivisaire en représentation d'un autre ont effet à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires' ;
Ainsi les règles de la gestion d'affaire sont définies aux article 1304-2 et suivants du code civil et prévoient :
'Celui dont l'affaire a été utilement gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt par le gérant. Il rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l'indemnise des dommages qu'il a subis en raison de sa gestion. Les sommes avancées par le gérant portent intérêt du jour du paiement' ;
'La ratification de la gestion par le maître vaut mandat' ;
' L'intérêt personnel du gérant à se charger de l'affaire d'autrui n'exclut pas l'application des règles de la gestion d'affaires. (...)'
Aux termes de l'article 1215 du code civil « on peut se porter fort en promettant le fait d'un tiers. Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts ; »
Il est constant qu'en l'espèce, depuis le décès d'[W] [M] le [Date décès 8] 1983 puis de sa conjointe survivante [I] [N], décédée le [Date décès 11] 2002, les affaires de l'indivision entre Madame [T] [M] et Monsieur [G] [Y], venant en représentation de sa mère [MB] [M] épouse [Y] prédécédée, ont été gérées par cette dernière, qui notamment a confié à Maître [V], notaire, la mission de dresser le compte d'indivision mentionnant les charges et revenus fonciers (pièces 4 et 8 intimée) ;
S'agissant des deux locaux commerciaux appartenant à l'indivision [M]-[Y], les baux ont été souscrits par Madame [M] au nom de l'indivision dont elle était la gérante ; pendant la disparition de [G] [Y], soit de 2004 à 2014, la signataire s'est portée fort pour son neveu (pièces 14 intimée) ;
Auparavant le bail commercial établi le 27 décembre 1995 au profit de la société [20], a été conclu par [I] [N], usufruitière et par Madame [T] [M] nue-propriétaire, se portant fort pour son neveu [G] [Y], 'autre nu-propriétaire momentanément absent' (pièce 9 page 1) ;
Ce dernier a ratifié pour le moins le contrat de bail commercial sus énoncé concernant le fonds de restauration exploité par la société [20], en faisant délivrer à son nom et celui de Madame [T] [M] un congé avec offre de renouvellement daté du 29 juin 2004 (pièce 12 intimée) ;
Par ailleurs, lorsque [G] [Y] a réapparu en 2014 après des recherches diligentées par le cabinet Coutot-Roehring, généalogistes, Maître [S] notaire en charge de l'établissement du compte de l'indivision, a écrit à Maître [L], conseil des appelantes, qu'il avait pris l'initiative de mandater ce cabinet pour retrouver [G] [Y] (pièce 14 intimée) ;
Maître [V], notaire initialement chargé de la gestion de l'indivision atteste également le 9 décembre 2023 avoir rencontré [G] [Y] avec sa tante, Madame [T] [M] en son office notarial le 19 mai 2017 (pièce 11 intimée) ; il indique qu'à cette occasion après que l'intimée a eu connaissance de la situation juridique et comptable de l'indivision 'en aucune manière il n'a remis en cause notre gestion, ni celle de Madame [M], qu'il a remerciée pour son dévouement et toutes les démarches qu'elle a accomplies sans vouloir demander rémunération. Lors de cette visite, il a été convenu que Madame [M] ne percevrait plus aucune somme jusqu'à ce que son neveu reçoive le même montant que ses avances, ou le récupère lors de la vente ou du partage de l'immeuble.
Monsieur [Y] n'a donc pas contesté les avances reçues par sa tante. Il nous a remis un RIB pour que nous puissions lui faire des virements mensuels(...)' (pièce 14 intimée) ;
Maître [F] [B], notaire à [Localité 24] a attesté le 7 décembre 2023 avoir remis la somme de 3000 euros à valoir sur les loyers commerciaux de l'indivision en cinq versements intervenus en 2017 (pièce 12 intimée) ;
Il est ainsi démontré qu'un accord portant sur l'émission d'un virement mensuel de 500 euros au bénéfice de [G] [Y] a été pris ; les arguments des appelantes développés en cause d'appel portant sur l'existence d'un état de faiblesse du bénéficiaire de ces sommes, ne sont établies par aucun élément probant ;
Dès lors, il résulte de ces éléments que [G] [Y] ne s'est pas opposé à la gestion de l'indivision par sa tante quand il en a eu connaissance en 2014 ; s'il n'a pas pu ratifier par écrit les deux baux commerciaux, il souhaitait le faire selon les mentions du notaire dans son attestation précitée et n'en a été empêché que par la survenance le [Date décès 14] 2018 de son décès accidentel ;
En conséquence, les demandes des appelantes portant sur la nullité des deux baux commerciaux ne sauraient prospérer, en ce qu'ils ont tacitement été ratifiés par [G] [Y] ; enfin la sanction de l'absence de ratification n'est aucunement la nullité du contrat mais son inopposabilité ;
Le moyen tiré de la nullité des contrats de baux commerciaux développé par les appelantes sera par conséquent rejeté ;
Sur la rémunération de la gérance
Aux termes de l'article 815-12 du code civil, l'indivisaire gérant a droit à une rémunération ; l'importance de celle-ci n'est pas limitée par ses résultats, le droit à rémunération ne dépendant pas de la réussite de l'exploitation mais de l'activité fournie par l'indivisaire gérant ;
Il est ainsi admis que 'l'indivisaire qui a géré l'indivision a droit à la rémunération de l'activité qu'il a fournie ; que les juges du fond fixent souverainement, à défaut d'accord amiable, les conditions de cette rémunération qui n'est pas limitée par les résultats de la gestion, sauf à tenir compte, le cas échéant, de la responsabilité éventuelle du gérant pour ses actes de gestion' (Cass. 1ere civ. 25 octobre 2005 n° 02.13787) ;
Les appelantes contestent cette demande en relevant d'une part, qu'il résulte des pièces produites et plus précisément du courrier de Maître [S] du 6 septembre 2019, que Madame [M] n'avait pas l'intention de réclamer de rémunération pour sa gestion de l'indivision, d'autre part qu'il est surprenant que le montant de 17198 euros sollicité à ce titre corresponde au trop perçu de l'intimée sur le fonds indivis ;
Ils réclament ainsi l'infirmation du jugement déféré qui a fixé le coût de la gestion à cette somme, chacune des parties étant débitrice de la moitié ;
En réponse, Madame [M] réclame la confirmation du jugement entrepris en listant les nombreuses tâches dont elle s'est acquittée pendant la gestion de l'indivision ; elle indique avoir dû contracter des emprunts pour la réalisation de travaux d'entretien de l'immeuble, alors que seule indivisaire présente, elle ne pouvait recourir à la vente du bien immobilier ;
Elle relève que le montant réclamé correspond à une somme annuelle de 1062,50 euros ce qui est raisonnable selon elle, au regard des responsabilités et charges qui ont été les siennes pendant 16 ans ;
L'article 815-12 du code civil prévoit que 'l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice' ;
Il résulte des développements précédents ainsi que des pièces produites par Madame [M], qu'elle a effectué seule la gestion de l'immeuble indivis après la disparition de ses parents, de ses frères et soeur ainsi que de son neveu, parti sans laisser d'adresse pendant 10 ans ;
De plus, le relevé de compte produit démontre que des sommes ont été encaissées au titre des loyers et que des charges et frais ont été exposés et payés ; sans l'intervention de Madame [M], les appartements et locaux commerciaux auraient pu rester sans locataires et s'abîmer alors qu'elle a permis à l'indivision gérée par ses soins pendant 16 ans, d'être bénéficiaire, et à l'immeuble indivis de conserver une valeur vénale au minimum de 240000 euros, s'agissant de plusieurs lots situés dans le centre ville de [Localité 24] ;
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fixé la rémunération de la gérance à la somme de 17198 euros, dont la moitié sera mise à la charge de Madame [M], co-indivisaire ;
Sur le recel successoral et la demande portant sur les intérêts de retard
S'agissant de la part de fruits de l'indivision trop perçue, les appelantes rappellent que Madame [M] a reconnu devoir restituer une somme de 17198 euros ; cependant elle a soutenu avoir reçu lesdits fonds de bonne foi et, à ce titre, ne pas être redevable des intérêts au taux légal, à compter de son entrée ; elles affirment que la recherche de [G] [Y], co-indivisaire parti sans laisser d'adresse, à supposer que ce soit Madame [M] qui l'ait initiée, ne démontre en rien sa bonne foi ; dès lors l'infirmation du jugement entrepris est encourue ;
Aucun élément ne justifie l'infirmation du jugement déféré, l'allégation de la mauvaise foi de Madame [M] n'étant en l'espèce, pas confortée par des éléments de preuve nouveaux et non analysés par les premiers juges dont la décision est fondée, et sera dès lors confirmée ;
Aux termes des dispositions de l'article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.
Cependant les sanctions civiles du recel successoral nécessitent que soient rapportées la preuve de l'existence de son élément matériel, c'est-à-dire l'appropriation des biens et valeurs du défunt, mais également celle de son élément intentionnel, à savoir la volonté de son auteur de rompre l'égalité du partage et de spolier ses co-indivisaires ;
Aucun élément probant n'est établi par les appelantes à cet égard, l'ensemble des agissements de Madame [M] pendant sa gestion attestant de son souci de garder des traces de ses actes, que ce soit au crédit ou au débit du compte de l'indivision qu'elle a fait tenir par un officier ministériel ;
Dès lors le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il rejeté ce chef de demande ;
Sur les autres demandes
Les appelantes admettent qu'il y a effectivement lieu de procéder aux opérations de compte liquidation partage de l'indivision résultant du décès de feu [W] [M], ainsi que d'arrêter les comptes entre les parties mais que curieusement le tribunal a désigné Maître [X], notaire à [Localité 24], pour ce faire ;
Or elles considèrent que la désignation du notaire appartient en principe aux copartageants et seulement à défaut d'accord au tribunal, ce qui justifie la désignation de chacun des notaires des parties, Maître [H] [S], notaire à [Localité 24] d'une part, et Maître [D] [A], notaire à [Localité 18] d'autre part, la désignation d'un notaire tiers ayant pour effet de retarder le partage ;
Madame [M] ne s'y oppose pas ; le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Elles réclament également la licitation de l'immeuble à laquelle Madame [M] s'oppose ; elle relève que la demande de licitation de l'immeuble n'a jamais été évoquée en première instance, il s'agit d'une prétention nouvelle qui sera déclarée irrecevable ;
compte tenu de son coût et de la perte de chance de vendre à un meilleur prix par le biais d'une vente de gré à gré ;
La demande de licitation est recevable au sens de l'article 555 du code de procédure civile, le litige portant au principal sur la sortie de l'indivision ;
S'agissant de son bien fondé, il y a lieu de constater que la licitation de l'immeuble ne s'impose pas en l'espèce, dès lors que l'ensemble des parties souhaite céder les immeubles indivis et que le choix de la licitation ne doit être fait qu'en l'absence de possibilité de vente de gré à gré, ce qui n'est pas établi au cas d'espèce ;
Enfin l'intimée réclame de la cour qu'elle enjoigne aux appelantes de verser aux débats le jugement de déclaration d'absence de [G] [Y] et les jugements d'adjudication de ses biens immobiliers ainsi que les actes notariés subséquents.
Cette demande n'est fondée, ni en droit, ni en fait, dans le cadre de la procédure diligentée devant la présente juridiction portant sur le partage de l'indivision [M]/ héritiers [Y] ; elle sera par conséquent rejetée ;
Les parties s'accordent sur la désignation de deux notaires à savoir conjointement Maître [D] [A], notaire à [Localité 18] et Maître [H] [S], notaire à [Localité 24] aux fins de procéder aux opérations de liquidation-partage, aux lieu et place de Maître [X], notaire à [Localité 24] ;
il leur en sera donné acte et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande en dommages et intérêts
L'intimée réclame la condamnation de Madame [C] [K] et Madame [J] [Y] à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts, en relevant le caractère infamant de ce litige, et en stigmatisant l'appel en intervention forcée de la locataire du fonds commercial, qui aurait du rester étrangère au litige ;
Or l'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours constitue un droit et ne dégénère en abus qu'en cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
En l'espèce, les motifs développés par Madame [M] ne sont pas de nature à établir en quoi l'appel de Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y] serait abusif.
Elle sera donc déboutée de cette demande.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Aucune demande de réformation du jugement entrepris n'est formée par Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y].
S'agissant des frais non compris dans les dépens exposés par Madame [M] à l'occasion du recours formé par Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y], il serait inéquitable de les laisser à sa charge, ce qui justifie la condamnation des appelantes au paiement de la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
En revanche pareille demande formée par les appelantes qui succombent sera rejetée ; à ce titre elles supporteront également, la charge des dépens.
L'intervention forcée de la société [20] est irrecevable ; il serait cependant inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés au cours de la présente instance; une somme de 2000 euros sera mis à la charge de Madame [K] et Madame [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevable l'intervention forcée formée par assignation du 30 octobre 2023 envers la société [20] ;
Confirme le jugement du 21 juillet 2022 du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions, sauf en ce que le tribunal a désigné Maître [X], notaire à [Localité 24] ;
Statuant à nouveau,
Désigne conjointement Maître [D] [A], notaire à [Localité 18] et Maître [H] [S], notaire à [Localité 24] aux fins de procéder aux opérations de liquidation-partage ;
Y ajoutant,
Déclare recevable mais mal fondée la demande de licitation du bien immobilier indivis sis à [Localité 24] ;
Déboute Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y] de leur demande de licitation et de celles s'y rapportant ;
Déboute Madame [T] [M] de sa demande en dommages et intérêts ;
Condamne Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y] à payer à Madame [T] [M] la somme de 3500 euros (TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y] de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y] à payer à la société [20] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [J] [Y] et Madame [C] [K] veuve [Y] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par