Décisions
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 9 décembre 2024, n° 22/01675
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2024
N° RG 22/01675 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUM2
[W] [B]
[H] [P]
c/
S.A.S. SOCIETE D'ETUDES ET DE REALISATION DE GESTION IMMO BILIERE DE CONSTRUCTION (SERGIC)
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 19/03351) suivant déclaration d'appel du 05 avril 2022
APPELANTS :
[W] [B]
née le 09 Décembre 1955 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 1]
[H] [P]
né le 17 Juillet 1950 à [Localité 5] (Allemagne)
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Caroline MORA, avocat au barreau de BORDEAUX
Représentés par Me Apolline SCHMITT de la SELARL AVENUE 52. AVOCATS, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :
S.A.S. SOCIETE D'ETUDES ET DE REALISATION DE GESTION IMMO BILIERE DE CONSTRUCTION (SERGIC) SAS au capital de 24.346.456 €, immatriculée au RCS de de LILLE sous le n° 428 748 909, société absorbante venant aux droits de la société absorbée MC FINANCE CONSEIL ayant fait l'objet d'une fusion par voie d'absorption suivant traité du 26 mai 2020, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric GONDER de la SELARL GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [W] [B] et M. [H] [P], propriétaires d'un appartement et de deux places de stationnement dans un bien immobilier situé [Adresse 4], acquis dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement en 2011 en vue d'un investissement soumis au dispositif de défiscalisation dit 'Scellier', en ont confié la mise en location à une agence immobilière puis, par mandat exclusif de location du 13 décembre 2013, à la SAS MC Finance Conseil, exerçant sous l'enseigne Orpi Bastide Immo. Le 31 décembre 2013, ils lui ont également confié la gérance du bien.
Par acte d'huissier du 25 mars 2019, Mme [B] et M. [P] ont fait assigner la société MC Finance Conseil devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins d'obtenir la condamnation à réparer le préjudice qu'ils estimaient avoir subi à la suite d'une rectification fiscale qu'ils imputaient à un manquement de leur mandataire.
Par jugement contradictoire du 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la société MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- la somme de 4 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2014 à 2016 incluse ;
- la somme de 2 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2017 à 2020 incluse ;
- la somme de 1 500 euros sur le fondement de I'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties pour le surplus ;
- condamné la société MC Finance Conseil aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu d'ordonner I'exécution provisoire.
Mme [B] et M. [P] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 avril 2022, en ce qu'il a :
- condamné la société MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- la somme de 4 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2014 à 2016 incluse ;
- la somme de 2 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2017 à 2020 incluse ;
- débouté les parties pour le surplus.
Par dernières conclusions déposées le 25 août 2022, Mme [B] et M. [P] demandent à la cour de :
Sur la demande de jonction :
- ordonner la jonction de la procédure avec la procédure à l'encontre de la SAS Société d'Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC).
Au fond :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 novembre 2021.
Et statuant à nouveau :
- déclarer la demande de Mme [B] et M. [P] recevable et bien fondée ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- 4 153 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi concernant la perte du bénéfice 'Scellier' pour l'année 2014 ;
- 5 510 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi concernant la perte du bénéfice'Scellier' pour l'année 2015 ;
- 5 434 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi concernant la perte du bénéfice 'Scellier' pour l'année 2016.
À titre subsidiaire :
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- 4 608 euros au titre de l'année 2014 ;
- 4 608 euros au titre de l'année 2015 ;
- 4 608 euros au titre de l'année 2016 ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] la somme de 18 432 euros au titre de la perte pour l'avenir du bénéfice des dispositions de la loi 'Scellier', à savoir la perte du bénéfice d'une réduction d'impôt annuelle de 4 608 euros pour les années 2017 à 2020 incluse.
À titre subsidiaire :
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] la somme de 15 978,89 euros au titre de la perte pour l'avenir du bénéfice des dispositions de la loi 'Scellier', à savoir la perte du bénéfice d'une réduction d'impôt annuelle de 3 994,72 euros pour les années 2017 à 2020 incluse ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] un montant de 120 euros au titre des frais bancaires exposés ;
- rejeter l'appel incident de la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil ;
- débouter la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil de toutes demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Par dernières conclusions déposées le 5 juillet 2022, la société SERGIC demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 30 novembre 2021.
Statuant à nouveau :
- débouter M. [P] et Mme [B] de l'ensemble de leurs demandes ;
- les condamner in solidum à payer à la société SERGIC la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société MC Finance Conseil n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 octobre 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 28 octobre 2024.
Autorisés à produire une note en délibéré sur la date de vente du bien immobilier, Mme [B] et M. [P] ont transmis le 31 octobre 2024 par message RPVA copie de l'attestation de vente du bien objet du litige en date du 29 mai 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.
Le jugement n'est critiqué qu'en ce qu'il a limité les préjudices des bailleurs ayant confié leur bien en mandat de gérance locative qui a commis une faute en fixant un loyer trop élevé leur faisant perdre la réduction d'impôt sur investissements immobiliers dite loi 'Scellier' et un remboursement des montants.
L'intimée forme toutefois appel incident en ce que le tribunal a retenu sa faute.
- Sur la responsabilité de la société de gérance immobilière
Mme [B] et M. [P] sollicitent la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de la MCF Finance Conseil, laquelle, en fixant le montant du loyer de leur bien en mandat de gestion locative à 470 euros au lieu du loyer plafonné de 449 euros a manqué à son obligation de conseil leur causant le préjudice d'un redressement fiscal.
La SERGIC, venant aux droits de la MCF Finance Conseil soutient au contraire que le contrat de location sans démarchage ne comportait aucune référence à l'existence d'un quelconque dispositif fiscal, et que le prix du loyer a été fixé d'un commun accord avec les propriétaires, n'ayant aucun pouvoir pour fixer le montant du loyer seul, de sorte qu'elle n'était tenue d'aucune obligation de conseil à ce titre.
Elle relève qu'un seul contrat de location a été signé et non deux comme il aurait été préférable pour le bien d'une part et les parkings d'autre part.
Elle soutient que Mme [B] et M. [P] ont été négligents dans leur défense face à l'administration fiscale pour n'avoir pas réagi à réception des correspondances de septembre et octobre 2017.
***
L'article 1147 du code civil, applicable à la du litige précise que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'
Au -delà de l'obligation d'information et de conseil qu'a le mandataire à l'égard de son client dans l'exercice de sa mission, il répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion, conformément à l'article 1992 du code civil.
En l'espèce, Mme [B], M. [P] et la société MCF Conseil ont signé un mandat de gérance le 10 décembre 2013, décrivant le bien confié et faisant mention du régime fiscal Scellier. Ils ont également signé un contrat de location le 13 décembre 2013 confiant la gestion locative du bien acquis en l'état de futur achèvement par les appelants en 2011, lequel mentionne expressément en caractère gras les références au dispositif de réduction d'impôt sur investissements immobiliers. Des échanges de courriels produits antérieurement à la signature du contrat, soit le 25 novembre 2013, font apparaître que le mandataire connaissait la situation fiscale des propriétaires, étant intervenu pour les conseiller sur la date de vente et le risque de perte d'avantage fiscal.
Le contrat a confié au mandataire la mission de 'rechercher les locataires, louer et relouer le bien, renouveler les baux au prix, charges et conditions que le mandataire jugera à propos, sans que le loyer puisse être diminué arbitrairement et sans accord du mandant.'
Il devait également 'informer le mandant de tous les éléments nouveaux pouvant modifier les conditions de location, notamment en matière de prix et de législation'.
Le loyer du bien qui était précédemment fixé par une autre agence de gestion à 433 euros par mois, en séparant la location des deux places de parking pour 37 euros par mois a été fixé en 2014 par la société intimée dans le cadre du mandat de gérance à 470 euros mensuels, places de parking comprises.
Il n'est pas contesté que l'administration fiscale a fait savoir aux appelants les 28 novembre 2017 et 22 janvier 2018 qu'elle procédait à une rectification fiscale pour les années 2014 à 2016 en raison notamment du dépassement du plafond du loyer à partir de 2014, la conséquence en étant qu'ils n'ont pu bénéficier de la réduction d'impôts sur investissement immobilier.
C'est en conséquence par la faute même du mandataire que les propriétaires ont été privés du bénéfice de dégrèvement fiscal prévu par le dispositif Scellier sans qu'ils n'en aient été informés avant le courrier de la DGFIP du 28 novembre 2017.
En tout état de cause, le prétendu accord des propriétaire sur la régularisation à partir du 1er septembre 2018 de deux contrats, le premier pour le logement à hauteur de 444,58 euros et le second pour les parking à hauteur de 30 euros est sans intérêts sur le présent litige en ce qu'il ne porte pas sur les redressement fiscal des années 2014 à 2016.
Ainsi, la société MCF Finance Conseil aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SERGIC, a commis un manquement à ses obligations en fixant un prix global du loyer comprenant le logement principal et les parking, au-delà du plafond légal prévu par le dispositif Scellier. Cette faute a directement fait perdre aux propriétaires pour les années 2014 à 2017 le bénéfice des avantages fiscaux qu'ils avaient d'ores et déjà acquis.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur les préjudices
Les appelants sollicitent une augmentation du montant de leur préjudice que le tribunal a limité à 4.000 euros pour les gains perdus entre 2014 et 2016 et 2.000 euros pour la perte de chance de gain pour les années 2017 à 2019. Ils produisent le courrier du 22 janvier 2018 de l'administration fiscale ayant pris en compte une partie de leurs observations et les avis d'imposition des années 2014 à 2016.
Ils font valoir que leur préjudice correspond à la perte du bénéfice des dispositions de la loi Scellier durant les neuf années.
L'intimée s'oppose aux demandes en l'absence de production d'avis de recouvrement et de précision sur le détail du préjudice qu'ils auraient subi sur les années 2017 à 2020 qui n'est qu'hypothétique. Elle relève que sur les années 2014 à 2016, le rehaussement porte également sur une mauvaise déclaration de la taxe d'ordures ménagères, qui ne peut lui être imputée.
Au vu de la somme retenu par l'expert comptable pour établir le montant du redressement fiscal qui lui serait imputable, elle note que ce prix comprend le bien et les deux parkings qui eux, ne peuvent être soumis à optimisation fiscale, de sorte que les montants ainsi proposés sont erronés.
- sur le préjudice pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017
L'administration fiscale dans ses courriers des 27 novembre 2017 et 22 janvier 2018 a fixé le montant du redressement fiscal dont la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié à tort au vu du montant du loyer trop élevé à 4.608 euros pour l'années 2014, 5.510 euros pour l'année 2015 et 5.434 euros pour l'année 2016, en leur accordant des délais de paiement pour les années 2015 et 2016. Pour l'année 2017, ils sollicitent la même indemnisation.
Les appelants justifient de ce que le redressement fiscal sur la seule partie concernant la fixation d'un loyer trop élevé leur faisant perdre le bénéfice de la loi Scellier sur leurs avis d'imposition pour 2014, 2015 et 2016 à hauteur de 4.608 euros chaque année, ce qu'atteste l'administration fiscale dans son courrier du mois de juillet 2022, de sorte qu'a été déduit de ces montants les rehaussements calculés sur ces mêmes années au titre des frais réels et de la taxe d'ordure ménagère qui ont été intégrés dans le montant des revenus servant d'assiette au calcul de l'impôt sur les revenus.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne peut y avoir de compensation entre les loyers perçus au-delà du plafond de défiscalisation par les propriétaires sur ces trois années avec la déduction fiscale dont ils ont été privés puisque le montant des revenus locatifs était le même mais appliqué globalement sur le bien immobilier et les parkings alors que ces derniers n'étaient pas soumis au dispositif de la loi Scellier.
Il n'y a pas lieu non plus de défalquer le prix d'achat des parkings intervenus avec la l'achat du bien principal le 29 mars 2011, le calcul de la réduction fiscale annuelle étant fait sur l'ensemble du bien, parking et frais notariés inclus.
Le même préjudice doit être retenu sur l'année 2017, les appelants n'ayant été informés de la perte de leur bénéfice fiscal que le 28 novembre 2017 et le montant du bail ayant été maintenu en un seul contrat au -dessus du plafond légal toute cette année égaleemnt.
Il convient au vu de ces éléments de condamner la SERGIC à indemniser Mme [B] et M. [P] en paiement de la somme de 4.608 euros pour chacune des années 2014, 2015, 2016 et 2017.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
- Sur le préjudice pour les années 2018 à 2020
Le dispositif Scellier durant 9 ans, les appelants sollicitent que soient fixées les sommes de 4.608 euros annuels sur les années 2018, 2019 et 2020.
La réduction fiscale se calcule en pourcentage par rapport au prix d'acquisition dès lors que les propriétaires s'engagent à louer à un prix plafond fixé suivant les zones d'habitation. Même en cas de vacance de locataires, la réduction fiscale est appliquée sauf si la vacance est supérieure à 12 mois. Le bénéfice de la réduction d'impôt sur cet investissement immobilier est conditionné sur une première tranche de 9 ans.
Mme [B] et M. [P] ont vendu le bien immobilier le 29 mai 2020, qu'ils avaient acquis en état de futur achèvement le 29 mars 2011 pour une mise en location permettant de bénéficier d'une réduction d'impôts de juin 2012 à juin 2021. La revente du logement destiné à une réduction fiscale motivée par la perte financière consécutive au redressement fiscal sur 5 ans, avant la fin de la période de location obligatoire de 9 ans entraîne la reprise par le fisc de la réduction d'impôt.
L'administration fiscale dans un courrier du 22 janvier 2018 mentionne qu'en raison du loyer demandé en 2014, étant supérieur au plafond applicable, ils ne 'bénéficient plus des conditions pour bénéficier de la réduction au titre de l'investissement Scellier'.
Toutefois, les appelants ne justifient pas avoir perdu irrévocablement ce bénéfice, le courrier de la DGFIP se rapportant aux seules années 2014 à 2016.
Dès le mois de janvier 2018, Mme [B] et M. [P] étaient parfaitement informés de leurs droits et il leur appartenait de redresser la situation, au besoin en exigeant du mandataire de modifier la rédaction des baux d'habitation, ce qu'il a fait de sa propre initiative à compter du 1er septembre 2018.
Par ailleurs, ils ne produisent pas leurs déclarations fiscales sur les années postérieures à 2016 ne permettant pas la cour de vérifier s'ils ont bénéficié de l'avantage fiscal sur les années suivantes.
Ils n'établissent ainsi pas de lien de causalité directe entre la faute de l'agence retenue par la cour et la perte de l'avantage fiscal sur les années 2018 à 2020, y compris dans le choix de vendre leur bien immobilier avant la fin de la première tranche de 9 ans.
Ils seront déboutés de leurs demandes sur ces trois années et le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur les intérêts d'emprunts pour régler le montant dû à l'administration fiscale
Mme [B] et M. [P] justifient avoir souscrit un emprunt pour pouvoir régler le montant du redressement fiscal sur l'année 2017 de 4.608 euros, justifiant du refus de l'administration fiscale d'échelonner les paiements de cette année ainsi que le relevé bancaire faisant état d'une commission d'intervention de la banque de 120 euros sur l'année 2018.
Toutefois, ils ne produisent pas d'explications sur le motif du prélèvement des frais de commission d'intervention, leur demande sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SERGIC, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à Mme [B] et M. [P] de la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu le manquement fautif de la SERGIC venant aux droits de la société MC Finance Conseil, qu'il les a condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles et qu'il a débouté Mme [B] et M. [P] de leur demande en remboursement de la commission d'intervention prélevée par la banque en 2018,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SERGIC à verser à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2014,
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2015,
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2016,
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2017,
Déboute Mme [B] et M. [P] de leurs demandes au titre des années 2018 à 2020,
Condamne la SERGIC à verser à Mme [B] et M. [P] la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles supportés en appel,
Condamne la SERGIC aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2024
N° RG 22/01675 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUM2
[W] [B]
[H] [P]
c/
S.A.S. SOCIETE D'ETUDES ET DE REALISATION DE GESTION IMMO BILIERE DE CONSTRUCTION (SERGIC)
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 19/03351) suivant déclaration d'appel du 05 avril 2022
APPELANTS :
[W] [B]
née le 09 Décembre 1955 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 1]
[H] [P]
né le 17 Juillet 1950 à [Localité 5] (Allemagne)
demeurant [Adresse 1]
Représentés par Me Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Caroline MORA, avocat au barreau de BORDEAUX
Représentés par Me Apolline SCHMITT de la SELARL AVENUE 52. AVOCATS, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :
S.A.S. SOCIETE D'ETUDES ET DE REALISATION DE GESTION IMMO BILIERE DE CONSTRUCTION (SERGIC) SAS au capital de 24.346.456 €, immatriculée au RCS de de LILLE sous le n° 428 748 909, société absorbante venant aux droits de la société absorbée MC FINANCE CONSEIL ayant fait l'objet d'une fusion par voie d'absorption suivant traité du 26 mai 2020, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric GONDER de la SELARL GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [W] [B] et M. [H] [P], propriétaires d'un appartement et de deux places de stationnement dans un bien immobilier situé [Adresse 4], acquis dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement en 2011 en vue d'un investissement soumis au dispositif de défiscalisation dit 'Scellier', en ont confié la mise en location à une agence immobilière puis, par mandat exclusif de location du 13 décembre 2013, à la SAS MC Finance Conseil, exerçant sous l'enseigne Orpi Bastide Immo. Le 31 décembre 2013, ils lui ont également confié la gérance du bien.
Par acte d'huissier du 25 mars 2019, Mme [B] et M. [P] ont fait assigner la société MC Finance Conseil devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins d'obtenir la condamnation à réparer le préjudice qu'ils estimaient avoir subi à la suite d'une rectification fiscale qu'ils imputaient à un manquement de leur mandataire.
Par jugement contradictoire du 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la société MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- la somme de 4 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2014 à 2016 incluse ;
- la somme de 2 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2017 à 2020 incluse ;
- la somme de 1 500 euros sur le fondement de I'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties pour le surplus ;
- condamné la société MC Finance Conseil aux dépens ;
- dit n'y avoir lieu d'ordonner I'exécution provisoire.
Mme [B] et M. [P] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 avril 2022, en ce qu'il a :
- condamné la société MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- la somme de 4 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2014 à 2016 incluse ;
- la somme de 2 000 euros au titre du gain perdu pour les années 2017 à 2020 incluse ;
- débouté les parties pour le surplus.
Par dernières conclusions déposées le 25 août 2022, Mme [B] et M. [P] demandent à la cour de :
Sur la demande de jonction :
- ordonner la jonction de la procédure avec la procédure à l'encontre de la SAS Société d'Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC).
Au fond :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 novembre 2021.
Et statuant à nouveau :
- déclarer la demande de Mme [B] et M. [P] recevable et bien fondée ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- 4 153 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi concernant la perte du bénéfice 'Scellier' pour l'année 2014 ;
- 5 510 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi concernant la perte du bénéfice'Scellier' pour l'année 2015 ;
- 5 434 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi concernant la perte du bénéfice 'Scellier' pour l'année 2016.
À titre subsidiaire :
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- 4 608 euros au titre de l'année 2014 ;
- 4 608 euros au titre de l'année 2015 ;
- 4 608 euros au titre de l'année 2016 ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] la somme de 18 432 euros au titre de la perte pour l'avenir du bénéfice des dispositions de la loi 'Scellier', à savoir la perte du bénéfice d'une réduction d'impôt annuelle de 4 608 euros pour les années 2017 à 2020 incluse.
À titre subsidiaire :
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] la somme de 15 978,89 euros au titre de la perte pour l'avenir du bénéfice des dispositions de la loi 'Scellier', à savoir la perte du bénéfice d'une réduction d'impôt annuelle de 3 994,72 euros pour les années 2017 à 2020 incluse ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] un montant de 120 euros au titre des frais bancaires exposés ;
- rejeter l'appel incident de la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil ;
- débouter la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil de toutes demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société SERGIC venant aux droits de MC Finance Conseil à payer à Mme [B] et M. [P] la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Par dernières conclusions déposées le 5 juillet 2022, la société SERGIC demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 30 novembre 2021.
Statuant à nouveau :
- débouter M. [P] et Mme [B] de l'ensemble de leurs demandes ;
- les condamner in solidum à payer à la société SERGIC la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société MC Finance Conseil n'a pas constitué avocat. Elle a été régulièrement assignée.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 octobre 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 28 octobre 2024.
Autorisés à produire une note en délibéré sur la date de vente du bien immobilier, Mme [B] et M. [P] ont transmis le 31 octobre 2024 par message RPVA copie de l'attestation de vente du bien objet du litige en date du 29 mai 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.
Le jugement n'est critiqué qu'en ce qu'il a limité les préjudices des bailleurs ayant confié leur bien en mandat de gérance locative qui a commis une faute en fixant un loyer trop élevé leur faisant perdre la réduction d'impôt sur investissements immobiliers dite loi 'Scellier' et un remboursement des montants.
L'intimée forme toutefois appel incident en ce que le tribunal a retenu sa faute.
- Sur la responsabilité de la société de gérance immobilière
Mme [B] et M. [P] sollicitent la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de la MCF Finance Conseil, laquelle, en fixant le montant du loyer de leur bien en mandat de gestion locative à 470 euros au lieu du loyer plafonné de 449 euros a manqué à son obligation de conseil leur causant le préjudice d'un redressement fiscal.
La SERGIC, venant aux droits de la MCF Finance Conseil soutient au contraire que le contrat de location sans démarchage ne comportait aucune référence à l'existence d'un quelconque dispositif fiscal, et que le prix du loyer a été fixé d'un commun accord avec les propriétaires, n'ayant aucun pouvoir pour fixer le montant du loyer seul, de sorte qu'elle n'était tenue d'aucune obligation de conseil à ce titre.
Elle relève qu'un seul contrat de location a été signé et non deux comme il aurait été préférable pour le bien d'une part et les parkings d'autre part.
Elle soutient que Mme [B] et M. [P] ont été négligents dans leur défense face à l'administration fiscale pour n'avoir pas réagi à réception des correspondances de septembre et octobre 2017.
***
L'article 1147 du code civil, applicable à la du litige précise que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'
Au -delà de l'obligation d'information et de conseil qu'a le mandataire à l'égard de son client dans l'exercice de sa mission, il répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion, conformément à l'article 1992 du code civil.
En l'espèce, Mme [B], M. [P] et la société MCF Conseil ont signé un mandat de gérance le 10 décembre 2013, décrivant le bien confié et faisant mention du régime fiscal Scellier. Ils ont également signé un contrat de location le 13 décembre 2013 confiant la gestion locative du bien acquis en l'état de futur achèvement par les appelants en 2011, lequel mentionne expressément en caractère gras les références au dispositif de réduction d'impôt sur investissements immobiliers. Des échanges de courriels produits antérieurement à la signature du contrat, soit le 25 novembre 2013, font apparaître que le mandataire connaissait la situation fiscale des propriétaires, étant intervenu pour les conseiller sur la date de vente et le risque de perte d'avantage fiscal.
Le contrat a confié au mandataire la mission de 'rechercher les locataires, louer et relouer le bien, renouveler les baux au prix, charges et conditions que le mandataire jugera à propos, sans que le loyer puisse être diminué arbitrairement et sans accord du mandant.'
Il devait également 'informer le mandant de tous les éléments nouveaux pouvant modifier les conditions de location, notamment en matière de prix et de législation'.
Le loyer du bien qui était précédemment fixé par une autre agence de gestion à 433 euros par mois, en séparant la location des deux places de parking pour 37 euros par mois a été fixé en 2014 par la société intimée dans le cadre du mandat de gérance à 470 euros mensuels, places de parking comprises.
Il n'est pas contesté que l'administration fiscale a fait savoir aux appelants les 28 novembre 2017 et 22 janvier 2018 qu'elle procédait à une rectification fiscale pour les années 2014 à 2016 en raison notamment du dépassement du plafond du loyer à partir de 2014, la conséquence en étant qu'ils n'ont pu bénéficier de la réduction d'impôts sur investissement immobilier.
C'est en conséquence par la faute même du mandataire que les propriétaires ont été privés du bénéfice de dégrèvement fiscal prévu par le dispositif Scellier sans qu'ils n'en aient été informés avant le courrier de la DGFIP du 28 novembre 2017.
En tout état de cause, le prétendu accord des propriétaire sur la régularisation à partir du 1er septembre 2018 de deux contrats, le premier pour le logement à hauteur de 444,58 euros et le second pour les parking à hauteur de 30 euros est sans intérêts sur le présent litige en ce qu'il ne porte pas sur les redressement fiscal des années 2014 à 2016.
Ainsi, la société MCF Finance Conseil aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SERGIC, a commis un manquement à ses obligations en fixant un prix global du loyer comprenant le logement principal et les parking, au-delà du plafond légal prévu par le dispositif Scellier. Cette faute a directement fait perdre aux propriétaires pour les années 2014 à 2017 le bénéfice des avantages fiscaux qu'ils avaient d'ores et déjà acquis.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
- Sur les préjudices
Les appelants sollicitent une augmentation du montant de leur préjudice que le tribunal a limité à 4.000 euros pour les gains perdus entre 2014 et 2016 et 2.000 euros pour la perte de chance de gain pour les années 2017 à 2019. Ils produisent le courrier du 22 janvier 2018 de l'administration fiscale ayant pris en compte une partie de leurs observations et les avis d'imposition des années 2014 à 2016.
Ils font valoir que leur préjudice correspond à la perte du bénéfice des dispositions de la loi Scellier durant les neuf années.
L'intimée s'oppose aux demandes en l'absence de production d'avis de recouvrement et de précision sur le détail du préjudice qu'ils auraient subi sur les années 2017 à 2020 qui n'est qu'hypothétique. Elle relève que sur les années 2014 à 2016, le rehaussement porte également sur une mauvaise déclaration de la taxe d'ordures ménagères, qui ne peut lui être imputée.
Au vu de la somme retenu par l'expert comptable pour établir le montant du redressement fiscal qui lui serait imputable, elle note que ce prix comprend le bien et les deux parkings qui eux, ne peuvent être soumis à optimisation fiscale, de sorte que les montants ainsi proposés sont erronés.
- sur le préjudice pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017
L'administration fiscale dans ses courriers des 27 novembre 2017 et 22 janvier 2018 a fixé le montant du redressement fiscal dont la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié à tort au vu du montant du loyer trop élevé à 4.608 euros pour l'années 2014, 5.510 euros pour l'année 2015 et 5.434 euros pour l'année 2016, en leur accordant des délais de paiement pour les années 2015 et 2016. Pour l'année 2017, ils sollicitent la même indemnisation.
Les appelants justifient de ce que le redressement fiscal sur la seule partie concernant la fixation d'un loyer trop élevé leur faisant perdre le bénéfice de la loi Scellier sur leurs avis d'imposition pour 2014, 2015 et 2016 à hauteur de 4.608 euros chaque année, ce qu'atteste l'administration fiscale dans son courrier du mois de juillet 2022, de sorte qu'a été déduit de ces montants les rehaussements calculés sur ces mêmes années au titre des frais réels et de la taxe d'ordure ménagère qui ont été intégrés dans le montant des revenus servant d'assiette au calcul de l'impôt sur les revenus.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne peut y avoir de compensation entre les loyers perçus au-delà du plafond de défiscalisation par les propriétaires sur ces trois années avec la déduction fiscale dont ils ont été privés puisque le montant des revenus locatifs était le même mais appliqué globalement sur le bien immobilier et les parkings alors que ces derniers n'étaient pas soumis au dispositif de la loi Scellier.
Il n'y a pas lieu non plus de défalquer le prix d'achat des parkings intervenus avec la l'achat du bien principal le 29 mars 2011, le calcul de la réduction fiscale annuelle étant fait sur l'ensemble du bien, parking et frais notariés inclus.
Le même préjudice doit être retenu sur l'année 2017, les appelants n'ayant été informés de la perte de leur bénéfice fiscal que le 28 novembre 2017 et le montant du bail ayant été maintenu en un seul contrat au -dessus du plafond légal toute cette année égaleemnt.
Il convient au vu de ces éléments de condamner la SERGIC à indemniser Mme [B] et M. [P] en paiement de la somme de 4.608 euros pour chacune des années 2014, 2015, 2016 et 2017.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
- Sur le préjudice pour les années 2018 à 2020
Le dispositif Scellier durant 9 ans, les appelants sollicitent que soient fixées les sommes de 4.608 euros annuels sur les années 2018, 2019 et 2020.
La réduction fiscale se calcule en pourcentage par rapport au prix d'acquisition dès lors que les propriétaires s'engagent à louer à un prix plafond fixé suivant les zones d'habitation. Même en cas de vacance de locataires, la réduction fiscale est appliquée sauf si la vacance est supérieure à 12 mois. Le bénéfice de la réduction d'impôt sur cet investissement immobilier est conditionné sur une première tranche de 9 ans.
Mme [B] et M. [P] ont vendu le bien immobilier le 29 mai 2020, qu'ils avaient acquis en état de futur achèvement le 29 mars 2011 pour une mise en location permettant de bénéficier d'une réduction d'impôts de juin 2012 à juin 2021. La revente du logement destiné à une réduction fiscale motivée par la perte financière consécutive au redressement fiscal sur 5 ans, avant la fin de la période de location obligatoire de 9 ans entraîne la reprise par le fisc de la réduction d'impôt.
L'administration fiscale dans un courrier du 22 janvier 2018 mentionne qu'en raison du loyer demandé en 2014, étant supérieur au plafond applicable, ils ne 'bénéficient plus des conditions pour bénéficier de la réduction au titre de l'investissement Scellier'.
Toutefois, les appelants ne justifient pas avoir perdu irrévocablement ce bénéfice, le courrier de la DGFIP se rapportant aux seules années 2014 à 2016.
Dès le mois de janvier 2018, Mme [B] et M. [P] étaient parfaitement informés de leurs droits et il leur appartenait de redresser la situation, au besoin en exigeant du mandataire de modifier la rédaction des baux d'habitation, ce qu'il a fait de sa propre initiative à compter du 1er septembre 2018.
Par ailleurs, ils ne produisent pas leurs déclarations fiscales sur les années postérieures à 2016 ne permettant pas la cour de vérifier s'ils ont bénéficié de l'avantage fiscal sur les années suivantes.
Ils n'établissent ainsi pas de lien de causalité directe entre la faute de l'agence retenue par la cour et la perte de l'avantage fiscal sur les années 2018 à 2020, y compris dans le choix de vendre leur bien immobilier avant la fin de la première tranche de 9 ans.
Ils seront déboutés de leurs demandes sur ces trois années et le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur les intérêts d'emprunts pour régler le montant dû à l'administration fiscale
Mme [B] et M. [P] justifient avoir souscrit un emprunt pour pouvoir régler le montant du redressement fiscal sur l'année 2017 de 4.608 euros, justifiant du refus de l'administration fiscale d'échelonner les paiements de cette année ainsi que le relevé bancaire faisant état d'une commission d'intervention de la banque de 120 euros sur l'année 2018.
Toutefois, ils ne produisent pas d'explications sur le motif du prélèvement des frais de commission d'intervention, leur demande sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SERGIC, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à Mme [B] et M. [P] de la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu le manquement fautif de la SERGIC venant aux droits de la société MC Finance Conseil, qu'il les a condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles et qu'il a débouté Mme [B] et M. [P] de leur demande en remboursement de la commission d'intervention prélevée par la banque en 2018,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SERGIC à verser à Mme [B] et M. [P] les sommes suivantes :
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2014,
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2015,
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2016,
- 4.608 euros au titre des gains perdus pour l'année 2017,
Déboute Mme [B] et M. [P] de leurs demandes au titre des années 2018 à 2020,
Condamne la SERGIC à verser à Mme [B] et M. [P] la somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles supportés en appel,
Condamne la SERGIC aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,