CA Paris, Pôle 4 ch. 1, 6 décembre 2024, n° 23/05619
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Maaf Assurances (SA), Mutuelle des Architectes Français (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sentucq
Conseiller :
Mme Girard-Alexandre
Avocats :
Me Saidon, Me Cohen, Me Dupichot, Me Lebarbier, Me Barbier, Me Maupas Oudinot, Me Soulie
Après construction sur un terrain qu'ils avaient acquis en 1988 d'une maison d'habitation et réalisation en 2011de travaux d'extension et de réhabilitation afin de transformer le bâtiment en plusieurs logements, M. et Mme [E] ont vendu le 14 août 2013 le lot numéro 3 à Mme [Z] et le 17 décembre 2013 le lot numéro 2 à M. et Mme [A], ces deux lots étant situés dans le bâtiment B.
Ces travaux ont été réalisés par la société Entreprise tous travaux (la société ETT), assurée auprès de la société MAAF assurances, et M. [W] avec la maîtrise d'oeuvre de M. [N], architecte, assuré auprès de la société MAF.
Se plaignant de désordres, Mme [Z], puis M. et Mme [F], après avoir obtenu la désignation d'un expert judiciaire, ont assigné M. et Mme [E], le syndicat des copropriétaires, M. [W], la société MAAF et la société MAF.
Ils ont sollicité, à titre principal, la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés et la condamnation de M. et Mme [E] au paiement de dommages-intérêts, à titre subsidiaire une réfection du prix, plus subsidiairement la condamnation du syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux de réfection des désordres et en paiement de dommages-intérêts pour troubles de jouissance, plus subsidiairement encore la condamnation in solidum de M. et Mme [E], M. [W], la société MAF, la société MAAF assurances à leur payer différentes sommes au titre du coût de réalisation des travaux de reprise des désordres et en réparation des préjudices subis.
Par jugement du 6 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Evry a débouté Mme [Z] de sa demande de résolution de la vente, déclaré irrecevable sa demande au titre du coût de réparation des désordres affectant la toiture du bâtiment, condamné solidairement M. et Mme [E], sur le fondement de la garantie décennale, à payer à Mme [Z] la somme de 31 498 euros HT au titre du coût des travaux de reprises des désordres affectant ses parties privatives, la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux frais de relogement, la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, ordonné au syndicat des copropriétaires, sous astreinte, de faire les travaux de reprise des désordres affectant la charpente du bâtiment B, déclaré irrecevable comme prescrite ses demandes, fondées sur la responsabilité délictuelle, contre M. [W], la société MAAF assurances, et la société MAF, l'a déboutée de son action fondée sur la garantie décennale contre ceux-ci au titre de l'absence de VMC.
Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement dont elle sollicite l'infirmation en ce qu'il la déboute de sa demande de résolution de la vente, n'a pas indemnisé intégralement son préjudice de jouissance et l'a déboutée de son action contre M. [W], la société MAAF assurances et la société MAF.
Elle demande à la cour de prononcer la résolution de la vente, de condamner solidairement M. et Mme [E] à lui payer la somme de 27 120 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice de jouissance au 19 juin 2023, outre 240 par mois jusqu'au remboursement du prix de vente.
A titre subsidiaire, elle sollicite la condamnation in solidum de M. [W], la société MAAF assurances et la société MAF :
- sous astreinte, à lui payer la somme de 56 213,12 euros HT au titre du coût des travaux de réfection des désordres affectant les parties communes du bâtiment B et la somme de 32 598 euros HT au titre du coût des travaux de réfection des désordres affectant ses parties privatives ;
- la somme de 27 120 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance au 19 juin 2023, outre 240 euros par mois jusqu'à l'accomplissement des travaux ;
- la somme de 1 321,03 euros en remboursement des frais induits par les désordres ;
- la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de ses frais de relogement pendant la durée des travaux ;
Elle réclame enfin la condamnation de M. et Mme [E], ou de toute partie succombante, à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [E] concluent au rejet de la demande de résolution de la vente formée par Mme [Z] et, à titre subsidiaire pour le cas où la cour ferait droit à cette prétention, demandent à la cour de condamner Mme [Z] à leur restituer la somme de 16 000 euros qu'elle a perçue à titre de dommages-intérêts ainsi que les sommes qui ont été saisies au titre de l'exécution du jugement.
Ils concluent en outre au rejet des demandes de Mme [Z] en paiement des sommes correspondant aux travaux de reprise des désordres affectant les parties communes.
Ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leur action en garantie formée contre M. [W] et la société MAAF assurances et, statuant à nouveau et, faisant droit à cette action, demandent leur condamnation à leur rembourser le montant des condamnations prononcées contre eux au profit de M. et Mme [A], de Mme [Z] ainsi que du syndicat des copropriétaires.
Ils réclament enfin la condamnation solidaire de M. [W] et de la société MAAF assurances à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [W] conclut d'abord à la nullité ou à l'inopposabilité du rapport d'expertise et à la confirmation du jugement.
A titre subsidiaire, il demande à la cour, pour le cas où une condamnation serait prononcée contre lui, de limiter sa part de responsabilité compte tenu de son intervention bénévole pour assister M. et Mme [E] dans la réalisation des travaux pour lesquels il n'a assuré aucune mission de conception ou d'exécution, d'exclure du préjudice indemnisable la créance de restitution du prix et de condamner M. et Mme [E] et la société MAAF à le garantir des condamnations prononcées contre lui.
Il sollicite enfin la condamnation de la partie succombante à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MAF conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation contre elle et, en conséquence, demande à la cour de déclarer Mme [Z] irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 56 213,12 euros HT relative aux désordres affectant les parties communes, de la déclarer irrecevable en sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la responsabilité délictuelle et de la débouter des demandes formées contre elle en l'absence de faute de M. [N] en relation avec les désordres litigieux.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de la déclarer fondée à opposer l'absence de garantie faute de déclaration du risque par M. [N], de constater qu'elle est fondée à opposer l'absence de garantie au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance, par conséquent de rejeter les demandes de Mme [Z].
A titre encore plus subsidiaire, elle conclut à la condamnation de M. [W] et de la société MAAF à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.
Elle sollicite enfin la condamnation de Mme [Z] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MAAF assurances conclut à la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, à l'absence de garantie au titre du préjudice de jouissance et des travaux consécutifs au renforcement structurel des parties communes et à la condamnation de M. [W] et de la société MAF à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.
Elle réclame enfin la condamnation de Mme [Z] ou de la partie succombante à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de condamner M. et Mme [X] à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcée contre lui. Il sollicite en outre la condamnation de la partie succombante à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1 - Sur les demandes de Mme [Z]
- Sur les désordres
Considérant qu'il résulte de l'expertise judiciaire que, suite à la création de deux appartements dans le bâtiment B, les travaux d'aménagement des combles ont entraîné un affaiblissement de la résistance structurelle de la charpente qui ne supporte pas les charges résultant de la pose de trois vélux et d'un plancher ; que l'expert indique que ces désordres, qui sont évolutifs, sont à l'origine de tous les désordres thermiques, acoustiques, esthétiques et de fonctionnement des réseaux affectant l'habitabilité des parties privatives, rendant l'ouvrage impropre à sa destination ;
- Sur l'action contre M. et Mme [X] sur la garantie des vices cachés
Considérant que M. et Mme [E] n'ont ni conçu ni réalisé les travaux de rénovation de l'immeuble avant la vente d'un lot à Mme [Z] ; qu'en leur qualité de vendeurs non professionnels, ils sont fondés à se prévaloir de la clause exclusive de garantie dès lors que, comme l'a retenu le tribunal, aucun élément ne démontre qu'ils avaient eu connaissance de ces vices avant la conclusion de la vente ; qu'il convient de confirmer le jugement qui déboute Mme [Z] de ses demandes, fondées sur la garantie des vices cachés, en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts ;
- Sur l'action contre M. [W], la société MAAF et la société MAF en paiement du coût de reprise des désordres affectant les parties communes
Considérant que seul le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en paiement du coût de réparation de ces désordres affectant les parties communes de l'immeuble ; qu'est donc irrecevable l'action de Mme [Z] contre M. [W], la société MAAF assurances et la société MAF en paiement du coût de ces travaux ;
- Sur l'action contre M. et Mme [X], sur le fondement de la garantie légale des articles 1792 et suivants du code civil, en paiement du coût de reprise des désordres affectant l'appartement, en indemnisation de leur préjudice de jouissance, des frais de relogement et en remboursement des frais induits par les désordres
Considérant que Mme [Z] réclame d'abord la condamnation in solidum de M. [W], la société MAAF et la société MAF en paiement du coût de reprise des désordres affectant l'appartement ;
Considérant que s'il est constant que M. [W] a assisté bénévolement les maîtres de l'ouvrage, notamment lors du dépôt du dossier de demande de permis de construire, en les représentant lors de la réception des travaux et en signant la déclaration d'achèvement des travaux, aucun élément ne démontre qu'il a établi les documents techniques en vue de l'exécution des travaux et a assuré une mission de maîtrise d'oeuvre lors de leur exécution ; qu'en outre, M. [W] n'ayant pas été appelé aux opérations d'expertise, le rapport de l'expert, qui n'est par ailleurs corroboré par aucun autre élément, lui est inopposable ; que l'action formée contre M. [W] ne peut donc qu'être rejetée ;
Considérant que la société ETT a souscrit le 30 novembre 2012 auprès de la société MAAF assurances un contrat d'assurance responsabilité décennale à effet au 1er janvier 2013 ; que la déclaration d'ouverture du chantier étant datée du 30 avril 2012, la garantie de la MAAF n'est donc pas due ;
Considérant qu'il résulte des constatations de l'expert que l'intervention de l'architecte, M. [N], a été limitée au dépôt du dossier administratif de demande de permis de construire ; qu'aucun élément ne démontre que celui-ci a réalisé les plans d'exécution des travaux et a assuré une mission de direction des travaux ; que sa garantie ne pouvant être engagée, il convient de débouter Mme [Z] de son action contre son assureur, la société MAF ;
Considérant que Mme [Z] réclame ensuite la condamnation in solidum de M. et Mme [X], de M. [W], de la société MAAF assurances et de la société MAF en indemnisation de son préjudice de jouissance et en remboursement des frais liés aux désordres et des frais de relogement ;
Considérant que pour les motifs retenus ci-dessus cette action contre M. [W], la société MAAF assurances et la société MAF n'est pas fondée ;
Considérant qu'en qualité de vendeurs, M. et Mme [X] sont tenus envers Mme [Z] à la garantie des constructeurs sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil ; que les préjudices réparables au titre de cette garantie s'étend aux dommages consécutifs ; que Mme [Z] est donc fondée à réclamer la condamnation de M. et Mme [X] à l'indemniser du préjudice de jouissance qu'elle a subi du fait des désordres qui sont à l'origine de plusieurs inondations et de nombreux dégâts des eaux, de désordres thermiques, d'un défaut d'isolation acoustique provoquant des nuisances sonores, du dysfonctionnement des réseaux d'eau, de nuisances sonores causées par le fonctionnement des réseaux, de fuites et d'engorgement des réseaux d'eau, de défauts esthétiques ; que Mme [Z] a justement évalué ce préjudice à 27 120 euros sur la base d'une somme mensuelle de 240 euros pendant 113 mois au mois de juin 2023 ; qu'elle est également fondée à obtenir le remboursement des frais qu'elle a engagés consécutivement aux désordres, soit la somme de 1 321,03 euros correspondant à concurrence de 900,90 euros au montant des frais de recherche de fuite et à concurrence de 420,13 euros au coût d'un constat d'huissier de justice du 11 septembre 2014, ainsi que le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais de relogement pendant la durée nécessaire à la réalisation des travaux, évaluée à six mois ;
Considérant que l'absence de VMC ne relevant pas de la garantie légale des constructeurs, il convient de confirmer le jugement qui a débouté Mme [Z] de cette demande ;
2 - Sur les appels en garantie formés par M. et Mme [E] contre M. [W] et contre la société MAAF assurances
Considérant que la responsabilité de M. [W] et la garantie de la société MAAF assurances, assureur de la société ETT, ayant été écartées, ces actions en garantie ne peuvent prospérer ;
PAR CES MOTIFS : statuant publiquement
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [X] à payer à Mme [Z] la somme de 9 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance et la somme de 2 500 euros au titre des frais de relogement ;
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement M. et Mme [X] à payer à Mme [Z] la somme de en réparation de son préjudice de jouissance, la somme de 1 321,03 euros au titre du remboursement des frais engagés consécutivement aux désordres et la somme de 3 000 euros au titre de l'indemnisation des frais de relogement ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [X], de la société MAF, de la société MAAF assurances et condamne M. et Mme [X] à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros et à M. [W] la somme de 3 000 euros;
Condamne solidairement M. et Mme [X] aux dépens, qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont il ont fait l'avance sans avoir reçu provision, par Maître [C] (SELARL Egide avocatsCîmes), par Maître [J] (SELARL DBLA avicats), par la SELARL Barbier avocats et par Maître [S] conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.