Décisions
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 9 décembre 2024, n° 24/02055
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2024
N° RG 24/02055 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NX7L
[Y], [L] [D] [T]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/008736 du 26/06/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
S.A. DOMOFRANCE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendu le 21 mars 2024 par le Juge des contentieux de la protection de bordeaux (RG : 23/02229) suivant déclaration d'appel du 30 avril 2024
APPELANTE :
[Y], [L] [D] [T]
née le 01 Avril 1974 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Murièle LERMINIAUX-VEDEL, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A. DOMOFRANCE Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2024 hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte du 19 avril 2012, la SA Domofrance a donné à bail à Mme [Y] [D] [T] un bien à usage d'habitation situé au [Adresse 2].
Des loyers étant demeurés impayés, la société Domofrance a fait signifier, le 5 septembre 2023, un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail.
Par acte de commissaire de justice du 16 novembre 2023, la société Domofrance a fait assigner Mme [D] [T], en référé, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins d'obtenir la résiliation du contrat, son expulsion et sa condamnation provisionnelle au paiement d'un arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 21 mars 2024, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- constaté au 19 octobre 2023 l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 19 avril 2012 et liant la société Domofrance à Mme [D] [T] concernant le bien à usage d'habitation situé au [Adresse 2] ;
- ordonné en conséquence à Mme [D] [T] de libérer Ies lieux avec restitution des clés, dès la signification de l'ordonnance ;
- dit qu'à défaut pour Mme [D] [T] d'avoir volontairement libéré Ies lieux et restitué Ies clés dans ce délai, la société Domofrance pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter Ies lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;
- dit n'y avoir lieu de statuer sur le sort des meubles éventuellement laissés sur place ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel la somme de 1 353,36 euros, au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnisés d'occupation (décompte arrêté au 31 janvier 2024, échéance de janvier 2024 comprise), avec Ies intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel une indemnité mensuelle d'occupation, à compter du 1er février 2024 et jusqu'à Ia libération des lieux ;
- fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme forfaitaire de 564,45 euros ;
- dit que cette indemnité sera révisable selon Ies mêmes modalités que celles stipulées pour la révision du loyer dans le contrat de bail ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à Ia société Domofrance la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté Ies plus amples demandes des parties ;
- condamné Mme [D] [T] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer de sa dénonciation à Ia commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, de l'assignation et de sa notification à Ia préfecture ;
- rappelé que l'ordonnance est de plein droit à titre provisoire.
Mme [D] [T] a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 30 avril 2024, en ce qu'elle a :
- prononcé la résiliation à compter du 19 octobre 2023 du bail conclu le 19 avril 2012 entre la société Domofrance et Mme [D] [T], concernant le bien à usage d'habitation sis [Adresse 2] ;
- ordonné dès la signification de l'ordonnance la libération des lieux et la restitution des clés ;
- à défaut de libération volontaire des lieux par Mme [D] [T] , la société Domofrance pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi que celle de tous les occupants y compris avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel la somme de 1 353,36 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnité d'occupation (décompte arrêté au 31 janvier 2024) avec les intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance du 21 mars 2024 ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er février 2024 et jusqu'à la libération des lieux ;
- fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme forfaitaire de 564,45 euros ;
- dit que cette indemnité sera révisable selon les mêmes modalités que celles stipulées pour la révision du loyer dans le contrat de bail ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Suite à la requête effectuée auprès du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux et par décision du 15 octobre 2024, Mme [D] [T] a été déboutée de sa demande en suspension de la mesure d'expulsion.
Par dernières conclusions déposées le 24 octobre 2024, Mme [D] [T] demande à la cour d'ordonner le renvoi de la clôture à la date des plaidoiries et de :
- dire Mme [D] [T] recevable et bien fondée en son appel ;
- y faire droit ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a prononcé la résiliation du bail au 19 octobre 2023 et ordonné l'expulsion de Mme [D] [T].
Statuant de nouveau :
- ordonner la suspension de la clause résolutoire jusqu'à complet paiement de la dette
locative ;
- juger n'y avoir lieu à expulsion ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a ordonné la libération des lieux et la restitution des clés.
Statuant à nouveau :
- dire n'y avoir lieu à la libération des lieux et la restitution des clés ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel la somme de 1 353,36 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnité d'occupation arrêté au 31 janvier 2024, avec les intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance.
Statuant à nouveau :
- accorder à Mme [D] [T] un délai de trois ans pour s'acquitter de la dette locative dont le montant des échéances sera à parfaire selon décompte à l'audience ;
- dire que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne seront
pas encourues pendant le délai fixé par le juge ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance une somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
- juger, pour une question d'équité, n'y avoir lieu a indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;
- juger que, pour la même raison, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
- juger que la décision à venir prendra effet à l'ordonnance entreprise.
Par dernières conclusions déposées le 24 octobre 2024, la société Domofrance demande à la cour d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries et de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 21 mars 2024 sauf à modifier le montant de la condamnation provisionnelle pour la porter à la somme de 4.870,92 euros suivant décompte arrêté du 24 octobre 2024 sauf à parfaire au jour des plaidoiries ;
- débouter Mme [D] [T] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner Mme [D] [T] au paiement d'une juste indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience rapporteur du 28 octobre 2024.
À l'audience, avant le déroulement des débats, à la demande de Mme [D] [T], et avec l' accord de la partie adverse, l'ordonnance de clôture rendue le 14 octobre 2024 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour est saisie d'une demande d'octroi de délais de paiement pour apurer la dette locative et de suspension des effets de la clause résolutoire pendant 36 mois.
Le bailleur intimé s'y oppose, faisant valoir l'augmentation de la dette locative depuis le commandement de payer visant la clause résolutoire du 5 septembre 2023, l'absence de reprise du paiement du loyer et le bénéfice d'un précédent plan de surendettement ayant permis l'effacement de sa dette locative en 2019 à hauteur de 10.310,46 euros.
Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ainsi, l'existence de contestations sérieuses est indifférente pour la mise en oeuvre de ce texte, le trouble manifestement illicite se définissant comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire ; dans ce cas, le dommage est réalisé et il importe d'y mettre un terme.
Le caractère illicite doit être évident et peut résulter d'une violation de la loi ou de stipulations contractuelles.
- Sur le montant de la dette locative
L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit en son paragraphe I, que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie, produit effet 2 mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Le contrat signé par les parties prévoit une clause résolutoire de plein droit à défaut de paiement du loyer et de ses accessoires deux mois après la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux.
L'obligation de payer les loyers et charges est une obligation essentielle du locataire.
Un commandement de payer les loyers et d'avoir à justifier de l'assurance visant la clause résolutoire a été délivré à la locataire le 5 septembre 2023 pour un montant de 485,39 euros de charges et loyers dus à l'époque.
Au 31 janvier 2024, date de l'assignation, le montant de la dette locative était de 1.353, 36 euros, échéance de janvier 2024 comprise.
Le montant des APL était de 333,06 euros laissant un loyer résiduel à charge de la locataire de 150,99 euros.
Le commandement de payer a rappelé les termes de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que les dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par l'article 114 de la Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 et celles de l'article 6 de la loi du 31 mai 1990. Il apparaît en outre qu'à la suite du commandement de payer qui lui a été délivré, Mme [D] [T] n'a pas réglé l'intégralité de sa dette dans le délai légal de deux mois.
Il n'est pas contesté que l'arriéré de loyer n'a commencé à être apuré que postérieurement à la signification de l'ordonnance de référé, de sorte que le premier juge ne pouvait que tirer les conséquences de l'absence de règlement des causes du commandement de payer dans le délai de deux mois et même au jour de l'audience, comme l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 le permet.
- Sur les délais
Aux termes de l'article 24, V, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, d'application immédiate :
« V- Le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation [...].
VII. - Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.'
Le jour de l'audience en référé, la dette locative était de 1.353,36 euros, au 31 janvier 2024. Le relevé de compte actualisé au 24 octobre 2024, quittancement de septembre 2024 inclus fait apparaître une dette locative de 4.870,92 euros.
L'appelante justifie percevoir un revenu mensuel d'environ 670 euros. Elle indique débuter un travail en contrat à durée indéterminée le 6 novembre sans toutefois produire de justificatif.
Le loyer résiduel est de 221,59 euros, le relevé de compte faisant apparaître un versement d'APL de 343,59 euros le 17 octobre 2024. Toutefois, Mme [D] [T] ne justifie, ni de la reprise du loyer intégral, ni résiduel, ayant versé de manière irrégulière 80 euros au mois de juin 2024, 90 euros au mois de juillet, 2260 euros au mois de septembre et 150 euros au mois d'octobre.
Ces versements n'ont d'ailleurs pas permis de faire diminuer la dette locative.
De sorte que l'appelante ne justifiant pas des conditions d'octroi des délais de paiement, sa demande sera rejetée et le jugement déféré confirmé, sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau sur les mesures subséquentes à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme [D] [T], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel l'équité commandant qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l''ordonnance déférée,
y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,
Condamne Mme [D] [T] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 09 DECEMBRE 2024
N° RG 24/02055 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NX7L
[Y], [L] [D] [T]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024/008736 du 26/06/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
c/
S.A. DOMOFRANCE
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendu le 21 mars 2024 par le Juge des contentieux de la protection de bordeaux (RG : 23/02229) suivant déclaration d'appel du 30 avril 2024
APPELANTE :
[Y], [L] [D] [T]
née le 01 Avril 1974 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Murièle LERMINIAUX-VEDEL, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A. DOMOFRANCE Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2024 hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bénédicte LAMARQUE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte du 19 avril 2012, la SA Domofrance a donné à bail à Mme [Y] [D] [T] un bien à usage d'habitation situé au [Adresse 2].
Des loyers étant demeurés impayés, la société Domofrance a fait signifier, le 5 septembre 2023, un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail.
Par acte de commissaire de justice du 16 novembre 2023, la société Domofrance a fait assigner Mme [D] [T], en référé, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins d'obtenir la résiliation du contrat, son expulsion et sa condamnation provisionnelle au paiement d'un arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 21 mars 2024, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- constaté au 19 octobre 2023 l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 19 avril 2012 et liant la société Domofrance à Mme [D] [T] concernant le bien à usage d'habitation situé au [Adresse 2] ;
- ordonné en conséquence à Mme [D] [T] de libérer Ies lieux avec restitution des clés, dès la signification de l'ordonnance ;
- dit qu'à défaut pour Mme [D] [T] d'avoir volontairement libéré Ies lieux et restitué Ies clés dans ce délai, la société Domofrance pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter Ies lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;
- dit n'y avoir lieu de statuer sur le sort des meubles éventuellement laissés sur place ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel la somme de 1 353,36 euros, au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnisés d'occupation (décompte arrêté au 31 janvier 2024, échéance de janvier 2024 comprise), avec Ies intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel une indemnité mensuelle d'occupation, à compter du 1er février 2024 et jusqu'à Ia libération des lieux ;
- fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme forfaitaire de 564,45 euros ;
- dit que cette indemnité sera révisable selon Ies mêmes modalités que celles stipulées pour la révision du loyer dans le contrat de bail ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à Ia société Domofrance la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté Ies plus amples demandes des parties ;
- condamné Mme [D] [T] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer de sa dénonciation à Ia commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, de l'assignation et de sa notification à Ia préfecture ;
- rappelé que l'ordonnance est de plein droit à titre provisoire.
Mme [D] [T] a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 30 avril 2024, en ce qu'elle a :
- prononcé la résiliation à compter du 19 octobre 2023 du bail conclu le 19 avril 2012 entre la société Domofrance et Mme [D] [T], concernant le bien à usage d'habitation sis [Adresse 2] ;
- ordonné dès la signification de l'ordonnance la libération des lieux et la restitution des clés ;
- à défaut de libération volontaire des lieux par Mme [D] [T] , la société Domofrance pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi que celle de tous les occupants y compris avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel la somme de 1 353,36 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnité d'occupation (décompte arrêté au 31 janvier 2024) avec les intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance du 21 mars 2024 ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 1er février 2024 et jusqu'à la libération des lieux ;
- fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme forfaitaire de 564,45 euros ;
- dit que cette indemnité sera révisable selon les mêmes modalités que celles stipulées pour la révision du loyer dans le contrat de bail ;
- condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Suite à la requête effectuée auprès du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux et par décision du 15 octobre 2024, Mme [D] [T] a été déboutée de sa demande en suspension de la mesure d'expulsion.
Par dernières conclusions déposées le 24 octobre 2024, Mme [D] [T] demande à la cour d'ordonner le renvoi de la clôture à la date des plaidoiries et de :
- dire Mme [D] [T] recevable et bien fondée en son appel ;
- y faire droit ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a prononcé la résiliation du bail au 19 octobre 2023 et ordonné l'expulsion de Mme [D] [T].
Statuant de nouveau :
- ordonner la suspension de la clause résolutoire jusqu'à complet paiement de la dette
locative ;
- juger n'y avoir lieu à expulsion ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a ordonné la libération des lieux et la restitution des clés.
Statuant à nouveau :
- dire n'y avoir lieu à la libération des lieux et la restitution des clés ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance à titre provisionnel la somme de 1 353,36 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnité d'occupation arrêté au 31 janvier 2024, avec les intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance.
Statuant à nouveau :
- accorder à Mme [D] [T] un délai de trois ans pour s'acquitter de la dette locative dont le montant des échéances sera à parfaire selon décompte à l'audience ;
- dire que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne seront
pas encourues pendant le délai fixé par le juge ;
- réformer l'ordonnance du 21 mars 2024 en ce qu'elle a condamné Mme [D] [T] à payer à la société Domofrance une somme de 50 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
- juger, pour une question d'équité, n'y avoir lieu a indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;
- juger que, pour la même raison, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
- juger que la décision à venir prendra effet à l'ordonnance entreprise.
Par dernières conclusions déposées le 24 octobre 2024, la société Domofrance demande à la cour d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries et de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 21 mars 2024 sauf à modifier le montant de la condamnation provisionnelle pour la porter à la somme de 4.870,92 euros suivant décompte arrêté du 24 octobre 2024 sauf à parfaire au jour des plaidoiries ;
- débouter Mme [D] [T] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner Mme [D] [T] au paiement d'une juste indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience rapporteur du 28 octobre 2024.
À l'audience, avant le déroulement des débats, à la demande de Mme [D] [T], et avec l' accord de la partie adverse, l'ordonnance de clôture rendue le 14 octobre 2024 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour est saisie d'une demande d'octroi de délais de paiement pour apurer la dette locative et de suspension des effets de la clause résolutoire pendant 36 mois.
Le bailleur intimé s'y oppose, faisant valoir l'augmentation de la dette locative depuis le commandement de payer visant la clause résolutoire du 5 septembre 2023, l'absence de reprise du paiement du loyer et le bénéfice d'un précédent plan de surendettement ayant permis l'effacement de sa dette locative en 2019 à hauteur de 10.310,46 euros.
Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ainsi, l'existence de contestations sérieuses est indifférente pour la mise en oeuvre de ce texte, le trouble manifestement illicite se définissant comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire ; dans ce cas, le dommage est réalisé et il importe d'y mettre un terme.
Le caractère illicite doit être évident et peut résulter d'une violation de la loi ou de stipulations contractuelles.
- Sur le montant de la dette locative
L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit en son paragraphe I, que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie, produit effet 2 mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Le contrat signé par les parties prévoit une clause résolutoire de plein droit à défaut de paiement du loyer et de ses accessoires deux mois après la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux.
L'obligation de payer les loyers et charges est une obligation essentielle du locataire.
Un commandement de payer les loyers et d'avoir à justifier de l'assurance visant la clause résolutoire a été délivré à la locataire le 5 septembre 2023 pour un montant de 485,39 euros de charges et loyers dus à l'époque.
Au 31 janvier 2024, date de l'assignation, le montant de la dette locative était de 1.353, 36 euros, échéance de janvier 2024 comprise.
Le montant des APL était de 333,06 euros laissant un loyer résiduel à charge de la locataire de 150,99 euros.
Le commandement de payer a rappelé les termes de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que les dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par l'article 114 de la Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 et celles de l'article 6 de la loi du 31 mai 1990. Il apparaît en outre qu'à la suite du commandement de payer qui lui a été délivré, Mme [D] [T] n'a pas réglé l'intégralité de sa dette dans le délai légal de deux mois.
Il n'est pas contesté que l'arriéré de loyer n'a commencé à être apuré que postérieurement à la signification de l'ordonnance de référé, de sorte que le premier juge ne pouvait que tirer les conséquences de l'absence de règlement des causes du commandement de payer dans le délai de deux mois et même au jour de l'audience, comme l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 le permet.
- Sur les délais
Aux termes de l'article 24, V, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, d'application immédiate :
« V- Le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation [...].
VII. - Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.'
Le jour de l'audience en référé, la dette locative était de 1.353,36 euros, au 31 janvier 2024. Le relevé de compte actualisé au 24 octobre 2024, quittancement de septembre 2024 inclus fait apparaître une dette locative de 4.870,92 euros.
L'appelante justifie percevoir un revenu mensuel d'environ 670 euros. Elle indique débuter un travail en contrat à durée indéterminée le 6 novembre sans toutefois produire de justificatif.
Le loyer résiduel est de 221,59 euros, le relevé de compte faisant apparaître un versement d'APL de 343,59 euros le 17 octobre 2024. Toutefois, Mme [D] [T] ne justifie, ni de la reprise du loyer intégral, ni résiduel, ayant versé de manière irrégulière 80 euros au mois de juin 2024, 90 euros au mois de juillet, 2260 euros au mois de septembre et 150 euros au mois d'octobre.
Ces versements n'ont d'ailleurs pas permis de faire diminuer la dette locative.
De sorte que l'appelante ne justifiant pas des conditions d'octroi des délais de paiement, sa demande sera rejetée et le jugement déféré confirmé, sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau sur les mesures subséquentes à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme [D] [T], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel l'équité commandant qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l''ordonnance déférée,
y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,
Condamne Mme [D] [T] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,