Livv
Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 10 décembre 2024, n° 23/04670

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Le Rol Genie Climatique (SARL)

Défendeur :

Espacil Résidences (SA), Motec Ingenierie (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Ramin

Avocats :

Me Guyon, Me Voncq, Me Nicolas

CA Rennes n° 23/04670

9 décembre 2024

FAITS

La SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE (LE ROL) a notamment pour objet tous travaux de chauffage, plomberie, génie climatique et couverture.

Son capital social est détenu à 95% par la SAS COMPAGNIE HOLDING GROUPE LANG (C.H.G.L.). M. [Y] président de la société C.H.G.L est également associé et gérant de la société LE ROL.

Depuis le 11 mai 2009, M. [T] [D] était salarié de la société LE ROL en qualité d'adjoint de direction. Il a démissionné et quitté l'entreprise le 7 mai 2020.

Au cours d'un entretien avec un salarié, en juillet 2020, M. [Y] a appris que ce salarié était intervenu sur le chantier de la résidence [7] en 2019 à [Localité 8], construite par la société ESPACIL RÉSIDENCES. A cette occasion M. [Y] a également su que ce chantier était dirigé par M. [D].

Le 20 juillet 2020, M. [Y] a rencontré M. [D] qui lui a expliqué avoir été contacté par la société ESPACIL RÉSIDENCES pour reprendre le chantier [7] suite à la liquidation du plombier ; que la négociation avait bien débuté avec la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE mais qu'au moment de conclure, la société ESPACIL RÉSIDENCE se serait inquiétée du redressement judiciaire de la société C.H.G.L. et de ses possibles répercussions sur la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE, ce qui l'aurait contrainte à négocier le chantier avec la société créée par l'épouse de M. [D], la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES.

La société LE ROL précise que M. [D] a reconnu avoir utilisé la main d''uvre de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE et avoir fait acheté le matériel en partie par celle-ci.

La société LE ROL signale avoir aussi découvert que :

- la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE avait répondu le 22 mars 2017, sans être retenue, à l'appel d'offre initial de la société ESPACIL RÉSIDENCES pour le lot n° 22 du chantier [7] ;

- à la suite de la liquidation de l'entreprise attributaire du lot la société ESPACIL RÉSIDENCES avait recontacté la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE pour qu'elle reprenne le chantier, négociant avec M. [D] ;

- la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE avait adressé une nouvelle offre le 6 février 2019 pour le chantier [7] ;

- la société CONCEPT LOIRE ENERGIE, désormais dénommée TRAVAUX ENERGIE SERVICES, a pour associée unique et président la SARL A3NE, laquelle a pour associée unique et gérante l'épouse de M. [D].

La société LE ROL a adressé le 4 août 2020 à la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES une facture de 320.000 euros HT correspondant au montant réglé à cette société par la société ESPACIL RÉSIDENCES pour le chantier [7].

Le 15 décembre 2020, la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE et la SAS TRAVAUX ENERGIE SERVICES ont signé un protocole transactionnel dont l'objet a été circonscrit au préjudice subi par la première à l'occasion des travaux réalisés par la seconde sur le chantier [7].

En contrepartie du règlement par la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES d'une indemnité forfaitaire de 215.000 euros la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE a renoncé 'à toute action et/ou instance de nature pénale, civile, prud'homale ou commerciale, visant à obtenir de la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES ou de la société ESPACIL RÉSIDENCES une indemnité complémentaire, sous quelque forme que ce soit, des préjudices qu'elle a subis du fait que ses salariés et ses matériaux ont été utilisés à son insu pour réaliser le chantier [7]'

M. [D] a fait l'objet de poursuites pénales.

N'ayant pu parvenir à un règlement amiable avec la société ESPACIL RÉSIDENCES, la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE l'a assignée par acte du 19 mars 2021 devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ses manquements :

- la somme de 750.000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pertes de marchés,

- la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de rôle 2021001050.

Par exploits des 10 et 11 mai 2021, la société ESPACIL RÉSIDENCES a assigné en intervention forcée les sociétés TRAVAUX ENERGIE SERVICES, SMA (ès qualités d'assureur de TRAVAUX ENERGIE SERVICES), MOTEC INGÉNIERIE (maître d'oeuvre du chantier), SMABTP (ès qualités d'assureur de MOTEC INGÉNIERIE) et SOCOTEC (coordonnateur sécurité Protection de la Santé).

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de rôle 2021001735.

Par la suite, la société ESPACIL RÉSIDENCES a réassigné ces mêmes sociétés et cette seconde procédure incidente a été enregistrée sous le numéro 2021002469.

Le tribunal de commerce a prononcé la jonction des différentes instances sous le numéro de RG 2021001050.

Par jugement du 31 mai 2023, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a :

- Dit les exceptions de procédures recevables en la forme ;

- Débouté les sociétés TRAVAUX ENERGIE SERVICES et ESPACIL RÉSIDENCES de leurs demandes d'écarter des débats les pièces 75 à 78 du dossier de la requérante ;

- Constaté l'existence et les effets du protocole transactionnel et l'absence de marché public entre les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- Dit qu'aucune résiliation fautive de marché public n'est intervenue au détriment de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- Constaté que les préjudices de perte de marché et de désorganisation de l'entreprise ne peuvent être imputables à un comportement fautif de la société ESPACIL RÉSIDENCES

- Dit que la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE a commis une faute et a été négligente dans sa gestion ;

- Dit que les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE n'ont pas commis

de faute par défaut de vigilance ou négligence et n'ont pas manqué aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 et du CCAP ;

- Dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société ESPACIL RÉSIDENCES (au sens des articles 1240 et suivants du code civil) ne sont pas réunies ;

- Dit que l'appel en cause formé par la société ESPACIL RÉSIDENCES à l'encontre de la société MOTEC INGÉNIERIE n'est pas fondé ;

- Dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société MOTEC INGÉNIERIE (au sens des articles 1240 et suivants du code civil) ne sont pas réunies ;

- Débouté la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE à lui payer la somme de 750 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pertes de marchés et la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise ;

- Ordonné en conséquence le rejet des appels en garantie lancés par la société ESPACIL RÉSIDENCES contre la société MOTEC INGÉNIERIE et le rejet de l'ensemble des demandes fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société SOCOTEC CONSTRUCTION ;

- Débouté la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES de ses demandes reconventionnelles dirigées contre la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE;

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions contraires ;

- Dit ne pas y avoir lieu de statuer sur les demandes des sociétés SMA et SMABTP du fait de la présente décision ;

- Condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 5 000 euros à la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

- Condamné la société ESPACIL RÉSIDENCES en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de :

- la somme de 2 000 euros à la société MOTEC INGÉNIERIE,

- la somme de 1 000 euros à la société SOCOTEC CONSTRUCTION,

- la somme de 500 euros in solidum aux société SMA et SMA BTP,

- Débouté les parties en cause du surplus de leurs demandes sur ce fondement;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au paiement des entiers dépens ;

- Liquidé les frais de greffe du présent jugement à la somme de 180,67 euros dont TVA 30,11 euros et à la somme de 341,26 euros dont TVA 56,88 euros au titre des 3 instances jointes par jugement date du 1er juin 2022.

Par déclaration du 25 juillet 2023, la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE a interjeté appel, à l'encontre des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE.

L'ordonnance de clôture est en date du 19 septembre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 17 avril 2024 la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE demande à la cour au visa des articles 1103, 1193, 1240, 1241, 1242, alinéa 5, 2044 et suivants du code civil, L. 1, L. 2 et L. 6 du code de la commande publique, le décret n° 61-552 du 23 mai 1961 et la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitante de :

- Débouter les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES ET MOTEC INGÉNIERIE de leurs appels incidents ;

- Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé recevables les demandes de la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

Déclarer la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 31 mai 2023 par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire ;

Réformer le jugement en ce qu'il a :

- constaté l'absence de marché public entre les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- dit qu'aucune résiliation fautive de marché public n'est intervenue au détriment de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- constaté que les préjudices de perte de marché et de désorganisation de l'entreprise ne peuvent être imputables à un comportement fautif de la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

- dit que la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE a commis une faute et a été négligente dans sa gestion ;

- dit que les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE n'ont pas commis de faute par défaut de vigilance ou négligence et n'ont pas manqué aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 et du CCAP ;

- dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société ESPACIL RÉSIDENCES (au sens des articles 1240 et suivants du Code civil) ne sont pas réunies ;

- dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société MOTEC INGÉNIERIE (au sens des articles 1240 et suivants du Code civil) ne sont pas réunies ;

- débouté la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE à lui payer la somme de 750.000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pertes de marchés et la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise ;

- condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 5.000 à la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

- condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au paiement des entiers dépens ;

- débouté la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de ses demandes visant à obtenir la condamnation de la société ESPACIL RÉSIDENCES à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure et les entiers dépens.

Et, statuant à nouveau, pour les motifs qui précèdent :

- Condamner in solidum la société ESPACIL RÉSIDENCES et la société MOTEC INGÉNIERIE à payer à la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE :

- la somme de 750.000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pertes de marchés,

- la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise.

- Dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation - Ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- Débouter les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- Confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes - Condamner la société ESPACIL RÉSIDENCES à payer à la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE la somme de 18.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure.

- Condamner la société ESPACIL RÉSIDENCES aux entiers dépens.

Dans ses écritures notifiées le 12 septembre 2024 la société ESPACIL RÉSIDENCES demande à la cour au visa des articles 2044 et 2052 du code civil, 1103, 1104, 1240, 1241 et 1242 du code civil, du code de la commande publique, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et notamment son article 3, de :

A titre d'appel incident in limine litis :

- Infirmer le jugement rendu le 31 mai 2023 sous le RG n° 2021001050 en ce que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences procédurales du protocole transactionnel du 15 décembre 2020 ;

- Déclarer l'action de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE irrecevable, dans son ensemble, pour exception de transaction ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il :

- Dit les exceptions de procédures recevables en la forme ;

- Constate l'existence et les effets du protocole transactionnel et l'absence de marché public entre les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- Dit qu'aucune résiliation fautive de marché public n'est intervenue au détriment de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- Constate que les préjudices de perte de marché et de désorganisation de l'entreprise ne peuvent être imputables à un comportement fautif de la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

- Dit que la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE a commis une faute et a été négligente dans sa gestion ;

- Dit que les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE n'ont pas commis de faute par défaut de vigilance ou négligence et n'ont pas manqué aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 et du CCAP ;

- Dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société ESPACIL RÉSIDENCES (au sens des articles 1240 et suivants du Code civil) ne sont pas réunies ;

- Débouté la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE à lui payer la somme de 750 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pertes de marchés et la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise ;

- Condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 5000 euros à la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

- Condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au paiement des entiers dépens.

Et statuant à nouveau pour les motifs qui précèdent :

- Débouter la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de sa demande de production d'intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation des sommes sollicitées par la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au titre de la réparation de son préjudice ;

- Débouter la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de sa demande de capitalisation des intérêts échus ;

- Débouter la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

- Confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes ;

- Condamner la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au paiement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE aux entiers dépens.

Dans ses écritures notifiées le 13 septembre 2024 la société MOTEC INGÉNIERIE demande à la cour au visa des articles 6, 9 du code de procédure civile, 1353 du code civil, 2044 et 2052 du code civil, 1103, 1104, 1240, 1241 et 1242 du code civil, de :

A titre d'appel incident, in limine litis :

- Infirmer le jugement rendu le 31 mai 2023 sous le RG n° 2021001050 en ce que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences procédurales du protocole transactionnel du 15 décembre 2020.

- Déclarer l'action de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE irrecevable pour exception de transaction.

A titre subsidiaire :

- Juger que la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE a fait preuve de mauvaise foi contractuelle et procédurale en se faisant indemniser par protocole du 15 décembre 2020 des conditions de réalisation du chantier [7], en particulier au titre des préjudices liés à l'utilisation de ses salariés et matériaux sur ce chantier, à s'engager en contrepartie à renoncer à toute action contre le maître d'ouvrage, la société ESPACIL RÉSIDENCES, tout en initiant à l'encontre de cette dernière, dès réception de la dernière échéance de l'indemnité transactionnelle, un procès au titre de l'exécution du même chantier [7], pour solliciter l'indemnisation de préjudices qu'elle connaissait dès avant la signature dudit protocole.

A titre principal:

- Confirmer le jugement rendu le 31 mai 2023 par le tribunal de commerce de Saint Nazaire sous le RG n° 2021001050 en toutes ces dispositions sur le fond, en ce que le tribunal a :

.constaté que les préjudices de perte de marché et de désorganisation de l'entreprise ne peuvent être imputables à un comportement fautif de la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

.dit que la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE a commis une faute et a été négligente dans sa gestion ;

.dit que les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE n'ont pas commis de faute par défaut de vigilance ou négligence et n'ont pas manqué aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 et du CCAP ;

.dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société ESPACIL RÉSIDENCES (au sens des articles 1240 et suivants du code Civil) ne sont pas réunies ;

.dit que l'appel en cause formé par la société ESPACIL RÉSIDENCES à l'encontre de la société MOTEC INGÉNIERIE n'est pas fondé ;

.dit que les conditions de mise en responsabilité pour fautes de la société MOTEC INGÉNIERIE

(au sens des articles 1240 et suivant du Code Civile) ne sont pas réunies ;

.débouté la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE à lui payer la somme de 750.000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pertes de marchés et la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de l'entreprise ;

.ordonné en conséquence le rejet des appels en garantie lancés par la société ESPACIL RÉSIDENCES contre la société MOTEC INGÉNIERIE et le rejet de l'ensemble des demandes fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société SOCOTEC CONSTRUCTION ;

. condamné la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 5.000 euros à la société ESPACIL RÉSIDENCES ;

. condamné la société ESPACIL RÉSIDENCES, en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 2.000 euros à la société MOTEC INGÉNIERIE.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour entendait faire droit à une quelconque prétention de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE :

- Juger que l'article 14-1 de la loi n°75-1304 du 31 décembre 1975, dont les conditions d'application ne sont pas réunies, ne peut être invoqué à l'encontre du maître d''uvre, la société MOTEC INGÉNIERIE, et ne saurait servir de siège à un quelconque défaut de vigilance;

- Juger qu'il n'est pas démontré de faute imputable à la société MOTEC INGÉNIERIE, pas plus que de préjudice indemnisable présentant un lien de causalité avec la faute alléguée ;

- Débouter par conséquent la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de l'intégralité de ses demandes indemnitaires dirigées à l'encontre de la société MOTEC INGÉNIERIE;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour entendait faire droit à une quelconque demande indemnitaire de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE :

- Ramener celle présentée au titre d'une prétendue « perte de plusieurs marchés », à une plus juste proportion dès lors que l'appelante ne justifie même pas l'existence d'une perte de chance, dont l'indemnisation ne pourrait dépasser 19.000 euros ;

- Juger mal fondée la demande de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au titre d'un préjudice de désorganisation interne liée à l'existence de six démissions à la suite de celle de Monsieur [D] dès lors qu'elle avait reçu ces six démissions plusieurs mois avant le protocole transactionnel signé le 15 décembre 2020 avec la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES qui aurait employé certains des six démissionnaires, et qu'il lui appartenait dès lors de l'intégrer à sa réclamation amiable ;

- Juger la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE responsable des agissements de son employé, M. [D] en application de l'article 1242 du code civil, et Dire qu'elle devra en assumer toutes les conséquences, y compris l'ensemble des préjudices qu'elle invoque dans la présente instance ;

- la Débouter par conséquent de l'intégralité de ses demandes indemnitaires dirigées à l'encontre de la société MOTEC INGÉNIERIE.

Et y ajoutant en tout état de cause,

- Débouter la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions d'appel, et de sa demande de production d'intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation, ainsi que de sa demande de capitalisation des intérêts échus ;

- Condamner la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE à verser à la société MOTEC INGÉNIERIE une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- Condamner la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

La recevabilité de l'action de la société LE ROL

Les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE considèrent que le protocole d'accord transactionnel régularisé entre la société LE ROL et la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES le 15 décembre 2020 interdit à la société LE ROL d'agir contre elles.

Toutefois si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction Civ. 1re, 18 oct. 2023, no 22-21.358.

Le protocole transactionnel du 15 décembre 2020 signale en préambule :

Monsieur [T] [D] a été le salarié de la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE, en qualité d'adjoint de direction, du 11 mai 2009 au 07 mai 2020, date à laquelle a pris effet sa démission du 7 avril 2020 après qu'il ait demandé à écourter son préavis.

...

Dans les semaines qui ont suivi cette démission, Monsieur [Y], gérant de la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE, a notamment découvert que Monsieur [D] avait utilisé son temps de travail, celui de plusieurs salariés de la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE et des matériaux payés par

celle-ci pour réaliser des travaux de plomberie, chauffage sanitaire et VMC commandés par la société ESPACIL RÉSIDENCES à la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES pour un chantier [7] situé à [Localité 8] alors que ce marché avait initialement été attribué à la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE, ce que Monsieur [D] a reconnu lors d'une brève rencontre avec Monsieur [Y] le 20 juillet 2020.

Le décompte général définitif réglé par ESPACIL RÉSIDENCES à la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES s'étant élevé à sa connaissance à 328 000 euros, la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE a évalué à 328 000 euros minimum le montant du préjudice qu'elle avait subi du fait de la perte du chantier [7] et de l'utilisation de ses ouvriers et matériaux par la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES pour réaliser ce chantier.

L'article 1 Concessions et engagements de la SAS TRAVAUX ENERGIE SERVICES prévoit :

Afin d'exécuter les prestations qui lui avaient été commandées par la société ESPACIL RÉSIDENCES pour le chantier de la résidence [7] à [Localité 8] la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES reconnaît avoir utilisé des ouvriers de la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE et des matériaux achetés par celle ci et ce à l'insu de la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE et de son gérant hors de tout cadre contractuel entre les deux sociétés.

Afin de dédommager la SARL LE ROL GENIE CLIMATIQUE du préjudice qui en est résulté pour elle la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES s'engage à lui régler une indemnité forfaitaire de deux cent quinze mille euros (215 000 euros) au plus tard le 28 février 2021 selon l'échéancier et les modalités décrites à l'article 1.2.

L'article 2 Concessions et engagements de la SARL LE ROL ajoute :

En contrepartie du règlement de l'indemnité de 215 000 €... la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE renonce définitivement et irrévocablement à toute action et/ou instance de nature pénale, civile, prud'homale ou commerciale visant à obtenir de la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES ou de la société ESPACIL RÉSIDENCES une indemnité complémentaire, sous quelque forme que ce soit, des préjudices qu'elle a subis du fait de ses salariés et de ses matériaux qui ont été utilisés à son insu pour réaliser le chantier [7].

Cette renonciation est expressément circonscrite au chantier [7].

L'article 3 du protocole, 'Portée de la transaction' précise :

Le présent protocole transactionnel règle définitivement le litige existant entre les parties relativement au chantier [7] et ce, conformément aux articles 2044 et suivants du code civil et notamment l'article 2052 dudit code qui dispose que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

Il constitue un tout indivisible de telle sorte que nul ne pourra se prévaloir d'une stipulation isolée et l'opposer à l'autre indépendamment du tout.

En conséquence, les Parties s'interdisent de remettre en cause les termes de cet accord qui est définitif et sans réserve.

La société LE ROL sollicite l'indemnisation des préjudices de perte de marchés et de désorganisation qu'elle estime avoir subis en raison de la résiliation abusive par la société ESPACIL RÉSIDENCES du marché [7] et pour défaut de vigilance et négligence des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES MOTEC INGÉNIERIE dans l'exécution de ce marché.

L'article 4 qui permet la levée de la confidentialité de la transaction dans l'hypothèse d'une action judiciaire opposant l'une des parties à la société ESPACIL, ne suffit pour qu'elle puisse obtenir une indemnisation complémentaire. Il faut dans ce cas que les préjudices dont elle réclame réparation n'aient pas été visés dans l'accord transactionnel.

La transaction du 15 décembre 2020 exclut toute action de la société LE ROL contre ESPACIL RÉSIDENCES relative au chantier [7], mais uniquement pour ses préjudices résultant de l'utilisation de ses ouvriers et de ses matériaux sur ce chantier.

Elle permet donc à la société ESPACE RÉSIDENCES de faire valoir la renonciation à l'action.

La société LE ROL ne peut donc obtenir une indemnisation complémentaire à l'encontre de la société ESPACIL RÉSIDENCES aux motifs qu'elle aurait manqué de vigilance et aurait été négligente pour ne pas s'être aperçue de la présence des salariés de la société LE ROL et de l'utilisation de ses matériaux sur le chantier [7].

En revanche le protocole ne règle pas les préjudices dont se plaint la société LE ROL en lien raison de la résiliation du marché dont elle se considère attributaire à la place de la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES.

Le protocole transactionnel ne vise pas non plus la société MOTEC INGÉNIERIE.

Dans ces conditions, les demandes de la société LE ROL à l'encontre de la société ESPACIL RÉSIDENCES fondées sur une résiliation abusive du contrat et ses demandes à l'encontre de la société MOTEC INGÉNIERIE sont recevables.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Le marché [7]

La société LE ROL considère qu'elle subit une perte de marchés et une désorganisation interne en raison des agissements de M. [D] qui ont pu se développer en raison de son exclusion du marché [7] et du défaut de vigilance des sociétés RÉSIDENCES ESPACIL ET MOTEC en cours d'exécution du chantier.

1) La résiliation du contrat

Renvoyant au protocole transactionnel, la société LE ROL explique qu'elle n'entend pas obtenir une double indemnisation.

En tout état de cause elle ne démontre pas qu'elle a été exclue du marché litigieux.

Dans le cadre de la construction de logements collectifs, selon contrat du 11 septembre 2015, la mission de maîtrise d''uvre cotraitante a été confiée par la

société ESPACIL RÉSIDENCES à un Groupement solidaire constitué notamment de la société MOTEC INGÉNIERIE.

La prestation de société MOTEC INGÉNIERIE était fixée à un montant de 120 386 euros HT.

La société ESPACIL RÉSIDENCES a procédé à la déclaration de chantier le 27 mars 2017.

A l'issue d'une mise en concurrence le lot n°22 plomberie, sanitaire, chauffage, VMC a été confié à la société MAURY GUIOCHET.

La société MAURY GUIOCHET a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire par la suite.

La société LE ROL fait valoir qu'elle était attributaire du marché [7] dès le 29 avril 2019 en remplacement de la société liquidée.

Elle verse une offre quantitatif/estimatif du 6 février 2019.

Elle communique aussi un courrier du 24 avril 2019 dite 'lettre de commande' de la société ESPACIL ACCESSION dans lequel cette dernière indique :

Nous avons le plaisir de vous confirmer que votre offre de prix a été retenue pour un montant forfaitaire HT ferme, non révisable et non actualisable de :

328.359,99 € HT' pour la réalisation des travaux du lot N° 22.

La société LE ROL estime que de nombreux documents confirment son attribution du marché avant qu'il ne soit régularisé avec la société CONCEPT LOIRE ENERGIE le 30 avril 2019 :

- le document CICM (conduite immeuble conduite montante) établi par la société ESPACIL RÉSIDENCES le 25 avril 2019 pour le chantier [7], qui mentionne l'entreprise LE ROL GENIE CLIMATIQUE comme étant en charge du lot chauffage,

- l'invitation de M. [D] à une réunion « rv LE ROL / MOTEC / ESPACIL pour [7] » dans les locaux du maître d''uvre (MOTEC) le 11 avril 2019,

- le courriel du 11 avril 2019 que le bureau d'études BET JOYEUX a adressé à M. [D]

- l'invitation de M. [D] à une réunion [7] - constat Huissier le 16 avril 2019 sur le site du chantier ;

- les attestations d'aptitude des soudeurs LE ROL GENIE CLIMATIQUE ;

- un courriel de la société ESPACIL RÉSIDENCES du 10 mai 2019 relatif à une demande de TMA (travaux modificatif acquéreur).

Elle soutient que le compte rendu du chantier [7] n° 80 du mardi 14 mai 2019 indique bien en page 6, à la rubrique des observations du maître d'ouvrage : Constat d'huissier à transmettre à l'ENT LEROL, et en page 19 Transmettre à l'ENT LEROL. Elle ajoute que le numéro de téléphone mobile indiqué correspond à l'abonnement qu'elle a souscrit pour M. [D].

La société LE ROL ne peut cependant tout à la fois faire état de ces mentions et dénoncer dans le même temps les manoeuvres de M.[D] destinées à maquiller les documents contractuels du chantier.

En outre la lettre de commande du 24 avril 2019 précise :

Nous vous convoquons à la signature de votre marché qui aura lieu sur site ...le 31 avril à 10 h 30.

La société LE ROL GENIE CLIMATIQUE ne verse aucun contrat écrit et signé qui aurait fait suite au RDV du 30 avril 2019.

Les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE rappellent que le contrat litigieux vise un marché public et que la société ESPACIL RÉSIDENCES est soumise au code de la commande publique.

Un marché public peut être passé entre une personne privée considérée comme pouvoir adjudicateur pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général.

Dans ce cas l'article R.2112-1 de code de la commande publique prévoit que le seuil à compter duquel les marchés sont conclus par écrit est fixé à 25 000 euros hors taxes.

Le contrat [7] qui concernait la construction de 35 logements collectifs devait donc faire l'objet d'un contrat écrit et signé pour que le co-contractant d'ESPACIL RÉSIDENCES soit attributaire du marché.

La société LE ROL affirme que les documents contractuels confirment bien qu'il s'agit d'un contrat de droit privé dont la validité n'est pas subordonnée à l'exigence d'un écrit et dont la preuve est libre.

Elle signale que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) rédigé par la société ESPACIL RÉSIDENCES pour le chantier [7] précise dès sa page de garde marchés privés, et que son article 11.3 Résiliation judiciaire prévoit qu'en cas de manquements de l'une des parties, la résiliation doit être demandée par l'autre partie conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil.

Ces mentions ne permettent pas à la société LE ROL de considérer qu'elle pouvait se passer d'un contrat signé. En effet il est aussi indiqué à l'article 2.2 (Documents constituant le marché) que parmi ceux ci figure le marché signé par l'entreprise .... et le maître de l'ouvrage.

La société LE ROL fait également valoir que le marché de maîtrise d''uvre conclu entre les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE le 11 septembre 2015 définit l'objet du marché en ces termes le marché objet des présentes est un marché de maîtrise d''uvre privé conclu avec un maître d'ouvrage privé.

Cette mention signifie seulement que les deux contractants sont des personnes privées mais n'ôte pas au marché son caractère de marché public soumis aux règles de la commande publique.

Au demeurant le 30 avril 2019 la société ESPACIL RÉSIDENCES et la société CONCEPT LOIRE ENERGIE (devenue TRAVAUX ENERGIE SERVICES) ont bien régularisé un contrat écrit et signé par les deux parties qui renvoie au décret n° 61 552 du 23 mai 1961 relatif aux marchés passés au nom des sociétés d'HLM.

La société LE ROL GENIE CLIMATIQUE ne démontre donc pas qu'elle a été évincée abusivement du contrat [7] et par suite ne peut reprocher à la société ESPACIL RÉSIDENCES aucune faute.

2) Le défaut de vigilance

La société ESPACIL est bien fondée à opposer à la société LE ROL la renonciation de toute action à son encontre par l'effet de la transaction.

En conséquence les demandes formées contre la société ESPACIL à ce titre sont irrecevables et non pas non fondées.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

La société LE ROL considère que les intimées n'ont pas respecté les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, en laissant intervenir sur le chantier des ouvriers LE ROL sans réagir.

La société LE ROL fait valoir son exclusion du marché. Elle est donc malvenue de mentionner son intervention en qualité de sous-traitant. La loi du 15 décembre 1975 n'a donc pas lieu à s'appliquer dans ses relations avec la société MOTEC INGÉNIERIE, la seule dont la responsabilité peut être recherchée au cours de l'exécution du chantier [7].

L'acte d'engagement et la convention de cotraitance ente le maître de l'ouvrage (ESPACIL RÉSIDENCES) et la maîtrise d'oeuvre co-traitante (MOTEC INGÉNIERIE) du 11 septembre 2015 'Objet du contrat' prévoit :

En conséquence la mission de Maîtrise d'Oeuvre comporte les éléments de mission suivants :

E.S.Q. - Etudes d'esquisses.

A.P.S. - Etudes d'avant-projets sommaires.

A.P.D. - Etudes d'avant-projets définitifs.

P.R.O. - Etudes de projets.

A.C.T. - Assistance apportée au Maître d'Ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux.

VISA EXE - Visa des Etudes d'exécutions réalisées par les entreprises.

D.E.T. - Direction de1'exécution du ou des contrats de travaux.

A.0.R. -Assistance apportée au Maître d'Ouvrage1ors des opération de réception ainsi que pendant la garantie de parfait achèvement.

La société MOTEC INGÉNIERIE était donc chargée du suivi du chantier conformément aux règles de la commande publique qui lui attribue de larges missions dans :

- l'assistance de la société ESPACIL RÉSIDENCES,

- la production des documents conformes au marché,

- le contrôle de la réglementation par les intervenants,

- la direction des réunions de chantier.

Le prix de sa prestation illustre l'importance des missions dans le pilotage du projet. Ses obligations vis à vis du maître de l'ouvrage l'obligeait à dénoncer toute intervention suspecte sur le chantier.

La société LE ROL verse des attestations de salariés qui confirment leur intervention sur le chantier [7] en tenues logotées LE ROL, véhicules LE ROL et la livraison de matériaux LE ROL apportés par M. [D] (pièces 26 à 28 et 77).

La société MOTEC INGÉNIERIE ne pouvait pas ne pas repérer ces interventions au nom d'une société non attributaire du chantier.

Elle s'en défend. Toutefois elle aurait également dû s'apercevoir que les documents contractuels communiqués par M.[D] présentaient des anomalies tenant à notamment à des copiés/collés grossiers et incohérents à partir de documents LE ROL (pièce 82 et 14) :

- le certificat de conformité installation de gaz à usage collectif, daté du 7 octobre 2019 signé par M. [D] indique que la société LE ROL est l'installateur (pièce 65) ;

- les attestations d'achèvement de travaux pour les bâtiments A et B du chantier [7] sont signées le 11 octobre 2019 par M. [D] en qualité de représentant de l'entreprise LE ROL GENIE CLIMATIQUE (pièce 66) ;

- les certificats de conformité installation intérieure de gaz des 35 appartements de la résidence [7], datés du 30 novembre ou du 3 et 4 décembre 2019 identifient la société LE ROL comme l'installateur (pièce 67).

A ces dates la société CONCEPT LOIRE ENERGIE était titulaire du lot 22 depuis le 30 avril 2019. La société MOTEC INGÉNIERIE n'a pourtant jamais remis en question ces pièces.

Le défaut de vigilance de la société MOTEC INGÉNIERIE est donc établi.

Mais pour obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, la société LE ROL doit démontrer que cette négligence lui a fait perdre des marchés et se trouve à l'origine de sa désorganisation.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Les préjudices invoqués par la société LE ROL

1) La perte des marchés

La société LE ROL estime avoir perdu 6 marchés à la suite des agissements de M.[D] non dénoncés par les intimés :

- chantier Le capital pour EUROPEAN HOME (40 logements) ;

- chantier WILLY-BRANDT réalisé par Bouygues Construction (42 et 43 soit 85 logements) ;

- 3 chantiers pour le promoteur HICCO (56 logements) ;

- chantier Préférence réalisé par QUALITYM (23 logements).

Ces chantiers n'ont pas été menés par la société ESPACIL RÉSIDENCES.

En outre la société LE ROL ne pourrait se prévaloir que d'une perte de chance de réaliser ces marchés.

La perte de chance, qui consiste en la disparition d'une espérance future dont il est impossible de savoir si elle se serait réalisée ne peut être indemnisée que si son existence est certaine et la probabilité de l'événement allégué doit être réaliste.

. Chantier CAPITOLE :

La société LE ROL a adressé une offre le 2 mars 2020 pour un montant hors option de 380.000 euros HT (pièce 42).

Elle communique un courriel adressé le 11 mars 2020 de sa secrétaire à M. [D] :

M. [I] / EUROPEAN vient de téléphoner.

Il souhaite que vs le rappeliez au 06 89 38 84 00 / LE CAPITOLE.

Le procès-verbal d'audition du directeur de programme de la société EUROPEAN HOME confirme les échanges avec la société LE ROL. Il souligne qu'il a été contacté par M [D] qui lui a proposé de contracter avec la société CONCEPT LOIRE ENERGIE.

La société LE ROL ne démontre aucune manoeuvre de la société ESPACIL RÉSIDENCES voire de la société MOTEC INGÉNIERIE non intéressées par ce projet pour lui interdire de contracter.

Elle ne démontre pas non plus que leur négligence au cours du chantier [7] ne lui a pas permis de prendre connaissance des détournements de M. [D]. Elle n'établit pas non plus qu'elle aurait obtenu ce marché en raison des offres concurrentielles des autres opérateurs.

.Chantier WILLY BRANDT :

La société LE ROL se contente de rappeler que le lot plomberie confié à la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES a été négocié par M. [D] courant 2019.

Cette situation n'est pas suffisante pour établir que les négligences des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE sont à l'origine de son exclusion du marché et ne permet pas de démontrer que la société LE ROL a perdu une chance d'être attributaire du marché en raison de leur faute.

. Chantiers HICCO :

La société LE ROL insiste sur ses contacts avec le promoteur via par M. [D] alors qu'ils ont été attribués à la SAS TRAVAUX ENERGIE SERVICES.

Cette situation n'est pas suffisante pour établir que les négligences des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE sont à l'origine de son exclusion des marchés et ne permet pas de démontrer que la société LE ROL a perdu une chance d'être attributaire des marchés en raison de leur faute.

. Chantier PREFERENCE

La société LE ROL rappelle qu'elle a adressé une offre le 12 juin 2019 pour un montant hors option de 372.077,51 euros HT pour 23 logements (pièce 48).

Elle ajoute que le promoteur l'a par la suite informé qu'il n'avait pas compris la raison pour laquelle M [D] n'avait pas donné suite à cette opération.

Cette situation n'est pas suffisante pour établir que les négligences des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE sont à l'origine de son exclusion des marchés et ne permet pas de démontrer que la société LE ROL a perdu une chance d'être attributaire des marchés en raison de leur faute.

La société LE ROL considère que la société ESPACIL RÉSIDENCES ne lui a pas permis de découvrir plus rapidement la duplicité et la déloyauté de son salarié M. [D] l'empêchant de prendre les mesures nécessaires qui auraient permis d'éviter que les actes de concurrence déloyale de la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES puissent prospérer.

Ce faisant la société LE ROL met en lumière ses propres défaillances dans le contrôle de l'activité de son propre salarié qui a pu débaucher des salariés, utiliser des véhicule et des matériaux, falsifier des documents et négocier des marchés pour le compte d'une autre société durant plusieurs mois avant son départ de LE ROL sans qu'elle ne s'en aperçoive. Il n'est donc pas établi qu'elle aurait agi contre lui rapidement si les sociétés ESPACIL et MOTEC avaient signalé des suspicions.

En outre ainsi que les intimées le font remarquer la société LE ROL savait qu'elle n'était pas retenue pour ces marchés lors de la régularisation du protocole transactionnel.

Elle n'a pas réglé la question dans l'accord.

La société LE ROL est déboutée de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE à la somme de 750 000 euros à titre de dommages et intérêts

Le jugement est confirmé sur ce chef.

2) La désorganisation de l'entreprise

La société LE ROL se plaint du départ de 6 salariés à la suite de la démission de M. [D] lui reprochant d'avoir puisé dans ses effectifs pour recruter les salariés de la société TRAVAUX ENERGIE SERVICES.

Elle ne démontre pas que les intimées sont à l'origine de ces départs par un démarchage actif alors que les salariés sont libres de quitter une société pour en rejoindre une autre.

La société LE ROL signale que les démissions successives des salariés sont intervenues plusieurs mois après la fin du chantier [7] et auraient pu être évitées si la société ESPACIL

RÉSIDENCES n'avait pas commis les fautes qui lui sont reprochées.

La société LE ROL n'a pas recherché elle même les causes de ces départs simultanés. Elle ne peut donc en faire supporter les incidences sur les deux sociétés intimées.

La société LE ROL est déboutée de sa demande de condamnation in solidum des sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE à la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est confirmé sur ce chef.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de condamner la société LE ROL à payer à la société ESPACIL RÉSIDENCES la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de rejeter les demandes formées en première instance et en appel par la société MOTEC INGÉNIERIE au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LE ROL est condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Dit que les sociétés ESPACIL RÉSIDENCES et MOTEC INGÉNIERIE n'ont pas commis de faute par défaut de vigilance ou négligence et n'ont pas manqué aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 et du CCAP ;

- Condamné la société ESPACIL RÉSIDENCES en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 2 000 euros à la société MOTEC INGÉNIERIE,

- Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déclare irrecevables les demandes formées par la société LE ROL contre la société ESPACIL RÉSIDENCES au titre d'un défaut de vigilance ou négligence et d'un manque aux dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 et du CCAP,

- Condamne la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 5 000 euros à la société ESPACIL RÉSIDENCES,

- Condamne la société LE ROL GENIE CLIMATIQUE au paiement des entiers dépens d'appel