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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 10 décembre 2024, n° 23/14838

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/14838

10 décembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Chambre 1-1

N° RG 23/14838 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMHQB

N° RG 23/14840 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMHQG

Ordonnance n° 2024/M407

Madame [P] [V] veuve [R]

représentée par Me Anna REIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Frédéric BABY, avocat au barreau de l'ARIEGE, avocat plaidant

Appelante

Monsieur [Z] [W]

Madame [L], [X], [B] [H] épouse [W]

Tous représentés par Me Karima REGUIG, avocat au barreau de NICE

Intimés

ORDONNANCE D'INCIDENT

Nous, Elisabeth TOULOUSE, magistrat de la mise en état de la Chambre 1-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Anastasia LAPIERRE, greffier ;

Après débats à l'audience du 24 septembre 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré le 19 novembre 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 25 novembre 2025, puis à cette date, le délibéré a été prorogé au 10 décembre 2024, avons rendu l'ordonnance suivant :

EXPOSE DE L'INCIDENT

Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Nice a'notamment':

-écarté la clause de non-garantie des vices cachés prévue dans l'acte de de vente du 30 août 2017 conclu entre Mme [H] épouse [W] et M. [Z] [W] d'une part et Mme [V] veuve [R] d'autre part';

- prononcé la résolution de la vente concernant une maison individuelle située à [Localité 9] cadastrée section A n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 3], [Cadastre 4]';

- condamné Mme [V] veuve [R] à payer à Mme [H] épouse [W] et M. [W] la somme de':

* 285 700 euros au titre de la restitution du prix de vente, frais de notaire compris';

* 1 722 euros au titre du remboursement des taxes foncières';

- débouté M. [H] épouse [W] et M. [W] de leur demande de remboursement de la taxe d'habitation et de remboursement de la somme de 51 255,77 euros au titre du prêt souscrit le 30 mars 2018';

- condamné Mme [V] veuve [R] à payer à Mme [H] épouse [W] et M. [W] la somme de'61 200 euros au titre de leur trouble de jouissance et la somme de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral';

- dit que Mme [H] épouse [W] et M.[W] devront restituer le bien à Mme [V] veuve [R]';

- condamné Mme [V] veuve [R] à payer à Mme [H] épouse [W] et M.[W] la somme de'5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 20 novembre 2023 le tribunal judiciaire de Nice a dit qu'il a été omis de statuer sur la demande d'exécution provisoire dans le jugement du 6 juillet 2023 et a ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclarations du 4 décembre 2023, Mme [V] veuve [R] a interjeté appel de ces jugements en déférant l'ensemble des chefs du dispositif.

Par conclusions d'incident notifiées par la voie électronique le 24 avril 2024, les époux [W], intimés, demandent au conseiller de la mise en état de :

*à titre principal,

- dire que la déclaration d'appel de Mme [V] veuve [R] est irrecevable pour manquement aux prescriptions de l'article 4 al 1 du code de procédure civile';

- dire que les conclusions d'appelant sont irrecevables pour manquements aux prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile';

*à titre subsidiaire,

- ordonner la radiation de l'affaire pour non-exécution des décisions des 6 juillet et 20 novembre 2023 ;

- condamner Mme [V]'veuve [R] aux entiers dépens';

- condamner Mme [V]'veuve [R] à payer à chacun des époux [W] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident en réponse notifiées par la voie électronique le 16 août 2024, Mme [V] veuve [R] demande au conseiller de la mise en état de déclarer recevables et fondés les appels interjetés et de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes sur incident. Elle demande en outre de les condamner à supporter la charge des dépens de l'incident et de les condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 23 septembre 2024, Mme [R] a sollicité la jonction des deux procédures ouvertes sous les numéros de rôle n° 23/14840 et n° 23/14838.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'examen de l'incident a été appelé à l'audience du 24 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminairement, et compte tenu du lien étroit qui existent entre les deux décisions, il sera procédé à la jonction des deux procédures ouvertes sous les numéros de rôle n° 23/14840 et n° 23/14838. L'affaire sera ainsi examinée sous un seul numéro de rôle le n°23/14840 (appel du jugement principal).

1-Sur l'irrecevabilité des actes de procédure

- sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel n° RG 23/ 14838

Les intimés aux termes de leur motivation demandent l'irrecevabilité de la déclaration d'appel motifs pris de l'erreur sur la nature de la décision et sa date. Ils considèrent que ces erreurs ne leur permettent pas de connaître l'objet du litige.

Toutefois, les vices de la déclaration d'appel dénoncés sont des vices de formes qui ne sont prescrites qu'à peine de nullité.

En effet en application de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret de 6 mai 2017':

La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité :

1 o La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2 o L'indication de la décision attaquée ;

3 o L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4 o Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

Il en résulte que'l'appel qui mentionne une nature de décision et une date erronées est irrégulier et sanctionné par la nullité de la déclaration d'appel et non par l'irrecevabilité de l'appel.

Par ailleurs, à supposer qu'il s'agisse d'une demande de nullité de la déclaration d'appel, il doit être retenu qu'elle est une nullité de forme, elle suppose l'existence d'un grief et peut être régularisée dans le délai imparti à l'appelant pour conclure.

La déclaration d'appel litigieuse est ainsi rédigée:

' Juridiction': TJ hors JAF JEX, JLD, J EXPRO, JCP Nature': Au fond

Lieu': [Localité 8] Date de la Décision': 20/11/2023

Type': Arrêt

N° RG': 23/03869

Objet de l'appel/ portée de l'appel': il est demandé à la cour de réformer le jugement rendu par Mme le juge près le tribunal judiciaire de Nice en date du 6 juillet 2023 en ce qu'il a': Dit qu'il a été omis de statuer sur la demande d'exécution provisoire dans le jugement du 6 juillet 2023 (RG 22/00278), Ordonne l'exécution provisoire du jugement du 6 juillet 2023, Ordonne qu'il soit fait mention de cette décision en marge de la minute du Jugement et des expéditions qui seront délivrées, Dit que la présente décision sera notifiée comme le jugement.'»

Il en ressort que le jugement dont appel est effectivement mal identifié dans sa nature et concernant sa date.

Toutefois, s'agissant d'un vice de forme les intimés ne démontrent pas en quoi ils ont pu être déroutés par cette mauvaise identification. Aux termes de la déclaration d'appel rappelée ci-dessus, ne pouvaient, en effet , confondre la décision sur laquelle portait l'appel au regard des mentions des chefs de dispositif. Ces dernières visées une omission de statuer sur le prononcé de l'exécution provisoire dans la décision du 6 juillet 2023, à laquelle la décision déférée devant la cour, avait fait droit.

Enfin, dans ses conclusions de l'article 908 du code de procédure civile, l'appelante a déclaré': «'la cour est saisie de l'appel interjeté par Madame [P] [V] du jugement du Tribunal Judiciaire de Nice en date 6 juillet 2023 et du jugement en omission de statuer en date du 20 novembre 2023.'» rectifiant ainsi l'irrégularité sur la nature et la date de la décision.

En conséquence, aucune irrecevabilité ni nullité de la déclaration d'appel n'est encourue dans l'instance initialement ouverte sous le n° 23/14 838.

- sur l'irrecevabilité des conclusions

L'article 954 dispose que « les conclusions d'appel (...) doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. (...)

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. (...). La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

(...) La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. (...) ».

Les intimés soutiennent que les conclusions de l'appelante ne formulent pas de prétentions compréhensibles et surtout ne soulèvent aucun moyen de fait et de droit fondant ces prétentions.

Il est constant que la finalité de l'appel, voie de réformation ou d'annulation, telle que l'énonce l'article 542 du code de procédure civile, et l'exigence de structuration des écritures prescrite à l'article 954, a pour conséquence que les conclusions de l'appelant doivent être « dispositives », en d'autres termes doivent comporter un dispositif formulant des prétentions.

En l'espèce tel est bien le cas puisque Mme [R] a, aux termes de ses écritures du 29 janvier 2024, rédigé un dispositif par lequel elle demande l'infirmation des jugements, le débouté des demandes des intimés et s'il y a avait exécution provisoire, le remboursement des sommes qu'elle aurait versées si l'exécution provisoire de la décision de première instance était confirmée.

Elle a ainsi exposé ses prétentions au fond. Elle n'a pas certes visé dans le corps de ses conclusions des textes sur lesquels elle fonde son action mais a mentionné qu'elle conteste tout vice caché et toute connaissance de vices cachés motif pris de sa bonne foi. Il s'en déduit que ses prétentions formulées en son dispositif visant au débouté des acquéreurs de leurs demandes et donc notamment de la résolution de la vente, se fondent implicitement mais nécessairement sur les dispositions des articles 1641 et suivant du code civil.

Enfin elle a indiqué dans son bordereau de pièces, les pièces adverses et il est par voie de conséquence erroné de soutenir qu'elle ne se fonde sur aucune pièce à l'appui de ses prétentions.

La demande d'irrecevabilité des conclusions d'appelante sera également rejetée.

2-Sur la demande de radiation de l'appel pour inexécution

Selon les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le magistrat de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, ordonné la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Dans le cas présent, les intimés rappellent que le jugement du 20 novembre 2023 a fait droit à l'omission de statuer soulevée et a ordonné l'exécution provisoire du jugement du 6 juillet 2023. Or Mme [R] n'a à ce jour justifié d'aucune impossibilité et ne s'est pas exécutée.

S'il est exact que le jugement du 20 novembre 2023 a ordonné l'exécution provisoire, il est tout aussi exact que ce jugement est frappé d'appel.

Il s'en déduit que la question du prononcé de l'exécution provisoire touche à la dévolution et qu'à ce jour le jugement du 6 juillet 2023 dont il a été fait appel ne comporte pas l'exécution provisoire.

Par voie de conséquence, il ne peut être fait application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile.

3-Sur les mesures accessoires

'

Partie perdante à l'incident , les époux [W] supporteront la charge des dépens au titre de l'incident.

Aucun motif d'équité ne justifie qu'il soit fait droit à une quelconque demande au titre des frais irrépétibles.

'

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat chargé de la mise en état, Elisabeth Toulouse, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible de déféré devant la cour,

Prononce la jonction des procédures n° 23/14840 et n° 23/14838, sous un seul numéro de rôle le n°23/14840 (appel du jugement principal)';

Déboute les époux [W] de leurs demandes au titre de l'irrecevabilité de l'appel, des conclusions de l'appelante et de la radiation pour inexécution';

Condamne les époux [W] à supporter la charge des dépens au titre de l'incident';

Déboute les époux [W] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait à [Localité 7], le 10 décembre 2024

Le greffier Le magistrat de la mise en état

Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.

Le greffier