CA Toulouse, 2e ch., 10 décembre 2024, n° 22/04403
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Michel Sudre (SARL)
Défendeur :
Socage Nacelle (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
V. Salmeron
Conseillers :
S. Moulayes, M. Norguet
Avocats :
Me Renier, Me Champol
FAITS ET PROCÉDURE
La société Sarl Michel Sudre & Fils a acquis auprès de la société Socage Nacelle, selon facture datée du 18 décembre 2015 et d'un montant de 62 040 euros ttc, un camion nacelle de marque Nissan modèle NT 400 Cabstar pour la partie camion et de marque Socage pour la partie nacelle.
Le financement du véhicule a été assuré par un leasing souscrit auprès de la société Bnp Paribas Lease soit 60 loyers de 1 146,49 euros jusqu'au 4 janvier 2021.
Destiné à la location des particuliers et professionnels pour une utilisation avec un permis B, le véhicule doit à ce titre peser moins de 3.5 tonnes. En ce sens, le certificat d'immatriculation ainsi que la plaque signalétique du véhicule mentionnaient un poids de 3,425 tonnes.
Le 26 février 2020 le véhicule a été pesé sans chauffeur par les services de la gendarmerie de [Localité 4] qui ont constaté un poids de 3,650 tonnes entraînant son immobilisation.
Par courrier recommandé en date du 14 avril 2020, la Sarl Michel Sudre & Fils a sollicité la résolution de la vente pour vice caché, le remboursement de la valeur nette du véhicule et des dommages et intérêts pour indemniser la perte d'exploitation du matériel.
Le 30 avril 2020, la société Socage Nacelle a fait une proposition de règlement amiable. Cette proposition est restée vaine.
Par acte du 7 juillet 2020, la Sarl Michel Sudre & Fils a fait assigner la Sarl Socage Nacelle devant le tribunal de commerce de Castres aux fins de voir ordonner la résolution de la vente.
Par jugement du 28 novembre 2022, le tribunal de commerce de Castres a :
- constaté que la société Sarl Michel Sudre & Fils ne rapporte pas la preuve d'un vice caché lors de la vente du véhicule objet du litige,
- débouté la société Sarl Michel Sudre & Fils de l'ensemble de ses demandes et prétentions,
- condamné la société Sarl Michel Sudre & Fils à verser à la société Socage Nacelle une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Sarl Michel Sudre & Fils aux entiers dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 euros ttc.
Par déclaration en date du 20 décembre 2022, la Sarl Michel Sudre & Fils a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation de l'ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d'appel critique tous expressément.
La clôture est intervenue le 16 septembre 2024, et l'affaire a été appelée à l'audience du 24 septembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Vu les conclusions n°2 devant la cour d'appel de Toulouse notifiées le 8 septembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Michel Sudre demandant, au visa de l'article 1641 du code civil, de :
- infirmer la décision dont appel et statuant à nouveau,
- dire et juger que le véhicule camion nacelle de marque Nissan modèle Nt 400 Cabstar était atteint d'un vice caché au jour de sa vente,
- prononcer la résolution de la vente,
- condamner la Sarl Socage Nacelle à verser à la Sarl Michel Sudre et Fils la somme de 51 700 euros ht en restitution du prix d'achat,
- dire et juger que Sarl Socage Nacelle sera chargée d'effectuer les formalités pour prendre possession du véhicule immobilisé,
- la condamner à verser la somme de 51 374,48 euros ht au titre du préjudice économique,
- la condamner à verser une somme de 3 000 euros au titre de l'indemnité article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens.
Elle conteste avoir procédé à toute modification sur le véhicule litigieux, et produit pour en rapporter la preuve un rapport de conformité de l'Apave réalisé peu de temps avant l'immobilisation du véhicule par les services de gendarmerie.
La contradiction apportée par la pesée de la DREAL préalablement à la vente, ne permet pas selon elle, de remettre en cause le procès-verbal de gendarmerie ; elle estime soit qu'une erreur a été réalisée par la DREAL, soit qu'une modification a été apportée par Socage Nacelle entre cette pesée et la livraison du véhicule.
Elle sollicite en conséquence la résolution de la vente avec les conséquences en terme de restitution du prix, et l'indemnisation de son préjudice économique.
Vu les conclusions responsives et récapitulatives d'intimé notifiées le 13 août 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl Socage Nacelle demandant, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, de :
- à titre principal,
- constater que la société Michel Sudre ne rapporte pas la preuve d'un vice caché lors de la vente du véhicule,
- débouter la société Michel Sudre de l'ensemble de ses demandes au titre de la résolution de la vente,
- subsidiairement,
- fixer la valeur du véhicule à la somme de 15 000 euros ht,
- débouter la société Michel Sudre de ses demandes de dommages et intérêts à hauteur de 1 519 euros par mois à compter de février 2020,
- débouter la société Michel Sudre de sa demande d'article 700,
- laisser à la charge de la société Michel Sudre les dépens de la procédure,
- condamner en cause d'appel la société Michel Sudre à la somme de 4 000 euros d'article 700.
Elle rappelle que la pesée du véhicule par la gendarmerie est intervenue plusieurs années après la vente, et dans des conditions de charge qui ne sont pas précisées.
Les comptes rendus de l'Apave produits par l'appelante, ne sont pas probants selon l'intimée, dans la mesure où cet organisme n'a pas pour mission de comparer le véhicule avec son état initial, mais uniquement de procéder à sa vérification en terme de fonctionnement et de sécurité.
En revanche, elle affirme que le rapport de la DREAL réalisé avant la vente du véhicule, est précis et circonstancié, et démontre l'absence de vice caché au jour de la vente.
Elle affirme que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une modification apportée par Socage Nacelle au véhicule, entre la pesée par la DREAL et la vente.
MOTIFS
Sur la demande en résolution de la vente
La Sarl Michel Sudre & Fils fonde sa demande en résolution de la vente et ses demandes indemnitaires, sur la garantie des vices cachés.
Il ressort de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destinait, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Selon l'article 1643 du même code, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Il est par ailleurs nécessaire d'établir que le vice existait antérieurement à la vente ou à la livraison de la chose, ou encore que ledit vice existait déjà à l'état de germe.
Enfin, l'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, la Cour constate que le véhicule objet du litige a fait l'objet de trois pesées :
- le 30 novembre 2015 par la Dreal, ainsi que le rapporte le compte rendu de réception du 1er décembre 2015 ; le poids en service du véhicule était alors de 3,425 tonnes.
C'est ce poids qui a été porté sur la carte grise du véhicule, après sa vente le 18 décembre 2015.
- le 26 février 2020 par les services de gendarmerie, qui ont relevé un poids de 3,650 tonnes, et ont procédé à l'immobilisation du véhicule.
- le 5 septembre 2023 par un expert mandaté par la société Mbs Location, qui a constaté un poids de 3,6 tonnes.
Si cette expertise non contradictoire, diligentée par une partie à la procédure, ne peut pas servir d'élément de preuve à elle seule, elle est toutefois corroborée par le procès-verbal de pesée de la gendarmerie.
Il est donc acquis que le poids du véhicule à ce jour dépasse la limite autorisée.
Pour autant, il appartient à la société Michel Sudre & Fils, qui allègue d'un vice caché, de rapporter la preuve de l'existence de ce vice antérieurement à la vente intervenue le 18 décembre 2015.
Or, le rapport de la Dreal rédigé quelques jours seulement avant la vente du véhicule, fait état d'une pesée conforme ; si l'appelant affirme que soit ce rapport est erroné, soit la société Socage Nacelle a procédé à des modifications sur le véhicule avant la vente, force est de constater qu'elle ne procède que par affirmations et ne produit aux débats aucun élément de nature à attester de ces allégations.
Le rapport de vérification de l'Apave du 28 janvier 2020 ne permet pas plus d'apporter cette preuve, en ce qu'il ne procède pas à une vérification du poids du véhicule.
Il se limite en réalité (page 2 du rapport), à un examen de bon fonctionnement et de bon état de conservation ; ainsi, il ne suffit pas non plus à rapporter la preuve d'une absence de modification du camion postérieurement à la vente. Si l'Apave conclut en page 5 qu'aucune modification n'a été apportée à sa connaissance, elle ne procède pas à de plus amples investigations sur ce point, se limitant aux déclarations qui lui sont faites.
En conséquence, si la surcharge du camion n'est pas contestable à la date de pesée par les services de gendarmerie, la Cour ne peut que relever que cette pesée est intervenue plus de quatre ans après la vente du véhicule, alors que la rapport de la Dreal réalisé quelques jours avant la vente établissait la conformité du poids ; ni le procès-verbal de pesée de la gendarmerie, ni l'expertise amiable ultérieure ne permettent de déterminer l'origine de ce désordre, et encore moins sa date, de sorte qu'il n'est pas démontré que le surpoids existait antérieurement à la vente du véhicule.
Il ressort de l'article 9 du code de procédure civile, qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont constaté que la preuve d'un vice caché lors de la vente du véhicule n'était pas démontrée, et ont débouté la société Michel Sudre & Fils de l'ensemble de leurs demandes ; la Cour confirmera cette décision.
Sur les demandes accessoires
En l'état de la présente décision de confirmation, la Cour confirmera également les dispositions du premier jugement ayant condamné la société Michel Sudre & Fils aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros à Socage Nacelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Michel Sudre & Fils, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
En revanche, l'équité ne commande pas d'allouer d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; les parties seront déboutées de leurs demandes sur ce fondement, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans la limite de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute la Sarl Michel Sudre & Fils et la Sarl Socage Nacelle de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la Sarl Michel Sudre & Fils aux entiers dépens d'appel ;