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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 10 décembre 2024, n° 23/03793

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/03793

10 décembre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 DECEMBRE 2024

N° RG 23/03793 - N° Portalis

DBV3-V-B7H-V47A

AFFAIRE :

[V] [H]

...

C/

S.A.S.U. CREACUCINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 avril 2023 par le tribunal de proximité de PUTEAUX

N° RG : 11-22-819

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes

délivrées le : 10.12.24

à :

Me Carine DUCROUX

Me Nathalie LECREUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTS

Monsieur [V] [H]

né le 23 mars 1950 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Carine DUCROUX de la SELEURL DUCROUX CARINE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 373

Madame [D] [U] [K] épouse [H]

née le 16 février 1945 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Carine DUCROUX de la SELEURL DUCROUX CARINE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 373

****************

INTIMÉE

S.A.S.U. CREACUCINE

N° SIRET : 502 380 801

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Nathalie LECREUX, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 124

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 septembre 2024, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Madame Céline KOC

Greffière placée lors du prononcé : Madame Gaëlle RULLIER

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 31 janvier 2020, Mme [D] [H] et M. [V] [H] ont acquis auprès de la société Creacucine une cuisine pour un montant de 31 730,42 euros toutes taxes comprises.

Un acompte de 9 519,13 euros a été versé à la commande.

Par acte de commissaire de justice du 7 octobre 2022, les époux [H] ont fait assigner la société Creacucine devant le tribunal de proximité de Puteaux aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de voir :

- prononcer la résolution du contrat,

- condamner la société Creacucine à leur payer la somme de 9 519,13 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner la société Creacucine à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :

- débouté les époux [H] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les époux [H] aux dépens.

Par déclaration déposée au greffe le 12 juin 2023, les époux [H] ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 12 février 2024, les époux [H], appelants, demandent à la cour de :

- les déclarer tant recevables que bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,

Par conséquent,

- infirmer le jugement du 12 avril 2023 rendu par le tribunal de proximité de Puteaux en toutes ses dispositions,

- ordonner la résolution judiciaire du contrat les liant à la société Creacucine,

- condamner la société Creacucine à leur payer la somme de 9 519,13 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation,

- condamner la société Creacucine à leur payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2023, la société Creacucine, intimée, demande à la cour de :

- débouter les époux [H] de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer en tous points le jugement du 12 avril 2023 rendu par le tribunal de proximité de Puteaux,

- condamner les époux [H] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 septembre 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

Moyens des parties

Les époux [H] font grief au premier juge d'avoir rejeté leur demande de résolution du contrat de vente d'une cuisine, au motif qu'il n'était pas démontré une inexécution du contrat suffisamment grave pour justifier cette résolution.

A hauteur de cour et comme devant le premier juge, les époux [H] reprochent à la société Creacucine de ne pas avoir livré la cuisine commandée après signature d'un devis, le 31 janvier 2020, en raison d'un défaut de métrage initial et de la dénaturation du projet résultant des changements rendus nécessaires par les mesures complémentaires effectuées ultérieurement.

Ils exposent à la cour que, lors de leur visite dans les locaux du cuisiniste, le 31 janvier 2020, un devis a été élaboré sur la seule base d'un visuel et sans réalisation préalable d'un métré précis et d'un descriptif de la cuisine, qu'il s'est avéré que les travaux prévus sur la base de ce devis n'étaient pas réalisables, et que les modifications préconisées par le cuisiniste dénaturant le projet initial, ils ont informé la société Creacucine de leur volonté d'y renoncer.

Ils fondent leur demande de résolution sur l'article L. 111-1 du code de la consommation, dont il résulte, selon eux, qu'un métré préalable à la vente est obligatoire et soulignent que l'inversion de deux meubles, préconisée par le cuisiniste, dénaturait le projet initial, en raison des incidences esthétiques notables de cette inversion, et qu'il n'existe aucune concomitance entre la demande de résolution du contrat et la mise en vente de leur bien immobilier, qui n'eût pas manqué d'être valorisé par l'installation d'une nouvelle cuisine.

La société Creacucine, qui conclut à la confirmation du débouté des époux [H], expose à la cour que :

- les époux [H] lui ont communiqué par mail plans, mesurage d'architecte et photos de leur cuisine et qu'un premier visuel du projet a été adressé dès le 17 janvier 2020 à partir de ces documents,

- la présence de la machine à laver a été abordée à l'occasion de 21 échanges de courriels et de trois entretiens au magasin, les visuels ayant été modifiés à plusieurs reprises,

- un devis a été ensuite accepté et signé en magasin le 31 janvier 2020,

- le 11 février 2020, un technicien s'est rendu au domicile des époux [H] pour effectuer des mesurages complémentaires suite à l'acceptation du projet,

- le 22 février 2020, les époux [H] ont exprimé leur souhait de se rétracter,

- le 4 mars 2020, ils ont sollicité le remboursement de l'acompte versé en proposant de faire réaliser un placard en contrepartie.

- le métrage a bien été effectué à partir des mesures détaillées et du plan d'architecte fourni par les époux [H], dès les premiers échanges,

- l'inversion de deux meubles, proposée suite à des mesurages complémentaires n'a eu aucune incidence sur le devis signé, n'a modifié aucun élément essentiel du contrat et n'a en rien dénaturé le projet, des panneaux en façade étant fixés devant les appareils électroménagers et ne permettant pas de distinguer la machine à laver,

- la mise en vente du logement exclut l'existence d'un préjudice personnel des époux [H], qui ne justifient pas non plus d'un préjudice financier en lien causal avec l'inversion des meubles.

Réponse de la cour

L'article L. 111-1 du code de la consommation dispose : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné;

2° Le prix du bien ou du service, (...) ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, (...) ».

L'article 1217 du code civil dispose : 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter'.

Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Les conditions générales de vente annexées au devis accepté par les époux [H] comportent un paragraphe intitulé 'Devis' qui stipule : ' les devis estimatifs sont gratuits. Ils comprennent l'établissement d'un plan au sol sur les indications fournies par le client et chiffrage estimatif de l'offre. Pour l'établissement d'un devis définitif, un relevé de mesures définitifs pourra (être) effectué sur place. Seuls peuvent être facturés les frais de déplacement, plan technique, plan d'aménagement selon tarifs ci-dessous...'.

Au cas d'espèce, la société Creacucine justifie avoir établi un visuel après que M. [H] eut transmis, le 4 janvier 2020, un plan côté d'architecte de la cuisine et de son appartement.

Elle justifie également que ce premier visuel a donné lieu à moult échanges de courriels et entretiens au magasin, et que ces échanges, épistolaires notamment, ont permis d'aborder le problème du positionnement de la machine à laver dans la cuisine.

Par ailleurs, il résulte des conditions générales de vente susmentionnées que l'établissement d'un relevé de mesures définitif préalablement à la signature du contrat de vente n'est pas obligatoire.

Dès lors, il ne peut être utilement allégué que l'objet du contrat n'aurait pas été préalablement déterminé par un plan technique approuvé tenant compte de la configuration des lieux ni que les époux [H] n'auraient pas été informés de toutes les caractéristiques de la cuisine qu'ils entendaient acquérir.

En outre, c'est en vain que les acquéreurs soutiennent que les modifications proposées par le cuisiniste, après que la prises de mesures complémentaires eut fait apparaître la nécessité d'inverser la machine à laver avec un autre meuble de la cuisine, en raison de la présence d'une trappe technique, auraient pour conséquence de dénaturer le projet initial.

En effet, outre le fait que le positionnement de la machine à laver a été abordé dès le 17 janvier 2020, soit avant l'acceptation du devis intervenue le 31 janvier 2020, les menues modifications proposées par le cuisiniste, demeurent sans incidence sur l'aspect visuel du projet, s'agissant d'une cuisine intégrée prévoyant donc la fixation de panneaux en façade des appareils électroménagers.

Au surplus, ces modifications mineures, qui ne généraient aucun surcoût, ne sauraient justifier la résolution de la vente, au vu de l'article 1224 du code civil qui exige une inexécution suffisamment grave pour son prononcé.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté les époux [H] de leurs demandes de résolution du contrat judiciaire, et subséquemment, de remboursement de l'acompte versé.

Aussi et au regard des allégations des appelants démenties par les éléments de preuve apportés aux débats par le cuisiniste, la cour, qui reste à jeun de la démonstration d'un manquement du vendeur à ses obligations d'information précontractuelle, comme d'une inexécution du contrat par ce dernier, ne pourra-t-elle que confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

II) Sur les dépens

Les époux [H], qui succombent, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [V] [H] et Mme [U] [K], épouse [H], de la totalité de leurs demandes ;

Condamne M. [V] [H] et Mme [U] [K], épouse [H], aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne M. [V] [H] et Mme [U] [K], épouse [H], à payer à la société Creacucine SAS une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière placée, Le président,