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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 10 décembre 2024, n° 21/17848

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/17848

10 décembre 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 10 DECEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17848 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPAT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 - TJ de [Localité 7] - RG n° 19/14154

APPELANTS

Monsieur [N] [H]

Chez Madame [V] [D], [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Maître François LEROY de la SCP DIXIT CAUSA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0474,

Substitué par Maître Childéric MEROTTO, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [R] [H]

Chez Madame [V] [D], [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Maître François LEROY de la SCP DIXIT CAUSA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0474,

Substitué par Maître Childéric MEROTTO, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Maître [F] [P] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocate postulant,

Et par Maître Sabine du GRANRUT, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport, et devant Madame Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffière, lors des débats : Madame Michelle NOMO

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière stagiaire, présente lors de la mise à disposition.

***

Les 22 décembre 2014 et 13 février 2015, la [5] a consenti deux prêts, respectivement de 600 000 et 390 000 euros, à la société [6], représentée par ses co-gérants, M. [R] [H] et M. [G] [J].

M. [J] et M. [R] [H] ainsi que M. [N] [H], son frère, se sont portés cautions solidaires et indivisibles du premier prêt et M. [R] [H] et M. [J] se sont portés cautions solidaires et indivisibles du second prêt.

Le 28 novembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société [6], et la banque a déclaré au passif de la société une créance d'un montant de 733 806,89 euros.

Par jugement du 13 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a condamné solidairement d'une part M. [R] [H], M. [J] et M. [N] [H] à payer à la banque la somme de 438 016, 72 euros en principal, et d'autre part M. [R] [H] et M. [J] à lui verser la somme de 219 842,47 euros.

C'est dans ces circonstances que, par acte du 4 décembre 2019, MM. [R] et [N] [H], ont assigné devant le tribunal judiciaire de Paris Mme [F] [P] [T], avocate chargée de la procédure devant le tribunal de commerce de Paris ayant donné lieu au jugement du 13 mars 2019, en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 29 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré recevables les demandes de M. [R] [H],

- débouté M. [R] [H] de ses demandes,

- condamné Mme [P] [K] à payer à M. [N] [H] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné Mme [P] [K] au paiement des dépens,

- condamné Mme [P] [K] à payer à M. [N] [H] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 12 octobre 2021, MM. [R] et [N] [H] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 14 juin 2022, MM. [R] et [N] [H] demandent à la cour de :

à titre liminaire,

- juger qu'ils ont valablement procédé à leur déclaration d'appel en mentionnant l'adresse française de leur domicile, chez leur mère Mme [V] [D], à laquelle ils pouvaient être touchés,

- juger en tout état de cause et en tant que de besoin qu'ils fournissent leur adresse actuelle au Mexique telle que figurant dans les conclusions d'appel,

- juger également que cette irrégularité, à la supposée constituée, est rectifiable jusqu'à ce que le juge statue,

- débouter en conséquence Mme [P] [K] de sa demande d'irrecevabilité de leurs conclusions et de sa demande de caducité de l'appel interjeté au motif qu'ils n'auraient pas renseigné leur adresse,

sur le fond,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [R] [H],

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] [H] de ses demandes formées à l'encontre de Mme [P] [K],

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [P] [K] à ne payer à M. [N] [H] que la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,

statuant à nouveau,

- condamner Mme [P] [K] à verser à M. [R] [H] la somme de 308 000 euros au titre du préjudice financier qu'il a subi,

- condamner Mme [P] [K] à verser à M. [R] [H] la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamner Mme [P] [K] à verser à M. [N] [H] la somme de 657 000 euros au titre du préjudice financier qu'il a subi,

- condamner Mme [P] [K] à verser à M. [N] [H] la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral,

en tout état de cause,

- condamner Mme [P] [K] à verser à MM. [R] et [N] [H] la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 22 septembre 2022, Mme [F] [P] [K] demande à la cour de :

à titre liminaire,

- déclarer irrecevables les conclusions signifiées tant le 10 janvier 2022 que le 14 juin 2022 par les appelants,

en conséquence déclarer l'appel caduc,

à titre subsidiaire et en tout état de cause,

sur les demandes de M. [R] [H] :

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les demandes de M. [R] [H] étaient irrecevables (en réalité recevables),

statuant à nouveau :

- déclarer M. [R] [H] irrecevable en ses demandes fondées sur sa responsabilité contractuelle comme délictuelle, puisqu'il n'était pas son client,

- débouter M. [R] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions telles que formées à son encontre,

subsidiairement,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [R] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que formées à son encontre,

sur les demandes de M. [N] [H] :

sur la perte de chance,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la plupart des fautes alléguées n'étaient pas démontrées et qu'en tout état de cause M. [N] [H] ne démontrait pas avoir subi un préjudice au titre d'une quelconque perte de chance,

en conséquence,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [N] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions telles que formées à son encontre au titre de la perte de chance,

sur le préjudice moral,

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il y avait lieu de la condamner au paiement de dommages et intérêts à M. [N] [H] au titre d'un prétendu préjudice moral,

statuant à nouveau,

- débouter M. [N] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées au titre d'un prétendu préjudice moral,

subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a limité le quantum de la condamnation prononcée au titre du préjudice moral à 1 500 euros,

en tout état de cause,

- débouter MM. [R] et [N] [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions telles que formées à son encontre,

- condamner M. [R] [H] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] [H] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement MM. [R] et [N] [H] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Mme Jeanne Baechlin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 juin 2024.

La cour a rappelé aux avocats par message par le biais du réseau privé virtuel des avocats envoyé le 10 octobre 2024 qu'elle a soulevé à l'audience l'irrecevabilité des demandes d'irrecevabilité des conclusions des appelants entraînant la caducité de l'appel laquelle aurait dû être demandée devant le conseiller de la mise en état, sur le fondement de l'article 914 du code de procédure civile et leur a accordé un délai de 15 jours pour faire des observations.

L'intimée a adressé ses observations le 18 octobre et les appelants le 25 octobre 2024.

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité des conclusions des appelants et la caducité de l'appel

Mme [P] [K] fait valoir que les conclusions notifiées par les appelants principaux sont irrecevables, et par voie de conséquence, faute d'avoir respecté les dispositions impératives de l'article 908 du code de procédure civile, leur appel est caduc, en ce que :

- il résulte des dispositions des articles 960 et 961 que les conclusions des parties personnes physiques doivent indiquer leur domicile et qu'elles ne sont pas recevables tant que cette indication n'a pas été fournie,

- les premières conclusions de MM. [R] et [N] [H] ne respectent pas l'obligation sus-mentionnée, car ils ne renseignent pas leur domicile réel mais un domicile 'pour les besoins de la procédure',

- dans leurs conclusions notifiées le 14 juin 2022, ils indiquent pour la première fois être domiciliés au Mexique,

- pour que l'irrégularité puisse être couverte, les appelants auraient dû faire état de leur domicile dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile, ce qu'ils n'ont pas fait,

- surtout, ils ne justifient en réalité, pas de la réalité de leur domicile, le contrat de bail produit par MM. [R] et [N] [H], datant de 2019, rédigé en espagnol et ne mentionnant pas M. [N] [H], ne permettant pas de démontrer que les deux frères habiteraient à la date de leurs dernières conclusions à l'adresse mentionnée sur ce contrat.

MM. [R] et [N] [H] répliquent que :

- la jurisprudence constante de la Cour de cassation rappelle que l'irrégularité alléguée, à la supposée constituée, est rectifiable jusqu'à ce que le juge statue,

- les appelants avaient effectivement mentionné l'adresse de leur mère dans le cadre de leur déclaration d'appel, car il s'agit du seul domicile français où ils sont susceptibles d'être touchés,

- même à considérer que l'irrégularité soulevée par Mme [P] [K] ait été à un quelconque moment constituée, celle-ci doit désormais être considérée comme réparée puisque l'adresse à l'étranger de MM. [R] et [N] [H], qui résident ensemble au Mexique, est justifiée par un contrat de bail et une attestation de domiciliation de M. [R] [H].

Selon l'article 908 du code de procédure civile, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure, à peine de caducité de l'appel.

L'article 961 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, dispose que :

Les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies.

Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

L'article 960, alinéa 2 du même code, exige si la partie est une personne physique, la mention de ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.

Cette fin de non-recevoir étant régularisable jusqu'au jour du prononcé de la clôture, seule la cour d'appel, saisie au fond, est compétente pour connaître des fins de non-recevoir des articles 960 et 961 du code de procédure civile.

Alors que MM. [R] et [N] [H] soutiennent, à l'appui d'un contrat de location daté du 22 février 2019 qu'ils sont domiciliés au Mexique, l'adresse donnée en France 'pour les besoins de la procédure' tant dans leur déclaration d'appel que dans leurs premières conclusions notifiées le 10 janvier 2022 ne peut être considérée comme constitutive de leur domicile réel.

Pour justifier de leur domicile commun au Mexique, tel que mentionné dans leurs dernières conclusions notifiées avant la clôture des débats, ils produisent un contrat libellé en espagnol, daté du 22 février 2019, sans qu'aucune traduction ne soit donnée, dont il ressort toutefois clairement qu'il n'a été conclu qu'au profit de M. [R] [H] et ce, pour une durée de douze mois expirant le 12 février 2020.

La pièce n° 20 produite par les appelants ne contient que le contrat de location et non une quelconque attestation, la dernière page du seul document produit portant la signature des parties alors que les autres pages ne comportent qu'un paraphe et n'étant pas datée, devant être considérée comme étant la dernière page du contrat et non une attestation.

Ce contrat de bail ne peut établir le domicile de M. [N] [H] et est insuffisant à rapporter la réalité de celui de M. [R] [H] puisque sa durée n'était que de douze mois et qu'il n'est produit aucune autre pièce permettant de justifier de la permanence au 14 juin 2022, date de ses dernières conclusions, de son domicile à cette adresse.

En conséquence, tant les conclusions notifiées les 10 janvier 2022 que celles notifiées le 14 juin 2022 doivent être déclarées irrecevables et, par voie de conséquence, leur déclaration d'appel doit être déclarée caduque.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens d'appel doivent incomber in solidum aux appelants, lesquels sont également condamnés à payer à Mme [P] [K] une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions de MM. [R] et [N] [H] des 10 janvier et 14 juin 2022,

Déclare, en conséquence, caduque leur déclaration d'appel,

Condamne MM. [R] et [N] [H] in solidum aux dépens, dont distraction au profit de

Maître Jeanne Baechlin, avocat,

Condamne MM. [R] et [N] [H] in solidum à payer à Mme [F] [P] [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE