CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 11 décembre 2024, n° 21/04727
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Kinoo (SARL), Michel Jany (SARL)
Défendeur :
Mma Iard Assurances Mutuelles (SA), Mma Iard (SA), Generali Iard (SA), Julien Payen (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Defix
Conseillers :
Mme Asselain, M. Robert
Avocats :
Me Bonnaud-Chabirand, Me Gonzalez, Me Sorel, Me Jourdon, Me Monferran, Me Barthelemy, Me Chevalier
EXPOSE DU LITIGE ET PROCEDURE
M. [J] [G] et Mme [X] [C] épouse [G] ont fait construire une maison d'habitation située [Adresse 7] à [Localité 13] (31), courant 2008 / 2009.
Ils ont confié à la SARL Michel Jany, assurée auprès de la société MMA Iard Assurances Mutuelles et de la société MMA Iard, la pose d'un bardage en bois sur leur immeuble, ces travaux ayant fait l'objet d'une facture en date du 15 août 2009, d'un montant total de 11.924,12 euros TTC, intégralement réglée.
Deux ans plus tard, ils ont confié la peinture de ce bardage à la SARL [V] Services, assurée auprès de la société Generali Iard, dont les prestations ont donné lieu à une facture du 15 mars 2012, d'un montant total de 16.263,86 euros TTC, intégralement payée.
En 2014, les maîtres d'ouvrage ont constaté la dégradation de la peinture du bardage.
Par ordonnance du 30 avril 2015, le juge des référés, saisi par M.[G] et Mme [C] après échec des démarches amiables, a désigné M.[I] pour rechercher la cause des désordres et les moyens d'y remédier. Les opérations d'expertise, communes à la société [V] Services et à la société Matériaux Bois Pyrénéens, fournisseur du bardage, ont ensuite été étendues à la société Michel Jany et son assureur, la société MMA.
L'expert a déposé son rapport le 30 novembre 2015.
Par actes d'huissier des 5 et 7 juin 2018, M. [J] [G] et Mme [X] [C] épouse [G] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulouse la société Michel Jany et la société [V] Services, pour obtenir réparation de leur préjudice.
La société [V] services a fait appeler en cause son assureur, la société Generali Iard, par acte du 10 septembre 2018, et la société Michel Jany a fait appeler en cause la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard, par actes du 23 janvier 2019.
Par jugement du 4 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse, succédant au tribunal de grande instance, a :
- déclaré recevable l'action de M. [G] et Mme [G].
- condamné in solidum la société Michel Jany et la société [V] Services à verser à M. [G] et Mme [G] la somme de 75.179 euros TTC, au titre des travaux de reprise,
- condamné in solidum la société Michel Jany et la société [V] Services à verser à M.[G] et Mme [G] la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- dit que dans les rappports entre co-obligés, la charge de la dette finale sera supportée dans les proportions ci-dessous fixées dans lesquelles il est fait droit au recours :
- société [V] Services : 75%
- société Michel Jany : 25%,
- dit que la MMA Iard et la MMA Iard Assurances mutuelles ne doivent pas leur garantie à la société Michel Jany,
- dit que la SA Generali Iard ne doit pas sa garantie à la SARL [V] Services,
- dit que la somme allouée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 30 novembre 2015 jusqu'à la date du jugement,
- ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
- condamné in solidum la société Michel Jany et la société [V] Services à verser à M. [G] et Mme [G] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Michel Jany à verser à la société MMA Iard Assurances mutuelles et la SA MMA Iard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [V] Services à verser à la SA Generali Iard la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande sur ce fondement,
- condamné in solidum la société Michel Jany et la société [V] Services aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise mais à l'exclusion des dépens de référé,
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes et prétentions,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La société Michel Jany a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 novembre 2021 visant l'ensemble des chefs de décision, en intimant à l'instance M.[G], Mme [C], la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard, la société Generali Iard, la société [V] Services représentée par son liquidateur amiable M.[V], ainsi que M.[V].
La société [V] Services a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 28 février 2022, et la SELARL Julien Payen a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire par ce jugement, puis en qualité de mandataire ad hoc de la société [V] Services en vertu d'une ordonnance du 9 août 2023.
La SELARL Julien Payen a été appelée en cause en qualité de mandataire liquidateur par acte d'huissier du 29 mars 2022, et en qualité de mandataire ad hoc de la société [V] Services par acte d'huissier du 31 août 2023, à la requête de la société Michel Jany.
La société Michel Jany, appelante, demande à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 29 août 2023 et signifiées à la SELARL Julien Payen en sa qualité de mandataire ad hoc de la société [V] Services par acte d'huissier du 31 août 2023, au visa des articles 1792 et suivants, 1351 et 1147 et suivants du code civil, de:
* A titre principal,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes;
Statuant à nouveau,
- rejeter tout appel incident ;
- juger que la responsabilité de la société Michel Jany ne peut être retenue, en l'état de la réception sans réserve concernant un défaut connu et de l'intervention ultérieure d'un tiers sur l'ouvrage;
En conséquence,
- débouter toutes les parties de toutes demandes formées contre la société Michel Jany;
- condamner tous succombants à payer à la société Michel Jany la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. ;
* A titre subsidiaire,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes;
Statuant à nouveau,
- rejeter tout appel incident ;
- fonder les condamnations éventuellement prononcées sur la garantie décennale, en raison de la fonction d'étanchéité de la peinture, et de l'atteinte à la destination de l'immeuble, du fait du caractère généralisé des désordres, et de la situation particulière de l'immeuble;
- attribuer une part de responsabilité à Mme [C] en sa qualité de maître d''uvre;
- condamner les MMA Iard et MMA Assurances mutuelles à garantir la société Michel Jany de toutes condamnations prononcées à son encontre;
- condamner tous succombants à payer à la société Michel Jany la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens;
* A titre très subsidiaire,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes;
Statuant à nouveau,
- rejeter tout appel incident ;
- fonder les condamnations éventuellement prononcées sur la garantie décennale;
- attribuer une part de responsabilité à M.et Mme [G] en leur qualité de maîtres d'ouvrage;
- condamner les MMA Iard et MMA Assurances mutuelles à garantir la société Michel Jany de toutes condamnations prononcées à son encontre;
- condamner tous succombants à payer à la société Michel Jany la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens;
* A titre infiniment subsidiaire,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes;
Statuant à nouveau,
- rejeter tout appel incident ;
- fonder les condamnations éventuellement prononcées sur la garantie décennale;
- condamner les MMA Iard et MMA Assurances mutuelles à garantir la société Michel Jany de toutes condamnations prononcées à son encontre;
- condamner tous succombants à payer à la société Michel Jany la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. ;
* A titre très infiniment subsidiaire,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes;
Statuant à nouveau,
- rejeter tout appel incident ;
- fonder les condamnations éventuellement prononcées sur la responsabilité contractuelle;
- attribuer une part de responsabilité à Mme [C] en sa qualité de maître d''uvre;
- condamner tous succombants à payer à la société Michel Jany la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens;
* A titre très très infiniment subsidiaire,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions;
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes;
Statuant à nouveau,
- rejeter tout appel incident ;
- fonder les condamnations éventuellement prononcées sur la responsabilité contractuelle ;
- attribuer une part de responsabilité à M.et Mme [G] en leur qualité de maîtres d'ouvrage;
- condamner tous succombants à payer à la société Michel Jany la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Mme [X] [C] épouse [G], intimée et appelante incidente, demande à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 12 mai 2022, au visa des articles 1792 et suivants, et 1231-1 du code civil, de:
* confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a:
- condamné in solidum la société Michel Jany et la société [V] Services à verser à M. [J] [G] et Mme [X] [C] épouse [G] la somme de 500 euros, au titre du préjudice de jouissance,
- dit que la MMA Iard et la MMA Iard Assurances mutuelles ne doivent pas leur garantie à la société Michel Jany,
- dit que la SA Generali Iard ne doit pas sa garantie à la S.A.R.L. [V] Services;
* Statuant à nouveau:
- condamner in solidum la société Michel Jany et la société [V] Services à payer à Mme [C] la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
- fixer la créance de Mme [C] à l'égard de la société [V] Services à la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
- condamner la MMA Iard et la MMA Iard Assurances mutuelles à relever et garantir la société Michel Jany de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre par le jugement en date du 4 octobre 2021, et de celles qui pourraient être prononcées par la cour ;
- condamner la SA Generali Iard à relever et garantir la société [V] Services de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre par le jugement en date du 4 octobre 2021, et de celles qui pourraient être prononcées par la cour ;
- débouter la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles de leurs demandes;
- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 11.050 euros à Mme [C] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
M. [J] [G], intimé, demande à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 12 mai 2022, de:
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions;
- condamner la SARL Michel Jany à payer à M. [J] [G] la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la SARL Michel Jany aux dépens d'appel.
La société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard, intimées, en leur qualité d'assureurs de la société Michel Jany, demandent à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 13 mai 2022 et signifiées à la SELARL Julien Payen en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [V] Services par acte d'huissier du 16 mai 2022, au visa des articles 1240 et 1792 et suivants du code civil, et des articles L.124-3 et L.124-5 du code des assurances, de:
* A titre principal :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les désordres affectant la maison des époux [G] ne relèvent pas des garanties légales des constructeurs mais de leur seule responsabilité civile de droit commun,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les garanties obligatoires de la police des MMA Iard Assurances mutuelles et SA MMA Iard ne sont pas acquises à la SARL Michel Jany,
- juger que le contrat des MMA Iard Assurances mutuelles et SA MMA Iard a été résilié antérieurement à la réclamation des époux [G],
- par voie de conséquence, juger que les garanties facultatives des MMA IARD Assurances mutuelles et SA MMA Iard ne sont plus mobilisables,
- en tout état de cause, juger que celles-ci ne couvrent pas la reprise des ouvrages réalisés par l'assuré ni le préjudice de jouissance,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les garanties de la police des MMA Iard Assurances mutuelles et SA MMA Iard ne sont pas acquises à la SARL Michel Jany,
- par voie de conséquence, débouter la SARL Michel Jany et tout autre partie de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre des MMA Iard Assurances mutuelles et SA MMA Iard,
- condamner la SARL Michel Jany ou tout autre partie succombante à leur verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens;
* A titre subsidiaire :
- condamner la compagnie Generali en sa qualité d'assureur de la SARL [V] services à relever et garantir les MMA Iard Assurances mutuelles et SA MMA Iard à hauteur de 75 % des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre tant en principal, qu'intérêts, frais, accessoires et dépens,
- confirmer le jugement en ce qu'il a limité à la somme de 500 euros l'indemnisation du préjudice de jouissance des époux [G] pour la période de réalisation des travaux de reprise;
* En tout état de cause :
- juger les MMA Iard Assurances mutuelles et SA MMA Iard bien fondées à opposer le montant de leurs franchises contractuelles :
- à leur assurée, la SARL Michel Jany, pour les désordres relevant des garanties obligatoires, soit 20% du montant des dommages avec un minimum à 1.231 euros et un maximum à 6.151 euros,
- à leur assurés comme aux tiers pour les désordres relevant des garanties facultatives, soit 10% du montant des dommages avec un minimum à 616 euros et un maximum à 2.469 euros.
La société Generali Iard, intimée, en sa qualité d'assureur de la société [V] Services, demande à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 16 mai 2022, de:
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
- condamner la société Michel Jany au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- la condamner en tous les dépens.
La Sarl [V] Services, intimée, a régulièrement reçu signification de la déclaration d'appel le 28 février 2022, par remise de l'acte à son liquidateur amiable, M.[V]. Son représentant, la Selarl Julien Payen, régulièrement appelée en cause successivement en qualité de liquidateur judiciaire puis d'administrateur ad hoc, après clôture des opérations de liquidation, n'a pas constitué avocat.
M. [Z] [V], intimé, n'a pas constitué avocat et a régulièrement reçu signification de la déclaration d'appel le 28 février 2022 par remise de l'acte à personne.
La clôture de la mise en état a été prononcée le 8 octobre 2024. L'affaire a été examinée à l'audience du 8 octobre 2024.
MOTIFS
* Remarques liminaires
La déclaration d'appel de la société Michel Jany vise l'ensemble des dispositions du jugement la concernant, y compris celle qui déclare la demande de M.[G] et Mme [C] recevable, en rejetant la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée. Dans ses conclusions, la société Michel Jany ne soulève plus toutefois de fin de non recevoir. Le jugement est donc confirmé sans autre examen en ce qu'il a déclaré les demandes des maîtres de l'ouvrage recevables.
La société Michel Jany a d'autre part fait intimer la société [V] Services, initialement représentée par M.[V], ainsi que M.[V] à titre personnel. Elle ne formule cependant pas de demande à l'encontre de M.[V].
* Sur la nature des désordres
Les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues de cette garantie, à une action en responsabilité contractuelle de droit commun.
Bien que la société Michel Jany ne conclue qu'à titre subsidiaire à l'application de la responsabilité décennale, il est donc nécessaire de rechercher en premier lieu si les dommages invoqués par les maîtres de l'ouvrage relèvent d'une garantie légale, et spécialement de la garantie décennale.
M.[G] et Mme [C] se plaignent de désordres affectant la peinture du bardage en bois extérieur, qui s'écaille anormalement.
L'expert considère que les dommages affectant la peinture procèdent de trois causes:
- d'une part une non-conformité réglementaire au DTU 41.2, imputable à la société Michel Jany, soit l'absence de lame d'air, de sorte que les lames de bardage ne peuvent pas respirer; l'expert précise que 'l'absence de ventilation, d'évacuation de l'humidité, a aggravé le phénomène par modification permanente de l'hygrométrie du bois';
- d'autre part la peinture du bois du côté extérieur seulement, alors qu'il fallait peindre les quatre faces des lames, cette faute de réalisation étant imputable à la société [V] Services;
- enfin, la pose d'une teinte sombre, proscrite par le DTU 59.1 et par le fournisseur du produit, également imputable à la société [V] Services.
Si la non conformité réglementaire du bardage est donc l'une des causes du dommage, celui-ci n'affecte en revanche que la peinture.
Or c'est à juste titre que le tribunal retient que les travaux de peinture réalisés par la société [V] Services ne peuvent être pas être considérés comme un ouvrage susceptible d'engager la responsabilité décennale de son auteur. Dès lors que les travaux de ravalement ou de peinture ne comportent pas de fonction d'étanchéité, il ne s'agit pas d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, et les désordres affectant cette prestation ne relèvent que de la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur. En l'espèce, la fonction d'étanchéité était assurée par le bardage, et non par la peinture appliquée près de trois ans plus tard. L'expert note en effet la présence de liteaux verticaux fixés directement sur la brique creuse, et d'un film pare-pluie cloué sur les liteaux sous les lames bois horizontales; il précise que la société [V] Services a été contactée ensuite pour modifier la finition en peignant le bois côté extérieur seulement. L'expert ne retient par ailleurs qu'un dommage esthétique, même s'il estime que 'l'atteinte importante à l'aspect architectural' affecte la destination de l'immeuble. L'application d'une peinture 'imperméable à l'eau', comme l'indique la société Michel Jany, ne suffit pas à en faire un ouvrage d'étanchéité.
En l'absence de désordre affectant un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, seule la responsabilité contractuelle des entreprises dont la faute à concouru à la réalisation des désordres peut être recherchée.
* Sur les responsabilités
La cour n'est saisie d'aucune demande tendant à l'infirmation des dispositions du jugement condamnant la société [V] Services, alors in bonis, à réparation des dommages, et notamment au paiement de la somme de 75.179 euros en réparation du préjudice matériel de M.[G] et Mme [C].
En revanche, la société Michel Jany conclut à titre principal au rejet de toute demande formée à son encontre, en invoquant une réception sans réserves couvrant un défaut connu, et l'intervention ultérieure d'un tiers sur l'ouvrage. A titre subsidiaire, elle demande qu'une part de responsabilité soit attribuée à Mme [C] en sa qualité de maître d'oeuvre, ou qu'une part de responsabilité soit attribuée à M.[G] et Mme [C] en leur qualité de maîtres de l'ouvrage.
- désordre non apparent.
La société Michel Jany soutient que M. et Mme [G] ont procédé à la réception sans réserve de l'ouvrage malgré le caractère apparent de l'absence de lame d'air.
Le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage au jour de la réception. D'autres part, un défaut ne peut être qualifié de visible que s'il l'est dans toutes ses conséquences et toute son étendue pour un maître de l'ouvrage profane.
En l'espèce le désordre dont la réparation est demandée affecte la peinture, appliquée plus de deux ans après le règlement, par M.[G] et Mme [C], de la facture de la société Michel Jany du 15 août 2009 valant réception tacite des travaux. Ce désordre n'était donc pas apparent à la date du règlement de la facture de la société Michel Jany.
Si l'expert a d'autre part constaté que le bardage n'était pas conforme au DTU 41.2, en l'absence de lame d'air, ce défaut de conformité aux règles de l'art, qui n'avait entraîné aucun dommage apparent à la date du complet règlement de la facture, soit le 1er novembre 2009, n'a pas davantage été accepté par les maîtres de l'ouvrage.
Ni M.[G], directeur de clinique, ni Mme [C], diplômée d'une école de commerce, designer pour enfants à l'époque des travaux et désormais décoratrice d'intérieur, ne sont en effet pourvus des compétences techniques nécessaires pour connaître le DTU qui préconise une lame d'air de quatre centimètres, ventilée en bas et en haut de la façade, ni pour accepter en connaissance de cause cette absence d'ouvrage.
Le défaut de conformité au DTU du bardage réalisé par la société Michel Jany n'était donc pas visible pour un maître de l'ouvrage profane à la date de la réception tacite, par règlement de la facture, et n'est donc pas susceptible d'être couvert par une acceptation sans réserve.
- absence de force majeure exonératoire
La société Michel Jany soutient que l'intervention de la société [V] Services postérieurement à la réalisation de ses ouvrages est constitutive d'un cas de force majeure ou d'une cause étrangère l'exonérant de sa responsabilité.
L'intervention postérieure de la société [V] Services, qui a peint le bardage en bois, ne peut être qualifiée d'évènement de force majeure, à défaut notamment d'être imprévisible et irrésistible.
Surtout, le rapport d'expertise établit que la société Michel Jany a commis une faute indépendante de l'intervention ultérieure de la société [V] Services. L'expert relève en effet que 'déjà, une non-conformité réglementaire au DTU 41.2, à savoir l'absence de lame d'air qui ventile la cour intérieure, aurait certainement été la cause d'un vieillissement prématuré des planches de bois'. L'expert précise ensuite que 'l'absence de ventilation, d'évacuation de l'humidité, a aggravé le phénomène par modification permanente de l'hygrométrie du bois'.
La société Michel Jany ne peut donc être exonérée de toute responsabilité, et doit répondre des conséquences dommageables de sa propre faute.
L'étendue du préjudice en relation avec cette faute, et notamment le point de savoir si la faute de la société Michel Jany a contribué à la production de l'entier dommage, est une question distincte traitée ci-dessous.
- absence de faute de Mme [C] ni d'immixtion des maîtres de l'ouvrage
La société Michel Jany invoque successivement une faute de Mme [C], en sa qualité supposée de maître d''uvre, et une immixtion fautive des maîtres de l'ouvrage. Elle demande ainsi à la cour de leur 'attribuer une part de responsabilité', et implicitement de juger qu'ils conserveront une part de préjudice à leur charge. Elle se prévaut des conclusions de l'expert, selon lesquelles 'en tant que maîtres d'oeuvre tacites, ils ont dirigé et coordonné ce lot de travaux. Ils ont fait une première faute en n'imposant pas la lame d'air ventilé et une deuxième, en n'exigeant une peinture que sur la face extérieure des lames bois'.
La société Michel Jany soutient ainsi en premier lieu que Mme [C], architecte d'intérieur de profession, était le maître d'oeuvre du chantier.
Cependant, comme le relève avec pertinence M.[G], il n'est pas démontré que Mme [C] ait spécifiquement conçu les ouvrages en cause, coordonné ou surveillé leurs travaux, ou encore fait des remarques techniques sur ceux-ci.
Mme [C] rappelle également justement que les maîtres de l'ouvrage ne sont pas tenus de se faire assister par un maître d'oeuvre, et que dans ce cas les obligations des entreprises intervenantes se trouvent renforcées.
La seule profession de Mme [C] n'établit pas qu'elle ait assumé la fonction de maître d'oeuvre pendant le déroulement du chantier, alors qu'elle n'avait pas les compétences pour ce faire. A la date de réalisation des travaux de bardage puis de peinture, Mme [C], diplômée d'une école de commerce, était gérante de la SARL Milklein, ayant pour objet la 'conception, fabrication (en sous-traitance), commercialisation de produits textiles, vêtements, linge de maison, articles de mode, objets de décoration, jeux, jouets et accessoires pour enfants, décors et illustrations destinés à tous supports'. Depuis 2017 elle exerce une activité de décoratrice d'intérieur, dans le cadre de la SASU Maloedesign, dont l'objet est la 'fabrication, commercialisation, location de tous produits ou articles se rapportant à la décoration, l'aménagement ou l'agencement à l'intérieur de tous locaux. Toutes missions relatives à la coordination et à l'exécution des travaux de décoration et d'aménagement intérieur'. Cette dernière activité, que Mme [C] n'exerçait pas au moment de la réalisation des travaux de bardage et peinture, ne lui confère en toute hypothèse aucune qualification pour diriger des travaux extérieurs de bardage et peinture. Le fait de faire part de souhaits précis quant au résultat recherché n'implique pas davantage de compétences pour imposer la réalisation d'une lame d'air ou déceler le caractère inadapté d'une peinture ou de ses modalités d'application, pas plus qu'il ne démontre la réalité de directives techniques données aux entreprises.
Il n'est donc pas démontré que Mme [C] ait exercé une quelconque mission de maîtrise d'oeuvre.
C'est également à raison que le tribunal exclut toute immixtion fautive de M.[G] et Mme [C], en leur qualité de maître de l'ouvrage, comme toute acceptation délibérée des risques.
L'immixtion fautive du maître d'ouvrage ne peut constituer une cause d'exonération des constructeurs, qu'il s'agisse de la responsabilité légale ou de la responsabilité de droit commun, que si d'une part une immixtion dans les attributions du constructeurs est caractérisée, et si d'autre part le maître de l'ouvrage dispose d'une compétence notoire dans le domaine concerné.
Or M.[G] rappelle à juste titre que la présence sur le chantier, la participation à des réunions avec les entrepreneurs, le choix ou la fourniture des matériaux, ou l'émission de réserves sont des prérogatives du maître de l'ouvrage, et ne constituent pas des immixtions dans les attributions des constructeurs.
En l'espèce, M.[G], directeur de clinique, et Mme [C], designer puis décoratrice d'intérieur, ont fait part de leurs souhaits aux entreprises, quant au résultat poursuivi, mais sont dépourvus de toute compétence technique quant aux travaux réalisés.
Ils n'ont pas non plus volontairement accepté quelque risque que ce soit, faute d'avoir été prélablement avertis sur un éventuel inconvénient des choix qu'ils ont exprimés, notamment quant à la couleur de la peinture mise en oeuvre, ou quant aux modalités d'application de cette peinture, sur une face plutôt que sur quatre.
M.[G] et Mme [C] peuvent donc prétendre à la réparation intégrale du préjudice qu'ils ont subi, sous réserve d'un lien de causalité avec les fautes invoquées.
- faute d'un tiers et responsabilité in solidum
La société Michel Jany indique que 'la mise en peinture du bardage est une cause étrangère', et se prévaut des conclusions de l'expert selon lesquelles le sinistre ne se serait pas produit en l'absence de peinture du bardage.
L'expert conclut que 'le sinistre n'existerait pas si la société [V] Services avait expliqué aux maîtres d'ouvrage qu'il n'était pas raisonnable de peindre ce bardage prévu initialement pour rester brut'. Il retient, concernant la société Michel Jany, que 'l'absence de ventilation, d'évacuation de l'humidité, a aggravé le phénomène par modification permanente de l'hygrométrie du bois. Cette variation a tendance à fissurer les lames et accélérer leur vieillissement'.
Les auteurs d'une faute contractuelle ne sont tenus in solidum à réparation de l'entier dommage que si chacune des fautes a contribué à la production de l'entier dommage.
En l'espèce, il est acquis que les fautes contractuelles de la société [V] Services, dont les opérations de liquidation judiciaire sont désormais clôturées, sont à l'origine de l'ensemble du désordre. En revanche, il n'est pas démontré que la faute de la société Michel Jany ait quant à elle contribué à la réalisation de l'entier dommage, ni qu'elle en soit une condition nécessaire, sans laquelle le dommage ne se serait pas produit. L'expert note en effet que le défaut de ventilation du bardage 'a aggravé le phénomène' de dégradation de la peinture, essentiellement imputable au choix d'une peinture inadaptée et mal appliquée, ce dont il peut être déduit que le dommage serait apparu même si la société Michel Jany n'avait commis aucune faute.
La faute de la société Michel Jany n'a donc contribué qu'à l'aggravation du dommage.
En considération des conclusions de l'expert, la société Michel Jany sera tenue à réparation, in solidum avec la société [V] Services, à concurrence de 25% des indemnités allouées, soit en ce qui concerne le montant non contesté de l'indemnité allouée en réparation du préjudice matériel, à concurrence de 25% de la somme de 75.179 euros correspondant au coût des travaux de reprise, à réévaluer en considération de la variation de l'indice BT01, et avec capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière.
La société Michel Jany ne forme aucun recours en garantie à l'encontre de la société [V] Services, ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire désormais clôturée.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité in solidum de la société Michel Jany à concurrence de l'entier dommage.
* Sur l'évaluation du préjudice immatériel
L'évaluation du préjudice matériel à la somme de 75.179 euros correspondant au coût des travaux de reprise ne fait l'objet d'aucune contestation.
En revanche, Mme [C] relève appel incident du jugement en ce qu'il a limité à 500 euros la réparation du préjudice immatériel du maître de l'ouvrage. Elle demande que son préjudice de jouissance, procédant de l'apparence de l'immeuble et des nuisances qu'engendreront les travaux de reprise, soit évalué à 5.000 euros, et demande la condamnation in solidum de la société Michel Jany et la société [V] Services à lui payer cette somme.
Il est rappelé que la société [V] Services est dépourvue de personnalité juridique en suite de la clôture des opérations de liquidation judiciaire. Par ailleurs Mme [C] ne justifie pas avoir signifié ses conclusions à la SELARL Julien Payen, en sa qualité d'administrateur ad hoc de la société [V] Services.
Sur le fond, le tribunal a fait une juste évaluation du préjudice de immatériel du maître de l'ouvrage, en relevant qu'il est d'ampleur limitée dès lors que les travaux de reprise s'effectueront à l'extérieur de l'habitation, et que la réalité d'un préjudice de jouissance du fait des désordres esthétiques actuels n'est pas établie.
Le jugement est confirmé sur ce point, sauf à préciser que la société Michel Jany n'est tenue à réparation du préjudice immatériel, in solidum avec la société [V] Services, qu'à concurrence de 25% de l'indemnité allouée.
* Sur la garantie des assureurs
Le tribunal a exclu tant la garantie de la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard en leur qualité d'assureurs de la société Michel Jany, que celle de la société Generali Iard en sa qualité d'assureur de la société [V] Services.
La société Michel Jany recherche la garantie de la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard en leur qualité d'assureurs de responsabilité décennale à la date de réalisation des travaux.
Mme [C] demande également, 'si la cour devait retenir le caractère décennal des désordres', la garantie de la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard en leur qualité d'assureurs de la société Michel Jany, et celle de la société Generali Iard en sa qualité d'assureur de la société [V] Services.
La société Michel Jany et Mme [C] ne fondent ainsi leurs demandes que sur la garantie obligatoire des assureurs de responsabilité décennale.
Dès lors que la cour a retenu que les dommages ne relèvent pas de la responsabilité décennale des constructeurs, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a exclu la garantie des assureurs de responsabilité décennale, le tribunal ayant également précisé que les dommages ne relèvent pas davantage des garanties facultatives souscrites.
* Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Michel Jany, tenue in solidum avec la société [V] Services, alors in bonis, toutes deux parties débitrices, les dépens de première instance outre une indemnité allouée à M.[G] et Mme [C] et à la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard au titre des frais irrépétibles de première instance.
En appel, la société Michel Jany d'une part, et M.[G] et Mme [C] d'autre part, succombent pour partie en leurs prétentions. Les dépens d'appel seront à la charge de la société Michel Jany, qui demeure débitrice.
Il est équitable de laisser chacune des parties conserver la charge des frais irrépétibles d'appel qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 4 octobre 2021, sauf en ce qu'il a:
- condamné la société Michel Jany, in solidum avec la société [V] Services, à verser à M. [G] et Mme [G] la somme de 75.179 euros TTC, au titre des travaux de reprise,
- condamné la société Michel Jany, in solidum avec la société [V] Services, à verser à M.[G] et Mme [G] la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- dit que dans les rappports entre co-obligés, la charge de la dette finale sera supportée dans les proportions ci-dessous fixées dans lesquelles il est fait droit au recours :
- société [V] Services : 75%
- société Michel Jany : 25%;
Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Michel Jany, in solidum avec la société [V] Services, à verser à M. [G] et Mme [C] 25% de la somme de 75.179 euros TTC, au titre des travaux de reprise;
Condamne la société Michel Jany, in solidum avec la société [V] Services, à verser à M.[G] et Mme [C] 25 % de la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance;
Constate l'absence de recours de la société Michel Jany à l'encontre de son co-obligé;
Condamne la société Michel Jany aux dépens d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par l'association cabinet Decharme, Me Monferran et Me Jourdon, qui en font la demande;
Rejette les demandes des parties formées au titre des frais irrépétibles d'appel.