Cass. 3e civ., 18 janvier 2023, n° 20-19.127
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. Zedda
Avocat général :
Mme Vassallo
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Boullez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP L. Poulet-Odent, SCP Le Bret-Desaché
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Sergeant du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [K], la société Mutuelle des architectes français (la MAF), le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 11], représenté par son syndic la société Foncia Fox immobilier, la caisse régionale d'assurance mutuelles agricoles du Nord Est (Groupama Nord Est) et la société ICP.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 juin 2017), la société Les Jardins de Vauban a fait réaliser un groupe d'immeubles à usage d'habitation, de bureaux et de garages, qui comprend la Résidence [Adresse 11], composée d'appartements, vendus en l'état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété.
3. Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 11] (le syndicat des copropriétaires), se plaignant de non-conformités et de malfaçons, a, après expertise, assigné M. [K], architecte, et son assureur, la MAF, la société Centre technique Apave Nord Picardie, devenue le GIE Ceten Apave international (le GIE), contrôleur technique, la société Sergeant, chargée des lots plomberie et VMC, la société Adelec services, en charge du lot électricité, la société FCB, venant aux droits de la société Bâti bois, ayant réalisé divers lots, la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), assureur de plusieurs participants aux opérations de construction, la société Les Jardins de Vauban, et la SMABTP, son assureur au titre de la garantie décennale.
4. La société Les Jardins de Vauban a appelé en garantie la société Centre technique Apave Nord-Picardie et son assureur, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 12] (le Lloyd's de [Localité 12]), la société Sergeant, la SMABTP, la société Adelec services, la société FCB, laquelle a appelé en garantie la SMABTP.
5. Les instances ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal, après avis de la deuxième chambre civile, pris en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile
Enoncé du moyen
6. La société Sergeant fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Adelec services, la société FCB et son assureur, la SMABTP, le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], à garantir la société Les Jardins de Vauban et son assureur, la SMABTP, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, de la condamner à garantir le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12] des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 % et de la condamner à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge dans les proportions de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la FCB et à hauteur de 92 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, alors « que, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant doit signifier ses conclusions aux parties qui n'ont pas constitué avocat avant l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, la société Les Jardins de Vauban a formé appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Arras le 29 septembre 2015, par déclaration au greffe du 9 octobre 2015 ; qu'elle n'a signifié ses premières conclusions, par lesquelles elle demandait la condamnation in solidum de M. [K], des sociétés Adelec Services, Sergeant, FCB, du GIE Ceten Apave International, de leurs assureurs respectifs et de son propre assureur, la société SMABTP, à la société Sergeant, n'ayant pas constitué avocat, que le 12 février 2016 ; que la cour d'appel a constaté que la société Sergeant n'avait pas constitué avocat ; qu'en affirmant cependant, pour prononcer à son encontre différentes condamnations, que "la société Sergeant a été régulièrement attraite à la procédure et s'est vu signifier les dernières écritures de certaines parties", sans vérifier que l'appelante avait signifié ses premières conclusions à la société Sergeant dans le délai de quatre mois courant à compter de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé l'article 908 du code civil, dans sa version issue du décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 et l'article 911 du même code, dans sa version issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012, également applicable au litige du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable en l'espèce, que le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel encourue en application des dispositions des articles 908 et 911 du même code, et que les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, cette restriction ne faisant toutefois pas obstacle à ce que la cour d'appel relève d'office la caducité (2e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-14.868, Bull. 2017, II, n° 93 et 2e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-27.467, Bull. 2017, II, n° 93).
8. Cependant, l'intimé qui n'use pas de la faculté que lui confère l'article 914 du code de procédure civile de saisir le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à faire constater la caducité de l'appel pour tardiveté des conclusions des appelantes, n'est pas recevable à invoquer ce grief devant la Cour de cassation (2e Civ., 17 octobre 2013, pourvoi n° 12-21.242, Bull. 2013, II, n° 198), même dans le cas où l'intimé choisit de ne pas constituer avocat et n'est ni comparant ni représenté devant la cour d'appel.
9. Si, en application de l'article 14 du code de procédure civile, il appartient à la cour d'appel de vérifier que la partie non comparante a été régulièrement appelée, elle n'est pas tenue de vérifier d'office si l'appelant a, dans le délai imparti par les articles 908 et 911 du code de procédure civile, signifié ses conclusions à l'intimé qui n'a pas constitué avocat.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen du pourvoi incident de la société FCB et sur le moyen du pourvoi incident du GIE, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
11. Par son moyen, la société FCB fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec son assureur, la SMABTP, les sociétés Adelec services et Sergeant, le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], à garantir la société Les jardins de Vauban et son assureur, la SMABTP, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, alors « que, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt prononçant la condamnation in solidum de la société Sergeant, demanderesse au pourvoi, doit profiter à la société FCB, condamnée in solidum à garantir la société Les jardins de Vauban et la SMABTP, son assureur, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires. »
12. Par leur moyen, le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], font grief à l'arrêt de les condamner in solidum avec la société Sergeant, la société FCB et son assureur, la SMABTP, et la société Adelec services à garantir la société Les jardins de Vauban et son assureur, la SMABTP, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires, alors « que, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef de l'arrêt prononçant la condamnation in solidum de la société Sergeant, demanderesse au pourvoi, doit profiter à la société FCB (lire : au GIE Ceten Apave et à son assureur le Lloyd's de [Localité 12]), condamnés in solidum à garantir la société Les jardins de Vauban et la SMABTP, son assureur, de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice du syndicat des copropriétaires. »
Réponse de la Cour
13. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Sergeant, le grief, tiré d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans objet.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
14. La société Sergeant fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le GIE et son assureur, le Lloyd's de [Localité 12], des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 %, alors « que les codébiteurs, tenus in solidum, ne sont tenus que pour leur part et portion de la dette ; que celui qui a payé au-delà de sa part ne dispose d'un recours contre les autres qu'à proportion de leur propre part ; que la cour d'appel a évalué, en fonction du domaine d'intervention et de la gravité des fautes respectives, la part de responsabilité des constructeurs ou assimilés comme suit : 5 % à la charge de la société Adelec Services, 12 % à la charge de la société Sergeant, 15 % à la charge de la société FCB, 20 % à la charge du GIE Ceten Apave, 40 % à la charge de la maîtrise d'oeuvre, au sens large, à savoir M. [K] et la société APIA et 8 % à la charge de la société Les Jardins de Vauban pour son immixtion dans les travaux relatifs aux plafonds ; qu'en condamnant la société Sergeant à garantir le GIE Ceten Apave International et son assureur, les souscripteurs du Lloyd's de [Localité 12], des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 %, la cour d'appel a violé l'article 1317 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les principes régissant l'obligation in solidum :
15. Aux termes de ce texte, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
16. Pour condamner la société Sergeant à garantir le GIE et son assureur des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 %, l'arrêt fixe la part de responsabilité de chacun des constructeurs et retient que les appels en garantie formés par la société FCB et le GIE seront accueillis dans les proportions ainsi déterminées étant précisé que la société FCB ne forme de recours que contre le GIE, qui forme un recours contre la société FCB et contre la société Sergeant.
17. En statuant ainsi, alors qu'elle avait fixé la part de responsabilité de la société Sergeant à 12 %, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés.
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
18. La société Sergeant fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge, dans les proportions de 85 % pour celles réglées en sa qualité d'assureur de la société FCB et à hauteur de 92 % pour celles réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, alors « que les codébiteurs tenus in solidum ne sont tenus que pour leur part et portion de la dette ; que celui qui a payé au-delà de sa part ne dispose d'un recours contre les autres qu'à proportion de leur propre part ; que la cour d'appel a évalué, en fonction du domaine d'intervention et de la gravité des fautes respectives, la part de responsabilité des constructeurs ou assimilés comme suit : 5 % à la charge de la société Adelec Services, 12 % à la charge de la société Sergeant, 15 % à la charge de la société FCB, 20 % à la charge du GIE Ceten Apave, 40 % à la charge de la maîtrise d'oeuvre, au sens large, à savoir M. [K] et la société APIA et 8 % à la charge de la société Les Jardins de Vauban pour son immixtion dans les travaux relatifs aux plafonds ; qu'en condamnant la société Sergeant à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge, dans les proportions de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la FCB et à hauteur de 92 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban à hauteur de 80 %, la cour d'appel a violé l'article 1317 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1213 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les principes régissant l'obligation in solidum :
19. Aux termes de ce texte, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.
20. Pour condamner la société Sergeant à garantir la SMABTP des sommes mises à sa charge, à hauteur de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société FCB et de 92 % pour celles payées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, l'arrêt, après avoir fixé la part de responsabilité incombant à chacun des constructeurs, retient que les appels en garantie seront accueillis dans les proportions ainsi déterminées.
21. En statuant ainsi, alors qu'elle avait fixé la part de responsabilité incombant à la société Sergeant à 12 %, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés.
Mise hors de cause
22. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société FCB et la SMABTP dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Sergeant à garantir le GIE Ceten Apave international et son assureur, la société Les Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 12], des sommes mises à leur charge à hauteur de 80 % et condamne la société Sergeant à garantir la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics des sommes mises à sa charge à hauteur de 85 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société FCB et à hauteur de 92 % pour les sommes réglées en sa qualité d'assureur de la société Les Jardins de Vauban, l'arrêt rendu le 22 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.