Cass. com., 18 décembre 2024, n° 23-14.518
COUR DE CASSATION
Arrêt
Irrecevabilité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocat général :
M. Bonthoux
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 9 janvier 2023), le 30 septembre 2011, MM. [M] et [D] ont constitué la société civile professionnelle « [R] [M] et [V] [D] » (la SCP 1) ayant pour objet l'exercice en commun d'un office notarial à Basse-Terre.
2. Le 26 mai 2013, MM. [M] et [D] ont conclu une convention prévoyant notamment la cession de parts de cette société par M. [M] à M. [D] en deux étapes à compter du 1er janvier 2015.
3. Le 27 octobre 2014, MM. [M] et [D] ont constitué la société civile professionnelle « [M] [R] et [D] [V] » (la SCP 2) ayant pour objet l'exercice en commun d'un office notarial à Saint-Barthélémy, chacun détenant respectivement douze et huit parts composant son capital.
4. Le 22 juin 2015, la SCP 1 a été dissoute.
5. Le 23 novembre 2018, M. [D] a assigné M. [M] en exécution forcée de la convention du 26 mai 2013 et afin d'obtenir la cession, à son profit, de sept parts de la SCP 2 détenues par celui-ci.
6. Le 17 août 2019, M. [M], ayant atteint la limite d'âge, a cessé ses fonctions de notaire.
7. Le 3 décembre 2021, la SCP 2 a signifié à M. [M] une lettre du 30 novembre 2021 par laquelle elle lui avait notifié un projet de cession de cinq parts sociales, prenant la forme d'une réduction de capital par rachat de ses titres.
8. Le 7 février 2022, la SCP 2 et M. [D] ont assigné M. [M] selon la procédure accélérée au fond devant le président d'un tribunal judiciaire aux fins de voir désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil avec pour mission de déterminer et fixer la valeur et le prix de cession de ces cinq parts sociales.
9. Le président ayant accueilli la demande, M. [M] en a interjeté appel.
Sur la demande de non-lieu à statuer présentée en défense
10. La SCP 2 et M. [D] soutiennent que le rapport d'expertise ayant été déposé et les cinq parts litigieuses rachetées postérieurement à l'arrêt, le pourvoi est sans objet et qu'il convient donc de prononcer un non-lieu à statuer.
11. Cependant, ces circonstances ne privent pas d'objet le pourvoi contestant la décision prise par le président avant le dépôt du rapport et le rachat des parts.
12. Il y a donc lieu de statuer sur le pourvoi.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
13. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
14. M. [M] fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que le pouvoir juridictionnel du président du tribunal se limite à examiner les conditions d'application de l'article 1843-4 du code civil ; que M. [M] a montré que le président du tribunal avait excédé ses pouvoirs en se prononçant sur le point de savoir s'il pouvait être contraint de céder, en application de l'article 28 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967, ses parts à la société au prix fixé par un expert, alors que les manœuvres de M. [D] l'avaient privé de la faculté de céder ses parts à un tiers pour un prix librement déterminé comme l'y autorise l'article 27 du décret ; qu'en décidant que le président du tribunal n'avait pas commis d'excès de pouvoir en statuant comme il l'a fait, dès lors qu'ayant atteint la limite d'âge, M. [M] devait céder ses parts à la société, peu important l'attitude de M. [D], la cour d'appel qui a consacré un excès de pouvoir, a violé l'article 1843-4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen, examinée d'office
Vu l'article 16 du code de procédure civile, après avis donné aux parties :
15. Il résulte de l'article 1843-4 du code civil que la décision par laquelle le président du tribunal procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible. Cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours. Il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir.
16. M. [M] s'est pourvu en cassation contre un arrêt ayant déclaré irrecevable son appel formé contre le jugement ayant accueilli la demande d'expertise formée par la SCP 2 et M. [D].
17. Ce pourvoi n'est donc pas recevable, sauf si un excès de pouvoir est caractérisé.
Bien-fondé du moyen
18. Après avoir énoncé, d'une part, que l'article 1843-4 du code civil n'est applicable qu'aux cas de cession imposée au cédant par les dispositions légales ou réglementaires ou par les statuts d'une société, d'autre part, que l'inobservation des conditions d'application de ce texte ne constitue pas un excès de pouvoir permettant de déroger à la règle selon laquelle la décision ordonnant une expertise est sans recours possible, l'arrêt retient à bon droit que c'est sans commettre un excès de pouvoir que le premier juge a retenu qu'ayant atteint l'âge limite d'exercice de la profession de notaire le 17 août 2019, M. [M] avait l'obligation de céder ses parts sociales en vertu de l'article 33-1 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, de sorte que selon l'article 28 de ce décret, le prix de cession devait, à défaut d'accord entre les parties, être fixé par un expert désigné sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.
19. Le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre une décision n'ayant pas consacré d'excès de pouvoir, n'est donc pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DECLARE le pourvoi irrecevable.