Cass. 1re civ., 18 décembre 2024, n° 23-20.777
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
BBI (SARL)
Défendeur :
Ockenfels Group GmbH & Co. KG (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champalaune
Rapporteur :
M. Ancel
Avocats :
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2023) et les productions, la société de droit français BBI a conclu successivement à compter du 1er août 2007 plusieurs contrats de distribution avec la société de droit allemand Betula-Schuh dont le dernier en date le 21 septembre 2012 pour une période allant jusqu'au 31 décembre 2015, comportant une clause attributive de juridiction au profit des juridictions allemandes (Coblence) et le choix du droit allemand.
2. Par courrier électronique du 12 novembre 2014, la société Betula-Schuh a informé la société BBI de ce que la société Birkenstock & Co. KG Services reprendrait rétroactivement au 1er octobre 2014, les opérations de facturation et d'expédition.
3. A la suite d'une restructuration au sein du groupe Birkenstock en 2015, la société Betula-Schuh a été absorbée par la société Birkenstock Sales, qui elle-même avait conclu en 2013 un accord de contrôle et de transfert de ses bénéfices au profit de la société Birkenstock & Co. KG, nouvellement dénommée Ockenfels Group Gmbh & Co. KG.
4. Le 21 septembre 2016, la société Birkenstock Sales a informé la société BBI de sa décision de mettre fin au contrat de distribution du 21 septembre 2012 à la date du 31 décembre 2016. Le même jour, la société Birkenstock Services (succursale de Birkenstock & Co. KG) a informé la société BBI de sa décision de mettre fin à leurs relations commerciales au 31 décembre 2016.
5. Le 17 février 2020, la société BBI a introduit une action contre la société Birkenstock & Co. KG devant le tribunal de commerce de Marseille pour rupture brutale de relations commerciales établies.
6. La société Birkenstock & Co. KG, se prévalant de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat conclu le 21 septembre 2012, a soulevé l’incompétence internationale de la juridiction française.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen pris en ses première à quatrième branches
Enoncé du moyen
8. La société BBI fait grief à l'arrêt de décider que le litige l'opposant à la société Birkenstock ne relève pas de la compétence du juge français, alors :
« 1°/ que, pour être opposable, la clause attributive de juridiction doit avoir été conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; que, pour décider que la société Birkenstock peut opposer à la société BBI la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat conclu entre la société BBI et la société Betula Schuh le 21 septembre 2012, la cour d'appel retient que par courriel du 12 novembre 2014, la société Betula Schuh a informé la société BBI que la société Birkenstock reprendrait rétroactivement au 1er octobre 2014 les opérations de facturation et d'expédition, que le 21 mai 2015, la société Betula Schuh a été absorbée par la société Birkenstock et qu'après la confirmation par la société Birkenstock de la commande effectuée par la société BBI, la société BBI a accepté les livraisons organisées par cette société ; que la cour d'appel en a déduit que la société BBI a manifesté de manière non équivoque sa volonté de voir la relation se poursuivre avec la société Birkenstock aux conditions contractuelles conclues avec la société Betula et a ainsi accepté que l'exécution du contrat soit régi par la clause attributive de juridiction ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser une acceptation de la clause attributive de juridiction selon une forme conforme aux habitudes des parties ou sous la forme d'un usage du commerce international, la cour d'appel a violé les articles 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (« règlement Bruxelles I ») et 25 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (« règlement Bruxelles I bis ») ;
2°/ que l'acceptation d'une clause attributive de juridiction stipulée dans une convention de distribution ne peut s'étendre aux relations entre le distributeur et un tiers au motif que le tiers a repris les obligations de vente et de livraison de producteur et que le distributeur a accepté d'être livré par ce tiers ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour retenir l'acceptation de la clause attributive de juridiction par la société BBI dans ses relations avec la société Birkenstock, la cour d'appel a violé les articles 23 du règlement Bruxelles I et 25 du règlement Bruxelles I bis ;
3°/ qu'en se fondant sur l'acceptation par la société BBI de la reprise des opérations de facturation et d'expédition par la société Birkenstock, sans expliquer en quoi cette acceptation impliquait également son acceptation de transmission des droits de la société Betula Schuh à la société Birkenstock, et spécialement celui de se prévaloir de la clause attributive de juridiction convenue au bénéfice de la société Betula Schuh, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 23 du règlement Bruxelles I et 25 du règlement Bruxelles I bis ;
4°/ que, pour décider que la société Birkenstock peut opposer à la société BBI la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat conclu entre la société BBI et la société Betula Schuh le 21 septembre 2012, la cour d'appel ajoute que la société BBI avait elle-même fait état d'une relation commerciale établie d'abord avec la société Betula et ensuite en continuité avec la société Birkenstock depuis 2007 aux termes de son assignation ; qu'en se déterminant ainsi, par un motif impropre à établir l'acceptation par la société BBI de la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat de distribution du 21 septembre 2012 dans ses relations avec la société Birkenstock, tiers au contrat, la cour d'appel a violé les articles 23 du règlement Bruxelles I et 25 du règlement Bruxelles I bis. »
Réponse de la Cour
9. L’arrêt relève que la société BBI a conclu le 21 septembre 2012 avec la société Betula-Schuh un contrat de distribution stipulant une clause attributive de juridiction au profit d’une juridiction allemande, que le 12 novembre 2014, la société Betula-Schuh l’a informée de ce que la société Birkenstock & Co. KG Services, succursale de la société Birkenstock & Co. KG (devenue la société Ockenfels Groupe GmbH & Co. KG), reprendrait rétroactivement au 1er octobre 2014, les opérations de facturation et d'expédition, ce que la société BBI a accepté en recevant les livraisons, en adressant de nouvelles commandes à la société Birkenstock & Co. KG Services et en lui ouvrant une ligne de crédit.
10. De ces constatations, la cour d’appel a exactement déduit que les droits et obligations substantiels résultant du contrat du 21 septembre 2012 ayant été transmis à la société Birkenstock & Co. KG Services avec l’accord de la société BBI, il en allait de même de la clause attributive de juridiction qui en était l’accessoire et à laquelle elle avait expressément consenti.
11. Il en résulte que le moyen est inopérant.
12. En l’absence de doute raisonnable, il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
PAR DES MOTIFS, la Cour :
Dit n’y avoir lieu à question préjudicielle ;
REJETTE le pourvoi.