Décisions
Cass. crim., 18 décembre 2024, n° 23-83.178
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
N° M 23-83.178 FS-B
N° 01482
RB5
18 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 DÉCEMBRE 2024
MM. [T] [Z], [W] [M] et [D] [I], ainsi que M. [C] [N], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 mai 2023, qui a condamné, le premier, pour corruption active d'un magistrat et trafic d'influence actif, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le deuxième, pour corruption active d'un magistrat, trafic d'influence actif et violation du secret professionnel, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction professionnelle et le troisième, pour recel, corruption passive par un magistrat et trafic d'influence passif, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, une confiscation, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [C] [N], et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, ampliatifs et personnel, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [Z], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [W] [M], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [I], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, Bloch, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Dans une information portant sur les conditions du financement de la campagne électorale de M. [T] [Z] de 2007 et ouverte le 19 avril 2013 notamment des chefs de corruption, trafic d'influence et blanchiment, les juges d'instruction saisis ont ordonné, par commissions rogatoires des 3 et 19 septembre 2013, le placement sous surveillance des lignes téléphoniques utilisées par M. [Z].
3. À la suite d'un rapport de l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête révélant l'existence d'une autre ligne mise en service au moyen d'une carte prépayée, sous l'identité de [S] [N], et paraissant servir à M. [Z] pour communiquer avec un interlocuteur unique, cette ligne a également été placée sous surveillance le 22 janvier 2014. Le bâtonnier en a été informé le jour même en raison de la qualité d'avocat de M. [Z].
4. Des conversations ont été interceptées sur cette ligne entre M. [Z] et M. [W] [M], avocat, depuis le 28 janvier jusqu'au 5 février 2014, donnant lieu à des procès-verbaux de transcriptions et à un autre procès-verbal, en date du 7 février suivant, contenant le résumé des conversations échangées, laissant supposer que les intéressés étaient informés des écoutes téléphoniques réalisées sur les lignes régulières de M. [Z] et des perquisitions envisagées, et que M. [M] recevait des informations, dont certaines confidentielles, sur un pourvoi en cassation en cours devant la Cour de cassation dans l'affaire dite « [K] », susceptibles de provenir d'un dénommé « [D] », identifié ultérieurement comme M. [D] [I], alors premier avocat général près la Cour de cassation.
5. Le 7 février 2014, en exécution d'une commission rogatoire, des réquisitions ont permis, à partir de la facturation détaillée de la ligne utilisée par M. [M], d'identifier ses correspondants, dont M. [I].
6. Faisant suite à une ordonnance de soit-communiqué des juges d'instruction, le procureur de la République financier a ouvert, le 26 février 2014, une information contre personne non dénommée pour trafic d'influence, complicité et recel, violation du secret de l'instruction et recel.
7. Les juges d'instruction ainsi saisis ont ordonné, le même jour, par plusieurs commissions rogatoires, la surveillance, pour une durée de deux mois, des lignes téléphoniques utilisées respectivement par MM. [M] et [I] et la transcription des écoutes opérées dans la procédure initiale.
8. Parallèlement à cette information, sur les instructions du procureur de la République financier, le 4 mars 2014, une enquête préliminaire a été ouverte du chef de violation du secret professionnel. Cette enquête faisait suite à des soupçons de ce que M. [M] aurait été informé de l'existence d'interceptions téléphoniques le concernant, notamment sur la ligne ouverte au nom de [S] [N].
9. Dans le cadre de l'information ouverte le 26 février 2014, à la suite d'une perquisition au domicile de M. [I] ayant permis la découverte d'une copie d'un arrêt de la chambre de l'instruction se rapportant à l'affaire dite « [K] », un réquisitoire supplétif a été pris le 1er juillet 2014 pour corruption active et passive et trafic d'influence actif et passif commis jusqu'au 11 mars 2014 ainsi que pour violation du secret de l'instruction et recel.
10. Le 1er juillet 2014, M. [Z] a été mis en examen pour recel d'information provenant du délit de violation de secret de l'instruction, corruption et trafic d'influence actifs, M. [M] pour les mêmes faits et pour atteinte au secret professionnel, M. [I] pour recel d'information provenant du délit de violation du secret professionnel, corruption et trafic d'influence passifs.
11. Le 2 décembre 2016, MM. [Z] et [M] ont demandé le versement au dossier de l'information judiciaire de l'enquête préliminaire ouverte le 4 mars 2014. Le 2 janvier 2017, les juges d'instruction ont refusé de faire droit à cette demande. Le président de la chambre de l'instruction a, par une ordonnance du 8 juin 2017, dit n'y avoir lieu à saisir la chambre de l'instruction de l'appel de cette ordonnance et le pourvoi en cassation contre cette décision a été déclaré irrecevable par une ordonnance du président de la chambre criminelle du 22 septembre 2017.
12. Par requêtes des 3 novembre 2017 et 4 avril 2018, MM. [Z] et [M] ont saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation de pièces de l'instruction, notamment le réquisitoire définitif. La requête a été rejetée par l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2018. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2019 (Crim., 18 juin 2019, pourvoi n° 18-86.106).
13. Par ordonnance du 26 mars 2018, les juges d'instruction ont renvoyé devant le tribunal correctionnel MM. [Z] et [M] pour corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique et trafic d'influence actif, M. [M] également pour violation du secret professionnel et M. [I] pour corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique, trafic d'influence passif et recel.
14. Le 23 janvier 2020, l'enquête préliminaire ouverte le 4 mars 2014 pour violation du secret professionnel, qui avait été classée sans suite le 4 décembre 2019 pour « infraction insuffisamment caractérisée », a été communiquée aux parties.
15. Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal correctionnel a, s'agissant de M. [Z], requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique en corruption active par particulier sur un magistrat, l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif et corruption active d'un magistrat et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.
16. En ce qui concerne M. [M], il a requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique en corruption active par particulier sur un magistrat, l'a déclaré coupable de violation du secret professionnel, corruption active d'un magistrat et trafic d'influence actif et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis ainsi qu'à la peine complémentaire de cinq ans d'interdiction professionnelle.
17. Enfin, s'agissant de M. [I], il a requalifié les faits de corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique en corruption passive par magistrat, l'a déclaré coupable de recel, corruption passive et trafic d'influence passif et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.
18. La constitution de partie civile de M. [C] [N] a été déclarée irrecevable.
19. MM. [Z], [M], [I] et [N] ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel de M. [N]
20. Selon l'article 584 du code de procédure pénale, le mémoire déposé par le demandeur au pourvoi, sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation, doit être signé par l'intéressé lui-même. Il s'ensuit que le mémoire personnel, qui ne porte aucune signature ou porte une signature autre que celle du demandeur, ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il peut contenir.
21. En l'espèce, le mémoire personnel déposé pour M. [N] est signé par son avocat, lequel est avocat au barreau du Val-de-Marne, et ne comporte pas la signature du demandeur. Il est donc irrecevable.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, et le sixième moyen, pris en sa troisième branche, proposés pour M. [Z], le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, le troisième moyen, pris en sa première branche, le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, le sixième moyen, le septième moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième et septième branches, et le huitième moyen proposés pour M. [M], le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le quatrième moyen proposés pour M. [I]
22. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le septième moyen proposé pour M. [Z]
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris telle que composée, alors « que l'exigence d'impartialité subjective telle qu'elle est garantie par les articles 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale est méconnue lorsqu'il existe des raisons sérieuses, pour un justiciable, de douter de l'absence de préjugés défavorables, à son encontre, de l'un des magistrats ayant composé la formation de jugement ; que tel est le cas de la cour d'appel présidée par une magistrate ayant déjà exprimé, à titre personnel, lors de propos publics retranscrits dans la presse, une position défavorable à l'encontre de la politique judiciaire voulue par M. [T] [Z] en tant que Président de la République à travers la réforme de la justice qu'il avait engagée le 7 janvier 2009. »
Réponse de la Cour
24. Le prévenu n'est pas recevable à mettre en cause l'impartialité, qu'elle soit subjective ou objective, d'un magistrat composant la chambre des appels correctionnels, en invoquant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, au regard d'éléments dont il avait ou pouvait avoir connaissance au moment des débats, dès lors qu'il n'a pas usé de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant ce magistrat en application de l'article 668 du code de procédure pénale (Crim., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-82.191 ; Crim., 19 avril 2017, pourvoi n° 17-80.664 ; Crim., 5 avril 2018, pourvoi n° 17.83-166, Bull. crim. 2018, n° 65).
25. En l'espèce, il n'est pas soutenu que M. [Z] ne pouvait avoir connaissance au moment des débats des propos tenus par un des magistrats composant la formation de jugement, et retranscrits dans un article de presse publié le 14 janvier 2009, sur lesquels est fondé le grief de défaut d'impartialité.
26. Le moyen doit donc être écarté.
Sur le premier moyen proposé pour M. [Z], le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. [M] et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [I]
Enoncé des moyens
27. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que, les dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction, ont été déclarés contraires à la Constitution aux termes de la décision n° 2023-1062 QPC du Conseil constitutionnel en date 28 septembre 2023 ; qu'à raison de cette déclaration d'inconstitutionnalité, qui peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction, comme c'est le cas en l'espèce, sans que la seule possibilité de discuter la valeur probante des éléments litigieux devant les juridictions de jugement suffise à pallier une telle carence, la décision attaquée, qui se fonde sur ces dispositions pour déclarer irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [Z], se trouve privée de tout fondement ;
2°/ qu'en tout état de cause, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que l'effectivité de ce droit demande qu'un individu jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester tout acte constituant une ingérence dans ses droits ; qu'en déclarant irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [Z], à seule raison de ce qu'elles ont été formulées postérieurement à l'ordonnance de règlement du 26 mars 2018, en application des dispositions combinées des articles 179 et 385 du code de procédure pénale, lorsqu'il est acquis qu'il ne pouvait avoir connaissance de ces moyens de nullité avant cette date, la cour d'appel, qui a de facto privé le prévenu de tout recours sur ce point, a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
28. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que par sa décision du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution en ce qu'ils méconnaissent les garanties constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un recours effectif, en ne prévoyant pas « d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction » ; que le Conseil constitutionnel a décidé que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction ; que les procès-verbaux d'enquête n'ayant été versés à la procédure que postérieurement à l'ordonnance de renvoi, M. [M] était dans l'impossibilité de soulever l'irrégularité de ces actes dont il n'avait pas connaissance et que la cour d'appel lui a opposé la purge des nullités en application de l'article 385, premier alinéa, du code de procédure pénale ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de cette disposition, applicable à la présente procédure, prive l'arrêt attaqué de base légale ;
2°/ qu'en outre, le droit à un recours effectif et le respect des droits de la défense consacrés par la convention européenne des droits de l'homme imposent la recevabilité des moyens de nullité lorsque le prévenu n'en avait pas été informé antérieurement à l'ordonnance de renvoi ; qu'en déclarant cependant irrecevables les exceptions de nullité soulevées par le prévenu tandis qu'il n'en a eu connaissance postérieurement à l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a également méconnu les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
29. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que par sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale, dès lors que ces dispositions ne prévoient pas d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction ; cette inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction ; la cour d'appel a jugé irrecevable l'exception de nullité de l'intégralité de la procédure et de l'ordonnance de renvoi, soulevée par M. [I] et tirée de ce qu'il n'a eu connaissance de l'enquête préliminaire P14063000306 que deux ans après l'ordonnance de renvoi, au motif que cette ordonnance est définitive et a été rendue dans les conditions prévues à l'article 183 alinéa 4 et conformément aux dispositions des articles 184 et 175 du code de procédure pénale (arrêt, p. 68) ; l'arrêt attaqué, qui a fait application du mécanisme de purge des nullités prévu à l'article 385 du code de procédure pénale, se trouve privé de fondement juridique du fait de l'inconstitutionnalité de ces dispositions, et encourt l'annulation en application des articles 61-1 et 62 de la Constitution. »
Réponse de la Cour
30. Les moyens sont réunis.
31. Pour écarter les exceptions de nullité, selon lesquelles l'intégralité de la procédure aurait été viciée en raison de l'existence d'une enquête préliminaire portant sur des faits connexes à la présente affaire, qui n'a pas été jointe à la procédure d'instruction et dont le contenu n'a été révélé aux personnes mises en cause que postérieurement à leur renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué énonce qu'en application de l'article 385 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement de la procédure, régulièrement prise, a entraîné la forclusion de ces exceptions.
32. Cependant, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cet article, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, constaté que, si celui-ci interdit aux parties de soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure antérieure, ni ces dispositions ni aucunes autres ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction. Il en a conclu à une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense et a déclaré pour partie l'article 385 précité contraire à la Constitution.
33. S'il a reporté au 1er octobre 2024 l'abrogation partielle de cet article, il a, en revanche, jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction et qu'il reviendra à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.
34. L'arrêt n'encourt cependant pas l'annulation pour les motifs qui suivent.
35. En premier lieu, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée s'agissant de certaines des exceptions de nullité soulevées devant la cour d'appel dès lors que celles-ci pouvaient être connues avant la clôture de l'instruction.
36. En effet, d'une part, il ressort tant des conclusions des demandeurs devant la cour d'appel que de l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2018 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2019 (Crim., 18 juin 2019, pourvoi n° 18-86.106) que les demandeurs connaissaient, avant la clôture de l'instruction, l'existence de l'enquête préliminaire portant sur les faits de violation du secret professionnel qui auraient permis l'information de MM. [Z] et [M] du placement sous écoutes par les autorités judiciaires de la ligne téléphonique dite « [N] » qu'ils utilisaient.
37. Il résulte de ces mêmes conclusions et arrêts ainsi que de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction du 8 juin 2017 et de l'ordonnance n° 10567 du 22 septembre 2017 du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation que les demandeurs ont contesté infructueusement devant la chambre de l'instruction, puis devant la Cour de cassation, avant la clôture de l'instruction, le refus du juge d'instruction d'obtenir le versement de la procédure d'enquête préliminaire à l'instruction. Ils ont également soulevé, dans les mêmes conditions et avec le même résultat, la nullité du réquisitoire définitif au motif que celui-ci se référait à des éléments issus de l'enquête préliminaire précitée et qu'il en résultait une violation des droits de la défense et des principes du contradictoire et de l'égalité des armes.
38. Dès lors, le moyen tiré de ce que les droits de la défense et le principe d'égalité des armes auraient été méconnus en raison de l'absence de jonction de cette procédure d'enquête préliminaire à la procédure d'instruction pouvait être connu avant la clôture de l'instruction. Il en est de même du moyen tiré de ce que l'égalité des armes aurait été méconnue dès lors que, le ministère public ayant eu connaissance de la procédure d'instruction et de l'enquête préliminaire, il pouvait se servir de la seconde procédure pour chercher des éléments à charge utilisables dans la procédure d'instruction et dissimuler les éléments à décharge recueillis lors de celle-ci. Il en est encore de même du moyen de nullité tiré de ce que le ministère public aurait soutenu, notamment dans son réquisitoire définitif, le renvoi des personnes mises en examen en se fondant sur le fait que celles-ci avaient été informées du placement sous écoutes de la ligne téléphonique dite « [N] ».
39. D'autre part, le moyen de nullité tiré de ce que des perquisitions auraient été ordonnées dans la procédure d'information sur le fondement de conversations téléphoniques passées sur la ligne « [N] » le 26 février 2014 alors que les magistrats n'avaient pas officiellement connaissance à cette date de ces conversations, qui se fonde uniquement sur des éléments du dossier d'instruction, repose nécessairement sur des éléments dont les personnes mises en cause avaient connaissance avant la clôture de l'instruction.
40. En second lieu, les autres exceptions de nullités soutenues devant la cour d'appel, qui s'analysent comme la dénonciation d'un stratagème employé par un agent de l'autorité publique pour la constatation d'une infraction ou l'identification de ses auteurs, étaient en tout état de cause infondées.
41. En effet, un tel stratagème ne constitue en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve susceptible de fonder l'annulation de la procédure que lorsque, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, il a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie (Ass. plén., 9 décembre 2019, pourvoi n° 18-86.767, publié au Bulletin).
42. Or, il ne saurait résulter, à supposer ces circonstances établies, de ce que l'enquête a été clôturée tardivement et par un classement sans suite, et de ce que les parties n'ont pu prendre connaissance que postérieurement à l'ordonnance de renvoi et avant les débats devant la juridiction de jugement de l'existence dans cette enquête de la facture détaillée des appels téléphoniques passés par M. [M] le 25 février 2014, l'existence d'un stratagème susceptible d'emporter l'annulation de la procédure.
43. Enfin, le fait allégué que l'enquête préliminaire aurait été irrégulièrement menée au motif qu'elle comportait des éléments provenant de l'information judiciaire ou qu'elle a fait l'objet d'un suivi insuffisant ou d'un manque de rigueur ne saurait en soi entraîner la nullité de l'information.
44. Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Z], le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [M] et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [I] doivent être écartés.
45. Compte tenu des motifs précités, le premier moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [Z] et le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [M] ne peuvent également qu'être écartés.
Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [Z] et le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour M. [M]
Enoncé des moyens
46. Le deuxième moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions de ses conversations téléphoniques, ni d'écarter ou de s'interdire d'utiliser les conversations échangées entre lui et M. [M], alors :
« 1°/ que, si le secret professionnel des avocats ne fait pas obstacle à la transcription d'un échange entre un avocat et son client dans le cadre de l'interception régulière de la ligne du second, lorsque le contenu de cet échange est de nature à faire présumer la participation de l'avocat lui-même à une infraction, c'est à la condition que cette transcription n'affecte pas les droits de la défense du client, de sorte que les propos ainsi transcrits ne peuvent être utilisés contre ce dernier dans la procédure dont il est l'objet ; qu'en disant n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], pourtant clairement identifié comme son avocat habituel, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants en se bornant à invoquer la régularité des interceptions et de leur retranscription déjà examinée pendant la phase de l'instruction, lorsqu'une telle circonstance n'implique aucunement la régularité de leur utilisation contre M. [Z] dans la procédure dont il est l'objet, a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
2°/ qu'en outre, relève de l'exercice des droits de la défense l'ensemble des éléments en relation directe avec une procédure susceptible d'aboutir au prononcé d'une condamnation pénale ; qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], que les propos échangés sont étrangers à tout exercice des droits de la défense, lorsqu'il ressort de ses propres motifs, d'une part, que les interceptions effectuées ont porté sur une ligne téléphonique exclusivement dédiée au contact de M. [Z] avec son avocat, Me [M], et ce à une période au cours de laquelle M. [Z] était mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires pendantes, et d'autre part, qu'il ne figure pas une seule conversation aux termes de laquelle il n'est pas mentionné d'éléments en lien direct avec une procédure judiciaire dans laquelle M. [Z] est mis en cause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
47. Le troisième moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions de ses conversations téléphoniques, ni d'écarter ou d'interdire d'utiliser les conversations échangées entre lui et M. [M], alors « que la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure qu'à titre exceptionnel, s'il apparaît que son contenu et sa nature sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction ; que l'appréciation de cette circonstance, au même titre que celle de la nécessité d'une telle mesure, suppose impérativement l'examen du contenu de chacune des conversations dont la retranscription est envisagée ; qu'en affirmant, pour dire néanmoins n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], « qu'il n'y a pas lieu d'examiner [ ] le contenu de chaque conversation retranscrite pour décider si les circonstances de recueil de la preuve sont conformes aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme » (arrêt, p. 80), la cour d'appel, qui s'est expressément refusée à un contrôle impératif, a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
48. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions des conversations téléphoniques et les facturations détaillées de son téléphone, alors :
« 2°/ que le respect des droits de la défense et le secret professionnel de l'avocat s'opposent à ce que soit versée à une procédure le contenu d'une transcription téléphonique entre un avocat et son client qui n'est pas de nature à faire présumer que l'avocat avait commis une infraction ; que le tribunal avait établi que certaines conversations téléphoniques devaient être écartées conformément aux droits de la défense en l'absence d'indices de participation de l'avocat à des infractions ; qu'en refusant de vérifier le contenu des transcriptions des conversations téléphoniques entre l'avocat et son client, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense, le secret professionnel de l'avocat ainsi que les dispositions susvisées et l'article 100-5 du code de procédure pénale ;
3°/ que la juridiction correctionnelle est tenue d'écarter des débats les preuves illicites sans être liée par une précédente décision refusant d'annuler leurs supports ; qu'en énonçant que le débat sur la régularité des écoutes téléphoniques est clos en ce que leur régularité avait été examinée pendant l'instruction, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
49. Les moyens sont réunis.
50. Ils sont infondés.
51. En effet, ils reposent sur l'affirmation selon laquelle la juridiction de jugement peut écarter des débats ou s'interdire d'utiliser des éléments de preuve recueillis au cours de l'information par une personne concourant à la procédure.
52. Or, si la valeur probante de tels éléments peut être discutée devant la juridiction de jugement, celle-ci ne peut les écarter des débats ou s'interdire de les utiliser dès lors qu'ils étaient susceptibles d'annulation en application de l'article 170 du code de procédure pénale, peu important qu'ils aient été ou non contestés durant l'information.
53. Au surplus, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme l'interdiction d'utiliser contre le client d'un avocat les propos échangés entre eux sur une ligne téléphonique placée sous écoutes dès lors que ces propos révèlent des indices de nature à faire présumer la participation de l'avocat à une infraction pénale et qu'ils sont étrangers aux droits de la défense.
54. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour M. [I] et le neuvième moyen proposé pour M. [M]
55. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de violation du secret professionnel, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction, qui sont notifiés aux parties et à leurs avocats en application de l'article 217 du code de procédure pénale, ne sont pas couverts par le secret de l'instruction ; en jugeant au contraire que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2013 était couvert par le secret et que sa communication par [W] [M] et sa détention par [D] [I] caractérisaient respectivement les infractions de violation du secret professionnel et recel de ce délit, la cour d'appel a violé les articles 11 du code de procédure pénale, 226-13 et 321-1 du code pénal ;
4°/ que tout magistrat d'un parquet général peut exercer les fonctions du ministère public au sein de ce parquet ; il découle du principe d'unicité et d'indivisibilité du parquet général de la Cour de cassation que chacun de ses membres est partie aux procédures dont la Cour de cassation est saisie ; en jugeant au contraire que M. [I] ne pouvait revendiquer une telle qualité, aux motifs inopérants qu'il était alors affecté à une chambre civile, et que le parquet général à la Cour de cassation n'est pas hiérarchisé, est indépendant du garde des Sceaux et que ses membres ne sont pas subordonnés au procureur général, la cour d'appel a encore violé les articles 226-13 et 321-1 du code pénal, ensemble les articles L. 122-4, L. 432-3 et R. 432-1 du code de l'organisation judiciaire. »
56. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de violation du secret professionnel, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction qui sont notifiés aux parties et à leurs avocats, ne sont pas couverts par le secret de l'instruction ; qu'en entrant en voie de condamnation en ce que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2013 était couvert par le secret de l'instruction et ne pouvait dès lors pas être communiqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 226-13 du code pénal, 11, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la règle de l'unicité et de l'indivisibilité du parquet général de la Cour de cassation permet à chacun de ses membres d'exercer cette fonction à toutes les procédures devant la Cour de cassation ; qu'en énonçant que l'arrêt de la chambre de l'instruction ne pouvait pas être communiqué à M. [I] en ce qu'il était affecté à une chambre civile, que le parquet général à la Cour de cassation n'est pas hiérarchisé et que ses membres sont indépendants du garde des sceaux et ne sont pas subordonnés au procureur général, la cour d'appel s'est prononcé par des motifs inopérants et a méconnu les articles 226-13 du code pénal, L122-4, L432-3 et R432-2 du code de l'organisation judiciaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
57. Les moyens sont réunis.
58. Pour déclarer M. [M] coupable de violation du secret professionnel et M. [I] coupable de recel de violation du secret professionnel, l'arrêt attaqué relève qu'il a été découvert lors d'une perquisition au domicile de M. [I] un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et que M. [I] a déclaré que cet arrêt lui avait été remis par M. [M], ce que ce dernier a confirmé.
59. Les juges indiquent également que les mentions de cet arrêt montrent que les débats se sont déroulés et que l'arrêt a été rendu en chambre du conseil.
60. Ils énoncent ensuite que cet arrêt est un acte de la procédure d'instruction dans laquelle il a été rendu et qu'il est donc couvert par le secret.
61. Ils ajoutent que M. [M], avocat d'une personne mise en examen dans cette procédure d'instruction, est, à ce titre, soumis au secret professionnel et qu'à la date du prononcé de l'arrêt en cause, l'instruction n'était pas clôturée.
62. Ils énoncent par ailleurs que, pour être répréhensible, la révélation d'une information doit être faite à un tiers qui n'a pas la qualité pour la recevoir.
63. Ils relèvent qu'en l'espèce M. [I] n'était pas partie à la procédure d'instruction, et qu'une telle qualité ne peut résulter de l'unicité et de l'indivisibilité du parquet général près la Cour de cassation dès lors qu'il était affecté à une chambre civile et était donc étranger à l'examen des pourvois engagés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction.
64. Ils ajoutent qu'il ne peut être tiré argument en défense de ce que M. [I] aurait pu avoir connaissance de cet arrêt par les outils informatiques propres à la Cour de cassation dès lors qu'il ne se l'est pas procuré ainsi.
65. Ils relèvent également que M. [M] a dit avoir remis cet arrêt à M. [I] pour son activité doctrinale et car celui-ci était passionné de procédure pénale et que M. [I] a indiqué vouloir consulter l'arrêt par curiosité.
66. Ils en concluent que l'élément matériel des infractions de violation du secret professionnel et de recel de violation du secret professionnel est ainsi caractérisé.
67. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
68. En premier lieu, dès lors qu'un arrêt débattu et rendu en chambre du conseil par une chambre de l'instruction dans le cadre d'une procédure d'instruction est notifié à l'avocat d'une partie en application de l'article 217 du code de procédure pénale, il constitue une information à caractère secret dont l'avocat a eu communication en raison de sa profession et dont la révélation est interdite en application de l'article 226-13 du code pénal, la circonstance que ce document soit ou non couvert par le secret de l'instruction étant indifférente.
69. Les premières branches des moyens proposés par MM. [I] et [M] sont donc infondées.
70. En second lieu, en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, indépendamment des motifs surabondants critiqués par le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour M. [I] et le neuvième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [M], caractérisé le fait que M. [I] était en possession de cet arrêt pour des raisons étrangères à ses fonctions.
71. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [M]
Enoncé du moyen
72. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requalification des faits de trafic d'influence pour obtenir une décision favorable d'une autorité ou administration publique en trafic d'influence pour obtenir une décision favorable d'un agent de justice, alors :
« 1°/ que le législateur a prévu une incrimination spécifique du trafic d'influence visant à obtenir une décision favorable de magistrats à l'article 434-9-1 du code pénal ; que le juge est tenu de retenir la qualification spéciale ; que la cour d'appel a cependant écarté l'incrimination spéciale pour retenir l'incrimination générale de l'article 433-1 2° du code pénal ; qu'elle a méconnu les articles 433-1 2°, 434-9 et 434-9-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
73. Pour rejeter la demande de requalification des faits poursuivis sous la qualification de trafic d'influence actif à l'égard de MM. [Z] et [M], et passif à l'égard de M. [I], prévus par les articles 433-1, 2°, et 432-11, 2°, du code pénal en trafic d'influence sur agent de justice prévu par l'article 434-9-1 du même code, l'arrêt attaqué relève, tout d'abord, que M. [I], magistrat, est une personne dépositaire de l'autorité publique exerçant une fonction publique.
74. Les juges indiquent ensuite que la qualification de trafic d'influence passif prévue à l'article 432-11, 2°, retenue à son égard, permet de prendre en compte sa qualité de magistrat auteur de l'infraction comme élément d'aggravation de ce délit alors que le délit de trafic d'influence prévu par l'article 434-9-1, qui s'applique à toute personne auteur d'un trafic d'influence sur agent de justice, ne tient pas compte de l'éventuelle qualité particulière de l'auteur.
75. Ils indiquent également qu'il n'existe pas d'infraction permettant, comme l'article 434-9 du code pénal s'agissant de la corruption, de punir un magistrat auteur de faits de trafic d'influence à l'égard d'un autre magistrat.
76. Ils en concluent que, s'ils retenaient la qualification prévue par l'article 434-9-1, ce serait, pour M. [I], méconnaître l'aggravation du délit lorsqu'il est commis par une personne dépositaire de l'autorité publique et, pour MM. [Z] et [M], méconnaître l'aggravation du délit lorsque les auteurs sollicitent un magistrat pour que celui-ci use de son influence.
77. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
78. En effet, si le délit prévu par l'article 432-11, 2°, prévoit que l'influence exercée par l'auteur des faits doit l'être à l'égard d'une autorité ou d'une administration publique alors que le délit prévu par l'article 434-9-1 réprime spécifiquement le fait d'user de son influence à l'égard d'un magistrat, le premier ne constitue pas pour autant une infraction générale par rapport au second dès lors qu'il ne peut être réalisé que par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif, alors que le second peut être réalisé par quiconque.
79. De la même manière, si le délit prévu par l'article 433-1, 2°, réprime le fait de proposer à une personne une contrepartie pour qu'elle abuse de son influence auprès d'une autorité ou d'une administration publique alors que le délit prévu par l'article 434-9-1 réprime le fait de proposer à une personne d'abuser de son influence auprès, spécifiquement, d'un magistrat, le premier ne constitue pas pour autant une infraction générale par rapport au second dès lors qu'il n'est constitué que si la proposition de contrepartie est faite à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public alors que, s'agissant du second, la proposition peut être faite à toute personne.
80. En outre, les infractions prévues par les articles 432-11, 2°, et 433-1, 2°, du code pénal sont plus sévèrement réprimées que celle prévue par l'article 434-9-1 de ce code, de sorte que la cour d'appel s'est ainsi conformée au principe selon lequel elle se doit d'apprécier les faits sous leur plus haute acception pénale.
81. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Z], le septième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [M] pour corruption active d'un magistrat, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour celui-ci, et le troisième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [I] pour corruption passive par un magistrat, proposé pour ce dernier
Enoncé des moyens
82. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de corruption active d'un magistrat, alors :
« 1°/ que, d'une part, la caractérisation du délit de corruption active suppose, au titre de son élément moral, que soit établie l'existence d'un certain but, qui seul permet de retenir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la proposition d'offres, de promesses, de dons, de présents ou d'avantages quelconques par le corrupteur actif, et d'autre part, l'action ou l'abstention attendue ou d'ores et déjà accomplie par le corrupteur passif ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer, pour retenir le délit de corruption active de magistrat à l'encontre de M. [Z], que « les agissements de [D] [I] sont la cause évidente de la proposition d'intervention pour l'obtention du poste à Monaco » (arrêt, p. 114), sans aucunement établir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la prétendue proposition d'intervention de M. [Z] au bénéfice de M. [I], et d'autre part, les actes reprochés à ce dernier au titre de la corruption passive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 434-9 du code pénal, ensemble l'article 121-3 du même code et le principe de la présomption d'innocence. »
83. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré celui-ci coupable de corruption active d'un magistrat, alors :
« 1°/ que la corruption sur un magistrat implique de céder aux sollicitations d'un magistrat ou de lui proposer sans droit des avantages pour que le magistrat accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction ; que l'acte ne peut être qu'un acte matériel et ne peut pas consister en une simple information verbale, encore moins en une simple « opinion » ; qu'en retenant des opinions verbales données par le magistrat, la cour d'appel a méconnu les articles 434-9 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les actes reprochés ne sont constitutifs des infractions de corruption et de trafic d'influence que s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un accord ; que la cour d'appel n'a pas établi l'existence d'un pacte ayant pour but de convaincre le magistrat d'accomplir un acte de sa fonction ou d'abuser de son influence en contrepartie d'avantages ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que, postérieurement aux informations données, M. [I] espérait un « coup de pouce » ; qu'il s'ensuit que l'exécution des actes par M. [I] n'était pas conditionnée à l'obtention d'une contrepartie ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
84. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de corruption passive par un magistrat, alors « que l'agrément des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est le fait pour le prévenu d'accepter la proposition qui lui est faite ; qu'après avoir retenu que ce sont [W] [M] et [T] [Z] qui ont proposé à M. [I] un soutien ou une intervention de [T] [Z] en vue d'obtenir un poste à Monaco, la cour d'appel constate que lors d'une conversation en date du 3 mars 2014 entre [W] [M] et [D] [I], ce dernier a répondu « oui, bah, c'est sympa » à l'annonce de [W] [M] de ce que la démarche avait été faite, et déduit de cette réponse que M. [I] aurait accepté la démarche accomplie en sa faveur (p. 135) ; qu'en retenant que M. [I] aurait ainsi agréé une contrepartie et que le pacte de corruption et de trafic d'influence était dès lors caractérisé quand, la démarche ayant d'ores et déjà été accomplie, M. [I] n'était pas en mesure d'accepter ou de refuser une quelconque proposition, la cour d'appel a violé les articles 434-9 et 432-11 du code pénal. »
Réponse de la Cour
85. Les moyens sont réunis.
86. Pour déclarer MM. [Z] et [M] coupables de corruption active d'un magistrat et M. [I] coupable de corruption passive par un magistrat, l'arrêt attaqué relève tout d'abord que M. [I] a accompli des actes de sa fonction ou facilités par sa fonction en vue d'obtenir des informations sur un pourvoi évoqué devant la chambre criminelle et de les transmettre à M. [M].
87. Les juges retiennent que M. [I], qui était premier avocat général près la Cour de cassation au moment des faits, a, directement ou par l'intermédiaire d'un collègue avocat général au sein de la chambre criminelle, obtenu des informations. Ils indiquent qu'il résulte notamment de la retranscription de certaines conversations téléphoniques que M. [I] aurait transmis à M. [M] des informations quant à la teneur de l'avis du conseiller rapporteur de l'affaire, qui est couvert par le secret du délibéré, à celle de l'avis de l'avocat général avant sa diffusion aux parties et à l'opinion des conseillers devant participer à la formation de jugement.
88. Ils relèvent également qu'il a existé un accord entre les prévenus au terme duquel, en récompense des actes accomplis par M. [I], M. [Z] devait engager des démarches afin d'aider celui-ci à obtenir un poste au Conseil d'Etat de Monaco.
89. Ils indiquent notamment que cet accord résulte de diverses conversations téléphoniques, notamment du 5 février 2014, mais également des 23, 24 et 25 février 2014, qui évoquent les actes accomplis par M. [I], la contrepartie attendue par celui-ci et l'accord de M. [Z] pour l'effectuer. Ils ajoutent que, une fois la démarche accomplie, M. [I] a accepté celle-ci. Ils constatent par ailleurs qu'il ressort de divers éléments que M. [I] avait bien postulé pour un poste à Monaco, que cette candidature était toujours d'actualité au moment des faits et que M. [M] en avait connaissance.
90. Ils relèvent enfin qu'il est établi que les prévenus avaient pleinement conscience de l'illégalité de leurs actes.
91. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
92. En premier lieu, le fait pour un magistrat d'obtenir des informations confidentielles, voire protégées par le secret du délibéré, sur une affaire en cours d'examen au sein de la juridiction où il est affecté et de les transmettre à autrui constitue un acte facilité par sa fonction au sens des articles 433-1 et 434-9 du code pénal.
93. En deuxième lieu, la cour d'appel a souverainement retenu que les éléments du dossier permettaient d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les agissements reprochés à M. [I] au titre de la corruption et la contrepartie que lui offrait M. [Z].
94. En troisième lieu, il est indifférent que la proposition d'une contrepartie aux agissements effectués par M. [I] soit intervenue après ceux-ci dès lors que le pacte de corruption peut être postérieur aux actes accomplis par la personne corrompue.
95. En dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la cour d'appel n'a pas relevé que M. [I] avait accepté le pacte de corruption postérieurement à l'accomplissement de la récompense, mais uniquement constaté que celui-ci avait agréé la récompense, ce qui démontrait à nouveau le lien entre cette récompense et ses agissements.
96. Les moyens ne peuvent donc être accueillis.
Sur le sixième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. [Z], le septième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [M] pour trafic d'influence actif, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour celui-ci et le troisième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [I] pour trafic d'influence passif, proposé pour ce dernier
Enoncé des moyens
97. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif, alors :
« 1°/ que, premièrement, la caractérisation du délit de trafic d'influence actif suppose que l'auteur de ce délit ait cherché à obtenir, de la part d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, l'exercice d'une influence visant à obtenir d'une autorité ou d'une administration publique une « décision » favorable, c'est-à-dire une mesure modifiant de façon favorable l'ordonnancement juridique ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour retenir le délit de trafic d'influence actif à l'encontre de M. [Z], sur la prétendue influence, réelle ou supposée, qu'aurait exercée M. [I] auprès de l'avocat général, cependant qu'elle avait constaté que le rôle de l'avocat général « s'arrête au seuil du délibéré auquel il ne participe ni n'assiste » (arrêt, p. 127), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 433-1, 2°, du code pénal ;
2°/ que, deuxièmement, la caractérisation du délit de trafic d'influence actif suppose, au titre de son élément moral, que soit établie l'existence d'un certain but, qui seul permet de retenir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, l'avantage prétendument sollicité ou procuré, et d'autre part, l'abus d'influence recherché ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour entrer en voie de condamnation de ce chef à l'encontre de M. [Z], à retenir qu' « il résulte clairement [de plusieurs conversations entre M. [Z] et Me [M]] que [D] [I] attend un coup de pouce pour un poste au Conseil d'Etat de Monaco et qu'en récompense des actes accomplis, [W] [M] suggère non seulement à [T] [Z] de recevoir [D] [I] mais encore d'intervenir pour favoriser sa nomination au Conseil d'Etat de Monaco » (arrêt, pp. 134-135), sans aucunement établir l'existence de ce dol spécial et, partant, d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la prétendue proposition d'intervention de M. [Z] au bénéfice de M. [I], et d'autre part, les actes reprochés à ce dernier au titre du trafic d'influence passif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 433-1, 2°, du code pénal, ensemble l'article 121-3 du même code et le principe de la présomption d'innocence. »
98. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif, alors :
« 3°/ que le trafic d'influence n'est caractérisé que lorsque l'abus d'influence est exercé pour obtenir une « décision » favorable ; que l'exposant faisait valoir que l'avis de l'avocat général n'est pas une décision ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'influence exercée sur une autorité en charge d'une décision favorable, n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions précitées ;
4°/ que les actes reprochés ne sont constitutifs des infractions de corruption et de trafic d'influence que s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un accord ; que la cour d'appel n'a pas établi l'existence d'un pacte ayant pour but de convaincre le magistrat d'accomplir un acte de sa fonction ou d'abuser de son influence en contrepartie d'avantages ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que, postérieurement aux informations données, M. [I] espérait un « coup de pouce » ; qu'il s'ensuit que l'exécution des actes par M. [I] n'était pas conditionnée à l'obtention d'une contrepartie ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
99. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence passif, alors « que l'agrément des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est le fait pour le prévenu d'accepter la proposition qui lui est faite ; qu'après avoir retenu que ce sont [W] [M] et [T] [Z] qui ont proposé à M. [I] un soutien ou une intervention de [T] [Z] en vue d'obtenir un poste à Monaco, la cour d'appel constate que lors d'une conversation en date du 3 mars 2014 entre [W] [M] et [D] [I], ce dernier a répondu « oui, bah, c'est sympa » à l'annonce de [W] [M] de ce que la démarche avait été faite, et déduit de cette réponse que M. [I] aurait accepté la démarche accomplie en sa faveur (p. 135) ; qu'en retenant que M. [I] aurait ainsi agréé une contrepartie et que le pacte de corruption et de trafic d'influence était dès lors caractérisé quand, la démarche ayant d'ores et déjà été accomplie, M. [I] n'était pas en mesure d'accepter ou de refuser une quelconque proposition, la cour d'appel a violé les articles 434-9 et 432-11 du code pénal. »
Réponse de la Cour
100. Les moyens sont réunis.
101. Pour déclarer MM. [Z] et [M] coupables de trafic d'influence actif et M. [I] coupable de trafic d'influence passif, l'arrêt attaqué retient que M. [I] a usé de son influence en vue d'obtenir une décision favorable à M. [Z].
102. Les juges retiennent que cette influence s'est d'abord exercée sur l'avocat général en charge du dossier « [K] ». Ils indiquent que, par son avis exprimé publiquement et soumis à la discussion contradictoire, l'avocat général participe à l'élaboration de la décision même si son rôle s'arrête au seuil du délibéré auquel il ne participe ni n'assiste. Ils en déduisent que son avis est donc un jalon essentiel de nature à éclairer la décision.
103. Ils ajoutent qu'il résulte d'une conversation téléphonique que M. [I] a, au moins, laissé croire à MM. [M] et [Z] qu'il avait usé de son influence auprès de l'avocat général et qu'il ressort d'une autre conversation que M. [I] pouvait exercer une telle influence par l'intermédiaire d'un autre avocat général.
104. Ils relèvent également que M. [I] a usé de son influence auprès des conseillers de la formation de jugement soit directement, soit par l'intermédiaire de cet autre avocat général.
105. Ils retiennent que ces démarches ont été faites par M. [I] dans le but de démontrer qu'il méritait une contrepartie.
106. Ils indiquent, par les mêmes motifs que ceux rappelés pour caractériser les infractions de corruption, qu'un accord est intervenu entre les prévenus au terme duquel, en récompense des actes accomplis par M. [I], M. [Z] devait engager des démarches afin d'aider celui-ci à obtenir un poste au Conseil d'Etat de Monaco.
107. Ils relèvent enfin qu'il est établi que les prévenus avaient pleinement conscience de l'illégalité de leurs actes.
108. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
109. En premier lieu, il est indifférent que l'avis de l'avocat général près la Cour de cassation constitue une décision au sens des articles 432-11 et 433-1 du code pénal dès lors que, en l'espèce, M. [I] a été condamné pour avoir usé de son influence, réelle ou supposée, auprès de l'avocat général afin que celui-ci rende un avis dans un sens déterminé dans le but d'obtenir une décision de la Cour de cassation favorable à M. [Z].
110. En deuxième lieu, la cour d'appel a souverainement retenu que les éléments du dossier permettaient d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les agissements de M. [I] qui lui étaient reprochés au titre du trafic d'influence et la contrepartie que lui offrait M. [Z].
111. En dernier lieu, il est indifférent que la proposition d'une contrepartie aux agissements effectués par M. [I] soit intervenue après ceux-ci dès lors que le pacte peut être postérieur aux actes accomplis par la personne se livrant à un trafic d'influence.
112. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
113. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.
N° 01482
RB5
18 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 DÉCEMBRE 2024
MM. [T] [Z], [W] [M] et [D] [I], ainsi que M. [C] [N], partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 mai 2023, qui a condamné, le premier, pour corruption active d'un magistrat et trafic d'influence actif, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le deuxième, pour corruption active d'un magistrat, trafic d'influence actif et violation du secret professionnel, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction professionnelle et le troisième, pour recel, corruption passive par un magistrat et trafic d'influence passif, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, une confiscation, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [C] [N], et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, ampliatifs et personnel, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [T] [Z], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [W] [M], les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [I], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, M. de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, Mmes Fouquet, Chafaï, Bloch, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Dans une information portant sur les conditions du financement de la campagne électorale de M. [T] [Z] de 2007 et ouverte le 19 avril 2013 notamment des chefs de corruption, trafic d'influence et blanchiment, les juges d'instruction saisis ont ordonné, par commissions rogatoires des 3 et 19 septembre 2013, le placement sous surveillance des lignes téléphoniques utilisées par M. [Z].
3. À la suite d'un rapport de l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête révélant l'existence d'une autre ligne mise en service au moyen d'une carte prépayée, sous l'identité de [S] [N], et paraissant servir à M. [Z] pour communiquer avec un interlocuteur unique, cette ligne a également été placée sous surveillance le 22 janvier 2014. Le bâtonnier en a été informé le jour même en raison de la qualité d'avocat de M. [Z].
4. Des conversations ont été interceptées sur cette ligne entre M. [Z] et M. [W] [M], avocat, depuis le 28 janvier jusqu'au 5 février 2014, donnant lieu à des procès-verbaux de transcriptions et à un autre procès-verbal, en date du 7 février suivant, contenant le résumé des conversations échangées, laissant supposer que les intéressés étaient informés des écoutes téléphoniques réalisées sur les lignes régulières de M. [Z] et des perquisitions envisagées, et que M. [M] recevait des informations, dont certaines confidentielles, sur un pourvoi en cassation en cours devant la Cour de cassation dans l'affaire dite « [K] », susceptibles de provenir d'un dénommé « [D] », identifié ultérieurement comme M. [D] [I], alors premier avocat général près la Cour de cassation.
5. Le 7 février 2014, en exécution d'une commission rogatoire, des réquisitions ont permis, à partir de la facturation détaillée de la ligne utilisée par M. [M], d'identifier ses correspondants, dont M. [I].
6. Faisant suite à une ordonnance de soit-communiqué des juges d'instruction, le procureur de la République financier a ouvert, le 26 février 2014, une information contre personne non dénommée pour trafic d'influence, complicité et recel, violation du secret de l'instruction et recel.
7. Les juges d'instruction ainsi saisis ont ordonné, le même jour, par plusieurs commissions rogatoires, la surveillance, pour une durée de deux mois, des lignes téléphoniques utilisées respectivement par MM. [M] et [I] et la transcription des écoutes opérées dans la procédure initiale.
8. Parallèlement à cette information, sur les instructions du procureur de la République financier, le 4 mars 2014, une enquête préliminaire a été ouverte du chef de violation du secret professionnel. Cette enquête faisait suite à des soupçons de ce que M. [M] aurait été informé de l'existence d'interceptions téléphoniques le concernant, notamment sur la ligne ouverte au nom de [S] [N].
9. Dans le cadre de l'information ouverte le 26 février 2014, à la suite d'une perquisition au domicile de M. [I] ayant permis la découverte d'une copie d'un arrêt de la chambre de l'instruction se rapportant à l'affaire dite « [K] », un réquisitoire supplétif a été pris le 1er juillet 2014 pour corruption active et passive et trafic d'influence actif et passif commis jusqu'au 11 mars 2014 ainsi que pour violation du secret de l'instruction et recel.
10. Le 1er juillet 2014, M. [Z] a été mis en examen pour recel d'information provenant du délit de violation de secret de l'instruction, corruption et trafic d'influence actifs, M. [M] pour les mêmes faits et pour atteinte au secret professionnel, M. [I] pour recel d'information provenant du délit de violation du secret professionnel, corruption et trafic d'influence passifs.
11. Le 2 décembre 2016, MM. [Z] et [M] ont demandé le versement au dossier de l'information judiciaire de l'enquête préliminaire ouverte le 4 mars 2014. Le 2 janvier 2017, les juges d'instruction ont refusé de faire droit à cette demande. Le président de la chambre de l'instruction a, par une ordonnance du 8 juin 2017, dit n'y avoir lieu à saisir la chambre de l'instruction de l'appel de cette ordonnance et le pourvoi en cassation contre cette décision a été déclaré irrecevable par une ordonnance du président de la chambre criminelle du 22 septembre 2017.
12. Par requêtes des 3 novembre 2017 et 4 avril 2018, MM. [Z] et [M] ont saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation de pièces de l'instruction, notamment le réquisitoire définitif. La requête a été rejetée par l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2018. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2019 (Crim., 18 juin 2019, pourvoi n° 18-86.106).
13. Par ordonnance du 26 mars 2018, les juges d'instruction ont renvoyé devant le tribunal correctionnel MM. [Z] et [M] pour corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique et trafic d'influence actif, M. [M] également pour violation du secret professionnel et M. [I] pour corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique, trafic d'influence passif et recel.
14. Le 23 janvier 2020, l'enquête préliminaire ouverte le 4 mars 2014 pour violation du secret professionnel, qui avait été classée sans suite le 4 décembre 2019 pour « infraction insuffisamment caractérisée », a été communiquée aux parties.
15. Par jugement du 1er mars 2021, le tribunal correctionnel a, s'agissant de M. [Z], requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique en corruption active par particulier sur un magistrat, l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif et corruption active d'un magistrat et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.
16. En ce qui concerne M. [M], il a requalifié les faits de corruption active par particulier sur une personne dépositaire de l'autorité publique en corruption active par particulier sur un magistrat, l'a déclaré coupable de violation du secret professionnel, corruption active d'un magistrat et trafic d'influence actif et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis ainsi qu'à la peine complémentaire de cinq ans d'interdiction professionnelle.
17. Enfin, s'agissant de M. [I], il a requalifié les faits de corruption passive par personne dépositaire de l'autorité publique en corruption passive par magistrat, l'a déclaré coupable de recel, corruption passive et trafic d'influence passif et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis.
18. La constitution de partie civile de M. [C] [N] a été déclarée irrecevable.
19. MM. [Z], [M], [I] et [N] ainsi que le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen de la recevabilité du mémoire personnel de M. [N]
20. Selon l'article 584 du code de procédure pénale, le mémoire déposé par le demandeur au pourvoi, sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation, doit être signé par l'intéressé lui-même. Il s'ensuit que le mémoire personnel, qui ne porte aucune signature ou porte une signature autre que celle du demandeur, ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu'il peut contenir.
21. En l'espèce, le mémoire personnel déposé pour M. [N] est signé par son avocat, lequel est avocat au barreau du Val-de-Marne, et ne comporte pas la signature du demandeur. Il est donc irrecevable.
Examen des moyens
Sur le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, et le sixième moyen, pris en sa troisième branche, proposés pour M. [Z], le premier moyen, le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, le troisième moyen, pris en sa première branche, le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa seconde branche, le sixième moyen, le septième moyen, pris en ses deuxième, cinquième, sixième et septième branches, et le huitième moyen proposés pour M. [M], le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le quatrième moyen proposés pour M. [I]
22. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le septième moyen proposé pour M. [Z]
Enoncé du moyen
23. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a été rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris telle que composée, alors « que l'exigence d'impartialité subjective telle qu'elle est garantie par les articles 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale est méconnue lorsqu'il existe des raisons sérieuses, pour un justiciable, de douter de l'absence de préjugés défavorables, à son encontre, de l'un des magistrats ayant composé la formation de jugement ; que tel est le cas de la cour d'appel présidée par une magistrate ayant déjà exprimé, à titre personnel, lors de propos publics retranscrits dans la presse, une position défavorable à l'encontre de la politique judiciaire voulue par M. [T] [Z] en tant que Président de la République à travers la réforme de la justice qu'il avait engagée le 7 janvier 2009. »
Réponse de la Cour
24. Le prévenu n'est pas recevable à mettre en cause l'impartialité, qu'elle soit subjective ou objective, d'un magistrat composant la chambre des appels correctionnels, en invoquant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, au regard d'éléments dont il avait ou pouvait avoir connaissance au moment des débats, dès lors qu'il n'a pas usé de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant ce magistrat en application de l'article 668 du code de procédure pénale (Crim., 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-82.191 ; Crim., 19 avril 2017, pourvoi n° 17-80.664 ; Crim., 5 avril 2018, pourvoi n° 17.83-166, Bull. crim. 2018, n° 65).
25. En l'espèce, il n'est pas soutenu que M. [Z] ne pouvait avoir connaissance au moment des débats des propos tenus par un des magistrats composant la formation de jugement, et retranscrits dans un article de presse publié le 14 janvier 2009, sur lesquels est fondé le grief de défaut d'impartialité.
26. Le moyen doit donc être écarté.
Sur le premier moyen proposé pour M. [Z], le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. [M] et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [I]
Enoncé des moyens
27. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que, les dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction, ont été déclarés contraires à la Constitution aux termes de la décision n° 2023-1062 QPC du Conseil constitutionnel en date 28 septembre 2023 ; qu'à raison de cette déclaration d'inconstitutionnalité, qui peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction, comme c'est le cas en l'espèce, sans que la seule possibilité de discuter la valeur probante des éléments litigieux devant les juridictions de jugement suffise à pallier une telle carence, la décision attaquée, qui se fonde sur ces dispositions pour déclarer irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [Z], se trouve privée de tout fondement ;
2°/ qu'en tout état de cause, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que l'effectivité de ce droit demande qu'un individu jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester tout acte constituant une ingérence dans ses droits ; qu'en déclarant irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [Z], à seule raison de ce qu'elles ont été formulées postérieurement à l'ordonnance de règlement du 26 mars 2018, en application des dispositions combinées des articles 179 et 385 du code de procédure pénale, lorsqu'il est acquis qu'il ne pouvait avoir connaissance de ces moyens de nullité avant cette date, la cour d'appel, qui a de facto privé le prévenu de tout recours sur ce point, a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
28. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que par sa décision du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution en ce qu'ils méconnaissent les garanties constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un recours effectif, en ne prévoyant pas « d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction » ; que le Conseil constitutionnel a décidé que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction ; que les procès-verbaux d'enquête n'ayant été versés à la procédure que postérieurement à l'ordonnance de renvoi, M. [M] était dans l'impossibilité de soulever l'irrégularité de ces actes dont il n'avait pas connaissance et que la cour d'appel lui a opposé la purge des nullités en application de l'article 385, premier alinéa, du code de procédure pénale ; que la déclaration d'inconstitutionnalité de cette disposition, applicable à la présente procédure, prive l'arrêt attaqué de base légale ;
2°/ qu'en outre, le droit à un recours effectif et le respect des droits de la défense consacrés par la convention européenne des droits de l'homme imposent la recevabilité des moyens de nullité lorsque le prévenu n'en avait pas été informé antérieurement à l'ordonnance de renvoi ; qu'en déclarant cependant irrecevables les exceptions de nullité soulevées par le prévenu tandis qu'il n'en a eu connaissance postérieurement à l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a également méconnu les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
29. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'exception de nullité soulevée par celui-ci, alors :
« 1°/ que par sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots « sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction » figurant au premier alinéa de l'article 385 du code de procédure pénale, dès lors que ces dispositions ne prévoient pas d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction ; cette inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours lorsque la purge des nullités a été opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction ; la cour d'appel a jugé irrecevable l'exception de nullité de l'intégralité de la procédure et de l'ordonnance de renvoi, soulevée par M. [I] et tirée de ce qu'il n'a eu connaissance de l'enquête préliminaire P14063000306 que deux ans après l'ordonnance de renvoi, au motif que cette ordonnance est définitive et a été rendue dans les conditions prévues à l'article 183 alinéa 4 et conformément aux dispositions des articles 184 et 175 du code de procédure pénale (arrêt, p. 68) ; l'arrêt attaqué, qui a fait application du mécanisme de purge des nullités prévu à l'article 385 du code de procédure pénale, se trouve privé de fondement juridique du fait de l'inconstitutionnalité de ces dispositions, et encourt l'annulation en application des articles 61-1 et 62 de la Constitution. »
Réponse de la Cour
30. Les moyens sont réunis.
31. Pour écarter les exceptions de nullité, selon lesquelles l'intégralité de la procédure aurait été viciée en raison de l'existence d'une enquête préliminaire portant sur des faits connexes à la présente affaire, qui n'a pas été jointe à la procédure d'instruction et dont le contenu n'a été révélé aux personnes mises en cause que postérieurement à leur renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué énonce qu'en application de l'article 385 du code de procédure pénale, l'ordonnance de règlement de la procédure, régulièrement prise, a entraîné la forclusion de ces exceptions.
32. Cependant, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cet article, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023, constaté que, si celui-ci interdit aux parties de soulever devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure antérieure, ni ces dispositions ni aucunes autres ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction. Il en a conclu à une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense et a déclaré pour partie l'article 385 précité contraire à la Constitution.
33. S'il a reporté au 1er octobre 2024 l'abrogation partielle de cet article, il a, en revanche, jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances en cours ou à venir lorsque la purge des nullités a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n'a pu être connu avant la clôture de l'instruction et qu'il reviendra à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité.
34. L'arrêt n'encourt cependant pas l'annulation pour les motifs qui suivent.
35. En premier lieu, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée s'agissant de certaines des exceptions de nullité soulevées devant la cour d'appel dès lors que celles-ci pouvaient être connues avant la clôture de l'instruction.
36. En effet, d'une part, il ressort tant des conclusions des demandeurs devant la cour d'appel que de l'arrêt n° 4 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 8 octobre 2018 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2019 (Crim., 18 juin 2019, pourvoi n° 18-86.106) que les demandeurs connaissaient, avant la clôture de l'instruction, l'existence de l'enquête préliminaire portant sur les faits de violation du secret professionnel qui auraient permis l'information de MM. [Z] et [M] du placement sous écoutes par les autorités judiciaires de la ligne téléphonique dite « [N] » qu'ils utilisaient.
37. Il résulte de ces mêmes conclusions et arrêts ainsi que de l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction du 8 juin 2017 et de l'ordonnance n° 10567 du 22 septembre 2017 du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation que les demandeurs ont contesté infructueusement devant la chambre de l'instruction, puis devant la Cour de cassation, avant la clôture de l'instruction, le refus du juge d'instruction d'obtenir le versement de la procédure d'enquête préliminaire à l'instruction. Ils ont également soulevé, dans les mêmes conditions et avec le même résultat, la nullité du réquisitoire définitif au motif que celui-ci se référait à des éléments issus de l'enquête préliminaire précitée et qu'il en résultait une violation des droits de la défense et des principes du contradictoire et de l'égalité des armes.
38. Dès lors, le moyen tiré de ce que les droits de la défense et le principe d'égalité des armes auraient été méconnus en raison de l'absence de jonction de cette procédure d'enquête préliminaire à la procédure d'instruction pouvait être connu avant la clôture de l'instruction. Il en est de même du moyen tiré de ce que l'égalité des armes aurait été méconnue dès lors que, le ministère public ayant eu connaissance de la procédure d'instruction et de l'enquête préliminaire, il pouvait se servir de la seconde procédure pour chercher des éléments à charge utilisables dans la procédure d'instruction et dissimuler les éléments à décharge recueillis lors de celle-ci. Il en est encore de même du moyen de nullité tiré de ce que le ministère public aurait soutenu, notamment dans son réquisitoire définitif, le renvoi des personnes mises en examen en se fondant sur le fait que celles-ci avaient été informées du placement sous écoutes de la ligne téléphonique dite « [N] ».
39. D'autre part, le moyen de nullité tiré de ce que des perquisitions auraient été ordonnées dans la procédure d'information sur le fondement de conversations téléphoniques passées sur la ligne « [N] » le 26 février 2014 alors que les magistrats n'avaient pas officiellement connaissance à cette date de ces conversations, qui se fonde uniquement sur des éléments du dossier d'instruction, repose nécessairement sur des éléments dont les personnes mises en cause avaient connaissance avant la clôture de l'instruction.
40. En second lieu, les autres exceptions de nullités soutenues devant la cour d'appel, qui s'analysent comme la dénonciation d'un stratagème employé par un agent de l'autorité publique pour la constatation d'une infraction ou l'identification de ses auteurs, étaient en tout état de cause infondées.
41. En effet, un tel stratagème ne constitue en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve susceptible de fonder l'annulation de la procédure que lorsque, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, il a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie (Ass. plén., 9 décembre 2019, pourvoi n° 18-86.767, publié au Bulletin).
42. Or, il ne saurait résulter, à supposer ces circonstances établies, de ce que l'enquête a été clôturée tardivement et par un classement sans suite, et de ce que les parties n'ont pu prendre connaissance que postérieurement à l'ordonnance de renvoi et avant les débats devant la juridiction de jugement de l'existence dans cette enquête de la facture détaillée des appels téléphoniques passés par M. [M] le 25 février 2014, l'existence d'un stratagème susceptible d'emporter l'annulation de la procédure.
43. Enfin, le fait allégué que l'enquête préliminaire aurait été irrégulièrement menée au motif qu'elle comportait des éléments provenant de l'information judiciaire ou qu'elle a fait l'objet d'un suivi insuffisant ou d'un manque de rigueur ne saurait en soi entraîner la nullité de l'information.
44. Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Z], le deuxième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [M] et le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [I] doivent être écartés.
45. Compte tenu des motifs précités, le premier moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [Z] et le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, proposé pour M. [M] ne peuvent également qu'être écartés.
Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [Z] et le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour M. [M]
Enoncé des moyens
46. Le deuxième moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions de ses conversations téléphoniques, ni d'écarter ou de s'interdire d'utiliser les conversations échangées entre lui et M. [M], alors :
« 1°/ que, si le secret professionnel des avocats ne fait pas obstacle à la transcription d'un échange entre un avocat et son client dans le cadre de l'interception régulière de la ligne du second, lorsque le contenu de cet échange est de nature à faire présumer la participation de l'avocat lui-même à une infraction, c'est à la condition que cette transcription n'affecte pas les droits de la défense du client, de sorte que les propos ainsi transcrits ne peuvent être utilisés contre ce dernier dans la procédure dont il est l'objet ; qu'en disant n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], pourtant clairement identifié comme son avocat habituel, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants en se bornant à invoquer la régularité des interceptions et de leur retranscription déjà examinée pendant la phase de l'instruction, lorsqu'une telle circonstance n'implique aucunement la régularité de leur utilisation contre M. [Z] dans la procédure dont il est l'objet, a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;
2°/ qu'en outre, relève de l'exercice des droits de la défense l'ensemble des éléments en relation directe avec une procédure susceptible d'aboutir au prononcé d'une condamnation pénale ; qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], que les propos échangés sont étrangers à tout exercice des droits de la défense, lorsqu'il ressort de ses propres motifs, d'une part, que les interceptions effectuées ont porté sur une ligne téléphonique exclusivement dédiée au contact de M. [Z] avec son avocat, Me [M], et ce à une période au cours de laquelle M. [Z] était mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires pendantes, et d'autre part, qu'il ne figure pas une seule conversation aux termes de laquelle il n'est pas mentionné d'éléments en lien direct avec une procédure judiciaire dans laquelle M. [Z] est mis en cause, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
47. Le troisième moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions de ses conversations téléphoniques, ni d'écarter ou d'interdire d'utiliser les conversations échangées entre lui et M. [M], alors « que la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure qu'à titre exceptionnel, s'il apparaît que son contenu et sa nature sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction ; que l'appréciation de cette circonstance, au même titre que celle de la nécessité d'une telle mesure, suppose impérativement l'examen du contenu de chacune des conversations dont la retranscription est envisagée ; qu'en affirmant, pour dire néanmoins n'y avoir lieu d'écarter des débats et de s'interdire d'utiliser contre M. [Z] les retranscriptions des conversations téléphoniques échangées par ce dernier avec Me [M], « qu'il n'y a pas lieu d'examiner [ ] le contenu de chaque conversation retranscrite pour décider si les circonstances de recueil de la preuve sont conformes aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme » (arrêt, p. 80), la cour d'appel, qui s'est expressément refusée à un contrôle impératif, a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
48. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les transcriptions des conversations téléphoniques et les facturations détaillées de son téléphone, alors :
« 2°/ que le respect des droits de la défense et le secret professionnel de l'avocat s'opposent à ce que soit versée à une procédure le contenu d'une transcription téléphonique entre un avocat et son client qui n'est pas de nature à faire présumer que l'avocat avait commis une infraction ; que le tribunal avait établi que certaines conversations téléphoniques devaient être écartées conformément aux droits de la défense en l'absence d'indices de participation de l'avocat à des infractions ; qu'en refusant de vérifier le contenu des transcriptions des conversations téléphoniques entre l'avocat et son client, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense, le secret professionnel de l'avocat ainsi que les dispositions susvisées et l'article 100-5 du code de procédure pénale ;
3°/ que la juridiction correctionnelle est tenue d'écarter des débats les preuves illicites sans être liée par une précédente décision refusant d'annuler leurs supports ; qu'en énonçant que le débat sur la régularité des écoutes téléphoniques est clos en ce que leur régularité avait été examinée pendant l'instruction, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
49. Les moyens sont réunis.
50. Ils sont infondés.
51. En effet, ils reposent sur l'affirmation selon laquelle la juridiction de jugement peut écarter des débats ou s'interdire d'utiliser des éléments de preuve recueillis au cours de l'information par une personne concourant à la procédure.
52. Or, si la valeur probante de tels éléments peut être discutée devant la juridiction de jugement, celle-ci ne peut les écarter des débats ou s'interdire de les utiliser dès lors qu'ils étaient susceptibles d'annulation en application de l'article 170 du code de procédure pénale, peu important qu'ils aient été ou non contestés durant l'information.
53. Au surplus, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme l'interdiction d'utiliser contre le client d'un avocat les propos échangés entre eux sur une ligne téléphonique placée sous écoutes dès lors que ces propos révèlent des indices de nature à faire présumer la participation de l'avocat à une infraction pénale et qu'ils sont étrangers aux droits de la défense.
54. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le deuxième moyen, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour M. [I] et le neuvième moyen proposé pour M. [M]
55. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de recel de violation du secret professionnel, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction, qui sont notifiés aux parties et à leurs avocats en application de l'article 217 du code de procédure pénale, ne sont pas couverts par le secret de l'instruction ; en jugeant au contraire que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2013 était couvert par le secret et que sa communication par [W] [M] et sa détention par [D] [I] caractérisaient respectivement les infractions de violation du secret professionnel et recel de ce délit, la cour d'appel a violé les articles 11 du code de procédure pénale, 226-13 et 321-1 du code pénal ;
4°/ que tout magistrat d'un parquet général peut exercer les fonctions du ministère public au sein de ce parquet ; il découle du principe d'unicité et d'indivisibilité du parquet général de la Cour de cassation que chacun de ses membres est partie aux procédures dont la Cour de cassation est saisie ; en jugeant au contraire que M. [I] ne pouvait revendiquer une telle qualité, aux motifs inopérants qu'il était alors affecté à une chambre civile, et que le parquet général à la Cour de cassation n'est pas hiérarchisé, est indépendant du garde des Sceaux et que ses membres ne sont pas subordonnés au procureur général, la cour d'appel a encore violé les articles 226-13 et 321-1 du code pénal, ensemble les articles L. 122-4, L. 432-3 et R. 432-1 du code de l'organisation judiciaire. »
56. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de violation du secret professionnel, alors :
« 1°/ que les arrêts de la chambre de l'instruction qui sont notifiés aux parties et à leurs avocats, ne sont pas couverts par le secret de l'instruction ; qu'en entrant en voie de condamnation en ce que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux du 23 septembre 2013 était couvert par le secret de l'instruction et ne pouvait dès lors pas être communiqué, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 226-13 du code pénal, 11, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la règle de l'unicité et de l'indivisibilité du parquet général de la Cour de cassation permet à chacun de ses membres d'exercer cette fonction à toutes les procédures devant la Cour de cassation ; qu'en énonçant que l'arrêt de la chambre de l'instruction ne pouvait pas être communiqué à M. [I] en ce qu'il était affecté à une chambre civile, que le parquet général à la Cour de cassation n'est pas hiérarchisé et que ses membres sont indépendants du garde des sceaux et ne sont pas subordonnés au procureur général, la cour d'appel s'est prononcé par des motifs inopérants et a méconnu les articles 226-13 du code pénal, L122-4, L432-3 et R432-2 du code de l'organisation judiciaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
57. Les moyens sont réunis.
58. Pour déclarer M. [M] coupable de violation du secret professionnel et M. [I] coupable de recel de violation du secret professionnel, l'arrêt attaqué relève qu'il a été découvert lors d'une perquisition au domicile de M. [I] un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et que M. [I] a déclaré que cet arrêt lui avait été remis par M. [M], ce que ce dernier a confirmé.
59. Les juges indiquent également que les mentions de cet arrêt montrent que les débats se sont déroulés et que l'arrêt a été rendu en chambre du conseil.
60. Ils énoncent ensuite que cet arrêt est un acte de la procédure d'instruction dans laquelle il a été rendu et qu'il est donc couvert par le secret.
61. Ils ajoutent que M. [M], avocat d'une personne mise en examen dans cette procédure d'instruction, est, à ce titre, soumis au secret professionnel et qu'à la date du prononcé de l'arrêt en cause, l'instruction n'était pas clôturée.
62. Ils énoncent par ailleurs que, pour être répréhensible, la révélation d'une information doit être faite à un tiers qui n'a pas la qualité pour la recevoir.
63. Ils relèvent qu'en l'espèce M. [I] n'était pas partie à la procédure d'instruction, et qu'une telle qualité ne peut résulter de l'unicité et de l'indivisibilité du parquet général près la Cour de cassation dès lors qu'il était affecté à une chambre civile et était donc étranger à l'examen des pourvois engagés contre l'arrêt de la chambre de l'instruction.
64. Ils ajoutent qu'il ne peut être tiré argument en défense de ce que M. [I] aurait pu avoir connaissance de cet arrêt par les outils informatiques propres à la Cour de cassation dès lors qu'il ne se l'est pas procuré ainsi.
65. Ils relèvent également que M. [M] a dit avoir remis cet arrêt à M. [I] pour son activité doctrinale et car celui-ci était passionné de procédure pénale et que M. [I] a indiqué vouloir consulter l'arrêt par curiosité.
66. Ils en concluent que l'élément matériel des infractions de violation du secret professionnel et de recel de violation du secret professionnel est ainsi caractérisé.
67. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
68. En premier lieu, dès lors qu'un arrêt débattu et rendu en chambre du conseil par une chambre de l'instruction dans le cadre d'une procédure d'instruction est notifié à l'avocat d'une partie en application de l'article 217 du code de procédure pénale, il constitue une information à caractère secret dont l'avocat a eu communication en raison de sa profession et dont la révélation est interdite en application de l'article 226-13 du code pénal, la circonstance que ce document soit ou non couvert par le secret de l'instruction étant indifférente.
69. Les premières branches des moyens proposés par MM. [I] et [M] sont donc infondées.
70. En second lieu, en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a, indépendamment des motifs surabondants critiqués par le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche, proposé pour M. [I] et le neuvième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [M], caractérisé le fait que M. [I] était en possession de cet arrêt pour des raisons étrangères à ses fonctions.
71. Les moyens doivent donc être écartés.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [M]
Enoncé du moyen
72. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requalification des faits de trafic d'influence pour obtenir une décision favorable d'une autorité ou administration publique en trafic d'influence pour obtenir une décision favorable d'un agent de justice, alors :
« 1°/ que le législateur a prévu une incrimination spécifique du trafic d'influence visant à obtenir une décision favorable de magistrats à l'article 434-9-1 du code pénal ; que le juge est tenu de retenir la qualification spéciale ; que la cour d'appel a cependant écarté l'incrimination spéciale pour retenir l'incrimination générale de l'article 433-1 2° du code pénal ; qu'elle a méconnu les articles 433-1 2°, 434-9 et 434-9-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
73. Pour rejeter la demande de requalification des faits poursuivis sous la qualification de trafic d'influence actif à l'égard de MM. [Z] et [M], et passif à l'égard de M. [I], prévus par les articles 433-1, 2°, et 432-11, 2°, du code pénal en trafic d'influence sur agent de justice prévu par l'article 434-9-1 du même code, l'arrêt attaqué relève, tout d'abord, que M. [I], magistrat, est une personne dépositaire de l'autorité publique exerçant une fonction publique.
74. Les juges indiquent ensuite que la qualification de trafic d'influence passif prévue à l'article 432-11, 2°, retenue à son égard, permet de prendre en compte sa qualité de magistrat auteur de l'infraction comme élément d'aggravation de ce délit alors que le délit de trafic d'influence prévu par l'article 434-9-1, qui s'applique à toute personne auteur d'un trafic d'influence sur agent de justice, ne tient pas compte de l'éventuelle qualité particulière de l'auteur.
75. Ils indiquent également qu'il n'existe pas d'infraction permettant, comme l'article 434-9 du code pénal s'agissant de la corruption, de punir un magistrat auteur de faits de trafic d'influence à l'égard d'un autre magistrat.
76. Ils en concluent que, s'ils retenaient la qualification prévue par l'article 434-9-1, ce serait, pour M. [I], méconnaître l'aggravation du délit lorsqu'il est commis par une personne dépositaire de l'autorité publique et, pour MM. [Z] et [M], méconnaître l'aggravation du délit lorsque les auteurs sollicitent un magistrat pour que celui-ci use de son influence.
77. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
78. En effet, si le délit prévu par l'article 432-11, 2°, prévoit que l'influence exercée par l'auteur des faits doit l'être à l'égard d'une autorité ou d'une administration publique alors que le délit prévu par l'article 434-9-1 réprime spécifiquement le fait d'user de son influence à l'égard d'un magistrat, le premier ne constitue pas pour autant une infraction générale par rapport au second dès lors qu'il ne peut être réalisé que par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif, alors que le second peut être réalisé par quiconque.
79. De la même manière, si le délit prévu par l'article 433-1, 2°, réprime le fait de proposer à une personne une contrepartie pour qu'elle abuse de son influence auprès d'une autorité ou d'une administration publique alors que le délit prévu par l'article 434-9-1 réprime le fait de proposer à une personne d'abuser de son influence auprès, spécifiquement, d'un magistrat, le premier ne constitue pas pour autant une infraction générale par rapport au second dès lors qu'il n'est constitué que si la proposition de contrepartie est faite à une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public alors que, s'agissant du second, la proposition peut être faite à toute personne.
80. En outre, les infractions prévues par les articles 432-11, 2°, et 433-1, 2°, du code pénal sont plus sévèrement réprimées que celle prévue par l'article 434-9-1 de ce code, de sorte que la cour d'appel s'est ainsi conformée au principe selon lequel elle se doit d'apprécier les faits sous leur plus haute acception pénale.
81. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le cinquième moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [Z], le septième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [M] pour corruption active d'un magistrat, pris en ses première et quatrième branches, proposé pour celui-ci, et le troisième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [I] pour corruption passive par un magistrat, proposé pour ce dernier
Enoncé des moyens
82. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de corruption active d'un magistrat, alors :
« 1°/ que, d'une part, la caractérisation du délit de corruption active suppose, au titre de son élément moral, que soit établie l'existence d'un certain but, qui seul permet de retenir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la proposition d'offres, de promesses, de dons, de présents ou d'avantages quelconques par le corrupteur actif, et d'autre part, l'action ou l'abstention attendue ou d'ores et déjà accomplie par le corrupteur passif ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer, pour retenir le délit de corruption active de magistrat à l'encontre de M. [Z], que « les agissements de [D] [I] sont la cause évidente de la proposition d'intervention pour l'obtention du poste à Monaco » (arrêt, p. 114), sans aucunement établir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la prétendue proposition d'intervention de M. [Z] au bénéfice de M. [I], et d'autre part, les actes reprochés à ce dernier au titre de la corruption passive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 434-9 du code pénal, ensemble l'article 121-3 du même code et le principe de la présomption d'innocence. »
83. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré celui-ci coupable de corruption active d'un magistrat, alors :
« 1°/ que la corruption sur un magistrat implique de céder aux sollicitations d'un magistrat ou de lui proposer sans droit des avantages pour que le magistrat accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction ; que l'acte ne peut être qu'un acte matériel et ne peut pas consister en une simple information verbale, encore moins en une simple « opinion » ; qu'en retenant des opinions verbales données par le magistrat, la cour d'appel a méconnu les articles 434-9 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que les actes reprochés ne sont constitutifs des infractions de corruption et de trafic d'influence que s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un accord ; que la cour d'appel n'a pas établi l'existence d'un pacte ayant pour but de convaincre le magistrat d'accomplir un acte de sa fonction ou d'abuser de son influence en contrepartie d'avantages ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que, postérieurement aux informations données, M. [I] espérait un « coup de pouce » ; qu'il s'ensuit que l'exécution des actes par M. [I] n'était pas conditionnée à l'obtention d'une contrepartie ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
84. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de corruption passive par un magistrat, alors « que l'agrément des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est le fait pour le prévenu d'accepter la proposition qui lui est faite ; qu'après avoir retenu que ce sont [W] [M] et [T] [Z] qui ont proposé à M. [I] un soutien ou une intervention de [T] [Z] en vue d'obtenir un poste à Monaco, la cour d'appel constate que lors d'une conversation en date du 3 mars 2014 entre [W] [M] et [D] [I], ce dernier a répondu « oui, bah, c'est sympa » à l'annonce de [W] [M] de ce que la démarche avait été faite, et déduit de cette réponse que M. [I] aurait accepté la démarche accomplie en sa faveur (p. 135) ; qu'en retenant que M. [I] aurait ainsi agréé une contrepartie et que le pacte de corruption et de trafic d'influence était dès lors caractérisé quand, la démarche ayant d'ores et déjà été accomplie, M. [I] n'était pas en mesure d'accepter ou de refuser une quelconque proposition, la cour d'appel a violé les articles 434-9 et 432-11 du code pénal. »
Réponse de la Cour
85. Les moyens sont réunis.
86. Pour déclarer MM. [Z] et [M] coupables de corruption active d'un magistrat et M. [I] coupable de corruption passive par un magistrat, l'arrêt attaqué relève tout d'abord que M. [I] a accompli des actes de sa fonction ou facilités par sa fonction en vue d'obtenir des informations sur un pourvoi évoqué devant la chambre criminelle et de les transmettre à M. [M].
87. Les juges retiennent que M. [I], qui était premier avocat général près la Cour de cassation au moment des faits, a, directement ou par l'intermédiaire d'un collègue avocat général au sein de la chambre criminelle, obtenu des informations. Ils indiquent qu'il résulte notamment de la retranscription de certaines conversations téléphoniques que M. [I] aurait transmis à M. [M] des informations quant à la teneur de l'avis du conseiller rapporteur de l'affaire, qui est couvert par le secret du délibéré, à celle de l'avis de l'avocat général avant sa diffusion aux parties et à l'opinion des conseillers devant participer à la formation de jugement.
88. Ils relèvent également qu'il a existé un accord entre les prévenus au terme duquel, en récompense des actes accomplis par M. [I], M. [Z] devait engager des démarches afin d'aider celui-ci à obtenir un poste au Conseil d'Etat de Monaco.
89. Ils indiquent notamment que cet accord résulte de diverses conversations téléphoniques, notamment du 5 février 2014, mais également des 23, 24 et 25 février 2014, qui évoquent les actes accomplis par M. [I], la contrepartie attendue par celui-ci et l'accord de M. [Z] pour l'effectuer. Ils ajoutent que, une fois la démarche accomplie, M. [I] a accepté celle-ci. Ils constatent par ailleurs qu'il ressort de divers éléments que M. [I] avait bien postulé pour un poste à Monaco, que cette candidature était toujours d'actualité au moment des faits et que M. [M] en avait connaissance.
90. Ils relèvent enfin qu'il est établi que les prévenus avaient pleinement conscience de l'illégalité de leurs actes.
91. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
92. En premier lieu, le fait pour un magistrat d'obtenir des informations confidentielles, voire protégées par le secret du délibéré, sur une affaire en cours d'examen au sein de la juridiction où il est affecté et de les transmettre à autrui constitue un acte facilité par sa fonction au sens des articles 433-1 et 434-9 du code pénal.
93. En deuxième lieu, la cour d'appel a souverainement retenu que les éléments du dossier permettaient d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les agissements reprochés à M. [I] au titre de la corruption et la contrepartie que lui offrait M. [Z].
94. En troisième lieu, il est indifférent que la proposition d'une contrepartie aux agissements effectués par M. [I] soit intervenue après ceux-ci dès lors que le pacte de corruption peut être postérieur aux actes accomplis par la personne corrompue.
95. En dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la cour d'appel n'a pas relevé que M. [I] avait accepté le pacte de corruption postérieurement à l'accomplissement de la récompense, mais uniquement constaté que celui-ci avait agréé la récompense, ce qui démontrait à nouveau le lien entre cette récompense et ses agissements.
96. Les moyens ne peuvent donc être accueillis.
Sur le sixième moyen, pris en ses première et deuxième branches, proposé pour M. [Z], le septième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [M] pour trafic d'influence actif, pris en ses troisième et quatrième branches, proposé pour celui-ci et le troisième moyen, en ce qu'il critique la condamnation de M. [I] pour trafic d'influence passif, proposé pour ce dernier
Enoncé des moyens
97. Le moyen proposé pour M. [Z] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif, alors :
« 1°/ que, premièrement, la caractérisation du délit de trafic d'influence actif suppose que l'auteur de ce délit ait cherché à obtenir, de la part d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public, l'exercice d'une influence visant à obtenir d'une autorité ou d'une administration publique une « décision » favorable, c'est-à-dire une mesure modifiant de façon favorable l'ordonnancement juridique ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour retenir le délit de trafic d'influence actif à l'encontre de M. [Z], sur la prétendue influence, réelle ou supposée, qu'aurait exercée M. [I] auprès de l'avocat général, cependant qu'elle avait constaté que le rôle de l'avocat général « s'arrête au seuil du délibéré auquel il ne participe ni n'assiste » (arrêt, p. 127), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 433-1, 2°, du code pénal ;
2°/ que, deuxièmement, la caractérisation du délit de trafic d'influence actif suppose, au titre de son élément moral, que soit établie l'existence d'un certain but, qui seul permet de retenir l'existence d'un lien de causalité certain entre, d'une part, l'avantage prétendument sollicité ou procuré, et d'autre part, l'abus d'influence recherché ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour entrer en voie de condamnation de ce chef à l'encontre de M. [Z], à retenir qu' « il résulte clairement [de plusieurs conversations entre M. [Z] et Me [M]] que [D] [I] attend un coup de pouce pour un poste au Conseil d'Etat de Monaco et qu'en récompense des actes accomplis, [W] [M] suggère non seulement à [T] [Z] de recevoir [D] [I] mais encore d'intervenir pour favoriser sa nomination au Conseil d'Etat de Monaco » (arrêt, pp. 134-135), sans aucunement établir l'existence de ce dol spécial et, partant, d'un lien de causalité certain entre, d'une part, la prétendue proposition d'intervention de M. [Z] au bénéfice de M. [I], et d'autre part, les actes reprochés à ce dernier au titre du trafic d'influence passif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 433-1, 2°, du code pénal, ensemble l'article 121-3 du même code et le principe de la présomption d'innocence. »
98. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence actif, alors :
« 3°/ que le trafic d'influence n'est caractérisé que lorsque l'abus d'influence est exercé pour obtenir une « décision » favorable ; que l'exposant faisait valoir que l'avis de l'avocat général n'est pas une décision ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'influence exercée sur une autorité en charge d'une décision favorable, n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions précitées ;
4°/ que les actes reprochés ne sont constitutifs des infractions de corruption et de trafic d'influence que s'ils s'inscrivent dans le cadre d'un accord ; que la cour d'appel n'a pas établi l'existence d'un pacte ayant pour but de convaincre le magistrat d'accomplir un acte de sa fonction ou d'abuser de son influence en contrepartie d'avantages ; que la cour d'appel s'est bornée à relever que, postérieurement aux informations données, M. [I] espérait un « coup de pouce » ; qu'il s'ensuit que l'exécution des actes par M. [I] n'était pas conditionnée à l'obtention d'une contrepartie ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
99. Le moyen proposé pour M. [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable de trafic d'influence passif, alors « que l'agrément des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques est le fait pour le prévenu d'accepter la proposition qui lui est faite ; qu'après avoir retenu que ce sont [W] [M] et [T] [Z] qui ont proposé à M. [I] un soutien ou une intervention de [T] [Z] en vue d'obtenir un poste à Monaco, la cour d'appel constate que lors d'une conversation en date du 3 mars 2014 entre [W] [M] et [D] [I], ce dernier a répondu « oui, bah, c'est sympa » à l'annonce de [W] [M] de ce que la démarche avait été faite, et déduit de cette réponse que M. [I] aurait accepté la démarche accomplie en sa faveur (p. 135) ; qu'en retenant que M. [I] aurait ainsi agréé une contrepartie et que le pacte de corruption et de trafic d'influence était dès lors caractérisé quand, la démarche ayant d'ores et déjà été accomplie, M. [I] n'était pas en mesure d'accepter ou de refuser une quelconque proposition, la cour d'appel a violé les articles 434-9 et 432-11 du code pénal. »
Réponse de la Cour
100. Les moyens sont réunis.
101. Pour déclarer MM. [Z] et [M] coupables de trafic d'influence actif et M. [I] coupable de trafic d'influence passif, l'arrêt attaqué retient que M. [I] a usé de son influence en vue d'obtenir une décision favorable à M. [Z].
102. Les juges retiennent que cette influence s'est d'abord exercée sur l'avocat général en charge du dossier « [K] ». Ils indiquent que, par son avis exprimé publiquement et soumis à la discussion contradictoire, l'avocat général participe à l'élaboration de la décision même si son rôle s'arrête au seuil du délibéré auquel il ne participe ni n'assiste. Ils en déduisent que son avis est donc un jalon essentiel de nature à éclairer la décision.
103. Ils ajoutent qu'il résulte d'une conversation téléphonique que M. [I] a, au moins, laissé croire à MM. [M] et [Z] qu'il avait usé de son influence auprès de l'avocat général et qu'il ressort d'une autre conversation que M. [I] pouvait exercer une telle influence par l'intermédiaire d'un autre avocat général.
104. Ils relèvent également que M. [I] a usé de son influence auprès des conseillers de la formation de jugement soit directement, soit par l'intermédiaire de cet autre avocat général.
105. Ils retiennent que ces démarches ont été faites par M. [I] dans le but de démontrer qu'il méritait une contrepartie.
106. Ils indiquent, par les mêmes motifs que ceux rappelés pour caractériser les infractions de corruption, qu'un accord est intervenu entre les prévenus au terme duquel, en récompense des actes accomplis par M. [I], M. [Z] devait engager des démarches afin d'aider celui-ci à obtenir un poste au Conseil d'Etat de Monaco.
107. Ils relèvent enfin qu'il est établi que les prévenus avaient pleinement conscience de l'illégalité de leurs actes.
108. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
109. En premier lieu, il est indifférent que l'avis de l'avocat général près la Cour de cassation constitue une décision au sens des articles 432-11 et 433-1 du code pénal dès lors que, en l'espèce, M. [I] a été condamné pour avoir usé de son influence, réelle ou supposée, auprès de l'avocat général afin que celui-ci rende un avis dans un sens déterminé dans le but d'obtenir une décision de la Cour de cassation favorable à M. [Z].
110. En deuxième lieu, la cour d'appel a souverainement retenu que les éléments du dossier permettaient d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les agissements de M. [I] qui lui étaient reprochés au titre du trafic d'influence et la contrepartie que lui offrait M. [Z].
111. En dernier lieu, il est indifférent que la proposition d'une contrepartie aux agissements effectués par M. [I] soit intervenue après ceux-ci dès lors que le pacte peut être postérieur aux actes accomplis par la personne se livrant à un trafic d'influence.
112. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
113. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.