CA Versailles, ch. soc. 4-2, 12 décembre 2024, n° 24/01945
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 DECEMBRE 2024
N° RG 24/01945 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WTNO
AFFAIRE :
[M] [L]
C/
S.A.S.U. LAGARDERE RESSOURCES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2024 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : E
N° RG : F22/00944
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Banna NDAO
Me Eliane CHATEAUVIEUX
le :
Copies certifiées conforme à :
M. [M] [L]
la S.A.S.U. LAGARDERE RESSOURCES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Monsieur [M] [L]
né le 12 Mai 1946 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667
Plaidant : Me Virginie GLORIEUX KERGALL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0130
****************
INTIMÉE
S.A.S.U. LAGARDERE RESSOURCES La société LAGARDERE RESSOURCES, société européenne immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro B 348 991 167 dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 348 99 1 1 67
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Eliane CHATEAUVIEUX de la SAS ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168
Substitué par : Me Antoine DURET, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 septembre 2024, les parties ne s'y étant pas opposées devant Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,
Greffière en préaffectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,
Vu le jugement rendu le 12 juin 2024 par le conseil de prud'hommes de Montmorency,
Vu la déclaration d'appel de M. [M] [L] du 1er juillet 2024,
Vu l'ordonnance rendue le 4 juillet 2024 autorisant l'assignation à jour fixe,
Vu les dernières conclusions de M. [M] [L] du 30 août 2024,
Vu les conclusions de la société Lagardère Ressources du 30 juillet 2024,
EXPOSE DU LITIGE
La société Lagardère Ressources, dont le siège social est situé [Adresse 1] appartient au groupe Lagardère et regroupe l'ensemble des moyens humains et matériels nécessaires pour assurer les fonctionnalités, obligations et responsabilités inhérentes à la société Lagardère SA société holding cotée. Elle emploie plus de dix salariés.
M. [M] [L], a été engagé par contrat de travail du 1er septembre 1977, par la société Hachette Filipacchi Associés [HFA]. La relation s'est achevée le 30 septembre 2006.
Le 26 décembre 2005, M. [L] s'est déclaré en tant que profession libérale sous l'enseigne 'Stratégies et performances conseil' avec un début d'activité au 1er janvier 2006.
Le 18 mai 2006, un contrat de consultant a été signé entre la société Lagardère Ressources et M. [L] à effet au 1er mars 2006, conclu pour une durée déterminée d'un an expirant le 28 février 2007.
Fin décembre 2020, la relation contractuelle entre la société Lagardère Ressources et M. [L] a pris fin.
Par requête reçue au greffe le 16 décembre 2021, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre.
Par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 12 avril 2022, le dossier a été transféré au conseil de prud'hommes de Montmorency devant lequel M. [L] a présenté les demandes suivantes :
- dire que la relation commerciale entre M. [L] et la société Lagardère Ressources doit être requalifiée en contrat de travail,
en conséquence,
- condamner la société Lagardère Ressources à payer à M. [L] les sommes suivantes :
. 287 247,60 euros à titre de rappel de salaire sur trois ans,
. 28 724,76 euros à titre de rappel d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire,
. 10 979,10 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
. 65,874,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 6 587,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 45 136,30 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 131 749,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 65 874,60 euros pour travail dissimulé,
. 10 979,10 euros pour absence de médecine du travail,
. 21 958,20 euros pour absence de participation,
à titre subsidiaire,
- 141 882 euros à titre de rappel de salaire sur trois ans,
- 14 188,20 euros à titre de rappel d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire,
- 6 841,17 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
- 41 647 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 4 164,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 28 535,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 83 294 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 41 647 euros pour travail dissimulé,
- 6 941,17 euros pour absence de médecine du travail,
- 13 882,33 euros pour absence de participation,
en tout cas,
- 4 756,38 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de prise en charge par la mutuelle,
- 150 euros pour l'absence de CSE,
- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- exécution provisoire,
- intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,
- capitalisation des intérêts à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,
- remise des bulletins de paie sous astreinte de 20 euros/jour à compter de la notification du jugement.
La société Lagardère Ressources avait, quant à elle, soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes de Montmorency, demandé à ce que M. [L] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement contradictoire rendu le 12 juin 2024, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Montmorency a :
- dit qu'elle se déclare, in limine litis, incompétente pour juger du litige qui oppose M. [L] et la société Lagardère Ressources et a invité M. [L] à mieux se pourvoir.
Par déclaration du 1er juillet 2024, M. [L] a interjeté appel de ce jugement. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 24/01945.
Par ordonnance du 4 juillet 2024, M. [L] a été autorisé à assigner la société Lagardère Ressources selon la procédure à jour fixe.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 août 2024, M. [M] [L] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 14 juin 2024 du conseil de prud'hommes de Montmorency, se déclarant d'office incompétent,
et statuant à nouveau,
- déclarer le conseil de prud'hommes de Nanterre, et à défaut de Paris, seuls compétents pour connaître du présent litige,
- débouter la société Lagardère Ressources de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- condamner la société Lagardère Ressources au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions en date du 30 juillet 2024, la société Lagardère Ressources demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 12 juin 2024 par le conseil de prud'hommes de Montmorency, en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour juger du litige,
en conséquence, y faisant droit,
- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [L] à verser à la société Lagardère Ressources la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [L] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la compétence de la juridiction prud'homale
L'appelant soutient que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent en s'appuyant sur un contrat de prestation conclu pour une durée d'un an non renouvelable et sur l'immatriculation au répertoire Siren sans lien avec l'activité indépendante. Il indique que son silence pendant plusieurs années sur son statut ne peut constituer un acquiescement de sa part.
Il expose que pour la période 2006 au 28 février 2007, il a travaillé sous le lien de subordination de M. [J], en occupant les mêmes fonctions que précédemment lorsqu'il était salarié de la société Hachette Filipacchi Associés, filiale de Lagardère Active, qu'il n'avait aucune activité de conseil avant de démarrer ses prestations en mars 2006, que ledit contrat, par ses clauses, le plaçait dans un lien de subordination vis à vis de M. [J] de la direction des achats et de l'immobilier groupe ; que pour la période à compter du 1er mars 2007 jusqu'en 2020, aucun contrat écrit ne régissait les relations contractuelles, qu'il recevait des instructions ou consignes comme en attestent les échanges de mails, remettait des rapports relatifs à son travail en réponse aux instructions de M. [J] et lui rendait des comptes ; qu'il travaillait dans le cadre d'un service organisé au sein de la société Lagardère Ressources. Il précise qu'il bénéficiait d'une rémunération fixe mensuelle, qui n'était pas déterminée en fonction de la réalisation du nombre de dossiers traités mais était forfaitaire et qu'il travaillait à 100% pour la société, sa dépendance économique ne lui donnant pas la possibilité de négocier sa rémunération.
L'intimée fait valoir au contraire que M. [L] était immatriculé au répertoire Siren des entreprises depuis janvier 1998, ayant créé son activité bien en amont des premières prestations de services réalisées pour le compte de la société Lagardère Ressources et ayant en outre adhéré à une association de gestion agréée, réitérée chaque année ; qu'il émettait des factures sur son papier à en-tête ; qu'il était donc présumé non-salarié. Elle indique que les arguments relatifs aux clauses du contrat de prestation de services de M. [L] en faveur d'un contrat de travail sont inopérants. Elle expose que le lien de subordination entre les parties n'est pas établi, ni en raison du matériel mis à la disposition de M. [L], ni de l'ancienne carrière de M. [L] au sein du groupe Lagardère ; que sur les modalités de facturation de M. [L], le montant des honoraires était négocié et conclu d'un commun accord ; que M. [J] n'était pas le supérieur hiérarchique de M. [L] mais son interlocuteur.
Par application des dispositions de l'article L. 1411-1 du code du travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l'existence d'un contrat de travail opposant le salarié et l'employeur prétendus.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Cependant, l'article L. 8221-6 du code du travail dispose que 'I. - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; (...)
II - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci'.
La présomption légale de non-salariat qui bénéficie aux personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés peut néanmoins être détruite s'il est établi qu'elles fournissent des prestations au donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
Trois critères cumulatifs permettent de caractériser l'existence d'un contrat de travail : la réalisation d'une prestation de travail moyennant une rémunération sous la subordination d'un employeur.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut
constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
En l'espèce, à la date du 27 février 2023 (pièce n°2 intimée), il est établi que M. [L] est inscrit en qualité d'entrepreneur individuel depuis le 19 janvier 1998, sous le numéro Siret 41525657700016. Si certes, à l'origine, il s'agissait d'une activité différente de celle de conseil et étude dans le domaine des voyages, il a créé en 2005 une activité dans ce domaine sous l'enseigne ' Stratégies et performances conseil' en conservant le même n°Siret qui se retrouve sur ses factures destinées à la société Lagardère Ressources et le même code APE qui correspond cependant à l'activité la plus ancienne (pièces n°134, 150 à 152 appelant).
Il appartient donc à l'appelant de démontrer qu'il était placé sous un lien de subordination juridique permanent à l'égard de la société Lagardère Ressources lorsqu'il réalisait ses prestations de conseil dans le domaine du voyage.
S'agissant du contrat de prestations du 18 mai 2006, celui-ci a été conclu pour une durée déterminée d'un an, les parties devant avant le 1er février 2007, décider de son renouvellement, ce qui en l'espèce n'a pas été fait.
Il en résulte que les clauses du contrat dont se prévaut l'appelant pour affirmer qu'elles démontrent l'existence d'un lien de subordination, n'étaient plus applicables à compter du 1er mars 2007 et que la relation contractuelle s'est poursuivie ainsi jusqu'en 2020.
Pour la période allant jusqu'au 1er mars 2007, l'appelant fait grief à la société de lui avoir imposé des clauses du contrat qui le plaçaient sous la totale dépendance de la société.
Cependant, les clauses visées par l'appelant sont de celles qui s'appliquent dans une relation contractuelle où un prestataire déterminé, choisi pour sa connaissance du domaine et son expérience, 'uvre dans le cadre de missions revêtant pour la société cliente des enjeux stratégiques.
Ainsi, l'article 3 du contrat de prestation insiste sur son caractère intuitu personae, ce qui s'explique par les antécédents de M. [L] au sein de la société HFA dans le domaine du voyage, la société cliente étant en droit d'exiger que la mission soit effectuée par une personne déterminée, sans sous-traitance.
De même, l'article 7 'non-concurrence' prévoit que pendant la durée du contrat , M. [L] ne pourra exercer aucune mission connexe ou similaire à la mission confiée au profit de tiers exerçant des activités concurrentes de celle du groupe Lagardère.
Comme le relève l'intimée, cette situation n'est pas incompatible avec un contrat de prestation de services. En effet, M. [L] démarchant et négociant de nombreuses compagnies de voyages dans l'intérêt du groupe Lagardère, cette clause était légitime eu égard aux intérêts commerciaux à préserver et ne portait pas atteinte à la liberté de travail de M. [L] qui pouvait développer une activité de conseil dans d'autres secteurs d'activité.
S'agissant de la clause 6 du contrat de prestation, M. [L] affirme que cette clause le contraignait à céder à la société l'intégralité des droits de propriété intellectuelle de ses productions et est par conséquent la preuve d'un lien de subordination.
Cependant, une telle clause peut être essentielle lorsque les productions du prestataire sont entièrement dédiées au client et que celui-ci entend en faire un usage librement. En l'espèce, les présentations et les documentations produites dans le cadre des missions de M. [L] étaient éditées dans l'intérêt de la société, ce qui justifie que celle-ci puisse en disposer librement. Cette clause ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination.
Il est également fait reproche à la société de ne pas avoir réclamé à M. [L] les documents visés à l'article 4 'modalités d'exercice de la mission', plus précisément à l'article 4.3 'dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé', documents relatifs aux déclarations sociales et fiscales et à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, ce qui constituerait une violation de son obligation légale résultant des dispositions des articles L. 8222-1 du code du travail.
En l'espèce, l'article 4 du contrat stipule en préambule que celui-ci ne confère pas à M. [L] ni la qualité d'agent, ni celle de mandataire ou de salarié de Lagardère Ressources. En outre, il a été établi précédemment que M. [L] était inscrit comme entrepreneur individuel dès 1998 et à nouveau en 2005, soit antérieurement au contrat de prestation.
Même après la fin du contrat à durée déterminée, la relation contractuelle s'est poursuivie, avec les mêmes éléments, M. [L] ayant émis ses factures jusqu'en 2020 en mentionnant toujours le nom commercial, le n°Siret, l'adresse mail de l'activité d'indépendant 'straté[email protected], l'adresse et le code APE, peu important que M. [L] n'ait pas cru devoir modifier ce code qui correspond à la première activité de 1998.
Ainsi, à la date du contrat, les éléments du dossier établissaient que M. [L] avait effectué les démarches administratives nécessaires pour son activité professionnelle indépendante, sa situation restant inchangée tout au long de la relation contractuelle, de sorte que les obligations à la charge de la société au visa de l'article L. 8222-1 du code du travail n'ont jamais été remises en cause pendant 14 ans.
En conséquence, il ne peut se déduire des clauses du contrat de prestation de services du 18 mai 2006 l'existence d'un lien de subordination.
A compter du 1er mars 2007, la relation contractuelle s'est poursuivie sans contrat.
M. [L] affirme, quant à la rémunération que celle-ci lui était imposée, s'agissant d'une rémunération fixe mensuelle, qui n'était pas déterminée en fonction de la réalisation du nombre de dossiers traités mais était forfaitaire et qu'il travaillait à 100% pour la société, sa dépendance économique ne lui donnant pas la possibilité de négocier sa rémunération.
Cependant, comme le relève l'intimée, les messages échangés entre M. [J] et M. [L] entre 2016 et 2020, s'agissant des honoraires de ce dernier, démontrent que ceux-ci étaient renégociés régulièrement selon un mode de fonctionnement différant d'un salaire, les termes utilisés excluant toute interprétation dans le sens d'honoraires fixés unilatéralement et/ou arbitrairement par la société, mais montrant au contraire qu'il s'agissait d'une fixation d'un commun accord (pièces n°20 à 24 appelant).
L'appelant allègue également qu'il était placé sous la hiérarchie de M. [J] lequel lui donnait des instructions et auquel il rendait des comptes, ce que conteste l'intimée.
Il produit de très nombreux messages (ses pièces n°38 à 126) sur ses échanges avec M. [J] lesquels ne permettent pas d'en déduire l'existence d'un lien de subordination, les termes d'une grande courtoisie utilisés par ce dernier à l'égard de M. [L], n'impliquant en aucune façon qu'il s'adresse à un subordonné mais à une personne de même niveau ce que confirme la pièce n°132 de l'appelant où sont recensés les dossiers en cours en 2018 positionnant les deux personnes au même rang.
Il ressort encore moins de ces pièces que M. [J] exerçait des contrôles portant sur l'exercice des missions de M. [L] ni que ce dernier était exposé du fait de ces contrôles à un risque de sanction disciplinaire.
L'absence de lien de subordination entre M. [L] et M. [J] est confirmée par les attestations de M. [X] directeur administratif et financier, M. [R] directeur immobilier et services généraux et Mme [U], assistante de M. [J] de 2002 à 2020, de la société Lagardère Ressources (pièces n°9 à 11 intimée).
L'appelant indique également qu'il travaillait dans le cadre d'un service organisé au sein de la société Lagardère, qu'il bénéficiait d'un bureau personnalisé situé à côté de celui de M. [J], d'une adresse mail Lagardère, d'un ordinateur portable, d'un téléphone fixe de la société, d'un parking individualisé, d'une carte d'accès à l'immeuble de la société (ses pièces n°20 à 31).
Cependant comme le relève pertinemment l'intimée, ces éléments sont insuffisants pour démontrer l'existence d'un lien de subordination et par conséquent d'un contrat de travail.
En effet, l'intimée rappelle que pour des raisons de sécurité informatique, le prêt à un prestataire de services d'un ordinateur sécurisé et fiable est indispensable pour toute connexion au réseau informatique du groupe.
De même, le fait qu'un bureau à proximité de celui de M. [J] ait été attribué à M. [L] s'explique par la nécessité de permettre à celui-ci d'assurer les rendez-vous avec les prestataires de voyages dans le cadre de ses missions.
L'adresse mail 'Lagardere' dont il disposait est une adresse externe réservée aux prestataires extérieurs permettant ainsi aux tiers de les identifier.
S'agissant enfin de sa place de parking, l'intimée affirme sans être utilement démentie que M. [L] louait lui-même son véhicule en son nom et pour son compte et avait effectivement la possibilité de se garer dans le parking de la société ce qui était le cas d'un grand nombre de prestataires intervenant fréquemment auprès de la société Lagardère Ressources.
Ces éléments ne permettent pas d'en déduire que M. [L] effectuait ses missions au sein d'un service organisé, indice d'un lien de subordination, la société ne déterminant pas unilatéralement les conditions d'exécution desdites missions.
L'appelant soutient enfin qu'il était salarié du groupe Lagardère pendant toute sa carrière et que c'est en raison de son poste qu'il a été recruté par M. [J] pour exercer les mêmes missions.
L'intimée réplique cependant sans être utilement démentie que M. [L] était salarié de la société Hachette Filipacchi associés (HFA) qui faisait partie de la branche Lagardère Active (branche Media du groupe) laquelle n'existe plus. Or, la société Lagardère Ressources n'avait aucun rapport avec la société HFA, leurs activités étant différentes. En outre, l'appelant reconnaît lui-même que ses missions étaient différentes, devant intervenir en tant que prestataire, sur un périmètre plus large, intégrant l'ensemble des filiales du groupe Lagardère (ses conclusions p.4).
S'il ressort de la pièce n°126 de l'appelant que M. [J] connaissait M. [L] 'un de ses clients internes' lorsque celui-ci travaillait au sein de la société HFA, cette circonstance n'implique pas l'existence d'un lien de subordination avec la société Lagardère Ressources.
Surabondamment, la relation contractuelle entre M. [L] et la société Lagardère Ressources a pris fin en décembre 2020 au motif, selon l'intimée, que celle-ci n'interférait plus dans les politiques des filiales du groupe en matière de 'voyages et déplacements', les filiales définissant elles-mêmes leur politique dans ce domaine sans l'appui et la supervision de la société Lagardère Ressources.
L'intimée rapporte la preuve (sa pièce n°4) que M. [L] a alors proposé ses prestations de services directement aux filiales, les démarchant dès le 19 octobre 2020 pour leur faire une offre de services, et ce en tant que prestataire, comme il s'est présenté auprès de la société Lagardère Ressources pendant 14 ans.
En l'absence de lien de subordination démontré et par conséquent de contrat de travail, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [L].
3- sur les dépens et les frais irrépétibles.
Le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [L] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il sera condamné à payer à la société Lagardère Ressources la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
Il sera débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du 12 juin 2024,
Y ajoutant,
Condamne M. [M] [L] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne M. [M] [L] à payer à la société Lagardère Ressources la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure,
Déboute M. [M] [L] de sa demande à ce titre.
Dit que le greffier de la cour notifiera le présent arrêt aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception conformément à l'article 87 du code de procédure civile,
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente,
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 DECEMBRE 2024
N° RG 24/01945 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WTNO
AFFAIRE :
[M] [L]
C/
S.A.S.U. LAGARDERE RESSOURCES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2024 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : E
N° RG : F22/00944
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Banna NDAO
Me Eliane CHATEAUVIEUX
le :
Copies certifiées conforme à :
M. [M] [L]
la S.A.S.U. LAGARDERE RESSOURCES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Monsieur [M] [L]
né le 12 Mai 1946 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667
Plaidant : Me Virginie GLORIEUX KERGALL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0130
****************
INTIMÉE
S.A.S.U. LAGARDERE RESSOURCES La société LAGARDERE RESSOURCES, société européenne immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro B 348 991 167 dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 348 99 1 1 67
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Eliane CHATEAUVIEUX de la SAS ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168
Substitué par : Me Antoine DURET, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 septembre 2024, les parties ne s'y étant pas opposées devant Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,
Greffière en préaffectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,
Vu le jugement rendu le 12 juin 2024 par le conseil de prud'hommes de Montmorency,
Vu la déclaration d'appel de M. [M] [L] du 1er juillet 2024,
Vu l'ordonnance rendue le 4 juillet 2024 autorisant l'assignation à jour fixe,
Vu les dernières conclusions de M. [M] [L] du 30 août 2024,
Vu les conclusions de la société Lagardère Ressources du 30 juillet 2024,
EXPOSE DU LITIGE
La société Lagardère Ressources, dont le siège social est situé [Adresse 1] appartient au groupe Lagardère et regroupe l'ensemble des moyens humains et matériels nécessaires pour assurer les fonctionnalités, obligations et responsabilités inhérentes à la société Lagardère SA société holding cotée. Elle emploie plus de dix salariés.
M. [M] [L], a été engagé par contrat de travail du 1er septembre 1977, par la société Hachette Filipacchi Associés [HFA]. La relation s'est achevée le 30 septembre 2006.
Le 26 décembre 2005, M. [L] s'est déclaré en tant que profession libérale sous l'enseigne 'Stratégies et performances conseil' avec un début d'activité au 1er janvier 2006.
Le 18 mai 2006, un contrat de consultant a été signé entre la société Lagardère Ressources et M. [L] à effet au 1er mars 2006, conclu pour une durée déterminée d'un an expirant le 28 février 2007.
Fin décembre 2020, la relation contractuelle entre la société Lagardère Ressources et M. [L] a pris fin.
Par requête reçue au greffe le 16 décembre 2021, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre.
Par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 12 avril 2022, le dossier a été transféré au conseil de prud'hommes de Montmorency devant lequel M. [L] a présenté les demandes suivantes :
- dire que la relation commerciale entre M. [L] et la société Lagardère Ressources doit être requalifiée en contrat de travail,
en conséquence,
- condamner la société Lagardère Ressources à payer à M. [L] les sommes suivantes :
. 287 247,60 euros à titre de rappel de salaire sur trois ans,
. 28 724,76 euros à titre de rappel d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire,
. 10 979,10 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
. 65,874,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 6 587,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 45 136,30 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 131 749,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 65 874,60 euros pour travail dissimulé,
. 10 979,10 euros pour absence de médecine du travail,
. 21 958,20 euros pour absence de participation,
à titre subsidiaire,
- 141 882 euros à titre de rappel de salaire sur trois ans,
- 14 188,20 euros à titre de rappel d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire,
- 6 841,17 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
- 41 647 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 4 164,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 28 535,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 83 294 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 41 647 euros pour travail dissimulé,
- 6 941,17 euros pour absence de médecine du travail,
- 13 882,33 euros pour absence de participation,
en tout cas,
- 4 756,38 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de prise en charge par la mutuelle,
- 150 euros pour l'absence de CSE,
- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- exécution provisoire,
- intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,
- capitalisation des intérêts à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,
- remise des bulletins de paie sous astreinte de 20 euros/jour à compter de la notification du jugement.
La société Lagardère Ressources avait, quant à elle, soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes de Montmorency, demandé à ce que M. [L] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement contradictoire rendu le 12 juin 2024, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Montmorency a :
- dit qu'elle se déclare, in limine litis, incompétente pour juger du litige qui oppose M. [L] et la société Lagardère Ressources et a invité M. [L] à mieux se pourvoir.
Par déclaration du 1er juillet 2024, M. [L] a interjeté appel de ce jugement. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 24/01945.
Par ordonnance du 4 juillet 2024, M. [L] a été autorisé à assigner la société Lagardère Ressources selon la procédure à jour fixe.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 août 2024, M. [M] [L] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 14 juin 2024 du conseil de prud'hommes de Montmorency, se déclarant d'office incompétent,
et statuant à nouveau,
- déclarer le conseil de prud'hommes de Nanterre, et à défaut de Paris, seuls compétents pour connaître du présent litige,
- débouter la société Lagardère Ressources de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- condamner la société Lagardère Ressources au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions en date du 30 juillet 2024, la société Lagardère Ressources demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 12 juin 2024 par le conseil de prud'hommes de Montmorency, en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour juger du litige,
en conséquence, y faisant droit,
- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [L] à verser à la société Lagardère Ressources la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [L] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la compétence de la juridiction prud'homale
L'appelant soutient que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent en s'appuyant sur un contrat de prestation conclu pour une durée d'un an non renouvelable et sur l'immatriculation au répertoire Siren sans lien avec l'activité indépendante. Il indique que son silence pendant plusieurs années sur son statut ne peut constituer un acquiescement de sa part.
Il expose que pour la période 2006 au 28 février 2007, il a travaillé sous le lien de subordination de M. [J], en occupant les mêmes fonctions que précédemment lorsqu'il était salarié de la société Hachette Filipacchi Associés, filiale de Lagardère Active, qu'il n'avait aucune activité de conseil avant de démarrer ses prestations en mars 2006, que ledit contrat, par ses clauses, le plaçait dans un lien de subordination vis à vis de M. [J] de la direction des achats et de l'immobilier groupe ; que pour la période à compter du 1er mars 2007 jusqu'en 2020, aucun contrat écrit ne régissait les relations contractuelles, qu'il recevait des instructions ou consignes comme en attestent les échanges de mails, remettait des rapports relatifs à son travail en réponse aux instructions de M. [J] et lui rendait des comptes ; qu'il travaillait dans le cadre d'un service organisé au sein de la société Lagardère Ressources. Il précise qu'il bénéficiait d'une rémunération fixe mensuelle, qui n'était pas déterminée en fonction de la réalisation du nombre de dossiers traités mais était forfaitaire et qu'il travaillait à 100% pour la société, sa dépendance économique ne lui donnant pas la possibilité de négocier sa rémunération.
L'intimée fait valoir au contraire que M. [L] était immatriculé au répertoire Siren des entreprises depuis janvier 1998, ayant créé son activité bien en amont des premières prestations de services réalisées pour le compte de la société Lagardère Ressources et ayant en outre adhéré à une association de gestion agréée, réitérée chaque année ; qu'il émettait des factures sur son papier à en-tête ; qu'il était donc présumé non-salarié. Elle indique que les arguments relatifs aux clauses du contrat de prestation de services de M. [L] en faveur d'un contrat de travail sont inopérants. Elle expose que le lien de subordination entre les parties n'est pas établi, ni en raison du matériel mis à la disposition de M. [L], ni de l'ancienne carrière de M. [L] au sein du groupe Lagardère ; que sur les modalités de facturation de M. [L], le montant des honoraires était négocié et conclu d'un commun accord ; que M. [J] n'était pas le supérieur hiérarchique de M. [L] mais son interlocuteur.
Par application des dispositions de l'article L. 1411-1 du code du travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l'existence d'un contrat de travail opposant le salarié et l'employeur prétendus.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
Cependant, l'article L. 8221-6 du code du travail dispose que 'I. - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; (...)
II - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci'.
La présomption légale de non-salariat qui bénéficie aux personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés peut néanmoins être détruite s'il est établi qu'elles fournissent des prestations au donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
Trois critères cumulatifs permettent de caractériser l'existence d'un contrat de travail : la réalisation d'une prestation de travail moyennant une rémunération sous la subordination d'un employeur.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut
constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
En l'espèce, à la date du 27 février 2023 (pièce n°2 intimée), il est établi que M. [L] est inscrit en qualité d'entrepreneur individuel depuis le 19 janvier 1998, sous le numéro Siret 41525657700016. Si certes, à l'origine, il s'agissait d'une activité différente de celle de conseil et étude dans le domaine des voyages, il a créé en 2005 une activité dans ce domaine sous l'enseigne ' Stratégies et performances conseil' en conservant le même n°Siret qui se retrouve sur ses factures destinées à la société Lagardère Ressources et le même code APE qui correspond cependant à l'activité la plus ancienne (pièces n°134, 150 à 152 appelant).
Il appartient donc à l'appelant de démontrer qu'il était placé sous un lien de subordination juridique permanent à l'égard de la société Lagardère Ressources lorsqu'il réalisait ses prestations de conseil dans le domaine du voyage.
S'agissant du contrat de prestations du 18 mai 2006, celui-ci a été conclu pour une durée déterminée d'un an, les parties devant avant le 1er février 2007, décider de son renouvellement, ce qui en l'espèce n'a pas été fait.
Il en résulte que les clauses du contrat dont se prévaut l'appelant pour affirmer qu'elles démontrent l'existence d'un lien de subordination, n'étaient plus applicables à compter du 1er mars 2007 et que la relation contractuelle s'est poursuivie ainsi jusqu'en 2020.
Pour la période allant jusqu'au 1er mars 2007, l'appelant fait grief à la société de lui avoir imposé des clauses du contrat qui le plaçaient sous la totale dépendance de la société.
Cependant, les clauses visées par l'appelant sont de celles qui s'appliquent dans une relation contractuelle où un prestataire déterminé, choisi pour sa connaissance du domaine et son expérience, 'uvre dans le cadre de missions revêtant pour la société cliente des enjeux stratégiques.
Ainsi, l'article 3 du contrat de prestation insiste sur son caractère intuitu personae, ce qui s'explique par les antécédents de M. [L] au sein de la société HFA dans le domaine du voyage, la société cliente étant en droit d'exiger que la mission soit effectuée par une personne déterminée, sans sous-traitance.
De même, l'article 7 'non-concurrence' prévoit que pendant la durée du contrat , M. [L] ne pourra exercer aucune mission connexe ou similaire à la mission confiée au profit de tiers exerçant des activités concurrentes de celle du groupe Lagardère.
Comme le relève l'intimée, cette situation n'est pas incompatible avec un contrat de prestation de services. En effet, M. [L] démarchant et négociant de nombreuses compagnies de voyages dans l'intérêt du groupe Lagardère, cette clause était légitime eu égard aux intérêts commerciaux à préserver et ne portait pas atteinte à la liberté de travail de M. [L] qui pouvait développer une activité de conseil dans d'autres secteurs d'activité.
S'agissant de la clause 6 du contrat de prestation, M. [L] affirme que cette clause le contraignait à céder à la société l'intégralité des droits de propriété intellectuelle de ses productions et est par conséquent la preuve d'un lien de subordination.
Cependant, une telle clause peut être essentielle lorsque les productions du prestataire sont entièrement dédiées au client et que celui-ci entend en faire un usage librement. En l'espèce, les présentations et les documentations produites dans le cadre des missions de M. [L] étaient éditées dans l'intérêt de la société, ce qui justifie que celle-ci puisse en disposer librement. Cette clause ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination.
Il est également fait reproche à la société de ne pas avoir réclamé à M. [L] les documents visés à l'article 4 'modalités d'exercice de la mission', plus précisément à l'article 4.3 'dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé', documents relatifs aux déclarations sociales et fiscales et à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, ce qui constituerait une violation de son obligation légale résultant des dispositions des articles L. 8222-1 du code du travail.
En l'espèce, l'article 4 du contrat stipule en préambule que celui-ci ne confère pas à M. [L] ni la qualité d'agent, ni celle de mandataire ou de salarié de Lagardère Ressources. En outre, il a été établi précédemment que M. [L] était inscrit comme entrepreneur individuel dès 1998 et à nouveau en 2005, soit antérieurement au contrat de prestation.
Même après la fin du contrat à durée déterminée, la relation contractuelle s'est poursuivie, avec les mêmes éléments, M. [L] ayant émis ses factures jusqu'en 2020 en mentionnant toujours le nom commercial, le n°Siret, l'adresse mail de l'activité d'indépendant 'straté[email protected], l'adresse et le code APE, peu important que M. [L] n'ait pas cru devoir modifier ce code qui correspond à la première activité de 1998.
Ainsi, à la date du contrat, les éléments du dossier établissaient que M. [L] avait effectué les démarches administratives nécessaires pour son activité professionnelle indépendante, sa situation restant inchangée tout au long de la relation contractuelle, de sorte que les obligations à la charge de la société au visa de l'article L. 8222-1 du code du travail n'ont jamais été remises en cause pendant 14 ans.
En conséquence, il ne peut se déduire des clauses du contrat de prestation de services du 18 mai 2006 l'existence d'un lien de subordination.
A compter du 1er mars 2007, la relation contractuelle s'est poursuivie sans contrat.
M. [L] affirme, quant à la rémunération que celle-ci lui était imposée, s'agissant d'une rémunération fixe mensuelle, qui n'était pas déterminée en fonction de la réalisation du nombre de dossiers traités mais était forfaitaire et qu'il travaillait à 100% pour la société, sa dépendance économique ne lui donnant pas la possibilité de négocier sa rémunération.
Cependant, comme le relève l'intimée, les messages échangés entre M. [J] et M. [L] entre 2016 et 2020, s'agissant des honoraires de ce dernier, démontrent que ceux-ci étaient renégociés régulièrement selon un mode de fonctionnement différant d'un salaire, les termes utilisés excluant toute interprétation dans le sens d'honoraires fixés unilatéralement et/ou arbitrairement par la société, mais montrant au contraire qu'il s'agissait d'une fixation d'un commun accord (pièces n°20 à 24 appelant).
L'appelant allègue également qu'il était placé sous la hiérarchie de M. [J] lequel lui donnait des instructions et auquel il rendait des comptes, ce que conteste l'intimée.
Il produit de très nombreux messages (ses pièces n°38 à 126) sur ses échanges avec M. [J] lesquels ne permettent pas d'en déduire l'existence d'un lien de subordination, les termes d'une grande courtoisie utilisés par ce dernier à l'égard de M. [L], n'impliquant en aucune façon qu'il s'adresse à un subordonné mais à une personne de même niveau ce que confirme la pièce n°132 de l'appelant où sont recensés les dossiers en cours en 2018 positionnant les deux personnes au même rang.
Il ressort encore moins de ces pièces que M. [J] exerçait des contrôles portant sur l'exercice des missions de M. [L] ni que ce dernier était exposé du fait de ces contrôles à un risque de sanction disciplinaire.
L'absence de lien de subordination entre M. [L] et M. [J] est confirmée par les attestations de M. [X] directeur administratif et financier, M. [R] directeur immobilier et services généraux et Mme [U], assistante de M. [J] de 2002 à 2020, de la société Lagardère Ressources (pièces n°9 à 11 intimée).
L'appelant indique également qu'il travaillait dans le cadre d'un service organisé au sein de la société Lagardère, qu'il bénéficiait d'un bureau personnalisé situé à côté de celui de M. [J], d'une adresse mail Lagardère, d'un ordinateur portable, d'un téléphone fixe de la société, d'un parking individualisé, d'une carte d'accès à l'immeuble de la société (ses pièces n°20 à 31).
Cependant comme le relève pertinemment l'intimée, ces éléments sont insuffisants pour démontrer l'existence d'un lien de subordination et par conséquent d'un contrat de travail.
En effet, l'intimée rappelle que pour des raisons de sécurité informatique, le prêt à un prestataire de services d'un ordinateur sécurisé et fiable est indispensable pour toute connexion au réseau informatique du groupe.
De même, le fait qu'un bureau à proximité de celui de M. [J] ait été attribué à M. [L] s'explique par la nécessité de permettre à celui-ci d'assurer les rendez-vous avec les prestataires de voyages dans le cadre de ses missions.
L'adresse mail 'Lagardere' dont il disposait est une adresse externe réservée aux prestataires extérieurs permettant ainsi aux tiers de les identifier.
S'agissant enfin de sa place de parking, l'intimée affirme sans être utilement démentie que M. [L] louait lui-même son véhicule en son nom et pour son compte et avait effectivement la possibilité de se garer dans le parking de la société ce qui était le cas d'un grand nombre de prestataires intervenant fréquemment auprès de la société Lagardère Ressources.
Ces éléments ne permettent pas d'en déduire que M. [L] effectuait ses missions au sein d'un service organisé, indice d'un lien de subordination, la société ne déterminant pas unilatéralement les conditions d'exécution desdites missions.
L'appelant soutient enfin qu'il était salarié du groupe Lagardère pendant toute sa carrière et que c'est en raison de son poste qu'il a été recruté par M. [J] pour exercer les mêmes missions.
L'intimée réplique cependant sans être utilement démentie que M. [L] était salarié de la société Hachette Filipacchi associés (HFA) qui faisait partie de la branche Lagardère Active (branche Media du groupe) laquelle n'existe plus. Or, la société Lagardère Ressources n'avait aucun rapport avec la société HFA, leurs activités étant différentes. En outre, l'appelant reconnaît lui-même que ses missions étaient différentes, devant intervenir en tant que prestataire, sur un périmètre plus large, intégrant l'ensemble des filiales du groupe Lagardère (ses conclusions p.4).
S'il ressort de la pièce n°126 de l'appelant que M. [J] connaissait M. [L] 'un de ses clients internes' lorsque celui-ci travaillait au sein de la société HFA, cette circonstance n'implique pas l'existence d'un lien de subordination avec la société Lagardère Ressources.
Surabondamment, la relation contractuelle entre M. [L] et la société Lagardère Ressources a pris fin en décembre 2020 au motif, selon l'intimée, que celle-ci n'interférait plus dans les politiques des filiales du groupe en matière de 'voyages et déplacements', les filiales définissant elles-mêmes leur politique dans ce domaine sans l'appui et la supervision de la société Lagardère Ressources.
L'intimée rapporte la preuve (sa pièce n°4) que M. [L] a alors proposé ses prestations de services directement aux filiales, les démarchant dès le 19 octobre 2020 pour leur faire une offre de services, et ce en tant que prestataire, comme il s'est présenté auprès de la société Lagardère Ressources pendant 14 ans.
En l'absence de lien de subordination démontré et par conséquent de contrat de travail, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [L].
3- sur les dépens et les frais irrépétibles.
Le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [L] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il sera condamné à payer à la société Lagardère Ressources la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.
Il sera débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du 12 juin 2024,
Y ajoutant,
Condamne M. [M] [L] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne M. [M] [L] à payer à la société Lagardère Ressources la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure,
Déboute M. [M] [L] de sa demande à ce titre.
Dit que le greffier de la cour notifiera le présent arrêt aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception conformément à l'article 87 du code de procédure civile,
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente,