Décisions

ADLC, 19 décembre 2024, n° 24-D-11

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la distribution de produits électroménagers

L'Autorité de la concurrence (section III),

Vu la demande des sociétés Robert Bosch GmbH et Siemens AG et de certaines de leurs filiales, notamment la société BSH Electroménager SAS, formulée auprès du rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence le 3 décembre 2013, enregistrée sous le numéro 13/0089 AC, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions du IV de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu l'avis de clémence n° 15-AC-02 du 9 juillet 2015 concernant les sociétés Robert Bosch GmbH et Siemens AG, ainsi que certaines de leurs filiales, notamment la société BSH Electroménager SAS ;

Vu la décision n° 15-SO-09 du 9 juillet 2015, enregistrée sous le numéro 15/0065 F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 101 ; Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;

Vu la décision du 16 août 2016 procédant à la disjonction de l'instruction d'une partie du dossier enregistré sous le numéro 15/0065 F, enregistrée sous le numéro 16/0071 F ;

Vu le procès-verbal de transaction du 26 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés BSH Électroménager SAS, BSH Finance and Holding GmbH et BSH Hausgerate GmbH en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

Vu le procès-verbal de transaction du 26 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés Eberhardt SAS et Société civile Fineb en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu le procès-verbal de transaction du 26 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés LG Electronics France SAS, LG Electronics European Holding B.V. et LG Electronics Inc. en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu le procès-verbal de transaction du 26 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés Miele société par actions simplifiée, Imanto AG et Miele Beteiligungs GmbH en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

* version publique

Vu les procès-verbaux de transaction du 26 mai 2023 signés par le rapporteur général adjoint et les sociétés RRH France et Varta Consumer Europe Holding GmbH en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

Vu le procès-verbal de transaction du 26 mai 2023 par le rapporteur général adjoint, les sociétés Smeg France SAS et Smeg S.p.A. en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu le procès-verbal de transaction du 30 mai 2023 par le rapporteur général adjoint, les sociétés Whirlpool France SAS et Whirlpool EMEA S.p.A. en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu le procès-verbal de transaction du 30 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés KitchenAid Europa Inc., Whirlpool France SAS, Whirlpool Luxembourg, Whirlpool International Manufacturing S.à.r.l et Whirlpool Corporation en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

Vu le procès-verbal de transaction du 30 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés Haier France SAS, Candy France et Candy S.p.A. en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu le procès-verbal de transaction du 30 mai 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés Electrolux France et AB Electrolux en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce;

Vu le procès-verbal de transaction du 28 juin 2023 signé par le rapporteur général adjoint, les sociétés Établissements Darty et Fils SAS, Darty Grand Est SNC, Darty Grand Ouest SNC, Kesa France SA et Darty Limited en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

Vu les lettres des 5, 12, 19 et 26 mai 2023, 2 et 7 juin 2023, 22 novembre 2023 et 15 décembre 2023 par lesquelles les sociétés Philips France Commercial SASU et Koninklijke Philips NV ; les sociétés Établissements Darty et Fils SAS, Darty Grand Est SNC, Darty Grand Ouest SNC, Kesa France SA et Darty Limited ; et les sociétés Boulanger SA et United.B SA ont saisi le conseiller auditeur ;

Vu les avis du conseiller auditeur des 12 et 16 juin 2023, 4 décembre  2023 et 3 janvier 2024 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les observations présentées par les sociétés BaByliss SARL, BaByliss Holding, Conair Cooperatief U.A., Boulanger SA, United.B SA, Groupe Cogia, ARB, De Longhi France SAS, De Longhi Appliances SRL, De Longhi S.p.A., Laurastar France SRL, Laurastar Group SA, Magimix, Rameur, Philips France Commercial SASU, Koninklijke Philips NV, SEB SA, Groupe SEB France, Groupe SEB Retailing, le Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipements ménagers et la commissaire du Gouvernement ;

Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, les représentants des sociétés BaByliss SARL, BaByliss Holding, Conair Cooperatief U.A., Boulanger SA, United.B SA, Groupe Cogia, ARB, De Longhi France SAS, De Longhi Appliances SRL, De Longhi S.p.A., Laurastar France SRL, Laurastar Group SA, Magimix, Rameur, Philips France Commercial SASU, Koninklijke Philips NV, SEB SA, Groupe SEB France, Groupe SEB Retailing, BSH Électroménager SAS, BSH Finance and Holding GmbH, BSH Hausgerate GmbH, Eberhardt SAS, Société civile Fineb, LG Electronics France SAS, LG Electronics European Holding B.V., LG Electronics Inc., Miele société par actions simplifiée, Imanto AG,. Miele Beteilgungs GmbH, RRH France, Varta Consumer Europe Holding GmbH, Smeg France SAS, Smeg S.p.A., Whirlpool France SAS, Whirlpool EMEA S.p.A, KitchenAid Europa Inc., Whirlpool Luxembourg, Whirlpool International Manufacturing S.à.r.l, Whirlpool Corporation, Haier France SAS, Candy France, Candy S.p.A., Electrolux France, AB Electrolux, Établissements Darty et Fils SAS, Darty Grand Est SNC, Darty Grand Ouest SNC, Kesa France SA, Darty Limited, du Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipements ménagers et la commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence des 5, 6 et 14 mars 2024 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l'Autorité de la concurrence (ci-après l'« Autorité») sanctionne à hauteur de 611 millions d'euros plusieurs entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits de gros et de petit électroménager. Elle sanctionne, d'une part, dix fournisseurs pour avoir, chacun, mis en œuvre une entente généralisée avec ses distributeurs pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de ses produits et, d'autre part, deux distributeurs pour avoir chacun mis en œuvre une entente généralisée avec ses fournisseurs aux mêmes fins.

Ces pratiques ont été révélées notamment par plusieurs indices transmis à l'Autorité par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en 2011 et 2012.

Les 17 octobre 2013 et 27 mai 2014, des opérations de visite et de saisie ont été menées dans les locaux de seize fabricants ou distributeurs de produits de petit et gros électroménagers, ainsi que dans ceux du syndicat professionnel du secteur, le Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipements ménagers (ci-après le« GIFAM »).

À la suite de ces opérations, la société BSH Électroménager SAS et d'autres sociétés du même groupe ont présenté une demande de clémence. L'Autorité a rendu, le 19 juillet 2015, un avis lui accordant le bénéfice conditionnel d'une réduction de sanction.

Le 16 août 2016, le rapporteur général adjoint a disjoint une partie des faits relatifs à des pratiques d'entente horizontale, qui ont fait l'objet d'une procédure distincte et ont conduit à une décision du 5 décembre 2018 sanctionnant six entreprises.

Dans la présente affaire, le rapporteur général a notifié treize griefs à dix-sept entreprises, fabricants ou distributeurs, ainsi qu'au GIFAM, pour des pratiques prohibées au titre de l'article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 420-1 du code de commerce.

Le premier grief, notifié à quatorze fabricants ainsi qu'au GIFAM, concernait l'échange de données individualisées et récentes sur les volumes de ventes par catégorie de produits de petit électroménager, par l'intermédiaire d'un module informatique mis à disposition par le GIFAM.

Les douze autres griefs concernaient des ententes verticales généralisées entre fabricants et distributeurs consistant à fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de produits de petit et gros électroménager.

Non-acquisition de la prescription décennale

Plusieurs entreprises mises en cause ont soutenu que les pratiques qui leur étaient reprochées étaient prescrites, en application de la règle de prescription décennale prévue par l'article L. 462-7 du code de commerce.

Cet article dispose que ladite prescription est suspendue pendant la durée d'une éventuelle procédure de recours formée contre une opération de visite et de saisie. Il a été soutenu que les entreprises qui n'ont pas fait l'objet d'une telle opération ou qui n'ont pas fait de recours devaient a contrario bénéficier de la prescription résultant de l'écoulement d'une durée de dix ans depuis la fin des pratiques en cause.

L'Autorité a rejeté cet argument, en considérant que les causes de suspension de la prescription décennale prévues par l'article L. 462-7 suspendent la prescription vis-à-vis de toutes les parties en cause, et non seulement vis-à-vis de celles qui, comme en l'espèce, ont introduit un recours à l'encontre des opérations de visite et de saisie.

Entente verticale sur les prix de vente au détail entre fabricants et distributeurs de produits électroménagers (griefs n° 2 à 13).

Dix entreprises ont choisi de ne pas contester la réalité des griefs et de bénéficier de la procédure prévue par le III de l'article L. 464-2 du code de commerce, en vertu de laquelle le rapporteur général soumet une proposition de transaction fixant les montant minimal et maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Seules les sociétés des groupes SEB et Boulanger ont contesté les griefs, et notamment les griefs d'entente verticale sur les prix de vente au détail.

Au regard des multiples pièces saisies par les services d'instruction, éclairées par les déclarations de plusieurs distributeurs, l'Autorité a examiné la stratégie de SEB face au développement des ventes en ligne, la communication continue de prix conseillés aux distributeurs et les mesures prises à la suite de cette communication. Elle a observé que SEB non seulement exerçait elle-même un contrôle des prix de revente de ses produits sur Internet, mais bénéficiait en outre du contrôle de ces prix que les distributeurs exerçaient les uns à l'égard des autres, ce qui lui permettait d'agir en cas de non-respect des prix conseillés pour favoriser leur maintien au niveau souhaité.

L'Autorité a conclu qu'il résultait d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants qu'il a existé entre SEB et ses distributeurs, entre le 12 novembre 2008 et le 15 octobre 2013, un accord de volontés sur l'application de la stratégie unilatérale de SEB quant au niveau des prix de détail des produits de petit électroménager. Il est apparu que cette pratique avait un caractère généralisé, en ce qu'elle révélait la volonté de SEB de voir maintenir, par un éventail large de distributeurs, le prix de revente de ses produits à un niveau artificiellement élevé.

L'Autorité a considéré que cette entente verticale, qui a présenté un degré de nocivité certain pour le libre jeu de la concurrence par les prix, constituait une restriction par objet de la concurrence sur le marché des produits de petit électroménager.

Quant à Boulanger, l'Autorité a constaté, au regard des preuves documentaires issues d'échanges avec les fabricants, ainsi que des échanges internes aux fabricants eux-mêmes, une adhésion et une participation active de ce distributeur à la politique de prix de ces derniers. Les pièces du dossier ont mis en évidence en outre que Boulanger a exercé une surveillance à l'égard des autres distributeurs en vue d'assurer l'application de cette politique.

L'Autorité a relevé l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants selon lesquels Boulanger a acquiescé aux demandes de fixation, de maintien ou de remontée de prix de produits électroménagers formulées par plusieurs fournisseurs, en l'espèce six d'après les éléments du dossier caractérisant un accord de volontés. Boulanger s'est ainsi inscrite de manière manifestement délibérée dans un fonctionnement de marché où les deux principaux distributeurs, Boulanger et Darty, contribuaient à maintenir les prix de vente à un niveau considéré comme acceptable par les fournisseurs, au nom de la « préservation de la valeur».

L'acquiescement de Boulanger, de même que les invitations auxquelles elle répondait, portait sur un éventail large de familles de produits de petit comme de gros électroménager, et concernait un nombre très significatif de fabricants et fournisseurs, donnant dès lors à l'entente un caractère généralisé.

Considérant que le comportement de Boulanger tendait par essence à diminuer la pression concurrentielle à laquelle elle faisait face, et tenant compte du degré certain de nocivité de ce comportement, l'Autorité a conclu que Boulanger avait participé à une entente constitutive d'une restriction de concurrence par objet entre le 16 juin 2010 et le 15 octobre 2013.

En conséquence, l'Autorité a prononcé au titre de ces douze griefs des sanctions pécuniaires d'un montant total de 611 000 000 d'euros, qui se répartit comme suit :

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En sus des sanctions pécuniaires infligées, l'Autorité enjoint aux entreprises sanctionnées de publier un résumé de la décision dans l'édition papier et sur le site internet des journaux Le Monde et Les Échos.

Échanges de données par l'intermédiaire du GIFAM (grief n° 1)

S'agissant du premier grief, relatif à des échanges de données individualisées et récentes sur les volumes de ventes par catégorie de produits de petit électroménager par l'intermédiaire du module Échange par marque de l' extranet GIFAM Instantané mis à disposition par le syndicat professionnel du secteur, l'Autorité a considéré, au vu du fonctionnement concret du marché et des circonstances spécifiques à l'espèce, que les informations échangées n'avaient pas un caractère stratégique au sens où leur transmission aurait eu pour effet de restreindre l'autonomie des entreprises participantes. Par conséquent, l'Autorité a écarté tout effet restrictif de concurrence, même potentiel, et prononcé un non-lieu pour ce grief.

I. Constatations

1. Seront successivement présentés la procédure (A), les secteurs d'activité concernés (B), les entités concernées (C), les pratiques relevées (D) et les griefs notifiés (E).

A. LA PROCEDURE

2. À la suite de la transmission de plusieurs indices par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après « DGCCRF ») entre le 8 juin 2011 et le 28 mars 2012, une enquête a été ouverte par l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») le 21 mai 2012 dans le secteur de la fabrication et la commercialisation de produits électroménagers.

3. Le 17 octobre 2013, des opérations de visite et saisie (ci-après« OVS ») ont été menées dans les locaux des sociétés BSH Électroménager SAS, Eberhardt Frères, Electrolux Home Products France et Electrolux France, Fagorbrandt, Groupe SEB France et Groupe SEB Retailing, Indesit Company France, LG Electronics France SAS, Miele société par actions simplifiée, Samsung Electronics France, Smeg France SAS, Établissements Darty et Fils SAS (enseigne Darty France), Gemdis, Gpdis Centre Sud Est (enseigne SLD) et Pulsat Synthese.

4. Le 27 mai 2014, des OVS ont été menées dans les locaux des sociétés Groupe Candy Hoover, Whirlpool France SAS et du syndicat Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipements ménagers (ci-après le« GIFAM »).

5. Par un avis de clémence n° 15-AC-02 du 9 juillet 2015, l'Autorité a accordé aux sociétés Robert Bosch Gmbh et Siemens AG, ainsi qu'à certaines de leurs filiales, notamment la société BSH Électroménager SAS, le bénéfice conditionnel d'une réduction partielle de sanction, au titre de la clémence, de 25 à 45 %.

6. Par décision n° 15-SO-09 du 9 juillet 2015, enregistrée sous le numéro 15/0065 F, l'Autorité s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers.

7. Par décision du 16 août 2016, le rapporteur général adjoint a disjoint du dossier 15/0065 F la partie de cette affaire relative à certaines des pratiques horizontales intervenues dans le secteur des produits électroménagers, enregistrée sous un nouveau numéro d'enregistrement, le numéro 16/0071 F.

8. Par décision du 5 décembre 20182, à la suite de l'instruction d'une partie de la demande de clémence et de l'affaire, respectivement enregistrées sous les numéros 13/0089 AC et 16/0071 F, puis d'une procédure de transaction en application du III de l'article L. 464-2 du code de commerce, l'Autorité a sanctionné les entreprises BSH Électroménager SAS, Candy Hoover, Eberhardt Frères SAS, Electrolux France, Indesit et Whirlpool France SAS pour avoir participé à deux ententes horizontales. Cette décision n'a pas fait l'objet de recours.

9. Le 21 février 2023, le rapporteur général a adressé une notification de griefs dans le cadre du dossier 15/0065 F, portant sur des pratiques prohibées au titre de l'article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE ») et de l'article L. 420-1 du code de commerce aux entités suivantes :

- BaByliss,  BaByliss  Holding,  Conair  Cooperatief  U.A., Conair  Corporation (ci-après ensemble dénommées« BaByliss »);

- Boulanger SA, United.B SA (ci-après« Boulanger»);

- BSH Électroménager SAS, BSH Finance and Holding GmbH, BSH Hausgerate GmbH (ci-après« BSH »);

- Haier France SAS, Candy France, Candy, ARB (ci-après« Candy Hoover»);

- Groupe Cogia (ci-après« Cogia »);

- Établissements Darty et Fils SAS, Darty Grand Est SNC, Darty Grand Ouest SNC, Kesa France SA, Darty Limited (ci-après« Darty »);

- De Longhi France, De Longhi Appliances, De Longhi (ci-après « De Longhi ») ;

- Eberhardt SAS, Société civile Fineb (ci-après« Eberhardt»);

- Electrolux France, AB Electrolux (ci-après« Electrolux »);

- GIFAM;

- Laurastar France, Laurastar Group (ci-après« Laurastar »);

- LG Electronics France SAS, LG Electronics European Holding B.V., LG Electronics Inc. (ci-après LG ») ;

- Magimix, Rameur (ci-après« Magimix »);

- Miele société par actions simplifiée, Imanto AG, Miele Beteiligungs GmbH (ci-après « Miele ») ;

- Philips France Commercial, Koninklijke Philips (ci-après« Philips »);

- Groupe SEB France, Groupe SEB Retailing, SEB SA (ci-après« SEB »);

- Smeg France SAS, Smeg S.p.A. (ci-après« Smeg »);

- Varta Consumer Europe Holding et RRH France (ci-après« Varta »); et

- Whirlpool EMEA S.p.A., KitchenAid Europa Inc., Whirlpool France SAS, Whirlpool Corporation, Whirlpool Luxembourg et Whirlpool International Manufacturing S.à.r.l (ci-après« Whirlpool »).

10. Par procès-verbaux du 26 mai 2023, BSH, Eberhardt, LG, Miele, Smeg et Varta se sont engagées, en vertu du III de l'article L. 464-2 du code de commerce, à ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés. Par procès-verbaux du 30 mai 2023, Candy Hoover, Electrolux et Whirlpool se sont engagées, en vertu des mêmes dispositions, à ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés. Par procès-verbal du 28 juin 2023, Darty s'est engagée, en vertu des mêmes dispositions, à ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Lors de la séance du 14 mars 2024, ces sociétés ont toutes confirmé, solennellement et en toute connaissance de cause, leur plein accord avec les termes de la transaction.

11. Les entreprises BaByliss, Boulanger, Cogia, De Longhi, Laurastar, Magimix, Philips et SEB, ainsi que le GIFAM, ont contesté les griefs et se sont vu adresser le rapport le 26 septembre 2023. Elles ont été entendues les 5 et 6 mars 2024 lors de la séance devant l'Autorité.

B. LES SECTEURS D'ACTIVITÉ CONCERNES

12. Les secteurs concernés par les pratiques sont le secteur de la fabrication et du négoce de produits de gros et de petit électroménager ainsi que le secteur de la distribution de ces produits.

1. LES PRODUITS CONCERNES

13. Les produits concernés par les pratiques en cause sont les produits électroménagers dits «blancs», lesquels regroupent, d'une part, les produits de gros électroménager (lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle, réfrigérateur, congélateur, cuisinière, table de cuisson, hotte et four à micro-ondes) et, d'autre part, les produits de petit électroménager (aspirateur, fer à repasser, centrale vapeur, robot culinaire, friteuse, bouilloire, cafetière filtre, cafetière expresso, grille-pain, épilation féminine, soin masculin et appareils de coiffure)3.

a) Les produits de gros électroménager

14. Le segment des produits de gros électroménager (ci-après « GEM ») concerne les biens d'équipement du foyer. Il regroupe une grande diversité d'appareils qui peuvent être regroupés en trois grandes familles : (i) les équipements de production et de conservation du froid (25 % des ventes« grand public» en 2021), (ii) les appareils pour la cuisson (35 % des ventes « grand public » en 2021) et (iii) les solutions de lavage (40 % des ventes « grand public» en 2021)4.

15. Au sein de ces familles de produits, une distinction doit être faite entre les produits vendus en pose-libre («free-standing ») qui peuvent être disposés librement (67 % des ventes en valeur en 2021), et les produits encastrables ou intégrables (« built-in ») qui s'insèrent dans une niche ou un coffre prévu à cet effet (33 % des ventes en valeur en 2021)5.

b) Les produits de petit électroménager

16. Le segment des produits de petit électroménager (ci-après« PEM ») regroupe lui aussi une grande diversité  d'appareils  qui peuvent  être regroupés  en six grandes  familles : (i) l'entretien des sols (les appareils d'entretien des sols) (29 % des ventes« grand public» en  2020),  (ii) l'entretien  du  linge  (les  appareils  de repassage)  (5  %  des  ventes « grand public » en 2020), (iii) la préparation culinaire et cuisson (les robots culinaires et les friteuses) (25 % des ventes« grand public» en 2020), (iv) petit-déjeuner (les bouilloires, les machines à café, les grille-pains et les appareils à jus) (17 % des ventes « grand public » en 2020), (v) beauté et bien-être (rasage et épilation et les appareils de coiffure) (18 % des ventes « grand public» en 2020) et (vi) appareils d'entretien de l'air (6 % des ventes« grand public» en 2020)6.

c) Chiffres clés

17. Selon le bilan économique publié sur le site internet du GIFAM, les ventes de produits électroménagers en France représentaient un montant total de 7,6 milliards d'euros en 20147 et 9,9 milliards d'euros en 20218.

18. En valeur, les produits GEM représentent une part plus importante du secteur que les produits PEM, avec 60 % du chiffre d'affaires en 20219. La part qu'ils représentaient en 2011 était plus importante encore, avec 69,2 % du chiffre d'affaires10.

2. L'ORGANISATION ET LES ACTIVITES DES SECTEURS D'ACTIVITE CONCERNES

a) Le secteur de la fabrication et du négoce de produits électroménagers

Les produits de GEM

19. Le secteur des produits de GEM est caractérisé par la présence d'un nombre limité de grands groupes internationaux. Un certain nombre d'entre eux disposait, au moment des faits, de sites de production en France, alors que d'autres importaient l'intégralité de leurs produits. Selon l'étude Xerfi « Fabricants et importateurs d'appareils électroménagers» de mai 2012, les cinq principaux fabricants mondiaux de l'électroménager (Whirlpool, Electrolux, BSH, Fagor et Indesit) représentaient plus de 50 % des ventes de produits du GEM en France11. Outre ces cinq groupes, les principaux fabricants de GEM incluaient alors LG, Samsung, Panasonic, Miele et Arçelik (Beko)12.

20. Pour la distribution de leurs produits en France, les fabricants de produits de GEM disposaient d'ordinaire d'une filiale française, laquelle gérait la distribution de leurs produits sur le territoire national. Les filiales nationales négociaient ensuite, pour certains clients, avec des centrales d'achats et de référencement, qu'il s'agisse de produits sous leur marque ou de produits sous marque de distributeur. À cet égard, la distribution de ces produits passait par des réseaux de grande distribution qui vendent sous leur propre enseigne, comme par exemple les grands acteurs de la distribution à dominante alimentaire ou les grandes surfaces spécialisées comme Darty ou Boulanger.

21. Au moment des faits, les principaux acteurs de la distribution de produits de GEM en France (hors grande distribution à dominante alimentaire) étaient HTM (enseignes Boulanger et Electro Dépôt mais aussi sites de vente en ligne tels que WebDistrib), Darty, Findis, Ubaldi, Selectis (centrale à laquelle But a adhéré en 2011), Ex&Co (enseignes Expert et Connexion, GPdis (Discounteo, Pulsat), et AMS (Electromust).

Les produits de PEM

22. Le secteur des produits de PEM est quant à lui plus atomisé.

23. On y trouve certains des fabricants déjà identifiés ci-dessus, comme Electrolux, BSH ou Fagor, ou des acteurs spécialisés dans le PEM, comme SEB.

24. L'étude Xerfi précitée rapporte que le groupe SEB était le « leader incontesté» du marché du PEM, suivi par le groupe PHILIPS13. Il ressort également d'une étude Xerfi de septembre 2021 que le groupe SEB est le numéro 1 du marché français du PEM et qu'il est « [l']unique fabricant national à couvrir tous les segments du marché »14.

25. La distribution des produits de PEM suit les mêmes principes que celle des produits de GEM ainsi que décrit plus haut au paragraphe 20.

b) Le secteur de la distribution de produits électroménagers

26. Les produits électroménagers sont distribués par quatre principaux circuits de distribution :

- les détaillants spécialisés, qu'il s'agisse de grandes surfaces spécialisées comme celles de groupe Fnac-Darty ou HTM (Boulanger et Electro Dépôt) ou de magasins de proximité (enseignes des groupes Findis (Extra, Proxi Confort, Domial, etc.), MDA Company (Pulsat, MDA, etc.) ou Thuillier (Pro&Cie, Ax'Home);

- les pure players de la vente en ligne et notamment les acteurs généralistes comme Amazon, ou Cdiscount (groupe CNOVA) ;

- les grandes surfaces alimentaires (Auchan, Carrefour, E.Leclerc, etc.) ;

- les spécialistes de 1'ameublement, notamment les enseignes But et Conforama.

27. En 2012, la majorité des ventes « grand public» des produits de GEM étaient assurées par les magasins spécialisés (41 % en grandes surfaces et 23 % en magasins de proximité). Le reste des ventes étaient effectuées par les cuisinistes (18 %), les grandes surfaces alimentaires (9 %) ou la vente à distance et les grands magasins (9 %).

28. La même année, la majorité des ventes « grand public » des produits de PEM étaient assurées par les grandes surfaces alimentaires (44 %). Le reste des ventes étaient effectuées par les grandes surfaces spécialisées (35 %), les magasins de proximité (10 %) et les ventes à distance ou dans des grands magasins (11 %).

c) La distribution par Internet des produits électroménagers

29. D'après une étude Xerfi de 201915, entre 1999 et 2007, la demande d'appareils électroménagers « grand public » a sensiblement augmenté, ce qui a permis aux distributeurs de produits blancs, et notamment aux enseignes nationales telles que Darty, Boulanger, Pulsat ou Euronics, d'augmenter leur chiffre d'affaires, de renforcer leurs parcs de magasins et ainsi « [d']afficher une solide résistance à la montée en puissance des pure players (généralistes ou spécialisés) sur le marché »16.

30. Cette étude indique par ailleurs que, depuis la fin des années 2000 et en particulier depuis 2008, les modes de commercialisation des produits blancs ont été bouleversés par l'arrivée de distributeurs pure players en ligne très offensifs tels qu'Amazon, Rueducommerce, Pixmania ou Cdiscount17. Ces distributeurs ont proposé des catalogues très étoffés et des politiques tarifaires attractives en raison de la baisse structurelle des prix des biens techniques et de l'intérêt croissant des ménages pour l'achat en ligne18.

31. D'après une étude Xerfi de 2013, les parts de marché de la distribution par Internet dans la distribution de produits blancs ont été multipliées par deux entre 2008 et 201219. En outre, en 2020, les ventes par Internet représentaient, en valeur, 26 % des ventes de produits de GEM20 et 26 % des ventes de produits de PEM21.

32. Enfin, entre 2008 et 2019, le chiffre d'affaires des distributeurs spécialisés de produits blancs a progressé de 25,8 %22. Le poids du circuit spécialisé dans la distribution d'électroménager et d'électronique a atteint près de 50 % du marché en valeur en 201923. La dynamique du circuit spécialisé est « essentiellement soutenue par la montée en puissance des grandes surfaces spécialisées (Darty, Boulanger, etc.) », puisque ces dernières « se sont rapidement positionnées dans la vente en ligne et ont accentué leurs politiques tarifaires offensives »24. L'étude soulignait que, en parallèle, les magasins de proximité peinaient à rivaliser25.

C. LES ENTITES CONCERNEES

1. BABYLISS (GROUPE CONAIR)

33. Le groupe Conair fabrique et commercialise des produits de PEM, plus particulièrement dans les catégories beauté et bien-être.

34. Le groupe Conair détient plusieurs marques telles que Cuisinart, Conair, BaByliss, Scunci et Waring26.

35. En France, le groupe Conair est présent à travers la société BaByliss SARL.

36. BaByliss SARL fabrique et commercialise des produits de PEM, et plus particulièrement les produits des catégories suivantes : lisseurs, sèche-cheveux et tondeuses27.

37. En 2023, le chiffre d'affaires de BaByliss en France était de [150-200] millions d'euros.

2. BOULANGER (GROUPE HTM)

38. Créé en 1954, le groupe Boulanger est devenu le groupe HTM Group (High Tech Multicanal) en 200728. HTM Group détient plusieurs entreprises de distribution de produits électrodomestiques29 et notamment les enseignes Boulanger et Electro Dépôt, qui regroupent les grandes surfaces spécialisées dans la distribution d'électroménager et de multimédia. Il détenait par ailleurs, jusqu'à sa fermeture en juin 2019, le distributeur en ligne webdistrib.com.

39. En 2018, l'enseigne Boulanger comptait 143 points de vente en France et commercialisait plus de 25 000 références de produits électroniques « grand public » et électroménagers, en magasin et sur son site marchand30. Depuis 2014, l'entreprise s'est dotée d'une place de marché en ligne31.

40. En 2021, le chiffre d'affaires de Boulanger en France était de [3-4] milliards d'euros.

3. BSH

41. Fondé en 1967 en Allemagne sous la forme d'une entreprise commune entre les sociétés Robert Bosch GmbH et Siemens AG, le groupe BSH (Bosch und Siemens Hausgerate GmbH, détenu à 100 % par le groupe Bosch depuis 2015) est le premier fabricant de produits électroménagers en Europe et le deuxième fabricant au niveau mondial32.

42. BSH détient 38 usines d'électroménager et un portefeuille de 14 marques dont Bosch, Siemens, Gaggenau et Neff. BSH propose à la fois des produits de PEM et de GEM33.

43. En France, BSH intervient à la fois dans la production (site de production de Gaggenau Industries) et le négoce de produits électroménagers.

44. BSH Electromenager est la filiale de négoce du groupe en France, et à ce titre, elle importe et distribue une large gamme de produits électroménagers34.

45. En 2022, le chiffre d'affaires mondial du groupe BSH était de [15-20] milliards d'euros, dont [550-600] millions d'euros en France.

4. CANDY HOOVER (GROUPE HAIER)

46. Le groupe Haier, créé en 1984, est l'un des principaux fabricants mondiaux de produits électroménagers et commercialise ses produits dans une centaine de pays35.

47. En 2018, le groupe Haier a racheté le groupe Candy Hoover qui détenait une société de distribution, Candy Hoover, et une filiale industrielle, Usines de Rosières, dont l'activité de production a cessé en 202136.

48. Le groupe Haier détient les marques suivantes : Haier, Casarte, Leader, GE Appliances, Fisher & Paykel, Aqua et Candy37.

49. Ses principaux produits sont les réfrigérateurs, les lave-linges et lave-vaisselles, les climatiseurs et l'électroménager de cuisine et chauffe-eau.

50. En 2021, le chiffre d'affaires mondial du groupe Haier était de [30-35] milliards d'euros, dont une majeure partie réalisée en Chine.

51. Le groupe Haier possède une activité de négoce en France, exercée par ses filiales Candy Hoover et Candy Hoover Service38.

52. En 2022, le chiffre d'affaires du groupe Candy Hoover en France était d'environ [250-300] millions d'euros.

5. COGIA

53. Cogia est actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de PEM. Le groupe détient notamment les marques Riviera-Et-Bar, Simeo et Astoria.

54. Les principales catégories de produits du groupe sont les suivantes cuisson (fours, micro-ondes), entretien du linge (appareils de repassage), préparation culinaire (robots culinaires, friteuses) et petit-déjeuner (bouilloires, machines à café, grille-pains et appareils à jus).

55. Cogia est composé de plusieurs sociétés dont Groupe Cogia SAS, entité faîtière, et ARB SAS. Cette dernière société est active dans le commerce en gros, demi-gros et détail de tous articles électroménagers, appareils électriques et en général le négoce de tous objets mobiliers, ainsi que la prise de participation directe ou indirecte dans toutes sociétés39.

56. En 2016, le chiffre d'affaires de Groupe Cogia SAS était de [30-40] millions d'euros.

6. LE GROUPE FNAC-DARTY

57. Le groupe Fnac-Darty est issu du rachat de Darty par la Fnac en 201640. Il est le leader français de la distribution de biens culturels et d'articles d' électrodomestique. En outre, il s'agit en France du deuxième acteur français sur le canal du e-commerce, et le premier en ce qui concerne les produits de PEM et de GEM (« produits blancs »)41.

58. Le groupe Fnac-Darty intervient sur quatre segments d'activité : les produits électroniques, l'électroménager, les produits éditoriaux, les autres produits et services42.

59. L'enseigne Darty est spécialisée dans la vente aux particuliers de produits électrodomestiques et électroniques« grand public».

60. En 2014, Darty a racheté le pure player Mistergooddeal, site spécialisé dans la vente de produits électrodomestiques43. Depuis quelques années, l'activité du site a été recentrée sur le petit et le gros électroménager, et des services supplémentaires ont été intégrés, comme le retrait dans les magasins Darty44.

61. En 2023, le chiffre d'affaires mondial du groupe Fnac-Darty était de [7-10] milliards d'euros, dont [5-7] milliards réalisés en France et en Suisse.

7. LE GROUPE DE LONGHI

62. Le groupe De Longhi est actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de GEM et de PEM.

63. Il détient plusieurs marques telles que De Longhi, Kenwood, Braun, Nutribullet et Ariete45.

64. Les principales catégories de produits du groupe sont les suivantes : lavage, cuisson, entretien du linge, préparation culinaire et petit-déjeuner.

65. En 2021, le chiffre d'affaires mondial du groupe De Longhi était de [3-5] milliards d'euros, et celui de la société De Longhi France était de [200-250] millions d'euros.

8. LE GROUPE EBERHARDT (ANCIENNEMENT EBERHARDT FRERES)

66. Le groupe Eberhardt, dénommé Eberhardt Frères jusqu'en 2020, est actif dans la commercialisation de produits de GEM et de PEM.

67. Il commercialise notamment Asko et Falmac, et, jusqu'au 1er janvier 2024, la marque Liebherr46.

68. Les principales catégories de produits du groupe sont les suivantes : froid, lavage, cuisson, petit-déjeuner et entretien du linge47.

69. En 2021, le chiffre d'affaires du groupe Eberhardt était de [150-200] millions d'euros48.

9. LE GROUPE ELECTROLUX

70. Le groupe Electrolux fabrique et commercialise des produits de PEM et de GEM.

71. Le groupe détient les marques Electrolux, AEG, Anova, Frigidaire, Westinghouse et Zanussi49.

72. Les principales catégories de produits des marques du groupe Electrolux sont les suivantes : froid (réfrigérateurs et congélateurs), lavage (lave-vaisselles, lave-linges et sèche-linges), cuisson (fours, plaques de cuisson, micro-ondes, cuisinières et hottes) et entretien des sols (aspirateurs).

73. En ce qui concerne la France, le groupe Electrolux détient la filiale Electrolux France. Depuis la cession de son usine de fabrication de produits de gros électroménager en 2016, ses activités se concentrent exclusivement sur l'activité de négoce50.

74. En 2021, le chiffre d'affaires mondial du groupe Electrolux s'élevait à [10-15] milliards d'euros dont environ [350-450] millions d'euros en France.

10. LEGIFAM

75. Le GIFAM a été créé en 1967 par trois syndicats professionnels des secteurs du froid domestique, de la construction électrique, du chauffage et de la cuisson au gaz51.

76. Le GIFAM, qui utilise aussi désormais l'identité visuelle « Groupement des marques d'appareils pour la maison», se présente comme un groupement « rassembl[ant] une centaine de marques, grands groupes internationaux et PME, qui accompagnent le consommateur au quotidien en proposant des produits innovants en électroménager et confort thermique électrique, sous des marques de grande notoriété »52.

77. Le GIFAM édite notamment chaque année le bilan des ventes en valeur et en volume sur le marché français des appareils électroménagers, en global et par segments53.

11. LE GROUPE LAURASTAR

78. Le groupe Laurastar est actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de PEM.

79. La principale catégorie de produits du groupe est l'entretien du linge, et plus particulièrement les appareils de repassage54.

80. En 2020, le chiffre d'affaires de Laurastar France SRL était de [8-10] millions d'euros, et le celui de Laurastar Group SA était de [50-70] millions de francs suisses (environ [50-70] millions d'euros).

12. LE GROUPE LG

81. Le groupe LG fabrique et commercialise des produits de PEM et de GEM, dont les catégories suivantes : froid (réfrigérateurs), lavage (lave-vaisselles, lave-linges et sèche-linges), cuisson (fours micro-ondes) et entretien des sols (aspirateurs).

82. En France, la société LG Electronics France importe et distribue des matériels électroniques (télévision, son et audio, informatique), des climatiseurs et chauffe-eau thermodynamiques et des produits d' électroménager55.

83. En 2020, le chiffre d'affaires du groupe LG était de [30-50] milliards d'euros. Celui de LG Electronics France était de [400-500] millions d'euros.

13. LE GROUPE MAGIMIX

84. Le groupe Magimix est actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de PEM, principalement pour la préparation culinaire, la cuisson et le petit-déjeuner.

85. En 2021, le chiffre d'affaires de Magimix était de [100-150] millions d'euros dont un peu plus de la moitié réalisé en France.

14. LE GROUPE MIELE

86. Le groupe Miele fabrique et commercialise des produits de GEM et de PEM, principalement pour le froid, le lavage, la cuisson, 1'entretien des sols, 1'entretien du linge et le petit-déjeuner.

87. En France, les activités de Miele se concentrent sur l'activité de négoce56.

88. En 2020, le chiffre d'affaires du groupe Miele était de [4-5] milliards d'euros, dont [150-200] millions en France.

15. LE GROUPE PHILIPS

89. Le groupe Philips était actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de PEM.

90. Le portefeuille de Philips France Commercial comportait notamment des produits des catégories suivantes : entretien des sols (aspirateurs) et petit-déjeuner (machines à café et appareils à jus).

91. Jusqu'au 31 août 2021, Philips France Commercial, était actif dans la fourniture de produits de PEM en France. Depuis le 1er septembre 2021, Philips France Commercial a cédé son activité de fourniture de produits électroménagers au fonds d'investissement Hillhouse Capital57.

92. En 2023, le chiffre d'affaires mondial du groupe Philips était de [15-20] milliards d'euros, celui de Philips France Commercial [500-600] millions d'euros.

16. REMINGTON (GROUPE SPECTRUM BRANDS)

93. Le groupe Spectrum Brands est actif dans la fabrication et la commercialisation de soins pour animaux, d'équipements pour la maison et pour le jardin et de produits de PEM.

94. Ce groupe détient les marques suivantes: Remington, Russell Hobbs, Tetra, 8inl, Furminator, Eukanuba, Iams et George Foreman58.

95. Les principales catégories de PEM vendus sous la marque Remington sont les suivantes : beauté et bien-être (appareils de rasage, épilation et coiffure).

96. Depuis 2018, RRH France SAS est devenue l'entité commerciale de Spectrum Brands notamment pour les activités de vente, achat, négociation, importation, exportation de tous produits, appareils, composants, ustensiles, de nature mécanique, électrique, électronique, destinés à la domotique, l'électroménager, l'équipement domestique, les loisirs, la santé, la beauté et l'hygiène59.

97. En 2023, le chiffre d'affaires mondial du Groupe Spectrum Brands était de [2-3] milliards d'euros dont environ un tiers pour les produits de soins de la personne. En 2020, le chiffre d'affaires de RRH France SAS était de [25-30] millions d'euros en France.

17. LE GROUPE SEB

98. Le groupe SEB est actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de PEM.

99. Il détient plusieurs marques, dont Calor, Krups, Moulinex, Rowenta, SEB et Tefal60.

100. Les principales catégories de produits du groupe SEB sont l'entretien du sol (aspirateurs) et du linge (appareils de repassage), la préparation culinaire et la cuisson (robots culinaires et friteuses), le petit-déjeuner (bouilloires, machines à café, grille-pains et appareils à jus) et la beauté et le bien-être (épilation et coiffure).

101. En 2023, le chiffre d'affaires mondial du groupe SEB était de [7-10] milliards d'euros.

18. LE GROUPE SMEG

102. Le groupe Smeg est actif dans la fabrication et la commercialisation de produits de GEM et dePEM.

103. Les principales catégories de produits du groupe Smeg sont le froid (réfrigérateurs et congélateurs), le lavage (lave-linges et lave-vaisselles), la cuisson (fours, micro-ondes, tables de cuisson et hottes), la préparation culinaire (robots culinaires) et le petit-déjeuner (grille-pains, bouilloires, appareils à jus et machines à café).

104. En 2020, le chiffre d'affaires du groupe Smeg était de [700-800] millions d'euros, et celui de Smeg France était de [50-70] millions d'euros.

19. WHIRLPOOL ET INDESIT (GROUPE WHIRLPOOL)

105. Le groupe Whirlpool était jusqu'en 2024 l'un des principaux groupes actifs dans la fabrication et la commercialisation de produits de GEM et de PEM. Le groupe exploitait 36 sites de production dans le monde61.

106. Le groupe Whirlpool détenait en Europe les marques suivantes : Whirlpool, KitchenAid, Maytag, Hotpoint, Indesit, Bauknecht et Yummly62.

107. Les principales catégories de produits vendus sous la marque Whirlpool sont les suivantes: froid (réfrigérateurs et congélateurs), lavage (lave-vaisselles, lave-linges et sèche-linges) et cuisson (fours, plaques, micro-ondes et hottes).

108. Les principales catégories de produits vendus sous la marque KitchenAid sont les suivantes : préparation culinaire et cuisson (robots culinaires) et petit-déjeuner (bouilloires, machines à café, grille-pains et appareils à jus).

109. En 2014, le groupe Whirlpool a racheté le groupe Indesit (marques Indesit et Hotpoint)63. Ce dernier était actif dans la fabrication et la commercialisation de produits GEM et plus particulièrement des catégories de produits suivantes : froid (réfrigérateurs et congélateurs), lavage (lave-vaisselles, lave-linges et sèche-linges) et cuisson (fours, micro-ondes, plaques de cuisson, hottes et cuisinières)64.

110. En France, le groupe Whirlpool disposait d'une usine spécialisée dans la production de sèche-linges jusqu'en juin 201865.  Whirlpool France s'est ensuite concentrée sur l'importation et la commercialisation de produits électroménagers66. Suite au rachat évoqué ci-dessus, Whirlpool France a intégré les activités de négoce d'Indesit Company France67 (ci-après« Indesit »).

111. En 2020, le chiffre d'affaires mondial de Whirlpool était de [15-20] milliards d'euros, et celui de Whirlpool France était de [500-550] millions d'euros68.

112. En avril 2024, toutes les activités européennes de Whirlpool à l'exception de KitchenAid ont été transférées à une nouvelle entité, dénommée Beko Europe B.V., détenue à 75 % par la société turque Arçelik A.S., et à 25 % par Whirlpool Corporation.

D. LES PRATIQUES RELEVÉES

1. LES PRATIQUES RELATIVES A DES ECHANGES DE STATISTIQUES INDIVIDUALISEES

a) La présentation du fonctionnement du système d'informations statistiques GIFAM Instantané

Les déclarations du demandeur de clémence (BSH)

113. Dans le cadre de sa demande de clémence, BSH a déclaré que les principaux fabricants de produits de PEM et de GEM communiquaient chaque mois leurs données de ventes au GIFAM. Concernant le GEM, le GIFAM ne communiquait, selon BSH, que des chiffres consolidés par types de produits.

114. Cependant, concernant le PEM, les fabricants ayant soumis leurs données et demandé l'accès au système, pouvaient accepter à des données agrégées par catégories de produits (comme pour le GEM) mais aussi à des données individualisées par marque et par catégorie de produits.

115. BSH a indiqué que l'accès aux données se faisait par l'intermédiaire du site extranet du GIFAM appelé GIFAM Instantané. Si cet extranet était accessible à tous les membres du GIFAM, les données individualisées du PEM n'étaient accessibles qu'aux adhérents qui participaient aux échanges.

116. Les participants pouvaient sélectionner les catégories de produits et trier leurs données à la fois par familles et sous-familles de produits mais aussi par périodicité (mensuelle, trimestrielle, annuelle).

117. D'après BSH, les marques participant à ces échanges ont pu varier au cours du temps. Pour février 2013, BSH a listé les entreprises suivantes: Candy Hoover, Cogia, Electrolux, Miele, LG, Magimix, Philips, Samsung, SEB et Whirlpool.

118. BSH a communiqué des copies d'écran permettant de visualiser, dans le menu du GIFAM Instantané, le module Échange par marque, ainsi que la page permettant d'effectuer une requête dans la base de données.

figure1.PNG

figure2.PNG

119. La copie d'écran ci-dessus permet de voir, à partir des filtres du module, que les données pouvaient être éditées par concurrent et par mois/trimestre/année, ainsi que par catégorie de produit (division, famille, sous-famille et segment).

120. Au cours d'auditions, des salariés de BSH ont pu confirmer l'existence du module Échange par marque au sein de l'extranet GIFAM Instantané. Ils ont également confirmé que cette pratique ne concernait que le PEM. Ainsi, l'ancien directeur commercial PEM de BSH a déclaré : « nous avions des données agrégées du GIFAM pour toute la profession pour le GEM et le PEM, mais il n'existait pas de données individualisées pour le GEM, cette possibilité existant seulement pour le PEM avec la plateforme d'échange par marques »69.

121. Concernant la période au cours de laquelle le module Échange par marque a existé, la directrice marketing PEM de BSH a déclaré : « En 2003 ou en 2004, lorsque je suis arrivée j'avais l'impression que cela existait déjà. Je me rappelle avoir utilisé les données de 2005 à 2008, et avoir utilisé les données que nous avions avec une périodicité mensuelle (...).

La principale catégorie qui nous intéressait était celle de l'entretien des sols et cela nous permettait d'avoir des données individualisées sur les différentes marques concurrentes. (... ). L'extraction s'est surtout faite jusqu'en 2008 car avant cette date nous n'avions pas les données GFK. »70

122. Concernant l'utilité des données ainsi échangées, elle a indiqué : « Nous pouvions visualiser en début de mois les performances de nos concurrents sur le mois précédent, ainsi que l'historique antérieur. (... ) Nous étions surtout intéressés par les aspirateurs traineaux, segment qui représentait l'essentiel de nos ventes. Cela nous permettait ainsi d'avoir les informations relatives au mois écoulé ("Mois QT") par rapport au mois de l'année précédente ("Mois N-1 QT'').

Le directeur commercial (... ) voulait connaître ces informations dès qu 'elles arrivaient dans le système. De mémoire, il appréciait de pouvoir se positionner en temps réel par rapport à nos concurrents. Cela permettait de positionner l'activité PEM dans l'univers concurrentiel.

Les extractions n'avaient pas d'incidence sur les prix des produits. Ils 'agissait uniquement d'informations sur une catégorie de produit, et ne distinguait pas à la référence.

(... ) Les informations ont surtout été utilisées jusqu'à 2009. (... ) Après 2009, lorsque nous remettions les documents à notre directeur commercial, je n'avais pas l'impression qu'elle représentait pour lui plus d'intérêt que cela. »71

123. Le niveau d'agrégation des données a pu changer au cours du temps, en fonction des besoins exprimés par les adhérents du GIFAM. Sur ce point, l'ancien directeur commercial PEM de BSH a ainsi déclaré : « Au sein du GIFAM nous avons pu avoir des discussions sur une évolution du périmètre des statistiques, par exemple pour les robots culinaires, dont les volumes de vente pouvaient justifier d'avoir un périmètre plus fin »72.

124. L'échange des données individuelles via le portail du GIFAM aurait présenté moins d'intérêt pour BSH lorsque ce dernier a souscrit un abonnement auprès de GfK, un panéliste, afin d'approfondir sa connaissance du marché et de son évolution. L'ancien directeur commercial de BSH a ainsi déclaré : « Lorsque j'ai pris mes fonctions [en décembre 201O], nous avions des outils de connaissance du marché plus adapté[s] ( ... ).Par exemple, GFK nous donnait des chiffres de SELL OUT qui représentent la performance réelle des produits vis-à-vis des consommateurs. Cela est d'autant plus important dans le PEM où le consommateur décide lui-même d'acheter le produit avec moins de conseil plutôt que le GEM où le rôle du distributeur est plus important »73.

125. L'ancienne responsable marketing PEM de BSH a également indiqué: « A partir de 2009, nous avons eu les données GJK et nous avons surtout travaillé à partir de ces données. Ce type de données existait avant mais nous n'avions pas pris d'abonnements »74.

126. Concernant les données du module Échange par marque, l'ancien directeur commercial PEM a indiqué que « ces informations sont toujours stratégiquement intéressantes à analyser, notamment pour quelqu'un ne disposant pas de données issues de panélistes. Elles permettent d'avoir une lecture à un moment donné du marché même si d'autres données peuvent être davantage pertinentes selon nous »75.

127. Concernant les différences entre les données du module Échange par marque et les données GfK, l'ancienne responsable marketing PEM a déclaré:« Les données du GIFAM sont des données SELL IN correspondant aux produits vendus aux distributeurs. Les données GFK sont les données SELL OUT correspondant aux produits vendus en sortie de caisse. Cela permet de mieux analyser la performance de nos produits de manière individuelle afin de corriger éventuellement. Le type et la qualité des données que nous avions [dépendaient] de l'abonnement GFK que nous avions souscrit. Pour le café, nous avions un abonnement pour une livraison mensuelle. Pour l'entretien des sols, nous avions un abonnement pour une livraison tous les 3 ou 4 mois. Les données GFK étaient plus précises que la seule catégorie de produit du GIFAM car avec GFK nous avons les données relatives à la référence pour celles appartenant à la HITLIST Les données GFK sont constituées sur la base d'un panel de magasins et des extrapolations sont ensuite réalisées par le panéliste. Ces données permettent d'avoir les données de sortie de caisse trois semaines après le début du mois en question.L'abonnement GFK est acheté par le siège et il y a ensuite des cote-parts par pays, si bien que je ne suis pas en mesure de vous indiquer quel coût ces données avaient. »76

128. Concernant la fin de la participation de BSH aux échanges, l'ancien directeur commercial PEM a indiqué: «J'ai découvert [l'échange par marque] uniquement à la fin de l'année 2012. J'ai découvert ce système d'échange lorsqu'un de nos concurrents, le directeur des ventes de KENWOOD DE LONGHI, m'a demandé fin 2012 à l'occasion d'un salon IFA, à qui j'avais vendu une quantité importante de mixeurs plongeants. Il m'avait donné à cette occasion un chiffre précis. J'ai été surpris qu'il connaisse cette information relative à la performance individuelle de notre groupe. J'ai été d'autant plus surpris que notre président (... ) était à cheval sur la corifidentialité des données et il ne souhaitait pas que l'on communique des informations sur la performance de nos ventes. Il souhaitait que nous restions très évasifs, et en pratique, je ne communiquais rien de précis sur les performances (... )

 l'époque où j'étais inspecteur commercial et directeur régional, je n'avais pas connaissance de ce type d'échange d'informations. Suite à l'information donnée par mon concurrent KENWOOD, je me suis renseigné auprès de mes collègues en interne et j'ai découvert à cette occasion que la plateforme « échange par marque » permettait l'extraction de données individualisées de SELL IN, et ainsi lire les performances individuelles des marques et par mois, suivant des niveaux de détails que je ne connaissais pas.

J'ai donc immédiatement alerté mon président (... ) qui m'a dit qu'il était anormal que de telles informations soient échangées, et m'a dit de mettre fin aux échanges ce qui a été effectif à partir de avril-mai 2013. »77

Le cahier des charges du système d'informations statistiques GIFAM Instantané

129. En 2008, le GIFAM a cherché à refondre son portail extranet GIFAM Instantané et a dressé à cette fin un cahier des charges du système d'informations statistiques souhaité78.

130. Dans le document présentant ce cahier des charges, la partie « Contexte » explique les raisons de la mise en place d'un tel système d'informations statistiques : « Une des missions du GIFAM est d'élaborer les statistiques professionnelles portant sur les gros appareils électroménagers, le petit électroménager et les appareils thermiques et électriques.

Pour répondre à cette mission, le GIFAM a mis en place une application WEB qui permet de récupérer mensuellement auprès des adhérents les données quantités et chiffres d'affaire par marque selon une nomenclature produit bien définie. »79

131. Le chapitre « Application Saisie mensuelle des données chez l'adhérent » explique le fonctionnement de la saisie manuelle, par chaque adhérent, des données mensuelles. Il prévoit la mise à disposition pour le GIFAM d'un tableau de bord lui permettant de suivre dynamiquement l'avancement de la saisie de ces adhérents. Ce tableau de bord doit notamment permettre au GIFAM de vérifier la cohérence des informations saisies80.

132. La partie « Liste des résultats mensuels » détaille la possibilité de « sélection multicritère des données à analyser » : « Précision de la période choisie et des filtres éventuels choisis (prévoir 3 filtres associés exclusifs/inclusifs)

Précision du mode de restitution (Ecran ou fichier CSV, les visualisations écran pouvant être éditées sous forme de fichier PDF)

Précision ligne de calcul : Quantité, CA, Prix de vente moyen Prévision avec ou sans comparatif d'évolution de la période »81.

133. Des spécificités sont prévues pour le PEM. Le chapitre dédié à« [l']application Restitutions statistiques mensuelles chez l'adhérent » indique : « Toutes les restitutions sont interactives et peuvent être obtenues aux différents niveaux du référentiel produit. (... )

- Le PEM, autorisant la vision des résultats de ses confrères (en quantité, CA et PV moyen (CA/quantité). Les administrateurs autoriseront ou non les adhérents d'un groupe à voir les résultats des autres groupes avec possibilité de restreindre le périmètre sur un ou plusieurs éléments, niveaux du référentiel produit. Par défaut les adhérents auront un accès restreint

- Le GEM aura une vision restrictive part de marché global GIFAM (en quantité, CA) »82.

134. En réponse à cet appel d'offres, une proposition commerciale du 4 mai 2009 résumait cette spécificité de la manière suivante : « Échanges par marque :

Cette fonctionnalité était initialement très simple: permettre à une société, pour le PEM, de voir les informations concernant les autres sociétés sans formalisme particulier.

Nous avions proposé une restitution particulière qui n'a pas été retenue.

Les nouvelles spécifications concernant cette fonctionnalité sont les suivantes :

- Possibilité de positionner manuellement les autorisations d'information sur les échanges au niveau Groupe - segment de nomenclature.

- Définition écran de restitution et.fichier Excel spécifique. »83

b) Le module Échange par marque de l'extranet GIFAM Instantané

135. L'OVS du 27 mai 2014 a permis aux services d'instruction de saisir dans les locaux du GIFAM les fichiers électroniques relatifs au fonctionnement de l' extranet GIFAM Instantané.

136. Les fichiers saisis comprenaient:

- le code de l'extranet (fichiers .php, .html, etc.) ;

- deux bases de données (fichiers .sql), une nommée « gifam_stat20140527 », l'autre nommée« gifam20140527 »84.

137. Les services d'instruction se sont par ailleurs vu communiquer par le prestataire de services en charge de cet extranet une sauvegarde de la version de l'application telle qu'elle existait en 2012. Si le code de l'application était identique à ce que les services d'instruction avaient saisi, les deux bases de données transmises pour 2012 étaient quant à elles nommées respectivement« gifam_stat_20120827 »et« gifam_20120827 »85.

138. L'analyse de ces fichiers a montré que les bases de données intitulées« gifam20140527 » et « gifam_20120827 » comportaient les paramétrages, les droits d'accès, et les paramètres généraux de l'application. Les bases de données intitulées « gifam_stat20140527 » et « gifam_stat_20120827 » comportaient les données de ventes transmises par les adhérents au GIFAM, ainsi que les requêtes enregistrées dans le module.

139. Ces fichiers ont permis, moyennant la reconstitution par les services d'instruction, par le biais d'une machine virtuelle, de l'environnement logiciel applicable en 2012, et après la modification, dûment documentée, d'un unique fichier de configuration, la reproduction du fonctionnement de l'extranet en 2012.

140. Cette reconstitution a permis notamment de générer un fichier Excel comportant des informations relatives aux échanges sur les volumes entre différents fabricants et fournisseurs de produits de PEM, portant plus précisément sur les segments de produits suivants : entretien du sol, entretien du linge, petit-déjeuner, cuisson des aliments, préparation culinaire et beauté bien-être86. Un extrait de ce fichier Excel est reproduit ci-dessous (onglet « entretien du linge ») :

figure3.PNG

141. L'extraction réalisée permet de constater que les données individuelles de vente accessibles par le module Échange par marque de l' extranet du GIFAM concernent 16 entreprises : Groupe SEB France, Philips, Electrolux, BSH, Cogia, De Longhi-Kenwood, Magimix, LG Électroménager, Miele, Groupe Candy Hoover, Laurastar, Lagrange, Fagorbrandt, Whirlpool, BaByliss et Varta SAS-Remington. Le tableau n° 1 ci-dessous montre les familles de produits pour lesquelles chacune de ces entreprises sont mentionnées :

tableau1.PNG

tableau1 suite.PNG

142. Si les données ci-dessus permettent de déterminer quelles données ont été accessibles et à quelles entreprises par le biais du module, l'analyse des fichiers saisis ne permet pas de savoir quelles requêtes ces adhérents ont pu entrer. Cette analyse montre que certains adhérents bénéficiaient de requêtes pré-enregistrées dans le module (par exemple pour montrer les données mensuelles une fois disponibles) - sans qu'il soit toutefois possible de déterminer si ces requêtes pré-enregistrées sont le fait des adhérents eux-mêmes ou de représentants du GIFAM.

c) Les éléments de preuve complémentaires

2009

143. Un document interne de BSH, communiqué par ce dernier dans le cadre de sa demande de clémence, et datant vraisemblablement de début 2009, intitulé« Le marché des aspirateurs (sources GIFAM) », contient des données relatives au marché des aspirateurs, et notamment les volumes individuels de vente de plusieurs fabricants et fournisseurs. Les tableaux comparent ainsi les volumes de vente sur différentes périodes de 2008 avec les mêmes périodes de 2007. À titre d'illustration, l'extrait suivant montre la comparaison pour la période de janvier à décembre 2008 :

figure4.PNG

144. Le compte-rendu de la réunion du 9 avril 2009 de la Commission PEM du GIFAM évoque des discussions relatives à la refonte du système de remontée d'informations au sein de l' extranet du GIFAM. Il indique :

« Échanges par marque: la refonte du site statistiques est l'occasion de remettre à plat les process.

Décision est prise de supprimer les échanges suivants :

-          Kitchen machines / Ouvre-boîtes / Couteaux électriques / Trancheuses électriques

-          Et de rajouter les échanges pour les mixeurs plongeants et les blendeurs

Rappel : Une société ne peut consulter les échanges par marques pour ces familles que dans la mesure où elle commercialise des produits pour cette même catégorie »87.

145. Un fichier Excel saisi au GIFAM, daté du 16 avril 2009 et intitulé « Structure produit», établit une liste de familles, de sous-familles et de segments de produits de PEM en fonction de leur appartenance au module Échange par marque. Le tableau indique ainsi dans la colonne « échange par marque » les segments de produits concernés par les échanges statistiques entre les différents fournisseurs. Les divisions de produits visées dans le fichier Excel sont les suivantes : entretien du sol, entretien du linge, petit-déjeuner, cuisson des aliments, préparation culinaire, beauté bien-être et dentaire88, comme le montre l'extrait ci-dessous :

figure5.PNG

2010

146. Un fichier Excel saisi au GIFAM, daté du 17 mai 2010 et intitulé « echanges par marques pem avril 2010 », rassemble des informations relatives aux volumes de ventes et aux chiffres d'affaires pour les produits de la famille des «friteuses» (division« cuisson des aliments»). Les données concernent le mois d'avril 2010 et sont individualisées par groupe et par marque pour les entreprises suivantes: BSH, Cogia, De Longhi-Kenwood, FagorBrandt, Groupe SEB France, Lagrange, Magimix et Philips Consumer Lifestyle90.

147. Le 14 juin 2010, le responsable Marketing Pose Libre chez Candy Hoover, a adressé au directeur commercial et marketing PEM, un courriel interne contenant les statistiques agrégées du GIFAM pour le mois de mai 2010. En réaction à ce courriel, ce dernier a demandé à certains collaborateurs : « Oui mais le document où nous avons les volumes de nos concurrents ? ». Après des échanges en interne, pour trouver le bon interlocuteur, une collaboratrice lui a répondu : « Li]e ne me sers pas de ce type de stats. Je pense qu'il est toutefois possible de faire des requêtes sur le site du GIFAM (projet instantané) à la rubrique "échange par marque" »91.

148. Le compte-rendu de la réunion du 9 novembre 2010 de la Commission PEM du GIFAM fait état de discussions visant à segmenter de manière plus fine les données communiquées dans le cadre du module Échange par marque indiquant qu'il « est proposé de segmenter les statistiques des robots et kitchen machine. Cette modification n'aura pas d'impact sur le total petit électroménager », et que « [l]a commission donne son accord sous réserve de l'acceptation des fabricants absents ce jour »92.

2011

149. Le 15 avril 2011, après avoir reçu du GIFAM les résultats agrégés du mois de mars 2011 pour le PEM, une employée de Laurastar a répondu qu'elle avait relevé une erreur puisque le fichier en question indiquait pour la quantité des centres de repassage 7686 pièces alors que les données fournies dans le cadre du module Échange par marque indiquaient 869 pièces pour cette même catégorie. Le 18 avril 2011, la responsable Études et Communication du GIFAM a adressé à Laurastar la réponse suivante : « Après vérification il s'avère que dans l'échange par marque une des sociétés sur ce marché était mal paramétrée: ses quantités n'apparaissaient donc pas. J'ai modifié et les résultats sont désormais cohérents entre les deux modes d'analyse.

J'attire cependant votre attention sur le fait qu'il peut y avoir des écarts entre les résultats globaux et les résultats de l'échange par marque. En effet, certaines sociétés peuvent ne pas souhaiter faire partie de cet échange. Dans ce cas de figure ils n'apparaîtront pas. »93

150. Le 2 novembre 2011, Laurastar a reçu de la part du GIFAM un fichier Excel contenant des données individuelles de vente de centrales vapeur, par groupe et par marque. Les groupes dont  les  données  ont  été  transmises  à  Laurastar  sont  les  suivants :  Cogia, De Longhi-Kenwood, Groupe SEB France, et Philips Consumer Lifestyle94.

2012

151. Dans un courriel du 14 septembre 2012, le directeur commercial et marketing PEM de Candy Hoover s'est plaint auprès du GIFAM que, « contrairement aux aspirateurs sac/sans sac/balais sans fil », il n'était pas possible pour Candy Hoover d'accéder à la répartition des ventes de robots. Il demande alors au GIFAM de lui expliquer « la règle donnée sur la diffusion des statistiques de vente». Le 17 septembre 2012, la responsable Études et Communication lui a répondu en indiquant : « Concernant les aspirateurs robots, cette famille de produits a été rajoutée récemment aux déclarations statistiques GIFAM Il n'.Y jamais eu de tour de table en réunion pour autoriser l'échange par marques. Par défaut il n'.Y en a donc pas. Il faudrait le demander la fois prochaine car cet échange ne peut se faire qu'après l'accord de tous les intervenants »95.

2013

152. Le compte-rendu de la réunion du 8 février 2013 de la Commission PEM précise, à propos des aspirateurs robot : « cette famille de produit intégrera l'échange par marque sous réserve de validation par les marques non présentes en réunion »96. Au sujet des machines à café, il indique que : « [la] segmentation café actuelle ne permet pas une bonne lecture du marché. Il est convenu d'ajouter la catégorie dosette »97. Des notes manuscrites du directeur national des ventes Pose-libre chez BSH France, prises au cours de cette réunion de la Commission PEM, indiquent par ailleurs :

« - Créer split filtre/dosette/robots café

-> Pas d'échange par marques »98

153. Un document datant du 5 avril 2013, communiqué par BSH France dans le cadre de sa demande de clémence, correspond à une extraction des données accessibles à BSH France dans le module Échange par marque, et ce pour le mois de février 2013. Le fabricant ne communiquant des statistiques au GIFAM que pour quatre familles de produits, seules ces dernières lui étaient accessibles99.

154. Le 10 avril 2013, le GIFAM a adressé un courriel à plusieurs responsables d'entreprises adhérentes. Il contenait différents résultats pour le mois de mars concernant le PEM et précisait : « [l]a consultation des échanges par maque sera disponible lundi prochain. »100 En réponse, le président de BSH France a indiqué:« [d]ans le PEM, nous avons aujourd'hui un échange et une visibilité par marque. Dans l'avenir (je propose à partir de Juin), BSH n'est plus en condition de participer à l'échange par marque (cela ne correspond pas à nos guidelines de compliance) et propose de appliquer le même système que dans le blanc (uniquement les totaux). »101

155. Le 19 avril 2013, BSH a de nouveau indiqué au GIFAM sa volonté de stopper sa participation aux échanges de données individualisées, en anticipant sa sortie de l'échange initialement prévue en juin 2013. Dans un premier temps, le président de BSH France a adressé un courriel à la déléguée générale adjointe du GIFAM. Ce courriel concernait la participation à une étude économique du cabinet Ernst &Young. Il indique : « [n ]ous avons reçu un avis partiellement positif de notre siège, donc on va pouvoir participer en respectant les règles. Au cours de ces entretiens nous avons aussi rediscuté la pratique de publication des données PEM (marques visibles). Nous ne pouvons plus soutenir cette démarche. Comment est-il prévu de procéder? »102 Il lui a alors été répondu:« [n]ous avons bien noté votre souhait de ne plus participer à l'échange par marque. Cette démarche est totalement volontaire et optionnelle, cela ne pose pas de problème en particulier de la mettre en place. Je vais donc demander (... ) de vous retirer de cet échange. En contrepartie, vous n'.Y aur[ ez] plus accès »103.

156. Le 5 juillet 2013, alors que des discussions au GIFAM se sont tenues concernant le niveau de granularité pertinent pour les statistiques relatives aux produits de la catégorie « Préparation culinaire», un employé du groupe SEB a écrit au GIFAM qu'une segmentation plus fine des robots culinaires en trois catégories (robots multi-fonctions, robots chauffants et Kitchen machines) aurait notamment pour conséquence d'isoler Vorwerk (propriétaire de la marque Thermomix). Il ajoute que : « si SEE ou un autre était amené à lancer un robot multifonction chauffant, alors cela implique la transparence totale des volumes réalisés dans les échanges par marques »104.

157. Le 9 décembre 2013, à la suite de l'envoi par le GIFAM des résultats du PEM pour novembre 2013, la responsable Persona! Care and Iron Products chez Panasonic France a demandé des précisions sur le périmètre et l'accès des déclarations de données statistiques. En réponse, un salarié du GIFAM a précisé : « [p ]our l'échange par marque, votre impossibilité d'avoir l'échange par marque vient du fait que votre marque représente moins de 3 % sur cette famille de produit. Selon les règles du GIFAM, les marques ayant moins de 3 % de part de marché n'ont pas accès aux chiffres des autres marques, et les autres marques n'ont pas accès à vos chiffres »105.

2014

158. Le compte-rendu de la réunion du 14 février 2014 de la Commission PEM annonce la fin de la communication des données individualisées du module Échange par marque. Il rapporte qu'un audit des statistiques du GIFAM a été réalisé par un cabinet d'avocats. Cet audit conclut «qu'elles ne présentent pas de risques particuliers au regard du Droit de la Concurrence», mais qu'il recommande tout de même la « [f]in de la restitution par marque». Le compte-rendu indique que les entreprises approuvent les recommandations du rapport d'audit106.

159. Le 11 mars 2014, la déléguée générale adjointe du GIFAM informe les membres« [qu']il a été décidé de ne plus faire de restitution par marque »107, ce qui est confirmé à nouveau dans le compte-rendu de la Commission PEM du 3 avril 2014108.

2. LES PRATIQUES RELATIVES AUX PRIX DE REVENTE DES PRODUITS COMMERCIALISES PAR LES FABRICANTS ET FOURNISSEURS

a) La stratégie des fabricants et fournisseurs face au développement des ventes en ligne : éléments de portée générale

Le contexte de la mise en œuvre des restrictions par les fabricants et fournisseurs

160. Plusieurs documents font état de la stratégie mise en place par les fabricants et fournisseurs de produits de PEM et de GEM pour contrer la dégradation des prix de revente sur le canal de la vente en ligne.

161. Des notes manuscrites intitulées« Règles internet décidées le 24/02/10 », prises lors d'une réunion faisant notamment intervenir des salariés d' AMS, de Selectis, de GPDIS, et d'Ubaldi, saisies chez Indesit, comportent des informations portant sur des règles relatives à la disponibilité et au positionnement des produits sur Internet. Elles évoquent notamment la mise en œuvre de la hausse des prix et de la distribution sélective en ces termes :

« 1. Augmentation du prix = effectif sur les sites le mardi matin et bilan J+ 7

2. Les nouveautés seront sur les sites sic 'est dispo (ou pas dispo mais au PPI)

3. Contrat de distribution sélective□produits interdits sur les sites et bilan à J+14

4. On prévient avant "d'agir"

Sites: Webdistrib / Pixmania / CDiscount / Rue du Co[mmerce} / Mais - Cher/ Grosbill /

Dimipro / Crazy Price / Superdiscount / Amazon / Darty / Mistergoodeal / Fnac

Discounteo = Limoges e-commerce - Toulouse gestion/marketing; Villatech ; VPC Boost »109.

162. Cette même pièce se retrouve chez GPDIS110 et chez Candy Hoover111. Des notes manuscrites contenant des informations similaires ont également été retrouvées chez LG112.

163. Un rapport préparé par le cabinet de conseil en stratégie Estin & Co pour le compte du GIFAM, daté du 9 septembre 2011, et intitulé « Diagnostic stratégique et scénarios d'évolution de l'industrie du GEM et du PEM»113 (ci-après le « rapport Estin & Co») constate, concernant le GEM et au titre de la dynamique récente, que le développement du commerce en ligne avait pour effet, depuis 2008, d'exercer une pression à la baisse sur les prix, tant pour les produits existants que pour les innovations114. Cette pression sur les prix a d'ailleurs concerné tous les canaux de distribution 115. Ce document indique également que : « [l]es fabricants ont alimenté le développement des [pure] players internet par des ventes directes maîtrisées mais surtout par le biais de grossistes mal contrôlés bénéficiant de conditions avantageuses ».

164. Il recommande ainsi « 20 actions potentielles de redynamisation de la filière GEM », panni lesquelles :

« (1) Segmentation des canaux de distribution :

(1a) Accentuation de la politique différenciée par canal selon le niveau de service (prix et segmentation de l'offi'e (... )

(1c) Mise en commun d'un programme d'animation et de formation des indépendants

(1d) Mise en œuvre d'offi'es de category management auprès de la GSA sous les contraintes du droit de la concurrence

(2) Développer de la valeur sur internet :

(2a) accentuation de la politique de prix différencié selon le niveau de services

(2b) développement d'un site marchand internet premium commun aux grandes marques ou alternativement développement de "shop in shop" gérés par chaque fabricant (boutique de marque implantée dans les sites internet des distributeurs »116.

165. Le rapport Estin & Co identifie ensuite « 4 grands leviers d'actions pour retrouver de la valeur sur le GEM », dont une « politique de prix adaptée aux innovations » et un «  partage d 'iriformations pour optimiser les actions commerciales et la planification industrielle (stocks, ventes et promotions) »117.

166. Concernant le PEM, le rapport décrit une situation du marché différente de celle du GEM, le développement des marques de distributeur à partir de 2003 et du commerce en ligne depuis 2005 n'ayant pas entraîné de baisse globale des prix, du fait notamment du maintien de la valeur de certaines marques et du faible poids des grossistes118.

167. Constatant que le« e-commerce s'est développé sur le PEM, notamment sur les catégories à prix unitaire élevé »119, et étudiant plusieurs scénarii comme pour le GEM précédemment, le rapport identifie « 2 actions potentielles de poursuite de la dynamique de valeur du PEM »120, parmi lesquelles plusieurs actions similaires à celles proposées pour le GEM (et soulignées ci-dessus) :

« (1) Segmentation des canaux de distribution :

(1a) Poursuite des actions vis-à-vis de la distribution (category management en GSA en coriformité avec le droit de la concurrence) (... )

(2) Développement de la valeur sur Internet :

(2a) Poursuite de la politique différenciée par canal selon le niveau de services (prix et segmentation del 'offre)

(2b) Développement d'un site Internet marchand premium commun aux grandes marques»

168. Ce rapport a été a été saisi dans le bureau du président d'Indesit121et a donc été communiqué par le GIFAM à ses adhérents. Il a également inspiré en 2013 un rapport du GIFAM sur le PEM et le GEM intitulé «panoramique 2013 de l'électroménager», dont une copie a été saisie chez Candy Hoover122. Sur le marché du PEM, en plus des constats issus du rapport Estin & Co, ce document préconise, s'agissant des leviers d'action pour «prolonger la dynamique du PEM », « la segmentation des canaux de distribution, pour protéger les canaux à valeur ajoutée, et au sein de chaque canal de mettre en avant les produits premiums »123.

Les déclarations des distributeurs relatives aux réponses apportées par les fabricants et fournisseurs face au développement des ventes en ligne

169. Plusieurs distributeurs ont indiqué avoir rencontré des difficultés pour commercialiser en ligne des produits électroménagers (GEM et PEM) à partir de 2009/2010.

170. WebAchatFrance témoigne ainsi de la volonté des fabricants de maîtriser le marché. Cette volonté s'est traduite, à partir de 2010, par la mise en place de réseaux de distribution sélective, mais également par une pression accentuée des fabricants à partir du 1er septembre 2010. Une telle pression consistait en la mise en place de contrats de distribution sélective avec des critères très contraignants, imposant notamment la mise en place d'une surface de vente physique, mais aussi dans certains cas en des refus de vente 124.

171. Maismoinscher a quant à lui indiqué que la mise en place de la distribution sélective avait mis fin à la croissance que la société avait connue jusqu'en 2009/2010125. Il a précisé qu'à la suite de la mise en place de ces systèmes de distribution sélective, les fabricants et fournisseurs lui ont indiqué qu'il ne pouvait plus vendre « les produits "chers" (dès 600 euros chez DARTY) car il ne disposait pas d'un magasin en dur et ne répondait pas aux critères de qualité de la distribution sélective »126. Il a précisé qu'il s'agissait pour les fournisseurs d'imposer des prix de vente plus élevés et que « la mise en place de la distribution sélectives 'est étalée de début 2010 à fin 2011, concomitamment par tous les fabricants »127.

172. Le site Arobase Trade a également déclaré qu'à partir de 2009, les marques Magimix, puis Miele, SEB et Kenwood ont demandé le retrait du site de certaines références au motif que le terme discount présent sur le site n'était pas conforme aux critères du réseau de distribution sélective mis en place. Selon Arobase Trade, les conditions à remplir pour intégrer le réseau de distribution sélective ne lui ont jamais été communiquées, bien qu'il en ait fait la demande128.

Les éléments généraux relatifs à la politique commerciale des fabricants et fournisseurs

La volonté des fabricants et fournisseurs de mieux contrôler les prix de revente de leurs produits

173. De manière concomitante au déploiement de nouveaux systèmes de distribution sélective à grande échelle dans tout le secteur de l'électroménager, plusieurs distributeurs ont fait état d'une volonté générale des fabricants et fournisseurs de mieux contrôler les prix de vente au détail de leurs produits.

174. La société Arts Ménagers Services (ci-après « AMS ») a ainsi indiqué avoir constaté, à compter de 2009, l'apparition de méthodes communes aux fabricants visant à réguler leurs réseaux de distribution, qui comportaient par exemple l'interdiction de vendre certains produits sur Internet (hormis au prix public indicatif, ci-après « PPI ») et l'usage d'un « langage codé» qui dissimulait des consignes de prix. AMS a affirmé en outre qu'à partir du début de l'année 2010, certains fabricants ont mis en place des contrats de distribution sélective aux seules fins de limiter le nombre de distributeurs, « notamment sur internet», et de restreindre les baisses de prix qu'ils pratiquaient. AMS a souligné que ces pratiques tendaient notamment à favoriser les cuisinistes, qui représentent 30 % en volume du marché des produits de GEM encastrables, produits traditionnellement à forte marge pour les fabricants129.

175. Ces déclarations sont confirmées par l'ancien gérant de la société Maismoinscher, qui relate avoir été confronté à plusieurs pratiques de fabricants parmi lesquelles « une distribution sélective non nécessaire ni proportionnée et appliquée de manière discriminatoire », des « ententes verticales de prix imposées par les fabricants aux distributeurs » et une « interdiction de vente hors distribution sélective (black list / liste noire) »130. Par exemple, au titre de cette dernière pratique, certains fabricants omettaient de livrer à ses grossistes des produits qu'ils destinaient à Maismoinscher. Les produits concernés étaient des produits haut de gamme, à forte valeur ajoutée, et sur de larges volumes. L'effet était un allongement de la durée d'attente et dans de nombreux cas l'annulation de la commande par le client. À cela s'ajoutait une application très stricte des règles <l'encours de facturation, consistant à imposer un plafond très bas <l'encours de facturation pour justifier l'arrêt des livraisons aux grossistes. Selon Maismoinscher, tous les fabricants et grossistes appliquaient cette méthode131.

176. AMS et Maismoinscher ont relevé une similitude dans les circonlocutions employées par les fabricants et fournisseurs pour faire passer les messages aux distributeurs sur ces diverses restrictions. Ainsi, selon Maismoinscher, le terme « stock» recouvrait en réalité des prix imposés. AMS a fourni pour sa part un lexique plus détaillé132:

tableau2.PNG

tableau2 suite.PNG

La communication des prix conseillés

177. Plusieurs distributeurs ont confirmé avoir reçu de manière régulière des fichiers leur indiquant notamment le niveau des prix de vente au détail conseillés par le fabricant ou le fournisseur.

178. Les sites Maismoincher et WebAchatFrance ont ainsi déclaré que les grossistes leur fournissaient sous format Excel les catalogues de références en y intégrant les PPI correspondant aux prix de revente conseillés, lesquels étaient pratiqués par Darty, Boulanger et d'autres grandes enseignes133.

179. Pour sa part, AMS a déclaré que les prix imposés étaient mentionnés sur les plans d'achat des différents fabricants, disponibles sur la centrale de référencement Selectis et régulièrement mis àjour134.

180. Selectis a, quant à elle, indiqué recevoir, au moment du lancement d'une gamme, les PPI par les fabricants et fournisseurs qui étaient communiqués directement aux distributeurs adhérents135.

Le contrôle de l'application des prix conseillés

♦ La surveillance des prix de revente et les demandes des fournisseurs

181. Les fabricants et fournisseurs surveillaient le respect par leurs distributeurs des niveaux de prix de revente conseillés, comme il est exposé ci-dessous pour chacun de ceux mis en cause.

182. À cet égard, les fabricants et fournisseurs prenaient directement l'attache de leurs distributeurs afin de leur demander de remonter les prix de revente. En ce sens, WebAchatFrance a déclaré que ces demandes« [d']alignement » (c'est-à-dire de hausse) des prix étaient essentiellement orales, signe selon cette entreprise d'une prudence de la part des fabricants. L'objet des demandes pouvait consister à vendre au prix public ou bien tout simplement à être « plus raisonnable », l'objectif étant de réduire autant que possible les différences avec la grande distribution136.

183. Un autre distributeur a indiqué que la plupart des marques le contactaient pour demander expressément des augmentations de prix (par exemple De Dietrich sur un modèle de four, ou Smeg sur des modèles de réfrigérateur et cuisinière), et qu'elles affirmaient procéder à des contrôles de prix sur Internet. Dans un des cas, Smeg a justifié sa demande de hausse de prix en invoquant une négociation commerciale en cours avec Darty137.

184. Maismoinscher a fait état de la tenue régulière de réunions avec les fabricants, soit par téléphone, soit en personne, qui avaient pour seul objet la politique tarifaire, et plus concrètement des augmentations de prix. Les réunions physiques étaient les plus fréquentes car, selon Maismoinscher, les fabricants« avaient peur d'être enregistrés au téléphone et se méfiaient des mails »138.

185. Dans ce contexte, toujours selon Maismoinscher, les fabricants maniaient volontiers les sous-entendus : « si tu veux recevoir le produit, tu sais ce qu'il y a à faire»; « il y a un nouveau produit qui vient de sortir, si tu en veux ... ». Ils exprimaient aussi des demandes générales, comme par exemple celle de ne pas mettre en vente un produit nouveau dans les six mois après sa sortie en dessous de« PPI-10 % ». Au sortir d'un rendez-vous avec une grande enseigne, ils pouvaient envoyer un courriel « si la situation était "grave" à leurs yeux», notamment en réponse à des reproches sur la présence de prix bas sur Internet139.

186. Ces éléments sont confirmés par AMS, lequel a indiqué que « les pressions des fabricants s'exerçaient surtout par téléphone, mais également des visites, des e-mails »140, tandis que Maismoinscher mentionnait « des appels quotidiens des directeurs commerciaux (... ) demandant de remonter le prix de telle référence de produit précise »141.

187. Par ailleurs, AMS a déclaré que la plupart des adhérents du GIFAM avaient également souscrit des contrats de veille concurrentielle quantitative et qualitative auprès de WorkIT ou Net-Veille142, Maismoinscher précisant que les données ainsi collectées permettaient de situer chaque distributeur en termes de tarifs, et déclarant, au sujet des rendez-vous organisés par les fournisseurs sur la politique tarifaire : « [i]ls passaient le rendez-vous à nous commenter leurs données, en nous expliquant que nous étions plus bas en termes de prix par rapport à d'autres concurrents et que nous étions en train de "casser le marché" »143.

188. AMS a expliqué avoir essayé d'atténuer l'effet de ces pratiques par divers moyens, tels que « l'affichage du produit sur le site mais avec un panier inactif et sans prix ou encore l'affichage du produit au prix imposé mais avec un code de réduction apparaissant dans le panier »144.

♦ Le taux de remise maximum

189. Dans l'ensemble, les fabricants et fournisseurs ont toléré que les distributeurs appliquent un taux de remise maximum de 15 % sur le prix de revente communiqué.

190. Ce fait ressort, en premier lieu, des déclarations de plusieurs distributeurs qui ont confirmé que, de manière générale, ils ne devaient pas proposer de réduction de plus de 15 % par rapport au prix de revente conseillé.

191. Ainsi, Mais moins cher a précisé que, lorsque ces mêmes fabricants ou fournisseurs constataient le non-respect du prix de revente communiqué, ils « nous écrivaient alors pour nous demander de remonter nos prix au PP] - 15% minimum »145.

192. Dans le même sens, AMS a déclaré que les prix imposés se manifestaient également par des directives sur les remises et rabais. Au moment de la mise en place de la distribution sélective, les fabricants ont montré une « légère tolérance » envers des remises situées dans une fourchette de 10-15 %, tolérance suivie « très rapidement » de demandes de respect des prix prédéfinis146.

193. Enfin, ces déclarations sont confirmées par celle de La Boutique du Forez, à qui ses fournisseurs ont refusé de livrer des produits électroménagers compte tenu des remises de 15 à 20 % qu'elle avait accordées par rapport aux prix de revente conseillés, soit au-delà des 15 % autorisés147.

♦ Les mesures de rétorsion

194. En cas de déviation du prix de revente conseillé par le fabricant ou le fournisseur, le distributeur pouvait subir des mesures de rétorsion. Ces mesures pouvaient prendre différentes formes : arrêt ou menace d'arrêt des livraisons, interdiction de vente de certaines références, sauf à respecter le niveau de prix de revente conseillé, voire refus de l'agrément, ce qui impliquait l'arrêt de la relation commerciale avec le distributeur.

195. Premièrement, les fournisseurs pouvaient arrêter ou menacer d'arrêter les livraisons. Plusieurs distributeurs ont indiqué que s'ils ne respectaient pas les niveaux de prix de revente demandés par les fabricants et fournisseurs, ces derniers pouvaient refuser de livrer ou menacer de ne pas livrer.

196. WebAchatFrance a ainsi indiqué que les fabricants refusaient ou retardaient les livraisons des produits pour lesquelles une demande de remontée des prix n'avait pas été suivie d'effet148.

197. Parredis a par ailleurs expliqué ne plus avoir accès à un certain nombre de références, en faisant un lien explicite avec le fait qu'il s'agissait d'une mesure de rétorsion face à la pratique de prix trop bas. Il a ajouté subir de manière récurrente des menaces et intimidations de la part de « beaucoup de grands groupes» depuis l'ouverture de sa boutique en ligne, afin de remonter les prix de vente sur Internet ou bien de ne plus vendre leurs articles. Ce comportement aurait selon lui pour objectif de faire obstacle à« une politique de prix plus concurrentielle face aux grandes enseignes spécialisées qui souhaitent conserver des niveaux de marge important, tout cela au détriment du consommateur qui devra continuer à payer le prix fort »149.

198. Ces mesures étaient également mises en œuvre par les grossistes, à la demande des fournisseurs. L'un d'entre eux, Laugier, a ainsi déclaré que des fournisseurs lui ont demandé de ne plus livrer certains clients parce qu'ils ne respectaient pas les prix publics conseillés ou parce qu'un produit donné faisait l'objet d'un contrat de distribution sélective150. La Boutique du Forez a pour sa part indiqué que trois grossistes lui ont refusé des livraisons au motif que les prix pratiqués étaient inférieurs de 15 à 20 % au prix catalogue des fabricants 151.

199. Deuxièmement, l'interdiction de vente en ligne de certaines références sauf à respecter le prix conseillé. Plusieurs distributeurs ont confirmé avoir rencontré des limitations dans les commandes sous la forme d'une interdiction de vendre certaines références, sauf si le distributeur respectait le prix conseillé. L'ensemble des références concernées, voire les références particulières, était communément appelé « blacklist » (pour liste noire).

200. Les distributeurs ont apporté des précisions sur ce que recouvrait la définition de ces « blacklist » et la manière dont elles étaient utilisées par les fabricants et fournisseurs.

201. À ce sujet, WebAchatFrance a indiqué : « Il existe deux types de listes noires: celles qui ont pour origine la mise en place d'une distribution sélective par le fabricant, [et] celles qui ne sont pas liées à la mise en place d'une distribution sélective, mais simplement la volonté de réserver une partie de la gamme à certains opérateurs. (... ) Il existe aussi des produits qui ne pouvaient être commercialisés que dans notre magasin physique et non sur notre site internet. Cela concerne la quasi-totalité des fabricants »152.

202. De même, Maismoinscher a déclaré que, « peu avant la distribution sélective, nous étions déjà confrontés à la blacklist : certains omettaient de livrer chez nos grossistes un produit qu 'ils destinaient à Maismoinscher. Cette pratique concernait les produits haut de-gamme, chers et à forte valeur ajoutée, sur de larges volumes »153.

203. Sur le champ d'application de la« blacklist », Maismoinscher a précisé qu'elle concernait les produits interdits à la vente sur Internet, de moyenne et haut de gamme tant que la distribution sélective n'avait pas été mise en place, mais aussi les produits de moyenne gamme qui n'entraient pas dans les critères de la distribution sélective : « Pour les produits de moyenne gamme qui ne pouvaient répondre aux critères de ce système, mais dont 20 % représentaient 80 % du chiffre d'affaires, les blacklists ont permis de les exclure officieusement de la revente sur internet. Ce système de distribution a été mis en œuvre par tous les fabricants, un peu avant la mise en place de la distribution sélective en 2010 »154.

204. AMS a quant à lui expliqué que « ces blacklists consistaient pour tous les fabricants, sous des appellations et modalités diverses, à interdire la revente des produits sur internet. Ces listes étaient mises à jour régulièrement, notamment dans le cadre de rendez-vous avec des distributeurs traditionnels référents du marché (DARTY) »155.

205. Cette pratique a été confirmée par Selectis, qui a résumé la position des fabricants en ces termes : « [c]'était le discours des fabricants : "vous voulez les produits, vous faites ce que l'on vous dit" »156.

206. Dans certains cas, ces produits sous « blacklist » pouvaient toutefois être commercialisés, mais uniquement si le distributeur respectait le niveau de prix de revente conseillé par le fabricant ou le fournisseur. WebAchatFrance a indiqué que« leur objectif était d'empêcher la visibilité extérieure de produits à un prix bas »157. De même, d'après Maismoinscher « sur l'usage de la blacklist, la pratique consistait aussi à (... ) demander de ne pas commercialiser en ligne les nouveaux produits pendant 6 mois, sauf à les vendre au PPI »158. Un distributeur souligne ainsi qu'il a dû augmenter le prix de produits car le fabricant en question était passé « d'une blacklist de produits exclus à la distribution sur internet à une blacklist de produits à prix obligatoire »159.

207. AMS a synthétisé le système utilisé par les fabricants et fournisseurs en déclarant« [qu']en somme, les fabricants ont mis en place un mécanisme gradué: d'abord, ils demandent de respecter le prix impos[ é], si ça ne fonctionne pas, ils le placent sous black list et si ça ne suffit pas, ils le mettent avec d'autres en distribution sélective »160.

208. Concernant les moyens par lesquels ces restrictions étaient mises en œuvre et sanctionnées, AMS a indiqué que les mesures de rétorsion consistaient notamment en des menaces d'arrêt de livraisons161. Selon les explications de Maismoinscher, ses prix de vente permettaient aux fabricants de déterminer ses conditions d'achat et le grossiste auprès duquel il se fournissait. Dès lors que le grossiste était identifié, les fabricants cessaient de le livrer« pour la référence objet de la blacklist non respectée »162. Les durées de livraison étaient mécaniquement allongées, conduisant souvent à des annulations de commande de la part des clients et à un fort préjudice d'image pour le distributeur. Si le client se plaignait auprès du fabricant, celui-ci affirmait avoir le produit en stock mais prétendait faussement ne pas avoir reçu la commande concernée163. Maismoinscher a également précisé que lorsqu'il parvenait à diversifier son approvisionnement et à poursuivre la vente, un autre type de sanction était de proposer le produit« (... ) mais au prix de revente final chez Darty, ce qui [l'] empêchait de faire toute marge commerciale »164.

209. Enfin, le refus d'agrément pouvait être utilisé comme mesure de rétorsion. L'une des mesures de rétorsion mises en place par les fabricants et fournisseurs en cas de déviation du prix conseillé était le refus de l'agrément, interdisant de facto l'accès du distributeur aux références entrant dans le périmètre de la distribution sélective.

210. À ce sujet, WebAchatFrance a indiqué qu'en dépit de plusieurs demandes d'agrément auprès de divers fabricants et fournisseurs, seule BSH avait accepté de la référencer, alors que l'entreprise disposait déjà en 2010 de vendeurs qualifiés et d'un service après-vente national auprès de Casino et que, pour satisfaire un critère important dans la perspective d'un agrément, elle avait ouvert un magasin physique en janvier 2011165.

211. Maismoinscher a déclaré que « le gros du chantage » de la part des fabricants portait sur l'agrément : étant donné la mise en place imminente de la distribution sélective, l'entreprise n'aurait pas d'agrément si elle ne respectait pas leurs prix166.

212. Maismoinscher a également confirmé, à l'instar de WebAchatFrance, que la mise en place de la distribution sélective avait pour seul but d'éliminer les vendeurs sur Internet, les pure players en particulier, et de mettre un terme à la « cacophonie des prix » sur Internet. Maismoinscher a ajouté que certains distributeurs «traditionnels», tels qu'Ubaldi, avaient pu continuer à vendre sur Internet en respectant les PPI imposés, voire en accordant des « avantages matériels contestables » aux dirigeants nationaux (directeur commercial national) de certaines marques à l'occasion de leurs visites167.

Synthèse des fabricants et fournisseurs ayant mis en place des restrictions auprès des distributeurs

213. Le tableau n° 3 suivant dresse une synthèse des fabricants et fournisseurs mis en cause par certains distributeurs pour avoir influé ou cherché à influer sur leurs prix de revente :

tableau3.PNG

b) Les pratiques relevées s'agissant de BSH France

La stratégie de BSH France face au développement des ventes en ligne

214. Un document interne à BSH de mai-juin 2008 intitulé« Recommandation d'une stratégie» face au développement de la vente en ligne (« Comment en sommes-nous arrivés là ? ») mentionne explicitement l'impact de ce développement sur les prix de cession et la baisse des prix de revente : « une concurrences 'est mise en place entre grossiste[s] et les prix de cession sont de plus en plus bas et contribuent au dégrafage [baisse de prix] sur le net »168.

215. Le 14 juin 2008, cette présentation est reprise et intégrée au sein d'une présentation plus globale, ayant pour objet « stratégie [commerciale] pour validation », laquelle prévoit quelques axes stratégiques parmi lesquels figurent celui consistant à « identifier les sites par grossistes officiellement qui livrent les sites et sites click and mortar traditionnel (... ) mise en place d'une cellule de veille internet : qui vérifier (prix, présence, positionnement crédibilité »169.

216. À partir de 2010, BSH a mis en place un système de distribution sélective pour une partie de ses produits dans plusieurs pays dont la France. Dans un article paru dans la revue Neomag en octobre 2010, deux responsables de BSH ont déclaré que la distribution sélective, pour être efficace, devait porter sur« une part significative de gamme» et qu'à terme, ce mode de distribution devait concerner entre 25 et 30 % de la facturation de BSH170.

La communication continue de prix conseillés par BSH aux distributeurs

217. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, BSH communiquait des plans de vente énumérant pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale telles que le prix d'achat net. Ces plans comportaient systématiquement une colonne« PPI TTC»,« PVCM » (pour prix de vente moyen constaté) ou « PVC », correspondant au prix recommandé par le fabricant.

218. Il ressort de plusieurs éléments du dossier que les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comportaient systématiquement les prix recommandés, la dernière liste de tarifs étant applicable jusqu'au 31 décembre 2014171.

219. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent aussi que BSH - directement ou par l'intermédiaire des grossistes - rappelait régulièrement les niveaux des PPI aux distributeurs ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. À titre d'exemple, on peut ainsi mentionner :

- des courriels d'avril 2009 adressés par la centrale d'achats Selectis à plusieurs distributeurs, fournissant une liste de produits « sensibles sur internet », ainsi que les prix de vente conseillés applicables depuis le 1er mars 2009. Pour ces produits, les courriels précisaient que « les produits INT sont à éviter, les produits NIV sont à -20 maxi. Merci de détruire ce mail après réception »172 ;

- un courriel du 26 septembre 2011 adressé par BSH à Darty intégrant un plan de vente comportant une hausse tarifaire applicable à partir du 1er octobre 2011, à la fois sur les prix de cession à Darty et sur les prix de revente conseillés pour assurer « la même rentabilité »173,

- plusieurs plans de vente concernant les produits « Cuisson Bosch et Siemens » transmis par BSH et Darty concernant les périodes du 1er avril au 31 décembre 2011 et ier octobre 2011 au 30 avril 2012174. Ces documents comportent, pour chaque produit référencé, un prix de vente conseillé ;

- un courriel du 17 septembre 2012 adressé par BSH à Darty proposant un nouveau lave­ vaisselle et mentionnant les conditions d'achat et de revente : « • PVC* statué: 859,99*•PA=390€ht»175,•

- un compte-rendu de rendez-vous entre BSH et Darty qui s'est tenu le 21 novembre 2012 mentionne un accord sur la commercialisation d'un lave-vaisselle indiquant une baisse du PVC de 899 à 859 euros176;

- plusieurs comptes-rendus de rendez-vous entre BSH et Darty qui ont eu lieu entre octobre 2012 et mars 2013, listant les produits sur lesquels des actions promotionnelles étaient prévues (« animations ») ou de nouveaux produits à référencer ainsi que les prix de revente prévus pour ces produits (avec parfois des comparaisons avec les prix effectivement pratiqués par des distributeurs concurrents)177;

- un tableau de références de GEM dont notamment des références de produits de marques Bosch et Siemens indiquant à chaque fois un « PV » (pour prix de vente) communiqué le 9 octobre 2013 par Selectis à ses distributeurs adhérents 178.

Le contrôle des prix de revente par BSH mais aussi par les distributeurs

220. Le contrôle des prix de revente des produits par les distributeurs pouvait être assuré par BSH soit directement au travers de ses salariés, soit au moyen des relevés de prix effectués par des prestataires extérieurs. Du 22 octobre 2010 au 31 décembre 2014, BSH a ainsi souscrit auprès de NetVeille, un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits, relevés qui pouvaient avoir lieu jusqu'à deux fois par jour179.

221. Un salarié de BSH a expliqué lors de son audition que BSH surveillait les prix pratiqués sur Internet parce que les clients traditionnels (Darty, Boulanger et quelques autres enseignes plus petites) se plaignaient des prix pratiqués en ligne et menaçaient de ne plus vendre les produits BSH180.

222. De nombreux documents et courriels internes confirment la volonté de BSH de contrôler le niveau des prix notamment sur Internet, ces prix étant souvent discutés en amont avec les distributeurs notamment Darty et Boulanger. Ainsi, à titre d'exemples :

- du 25 janvier au 11 février 2010, des discussions internes ont eu lieu sur l'adaptation du montant des prix de vente conseillés de certains produits en fonction de la quantité de pièces achetées et sur la demande, notamment de Darty, d'abaisser le montant de certains des prix de vente conseillés181.;

- un document de présentation interne concernant le PEM et discuté lors d'un atelier interne début janvier 2011 préconisait alors : « [a ]ugmenter le prix moyen est souhaitable (... ) par ailleurs, avant de rehausser les prix, d'abords 'assurer que les prix actuels sont tenus »182• '

- le 23 juin 2011, un responsable sectoriel chez BSH a adressé un courriel à la directrice grands comptes, dans lequel il estime avoir « un vrai souci de stock 999 [prix] sur le lave-linge iDOS. Pouvez-vous entreprendre une action rapide »183. Il indiquait par ailleurs que seul Boulanger vendait alors le produit à 999 euros ;

- le 2 septembre 2011, un courriel interne indique au titre des sujets à aborder avec le distributeur Boulanger« Maintien du PVM [prix de vente moyen] Même items que pour Darty »184 ;

- un tableau réalisé autour du 6 octobre 2011, intitulé « Darty/Boulanger », saisi dans les locaux de BSH, référence certains produits en distinguant les plans de vente des deux distributeurs, plans incluant systématiquement le « PVC [prix de vente conseillé] avant/apres hausse», puis le« PVC [Darty ou Boulanger] au 06 oct [octobre]», avec enfin un commentaire sur l'action à mener, par exemple: « ok nego sur PVC 849 [euros] »185;

- le 7 août 2012, un tableau comparant, pour plusieurs produits Bosch et Siemens, les prix de vente moyens constatés chez Darty avec les prix de vente conseillés (ainsi que l'évolution de ces prix de vente constatés entre 2011 et 2012) a été diffusé en interne chez BSH186'

- des notes manuscrites saisies chez BSH, et concernant le mois de septembre 2012, attestent d'une surveillance des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs, et notamment Boulanger, Darty et Ubaldi. Dans ces notes, les prix inférieurs aux PPI sont indiqués en rouge, ceux qui ont été remontés au niveau du PPI sont indiqués en bleu187 ;

- des notes prises lors d'une réunion qui s'est tenue le 19 décembre 2012 présentent l'accord trouvé entre BSH et Darty sur les prix de revente de plusieurs références de fours et de tables de cuisson188 ;

- à plusieurs reprises entre avril et septembre 2013, des grilles de tarifs de produits Bosch et Siemens contenant notamment des PPI pour l'ensemble des références ont été échangées en interne chez BSH. Ces échanges avaient lieu à l'occasion d'évolution des tarifs ou d'actions promotionnelles et devaient servir« pour contrôler tous les PVC »189.

223. Il arrivait aussi que des distributeurs signalent à BSH le non-respect des PPI par des concurrents, exigeant parfois une action de la part du fournisseur pour faire remonter les prix. De nombreux exemples de tels signalements figurent ainsi au dossier, notamment :

- deux documents du 23 septembre 2009 attestent de ce que certains distributeurs ont remonté auprès de BSH les pratiques de concurrents qui ne respectaient pas les directives de BSH, afin de solliciter une action à leur encontre190 ;

- un courriel du 20 avril 2010 adressé par Darty à BSH fait état de prix non-conformes aux directives du fournisseur de la part des sites Ubaldi, Topachat et Rueducommerce. À la suite de cette remontée d'informations, le responsable Comptes Clés de BSH a transféré ce courriel à un autre responsable commercial de BSH en lui indiquant : « [ç ]a ne nous aide pas à implanter la gamme chez DY [Darty). Pouvons-nous organiser une Action, en attendant mon offre implantation est caduque »191 ;

- le 27 avril 2010, le distributeur Digital Group fait remonter à BSH les pratiques d'un distributeur concernant le prix d'une plaque de cuisson de marque Siemens, et demande à être tenu informé des suites envisagées192;

- le 7 mars 2013, le grossiste Joncoux Menager a pris l'attache de BSH avec la requête suivante : « [j]'ai un client qui est en concurrence avec Boulanger sur la table réf PIM61 JT16E [plaque cuisson]. Boulanger l'affiche à 299€ttc au lieu de 499€ttc. Est-ce normal? Merci de me tenir informée »193. Ce courriel a été transféré en interne194;

- le 11 octobre 2013, le distributeur Clixity a indiqué par courriel à BSH: « [j]e maintien[s] mon stock de mon côté ce week-end», message accompagné d'une capture d'écran relative à une plaque de cuisson vendue chez Ubaldi. Ce message a été transféré en interne chez BSH en précisant à l'interlocuteur: «je sais que tu fais le max »195.

Les actions en cas de non-respect des PPI

224. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, BSH pouvait agir auprès de ces derniers afin d'exiger une remontée des prix ou de demander le retrait des produits du site internet du distributeur. De nombreux exemples de telles actions de la part de BSH figurent au dossier, par exemple :

- le 1er septembre 2009, BSH a demandé le retrait de plusieurs références du site internet de Maismoinscher, qui a obtempéré196;

- le 27 octobre 2009, la direction nationale Grands Comptes de BSH a adressé un courriel au distributeur AMS dans lequel elle indiquait (« stock » faisait ici référence au prix de vente) : « Vous comprendez (sic) l'extrême nécessité de gérer les niveaux de stock de façon adéquate dans les prochaines jours. Aussi voici les produits concernés (... ). Merci soit de les enlever soit de les laisse au niveau de stock normal »197;

- le 16 juin 2010, un courriel interne d'un responsable commercial de BSH alerte sur un «test» effectué par Boulanger sur la gamme sèche-linge et lave-linge, qui consiste à s'aligner sur le tarif pratiqué par Ubaldi, et précise qu'une action corrective a immédiatement été menée auprès de Boulanger, qui « accepte de remettre ses prix au bon niveau »198'

- le 31 janvier 2011, le directeur Grands Comptes de BSH a adressé à AMS une liste de sept références de produits en précisant : « [c ]omme vous le savez nous sommes particulièrement sensibles au niveau de stock de ces produits. Merci par avance pour votre action rapide »199 ;

- les 13 et 14 septembre 2011, à la suite d'une remontée du grossiste Cedi Elec, BSH a réagi et donné les consignes suivantes : « [m ]erci pour le retour d 'info. Pour ma part, je vous informe que les négos actuelles avec le Galec [centrale d'achat du groupe Leclerc] sont assez tendues (normal) car ils me demandent de m'aligner, voire plus bas, que les prix des grossistes qui les livrent. Voici un cas où notre marque est surreprésentée, avec des réfs qui ne sont pas toujours au tarif (HBA63A261 [four], POB616BI 0E [plaque de cuisson1). Par conséquent, je saisis cette occasion pour vous demander de bien vouloir briefer vos grossistes de ne pas livrer les magasins Leclerc. C'est pas évident mais c'est indispensable d'insister lors de vos entretiens »200 ;

- le 16 avril 2012, la directrice Grands Comptes de BSH a indiqué à plusieurs responsables du grossiste GPDIS, en faisant référence à un tableau présentant les prix de vente de certaines références relevés sur les sites des distributeurs adhérents de GPDIS, que« [l]es produits Must de cette liste doivent être à -15 % »201 ;

- le 7 janvier 2013, Selectis, qui avait remonté à BSH un problème de positionnement face au grossiste concurrent Findis, a informé par courriel deux distributeurs adhérents que « [p]our le LV action promo sur QI, Bosch prend contact avec FINDIS pour faire remonter le prix car trop bas et pas de promo en cours »202 ;

- à partir du 4 mars 2013, BSH et Darty ont échangé par courriels concernant le niveau de compensation accordé à Darty (au travers d'une baisse des prix d'achat nets) en réponse à une baisse de prix de revente observée chez un concurrent(« les vestes jaunes »)203.

c) Les pratiques relevées s'agissant de Candy Hoover

La stratégie de Candy Hoover face au développement des ventes en ligne

225. Face au constat du développement de la vente en ligne, le fabricant a mis en place différentes mesures, listées dans un document interne de 2010, saisi chez Candy Hoover, intitulé « [p ]olitique commercial[ e] internet encastrable »204. Ce document préconise notamment de ne plus fournir certains grossistes en produits encastrables, de fixer des seuils de « tolérance » pour les « stocks » allant de 10 à 15 %, de faire assurer le « contrôle des stocks» par le marketing de manière hebdomadaire, et d'instaurer un contrat sélectif à compter du 1er septembre 2010.

226. Par ailleurs, les notes manuscrites intitulées « règles internet décidées le 24/02/10 » saisies chez Candy Hoover et mentionnées plus haut dans la partie relative au contexte de la mise en œuvre des restrictions par les fabricants et fournisseurs (paragraphe 161), évoquent notamment les hausses de prix pour faire face à l'essor des ventes en ligne, et posent comme principe d'action:« on prévient avant d'agir »205.

227. La stratégie de Candy Hoover pour faire face au développement des ventes en ligne apparaît également dans un document de présentation interne saisi chez Candy Hoover, intitulé « Marketing Plan 2012 »206. Ce document indique que le développement due-commerce a facilité la comparaison, et a conduit à un alignement à la baisse des prix, sur tous les canaux207, et dénonce notamment des « grossistes mal contrôlés bénéficiant de conditions avantageuses »208. Candy Hoover présente son positionnement comme permettant de procurer aux spécialistes de l'électroménager un« business sécurisé», qui se caractérise par « rentabilité assurée, vendabilité des produits, panier promotionnel maitrisé »209.

228. Une autre page détaille trois actions stratégiques pour la marque Hoover: « 1. Sortir des circuits de vente "low cost" (pure players + hard discount) avec Dynamic; 2. Définir une gamme Dynamic avec un price index plus proche de celui de Candy ; 3. Etre référencé chez les spécialistes, multi spécialistes et traditionnels avec la gamme Dynamic et un Contrat de Distribution Sélective »210.

229. À partir de 2011, Candy Hoover a ainsi progressivement mis en place un système de distribution sélective pour une partie de ses produits. Candy Hoover a indiqué avoir mis en place trois contrats de distribution sélective, respectivement à partir de juin 2011, pour sa gamme de produits« Rosières Privilège Encastrable »,juin 2012 pour sa gamme de produits « Hoover Premium », et juin 2013 pour sa gamme de produits « Rosières Privilège Pose Libre »211. Candy Hoover a également présenté le contrat de distribution sélective comme étant un « contrat type, identique pour chaque distributeur » et a confirmé son application à l'ensemble des revendeurs de marques Rosières et Hoover ainsi que le caractère « haut de gamme» des produits GEM concernés ou encore les critères de sélection212.

La communication continue par Candy Hoover aux distributeurs de prix conseillés

230. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Candy Hoover communiquait des plans de vente pour les produits référencés par le distributeur en question, lesquels contenaient les informations issues de la négociation commerciale, comme le prix d'achat net, et comportaient systématiquement une colonne « PMM» pour «prix moyen marché »213, correspondant au prix de revente recommandé par le fabricant.

231. Il ressort des éléments du dossier que les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comportaient systématiquement les prix recommandés, la dernière liste de tarifs étant applicable jusqu'au 31 décembre 2014214.

232. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent aussi que Candy Hoover - directement ou par l'intermédiaire des grossistes - rappelait régulièrement les niveaux des PPI aux distributeurs ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. À titre d'exemple, on peut ainsi mentionner :

- des notes manuscrites du 31 août 2010, prises lors d'un échange avec Boulanger, contiennent des informations relatives aux positionnements prix de plusieurs références en prévision de futures opérations promotionnelles chez Boulanger215 ;

- des notes manuscrites du 27 octobre 2010, prises lors d'un échange avec Auchan, comportent notamment l'information suivante : « confirmer PPI / triple net - vendredi 5/11 ))216 •'

- des notes manuscrites du 18 novembre 2010, prises lors d'une réunion téléphonique avec « PREP/ASTER », mentionnent les prix de revente de plusieurs références de fours et, plus particulièrement, leur évolution à la hausse217 ;

- le 31 août 2011, un courriel interne en préparation d'un rendez-vous avec Ubaldi, liste plusieurs aspirateurs à proposer à Ubaldi, et un« PPI » est associé à chacun218;

- dans un courriel du 30 septembre 2011, Candy Hoover a communiqué à But le« PPI » de plusieurs produits de PEM, voire, pour certaines références, un PPI promotionnel tel que, par exemple:« Flash TF2005 [aspirateur], 2000W, PPI 99/79 »219;

- un tableau de références d'aspirateurs liste des tarifs à destination de Selectis et But applicables au début de l'année 2012, avec des prix de revente indiqués dans une colonne « PPI €TTC »220• ,

- un échange de courriels internes du 15 février 2012 par lequel Candy Hoover a communiqué au distributeur General Export France les « PPI » de huit aspirateurs et d'une centrale vapeur221 ;

- un tableau de références de GEM encastrables, daté du 21 mars 2012 et préparé à destination de Selectis, référence de nombreux produits de GEM auxquels des « PPI » sont associés. Dans la colonne « liste produits sensibles », est indiquée, pour certaines références, la mention « blacklist », légendée comme étant « pas web» tandis qu'une autre mention « CDS», renvoie à « contrat de distribution sélective »222 ;

- un tableau de références de GEM, daté du 5 avril 2012, intitulé« référencements 2012 », contient une liste de nombreux produits de GEM (lavage, froid et cuisson) pour lesquels des « PMM* » (pour prix moyen marché) ou des « PPI » sont associés. Le tableau comporte des onglets relatifs à des distributeurs spécifiques (Leclerc, Auchan, Concerto, Boulanger et Findis) auxquels des références sont attribuées, parfois un PPI indiqué, ou encore le statut du produit (protégé, exclusif)223 ;

- un tableau, transmis en pièce jointe d'un courriel du 10 avril 2012, ayant pour objet « CONCERTO_informations centrale 2012 », à destination du distributeur Concerto, contient de nombreux produits de PEM et GEM auxquels sont associés des « PPI » ou « PMM »224.'

- un tableau de références saisi dans les locaux de l'entreprise qui énumère, pour l'année 2013, de nombreux produits, en particulier des aspirateurs, à chacun desquels est associé un « PMM », ainsi que des colonnes par distributeurs contenant des indications en fonction des références, ou des croix (dans une colonne WEB)225;

- un tableau daté du 15 octobre 2013 de références d'aspirateurs, de produits d'entretien du sol et de centrales vapeur, intitulé « Tarif Hoover Gamme 2ème Semestre 2013 », à destination de Selectis-But, dresse une liste de nombreux produits, avec pour chacun un «PP!» associé, un« coeff » et la« marge en % »226;

233. Les prix ont parfois fait l'objet de négociations avec les distributeurs. En témoignent notamment les documents suivants :

- des notes manuscrites, datées du 15 avril 2009 et prises à la suite d'une réunion avec But, contiennent des informations sur le positionnement de But s'agissant des gammes encastrables («BI» pour « built-in ») et pose libre (« FS » pour «free-standing ») de Candy Hoover227. Elles indiquent notamment que les responsables de But «  veulent ''péter" les prix » et veulent cependant préserver leur marge car ils «  [v ]eulent [un coefficient de] 1,90 sur produits pétés ! »228 ;

- des notes manuscrites, datées du 31 août 2010 et prises lors d'un échange avec Boulanger, contiennent des informations relatives aux positionnements prix de plusieurs références en prévision de futures opérations promotionnelles chez Boulanger229 ;

- des notes manuscrites datées du 13 septembre 2010, prises lors d'un rendez-vous de Candy Hoover avec Darty, indiquent que ce distributeur: « [v]a [commander] le FPP646/JX[four] à 379 »230;

- des notes manuscrites datées du 3 décembre 2010, prises lors d'un échange de Candy Hoover avec le cuisiniste SALM (aujourd'hui dénommé Schmidt Groupe, incluant les marques Schmidt et Cuisinella), font état de soldes chez Cuisinella Schmidt avec, pour de très nombreuses références, l'indication du prix de revente de départ suivie du nouveau prix promotionnel discuté avec les distributeurs231 ;

- des notes manuscrites, datées du 7 janvier 2011 et prises lors d'une réunion interne du comité de direction de Candy Hoover, contiennent les éléments suivants s'agissant de la politique commerciale, qui présente la politique de maintien des prix comme un argument de vente à l'intention des distributeurs : « Discours DCN [Directeurs Commerciaux Nationaux] : - politique co[mmerciale] : maintenir la nôtre (Marketing indice prix) ; - marge maintenue ; - produit à valeur »232 ;

- dans un courriel du 11 janvier 2011 ayant pour objet « HOOVER - GUIDE PEM AVRIL/SEPTEMBRE 2011 - PRESELECTION», Group Digital a demandé à Candy Hoover de « vérifier les éléments suivants : - références, - PP! - Eco-part TTC et d..y apporter les éventuelles corrections. Je vous précise que ce sont ces éléments qui apparaîtront dans notre guide d'où l'importance d'une relecture attentive »233;

- le 14 mars 2012, dans un courriel interne, un salarié de Candy indique avoir inséré, dans un tableau qui devait être envoyé à Darty, « un Prix Facture revu à la baisse en fonction du nouveau PPI décidés (sic), afin que Darty garde quasiment le même coej[ficient] qu'actuellement sur [quatre références d'aspirateurs] »234. Ledit tableau, en pièce jointe, comporte ainsi un prix de détail(« Retail Price ») pour trois références d'aspirateurs ;

- le 25 juin 2013, dans un courriel ayant pour objet « Darty / Hoover Pern - Produits Web & Politique Tarifaire », Candy Hoover a interrogé Darty en prévision de la construction de gamme à venir, en s'enquérant par exemple de la possibilité pour Darty d' « absorber une hausse "produit web" » sur le prix d'achat (« PF » dans le texte) tout en maintenant le PPI du produit, en indiquant en conclusion que pour « Darty.com. nous aurions la construction de Gamme suivante en Balai »235. S'ensuivent sept références d'aspirateurs auxquelles un PPI est associé. Le fabricant indique en effet au distributeur n'avoir« pas augmenté [ses] Tarifs depuis des années ... Et cela.finit par nous poser un soucis (sic)... Nous souhaitons continuer à préserver les PPI des produits best-sellers magasins, sans augmentation [prix d'achat du distributeur] ni hausse PPI, ni déspécifications, tout en cherchant des contributions qui pénaliseraient dans une moindre mesure les Enseignes GSAIGSS »236.

Le contrôle des prix de revente par Candy Hoover mais aussi par les distributeurs

234. Candy Hoover a souscrit auprès de WorkIT, de 2009 à 2014, un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits237.

235. Concrètement, Candy Hoover transmettait à WorkIT, pour intégration dans son outil, la liste des sites internet à suivre, ce dernier lui donnant en retour un relevé quotidien238.

236. Des notes manuscrites, datées du 8 janvier 2010, saisies chez Candy Hoover, contiennent plusieurs informations sur le profil d'accès et le mode de fonctionnement de WorkIT239. Il y est notamment mentionné qu'une trentaine de sites internet est concernée, qu'un code couleur permet de distinguer les sites en fonction des prix pratiqués et des opérations commerciales en cours (promotion, déstockage et occasion), pour les produits sélectionnés.

237. De nombreux documents et courriels internes confirment la volonté de Candy Hoover de contrôler le niveau des prix notamment sur Internet :

- des notes manuscrites du 2 juin 2010 reprennent le contenu de discussions intervenues lors d'une réunion interne sur les ventes en ligne, et évoquent l'écart de prix accepté de 10 à 15 %240;

- des notes manuscrites, datées du 27 avril 2010 et prises lors d'un échange interne à Candy Hoover, comportent la mention suivante : « Politique internet + contrat sélectif + respect/ application »241 ;

- des notes manuscrites datées du 5 mai 2010 contiennent l'information suivante : « Pb [problème]( ... ) Aqua 100 [lave-linge] - Ubaldi 403 euros TTC »242;

- des notes manuscrites du 7 octobre 2010 contiennent l'information suivante : « dJ [attention] Tarifi,cation Selectis qui "bouffent" nos clients cuisinistes indépendants »243 ;

- des notes manuscrites, datées également du 7 octobre 2010 et prises lors d'un échange de Candy Hoover avec GITEM, comportent l'information suivante:« politique tarifaire [plus] agressive. Ecart accepté maxi vs@ - 15 % »244 ;

- des notes manuscrites, datées du 27 octobre 2010 et prises lors d'un échange de Candy Hoover avec Auchan, comportent notamment l'information suivante : « -  confirmer PPI / triple net - vendredi 5/1J »245 ;

- des notes manuscrites datées du 15 avril 2011, prises lors d'un rendez-vous de Candy Hoover avec Selectis, comportent des informations relatives à l'application de la politique commerciale de Candy Hoover par Selectis et à la mise en œuvre des règles « internet » décidées en 2010: « [à] date, respect de la pol[itique] co[mmerciale] des industriels par Selectis. Ok pour protéger des pdts [produits] mais il faut pouvoir proposer des liquidations. Sélectis a rencontré Ubaldi pour 2011 la pol[itique] co[mmerciale], les pdts [produits] de distrib[ution] sélective ... Remontée de prix: ok et à J+7: bilan de l'opé[ration] / Le 1er mois de la sortie d'une nouveauté,  le pdt [produit] est au PMM [prix moyen marché] sur le site »246;

- un courriel interne du 10 mai 2012 dresse le compte-rendu d'un rendez-vous avec Ubaldi sur le niveau des prix pratiqués par ce dernier247 ;

- un courriel interne du 23 mai 2012 fait état du positionnement prix d'une référence d'aspirateur chez But en indiquant notamment: «Buta mis un prix< de -10€ / PPI prévu. 139€ sur TTE2407. ( ...)s'est bien gardé de le dire,je n'étais pas au courant. Pour le moment, Darty (qui est le seul à l'avoir) est encore à 149 ... Le dépliant dure 2 semaines 1/2. Au pire, le prix remontera ensuite »248 ;

- le document intitulé « Marketing plan 2012 » met en avant le fait que Candy Hoover permet à ses clients distributeurs d'assurer un« business sécurisé» soit notamment une « rentabilité assurée » et un « panier promotionnel maîtrisé »249 ;

- un courriel interne du 22 janvier 2013 alerte ses destinataires du prix pratiqué en ligne par plusieurs distributeurs pour une référence d'aspirateurs250;

- un courriel interne du 14 octobre 2013 en vue d'un rendez-vous avec Ubaldi pour les produits PEM évoque notamment la « tenue de la politique commerciale » par Ubaldi, la surveillance d'une vingtaine de références, et le fait qu'Ubaldi fait preuve de « réactivité internet pour veiller à la Pol[itique] Co[mmerciale] »251 ;

- des impressions de produits de marque Hoover affichés et disponibles à l'achat sur le site d'Ubaldi le 17 janvier 2014, saisies chez Candy Hoover, comportent pour certains produits, des références et prix surlignés et modifiés, tels que « 159 » pour un produit affiché initialement à 150 euros252.

238. Différentes pièces témoignent également du rôle joué par les distributeurs dans le contrôle des prix conseillés et leur participation à la pratique :

- des notes manuscrites datées du 18 novembre 2011, prises lors d'un rendez-vous de Candy Hoover avec Darty, indiquent, s'agissant d'une référence de table de cuisson «faire remonter But à 149€ », et, s'agissant d'une référence de four,« But doit remonter à 699 »253 '•

- le compte-rendu d'un entretien avec Ubaldi du 10 mai 2012 indique: «  [!']Acheteur [Ubaldi] nous fait part de quelques sites (Electromust/Abribat/Alpha-Price/Nouveau­ Marchand) qui continuent à pratiquer des prix discount sur les ref citées plus haut - Hoover Pem s'est engagé à regarder qui fournit ces sites/magasins, de trouver la source (voir ensuite avec CVR [cellule de veille] le moyen de contrôle en région) et prendre les mesures nécessaires dans la mesure de nos moyens »254 ;

- entre le 10 juillet et le 6 septembre 2012, des échanges internes ayant pour objet « produits sensibles » dressent un état des lieux des positionnements prix de certaines références chez plusieurs distributeurs et les actions à mener pour remonter le niveau des prix de revente. Il est notamment enjoint aux équipes de« suivre ce sujet (... ), en prenant les mesures nécessaires, y compris les plus drastiques, si le stock ne revient pas vite au niveau chez ces 2 sites MMC/Sl0C [Maismoinscher, Superl0count] ».Parla suite, il a été souligné en interne à titre de compte-rendu des actions menées : «  La Redoute a remonté son stock hier, à 159. VPC-Boost/Discounteo/Villatech remontera à 139 cet après-midi. C-Discount (avec D3E et frais de port) est à 136, donc OK.  J'ai eu ce matin Ubaldi qui va se mettre à 139pcs. Ensuite, Darty sera à 139, elle est prévenue. (... ) : SLD va soit remont[ er] Villatech à 199 ou supprimer le produit. En tout cas, d'ici demain, il ne sera plus à 159 »255 ;

- le 6 septembre 2012, un salarié de Candy fait état de l'insistance de Darty à propos de certaines références vendues par la Fnac. Ayant contacté la Fnac pour une intervention sur le prix, ledit salarié relate : « Li]'ai contacté !'Acheteuse Pem Fnac.com, qui m'a "envoyé balader"_ en me "trouvant gonflé de l'appeler pour agir sur un prix d'un produit que je ne lui vends pas" !!! Elle a tout de suite deviné que la ''pression" venait de Darty Oe n'ai pas confirmé), visiblement je ne suis pas le Ier à l'appeler de "la part de Darty" ! Elle a précisé que sa politique n'est pas ''pure-player" et qu'elle se met sur Darty et Boulanger. Sauf que Darty s'est mis sur Fnac »256;

- le 28 février 2013, un échange de courriels internes relate une demande d'intervention pour augmenter le prix de revente de plusieurs références. L'information est par la suite relayée en interne, avec les précisions suivantes : « hier, Disconteo remonté en TRE1410, qui va entrer sur Dartyfr, donc vigilance encore accrue » et « [i]e compte sur toi pour Dimipro dans la journée du 01/03/13, que tu avais fait déjà remonter »257;

- les 4 et 5 mars 2013, un échange de courriels internes alerte sur le positionnement prix de plusieurs distributeurs en indiquant notamment : « DARTY a redécroché à 319 €, ils sont tous seuls à part MMC [Maismoinscher] qui est à 334€ mais qui!'était déjà avant. Tous les autres sont au bon prix. (...) peux-tu voir ce qu'il se passe stp ? Merci». Candy Hoover a ensuite contacté Darty et a partagé l'information en interne : «  Voici la réponse SMS de [DARTY]: - RBC009 -----+ aligné sur C-Discount. Toutefois,  elle le remonte demain à 379. (...), tu fais remonter C-Discount sous 24h ? - RBC006 -----+  remontée demain à 349; - SSNl700-----+ aligné sur Ubaldi. Toutefois, elle remonte demain à 99. J'ai prévenu Ubaldi, qui remonte aussi demain »258.

239. Le contrôle des prix et son effectivité ressort effectivement de pièces attestant de ce que le niveau des prix était respecté. A titre d'exemple, un courriel interne à Candy Hoover du 1er mars 2009 décrit les positionnements de certains distributeurs, et indique, à propos de Planet Saturn : « Et prix respecté!!! Que demander de plus @»259. Il en est de même pour les échanges de courriels du 10 juillet 2012 au 6 septembre 2012 (mentionnés au paragraphe précédent) constatant la remontée de prix de La Redoute notamment260, le courriel du 22 février 2012 constatant que Darty respecte les prix imposés261, et celui du 28 février 2013 rappelant le succès d'une précédente demande de remontée de prix auprès de Dimipro262.

240. Certaines pièces témoignent de l'utilisation de robots pour actualiser automatiquement les prix, comme l'indiquent des notes manuscrites datées du 25 mai 2010, prises lors d'un échange de Candy Hoover avec Maismoinscher263. De la même manière, une liste datée du 10 octobre 2011 ayant pour objet « liste des sites référents», avec l'indication manuscrite « liste suivi par Selectis », répertorie les sites de vente en ligne utilisés par Selectis comme « référent[ s] » pour son robot de surveillance de prix, les deux autres colonnes précisant si le site est pris en compte par ledit robot pour procéder à un alignement de prix pour la catégorie de produits en question264.

Les actions en cas de non-respect des PPI

241. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, Candy Hoover pouvait intervenir auprès de ces derniers afin de demander une remontée des prix. De nombreux exemples de telles actions figurent dans le dossier, par exemple :

- le 13 octobre 2009, dans un courriel interne ayant pour objet « Stock RLF101 [lave-vaisselle] », il est demandé aux équipes de faire modifier à la hausse le prix de revente de la référence en objet du courriel265 ;

- des notes manuscrites prises entre le 18 novembre 2011 et le 12 janvier 2012 contiennent des instructions de remontées de prix à l'attention de certains distributeurs, tels que Darty, Boulanger, et Conforama, dont Candy Hoover juge le prix de revente trop bas pour de nombreuses références, notamment des fours, tables de cuisson, caves à vin et hottes266. Par exemple, il est indiqué pour les plaques de cuisson : « RDE342RB 149€ liv[ raison] incluse, faire remonter Darty à 149€ »267 ;

- le 22 février 2013, dans un courriel concernant une référence d'aspirateur, Candy Hoover a demandé à Conforama de faire « le nécessaire pour tous les distributeurs, pour le stock à 380. Dartoche [DARTY] est déjà OK. Merci à toi». Le même jour, Conforama a répondu: « FAIT POUR DEMAIN». À la suite de cette réponse, la remontée de prix a été confirmée en interne: « Darty OK depuis hier. Confo et LMDV depuis tout de suite »268-- • '

- le 28 février 2013, un échange de courriels internes donne lieu à une demande d'intervention  pour  augmenter  le  prix  de  revente  de  plusieurs  références d' aspirateurs269 ;

- dans un courriel du 4 mars 2013, Candy Hoover a contacté Darty afin d'augmenter le prix de certaines références en indiquant: «je [veux] savoir si vous aviez la main sur internet. J'ai un petit souci de stock sur RBC006 / RBC009 / SSN1700 [aspirateurs]. Puis-je vous appeler?». Darty lui a alors proposé« un sms sur mon portable  si le mail n'est pas approprié : (... ) en m'indiquant les références et le bon niveau de stocks »270 ;

242. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, Candy Hoover envisageait explicitement de ne plus fournir les distributeurs «déviants». Le dossier comporte des éléments dans ce sens par exemple :

- des notes manuscrites du 2 juin 2010, ayant pour objet« réunion Internet», dressent la « liste des sites où ne souhaitons pas être vus »271. Un courriel interne du 3 juin 2010 retrace les réflexions internes au fabricant sur la commercialisation de ses produits sur Internet indique après avoir évoqué la nécessité de « définir des règles » que « SELECTIS accepterait nos recommandation de travailler / ou pas avec certains sites »272 •'

- des notes manuscrites, du 2 juillet 2010, prises lors d'un rendez-vous avec Selectis, saisies chez Candy Hoover comportent notamment les éléments suivants : « Contexte Internet - Le site le [plus] agressif: Mais - Cher puis Pixmania - Règles décidées par Selectis - [Internet] doit peser max 12% du CA total - Mais Moins Cher : -80% avec Selectis »273 •'

- à la suite d'un entretien avec un distributeur, Candy Hoover a indiqué en interne, le 15 février 2012 sa« volonté STRATEGIQUE de la gamme de vendre produits > 99 € pour ces clients (si dérapage il y a, NOUS LES COMBATTONS! nous arrêtons les appro[ visionnement ]s...pour les clients cités mais aussi pour lui si besoin »274 ;

- à l'occasion de la préparation d'une réunion avec Ubaldi, Candy Hoover indiquait dans un courriel interne du 20 mars 2012 « en échange de [14 nouveaux produits] ils positionnent nos produits au bon tarif ou MIEUX, ils les retirent »275 ;

- dans un courriel interne du 28 septembre 2012, Candy Hoover justifie l'exclusivité donnée à certains distributeurs pour une référence par le fait que ces derniers sont « les vrais qui préservent la valeur »276.

243. Le rôle de protection de la distribution sélective, et l'utilisation de ce dispositif comme un moyen de faire respecter des prix conseillés sont également attestés par les pièces du dossier :

- un document du 30 octobre 2009 résume le contenu d'une réunion interne relative à la vente en ligne et aux solutions à mettre en œuvre pour assurer le respect des prix conseillés : « Internet : Constat : PPI 300 euros inférieur sur le net -  Exclusion de certaines enseignes car ils vendent sur le net. Définir des règles pour faire respecter notre politique commerciale sur internet : à présenter pendant les référencements : - distribution sélective avec conditions ? - gammes particulières ? »277 ;

- des notes manuscrites du 24 avril 2009 saisies chez Candy Hoover font état d'une réunion interne avec les directeurs commerciaux au sujet d'une « réduction des gammes », par la mise en place d'une classification des produits Candy Hoover en « gammes internet- gammes cash - gammes protégées »278.

d) Les pratiques relevées s'agissant d'Eberhardt

La stratégie d'Eberhardtface au développement des ventes en ligne

244. Plusieurs éléments illustrent les réflexions menées en interne par Eberhardt pour faire face au développement des ventes sur Internet. Un document interne d'avril-mai 2010279 intitulé « Discours - Internet», détaille la politique d'Eberhardt relative aux ventes en ligne280. En réponse au constat de prix trop bas sur ce canal, la politique est d'exclure certaines marques de la vente sur Internet et de« limiter le prix étiquette à un maximum de -20 % », auprès de sites« référence» à audience nationale, lesquels« seront d'ailleurs d'autant plus enclins à (... ) suivre [l'entreprise] dans cette démarche de remontée des prix car ils seront moins perturbés par les sites dits "garages"». Ce document interne détaille ensuite les objectifs et les étapes pour les réaliser. Il s'agit d'augmenter la marge et de limiter la concurrence avec les sites « garages » en deux étapes :

« Etape 1 : faire remonter les prix des plus gros sites internet à influence nationale (... )

Etape 2 : Bloquer l'accès à nos produits à certains sites perturbateurs et non qualitatifs. »

245. L'objectif de remontée des prix est fixé à la date du 10 mai 2010, et il est prévu une coordination au niveau national pour l'ensemble des sites. Enfin le document précise les moyens qui peuvent être employés pour atteindre ces objectifs : « [n]ous sommes prêts à prendre les dispositions nécessaires pour réussir ce challenge indispensable pour la pérennité de la marque (délais de livraison rallongé[ s], rupture momentanée, diminution des conditions en accord avec nos CGV) »281.

246. Par ailleurs, Eberhardt a commencé, à partir de septembre 2010, à négocier la mise en place d'un système de distribution sélective avec ses distributeurs282. La distribution sélective a concerné en définitive, après son extension à la marque Falmec en juin 2013, l'intégralité des produits commercialisés par Eberhardt en France.

La communication continue par Eberhardt aux distributeurs de prix conseillés

247. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Eberhardt communiquait des plans de vente qui présentaient, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale comme le prix d'achat net, et comportaient systématiquement une colonne « PP! TTC», ou encore « stock de sécurité», correspondant au prix recommandé par le fournisseur.

248. Il ressort des éléments du dossier que les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014, pour les marques Baumatic, Falmec et Liebherr, comportaient systématiquement des prix recommandés, la dernière liste de tarifs étant applicable à compter du 1er mars 2014, pour l'année 2014283.

249. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent aussi qu'Eberhardt communiquait les PPI aux distributeurs, ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. À titre d'exemple, on peut ainsi mentionner :

- un tableau intitulé« Plan produits 2011 Liebherr » daté du 21 septembre 2010 saisi chez Eberhardt dresse la liste d'un grand nombre de produits de GEM en associant un « P.P.I. » pour chacun d'entre eux284;

- en pièce jointe d'un courriel interne à Eberhardt, un tableau du 8 mars 2013 intitulé « plan de vente Liebherr applicable à compter du 1er avril 2013 » pour le distributeur HT Discount, recense un nombre important de produits auxquels des « P.P.I. » sont associés285'

- une « circulaire à la FDV[force de vente]» datée du 27 mai 2013, saisie dans les locaux d'Eberhardt, indiquait les prix promotionnels qui seraient appliqués par le distributeur GITEM entre le 26 juin et le 17 août 2013, énumérant ainsi six références de réfrigérateurs et congélateurs Liebherr retenus avec pour chacune un « PPI », parfois barré pour indiquer une promotion286 ;

- en juin 2014, dans le cadre de son audition, AMS a transmis aux services d'instruction des grilles de tarifs de produits, en pose-libre et en encastrable, et accessoires de marque Liebherr communiquées par Eberhardt et portant la mention « tarif indicatif 2014 - Version avril 2014 ». Dans ces grilles, à chaque référence est associé un « PPI », décrit comme un« prix public généralement constaté dans la distribution »287.

250. Les prix ont fait l'objet d'un processus de détermination en interne et parfois de négociations avec les distributeurs. Les éléments du dossier suivants en témoignent :

- une présentation interne saisie chez Eberhardt et relative à des plans d'actions commerciales pour 2013 mentionne notamment la « liste des PPI et prix stratégiques retravaillées »288. Le document comporte la mention «financement des promo[tion]s par les magasins en baissant le coej[ ficient]. du magasin pour permettre un dépositionnement plus important » ;

- un document daté du 2 septembre 2010 saisi dans les locaux d'Eberhardt fait référence à plusieurs reprises à des« PPI » concernant des produits de GEM289. Il est notamment fait mention, pour un modèle de cave à vin, d'un« PPI demandé= 1 150 €,  puis DARTY a demandé à davantage de marge à 1 199 €»290.

Le contrôle des prix de revente par Eberhardt mais aussi par les distributeurs

251. Eberhardt a souscrit auprès de Work.IT, à compter du 16 août 2010, et tous les ans par tacite reconduction jusqu'en 2020, un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits291.

252. Concrètement, Eberhardt transmettait à Work.IT, une liste non exhaustive de sites internet à suivre, l'outil en question réalisant un relevé quotidien des prix292.

253. De nombreux documents et courriels internes confirment la volonté d'Eberhardt de contrôler le niveau des prix notamment sur Internet. En premier lieu, plusieurs d'entre eux attestent de la surveillance exercée par Eberhardt sur les prix :

- plusieurs tableaux intitulés « Relevé Internet» datés d'entre le 3 juillet et le 5 novembre 2009 présentent de nombreux produits Liebherr et indiquent l'écart, en pourcentage, entre le prix de vente conseillé et le prix de vente constaté sur les sites internet de plusieurs distributeurs, tels que AMS, Ubaldi ou encore Comcebo.com293 ;

- un tableau du 22 avril 2010 contenant des informations relatives à de très nombreux sites internet294. La mention « A TUER» y figure ainsi à plusieurs reprises face aux sites internet Maismoinscher et Laboutiquedunet. Parmi d'autres commentaires y figurant peuvent être mentionnés « sites à réguler» ou « sites à bloquer », « trop dangereux en prix facial il faut arrêter !!!!!! sinon pas de LH [Liebherr] sur le site » (site Maxdeventes) ou encore « p[ro ]bl[ème] étiquette, cause de gros soucis à DARTY pour l'emporter » (sites Electromust, Electrostop, Electromalin, Electroradin et Maxdeventes). Le tableau fait également apparaître l'organisation de la surveillance en interne, des noms de responsables figurant en face des différents sites internet ;

- le 23 juillet 2009, dans un tableau intitulé« Comparatif Prix Darty / Ubaldi », plusieurs produits Liebherr sont présentés avec indication de l'écart, en pourcentage, entre le prix de vente conseillé et le prix de vente constaté sur les sites internet de Darty et d'Ubaldi295'

- un tableau du 9 septembre 2010 saisi dans les locaux d'Eberhardt contient plusieurs onglets dénommés «Agressivité», « HISTO » ou encore « TRI MOYEN», et fait apparaître l'écart de prix, en pourcentage, avec le prix conseillé296 ;

- un document interne daté du 16 septembre 2011 saisi dans les locaux d'Eberhardt et intitulé  « concurrence  guide concerto boulanger internet », présente  un onglet « concerto » qui comporte notamment plusieurs références Liebherr en indiquant le prix de vente correspondant sur différents sites internet, ainsi que l'écart en pourcentage entre ce dernier et le PPI297 '•

- un tableau de synthèse établi par un salarié d'Eberhardt, datant du 18 octobre 2011298, indique dans la partie « internet » les différents moyens mis en œuvre par le fournisseur pour suivre et encadrer les conditions dans lesquelles ses produits étaient revendus en ligne (veille Internet, utilisation de WorkIT, fréquence des mises à jour, etc.)299;

- un tableau datant du 21 octobre 2011300 intitulé « synthèse Internet» énumère des sites internet distribuant des références commercialisées par Eberhardt, par catégorie (« sites e-commerce agréés», « sites vitrines agréés», « sites en cours de règlement (accord trouvé) - vont disparaître»,« market place»), une colonne indiquant le site« le moins bon » avec un écart en pourcentage du prix de revente au détail par rapport au prix conseillé301. D'autres tableaux avec le même intitulé et la même catégorisation ont été saisis chez Eberhardt avec des relevés de prix pour d'autres périodes (notamment deux tableaux reprenant des relevés pour les périodes du 27 février au 3 juillet 2011302, et du 2 mai au 19 août 2013303);

- le 27 mai 2013, un courriel interne aux services commerciaux d'Eberhardt mentionne les éléments suivants : «  [n]ous avons réussi à conserver, voire augmenter, notre PVM alors que le marché est tombé fortement. Tous les produits concurrents se sont améliorés en définition mais toujours au même prix -> le gap augmente entre nous et le marché, sans parler des remises sur internet qu'on ne trouve plus chez nous »304;

- le 15 juillet 2013, un relevé de prix interne à Eberhardt est accompagné des mentions suivantes: « LIEBHERR: A noter une attaque de PRO [Pro&Cie] sur les CGL [congélateurs] coffre (... ) & Boulanger qui ne bouge pas ses lignes (... ) FALMEC. CDISCOUNT recule sur la PLANE] 430 ainsi que sur la QUASAR. DARTY reste sur sa position »305.

254. Différentes pièces témoignent également du rôle joué par les distributeurs dans le contrôle des prix conseillés et leur participation à la pratique :

- le 6 novembre 2009, dans un courriel interne, un responsable commercial d'Eberhardt évoque un entretien avec une représentante de Darty : « Très énervée elle m'a menacé de sortir tous les produits qui sont pétés chez Ubaldi et Electromust. (...)

Je te fais un résumé pour Ubaldi (la situation n'est pas cata) :

KTSJ 25 [réfrigérateur] elle trouve qu'à 280 c'est encore trop par rapport à 330 !!!! (... )

En fait elle refuse que ce site soit moins cher que ses magasins car il apporte le même service : livraison toute France et Garantie 2 ans PMD. Que faire ?

Je lui envoie un premier mail pour la calmer un peu car je pense que certains produits tu as déjà pas malfait le ménage et qu'elle pourrait s'en souvenir ...

Après à toi de jouer pour améliorer encore notre copie notamment pour le CBN3956 [réfrigérateur] et les produits à - 20%. L'idéal serait de faire disparaitre le [congélateur] CCE2317, le [réfrigérateur] K258 et le [réfrigérateur] KTS125 »306;

-          le 7 juillet 2010, un compte-rendu interne à Eberhardt à la suite d'une réunion avec Darty indique, dans la partie « LIEBHERR ( ... )Internet», que Darty est « toujours très fâché pour ass[ai]nir la situation sinon elle nous vire tout des magasins et on fera plus que del 'internet ensemble». A la suite de ce propos, le compte-rendu poursuit au sujet du «point Business  Finalisation  des offres de juin»:  « G 2413-22  [congélateur Liebherr]: sera 80% des magasins, appro [approvisionnement] à ajuster  + Refus, trop pété sur internet

GN 2723 [congélateur Liebherr] : 80% des magasins, appro à ajuster-----+ Refus, trop pêté sur internet

CCE 2317 [congélateur Liebherr] : prêt à le repousser mais si on arrive à le contrôler sur internet !!!! »307 ;

-          le 22 mars 2012, dans un courriel interne ayant pour objet« 10 h RCI [réfrigérateurs] sur Electromust + autres», un salarié d'Eberhardt a fait part d'appels reçus de cuisinistes lui demandant, à propos de deux réfrigérateurs : «  [v ]ous serait il possible de demander à Electromust de remonter ces 2 références ? Entre nous, Electromust est le seul à ce prix là donc il peut remonter tranquillement le prix »308 ;

-          dans un échange de courriels du 4 juillet 2012 intitulé « ça va me coûter un très très bon repas je pense», un représentant de GPdis a indiqué à un responsable d'Eberhardt: « [m]ise àjour faite, reste G 122 [congélateur] et CCE 2318 [congélateur] en soldes car produit terminé, difficile à arrêter». Quant aux raisons pour lesquelles il lui devait un « bon repas», un responsable commercial d'Eberhardt a expliqué à son interlocuteur chez GPdis: «  [p]our avoir remont[é] tou[s] les stocks sur VILLATECH dans la minute! Hormis G122 et CCE2318 car vieux produist [sic] mais sinon tout nickel ! »309 ;

-          un courriel du 5 juillet 2013 par lequel le gérant d'un magasin d'électroménager NehligConnexion, affilié à la centrale d'achat Ex&Co, s'étonne auprès d'Eberhardt du prix pratiqué par un concurrent sur des références Liebherr « soi-disant protégées » et conclut: « [p]ourriez-vous donner des explications à la centrale EXECO car dans ces conditions,je ne vois pas l'intérêt de signer des contrats de distribution »310;

-          le 9 juillet 2013, à la suite d'un courriel d'alerte d'un distributeur, un responsable commercial d'Eberhardt fait un compte-rendu de l'entretien avec ce distributeur et indique que ce dernier « entend bien notre discours de monter en gamme et y adhère totalement » et précise : « Li]e lui ai bien sûr expliqué que nous avions des FDS [fins de stock] à se débarrasser mais là, on a peut être franchi un peu trop la ligne blanche! »311.

Les actions en cas de non-respect des PP/

255. La surveillance exercée par Eberhardt est illustrée par des demandes de remontée de prix adressées aux distributeurs en cas de non-respect des PPI :

- dans un courriel du 10 juillet 2009, un responsable commercial d'Eberhardt demande à AMS de remonter le prix de 10 références : « [m ]erci de faire le nécessaire pour remonter vos stocks sur les produits suivants qui sont un peufaible[s] actuellement »312. Cette personne a par la suite relancé AMS par courriel du 20 juillet 2009313 ;

- le 17 novembre 2009, Eberhardt a demandé par courriel314 à AMS de mettre une liste de produits « dispo uniquement en magasin », ainsi que « pour le reste un petit effort vers - 15 % serait appréciable (comme MIELE) ». AMS a déclaré que « cela signifiait qu'Eberhardt, ayant vu que nous appliquions une réduction de prix limitée à 15 % pour les produits MIELE, nous demandait aussi de nous aligner sur la même réduction de prix limitée à 15 % »315. Toujours selon AMS cela revenait en réalité « à le référencer au prix imposé dans [la] base de données [d'AMS] et à le désactiver comme produit commandable sur internet, de sorte que facialement, il apparaissait sur internet mais uniquement au prix imposé et disponible uniquement en magasin »316;

- le 9 juillet 2010, dans un courriel ayant pour objet « Liebherr, produit en Blacklist », Eberhardt a adressé à AMS la « Black liste Liebherr » valable à partir du 15 juillet avec un tableau intitulé « Black list » listant 34 produits Liebherr317 ;

- le 30 janvier 2012, Eberhardt a demandé à AMS par courriel« de regarder les niveaux de stocks » pour certains réfrigérateurs de marque Liebherr, que le fabricant jugeait « un peufaible[s] »318;

- le 31 mai 2012, un échange de courriels interne à Eberhart indique que, « sur le net, tout va bien pour toi. Il n'y a qu'un produit à la limite: le CBPesf 3613 [réfrigérateur] : 10 acteurs du net sur le coup ! J'ai demandé à Ubaldi, Privilège, ElectroMust de remonter» et formule la demande suivante : « [s ]i tu pouvais en faire de même pour Villatech, ce serait cool». Ce à quoi il a été répondu: « Ok demande faite »319.

256. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, Eberhardt envisageait explicitement de ne plus fournir les distributeurs déviants. Le dossier comporte des éléments dans ce sens, par exemple:

- le 6 juillet 2009, dans un courriel portant sur un réfrigérateur Liebherr, un responsable commercial d'Eberhardt a indiqué à AMS que« compte tenu de vos stocks sur le produit, pourriez-vous svp [ne] l'avoir disponible [qu'en] magasin »320. AMS a déclaré qu'il s'agissait en réalité d'une demande de faire cesser la vente de cette référence sur le site internet au vu du prix pratiqué321 ;

- le tableau du 22 avril 2010 mentionné plus haut (paragraphe 253) comprend les mentions « A TUER » sur fond rouge face aux sites internet Maismoinscher et Laboutiquedunet. Il présente également les commentaires « sites à bloquer » ou « sites à réguler »322 ;

- le 10 mai 2012, dans un courriel ayant pour objet« compte bloqué fournisseur», AMS a informé la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France, que « la marque liebherr importateur eberhardt bloque [son] compte car pas aligné sur les prix darty » et qu'il était « en train de mourir à feu doux »323. S'agissant de cette alerte, AMS a également déclaré que« l'arrêt des livraisons de produits Liebherr était dû au non-respect des prix imposé[ s] »324 et que le fournisseur s'était engagé à reprendre les livraisons s'il s'alignait sur ces pnx imposés.

e) Les pratiques relevées s'agissant d'Electrolux

La stratégie d'Electrolux France face au développement des ventes en ligne

257. Plusieurs éléments illustrent les réflexions menées en interne par Electrolux pour faire face à l'essor des ventes en ligne. Sa stratégie apparaît notamment dans un document de présentation interne de 2011 faisant référence à deux « plans d'action » consistant à «faire appliquer la blacklist »parles sites Cdiscount et Mistergooddeal325. Le document mentionne également Pixmania.com et La Redoute, préconisant pour ces deux sites de limiter la gamme des produits326.

258. Dans le même document, le constat de ce que la« blacklist » n'est pas respectée s'applique au secteur de la pose libre327. L'objectif de « [d]éfinir la blacklist 2011 (vs référencements) » et de « [f]aire appliquer la blacklist ; Réduire certains assortiments pour concentrer les ventes »328.

259. À partir de 2011, Electrolux a mis en place un système de distribution sélective pour une partie de ses produits329.

260. Electrolux a ainsi indiqué avoir mis en place un réseau de distribution sélective sur certains produits de PEM de marque Electrolux en 2012, et l'avoir étendu à partir de mars 2013 aux produits de la marque Tomado du fait de son succès330.

261. Un document de présentation daté du 3 décembre 2012, dont deux pages avaient pour titre « [l]a distribution sélective en ELECTROLUX: des résultats très encourageants !! » présente deux exemples d'aspirateurs mettant en évidence des prix de revente plus élevés chez Darty, membre du réseau de distribution sélective, que chez les distributeurs pure players, qui en sont exclus331.

La communication continue par Electrolux aux distributeurs de prix conseillés

262. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Electrolux communiquait des plans de vente présentant, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale telles que les prix d'achat nets, et comportant systématiquement une colonne « PPI TTC» correspondant au prix recommandé par le fabricant332.  La  dernière  liste  des  tarifs  au  dossier  était  applicable  jusqu'au 31 décembre 2014.

263. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent aussi qu'Electrolux communiquait aux distributeurs les PPI ou des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. On peut ainsi mentionner à titre d'exemples :

- un courriel du 3 juillet 2009 adressé à deux acheteurs PEM de Boulanger dans lequel étaient communiqués les prix promotionnels de certains aspirateurs333. La proposition comporte, respectivement, un « stock disponible : 199.00 » et un « stock physique : 149.00 » pour la référence XXLBOX16, un « stock disponible: 249.00 » et un « stock physique : 149.00 » pour la référence ZXM7025 ;

- un tableau de références de familles de produits de GEM, des marques Electrolux et Faure, avec l'indication « Opportunités Leclerc AMJ [Avril-Mai-Juin] 2012 », correspondant à une opération promotionnelle, et saisi dans le bureau d'un responsable comptes clés d'Electrolux, comporte pour chacune des références un «PA» (prix d'achat) et un « PVGP* » (prix de vente généralement pratiqué) suivi d'un commentaire indiquant le prix initial334 ;

- entre le 25 juin et le 16 juillet 2012, des responsables commerciaux d'Electrolux ont échangé sur le niveau de prix de plusieurs références proposées par Cora dans un catalogue Multimédia  pour une opération promotionnelle du 24 octobre au 17 novembre 2012. Ces échanges associent des références et des prix de détail en précisant : « [c]es stocks sont validés avec la centrale »335 ;

- des tableaux de références d'aspirateurs de marque Tomado et Electrolux, intitulés « conditions tarifaires au 1er septembre 2013 », saisis dans le bureau d'un responsable d'Electrolux et signés par Conforama, Concerto, EMC Distribution, But et Metro, comportent une colonne indiquant pour chaque référence un« PFM TTC »336. S'agissant du terme « PFM » utilisé, Electrolux a indiqué  aux services d'instruction que « les conditions tarifaires de LDA mentionnent un prix public indicatif sous l'appellation PFM TTC (prix fonction marketing) jusqu'en mars 2014 »337;

- dans un document portant l'indication « [p]rix applicables: du 22/11 [2013] au 28/02/14 », Electrolux a communiqué aux adhérents de la centrale d'achats Selectis un plan d'achat comportant les tarifs de plusieurs références de GEM pose-libre avec l'indication« PPI_TTC »338;

- en pièce jointe d'un message électronique du 15 juin 2013, Electrolux a transmis à AMS un tableau intitulé « gestion Gammes », dans lequel sont indiquées des références de produits de GEM. Pour les références « gammes réseau », les prix conseillés par le fabricant sont indiqués suivis d'une colonne« stock AMS »339.

264. Les prix ont fait l'objet d'un processus de détermination en interne et parfois de négociations avec les distributeurs. Les éléments du dossier suivants en témoignent :

- le 23 novembre 2010, Electrolux a communiqué à sa filiale EHP France, les prix de plusieurs références, en distinguant les positionnements prix (ou « pics prix ») selon les distributeurs340• '

- une note manuscrite du 10 juillet 2012 intitulée «METRO» comporte les indications suivantes : « offre différente de la distribution (important) / offre prix / Envoyer offre promo Gamme Web+ offre déstockage Web »341;

- un courriel du 28 août 2012 par lequel Electrolux a indiqué à Boulanger : « [c ]omme évoqué ensemble, ci-joint un petit reminder pour tes arts ménagers: EN3401AOW [réfrigérateur combiné ELECTROLUX] = Combi A++ nouveau design 250 € période Art ménager stock 399 Qté [quantité] 800 pièces - On part là-dessus? »342;

- un courriel du 29 août 2012, dans lequel Electrolux a indiqué à Boulanger : « [s]uite à notre conversation téléphonique. Je te confirme. ERA3633X: PAHT: 295 € budget 20 € Stock 479. Quantités sur nov[embre] : 300 pièces »343;

- un tableau, intitulé « Panier Promo Leclerc BI [Built-in, encastrable] AMJ [Avril-Mai-Juin] 2013 », saisi dans les bureaux d'Electrolux, contient des références GEM de marque Electrolux et Faure, avec, pour chacune, un prix d'achat, un niveau de prix conseillé hors promotion (« PPI »), et un niveau de prix conseillé en cas de promotion (« Promo »)344 ;

- le 3 mai 2013, Electrolux a communiqué à Boulanger une proposition commerciale, en lui précisant qu'elle permettrait une meilleure marge grâce au niveau de «stock» proposé par le fabricant: « Stock 429,99 (donc plus de marge que pour ton produit anniversaire) »345 ;

- le 22 mai 2013, une acheteuse de Système U a demandé à Electrolux, en prévision d'opérations commerciales portant notamment sur des produits de GEM et PEM, prévues en fin d'année, de lui communiquer ses « meilleures offres (désignation complète du produit, prix d'achat, et fiche technique par retour de mail) »346. En retour, un tableau contient les informations demandées et, en marge, pour chaque référence, un« PFM » soit définitif, soit barré avec un autre prix correspondant au prix de vente au détail promotionnel proposé par le fabricant347 ;

- le 6 juin 2013, dans une note interne, un directeur d'Electrolux a communiqué à l'ensemble des responsables comptes clés« le "mapping" des opérations de type "prix barré" » en précisant : « [n ]ous devons respecter le niveau de prix "planché" par produit et ne pas dépasser ce seuil. (... ) Il est bien évident que toute opération avec un prix moyen supérieur au seuil planché est la bienvenue», accompagné d'un tableau indiquant, pour chaque référence d'aspirateur Electrolux un « prix public de référence» et un « prix public barré», ainsi que le « coefficient de marge (client) »348 ;

- le 22 juillet 2013, dans un courriel relatif à une référence d'une plaque de cuisson, un responsable d'Electrolux a fait remonter à son directeur des ventes l'information suivante: « [l]e produit est actuellement à 375 € TTC livré et garanti chez Ubaldi, la prise de part de marché se fait donc sur un positionnement très très bas.  Pourrions-nous également réfléchir en sus de ce repositionnement à la création de nouveaux codes protégés »349.

Le contrôle des prix de revente par Electrolux mais aussi par les distributeurs

265. Electrolux a souscrit auprès de WorkIT, de 2011 à fin février 2015, un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé quotidien des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits350. WorkIT a confirmé avoir conclu avec Electrolux « 2 contrats GEM et PEM signés respectivement en 2011 et 2012 avec tacite reconduction »351.

266. Concrètement, Electrolux transmettait à WorkIT, pour intégration dans l'outil« Tracker for Retail », les produits et familles concernés et la liste « non exhaustive » des sites internet à suivre352.

267. De nombreux documents et courriels internes confirment la volonté d'Electrolux de contrôler le niveau des prix notamment sur Internet. En premier lieu, plusieurs d'entre eux attestent de la surveillance exercée par Electrolux sur les prix :

- un document de présentation interne de février 2012 comporte plusieurs captures d'écran, dont une de l'outil de veille WorkIT353 présentant les prix pratiqués par des distributeurs en ligne (Ubaldi, Rueducommerce et Pixmania) sur plusieurs références ;

- deux tableaux de références, saisis à la suite d'un document précédent daté du 9 juillet 2012, portant en en-tête les mentions manuscrites «BUT» et « SELECTIS », comportent, chacun, une liste d'aspirateurs de différentes marques du groupe Electrolux avec, pour chacune, l'indication « PFM TTC »354. Ils sont accompagnés d'une note manuscrite qui comporte les positionnements prix de plusieurs sites internet de distributeurs et, entre parenthèses pour chacune des références, un prix correspondant apparemment au niveau de prix recommandé355. Une copie de cette même note a été saisie dans le bureau d'un responsable «comptes-clés» d'Electrolux avec l'ajout de la mention : « URGENT liste des produits à repositionner au PFM »356 ;

- le 10 juillet 2012, dans un courriel interne relatif à une référence de réfrigérateur, un responsable d'Electrolux a envoyé une capture d'écran de l'outil de veille WorkIT montrant la référence en objet vendue par Darty au prix de 612 euros, accompagnée du message suivant : « problème de stock sur ce produit bloc A. Les remontées clients commencent à se faire». À la suite de cette information, il a été répondu : « ce produit est construit à 600 dans la gamme DARTY Pour info nous avons toujours quelques dérogations avec ce client. Ce produit en fait partie. »357 ;

- le 18 septembre 2012, un salarié d'Electrolux a fait un point par courriel avec ses responsables sur les« sites internet parisiens suite à [ses] visites de la semaine dernière comme évoqué en séminaire et en surveillance sur la région »358 ;

- le 28 novembre 2012, EHP France sollicite d'AMS une remontée rapide des « stocks » sur une série de références. AMS a alors demandé sur quel distributeur il devait s'aligner, ce à quoi EHP France a répondu : « on ne matche sur personne en particulier.  Tous les sites doivent être au niveau et nous surveillerons l'environnement. Sur pas mal de référence, il est le seul à ne pas être au niveau. Merci pour ton aide »359 ;

- le 5 décembre 2012, une salariée d'Electrolux a fait suivre en interne une remontée d'informations du distributeur Pulsat concernant les prix pratiqués par plusieurs distributeurs, dont Villatech et le site Expecity. Ces informations ont été d'abord vérifiées : « J'ai vérifié c'est le cas chez Villatec[h] mais c'est le produit du bloc B. Expecity? ». Ce à quoi il a été finalement répondu:« Je fais effectuer la modif[ication] chez Villatec[h] »360 ;

- dans un email daté du 9 septembre 2013, la demande suivante est présentée à un salarié d'Electrolux: « ou en est-on stp, nous avons parlé du problème de four C Discount. Axelis [distributeur]: EOC 5640 BOX [four] 699; C Discount: EEC 44549OX [four] 399 €/voire 389 €!!Je me suis engagé à donner des réponses à( ...) surtout en plein@ Forum. Ces imprim écrans sont de ce soir. Là encore c'est la marque ELUX avec le même design ! Difficile de parler des blocs et des protections de marques ...Merci pour ton action stp », avec à l'appui deux captures d'écran du site internet www.cdiscount.com avec la référence EEC 44549OX indiquée à 399,99 euros puis 389,99 euros361.

268. Différentes pièces témoignent également du rôle joué par les distributeurs dans le contrôle des prix conseillés et leur participation à la pratique :

- des notes manuscrites, datées entre mai et novembre 2011362, prises lors d'un rendez-vous avec la centrale d'achat Selectis, font apparaître la« possibilité de bloquer un niveau de prix » et autorisant un « [d]épositionnement de 10% à 15% sur le net » ;

- des notes manuscrites, de janvier 2012 prises à l'occasion d'un rendez-vous avec le distributeur Pro&Cie comportent les mentions suivantes : « respect à 100% de la politique commerciale ; ventes uniquement sur le réseau trad., blocage produits sur base »363'

- à la suite d'une demande d'intervention du 30 juillet 2012, un salarié d'Electrolux a répondu le lendemain : « [j]'ai eu Ubaldi ce matin pour ce produit. Par contre ils se trouvent en 9ème position (place demandée informatiquement) et à midi rien n'a bougé. Je surveille aujourd'hui et j'ai rendez-vous demain chez eux». Un autre employé a ensuite indiqué : « [pJour info, le produit vient de sortir de chez Speeder et Abribat ce matin. Ub est le mieux placé maintenant sur l'inox et en 4ième place sur le Blanc. Les autres étant des sites sélectis ! Nous allons tous les faire bouger. Merci pour ton aide », avec à l'appui une capture d'écran des deux références sur le site internet www.ubaldi.com364 ;

- un courriel du 10 octobre 2012 par lequel le distributeur Electro-Stock.fr appelle l'attention d'EHP France sur les prix pratiqués par plusieurs sites internet (Expecity, Ubaldi Mistergooddeal) et conclut ainsi : « [p]ouvez-vous remédier à cette situation ? »365 ;

- un courriel du 24 octobre 2012 de Selectis a présenté à plusieurs distributeurs adhérents les produits à ajouter dans la « blacklist » existante sur la marque Electrolux, en indiquant sur chaque ligne les « stocks » correspondant au niveau de prix minimum demandé par le fabricant pour vendre les produits366 ;

- le 11 décembre 2012, le distributeur Ex&Co, a transmis à Electrolux l'information suivante : « si tu peux faire remonter que ces connards de electrodiscount pétent tous les produits protégés AEG !!!! (... ) a quoi bon jouer le jeu et signer un contrat de distrib selectif !!!! » avec à l'appui une capture d'écran du site internet www.electro10count.com. Le destinataire du message a ensuite fait remonter l'information à son responsable367 ;

- le 11 avril 2013, Electrolux a évoqué auprès d'un acheteur de Boulanger un plan d'action commun: « [s]uite à ta demande et à notre discussion, action demain (avec les rouge [Darty]) 200. Merci de me confirmer et de bloquer sur eux comme vu ensemble pour la suite. Peux-tu me confirmer stp »368 ;

- les 18 et 19 juillet 2013, dans un échange de courriels, GPDIS a fait remonter à EHP France les tarifs plus bas pratiqués par Cdiscount369 ;

- une réponse du 19 juillet 2013 à cet échange indique:« [a]près DARTY c'est maintenant C DISCOUNT qui revend cette hotte 369,99 € Quand [pouvons-]nous espérer un changement ? L'acheteuse SELECTIS s'impatiente et demande le paiement de la différence jusqu'à remontée du prix, cette hotte est vendue chez les cuisinistes ...PA SELECTIS 377 €, Stéphanie réclame 91 €... et attend ta réponse. Merci beaucoup de ton action STP. (... ) Une fois que nous aurons nettoyé ces intervenants, Darty sera 4 nouveau au stock »370.

269. Le rôle joué par la distribution sélective ressort de certaines pièces du dossier. À titre d'exemple :

- le 14 août 2012, un courriel interne à Electrolux mentionne une demande d'intervention auprès du distributeur Electrodiscount : « nous avons besoin de toi en urgence car ce client est un lier Partner KS [Kitchen Stove - gamme Cuisson]. Il explose certains produits AEG- Hero - Bloc A... (y compris sur les nouveautés 2012 juste dispo). 2 solutions : - il respecte son engagement distribution sélective et lier partner; - ou alors nous trouverons une autre solution mais en aucun cas nous pouvons laisser ce genre d'action » en indiquant l'identité du distributeur en question : « Sari : Atelier Cuisine et Electroménager (Site : Electrol 0Count) 40 avenue Gabriel Peri 94450 LIMEIL BREVANNES »371'

- le 29 janvier 2013, EHP France a demandé au distributeur Euronics de regarder les «stocks» de produits de la gamme Hero372, concernée par la distribution sélective.

270. Les pièces saisies chez Electrolux font également référence aux blacklists, comme c'est le cas d'un tableau relatif à la « gamme Selectis » dans une colonne « liste produits sensibles »373. Un tableur Excel, modifié pour la dernière fois le 21 mai 2013, contient plusieurs références de PEM et indique « Blacklist = interdit web ».

Les actions en cas de non-respect des PPI

271. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, Electrolux leur demandait explicitement de remonter les prix, comme le démontrent notamment les exemples suivants :

- le 28 octobre 2009, un responsable compte clé d'Electrolux, a adressé un courriel à AMS en indiquant, au sujet de deux références de four et de sèche-linge, respectivement374 : « [n ]ous avons un problème de stock sur ces 2 produits, comme convenu ce matin au téléphone ; peux-tu STP nous aider au plus vite, merci beaucoup » ;

- les 28 juin, 26 septembre et 17 novembre 2011, Electrolux, a demandé à AMS de modifier à la hausse le prix de revente de plusieurs références de divers produits en indiquant le niveau de prix à respecter et en utilisant les formules « stocks à remonter »375 ou « une remontée des stocks est demandée pour mercredi »376 ou « [m ]erci beaucoup de ton aide pour remonter les stocks suite à nos différents mails »377 ;

- le 30 janvier 2012, un responsable de la centrale d'achats Selectis, a retransmis à plusieurs distributeurs adhérents (GPDIS, Ubaldi, AMS) la menace de rupture d'approvisionnement: « [m]erci de respecter les niveaux de stock mini ci-après sous peine de voir ces produits indisponibles à terme »378 ;

- le 30 juillet 2012, Electrolux a sollicité une intervention auprès des distributeurs Abribat et Speeder pour modifier à la hausse le prix de deux références. À la suite de cette demande, un salarié d'Electrolux a ajouté:« [i]dem chez Ub[UBALDI], remontée pour demain car le niveau est inacceptable ! Merci de me confirmer dès que le produit est de nouveau à son niveau »379 ;

- le 22 août 2012, un courriel d'un commercial d'Electrolux signale: « [p]our info nous sommes en train de perdre le référencement de la FWH7l 45P [lave-linge] chez Darty à cause des sites habituels. Il est hors de question de perdre ce produit chez Darty mais chez Selectis je suis prêt à le perdre si il ne respecte pas nos marques, nos produits, nos stocks. Cf copie d'écran ci-dessous. Je dois rappeler le boss de DARTY ce soir pour lui donner notre position», avec à l'appui une capture d'écran de la référence sur le site comparatif www.kelkoo.fr. La demande a ensuite été relayée par EHP France auprès d'un responsable Ubaldi avec les indications suivantes: « [m]erci pour ton aide sur FWH7l 45P / produit à 430 Pièces stp »380 ;

- par un courriel du 12 avril 2013, Electrolux a demandé au responsable du site internet www.cdiscount.com, d'intervenir sur le prix de plusieurs références381 qui doivent présenter « un niveau de stock plus élevé » ;

- le 16 juillet 2013, dans un échange de courriels ayant pour objet « niveau de stock Electrolux », Electrolux a alerté une responsable au sein de Ventadis (société gérant la vente à distance du groupe M6) sur des niveaux de prix« très bas». Ventadis a alors modifié ces prix et indiqué que « les stocks ont bien été ajustés sur les réfs dont nous avons parlé »382.

272. Dans certains cas, la réponse pouvait être plus extrême, Electrolux envisageant par exemple explicitement de ne plus fournir les distributeurs déviants. Le dossier comporte des éléments dans ce sens comme par exemple :

- dans le cadre de l'opération promotionnelle de Cora du mois de novembre 2012, les prix pratiqués par le distributeur ont été remontés et commentés, un responsable d'Electrolux indiquant, à propos d'une référence de four, qu'il fallait que le distributeur « communique à 650 € au plus bas» sinon il ne serait pas livré383 ;

- le 29 novembre 2012, à la suite d'une remontée d'informations du site Ubaldi, selon lesquelles la marque AEG était distribuée sur le site Superl0count, l'un des responsables comptes clés, d'EHP France reçoit la consigne suivante: « [m]erci de me donner le niveau de stock sur chaque produit ! Mais surtout les produits doivent sortir en urgence de ce site! Pour info aucun produit dispo, ne répond pas au terme du contrat AEG ! »384.

f) Les pratiques relevées s'agissant d'lndesit

La stratégie d'Indesitface au développement des ventes en ligne

273. Plusieurs éléments illustrent les réflexions menées par Indesit pour faire face au développement des ventes sur Internet et mieux contrôler les prix de revente en ligne de ses produits.

274. Sa stratégie apparaît notamment dans des notes manuscrites du 2 mars 2009, prises lors d'un échange avec le grossiste GPDIS et le distributeur AMS, saisies chez Indesit, et dans lesquelles sont indiqués les éléments suivants385 : « remontée le mardi - bilan à J+ 7; suivi ; contrat sélectif = produits interdits bilan J+15 ; (... ) : Electromust -20% attention si "balade" ailleurs ; - Etablir des règles ; - Prévenir avant de bloquer, laisser du temps ; - Intervenir en région sur les casseurs de prix---+ Faire une liste chez qui on livre ou pas. (... ) Faire une liste de produits protégés».

275. Elle apparaît également dans des notes manuscrites datées du 24 février 2010, ou« règles internet décidées le 24/02/10 » mentionnées au paragraphe 161, lesquelles évoquent notamment les hausses de prix pour faire face à l'essor des ventes en ligne.

276. De même, un compte-rendu interne d'un rendez-vous avec Darty ayant eu lieu le 12 mai 2011, détaille la « stratégie mise en place en 2011 concernant internet» laquelle comprend notamment une « [r]estriction de la diffusion des Gammes» et le «flicage des petits via contrôle des grossistes »386.

277. Dans le même document, Indesit demande si Darty « a eu des infos concernant la hausse nécessaire. [Darty] est au courant et se dit pour la valorisation du marché  à la condition que les PVC et les promos soient pilotés »387.

La communication continue par Indesit aux distributeurs de prix conseillés

278. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Indesit communiquait des plans de vente présentant, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale comme les prix d'achat nets et qui comportaient en outre systématiquement une colonne correspondant aux prix recommandés par le fabricant.

279. Il ressort des éléments du dossier que les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comportaient systématiquement les prix recommandés, la dernière liste de tarifs étant applicable jusqu'au 31 décembre 2014388. Ces plans de vente pouvaient, à l'occasion, présenter des PPI pour un référencement permanent (appelé «fond de rayon»), mais aussi en vue d'opérations promotionnelles. C'est le cas notamment de deux plans de vente de 2009, l'un à destination de But pour février-mars 2009389, l'autre pour Conforama, pour mars-juin 2009390.

280. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent aussi qu'Indesit - directement ou par l'intermédiaire des grossistes - rappelait régulièrement les niveaux des PPI aux distributeurs ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. À titre d'exemple, on peut ainsi mentionner :

- un tableau de références à destination du distributeur Concerto, énumère quatre références de fours encastrables de marque Scholtès et Hotpoint, accompagnées d'un « PPI » et d'un« PPI PROMO» pour une offre promotionnelle sur catalogue valable du 1er novembre au 31 décembre 2009 chez le distributeur Concerto, le document précisant le coefficient de marge du distributeur par rapport au prix promotionnel (« coejJ[ ficient] sur prix promo »)391 ;

- le 23 décembre 2009, un courriel interne fait circuler des tableaux de prix (prix d'achat nets et « PPI prix barrés») dans le cadre d'une opération promotionnelle chez les cuisinistes Ixina et Cuisine Plus pendant le premier trimestre 2010392 ;

- le 21 avril 2010, Indesit a communiqué à Cocelec une proposition commerciale incluant notamment les prix de revente à appliquer pour deux références de fours393 ;

- un premier plan de vente394 applicable du 1er avril au 31 août 2011, communiqué par AMS, contient notamment une colonne « PPI RL » (RL signifiant réseau long) avec l'indication d'un prix de revente conseillé pour chacun des produits et des commentaires manuscrits d' AMS indiquant : « [c ]roisement gammes des produits interdits ; des produits permis - bien sûr GSS / DARTY /BOULANGER». Les PPI sont listés dans d'autres plans de vente395 ;

- un tableau du 4 juin 2013, à destination de Carrefour, liste de nombreux produits de GEM et présente des colonnes indiquant, pour chaque référence, un« PPI »,la« marge distri» et la « marge distri nette »396 ;

- le 4 septembre 2013, Indesit a communiqué à Conforama « les cotations pour les 2 bundles [offres groupées de lave-linges] évoqués», avec pour chaque produit un PPI397.

281. Les prix de revente conseillés ou PPI ont parfois fait l'objet de négociations avec les distributeurs. Les éléments du dossier suivants en témoignent :

- le 18 novembre 2010, un courriel interne transmet le compte-rendu d'un rendez-vous avec le distributeur Digital/Exial qui s'est tenu le 9 novembre 2010. À cette occasion, ce distributeur avait signifié son accord pour la commercialisation de plusieurs produits de GEM aux PPI communiqués par Indesit et demandé à pouvoir vendre certaines références à un niveau de prix plus bas, notamment à l'occasion d'opérations promotionnelles398 ;

- le 11 mai 2011, un courriel rendant compte en interne d'un rendez-vous avec Darty reprend les éléments issus de notes manuscrites datées du 10 mai 2011 prises lors de ce rendez-vous (évoquées ci-dessous au paragraphe 284) en indiquant:« Finalisation de la Gamme Four/Induction ; 2 fours LUCE en gamme XMA : - UT63SC ICE -----+ Demande exclu[sivité] de la vente de cette référencejusqu'à.fin 2011 au PPI spé Darty 479€ »399;

- le 19 août 2011, un courriel interne présente les éléments discutés la veille avec Carrefour:« ► Hausse:( ...) me dit que la position de CRF [CARREFOUR] est claire sur ce sujet => pas de hausse au 1er Octobre, ils souhaitent une application différée dans le temps et en 2 phases, avec dans un premier temps hausse des PPI puis hausse des PA, idéalement avec application au 1er Janvier 2012 ». Le courriel précise s'agissant du prix de certaines références constaté par Carrefour: « [Carrefour] me dit que  tant que ces PPI n'auront pas bougé dans les plus brefs délais, ils ne passeront pas la hausse», ou encore « que si ils revoient la [référence de produit] à nouveau en cata à prix pété, ils la mettent également en cata à prix pété !!! ». Le rédacteur indique : «j'ai le sentiment que [Carrefour] a plutôt envie de jouer le jeu avec nous »400;

- un document de présentation du 13 juin 2013 contient plusieurs listes de références de produits de GEM, avec pour chacune, un prix de revente conseillé. Par ailleurs, il est indiqué la confirmation d'opérations commerciales avec plusieurs distributeurs, dont par exemple BUT, avec des PPI indiqués401 ;

- le 24 juillet 2013, Indesit a communiqué en interne le résultat d'une négociation avec Darty: « suite au rdv darty, on a acté le DFP27t94a FR [lave-vaisselle] à 449 (au lieu de 399) »402.

Le contrôle des prix de revente par lndesit mais aussi par les distributeurs

282. Indesit a souscrit auprès de WorkIT un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé quotidien des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits, de 2012 à 2014403.

283. Concrètement, Indesit transmettait notamment à WorkIT, pour intégration dans son outil, les familles de produits et la liste non exhaustive des sites internet qu'il souhaitait suivre404.

284. De nombreux documents et courriels internes confirment la volonté d'Indesit de contrôler le niveau des prix notamment sur Internet. En premier lieu, plusieurs d'entre eux attestent de la surveillance exercée par Indesit sur les prix :

- le 7 septembre 2010, dans un premier courriel interne, l'équipe commerciale est alertée sur plusieurs points : « [i]l y a de nouveau dégringolade sur les prix des fours Scholtès. Merci à tous pour votre implication et vos actions rapides auprès des clients qui vous concernent svp », suivi d'un « rappel des PPI Web »405. Une relance a lieu le 14 septembre 2010 : « 1 semaine plus tard, à part Ubaldi, rien n'a bougé ... Que faut-il faire ? »406 ;

- le 4 janvier 2011, un courriel interne dresse le compte-rendu d'un rendez-vous avec AMS : « [e]n ce début d'année, [AMS] souhaite ralentir sur SCHOLTES, car le contrat de distribution sélective n'est pas appliqué. En plus des fours, dont les prix changent tous les jours sur le Net, les tables inductions sont le plus souvent à - 30%, voire même - 40%. Suite à sa demande, une réunion est organisée, mi-février (après les soldes), avec les intervenants GPDIS (UBALD! et autres), afin de déterminer ensemble une politique internet commune, voir les marques avec contrat de distribution sélective ou pas, et s'organiser pour 2011 »407;

- des notes manuscrites du 10 mai 2011 prises lors d'un échange avec Darty contiennent une information relative au positionnement prix de plusieurs références, dont une également commercialisée par Boulanger408 ;

- les 29 et 30 juin 2011, plusieurs alertes sont lancées en interne à propos du positionnement prix sur Internet de plusieurs références avec demande d'une intervention rapide auprès des sites concernés409. Le 30 juin 2011, une nouvelle alerte concerne le positionnement prix d'une référence de réfrigérateur sur le site Maxdeventes : « [m ]erci de contacter rapidement Max de vente pour qu'il enlève le produit EBL18210F. Pour Rappel nous allons avoir l'affiche à 549€ !!!! chez Selectis ! Et en plus il [AMS] est Selectis !!! », injonction accompagnée d'une capture d'écran d'un comparateur de prix en ligne (i-comparateur.com)410;

- le 7 septembre 2011, un courriel interne présente les actions à mener s'agissant de la politique commerciale et indique notamment : « votre priorité FA [fin d'année] doit être de booster les volumes de la marque et de veiller à une meilleure application des PPI sur les 20/80 de la marque »411 ;

- le 26 septembre 2011, un courriel interne a partagé les résultats du suivi des prix de vente sur Internet et a demandé aux équipes d'Indesit d'intervenir auprès de certains distributeurs pour augmenter les prix de revente412 ;

- le 6 juillet 2012, un courriel a transmis la capture d'écran de la page internet d'un comparateur de prix en ligne (i-comparateur.com) et demandé une intervention auprès de distributeurs pour que ces derniers augmentent les prix pratiqués en ligne413 ;

- le 26 février 2013, un courriel interne a fait circuler un tableau intitulé « Blacklist AMS produits à remonter »414. Ce tableau comporte une colonne« action» dans laquelle sont indiqués différents types d'actions à mener selon la référence : «Attente» ou« Retirer du web ou PPI »;

- un document de présentation interne, daté du 10 juin 2013415, indique en première page, intitulée « stratégie par marque », que la mise en place d'une gamme« exclusive» pour le web doit s'accompagner d'un « control[e] des prix pour éviter des écarts trop forts »416.

285. Différentes pièces témoignent également du rôle joué par les distributeurs dans le contrôle des prix conseillés et leur participation à la pratique :

- un courriel interne, revenant sur un rendez-vous avec Darty en date du 12 avril 2011, indique que ce dernier est « prêt à jouer le jeu aux conditions suivantes : - marges correctes ; - volumes protégés (non visibles CONFO[RAMA] mais pourquoi pas chez d'autres) »417;

- le 26 octobre 2011, un courriel interne synthétise les éléments de discussion avec But/Selectis, en indiquant notamment : « [s ]uite à notre RDV du 11 Octobre dernier et en prévision du RDV de demain ( ... )objectif augmenter les PPJ pour faire du net une activité rentable »418 ;

- le 17 août 2012, Conforama se plaint auprès d'Indesit des prix bas pratiqués par CDiscount, capture d'écran à l'appui : « [c ]omme tu l'imagines, ces offres sont très agressives et compliquées pour nous ! Peux-tu revenir vers moi très vite STP »419 ;

- le 29 août 2012, Conforama informe Indesit, capture d'écran à l'appui, de la baisse des prix pratiqués en ligne par But : « [j]e reviens vers toi car la situation continue de se dégrader suite à la sortie de ce catalogue: La 6kg a dégringolée et les 5 + 7kg Web ont suivi. Cette situation nous détruit la rentab[ilité] et affaibli notre CA. Je compte sur toi pour agir dès aujourd'hui et revenir vers moi suite à ma demande de renégociation sur l'IWC 5125. C'est urgent car encore une fois les effets sont dévastateurs pour notre rentabilité ! »420 ;

- entre le 21 et le 23 mai 2013, Indesit communique à AMS le nouveau mode de calcul des primes sur les produits du groupe Indesit. En retour, AMS lui répond : « [p ]our faire du bon commerce il faudrait que l'on joue tous avec les mêmes règles», ciblant particulièrement Mistergooddeal, prix pratiqués en ligne à l'appui421 ;

- sur un document de référencement de produits Indesit422, des notes manuscrites prises à la suite d'un rendez-vous avec un distributeur le 18 juin 2013 rapportent que ce dernier « dit que le site@ [web] distrib est trop bas: 297€-----+ à faire remonter». Dans le même document, une seconde partie comporte, concernant une référence de réfrigérateur pour laquelle sont indiqués un « prix marché » à 339 euros et un « prix promo » à 269 euros, le commentaire suivant:« trop bas (218€)-----+ à faire remonter».

Les actions en cas de non-respect des PPI

286. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, Indesit pouvait leur demander de remonter leurs prix :

- le 12 octobre 2010, un courriel interne indique qu'Indesit a contacté le distributeur La Boutique du net pour lui demander de relever certains prix de revente : « [j]e viens d'avoir au Téléphone le patron de la boutique du net/ C'est  ok pour revenir à un "bon niveau de stock" Immédiatement (48HOO) sur FH99 et FN36 [fours] »423;

- le 29 janvier 2010, Indesit communique à Maismoinscher une liste de références en lui demandant de « retirer les réf suivante de t'on site. [suivi d'une liste de références] Merci pour t'on action ». Maismoinscher lui a répondu : « [j]e te confirme la mise au PP! sur tous les produits ci-dessous à compter de ce soir 22h30 »424;

- le 13 octobre 2010, l'information suivante est remontée:« DIMIPRO a remonté( ...) au bon niveau le FN36 [four] »425 ;

- le 28 septembre 2011, Indesit enjoint à AMS soit d'augmenter le prix de vente des références citées, soit de les retirer de la vente : « [a ]fin de  continuer notre action sur le Net, nous vous demandons de bien vouloir supprimer, ou mettre au prix, les références ci-dessous. Comptant sur votre compréhension », suivi de deux références de hottes aspirantes de marque Hotpoint Ariston426 ;

- le 1er décembre 2011, Indesit communique à AMS la « liste des produits blacklistés que je vous demande de mettre au prix PP! sur electromust.com et maxdeventes.com » 427;

- le 13 septembre 2012, dans un échange de courriels internes, il est demandé à un collaborateur d'Indesit s'il « avait fait le point avec l'acheteuse AMS et les produits [blacklistés] ? » en raison de la présence sur ses sites internet des produits« à ce matin, j'ai plein de produits sur ses sites, merci pour ton action rapide». Ce dernier lui répond: « [j]'ai vu l'acheteuse ce matin et je lui ai transmis la blacklist » 428 ;

- dans un courriel du 6 décembre 2012, Indesit demande à AMS de remonter le prix d'une référence de lave-linge au PPI429 ;

- le 12 février 2013, un courriel interne fait circuler un tableau de références, distribuées par AMS, de produits de GEM encastrables et pose-libre pour chacune desquelles est indiquée l'écart de prix avec le commentaire suivant : « [l]e point [à] ce jour pour AMS !!! Merci de faire rectifier au plus vite »430 ;

- le 2 septembre 2013, l'un des responsables commerciaux en charge de Darty reçoit par SMS la consigne suivante : « [désolé] de te demander cela ce jour, mais si tu as [DARTY] peux-tu demander de bouger la wmd923 [lave-linge] de 349 à 449? Il n'.Y a que lui à ce prix »431 ;

- lors d'un échange interne de SMS du 9 octobre 2013, Indesit cherche à faire augmenter le prix d'une référence de réfrigérateur « on a 4d pas cher chez [CDISCOUNT]. Stp corrige», ce à quoi la responsable compte clé répond: «Je lui ai demandé hier un 729 pour jeudi matin ! [CDISCOUNT] ne voulait pas déjà monter au-delà de 699. Il accepte mais pas 749 quand [DARTY] sera à 799 »432.

287. Dans certains cas, la réponse pouvait être plus extrême, Indesit envisageant par exemple explicitement de ne plus fournir les distributeurs «déviants». Le dossier comporte des éléments dans ce sens par exemple :

- le 11 octobre 2010, un courriel interne fait circuler des informations relatives à certains produits présents sur Internet, et notamment les actions à prendre pour relever les prix de vente pratiqués par certains distributeurs faute de quoi les comptes clients seront bloqués:« [c]hacun d'entre nous doit contacter les sites concernés et leur demander de revenir au ppi normal ou d'enlever les produits de leur site au plus tard dimanche soir 23h59. Lundi prochain étant la date buttoir avant blocage des comptes »433 ;

- le 7 septembre 2011, un courriel interne fait état d'un échange avec AMS, lequel a accepté de respecter la blacklist à la suite d'une mesure de blocage prise à son encontre par Indesit et dont il est demandé qu'elle soit levée jusqu'à un nouveau «dérapage» éventuel434'

- le 24 novembre 2011, Indesit envisage à nouveau de bloquer le compte d'AMS, dont les prix sont inférieurs aux PPI (« blocage car pas au ppi »)435. Ce qui est confirmé à AMS le lendemain : « la direction Indesit est dans l'obligation de bloquer les livraisons prévues suite à la présence de nos produits blacklistés sur votre site maxdeventes »436;

- le 4 septembre 2012, un courriel interne mentionne à nouveau l'idée d'un blocage en cas de non-respect des PPI par AMS : « respect strict de la black list => sinon blocage »437. Cette menace sera réitérée le 14 septembre 2012 : « le directeur commercial de la zone Europe de l'Ouest va appliquer des règles strictes vis-à-vis le non-respect de notre blacklist. C'est un discours qu'on a tenu envers tous les joueurs internet (même Darty a été informé). Du coup, pour éviter tout blocage de compte, je vous prie de  retirer les produits blacklistés de vos différents sites ou les mettre aux PPis »438;

- après une nouvelle phase de blocage, Indesit a redemandé à AMS d'apporter « les corrections sur les différents produits ci-dessous qui ne sont pas en phase avec la politique  commerciale  "sélective" »  en  vue  du  « virement  et  déblocage  du portefeuille »439. Le 22 octobre 2012, AMS a transmis cet échange aux services de la DGCCRF en leur indiquant que « dans un cadre totalement illégal ce groupe nous demande de retirer ces produits ou de les mettre au ppi d'autre part ils nous font régulièrement un chantage à la livraison blocage déblocage »440.

g) Les pratiques relevées s'agissant de LG

La stratégie de LG face au développement des ventes en ligne

288. Plusieurs éléments illustrent les réflexions menées en interne par LG pour faire face à l'essor des ventes en ligne. Le fabricant a notamment mis en place des« règles du jeu» sur Internet, ainsi qu'il ressort de notes manuscrites datées du 24 février 2010 prises lors d'une réunion dite « Selectis Internet » qui faisait intervenir plusieurs distributeurs, dont AMS, GPDIS et Ubaldi441. Ces« règles» postulent que le prix est le premier facteur d'achat sur Internet et mentionnent en conséquence plusieurs mesures à mettre en œuvre telles qu'une police des prix, des demandes de remontée de prix dans un délai de sept jours, l'interdiction de vente en ligne de certains produits ou le blocage du prix public recommandé pendant sept jours.

289. Concernant la mise en place d'une distribution sélective, des notes manuscrites, antérieures, selon toute vraisemblance, au 2 septembre 2011, comportent en outre la mention suivante : « contrat de distribution sélective; Blacklist internet »442. Toutefois, LG a indiqué ne pas avoir mis en place de réseau de distribution sélective pour les produits de sa division électroménager443.

290. Interrogée sur la signification des termes «stock» et « blacklist », LG a déclaré qu'un « stock renvoyait à un PPI (prix public indicatif), qui était ensuite appliqué», et que « les produits blacklist étaient les produits qu 'il ne fallait pas chahuter (... ), réservés à certaines enseignes, on n'avait pas le droit de les vendre à des distributeurs trop visibles sur internet. Il fallait les vendre aux distributeurs "shadow" », l'objectif étant « que les prix ne soient pas cassés sur internet »444.

La communication continue par LG aux distributeurs de prix conseillés

291. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, LG communiquait des « squelettes de gammes », qui énuméraient, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale telles que le prix d'achat net et comportaient le prix recommandé par le fabricant(« PPI» ou« PV» pour prix de vente). LG a expliqué que « les PPI définis en interne sont( ... ) communiqués aux clients par les équipes commerciales de LGEF selon le type de client concerné », soit« lors de réunions de présentation des nouvelles gammes, les supports de présentation pouvant ensuite être adressés par mail aux clients », soit « de manière relativement informelle, lors de réunions de négociation ou de conversations téléphoniques »445. Selon LG, les PPI étaient en règle générale les mêmes pour tous les clients et ne différaient donc pas selon les plateformes de commerce électronique concernées446.

292. Les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comportaient systématiquement les prix recommandés447, le dernier plan de vente étant applicable au moins jusqu'au 31 décembre 2014448.

293. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent également que LG communiquait les PPI aux distributeurs, leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles, ou énumérait des références interdites à la vente par Internet. Peuvent être mentionnés à ce titre :

- deux tableaux de référencement, applicables à compter du 1er avril 2009 pour l'enseigne Darty pour le premier, du 4 août 2009 pour l'enseigne Conforama pour le second, comportant de nombreux produits de GEM de marque LG auxquels sont parfois associés un« PPI », le prix d'achat HT et le prix d'achat double net du distributeur, ainsi que le pourcentage de marge du distributeur calculé par rapport au prix conseillé449, ainsi que deux tableaux analogues aux précédents mais valables pour l'année 2010450;

- des tableaux de référencement du 13 juillet 2010 énumérant, pour de nombreux produits de GEM et de PEM commercialisés par LG, le prix d'achat et le «stock» prévu pour plusieurs distributeurs, répartis entre les catégories « spécialistes » (Darty, Boulanger, BHV, etc.) et« buying groups » (Ex&Co, Pro&Cie, GITEM, etc.)451 ;

- deux tableaux respectivement intitulés « GAMME 2011 Internet »452 et « SPE_ENSEIGNES 2011 »453 associant à chaque produit plusieurs données, dont le «stock»;

- un tableau intitulé « Black List Références 2011 »454 dans sa version du 21 octobre 2010, dont AMS a déclaré qu'il s'agissait d'une liste de plusieurs produits de GEM et PEM, « imposée à AMS par LG sur plusieurs références de machines à laver (... ), interdisant formellement leur vente sur internet »455 ;

- divers tableaux de référencement, de dates et de périodes de validité variées, destinés à des distributeurs nommément identifiés comportant la mention des « PPI » applicables en 2011 (Cora456, But457, Boulanger458, Auchan459, E. Depôt460, Ex&Co461, Carrefour462 et Concerto463) ;

- un courriel du 1er février 2011 par lequel LG communique à AMS « la liste des produits concernés» ainsi que « les stocks mini pour ces produits »464, interprétée par AMS comme« une série de références blacklistées, i.e. interdites à la revente sur Internet hors tout contrat de distribution sélective, sauf à respecter le prix imposé par le fabricant » et que« le fabricant souhaitait( ... ) "protéger" de toute concurrence Internet »465;

- un courriel du 19 juillet 2012 communiquant à Selectis un plan de vente, à destination des enseignes Selectis/But, valable du 30 juillet 2012 au 31 mars 2013, et comportant pour certaines références la mention « blacklist » dans une colonne « Info »466 ;

- un échange de courriels du 27 février 2013 dans lequel Ubaldi demande à LG la «cotation» pour une liste de produits (un lave-linge, un sèche-linge et deux réfrigérateurs), demande suivie de l'envoi par LG d'un tableau <lesdites références avec le « stock » de chacune467 ;

- un plan de vente du 27 juillet 2013 à destination du distributeur Planet Ménager présentant notamment des « PPI », pour plusieurs références d'aspirateurs, lave-linges, réfrigérateurs et micro-ondes468 ;

- deux tableaux de référencement du 7 octobre 2013 énumérant de nombreux produits de GEM et de PEM pour une opération promotionnelle concernant certains distributeurs (But, Darty, Conforama pour le premier, Mistergooddeal, Cdiscount et Boulanger pour le second), accompagnés d'un « PPI », d'un « prix net net» et d'autres informations telles que le pourcentage de marge par rapport au prix promotionnel469.

294. Les prix de revente ont parfois résulté de négociations avec les distributeurs. Ainsi, dans un courriel du 18 janvier 2013 adressé à Selectis et But, LG récapitule les demandes des distributeurs quant aux prix de revente de modèles d'aspirateur et indique sa réponse chiffrée (« stock 139 demandé à 129 »,«stock 199 demandé à 179 »,«stock 449 demandé à 399 »), communique la tarification d'un nouveau produit (« stock 559 € ») et affirme enfin son souhait de « construire ensemble au mieux notre référencement afin de servir notre commerce réciproque »470.

Le contrôle des prix de revente par LG mais aussi par les distributeurs

295. Il ressort des éléments du dossier que LG surveillait régulièrement les prix sur Internet, au moyen notamment de prestataires offrant un service de relevés de prix, d'abord Net-Veille, entre janvier 2009 et août 2011471, puis Work:IT entre juillet 2011 et décembre 2013472. Cette surveillance amenait LG à s'alarmer des niveaux de prix perçus comme trop bas et à envisager des actions correctrices. Les éléments suivants peuvent être mentionnés à cet égard :

- des notes manuscrites datées entre le 16 et le 28 septembre 2011 faisant état de certains produits « présents chez Darty / Boulanger » à « ne pas proposer à Selectis » ainsi que des laves-linges vendus notamment par Ubaldi et Villatech dont le prix devait être remonté ou qui devaient être interdits à la vente («faire dégager d'Ubaldi »)473;

- des notes manuscrites du 28 septembre 2011 prises lors d'un échange avec le distributeur Privilège, faisant notamment référence à un « problème internet » et la nécessité de «faire remonter »474.

296. Différentes pièces témoignent également du rôle joué par les distributeurs dans le contrôle des prix conseillés et leur participation à la pratique :

- un courriel du 20 juillet 2011 par lequel LG a transmis à GPDIS « un fichier récapitulatif sur les actions menées » et « le fichier des produits blacklistés pour lesquels nous ne devons pas avoir de visibilité sur [les] 3 sites [de GPDIS] »475. Ce courriel a ensuite circulé en interne avec la consigne suivante : « merci de déployer asap [aussi vite que possible] le message chez Ubaldi, sites AMS et autres sites (Superdiscount  ). Les soldes sont fin[ies], action demandée pour le 25 août! »476;

- un courriel du 23 août 2011 par lequel LG a demandé à GPDIS, d'une part, de lui confirmer son « accompagnement » pour le 25 août sur des produits de la gamme lavage dont la liste était communiquée avec colonne « stock » précisant une valeur pour chaque référence, et, d'autre part, de lui« extraire les produits froid, micro-ondes et aspirateurs qui font l'objet de la blacklist ci-jointe »477 ;

- un courriel du 11 juin 2013 dans lequel GPDIS a fait part à LG de son étonnement face à des exemples d'écarts de tarif en Disposelec/Gitem et Selectis, estimant que ces écarts n'étaient « pas acceptables » et demandant au fabricant de la tenir informée de la solution, ainsi que de sa politique et de ses choix stratégiques478 ;

- un courriel du 12juin 2013 ayant pour objet« Pb tarifLG » dans lequel Selectis demande à LG son« retour rapide sur le sujet» évoqué dans le courriel précédent479, relance que le grossiste, interrogé par les services d'instruction, a ultérieurement commentée en ces termes: «je mets donc un coup de pression au fabricant »480;

- un courriel du 27 septembre 2013 dans lequel MDA Électroménager exprime son indignation auprès de LG après avoir constaté une opération promotionnelle nationale mise en place par Boulanger concomitamment à la sienne, estimant que LG aurait dû l'en informer481. En réponse, le fabricant s'est dit « tout aussi furieux » mais a rappelé à MDA Électroménager qu'il était« le moins cher du marché» et que le prix négocié avait été étudié pour qu'il puisse « vendre le produit en dessous de 400€ avec une marge facture confortable de 34 % »482.

Les actions en cas de non-respect des prix recommandés ou d'autres restrictions de vente

297. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, les pièces du dossier font apparaître des consignes envoyées aux distributeurs, notamment des demandes de remontée du prix pratiqué :

- un échange de courriels entre le 18 et le 19 septembre 2009 ayant pour objet« BlackList LG » d'où il ressort que Selectis a signifié à certains distributeurs affiliés, en l'espèce AMS, GPDIS et Ubaldi : « il est impératif d'intégrer dans notre liste de produits sensibles les 2 produits LG suivants et de les retirer des différents sites (... ) Merci de votre réactivité immédiate (sinon LG va nous bloquer les produits)», consigne suivie par l'ensemble des destinataires483 et interprétée par AMS comme une « demande du fabricant de remontée de prix ou d'interdiction de vente d'un produit sur Internet » formulée auprès de la centrale et répercutée auprès des adhérents484 ;

- les explications d' AMS au sujet de la liste de références « stocks mini » mentionnée dans un courriel du 1er février 2011, selon lesquelles la liste était de fait une consigne de LG pour « augmenter le prix de revente des références citées en les mettant au niveau du PPI du fabricant »485;

- un courriel du 14 mars 2011 par lequel LG a donné pour consigne au distributeur Primo Electro « de bien vouloir retirer de [son] site internet les produits F12580FD et FI 4953WHS [lave-linges] »,précisant:« [n]ous ne désirons plus les voir sur le net »486;

- une demande transmise à AMS le 30 janvier 2012 pour confirmation d'un« stock» sur une référence de four micro-ondes, en précisant qu'il s'agissait d'un« produit blacklisté à la base »487, demande renouvelée le 14 février 2012 en vue d'une« remontée de stock urgente »488 ;

- un courriel du 6 mars 2012 demandant « une remontée de stock à 1800 » sur un modèle de réfrigérateur489 ;

- un courriel du 10 avril 2012 dans lequel il est demandé à AMS de retirer une référence de micro-ondes de ses sites internet en vertu d'une « action nationale», c'est-à-dire selon AMS une action portant sur une « référence blacklistée » consistant à imposer « concomitamment à tous ses distributeurs de [la] retirer de leurs sites Internet »490;

- un courriel interne du 8 mars 2013 ayant pour objet« Plan d'action Selectis » relatif à la stratégie à mettre en place pour le référencement chez Selectis, où il est mentionné notamment: « Je ne pense pas [que] les remontées de prix ponctuelles suffisent à protéger ces produits »491.

298. En cas de non-respect des PPI par les distributeurs, LG envisageait explicitement de sanctionner les distributeurs déviants, notamment en cessant de les fournir. En témoigne un courriel du 19 décembre 2011 par lequel LG a informé AMS du « blocage » de certains produits chez Selectis, leur « visibilité » sur les sites du distributeur étant problématique, et précise : « La remontée ou disparition de ce produit sur vos sites est le préalable à la livraison »492. Ce document a ensuite été imprimé par AMS avec l'annotation« okfait ».

h) Les pratiques relevées s'agissant de Miele

La stratégie de Miele face au développement des ventes en ligne

299. Plusieurs éléments du dossier illustrent les réflexions menées en interne par Miele face à l'essor des ventes en ligne.

300. À partir de mars 2008, Miele a progressivement mis en place un système de distribution sélective493, plus particulièrement pour les produits de la gamme« PRESTIGE» à partir de mars 2008, puis pour ceux de la gamme« ELEGANCE», à partir de novembre 2009494. Les produits électroménagers de Miele, à l'exception des accessoires, font partie de l'une ou l'autre de ces deux gammes495.

301. À titre illustratif, un document de présentation interne de 2010 mentionne le passage de l'intégralité de la gamme d'aspirateurs en distribution sélective depuis le 1er janvier 2010, la « [d]isparition de la visibilité Miele chez les "Pureplayer" » et la « sortie de chez But et Conforama ». Il comporte également la mention manuscrite suivante : « 96 sites identifiés => 5 sites à ce jour »496.

302. Le 13 juin 2012, un document de présentation interne explique que le système de distribution sélective (ci-après« SDS ») était initialement conçu pour empêcher la vente de la marque Miele sur Internet et pour protéger les partenaires détaillants traditionnels : « [l]a politique commerciale a produit les résultats escomptés et a exclu de fait la vente des produits Miele sur Internet, en particulier par des "pure players" sans magasins physiques »497. Ce même document rappelle que « le système de distribution sélective a été conçu à l'origine pour empêcher les acteurs d'internet de commercialiser des produits MIELE »498.

303. Miele a ensuite fait évoluer sa politique en matière de distribution sélective entre un « SDS 1.0 » et un« SDS 2.0 ». Un document interne du 13 novembre 2012 précise que le « SDS 1.0 » avait pour objectif la protection de la marque contre « la vente en ligne en tant qu'acte purement transactionnel» et que l'évolution vers le « SDS 2.0 » était rendue nécessaire par l'augmentation des services offerts par les pure players ainsi que le développement de la vente en ligne par les distributeurs499.

304. Le président de Miele, dans un échange interne du 31 mai 2012 commentant la stratégie de la distribution sélective en France, a ainsi évoqué un sujet identifié comme majeur: « les accords avec les "bons" pure players poseront d'importantes questions de coordination internationale, par exemple sur les aspirateurs/accessoires, ce qui pourrait influencer considérablement les relations commerciales locales et les niveaux de profit »500.

305. Le 18 juin 2012, dans un courriel interne, Miele a relaté les points abordés lors d'un rendez-vous avec le distributeur Superl0count, d'où il ressort que Miele ne pouvait agréer ce dernier, « compte tenu du nom "discount" antinomique avec les [produits] haut de gamme »501.

306. Le 26 juin 2012, dans un courriel interne, le président de Miele France a souligné auprès d'un collaborateur qu'aucune « vente aux pure players n'est autorisée, pas même sur les places de marché ou sur eBay. Ce principe est largement respecté, même si le système n'est pas entièrement étanche», et que seuls les détaillants multicanaux Darty, Boulanger et les membres de la chaîne Selectis étaient autorisés à vendre des produits Miele502.

Les déclarations d'AMS sur la politique commerciale de Miele

307. Un distributeur, AMS, a décrit un« levier» permettant à Miele, selon lui, de faire en sorte que les prix de revente des produits sur Internet soient respectés: « En 2007, MIELE a voulu limiter la vente sur Internet de [ses] références en fixant par l'intermédiaire de [ses) CGV un pourcentage de ventes sur Internet. En 2008, [il a]fait deux types de ristournes différées en distinguant celles accordées aux distributeurs uniquement présents sur Internet, de celles accordées aux acteurs présents sur le canal de vente physique. »503.

308. AMS relève deux faits concomitants. D'une part, seul le site Electromust a été agréé en 2010, lorsque Miele a mis en place son SDS504. D'autre part, « en quelques mois», Miele aurait exigé d' AMS que celui-ci« respecte scrupuleusement» les prix de vente conseillés505. AMS s'appuie ainsi sur l'exemple de Miele pour affirmer que « la problématique des fabricants n'était pas tant de faire en sorte que leurs produits soient commercialisés dans des conditions qualitatives, à travers un système de distribution sélective, que de faire pression sur les distributeurs afin qu'ils respectent le niveau de prix décidé par les fabricants »506.

309. Entre le 28 décembre 2012 et le 3 janvier 2013, un échange de courriels entre AMS et Miele à propos de la politique commerciale de Miele pour 2013 traduit le mécontentement d' AMS, face à la remise en cause par le fabricant de ses performances de vente : « vous avez énucléé notre activité place de marché. Vous êtes intervenu régulièrement pour nous empêcher d'avoir toute dynamique commerciale, ceci a forcément des conséquences sur le [chiffre d'affaires] »507. Selon AMS, ses pertes en chiffres d'affaires« sont exclusivement liées à la politique de prix imposés et d'interdiction de la vente sur internet qui [lui] a été imposée »508.

La communication continue par Miele aux distributeurs de prix conseillés

310. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Miele communiquait des plans de vente présentant, pour les produits référencés par le distributeur concerné, les informations issues de la négociation commerciale, comme le prix d'achat net. Les plans de vente comportaient une colonne « prix catalogue TTC» ou « PVCM » (pour prix de vente conseillé maximum), correspondant aux prix de revente recommandés par le fabricant. De tels plans ont été communiqués entre 2010 et 2014, la dernière liste de tarifs étant applicable au moins jusqu'au 31 décembre 2014509.

311. Outre ces plans de vente, le dossier comprend divers documents témoignant de l'attention portée en interne à l'élaboration des PPI et leur transmission régulière aux distributeurs. Peuvent être mentionnés à ce titre :

- un courriel du 23 février 2011 dans lequel Miele a communiqué à Ubaldi des tableaux de synthèse relatifs à des accessoires Miele, comportant entre autres des « prix catalogue TTCjanv[ier] 2011 »510;

- un courriel du 12 octobre 2011 diffusant le« tarif Miele mis àjour (avec les PPI) » pour de nombreuses références de produits de GEM et PEM, références réunies sous un onglet commun nommé« BASE CONCERTO SEPT 2011 »511 ;

- un courriel du 15 mai 2012 communiquant la« nouvelle grille» au distributeur AMS et annonçant la tenue prochaine avec ce dernier d'un rendez-vous où doit être évoquée la « politique commerciale Miele 2012 »512 ;

- des courriels internes échangés entre le 28 septembre et le 1er octobre 2012 portant notamment sur la répartition de certains produits entre les gammes Élégance et Prestige et, par conséquent, sur les hausses prévisibles de prix de vente pour les produits de la première gamme qui seraient réaffectés à la seconde : « certains produits Élégance vont voir leur prix façade augmenter puisque nous appliquerons la même règle que sur Prestige = PVCM pour ces articles dans le tarif electro des ventes directes seulement »513.

312. Il peut également être relevé qu'à d'autres occasions, les prix recommandés faisaient l'objet de négociations avec les distributeurs, ou à tout le moins que les distributeurs demandaient à Miele quel était le PPI applicable. Les éléments du dossier comprennent ainsi de nombreux échanges entre Miele et des distributeurs qui avaient pour objet, notamment, de « vérifier » ou de « confirmer » un ou plusieurs prix recommandés. Peuvent être mentionnés à ce titre :

- un courriel du 17 novembre 2010 par lequel le distributeur Rexel a demandé à Miele la confirmation des prix de vente à appliquer en 2011 dans le cadre d'équipements de camping pour les collectivités (« Merci de me confirmer les PPi des produits sélectionnés»), demande à laquelle Miele a répondu le 23 novembre 2010514;

- un courriel du 11 janvier 2011 par lequel Digital Group a demandé à Miele de vérifier notamment les PPI d'une sélection de huit références qui devaient apparaître dans le «guide PEM» valable d'avril à septembre 2011515, informations que Miele a validées en réponse le 14 janvier 2011516. Des échanges analogues entre Digital Group et Miele se retrouvent à de nombreuses reprises dans le dossier, notamment dans un courriel du 17 février 2011 pour sept références de GEM517, auquel Miele a répondu par une confirmation le 21 février (« ok pour moi tout est bon »)518 ; un courriel du 29 avril 2011 relatif à quatorze produits qui devaient apparaître dans le « guide cuisson encastrable 2011, valable de Juin 2011 à Juin 2012 », auquel Miele a répondu tardivement, le 29 juin, avec des modifications qui ont conduit Digital Group à devoir éditer un erratum519; un courriel du 16 janvier 2012 relayé par Miele en interne (« merci de compléter le fichier pour que je puisse le confirmer à digital »)520; un courriel du 29 juin 2012, concernant neuf références de produits pour le guide octobre 2012/mars 2013521 ,•

- un courriel du 7 mars 2011 dans lequel Cocelec, en vue de la préparation d'un catalogue valable du 1er avril au 31 août 2011, communiquait à Miele pour confirmation une « sélection définitive» des références de produits de GEM avec un «PP!€» associé, sélection que Miele a retournée avec ses corrections522 ;

- des échanges d'avril et d'août 2011, au cours desquels le distributeur Concerto demandait à Miele de lui« renvoyer [les] tarifs au 01.04.2011 avec les PP! indiqués» (demande qui a été relayée au sein de Miele en vue d'y apporter une réponse : « peux-tu voir svp »)523, ou de vérifier notamment les PPI de références incluses dans le « guide Concerto du 2nd semestre» dont l'une pour laquelle Miele a répondu avec un tableau indiquant le niveau de prix à respecter ainsi que les coefficients de marge du distributeur524• ,

- un courriel du 2 septembre 2011 dans lequel Miele propose à Ubaldi le « PPi » de plusieurs références de produits de GEM pour une commande donnée, à la suite d'une conversation téléphonique525 ;

- un échange de courriels entre le 9 et le 13 septembre 2011 portant sur une offre pour une référence de lave-vaisselle à l'intention du distributeur Ex&Co mentionnant notamment un nouveau PPI, dit « PVCM » (pour « prix de vente conseillé maximum ») : « merci de bien faire circuler l'info, de préciser que la validité du PA et du PVCM est jusqu'à 31/12/11 »526 ,•

- une information communiquée le 14 septembre 2011 à Ubaldi pour la commercialisation d'une référence de lave-vaisselle : « pour info et suite à ma prop[ osition] ci-dessous, je suis partie sur un PP! à 799 ! Si tu souhaites apporter une dynamique à ton business, PP! à 699, tu es encore sur un coe.ff[icient] de 1,90 et sans les remises arrières »527 ;

- un échange de courriels du 4 novembre 2011 par lequel Miele a confirmé à Concerto la transmission des tarifs et PPI par échange de tableaux Excel, le distributeur demandant quant à lui l'envoi du « plan d'achat avec les PP! »528 ;

- un échange de courriels du 7 juin 2012, d'où il ressort que le distributeur Concerto a demandé à Miele, et a effectivement obtenu, l'indication du prix de vente d'une référence de hotte(« confirmation( ... ) au téléphone à l'instant. PPI à 879 €»)529;

- plusieurs courriels échangés du 25 juillet au 15 août 2012 entre Miele et Concerto portant notamment sur la validation du niveau « corrigé » de prix de vente à appliquer au détail, ainsi que sur la communication en général des niveaux de prix à appliquer («}'ai corrigé le prix du T8822 C Inox, voici la base corrigée »)530;

- un courriel du 1er octobre 2012 de Concerto communiquant à Miele sa« sélection pour [les enseignes] Copra et Axtem Noel (24/11 au 31/12) », suivi d'un tableau énumérant cinq références de produits de lavage, à chacune desquelles un « PPI » et un « PPI Promo» sont associés531.

Le contrôle des prix de revente par Miele mais aussi par les distributeurs

313. Il ressort de plusieurs éléments du dossier que Miele exerçait une surveillance sur le prix de ses produits affichés sur Internet par divers distributeurs. Certains des distributeurs participaient eux-mêmes à cette surveillance en faisant remonter au fabricant des prix observés.

314. Un document, non daté, intitulé « veille internet», dresse un « cahier des charges » avec pour objectif de « réaliser un suivi quotidien des prix de vente pratiqués par site web » en mettant en œuvre différentes actions dont la localisation des revendeurs et une veille des prix532_

315. À l'instar d'autres fabricants mis en cause, Miele a souscrit, a minima à partir d'août 2012533 jusqu'au 31 décembre 2014, aux services de WorkIT permettant d'obtenir des relevés de prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits534.

316. D'autres exemples concrets de surveillance peuvent être relevés dans des documents ou échanges tels que :

- un courriel interne du 20 mai 2009 ayant pour objet « mise à jour veille internet », informant les équipes de la possibilité technique de comparer le résultat des veilles internet à différentes dates et de l'ajout, au périmètre de veille, du site internet Diaboleo, vendeur de produits de la gamme Prestige535;

- un échange interne de courriels des 23 et 24 novembre 2011 ayant pour objet « veille internet», d'où il ressort que des directeurs grands comptes de Miele ont été interpellés sur un relâchement relatif des prix observés sur des aspirateurs (« il y a un gros mou au niveau des aspis »), avec une demande d'intervention de la part des responsables du suivi des sites Electromust, Villatech et Ubaldi536 ;

- un courriel interne du 28 novembre 2011 par lequel un responsable de Miele a rappelé son rôle de coordination de la veille des produits Miele et exprimé la demande suivante : «Je souhaite que chaque responsable de client ayant un ou plusieurs sites agréés m'informe régulièrement de la situation et des évolutions éventuelles »537 ;

- un courriel interne à Miele du 2 décembre 2011 appelant les responsables des comptes à procéder à une « veille hebdo de leur client », plus particulièrement Ubaldi, Electromust, Villatech, Boulanger et Darty, de manière à pouvoir signaler les éventuelles« anomalies constatées »538 '•

- un échange de courriels internes à Miele des 16 et 17 mai 2012, dans lequel il est fait état de la volonté exprimée par Ubaldi de se comporter en « suiveur » pour les positionnements prix dans une gamme de produits déterminée, « à condition d'avoir des stocks sains », étant précisé que « la gestion » de ces positionnements serait assurée par une« automatisation complète [au moyen du] logiciel "work it" »539;

- deux tableaux d'extraction de prix WorkIT, datés du 27 août 2012, dont le premier comparait les prix pratiqués par Ubaldi avec ceux des distributeurs concurrents540, tandis que le second dressait la liste de produits Miele disponibles sur les sites internet de distributeurs indiquant pour chacun le « site le - cher du marché »541.

317. Enfin, les éléments du dossier attestent du rôle tenu par certains distributeurs pour signaler à Miele des prix trop bas pratiqués par des distributeurs déviants. Peuvent être mentionnés à cet égard :

- un courriel du 12 juillet 2011 émanant d'Ubaldi, et transféré par Miele en interne, comportant une capture d'écran comparant les prix pratiqués par plusieurs distributeurs en ligne proposant une référence d'aspirateur542 ;

- un courriel du 22 août 2011 par lequel Joncoux Ménager a transféré à Miele une plainte du distributeur Servigros au sujet de l'absence de « respect des prix marché» par un autre distributeur, les Établissements Léger : « [la gérante de Servigros] a raison sur toute la ligne, son CA 2011 est proche de zéro et la politique de Léger a des répercussions sur nos résultats »543 ;

- un courriel du 5 juin 2012 par lequel un collaborateur de Miele a fait remonter en interne l'information selon laquelle des clients (distributeurs) avaient exprimé leur étonnement face au prix d'une référence affichée sur le site internet d'Ubaldi, dont une capture d'écran était fournie544• '

- un autre courriel du 5 juin 2012, concernant une autre référence de lave-linge, par lequel le grossiste Findis, qui indiquait s'être «aligné» sur le prix pratiqué par GPDIS, a informé Miele d'une remontée d'information sur un prix inférieur observé chez un client distributeur et demandé des explications : « Que se passe-t-il ? Merci de ta réponse urgente »545.

Les actions en cas de non-respect des prix recommandés ou d'autres restrictions de vente

318. Compte tenu de la surveillance régulière que Miele exerçait sur le prix de revente de ses produits sur Internet, il a été constaté que ce fabricant transmettait aux distributeurs des consignes aux fins de les remonter s'il les jugeait trop bas ou de prendre d'autres mesures pour pallier des violations supposées de sa politique de prix. En attestent notamment les éléments suivants :

- un courriel du 17 mars 2009 dans lequel Miele demandait à AMS de « ne pas faire figurer les produits suivants [aspirateurs Vital] dans [ses] points de vente» à la suite d'un problème de «stock», demande interprétée par AMS comme une menace d'interruption des approvisionnements en raison du non-respect par le distributeur de « la politique de prix imposés », étant précisé que « points de vente » était un terme crypté signifiant « canal Internet »546 ;

- un courriel du 22 juin 2009 par lequel Miele menaçait AMS de diminuer le « coefficient de pondération de visibilité »547, mesure signifiant selon AMS que Miele pouvait directement agir sur sa marge. AMS a ainsi déclaré que « MIELE nous a menacé d'appliquer un coefficient de pondération de 0.8 en lieu et place de 1.0 sur le plan de vente. (... ) Cela était une manière pour eux de gérer le niveau de remise du prix de revente sur Internet par rapport au PPI: en effet, si nous voulions respecter le seuil très bas de 5% il était nécessaire que nous pratiquions des prix très proches des PPI sur Internet». 548 AMS a expliqué qu'une hausse de la part des ventes de Miele réalisées en ligne au-delà de 5 % risquait de conduire à une forte baisse des remises et donc de la marge du distributeur ;

- un courriel interne du 30 janvier 2012 transmettant aux directeurs grands comptes de Miele une consigne tendant à « remettre les produits dans les bonnes cases... Gamme élégance dans les magasins agréés et gamme Action promo dans les EDM [magasins discounts du groupe GPDIS devenus magasins MDA] », et ce afin de «faire respecter [la] politique commerciale Sélective » face à la « distribution extrêmement agressive » à laquelle étaient confrontés les revendeurs agréés549 ;

- dans des courriels échangés du 22 au 31 octobre 2012 entre Miele et AMS, il est notamment demandé à ce dernier, au regard de certaines « anomalies » constatées sur le site Electromust, de « tenir [ses] engagements et solutionner les problèmes » sur des références de sèche-linges pour le lendemain550, étant précisé que selon AMS, les prétendues anomalies « désignaient en réalité le fait que les prix imposés par MIELE n'étaient pas respectés pour toutes les références citées »551 ;

- une suite de courriels des 28 février, 5 mars et 18 avril 2013 d'où il ressort, d'une part, que Miele était « surpris » de constater la présence de la gamme Prestige sur le site Electromust et, d'autre part, qu'en raison d'un «bon» mois de février, AMS était en mesure d'obtenir de Miele le «déblocage» officiel de ses commandes552, mesure que AMS expliquait comme la contrepartie du respect contraint de « la politique de restriction des ventes sur internet et de prix imposée par le fabricant», s'agissant de produits de la gamme Prestige, « très protégés »553.

i) Les pratiques relevées s'agissant de SEB

La stratégie de SEB face au développement des ventes en ligne

319. À partir de 2009, SEB a progressivement mis en place un système de distribution sélective pour une partie de ses produits. SEB a indiqué qu'entre 2009 et 2014, deux contrats de « distribution sélective qualitative » ont été mis en place. Le premier contrat, mis en place entre 2010 et la fin de l'année 2014, portait sur la quasi-totalité des produits vendus sous la marque Krups554. Le second, mis en place en 2013 et toujours en vigueur lors de l'instruction, était quant à lui un contrat « premium multimarques » portant sur un éventail de produits, entre 30 et 40 selon les années555.

320. WebAchatFrance a indiqué avoir commercialisé jusqu'en 2009 la totalité des produits SEB « sans que cela ne pose problème». Toutefois, dans le contexte de la mise en place de réseaux de distribution sélective par la plupart des distributeurs, « à partir de 2010 essentiellement», il n'a pas reçu d'agrément de SEB à cette fin556. Il a déclaré en outre que SEB avait demandé une remontée des prix sur une quinzaine de références, en échange de conseils sur la mise en avant des produits557.

321. Dans le même sens, Maismoinscher a cité SEB parmi les fournisseurs qui lui ont imposé des prix de revente peu de temps avant la mise en place de la distribution sélective et interdit de vendre certains produits en ligne en dehors de la distribution sélective (par l'usage des listes noires)558.

La communication continue de prix conseillés aux distributeurs

322. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, SEB communiquait des plans de vente énumérant, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale telles que le prix d'achat net. Ces documents comportaient systématiquement une colonne« PVGC [prix de vente généralement constaté] ni mini ni obligatoire », correspondant au prix recommandé par le fabricant.

323. SEB a indiqué qu'il ne communiquait« qu'un seul prix recommandé permanent par produit, quel que soit le canal de vente dudit produit »559, que « la liste des produits était remise à jour avec l'envoi périodique des plans d'achats aux distributeurs »560, que « les prix promotionnels étaient gérés jusqu'à 2014 par l'intermédiaire d'un système informatique différent du système gérant les prix recommandés "permanents" » et enfin que « par défaut, le prix recommandé "permanent" s 'appliqu[ ait] entre deux périodes de promotion »561.

324. Il ressort des éléments du dossier que les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comportaient systématiquement les prix recommandés562.

325. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent aussi que SEB - directement ou par l'intermédiaire des grossistes - rappelait régulièrement les niveaux des PPI aux distributeurs ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. Ces PPI pouvaient également faire l'objet d'une discussion avec le distributeur.

326. Des éléments illustrant ces pratiques sont présentés ci-dessous :

- un plan de vente de 2010 saisi chez GPDIS, référence des produits de PEM de marques SEB, Moulinex, Rowenta, Calor, Krups et Tefal, à chacun desquels un « PVGC » est associé563. Selon Selectis, le prix correspond en fait à un prix imposé : « les fabricants imposaient des prix », ajoutant que, si ses distributeurs souhaitaient maintenir une certaine rentabilité, ils devaient suivre ces prix : « [c ]e n'était pas forcément écrit mais nous avons eu des "discussions houleuses" à ce sujet. Si nous voulions une certaine rentabilité, il fallait rester sur ce niveau de prix-là »564 ;

- le 22 mars 2010, dans le cadre d'un échange de courriels, SEB a informé Maismoinscher « qu'une mise en place de nos stocks sur tous les produits Krups (hors Nespresso) a lieu lundi 22 mars et le mardi 23 mars dans tout le réseau». Ce dernier lui a répondu que « concernant la remontée de stock avez-vous une idée du niveau souhaité par rapport au stock normaux?». En retour, SEB a demandé qu'il soit fait une« remontée de stock [au] niveau normal souhaité». Maismoinscher lui a alors répondu:« Nous allons donner une [impulsion] sur le site dès ce soir pour vous accompagner dans ce sens ... »565 ;

- le 24 mars 2011, SEB a informé le grossiste Concerto de la mise en place d'une nouvelle politique commerciale, comportant un « nouveau tarif internet destiné aux plateformes qui revendent éventuellement à des sites internet», et a annoncé l'envoi dudit tarif« à toutes vos plateformes pour une mise en place au plus tard le 4 avril [2011] et en priorité sur les références suivantes: [suivi d'une liste de 17 références de produits de PEM] Puis sur toutes les autres références au fil de l'eau ». Concerto a ensuite transféré le courriel à plusieurs de ses distributeurs affiliés566 ;

- le 25 mars 2011, l'un de ces distributeurs a fait part à Concerto de son étonnement quant au courriel précédemment envoyé par SEB, soulignant que « suggérer des prix de cession est strictement interdit par la loi et un tel écrit si il tombait dans les mains d'un site pourrait leur valoir bien des [problèmes] »567. Concerto a ensuite transféré le courriel à SEB. Le même jour, un salarié de SEB a confirmé en interne que ce distributeur « a[vait] parfaitement raison», avant de préciser« [qu']aucune communication écrite, ou alors cryptée ne peut être autorisée sur le sujet »568 ;

- le 15 juin 2012, les directeurs des ventes SEB ont reçu« la proposition d'assortiment KRUPS FNAC travaillé[e] (... )ce jour. En synthèse= 31 produits destinés aux magasins / 21 produits destinés à l'internet ». Ce courriel était accompagné, en pièce jointe, du document« Proposition Assortiment Krups Fnac Sept 2012 », contenant des références de produits de PEM de marque Krups et indiquant, pour chaque produit proposé, un prix de revente conseillé569 ;

- le 28 novembre 2012, le compte-rendu d'un premier rendez-vous avec Amazon réunissant différents responsables de SEB et d'Amazon indique:« [Amazon] demande à avoir les mêmes produits que Darty et s'engage à rester sur notre recommandation de positionnement prix »570 ;

- le 24 juillet 2013, SEB a communiqué au distributeur Ex&Co « le plan d'achat du Troisième Trimestre, qui annule et remplace le précédent. Modifications tarifs sur : YY1601 - YY1600- YY8408- YY8109- YY8110 [cafetières] »571. Le 31 juillet 2013, en réponse, Ex&Co a demandé une« amélioration sur YY1500FD et 1501FD [cafetières] + 8% et Modifier l'articulation tarifaire. PA facture + TVA supérieur au PP!! (...)

Demande amélioration sur YYJ 782FD de 2%. (... ) YYJ 601FD sort de gamme impossible de vendre au prix Darty de 84 euros »572.

Le contrôle des prix de revente par SEB mais aussi par les distributeurs

327. Qu'elles soient vendues à travers un système de distribution sélective ou non, certaines références commercialisées par SEB faisaient l'objet d'une surveillance particulière par le fabricant, notamment au regard du prix auquel elles étaient proposées au consommateur. Cette surveillance était notamment exercée par SEB elle-même et portait en grande majorité sur le prix des produits vendus sur Internet.

328. À cette fin, SEB recourait à des prestataires afin de suivre le prix de vente de ses produits. Pour la mise en œuvre de ce service, SEB transmettait au prestataire de veille, les familles de produits et la liste des sites internet qu'il souhaitait suivre quotidiennement, voire deux fois par jour, suivant le prestataire573. De janvier 2010 à décembre 2012, ce service était assuré pour SEB par Net-Veille574, puis, au moins jusqu'au 31 décembre 2013, par Work:IT575.

329. D'autres éléments du dossier attestent de cette surveillance, notamment :

- des notes manuscrites prises entre le 11 décembre 2008 et le 9 janvier 2009 lors d'échanges internes indiquent un suivi des prix («stocks») pratiqués par BUT ou Carrefour Online :

« Niveau de stock-> Nos marques BUT Carrefour Online remise à niveau stocks (... )

Faiblesse: capacité à faire applique[r]poli[tique] commerciale. Inertie décision »576.

- un tableau de relevé de prix issus de l'outil WorkIT, daté du 14 mai 2013, saisi chez SEB, présente les références SEB distribuées sur différents sites internet (Cdiscount, Rueducommerce, Boulanger, Darty), et compare pour « le site le - cher du profil» le prix de revente effectif avec le« stock» (ainsi que l'écart entre les deux)577;

330. La surveillance du niveau des prix de revente pratiquée par SEB auprès de ses distributeurs lui a donné l'occasion de leur demander de corriger leurs prix comme en témoignent de nombreux éléments du dossier. À titre d'illustration, l'usage du terme «stock» peut être relevé dans de telles communications, notamment lorsqu'il s'agissait d'alerter sur le niveau trop bas des prix.

331. Entre le 11 mars 2010 et le 20 septembre 2010, SEB a échangé régulièrement avec Mais moins cher, distributeur du groupe Group Digital, afin que celui-ci relève notamment le prix d'une ou plusieurs références :

- le 11 mars 2010, dans le courriel intitulé« PROBLEME STOCK MAIS MOINS CHER», SEB a indiqué à Group Digital que « comme vu au téléphone  merci de voir avec MMC [MAISMOINSCHER] pour caler son "stock" des réj[érences] ci-dessous [suivi d'une liste de 31 références de produits de PEM SEB] : action déjà constatée chez les spécialistes référents. Pour action dès demain matin »578 ;

- le 12 mars 2010, Group Digital a transféré ce courriel à Maismoinscher en lui indiquant : « Attention il y a un gros problème sur la référence AH9000 [friteuse] en plus de la liste ci-dessous ! Je compte sur votre intervention rapide pour régler le problème afin que je puisse continuer mes négos avec eux sur votre dossier »579. Maismoinscher lui a alors répondu : « Après contrôle de mon stock je [ne] suis franchement pas le plus mal et je vous en remercie ... Je vais agir sur les commandes des AH900000 (sic) maintenant ... Pour le reste il faut absolument destocker les autres partenaires (voir fichier joint relevé à l'instant) ... »580. Maismoinscher joignait à sa réponse un tableau qui faisait apparaître les mêmes références que celles indiquées par SEB dans le courriel précédent, avec l'indication de la présence du produit sur le site de distributeurs concurrents et, pour chaque référence donnée, son positionnement prix. Ainsi, par exemple, le tableau indique:« GV5240 [centrale vapeur] PRIX -15% PAR RAPPORT PP!? »581 ;

- le 17 mars 2010, à la suite des courriels précédents, SEB a remercié Group Digital de son intervention auprès de Maismoinscher : « Merci beaucoup pour votre action sur l'AH9000 » 582• '

- Maismoinscher a répondu le même jour à une première demande en indiquant à Group Digital et SEB : « voici des infos à utiliser pour les AL8000 [suivi de deux liens hypertextes de sites des distributeurs Cdiscount et Amazon proposant la référence de friteuse AL8000 sur leurs sites] je vais faire un premier geste quand même ! »583 ;

- toujours le 17 mars 2010, dans un premier courriel en réponse à Maismoinscher, SEB lui a indiqué qu'elle avait demandé aux deux distributeurs Cdiscount et Amazon de s'aligner sur le niveau de prix recommandé : « [l]a demande est déjà faite aux 2 infos citées ci-dessous». Le 18 mars 2010, dans un second courriel, SEB a demandé à nouveau à Maismoinscher: « [m]erci de me confirmer quand vous aurez fait modif AL8000 », à la suite de quoi ce dernier lui a répondu avoir« bien commenc[é] à agir sur le stock de la AL8000 hier suite à votre mail et j'en augmenter (sic) de 10 pièces !584 Par contre d'autre[s] comme Cdiscount ou Amazon n'ont pas boug[é] voir diminu[é] pour Cdiscount ! »585 ;

- le 24 mars 2010, dans un ultime échange de courriels, Maismoinscher a fait remarquer à SEB que« [l]e problème de stock sur la AL8000 [friteuse] n'est toujours pas résolu sur Amazon, Cdiscount et GrosBill ... ils n'ont toujours pas boug[é] d'un centime ... Merci de faire sans faute aujourd'hui le nécessaire car depuis notre collaboration sur ce produit nous ne faisons plus de ventes du tout O'ai du stock586 sur mes étagères qui dort!) ». SEB lui a alors répondu qu'« une remontée de stocks avaient bien eu lieu mais qui n'a malheureusement pas été pérenne dans le temps »587;

- de la même manière, le 7 avril 2010, en réponse à la seconde demande de SEB concernant une« action» sur le modèle de friteuse AL8000, Maismoinscher a indiqué espérer« [ne] pas [être] les seuls comme la dernière fois ! »588 ;

- dans un courriel du 22 juillet 2010, SEB a une nouvelle fois demandé à WebAchatFrance d'agir sur les prix de vente. Ce dernier lui a alors indiqué avoir « apporté les rectifications sur 2 modèles car est ce que le modèle AL8000 [friteuse] est bien concerné ? Ci-dessous le positionnement, notamment de la grande distribution » suivi d'une liste de distributeurs proposant cette référence accompagnée des différents prix publics589 ;

- le 20 septembre 2010, SEB a demandé à Maismoinscher, concernant plusieurs produits de PEM « une action sur les stocks au 20 Septembre au soir. GV7250 avec 198; GV8360 avec 298; RO8021 avec 269; RO4323 avec 149 »590.

332. Des notes manuscrites du 27 mai 2013 saisies chez SEB contiennent notamment une information relative au positionnement prix d'une référence commercialisée par un groupe de distributeurs(« clients Cl »), une recommandation sur les informations relatives aux prix communiqués aux distributeurs, ainsi qu'une action à entreprendre sur le prix d'une référence d'aspirateur et d'une référence de tireuse à bière :

« - Nespresso vérifier que nos clients Cl peuvent faire 99€ (... )

- Attention à la communication sur les prix en interne. Utiliser PVGC minimum. Utiliser copie d'écran sans commentaire avec Tel pour confirmer un mail à côté. (... )

- Remontée de prix Free Moove Balai 8771 [et] VB5020 [tireuse à bière] pour jeudi soir (... )

V(...) fera un workit tous les lundi »591.

333. Enfin, il ressort du dossier que les distributeurs participaient eux-mêmes à la surveillance du niveau de prix des produits SEB, en communiquant à ce dernier des informations sur des prix observés sur des sites et plateformes de vente en ligne utilisés par des distributeurs concurrents.

334. Les exemples les plus anciens figurant au dossier remontent à 2008. Des notes manuscrites du 12 novembre 2008, prises lors d'échanges avec Darty, contiennent en effet les éléments suivants qui indiquent que Darty fait connaître son positionnement à SEB à partir de prix pratiqués par certains de ses concurrents :

« P[ro]b[lème] Internet-> Webdistrib /Boulanger-> Pure Player

GV8360 [centrale vapeur] 205 € / GV7150 [centrale vapeur]  150 € (Pixmania) (... )

Hausse de tarif-> à rediscuter 2nde quinzaine de décembre IM 1115 -> 15 € chez CARREFOUR( ... )

IM 2041 [pièce détachée] -> 19 => 24 € chez Darty OK si autres c[oncurrents] /' [augmentent] »592.

335. Des notes manuscrites, du 2 octobre 2013, prises lors d'un échange avec Amazon contiennent l'information suivante au point « PVGC, Prix» : « Webdistrib est matché par Amazon frais de port compris. Amazon nous dit que nous sommes responsables du prix de vente public »593.

336. Le 14 octobre 2013, dans un courriel interne SEB a indiqué avoir« reçu un appel d'ITM [Intermarche] concernant les prix pratiqués sur la gamme Duetto dans les Home And Cook [points de vente de Groupe Seb Retailing] (cf photos ci jointes.) En effet, ITM comprend que nous nous déstockions sur cette gamme et  ne reproche pas les prix de vente pratiqués mais les prix annoncés avant remise. L'opération est finie depuis peu, les magasins ITM se déstockent également et les prix de départ remettent en cause la légitimité des tarifs. Peux-tu STP faire appliquer les prix de départ ci-dessous avant remise STP »594. Le lendemain, en réponse au courriel précédent, il est confirmé que « la modification des "prix conseillés" sera en place dès demain matin dans best store et en magasin »595.

337. Le 15 octobre 2013, le distributeur Ldshop s'est plaint auprès de son grossiste Findis du positionnement prix d'un produit «protégé» sur le site internet d'un distributeur concurrent : « POUR UN PRODUIT PROTEGE CDISCOUNT LE VEND EN DIRECT A 20% MOINS CHER QUE LE PPI »596. Ce courriel a ensuite été transféré en interne.

Les autres actions en cas de non-respect des PP/

338. Il ressort enfin des éléments du dossier que, quand les prix de revente - en particulier les prix sur Internet - étaient trop bas, SEB a pu prendre des mesures afin d'empêcher les distributeurs déviants de distribuer les références concernées :

- les 27 et 28 mars 2013, aux échanges internes à SEB faisant état d'un« suivi des produits C2 et C3 », a succédé un courriel à l'équipe commerciale de SEB prévoyant la mise en place d'un « plan correctif immédiat pour faire le ménage», avec la précision selon laquelle « [SEB] ne [peut] avoir des produits C3 et C2 sur les sites en direct ou en M[ arket]P[lace] ». Il est dès lors demandé à l'équipe commerciale de « préparer un plan d'action pour chaque client identifié dans le fichier( ... ), le but [étant] de faire sortir ces produits des sites sans délais », en commençant par les produits dits « C3 » uniquement, et en faisant appel à la « pédagogie, détermination, fermeté et l'implication sans faille de tous [les] équipiers »597 ;

- il ressort des échanges qui s'ensuivent que les produits dits « C3 » doivent être retirés d'Internet, sauf pour« Darty / Boul[anger] / But par exemple [qui] sont des clients C3 ». Il est alors précisé que « [l]e point d'entrée est le C3, un produit C3 est réservé aux clients C3, les sites mon garage, cl 0count [Cdiscount], etc ne sont pas des C3, ils sont Cl. Seuls les produits C3 bis ne sont pas sur internet, y compris chez les clients C3 »598 ;

- le 25 septembre 2013, dans un courriel interne ayant pour objet « action immédiate Findis », suivi d'un tableau de références de produits de marques Moulinex, SEB, Rowenta et Calor599, SEB a enjoint de« bloquer tous les produits C3 à destination de la plateforme Findis Sud. Effet immédiat » ;

- le 4 octobre 2013, Selectis a demandé par courriel à SEB des explications concernant la disponibilité pour ses adhérents d'une référence de robot cuiseur (HF 800) : «je dois informer mes adhérents car à ce jour le HF 800 est DISPO. Donc après les aspis robots ROWENTA que nous ne pouvions avoir alors qu'ils sont présents chez nos concurrents, il y a donc d'autres produits dont ce hj800 dont nous apprenons l'existence par le biais des sites. ( ... )Nous attendons donc des éclaircissements», suivi d'une capture d'écran de la référence HF800 disponible sur le site internet de Darty au prix de 699 euros TTC. À la suite de ce courriel, la consigne suivante a été transmise en interne chez SEB : « attention, pas de réponse par écrit SVP mais urgent de la rappeler. La version officielle : pré lancement limité, peu de pièces dispos, lancement au SI [premier semestre] 2014 »600.

j) Les pratiques relevées s'agissant de Smeg

La stratégie de Smeg face au développement des ventes en ligne

339. Plusieurs éléments illustrent les réflexions menées en interne par Smeg pour faire face à l'essor des ventes en ligne.

340. La stratégie de Smeg apparaît notamment dans un courriel interne du 31 janvier 2007, qui fixe pour objectif« de donner moins de marge de manœuvre [aux] clients sur cette gamme, stratégique en terme d'image, en remontant les prix nets ou en les éliminant.  La raison officielle auprès [des] clients est de vouloir arriver à un niveau de prix de marché plus élevé et respecté». Ce message comporte en outre un tableau de « prix discounté acceptable » destiné à devenir un « tarif "neutre" Internet », à propos duquel Smeg ajoute : «  nous nous devrons d'essayer [de l']imposer aux acteurs concernés »601.

341. Ce même courriel prévoit un calendrier de mise en œuvre différenciée de la stratégie selon les distributeurs, Darty, Boulanger, Gitem, Reference et Concerto, ce dernier devant disposer d'un délai plus long que les autres (un mois contre quinze jours)602.

342. À partir de 2010, Smeg a progressivement mis en place un système de distribution sélective pour une partie de ses produits, par un premier contrat en mai 2010 pour les produits dits « SMEG Elite », puis un second en octobre 2011 pour les produits « SMEG Gammes Années 50 »603_

La communication continue par Smeg aux distributeurs de prix conseillés

343. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Smeg communiquait des plans de vente (ou « plans d'achat ») qui énuméraient, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale, comme le prix d'achat net, et comportaient systématiquement une colonne correspondant au prix recommandé par le fabricant, sous la mention« PVC » (prix de vente conseillé), « PUC » (prix usuel constaté) ou encore « PPI »604.

344. La volonté de Smeg de procéder de cette manière apparaît par exemple dans les éléments du dossier datés du 31 janvier 2007, notamment un tableau intitulé« Prix 2007 années 50 » joint à un courriel contenant notamment des informations de prix, qui incluent des prix pour les revendeurs/cuisinistes, y compris une ligne « New prix net revendeur maxi», des prix pour les grossistes, y compris une ligne« New prix net grossiste maxi», et des informations pour« Prix discounté», calculé à partir d'un« PUC »605.

345. S'agissant des plans d'achat, Smeg a indiqué que les sigles utilisés, « PVC » « PPI » ou « PUC », « désignent en réalité ses prix publics recommandés »606. Smeg a concédé à ce propos que le terme « constaté » dans le sigle « PUC » ne correspondait pas à des prix réellement « constatés » sur le marché, mais « à des prix publics recommandés aux distributeurs (notamment les ménagistes) qui vendaient les produits à l'unité »607. Enfin, Smeg a indiqué qu'il « communiqu[ait] également des Prix Publics Indicatifs ("PPJ''), notamment pour les distributeurs qui vendaient leurs produits dans le cadre de projets globaux de cuisine aménagée »608.

346. Il ressort des éléments du dossier que les plans de vente communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comportaient systématiquement les prix recommandés, la dernière liste de tarifs étant applicable au moins jusqu'au 31 décembre 2014609.

347. Outre ces plans de vente, de nombreuses pièces du dossier établissent que Smeg - directement ou par l'intermédiaire des grossistes - rappelait régulièrement les niveaux des PUC ou PPI aux distributeurs ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. Le terme de « stock » est aussi employé pour les prix recommandés, mais dans le cas de Smeg, les valeurs correspondantes sont exprimées, de manière conventionnelle, en nombre de « pièces » (unité « p ») plutôt qu'en euros.

348. À titre d'exemples, on peut ainsi mentionner :

- un courriel du 29 juillet 2008 communiquant à Darty un plan de vente intitulé « Tarif DARTY N° 3 applicable à compter du 01/08/2008 »610, comportant certaines indications de gamme telles que« internet» ou« i » pour les« gammes internet »611 ou, à l'inverse, « tous », les prix de revente à respecter étant mentionnés dans une colonne « STOCK» (et non« PUC »);

- un courriel du 23 décembre 2008 comportant deux plans de vente à destination de DARTY, intitulés « TARIF DARTY N° 1 2009 » et« PLAN D'ACHATS DARTY N° 1 2009 », tous deux applicables à compter du 24 janvier 2009612 et présentant des caractéristiques analogues au précédent(« STOCK» au lieu de« PUC » notamment)613 ;

- un courriel du 2 mars 2011 adressé à Selectis ayant pour objet « Plan d'achats et confirmation gamme » relatif aux produits en pose libre et encastrables, accompagné de l'indication de PPI614• ,

- une «proposition de référencement complémentaire» datée du 16 mars 2012 communiquée à Boulanger pour deux produits réservés à la vente en magasin615, mentionnant pour chacun d'eux un niveau de «stock» « de 2000p à 2500p » et « 2500p »,respectivement ;

- un échange de courriels du 24 mai 2012 entre Smeg et Boulanger, comprenant la confirmation par Smeg des éléments suivants : « la CS20FB-8 est protégée par notre contrat de distribution sélective. La référence pourra être présente sur boulanger fr (pas sur webdistrib) mais [à la] condition habituel[le] de notre tarif de base. L'offre promotionnelle est réservée aux magasins (... ) PA : 1100€ HT (... ) STOCK magasin : 2200P (... ) GAMME C », ainsi que la réponse de Boulanger : « OK prix net injecté »616 ;

- des échanges de courriels des 19 et 21 juin 2012 relatifs au distributeur Monclick, qui montrent des « prix plancher que la direction commercial[ e] Italie cherche [à] imposer pour les acteurs internet », la préparation « [d']un tableau de ce type pour la gamme année 50 » en vue d'un rendez-vous avec le distributeur617, tableau qui vise à« les faire aligner »618, et enfin« l'accord sig[n]é avec Monclick avec les prix plancher coté Italie et France» avec la demande, à ce sujet de « [m]e tenir au courant s'il y a des dérapages »619 ;

- une capture d'écran, accompagnant un courriel interne du 8 juillet 2012, de la fenêtre intitulée «formulaire de négo de toutes les centrales» du logiciel de construction tarifaire de Smeg, qui indique pour chaque référence le« PUC » pour les gammes 2012 et 2013, et le« PUC Promo »620;

- un courriel du 12 mars 2013 faisant suite à une négociation avec Boulanger et apportant les précisions suivantes à propos d'une cuisinière:« [p]aifait sur le prix d'achat. Ok sur le produit par contre on se met d'accord sur le positionnement à tenir sur le produit SVP on partage avant pour s'organiser et en discuter ensemble. »621 Un courriel du même jour de la part d'un responsable commercial de Smeg ajoute notamment : « [i]l faudrait qu'on soit à 1300 sur la CG92PX9 et 1599€ sur la spécif Boulanger multi pyro ce qui lui laisse 2,07 de coeff sur ce positionnement ce qui me semble bien = -25% / à notre PUC initial à 2149.99 (... ) Boulanger comme Darty doivent montrer l'exemple et on doits 'appuyer sur eux c'est mon avis 1599€ n'est pas un prix débile »622.

349. Les PPI étaient élaborés soit unilatéralement par le fournisseur, soit négociés et définis avec le distributeur, à l'occasion notamment de l'élaboration d'offres promotionnelles. À titre d'exemple peuvent être mentionnés les éléments suivants :

- un courriel interne du 7 juillet 2008, par lequel un responsable commercial de Smeg a partagé un tableau de références vendues par le site Mistergooddeal.com faisant apparaître « les produits sur lesquels le Client peut faire une opération dite "électrochoc" avec une "décote" de 40 à 50€ sur son prix de vente » et précisant : « notre client s'est engagé à nous avertir [dès] qu'il met un "électrochoc SMEG" en place »623 ;

- un courriel du 13 septembre 2012 par lequel Boulanger a demandé à Smeg de « regarder ce [qu'il pouvait] faire sur la CP60X9 et [le] tenir au courant SVP», suivi de la confirmation de Smeg d'une« une action à 999P demain matin »624;

- un échange interne du 3 décembre 2012 au sujet d'une demande pressante de Darty pour qu'un modèle de cuisinière puisse être vendu au même prix que Boulanger« même si Ubaldi et les autres sont en dessous », demande prise au sérieux par Smeg, qui a commenté en ces termes : « oui, si on pouvait accorder boui[ anger] et dartoch [Darty] sur la CG92PX9, dis-moi ce qu'il est possible d'entrevoir »625;

- un courriel interne du 28 juin 2013 adressé à un responsable comptes clés et au directeur commercial Smeg rendant compte de discussions avec Boulanger sur le prix de revente d'une référence de cuisinière et évoquant les conséquences pour d'autres distributeurs : « [Boulanger] est d'accord pour se benchmarker uniquement sur DARTY et UBALDL donc pas d'alignement sur les autres sites. Elle demande 799. Évidement cela vaut pour Webdistrib+imenager. Dites-moi quand nous pouvons faire l'action. Je pense que Darty sera OK »626.

Le contrôle des prix de revente par Smeg mais aussi par les distributeurs

350. Smeg était attentif au niveau des prix affichés sur les sites internet des distributeurs et exerçait un suivi régulier de ces prix. Il a notamment eu recours entre mai 2010 et fin décembre 2014 aux services de WorkIT627 pour suivre le prix de ses produits vendus sur Internet par plusieurs distributeurs628. Concrètement, Smeg transmettait à WorkIT, pour intégration dans son outil, la liste « qui n '[était] pas exhaustive » des sites internet à suivre, l'outil en question réalisant un relevé quotidien629.

351. Plusieurs éléments documentaires attestent par ailleurs de contacts entre Smeg et Work:IT avant le 21 mai 2010, et ce au moins à partir du 20 avril 2009, comme en atteste un courriel de WorkIT à Smeg l'invitant à fournir la liste des sites à surveiller630. Par la suite, une proposition commerciale de WorkIT a été envoyée à Smeg par courriel le 13 mai 2009, dans lequel WorkIT a également rappelé que « votre veille s'établira sur l'ensemble des e-commerçants présents dans notre application, même si nous ne nous engageons contractuellement que sur les 11 e-commerçants mentionnés dans nos propositions »631.

352. Plusieurs éléments documentaires traduisent l'attention portée par Smeg aux prix de ses produits affichés sur Internet. Des informations en ce sens lui ont parfois été communiquées par des distributeurs eux-mêmes. Ainsi, il y a lieu de relever notamment :

- un courriel interne du 22 février 2007 qui relate un entretien avec le distributeur AMS, et dont il ressort que ce dernier «s'est engagé à remonter ses prix sur Internet si et seulement si les autres protagonistes font de même », tandis que Smeg affirmait son engagement de « respecter une politique prix en maitrisant les pure player sur le net »632 •'

- un tableau dénommé « CDISCOUNT » diffusé en interne à la même date faisant état de « 2 produits hors catalogue » chez Cdiscount, Smeg insistant dès lors sur la vigilance attendue des équipes : «je compte sur votre collaboration dans le sens ou si vous voyez un produit anormalement bas chez CDISCOUNT de me prévenir car je ne regarde pas le site tous les jours »633 ;

- un courriel interne du 5 mai 2012 avertissant des responsables commerciaux de Smeg que deux modèles de cuisinière, étant réservés à« DARTY ET MGD [Mistergooddeal] », ne devaient par conséquent pas« dériver sur d'autres sites chez Yard, redoute, boutique web», avertissement suivi d'une consigne pour un« niveau de stock à 949 tout dedans chez MGD [Mistergooddeal] »634;

- un courriel interne du 2 juillet 2013, dans lequel un responsable commercial de Smeg s'inquiète de voir le prix d'un produit changer, signalant : « WorkIT indique un positionnement à 829 (cf mail en PJ) mais regardez bien le prix sur le site, il change sous vos yeux à 729 ! Dans tous les cas il va falloir faire respecter la mise en stock sinon, avec ou sans Amazon nous allons avoir des soucis avec Boulanger qui a déjà constaté le fait chez DARTY »635 ;

- un échange de courriels interne du 17 septembre 2013 traduisant une appréhension quant aux prix pratiqués par Boulanger : « Â l'heure où je t'écris ils [Boulanger] n'ont pas remonté, c'est mort pour demain avec UB[ALDI] il seront à ce niveau et ils ne remonteront plus», suivi d'une réponse indiquant avoir eu confirmation de l'alignement par Boulanger:« Boul[anger] remonte demain matin »636.

Les actions en cas de non-respect des prix recommandés ou d'autres restrictions de vente

353. Compte tenu de la surveillance régulière que Smeg exerçait sur le prix de vente de ses produits sur Internet, il a été constaté que ce fabricant transmettait aux distributeurs des consignes aux fins de remonter les prix s'il les jugeait trop bas. En attestent notamment les éléments suivants :

- un courriel du 17 novembre 2009 annonçant que la direction commerciale « monte au créneau» pour remonter le prix de deux produits (une cuisinière et un four), appelant à l'action pour une remontée le vendredi suivant et à la vigilance pour vérifier que tous « ont joué le jeu »637 ;

- un échange de courriels internes du 14 septembre 2010 aux fins de retirer un produit de la gamme ELITE du site internet du distributeur Alphaprice, au sujet duquel il est expliqué notamment que par le passé il a« pété le prix» d'un produit638 ;

- un courriel du 11 octobre 2010, par lequel Smeg a demandé à Maismoinscher de « remonter 2 références », une cuisinière et un lave-vaisselle, ajoutant que « les principaux sites majeurs sont OK »639 ;

- un courriel du 14 février 2011 par lequel Smeg a communiqué en interne des consignes de remontée de prix pour plusieurs références de réfrigérateurs et de cuisinières (« les soldes se terminent et c'est pour cela qu'il faut que certains prix remontent car nous avons un souci avec certains produits »), les références concernées étant suivies de leur prix constaté et du« PUC » recommandé, avec l'indication des prix observés chez des distributeurs nommément identifiés (Electro Radin, VPC Boost et Pixmania) et les mentions suivantes : « ces prix doivent arriver à être sur le net Inclus la garantie et le transport à ces prix MINI car le décrochage aujourd'hui est très important » et « la remontée de ces produits est pour le 21 Février J0H00 alors je compte sur vous tous »640. Une réponse du 17 février 2011 indique: « UBALD] remonte aussi le BLV2 [lave-vaisselle] à 1199.99 merci donc à tous de faire le nécessaire »641;

- un courriel du 18 février 2011 demandant en interne de prendre l'attache de plusieurs distributeurs, notamment Pixmania, Darty, ou Digital.fr, en vue d'une « remontée de stocks »642, demande réitérée avec véhémence dans un second message643 ;

- un courriel interne du 18 février 2011 expliquant de manière détaillée un projet de « remontée de Stock » indiquant à propos des distributeurs affiliés Selectis : « tous ces sites de Sélectis nous assurent une remontée pour lundi 10h00. Il faut donc que tous les autres sites remontent », et précisant que la réalité de cette remontée serait contrôlée le 21 février644, ce qui a été effectivement le cas («je souhaite que cela ne redescende pas »)645 ;

- un courriel du 21 février 2011 entre GPDIS Rhône Alpes à WebAchatFrance, avec Smeg en copie, relayant une demande de Smeg aux fins de « mettre au bon prix », par imitation d'Ubaldi qui avait« dû remonter ses prix» sur deux références de réfrigérateur646;

- un échange de courriels internes du 18 avril 2011, enjoignant aux équipes et directions commerciales de Smeg de contacter les sites pour une remontée impérative des prix le 26 avril à 10 heures647 ;

- des courriels des 21 et 27 avril 2011 qui mettaient en œuvre la consigne donnée et confirmaient l'effectivité de la démarche: « globalement ok pour MGD [Mistergooddeal], BOUL[Boulanger], Webdistrib, ]ménager (... ) Cdiscount a fait la moitié de la remontée dans l'attente des retardataires »648 ;

- une demande présentée à un responsable commercial de Smeg, par courriel interne du 16 novembre 2011, aux fins d'une consigne de« remontée de stock» sur un modèle de lave-vaisselle concernant« BOUL[anger], WEB DISTRIB, UBALD!», par imitation de Darty: « Darty remonte le ST2FAB en stock 999 pour lundi. Merci de votre action »649;

- une demande exprimée à Boulanger le 30 décembre 2011, aux termes de laquelle, pour une référence de cuisinière nouvelle et « pas/peu présente sur le net », Smeg annonçait une augmentation le stock de « 2000p » à « 2200p » et a obtenu de Boulanger que ce dernier« modifie [son] stock à un niveau plus modéré »650;

- un courriel du 2 mars 2012 par lequel Smeg a demandé à Boulanger de « revoir le stock à 1000p pour Lundi ? » puis, plus pressant, de« l'aider rapidement sur le point», après quoi Boulanger a confirmé que « le nécessaire a été fait »651 ;

- un échange de courriels internes du 11 avril 2012, dans lequel un responsable commercial de Smeg annonçait son intention de faire une proposition au grossiste Ex&Co pour des modèles de cuisinière et de hotte et, pour ce faire, demandait « un prix net pour lui filer un coup de main» (se référant au prix affiché sur le site internet de Mistergooddeal), suscitant en réponse la confirmation d'une intervention auprès de clients distributeurs« pour remonter chez Goodeal [Mistergooddeal] et Boulanger »652 ;

- trois courriels envoyés entre le 11 et le 13 avril 2012 demandant des « remontées de stock» ou « remontées de niveau de stock» sur différents produits (à l'intention des distributeurs Ventadis, Mistergooddeal, Webdistrib, Boulanger, Ubaldi)653 ;

- un tableau transmis en interne le 23 avril 2012 à des responsables commerciaux de Smeg faisant apparaître les actions de retrait ou de remontée de prix à entreprendre sur des produits proposés par divers distributeurs, en vue de « passer la remontée chez Darty »654 ;

- trois courriels internes relatifs à trois modèles différents de cuisinière envoyés les 1er mai, 14 mai, et 14 septembre 2012 tendant respectivement à faire « remonter le stock», à « caler le stock» et à «faire remonter le prix», s'agissant des distributeurs Webdistrib, Boulanger et Ubaldi, respectivement, cette dernière demande étant assortie de la précision:  «je  vais  essayer  de  faire  tenir  BOUL[anger]/WEB[DISTRIB] et consort »655'

- un courriel interne du 12 septembre 2012 signalant, au sujet d'une cuisinière de la gamme ELITE, qu'une intervention était nécessaire auprès de Darty et Boulanger, qui n'étaient « pas au bon prix», les suites étant précisées en ces termes : « Darty c'est ok pour demain matin stock 3299 »,puis« [il]faudra que Darty attende un peu que Boulanger remonte alors »656'

- les confirmations, transmises les 14 et 17 septembre 2012 par Webdistrib à Smeg, de ce que « [l']action a été mené[ e] » et le « stock» mis à jour concernant la cuisinière CP60X9657. Le dernier message était accompagné de l'indication suivante : « nous sommes à votre dispo pour revenir à notre stock initial » faisant référence au positionnement agressif d'Ubaldi658;

- une mise en garde adressée le 10 décembre 2012 à Webdistrib sur le fait que, pour une référence de lave-vaisselle, le site internet était « décalé » par rapport à Amazon, suscitant en retour des explications techniques de Webdistrib659.

354. Au cours de l'année 2013, les équipes de Smeg ont mis en œuvre plusieurs actions de remontée de prix au regard de la surveillance exercée sur les sites des distributeurs. Les courriels, pour la plupart internes, qui en attestent ciblent parfois des distributeurs précis, mais majoritairement plusieurs distributeurs. Relèvent notamment des actions de ce type les échanges de courriels relevés aux dates suivantes :

- le 4 janvier 2013, à l'égard de Mistergooddeal («qu'ils les remontent au prix et qu'ils montrent qu'ils sont bien à ce niveau-là »)660 ;

- le 15 février 2013, à l'égard d'Amazon (« ELLE VA REMONTER LE FABJ0RUJ sur 2 semaines et regarder»), qui pratiquait des prix ayant conduit Smeg à devoir« compenser 4000€( ... ) chez Boulanger »661;

- les 20 et 21 février 2013, à l'égard de Darty, concernant un produit Smeg Elite pour lequel la mention« exclu web» n'était pas admise(« le stock est de 2500 pièces »)662 et il était attendu en conséquence que Darty « corrige le tir »663 ;

- le 1er mars 2013 à l'égard de Darty (« supprimer le discount ( ... )j'aimerai[ s] également que tu remontes ton niveau de stock stp »)664;

- le 4 mars 2013, à l'égard du site de vente en ligne de décoration et d'ameublement Westwing, dont le « respect de la politique de prix » est critiqué665 ;

- le 7 mars 2013, concernant le bilan d'une« remontée de prix» générale demandée cinq jours plus tôt, à l'égard de Boulanger, Selectis, VPC, Boost, Discountéo, Villatech, Ubaldi, Daylac, Delamaison, Darty, Superdiscount, Expecity, Maismoinscher (« merci de vos actions correctives dans la journée svp »)666;

- le 7 mars 2013, à l'égard de Delamaison et Mistergooddeal, dont le « maintien [des] PUC DISCOUNT» est évoqué, ainsi que la question d'une remontée de prix(« quand seraient-ils disponibles à augmenter les prix ? »), laquelle est soumise à « l'accord équivalent de 2 ou 3 autres sites : Darty, Ubaldi, Boulanger, Discounteo »667 ;

- le 11 avril 2013, à l'égard de Boulanger, Webdistrib, Mistergooddeal, Amazon et Delamaison (« donne-moi tes contacts pour faire remonter les prix svp »)668 ;

- le 14 mai 2013, à l'égard de Superl0count (« merci de bien vouloir faire remonter les prix sur ces produits ce jour »)669 ;

- le 29 mai 2013, à l'égard d'Electromust et Delamaison (« caler la LBS147X en stock à 950 pour vendredi »)670;

- le 7 juin 2013, à l'égard d'Ubaldi et iMenager (« remonter le produit »)671 ;

- le 10 juin 2013, à l'égard d'Ubaldi et Electromust (« merci du stock à ce niveau »)672;

- le 9 juillet 2013, à l'égard de Mistergooddeal et Boulanger(« on cale une remontée sur le produit jeudi 1399€ »)673, puis, le 11 juillet à l'égard des mêmes (« le stock est calé chez tous. Suite à quelques appels de rappel, est ajusté dans les minutes qui viennent ... »)674 ;

- le 20 août 2013, pour ce qui concerne l'ensemble de la distribution d'une liste de produits déterminés (« merci de noter que nous allons faire une remontée de stock sur les produits suivants à la rentrée. Remontée de prix nécessaire au 4 septembre sur... »)675 ;

- les 11 et 12 octobre 2013, à l'égard de Mistergooddeal, iMenager et Webdistrib (« remonter Mistergoodeal à 1399 pour que web et i menager puiss[ent] remonter aussi »)676, puis de Selectis et Webdistrib (« MERCI DE FAIRE LE NECESSAIRE SELECTIS - WEB DISTRIB »)677 ;

- le 15 octobre 2013, à l'égard de plusieurs distributeurs, parmi lesquels Clixity, Discounteo, Ubaldi, Superl 0count, Maismoinscher et Privilege, (« alignement de Discounteo ... les autres sites leader n'ont pas encore bougé »)678, de même que iMenager, Webdistrib et Darty (« [p]eux tu caler( ...) imenager web distrib exactement au stock pour demain [... ]réponse attendue de UB[aldi] et Darty », message auquel il est répondu une heure plus tard« Fait »)679;

- un courriel interne du 2 mars 2013 diffusé auprès des responsables comptes clés Smeg avec pour consigne la remontée du prix d'une cuisinière et d'un lave-linge à un niveau prédéterminé« tout service inclus livraison et garantie pour Jeudi [7 mars 2013] matin 9h00. (... ) Merci à tous de bien vouloir communiquer entre vous afin qu'on y parvienne »680 ;

355. Enfin, les éléments du dossier attestent de la participation des distributeurs au mécanisme de surveillance, ces derniers signalant régulièrement les prix pratiqués par des distributeurs déviants. Peuvent être mentionnés à ce titre les éléments suivants :

- des échanges internes entre le 30 décembre 2011 et le 3 janvier 2012 à la suite d'une alerte de Darty quant aux prix bas pratiqués par certains distributeurs sur une cuisinière, appelant notamment à réagir, sauf à« laisser les choses dégénérer »681, alerte suivie de courriels successifs de Smeg commentant l'évolution des prix observés: « [c]'est déjà mieux mais pas encore parfait »682, puis « 1-menager + webdistrib: 1969.99 avec la livraison à domicile sur rdv »683, correspondant à un prix proche de celui demandé à Darty ;

- un échange de courriels entre le 18 et le 22 mai 2012 dans lequel le distributeur Delamaison portait à la connaissance de Smeg plusieurs constats sur les prix de cuisinières vendues par Ubaldi, Darty et Boulanger et demandait au fabricant de réagir, notamment parce qu'il était incapable de «s'aligner», « se positionner» ou « se placer »684 ;

- un courriel interne du 8 juillet 2012 faisant état d'une demande de Darty aux fins de se voir accorder un produit « protégé ou spécifique » pour être « à l'abri à 499€ » concernant un four, dont la mise en vente sur le site de Darty « a catalysé toutes les "haines" du monde de ses concurrents », de sorte que « le produit a glissé instantanément (discountéo, ub[ aldi], etc. à 415€ »685, demande accueillie favorablement par Smeg afin de ne pas remettre en cause « une bonne partie du business » avec Darty ;

- un échange de courriels du 5 septembre 2013 dans lequel le distributeur Group Digital régissait à une proposition de Smeg relative à deux produits : « ce qui me gêne (... )c'est que le centre de cuisson et la hotte sont pliés sur le net! etje ne peux pas m'aligner. Je fais quoi ? »686.

356. Certains documents attestent plus généralement du pouvoir de contrainte exercé par le fournisseur sur les éventuels distributeurs déviants :

- ainsi, un courriel interne du 19 septembre 2012 relayant, au sujet d'une cuisinière, l'information selon laquelle Ubaldi « n'est pas prêt à bouger tant que d'autres acteurs importants (Webdistrib, Gooddeal notamment) ne remontent pas », avec en outre la précision suivante : « il s'est plié à nos contraintes assez régulièrement mais ne voudrai[t] pas être le premier à remonter systématiquement à chaque demande et voir les autres acteurs profiter d'un positionnement plus bas »687;

- un courriel interne du 20 septembre 2012, envoyé en réponse au précédent, relatant que « Webdistrib a tenu le prixjusqu'à Lundi puis est redescendu au niveau d'Ubaldi, Darty a remonté dès Samedi, MGD [Mistergooddeal] n'a pas le produit référencé », précisant que le positionnement de prétendu « suiveur » allégué par Ubaldi « va être difficile de faire avaler (... ) à DARTY et BOULANGER » et, pour finir, exprimant les remerciements de l'auteur pour l'implication personnelle du destinataire« sur un sujet qui concerne le national »688.

k) Les pratiques relevées s'agissant de Whirlpool

La stratégie de Whirlpool face au développement des ventes en ligne

357. Un ensemble de documents au dossier mentionne l'impact du développement des ventes en ligne sur les prix de cession et la baisse des prix de revente. Il ressort de ces documents que Whirlpool a mis en place en 2010 un système de distribution sélective (abandonné en 2012) qui devait permettre à certains distributeurs de limiter la pression concurrentielle sur Internet.

358. Un document de présentation interne explique que la stratégie de Whirlpool pour 2010689 est alors centrée sur les produits de la gamme « Green Generation », et plus particulièrement sur une collection Premium constituée de 10 références spécifiques issues de cette gamme, et réservée à certains distributeurs : « [l]a collection Premium sera vendue chez quelques clients ciblés - Clients majeurs: 1. DARTY, / 2. BOULANGER/ 3. EX&CO / 4. PRO & GITEM - Ces 5 clients vendent 50% des produits à 600€ [et plus] »690.

359. Un courriel interne du 11 octobre 2010 précise, au sujet de cette stratégie:« nous cherchons à monter en 2011 les volumes de notre gamme GREEN GENERATION Cette gamme est très profitable par son PMV [prix moyen de vente] et sa rentabilité particulière. Cette gamme est protégée par un contrat de distribution sélective vis-à-vis de la distribution. Nos clients directs (... ) ne sont donc pas confrontés à des offres prix ''fracassantes" sur ces produits sur des sites PPlayers [pure players] »691. Des notes manuscrites du 18 février 2011 expliquent également le succès rencontré par les produits de cette gamme grâce à l'absence de vente sur Internet692.

360. D'autres documents attestent de ce que Whirlpool, notamment de 2012 à 2014, souhaitait réduire la part de pure players (en particulier les petits) dans la distribution de ses produits693.

La communication continue de prix conseillés par Whirlpool aux distributeurs

361. Dans le cadre des échanges avec ses distributeurs, Whirlpool communiquait des plans d'affaires et listes de tarifs contenant, pour les produits référencés par le distributeur en question, les informations issues de la négociation commerciale comme le prix d'achat net, et comportaient systématiquement, dès 2008 pour les plans d'affaires, une colonne correspondant au prix recommandé par le fabricant, tel que « stock » ou encore, à partir d'avril ou mai 2014 en fonction des distributeurs, par le terme « PPI »694.

362. Les tarifs ne contenaient généralement pas de prix de vente conseillés, mais, comme Whirlpool l'a précisé, il y a eu des exceptions, « telles que Boulanger pour qui les prix conseillés (... ) étaient inclus »695. La dernière liste de tarifs au dossier était applicable jusqu'à fin décembre 2014696.

363. Outre ces plans d'affaires et ces tarifs, de nombreuses pièces du dossier établissent que Whirlpool - directement ou par l'intermédiaire des grossistes - rappelait régulièrement les niveaux des PPI aux distributeurs, ou leur communiquait des consignes de prix à l'occasion d'opérations promotionnelles. À titre d'exemple, on peut ainsi mentionner :

- un document préparé en préparation d'un rendez-vous prévu le 26 mars 2008 avec Darty comprend des prix de vente conseillés dans une colonne « stock marketing». Pour certaines références, une colonne « Réponse Whirlpool » indique « ok validé tous magasins »697 ;

- des notes manuscrites des 1er et 5 septembre 2011 indiquent la tenue de réunions avec des distributeurs pour leur demander une hausse des prix de revente, et résument leurs réactions à cette demande (par exemple, pour Boulanger : « AWE7650 [lave-linge] @ 500 conditionnée en deal »)698 ;

- une liste de tarifs du 6 janvier 2012 indique des PPI et prix «Promo» associés, avec, pour certaines références, la mention des distributeurs concernés (par exemple, pour le réfrigérateur LADEN DP148BL, « BUT & CONFO en alternance ? BOULANGER ? »699 ;

- une liste de tarifs de juin 2012 à destination de But référençait des produits avec un PPI indiqué dans la colonne« stocks »700. Il en allait de même d'une liste de septembre 2012 communiquée à AMS701, laquelle a déclaré que « le tableau indique (... ) le prix à respecter dans la colonne libellée "stocks" »702, ou encore d'une liste communiquée à Selectis pour novembre 2012703 ;

- trois listes du 20 juillet 2012 de tarifs de la gamme lavage contenaient des PPI et des « PPI promo», ainsi qu'une colonne libellée « Retours Client». Ces produits promotionnels étaient ainsi proposés par Whirlpool à ses clients (notamment But, Boulanger, Conforama, Darty), puis le fabricant notait si ces derniers les acceptaient ou non et à quelles conditions. Par exemple, pour la référence FL9125 (lave-linge Laden), proposée  initialement  au prix promotionnel  de 300 euros, Whirlpool  a noté : «proposition bundle AMB3972 [sèche-linge Laden] @800 € Boulanger. Validée Boul. »704;

- deux listes de tarifs du 1er novembre 2012 référencent de nombreux produits de GEM de marque Whirlpool, auxquels un PPI est associé dans la dernière colonne « stocks »705. S'agissant de ces documents, AMS a déclaré avoir «produit une liste SELECTIS de références WHIRLPOOL de novembre 2012, en précisant que "les stocks, c'est bien le PPI". En effet, ils 'agit là encore d'un plan d'achats pour les produits WHIRLPOOL, la dernière colonne libellée "stocks" correspond au prix imposé »706 ;

- un courriel interne du 15 février 2013 fait état d'éventuelles« incohérences» à corriger dans les propositions de gamme lavage à destination de Darty et de Boulanger. Par exemple,« [la référence] AWOD2827 [lave-linge] est une VRAIE EXCLUSIVITE BLG [Boulanger] en gamme B donc nous ne devons pas avoir de code similaire chez Darty et encore moins en EXCLUSIVITE WEB chez DARTY ». Le courriel présente les références de« la gamme B magasins: FRONT/ TOP [lave-linge] et LV [lave-vaisselle] validée avec BLG cette semaine », en indiquant notamment si ces références sont « protégée » ou « exclu BLG », et un prix de revente conseillé est indiqué dans une colonne « Stock »707• '

- un courriel interne du 7 mars 2013 montre un tableau de cotations présenté comme « l'avancée des négos de la gamme lavage avec Confo[rama] ». Le tableau inclut une colonne avec des prix de revente conseillés708. De même, un courriel interne du 14 mars 2013 partage des plans d'affaires 2013, présentés comme le résultat de négociations avec Ex&Co et Pro&Cie. À chaque produit de GEM est attaché un prix de revente conseillé 709 ;

- un document de présentation du 29 mai 2013 à destination de Conforama liste plusieurs références de sèche-linges. Chacune de ces références est accompagnée d'un prix de revente conseillé710;

- un tableau de référencement daté du 3 août 2013 liste de nombreux produits de GEM pour chacun desquels est indiqué un «PP!», ainsi que, pour certains d'entre eux le (ou les) distributeur( s) commercialisant la référence, lesquels pouvaient par exemple être Salm, Boulanger, Darty, ou Selectis711 ;

- un tableau de référencement, applicable à partir du 1er novembre 2013, liste de nombreux produits de GEM Whirlpool pour chacun desquels un prix de revente conseillé est associé dans la colonne« STOCK »712;

- un plan d'affaires daté du 12 décembre 2013 référence de nombreux produits de GEM de la famille lavage Whirlpool, pour chacun desquels un prix de revente conseillé est associé, ainsi que, sur l'une des pages, la mention manuscrite « pas de promo WP  [WHIRLPOOL]  <  400  €»  ou  encore,  s'agissant  d'une  autre  référence « 450 € => 399 € OK PA [environ] 220 €»713;

- un plan d'affaires du 18 décembre 2013 préparé pour Boulanger référence de nombreux produits de GEM Whirlpool et Laden, pour chacun desquels un prix de revente conseillé est associé714• ,

- une liste de tarifs datée de 2014, portant la mention manuscrite « ECO / PRO référencement 2014 », et donc relative au référencement chez Ex&Co et Pro&Cie de nombreux produits de GEM Whirlpool et Laden, pour chacun desquels un prix de revente conseillé est associé715 ;

- un tableau de synthèse concernant les plans de vente 2014 liste, pour de nombreux distributeurs (notamment Darty, Conforama, But et Boulanger), les produits de GEM référencés chez chacun d'eux. À chacun d'entre eux sont associés un prix de revente conseillé («PP!»), un prix d'achat (colonne « PRD »), et un coefficient (colonne « coeff ») calculé sur la base du prix de revente conseillé. Certains d'entre eux correspondent à des promotions716;

- un plan d'affaires, daté du 16 janvier 2014 référence de nombreux produits de GEM distribué par Conforama, pour chacun desquels est associé un prix de revente conseillé717 ,

- un tableau de référencement, intitulé « BOULANGER - Posable Barème N° : Mai 2014 », applicable à partir du 1er mai 2014, liste de nombreux produits de GEM Whirlpool, pour chacun desquels est indiqué un prix de revente conseillé dans la colonne « STOCK »718 ,

- le 13 mai 2014, Whirlpool a communiqué à Boulanger un ensemble de propositions commerciales, accompagné de propositions de produits pour les mois de mai et juin 2014. À chaque produit est associé un PPI719.

364. Le niveau de revente pouvait faire l'objet de négociations bilatérales avec les distributeurs. En attestent par exemple les documents suivants :

- des notes manuscrites prises en préparation d'un rendez-vous avec Darty le 6 janvier 2011 détaillent notamment les « PPI » de plusieurs produits de GEM720. Un courriel interne du 12 janvier 2011 dresse un compte-rendu de ce rendez-vous, qui comprend divers prix de revente décidés de concert. Le document contient également des informations sur les positionnements et les spécifications de produits de certains concurrents721•'

- un courriel interne du 12 janvier 2011 dresse le compte-rendu d'un rendez-vous avec Boulanger et mentionne certains prix de revente décidés de concert. Le courriel fait également état d'informations relatives au positionnement tarifaire de produits concurrents722•'

- un autre courriel interne du 12 janvier 2011 présente le compte-rendu d'un rendez-vous avec Darty. Il y est fait référence à diverses discussions sur le prix de revente de lave­ linge. Par exemple, au sujet d'une référence prévue à« @545 », Darty « trouve que 545 c'est ambitieux», alors que pour une autre prévue à« @600 », le retour est« RAS [rien à signaler] »723 ;

- un courriel interne du 15 février 2011 montre que Boulanger, qui travaillait à proposer, pour les braderies du mois d'août, des références de lave-linges à prix promotionnel (« dépositionnement de 150-200 € »), engage avec Whirlpool une discussion sur les références pour lesquelles une telle promotion serait possible 4 Un courriel interne du 24 février 2011 mentionne des recherches comparables: un lave-linge avec ouverture par le côté « entre 330 et 350 en promo pour les soldes de juin, et un autre, pour les braderies, plutôt "haut de gamme " 800 barré 600 par exemple, avec la possibilité de faire un bundle with the sèche-linge »725 ;

- un courriel interne du 8 janvier 2013 présente les éléments de négociation avec le distributeur Digital concernant les prix de revente de certaines références 726 ;

- dans un courriel du 25 février 2013, Whirlpool a communiqué à Conforama des prix de revente pour la gamme lavage 2013, prix de revente qui ont été négociés entre Whirlpool et Conforama (« Rappel des demandes : Les PPI ci-dessous sont ceux que tu m'as communiqués », par exemple une référence « @499 variable mini[ mum] @449 (ne sera pas @399 »)727 ;

- un courriel interne du 28 février 2013 décrit des négociations avec Darty portant notamment sur des prix de revente728 ;

- un compte-rendu de réunion avec Darty le 3 juillet 2013 indique, concernant des lave­ vaisselles, un « maintien du prix promo sur juillet». Ainsi, pour une référence, le document mentionne : « @479 jusqu'au 21/07 puis 499 jusqu'au 30 juillet et suite 530 ». Pour une autre, le document mentionne « @579 jusqu'à la fin des soldes et ensuite me demande s'il est possible de le jouer toute l'année @599 »729 ;

- des notes manuscrites, datées du 13 novembre 2013 et concernant Boulanger, font apparaître des « Ddes » (demandes) de la part du distributeur, comme, par exemple « TOP Laden 399 : 6 / 1200 /A+++ ; 6 / 1200 /A+ / dig[ital] à la place de EVJ 263 [lave-linge] exclu BOUL[ANGER] car EV1266 chez DARTY»730;

- un document interne du 17 janvier 2014 détaille le résultat des discussions intervenues avec plusieurs distributeurs (Boulanger, But, Carrefour, Conforama, Cora, Leclerc, Auchan, Systeme U) pour des offres promotionnelles de la gamme lavage pour les 2ème et 3ème trimestres 2014. Il y est question des « PIC Prix »731 pour plusieurs références, avec notamment, pour une référence particulière à un « Pic Prix » à 349 euros l'avertissement suivant: « Attention à ne pas voir de dérive (329 et en dessous) »732 ;

- le compte-rendu du 29 janvier 2014 d'une réunion avec Darty résume les négociations conduites pour se mettre d'accord sur le prix de revente de références de la gamme Top Whirlpool. Ainsi, à propos d'une référence de lave-linge avec PPI à 449 euros, Whirlpool a « proposé de hausser le prix à 479 ». Darty ayant estimé ce prix « trop haut», le document conclut:« nous validons donc 469 »733.

Le contrôle des prix de revente par Whirlpool mais aussi par les distributeurs

365. Le contrôle des prix de revente des produits par les distributeurs pouvait être assuré par Whirlpool, soit directement au travers de ses salariés, soit au moyen des relevés de prix effectués par des prestataires externes. À partir du 6 janvier 2009, Whirlpool a souscrit auprès de WorkIT un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits734. Whirlpool a bénéficié de ce service au moins jusqu'au 30 juin 2014735. Par ailleurs, deux factures de 2009 fournies par Net-Veille, datant du 29 janvier et du 1er juillet, attestent l'existence d'échanges entre ce dernier et Whirlpool au sujet d'une «prestation Price-Veille, selon devis du 01/03/07 »736.

366. De nombreux documents au dossier confirment la volonté de Whirlpool de contrôler le niveau des prix, notamment sur Internet, ces prix étant souvent discutés en amont avec les distributeurs, notamment Darty et Boulanger. Ainsi, à titre d'exemple :

- un document interne qui résume un rendez-vous avec Boulanger le 5 novembre 2008 mentionne notamment une hausse demandée de prix pour août 2008, que « l'enseigne n'a mis en place( ... ) qu'à partir du 18 [août 2008] »737;

- un tableau de surveillance préparé pour Whirlpool par la société de veille IFR Monitoring indique, pour un certain nombre de références, les prix les plus souvent pratiqués en décembre 2008 par les magasins Conforama. Le prix Conforama apparaît en rouge lorsqu'un écart significatif avec le prix conseillé est constaté738 ;

- un document interne du 2 février 2009 donne des éléments sur la politique commerciale d'Imenager, un distributeur en ligne. Des tableaux font apparaître notamment le nombre de produits présents sur le site et leur prix de revente739;

- pendant toute l'année 2011, Whirlpool a procédé à la visite de magasins de plusieurs distributeurs, notamment Darty740 en juin et octobre, But741 en mai, octobre et novembre et Conforama742 en mai. Ces visites avaient pour objet le relevé du « prix public constaté» de ses produits chez le distributeur en question, c'est-à-dire le prix de revente affiché, ainsi que le relevé d'éventuels « produits présents hors GAMME ». Ces visites permettaient ainsi le relevé du prix de revente de très nombreuses références 743 ;

- un tableau du 24 février 2011 saisi chez Whirpool liste des produits référencés chez Selectis avec des commentaires tels que « nouveau positionnement avril »744 ;

- le 1er juillet 2013, un compte-rendu d'une réunion interne fait état d'arguments qui permettraient de montrer que Darty est à l'initiative de la baisse de prix sur le marché dans certains cas. Il donne des exemples de remontées de prix effectuées par Darty qui n'étaient pas aussi importantes que demandé (pour une référence de lave-vaisselle, en précisant le niveau de prix de revente que Darty aurait dû suivre« 550 au lieu de 479 », pour une autre,« remonté à 449 au lieu de 429 »)745. Le document comporte également quelques éléments relatifs au positionnement de produits concurrents ;

- le 13 janvier 2014, un courriel interne destiné à l'équipe commerciale donne des éléments de langage visant à faciliter les remontées de prix de revente auprès des distributeurs. Le courriel est accompagné d'un fichier de synthèse qui comporte comme précision, au sujet de Conforama, « trop bas à remonter», ou encore au sujet de DARTY, « trop de marge distrib à hausser »746;

- des impressions écran du site internet« i-Comparateur » datées du 13 mai 2014, saisies chez Whirlpool, listent les distributeurs proposant une référence de four et leurs prix de revente747.

367. La surveillance des prix pratiqués peut à l'occasion être le fait d'autres distributeurs. Ainsi, dans des échanges de courriels du 25 mai 2014, Abribat a dénoncé les pratiques tarifaires de plusieurs vendeurs, y compris Ubaldi et Villatech. Au sujet de ces enseignes, Abribat écrit : « [s ]oit elles ne respectent pas, en toute conscience, les consignes communiquées, dans ce cas pourquoi la marque n'intervient pas( ... )?». Elle demande que le nécessaire soit fait « afin d'avoir une parfaite équité de traitement et de permettre à notre entreprise de pouvoir jouir de son droit de concurrence loyale »748.

Les actions en cas de non-respect des prix recommandés

368. Compte tenu de la surveillance régulière que Whirlpool exerçait sur le prix de vente de ses produits sur Internet, il a été constaté que ce fabricant transmettait aux distributeurs des consignes aux fins de remonter les prix s'il les jugeait trop bas. En attestent notamment les documents suivants :

- un courriel adressé au distributeur Maismoinscher le 6 mai 2009 lui demande : « vous est-il possible de sortir les stocks (... ) ? » pour certaines références. Le distributeur lui a répondu : «je viens de remonter mon stock pour la [plupart] des produits »749;

- un courriel du 5 octobre 2010 récapitule certains points abordés lors d'une réunion de responsables comptes clés, et indique que sont actées certaines demandes de « repositionnement » pour certaines références auprès de Boulanger, Darty, et un suivi des prix chez But et Conforama750 ;

- des notes manuscrites prises lors d'un échange avec Conforama le 21 décembre 2010 indiquent une discussion sur les prix de revente de certaines références au regard d'une montée en gamme décidée par Whirlpool pour 2011751 ;

- des notes manuscrites prises lors d'une réunion avec Darty le 17 janvier 2011 attestent de ce que Whirlpool a mis la pression sur ses distributeurs pour maintenir les prix de revente à certains niveaux, et de ce que Darty lui donnait satisfaction à cet égard752 ;

- des notes manuscrites prises lors d'une réunion avec Boulanger le même jour montrent que des discussions se sont tenues au sujet d'une référence pour laquelle le prix de revente effectif était de 20 euros moins cher que le prix de référence753 ;

- un courriel interne du 28 février 2013 démontre, au sujet d'une référence de lave-linge chez Darty, une pression au respect du prix conseillé de la part de Whirlpool («Bien valider avec lui qu'il ne descendra pas @399 euros (... ) »), mais également de la part de Darty à l'égard des autres distributeurs (« Aussi dans la discussion, il me dit clairement qu'il arrêterait de nous jouer [c'est-à-dire de distribuer cette référence] si il voit des [opérations commerciales] @399 [pour des produits comparables Whirlpool] »)754;

- le 9 octobre 2013, Whirlpool a communiqué au distributeur AMS un tableau montrant des prix de références en précisant: « ci-dessous produits GRG [Green Generation] à modifier merci »755. S'agissant de cette pièce, le distributeur AMS a déclaré que Whirlpool « nous demande dans ce message de remonter les prix des produits au niveau du prix de vente imposé indiqué dans le tableau sous le libellé "stocks" »756 ;

- le 11 octobre 2013, Whirlpool a indiqué à AMS : « [c]omme discuté merci de voir pour le lave-vaisselle ADP6342ix. PP! de 480€ Merci par avance »757.

369. Certains documents attestent de manière générale du pouvoir de contrainte exercé par le fournisseur sur les éventuels distributeurs déviants :

- des courriels adressés à AMS en avril et mai 2009 annoncent des « soucis d'approvisionnement» pour certaines références et invitent le distributeur à ne pas mettre en avant ces références 758. À propos de ces courriels, AMS a déclaré : « il s'agit d'un chantage déguisé au respect des prix imposés par le fabricant, sous peine de se voir arrêter les approvisionnements pour ces références »759. AMS interprète de la même manière un courriel de février 2011 dans lequel Whirlpool l'avertit en lui donnant« la liste des produits pour lesquels les stocks seront tendus »760;

- le 22 novembre 2011, Whirlpool a indiqué à Selectis des volumes de production limités concernant certains congélateurs761.  S'agissant  de cette pièce, AMS a déclaré: « [Whirlpool] nous laisse entendre que si nous ne respectons pas le niveau de prix imposé, nous ne serons pas livrés. Â ce titre, nous avons créé un module, "EMU", pour les produits qui ne devaient être commercialisés qu'en magasin (i.e. Electromust uniquement) »762.

E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES

370. Le 21 février 2023, les services d'instruction ont notifié les griefs suivants :

1. GRIEF N° 1-ENTENTE HORIZONTALE D'ECHANGES D'INFORMATIONS SENSIBLES

« Il est fait grief aux sociétés :

- BABYLISS SARL, en tant qu'auteure, et BABYLISS HOLDING SAS, CONAIR

COÔPERATIEF UA., en tant que successeur de BABYLISS COÔPERATIEF UA. et CONAIR CORPORATION, en tant que sociétés mères, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- BSH ÉLECTROMÉNAGER SAS, en tant qu'auteure, et BSH FINANCE HOLDING GmbH ainsi que BSH HAUSGERÂ.TE GmbH, en tant que sociétés mères, du 1er mai 2009 au 19 avril 2013;

- HAIER FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et CANDY FRANCE SA et CANDY S.p.A., en tant que sociétés mères, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- ARE, en tant qu 'auteure et en tant que successeur d'EDEALPEM, elle-même auteure directe et GROUPE COGIA, en tant qu 'auteure directe et société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- DE LONGHI FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et DE LONGHI APPLIANCES SRL

et DE LONGHI S.p.A, en tant que sociétés mères, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- ELECTROLUX FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et AB ELECTROLUX, en tant que société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

le GIFAM, en tant qu'auteure, du 1er mai 2009 au 14 février 2014 ;

- LAURASTAR FRANCE SRL, en tant qu'auteure, et LAURASTAR GROUP SA, en tant que société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- LG ELECTRONICS FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et LGE EUROPEAN HOLDING et LGE Inc., en tant que sociétés mères, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- MAGIMIX SAS, en tant qu'auteure, et HAMEUR SA, en tant que société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- MIELE SAS, en tant qu'auteure, et IMANTO AG et MIELE BETEILIGUNGS GmbH, en tant que sociétés-mères, du 1er mai 2009 au 14 février 2014 ;

- PHILIPS FRANCE COMMERCIAL en tant que successeur de PHILIPS FRANCE, auteure, et KONINKLIJKE PHILIPS en tant que société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- GROUPE SEE FRANCE, en tant qu'auteure, et SEE SA, en tant que société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

- RRH FRANCE en tant que successeur de VARTA CONSUMER FRANCE, auteure, du 1er mai 2009 au 14 février 2014 et VARTA CONSUMER EUROPE HOLDING GmbH, en tant que successeur de RAYOVAC EUROPE GmbH, société mère, du 30 mars 2012 au 14 février 2014;

- KJTCHENAID EUROPA Inc. en tant qu'auteure, et WHIRLPOOL CORPORATION, en tant que société mère, du 1er mai 2009 au 14 février 2014;

de s'être échangés, par l'intermédiaire du module "échanges par marques" du portail "GIFAM Instantané" mis à disposition par le syndicat professionnel du secteur, des données individualisées et récentes sur leurs volumes de ventes par catégorie de produits de petit électroménager qu'ils commercialisaient.

En limitant leur incertitude sur le marché par l'accroissement de la transparence sur le marché des produits de petit électroménager, ces échanges d'informations sensibles ont eu pour effet de permettre aux participants d'adapter leur stratégie commerciale, dans un contexte où l'accroissement de la transparence a également été asymétrique, notamment vis-à-vis des entreprises ne faisant pas partie des échanges.

Cette pratique d'échanges d'informations, en ce qu'elle a eu pour effet de restreindre la concurrence sur le marché, constitue une entente anticoncurrentielle prohibée en application des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE ».

2. GRIEF N° 2 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE BSH ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société ESH ÉLECTROMÉNAGER SAS, en tant qu'auteure, et ESH FINANCE HOLDING GmbH ainsi que ESH HAUSGERÂ.TE GmbH, en tant que sociétés mères, d'avoir pris part, du 16 avril 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

3. GRIEF N° 3 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE CANDY HOOVER ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société HAIER FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et CANDY FRANCE SA et CANDY S.p.A., en tant que sociétés mères, d'avoir pris part, du 1er mars 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

4. GRIEF N° 4 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE EBERHARDT ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société EBERHARDT SAS, en tant qu'auteure, et FINEB, en tant que société mère, d'avoir pris part, du 6 juillet 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu 'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ».

5. GRIEF N° 5 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE ELECTROLUX ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société ELECTROLUX FRANCE, en tant qu'auteure et successeur d'ELECTROLUX HOME PRODUCTS FRANCE SAS, auteure, et AB ELECTROLUX, en tant que société mère, d'avoir pris part, du 3 juillet 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché.»

6. GRIEF N° 6 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE INDESIT (GROUPE WHIRLPOOL) ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société WHIRLPOOL FRANCE SAS, en tant que successeur d 'INDESIT COMPANY FRANCE SAS, auteure, et WHIRLPOOL EMEA S.p.A., en tant que société mère, d'avoir pris part, du 2 mars 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

7. GRIEF N° 7- ENTENTE VERTICALE SUR LE PRIX ENTRE LG ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société LG ELECTRONICS FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et LGE EUROPEAN HOLDING et LGE Inc., en tant que sociétés mères, d'avoir pris part, du 18 septembre 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

8. GRIEF N° 8 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE MIELE ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société MIELE SAS, en tant qu'auteure, et IMANTO AG et MIELE BETEILIGUNGS-GmbH, en tant que sociétés mères, d'avoir pris part, du 17 mars 2009 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

9. GRIEF N° 9 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE SEB ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société GROUPE SEE FRANCE et GROUPE SEE RETAILING, en tant qu'auteures, et SEE SA, en tant que société mère, d'avoir pris part, du 12 novembre 2008 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la.fixation des prix par le libre jeu du marché».

10. GRIEF N° 10 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE SMEG ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société SMEG FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et SMEG S.p.A, en tant que société mère, d'avoir pris part, du 22 février 2007 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

11. GRIEF N° 11 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE WHIRLPOOL ET SES DISTRIBUTEURS

« Il est fait grief à la société WHIRLPOOL FRANCE SAS, en tant qu'auteure, et WHIRLPOOL LUXEMBOURG, WHIRLPOOL INTERNATIONAL MANUFACTURING et WHIRLPOOL  CORPORATION,  en tant que sociétés mères, d'avoir pris part, du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

12.  GRIEF N°12 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE BOULANGER ET SES FABRICANTS ET FOURNISSEURS DE PRODUITS ELECTROMENAGERS

« Il est fait grief à la société BOULANGER SA, en tant qu'auteure, et UNITED.B SA, en tant que société mère, d'avoir pris part, du 3 juillet 2008 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses fabricants et fournisseurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager pour fixer, directement ou indirectement, les prix de revente de leurs produits aux clients finaux en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché».

13. GRIEF N° 13 - ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX ENTRE DARTY ET SES FABRICANTS ET FOURNISSEURS DE PRODUITS ELECTROMENAGERS

« Il est fait grief aux sociétés ÉTABLISSEMENTS DARTY ET FILS, en tant qu'auteur, DARTY GRAND EST et DARTY GRAND OUEST, en tant que sociétés dont l'activité économique a présenté, au cours de l'infraction, un lien concret avec l'objet de cette dernière, d'une part, et en leur qualité de successeur de DARTY PROVENCE MÉDITERRANÉE, DARTY ALSACE LORRAINE et DARTY NORD dont l'activité économique a présenté, au cours de l'infraction, un lien concret avec l'objet de cette dernière, d'autre part, et KESA FRANCE SA et DARTY Ltd., en tant que sociétés mères, d'avoir pris part, du 12 novembre 2008 au 31 décembre 2014, à une entente généralisée avec ses fabricants et fournisseurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager pour fixer, directement ou indirectement, les prix de revente de leurs produits aux clients finaux en violation des articles 101 paragraphe 1 TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets, en ce qu'elle a fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché ».

II. Discussion

A. SURLAPROCEDURE

1. EN CE QUI CONCERNE LA PRESCRIPTION

371. Aux termes du II de l'article L. 462-7 du code de commerce, dans sa version en vigueur:

« La prescription est acquise lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci. Ce délai est suspendu jusqu'à la notification à l'Autorité de la concurrence d'une décision juridictionnelle irrévocable lorsque :

1° L'ordonnance délivrée en application de l'article L. 450-4 fait l'objet d'un appel ou lorsque le déroulement des opérations mentionnées au même article fait l'objet d'un recours, à compter du dépôt de cet appel ou de ce recours».

372. La  prescription  décennale  a  été  introduite  par  l'ordonnance  n° 2008-1161  du 13 novembre 2008763. C'est la loin° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (ci-après« loi Lurel »)764 qui a prévu la suspension de ce délai de prescription en cas de recours contre les OVS, selon les termes du 1° mentionné supra.

373. En l'espèce, la fin des pratiques pour le grief n° 1 a été fixée par la notification de griefs à la date à laquelle le GIFAM a annoncé à ses adhérents mettre fin à l'échange par marque, c'est-à-dire le 14 février 2014765.

374. La fin des pratiques pour les griefs n° 2 à 13 a été fixée, dans la notification de griefs, au 31 décembre 2014, qui correspond à la date de fin de validité des plans de ventes adressés aux principaux distributeurs par les fournisseurs concernés par les pratiques visées.

375. Plusieurs entreprises mises en cause soutiennent que les pratiques qui leur sont reprochées sont prescrites.

376. Il en va ainsi de sociétés qui ne sont visées que par le grief n°1, qui n'ont pas fait l'objet d'OVS766, et qui soutiennent ainsi que la prescription est acquise depuis le 14 février 2024, soit dix années après la date de fin des pratiques reconnue pour ce grief, dès lors qu'aucune cause de suspension du délai de prescription visée, à l'article L. 462-7 précité du code de commerce, ne peut, d'après elles, leur être opposée.

377. De même, Boulanger, qui conteste la date de fin des pratiques retenue dans la notification de griefs en prétendant qu'elle doit être établie au 17 octobre 2013, et qui n'a pas fait l'objet d'OVS, se prévaut également de ce que les pratiques qui lui sont imputées dans le cadre du grief n° 12 sont prescrites767.

378. Le groupe SEB, enfin, avance que les OVS qu'il a contestées n'avaient pas de rapport avec le grief n° 1 et que les pièces saisies n'ont pas été utilisées pour établir le grief n° 1. Il demande par conséquent que soit constatée la prescription à son égard pour ce grief768.

379. Dans la présente affaire, une grande partie des entreprises visées par la notification de griefs, aussi bien au titre du grief n°1 relatif à l'échange d'informations que des griefs d'entente verticale sur les prix, ont introduit des recours contre les OVS de nature à suspendre le cours de la prescription décennale conformément aux dispositions précitées de l'article L. 462-7 du code de commerce. Le tableau ci-dessous liste les entreprises visées par la notification de griefs, les griefs concernés, les dates de dépôt des recours contre les OVS et de fin du contentieux contre les OVS.

tableau4.PNG

380. Le GIFAM (grief n° 1), Eberhardt (grief n° 4) et Indesit (grief n° 6) ont fait l'objet d'OVS mais n'ont pas intenté de recours contre ces opérations. Les autres entreprises visées par le grief n° 1 (BaByliss, Cogia, De Longhi, Laurastar, Magimix, Philips et Varta (y compris RRH)) ou l'un des griefs d'entente verticale sur les prix (Boulanger, grief n° 12) n'ont pas fait l'objet d'OVS.

381. L'ensemble des recours contre les OVS ont été introduits après l'entrée en vigueur de la loi Lurel.

382. Plusieurs parties770 soutiennent que l'introduction d'un recours contre les OVS diligentées par l'Autorité n'aurait qu'un effet relatif (inter partes) auquel cas la suspension de la prescription pendant toute la durée de la procédure ne vaudrait qu'à l'égard de la (ou les) entreprise(s) requérantes(s), et non un effet erga omnes, auquel cas la suspension de la prescription pendant la procédure vaudrait à l'égard de toutes les entreprises ayant participé à l'infraction reprochée, qu'elles aient ou non formé un recours. Ces parties invoquent à ce sujet tant le droit interne (a) que le droit de l'Union (b).

a) En ce qui concerne le droit interne

383. Le Ide l'article L. 462-7 du code de commerce prévoit que« l'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction» et énumère un certain nombre d'actes interruptifs de cette prescription de cinq ans. Le II du même article édicte un délai butoir de dix ans qui vient limiter les effets dans le temps des interruptions susceptibles d'intervenir. Ce délai butoir a été introduit, comme mentionné supra, sans prévoir de cause de suspension. L'Autorité a alors été confrontée à de grandes difficultés pour pouvoir instruire et juger les pratiques identifiées au cours d'OVS, presque toujours suivies de recours, très chronophages.

384. C'est à cette difficulté qu'est venue répondre la loi Lurel en 2012, ainsi qu'il ressort très clairement des travaux parlementaires qui démontrent que la volonté du législateur était bien de conférer effet suspensif erga omnes aux recours contre les opérations d'OVS. Selon ceux-ci, la modification introduite par la loi Lurel « vise à permettre une  suspension des délais de la procédure en cours devant l'Autorité de la concurrence, en cas de recours devant le juge judiciaire. Il s'agit ainsi de permettre à l'Autorité de ne pas subir de manœuvres dilatoires susceptibles de faire échouer les enquêtes et investigations menées précédemment »771. En effet, « si ce principe doit être préservé car il favorise le traitement des affaires de concurrence dans un délai raisonnable et garantit l'exercice effectif des droits de la défense, il convient également de prévoir certaines causes de dérogation afin que certains événements ne conduisent pas à ce que le délai s'écoule et ne prive ainsi l'Autorité de toute capacité d'action »772. C'est donc la « procédure » dans son ensemble qui est visée par le législateur et non les « parties à la procédure ». Il s'en infère un effet erga omnes des causes de suspension de la prescription. De plus, l'objectif de ces dérogations tel qu'il ressort des travaux parlementaires est bien de permettre à l'Autorité de « poursuivre et de sanctionner efficacement les infractions aux règles de concurrence».

385. Les parties mises en cause prétendent que les débats parlementaires font référence à la nécessité d'aligner le régime national de la suspension du délai de dix ans sur celui prévu pour la Commission européenne à l'article 25 du règlement 1/2003. Mais cet alignement textuel ne concerne que l'introduction, en droit interne, des causes de suspension comparables à celles prévues dans le règlement 1/2003, à savoir en particulier l'exercice des voies de recours contre les OVS773, l'absence de telles dispositions étant susceptible de menacer l'effet utile du droit de l'Union. L'article 25 du règlement, comme l'article L. 462-7 du code de commerce, ne contient aucune disposition sur l'effet inter partes ou erga omnes de ces causes de suspension.

386. Les sociétés mises en cause se prévalent, par ailleurs, de différentes règles de droit civil qui viendraient au soutien d'un effet inter partes des causes de suspension de la prescription décennale prévue par l'article L. 462-7 du code de commerce.

387. En premier lieu, elles rappellent que les délais de forclusion ne suivent pas les mêmes règles que les délais de prescription, dès lors qu'au sein du titre XX du code civil relatif à la prescription extinctive, composé des articles 2219 à 2254, l'article 2220 dispose que« les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par le présent titre». Elles ajoutent que par un arrêt du 18 février 2014774 la Cour de cassation a qualifié le délai de prescription de dix ans de « nouveau délai préfix », ce qui ferait de ce délai un délai de forclusion.

388. Mais si l'article 2220 du code civil indique que les règles applicables à la prescription ne trouvent pas à s'appliquer à la forclusion, le code civil, comme les parties le soulèvent elles-mêmes, ne définit pas les spécificités de la forclusion ou du délai préfix, et en tout état de cause ne donne pas de précisions sur la portée d'une cause de suspension de ce délai lorsqu'elle est prévue par la loi.

389. En second lieu, elles se prévalent de jurisprudences qui accordent un effet relatif inter partes à la suspension de la prescription prévue par une disposition législative du code civil. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la suspension de la prescription quinquennale 775 en raison d'une assignation en référé, qui est une cause de suspension prévue par l'article 2239 du code civil776, ne peut profiter qu'à la partie ayant introduit une telle demande777.

390. Selon les mises en cause, ces principes sont transposables au régime de prescription décennale prévu par l'article L. 462-7 du code de commerce, au motif que les procédures de droit de la concurrence sont régies par les règles et principes contenus dans le code de procédure civile, sauf disposition contraire expresse778.

391. Toutefois, même s'il a déjà été jugé que « sauf disposition expresse contraire du code de commerce, les règles du code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence »779, la procédure qui s'applique devant l'Autorité, autorité de sanction, est fortement imprégnée des principes du droit pénal et de la procédure pénale, par exemple, le principe de liberté des preuves, la preuve par faisceau d'indices. C'est ainsi que l'article L. 462-7 du code de commerce qui régit les règles d'interruption et de suspension de la prescription (respectivement de cinq et dix ans) devant l'Autorité a été interprété, s'agissant des effets attachés à l'interruption de la prescription, selon les principes du droit pénal.

392. Comme l'a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juillet 2005 rendu dans l'affaire Royal Canin780, « [u ]n acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis pendant une période visée par la saisine, interrompt la prescription à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité». Ainsi, les causes d'interruption de la prescription quinquennale, prévue à l'article L. 462-7 du code de commerce, ont bien un effet interruptif à l'égard de l'ensemble des parties en cause (effet erga omnes).

393. Le raisonnement suivi en l'espèce est celui qui prévaut en matière de prescription de l'action publique en droit pénal. En effet, l'interruption de l'action publique a un effet absolu qui se produit à l'égard de tous les auteurs, coauteurs et complices de l'infraction connus ou inconnus, quand bien même les poursuites n'auraient été dirigées que contre un seul d'entre eux ou contre X781.

394. En matière pénale, la règle relative à l'effet de l'interruption de la prescription figure à l'article 9-2 du code de procédure pénale, aux termes duquel« [t]out acte,jugement ou arrêt mentionné aux 1° à 4° fait courir un délai de prescription d'une durée égale au délai initial./Le présent article est applicable aux infractions connexes ainsi qu'aux auteurs ou complices non visés par l'un de ces mêmes acte,jugement ou arrêt».

395. Ainsi, l'effet de l'interruption de la prescription quinquennale prévue par le I de l'article L. 462-7 du code de commerce suit les mêmes règles que celles applicables à la prescription de l'action publique en matière pénale.

396. Or, la structure elle-même de l'article L. 462-7 du code de commerce permet d'appliquer les mêmes règles aux deux délais de prescription qu'il prévoit. En effet, cet article distingue une prescription quinquennale, susceptible d'être interrompue par des actes d'enquête non énumérés par la loi et une prescription décennale, plafond qui borne dans le temps les effets de ces interruptions, cette prescription pouvant seulement être suspendue dans les cas limitativement énumérés par la loi782.

397. Cette unicité de régime démontre que la prescription décennale prévue au II de cet article a le même effet que la prescription quinquennale prévue au I. Ce sont  les pratiques anticoncurrentielles qui sont prescrites dans les deux cas, et non l'action à l'égard d'une entreprise ou d'une autre. L'Autorité ne peut plus en être saisie dès lors que les pratiques anticoncurrentielles en cause sont prescrites. Le collège, se prononçant après l'expiration du délai décennal, ne peut que constater la prescription des pratiques, quand bien même il aurait été saisi avant l'expiration du délai de dix ans. Il n'est plus possible de poursuivre les auteurs de l'infraction et l'action publique est éteinte.

398. L'action répressive de l'Autorité est donc enserrée dans ce double délai de prescription, le premier de cinq ans pouvant être suspendu par des actes interruptifs d'enquête, le second de dix ans ne pouvant l'être que par détermination de la loi. Le fait de considérer, comme le font les parties mises en cause, que le second délai devrait revêtir la nature d'une sanction civile opposée à l'action de l'Autorité, dont l'effet ne pourrait être que relatif (c'est-à-dire inter partes), conformément aux règles applicables à l'effet interruptif ou suspensif des prescriptions en matière civile, apparaît donc introduire un double régime de prescription, doté de règles distinctes, difficilement compréhensible.

399. Rien ne justifie d'opérer, au sein de l'article L. 462-7, une distinction entre les deux degrés de prescription des pratiques anticoncurrentielles, l'une qui relèverait d'une logique pénale, répressive, et l'autre qui relèverait uniquement d'une logique civile, alors que ces deux prescriptions régissent la même procédure à finalité répressive, menée dans un but de maintien de l'ordre public économique.

400. Enfin, les mises en cause font référence au principe « [c ]ontra non valentem agere non currit praescriptio », adage latin se traduisant par « [c ]antre celui qui ne peut valablement agir, la prescription ne court pas». Il s'agit d'une règle de suspension du cours de la prescription, désormais consacrée par les articles 2234 du code civil et 9-3 du code de procédure pénale.

401. Aux termes del 'article 2234 du code civil : « [l]a prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.» Et aux termes de l'article 9-3 du code de procédure pénale : « [t]out obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription. »

402. Selon les parties, la portée des causes de suspension de la prescription décennale doit être appréciée au regard du principe« contra non valentem ».Rienne s'opposerait ainsi à ce que l'Autorité se prononce à l'égard d'une partie, même en présence d'un recours contre une OVS introduite par une autre partie, notamment au regard de la faculté de disjoindre une partie d'une affaire sur le fondement de l'article R. 463-3 du code de commerce783.

403. Mais, d'une part, les articles 2234 du code civil et 9-3 du code de procédure pénale traitent des obstacles à l'action et de leur conséquence sur la prescription. En vertu de ces règles, la prescription est suspendue lorsque les personnes qui souhaitent agir ne le peuvent pas pour une raison insurmontable, de fait ou de droit. Il s'agit donc de causes de suspension spéciales qui ne donnent aucune indication sur la portée d'une autre cause de suspension d'un délai de forclusion introduit par la loi. La lecture de la portée du II de l'article L. 462-7 du code de commerce au regard des articles 2234 du code civil et 9-3 du code de procédure pénale, et du principe qui les sous-tend, apparaît donc contestable.

404. D'autre part, il n'est pas de bonne administration de la justice, contrairement à ce que soutiennent les parties, de disjoindre le jugement d'une entreprise mise en cause qui n'a pas exercé de recours, alors que le recours d'une autre partie est toujours pendant, concernant des OVS dont le résultat a permis de mettre en cause ces entreprises. Cela est particulièrement vrai pour les pratiques multilatérales comme les pratiques d'ententes, que celles-ci soient horizontales ou verticales. Dans ce genre d'affaires, la possibilité de disjoindre invoquée par les mises en cause pourrait rapidement conduire l'Autorité à connaître des mêmes faits dans plusieurs affaires, en fonction des stratégies procédurales choisies par les différentes parties mises en cause. Ainsi, dans la présente décision, les pièces permettant la mise en cause de Boulanger, par exemple, proviennent des OVS réalisées chez les fournisseurs de produits de petit et gros électroménager, et le grief qui lui a été adressé concerne une entente avec ces fournisseurs, entente qui est par ailleurs reprochée à chacun des principaux fournisseurs dans d'autres griefs. Il n'aurait pas été de bonne administration de disjoindre la pratique d'entente pour ce qui concerne Boulanger de la pratique d'entente reprochée aux fabricants, pour la seule raison que ces derniers ont choisi de contester les OVS conduites dans leurs locaux.

b) En ce qui concerne le droit de l'Union

405. Les mises en causes invoquent les arrêts ArcelorMittal, dans lesquels le Tribunal de l'Union européenne (ci-après le « Tribunal »)784, puis la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la « Cour de justice »)785, ont retenu, dans le cadre des faits de l'espèce, l'effet inter partes de la suspension de délai préfix prévue à l'article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003786.

406. Toutefois, cette jurisprudence concerne la suspension de la prescription applicable à la Commission européenne (ci-après la« Commission») en vertu du règlement 1/2003, et non les règles de prescription prévues par le code de commerce. L'article 25 du règlement 1/2003 est d'ailleurs très explicite, en son paragraphe 1, en ce que les règles de prescription qu'il édicte concernent« [l]e pouvoir conféré à la Commission en vertu des articles 23 et 24 »787. Les arrêts Arcelor Mittal concernent tout aussi explicitement les règles qui s'imposent à la Commission, sans qu'il soit possible d'en déduire qu'elles s'imposent aussi aux autorités nationales.

407. Il convient de rappeler qu'en vertu du principe d'autonomie procédurale, les États membres organisent, conformément à leur droit national, les règles de procédure destinées à la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union, la limite résidant dans le respect des principes d'effectivité du droit de l'Union et d'équivalence.

408. À cet égard, l'arrêt Whiteland rendu sur question préjudicielle par la Cour de justice le 21 janvier 2021788, applique ce principe d'autonomie procédurale aux règles de prescription des autorités nationales de concurrence.

409. Dans cet arrêt, la Cour énonce que l'article 25 paragraphe 3 du règlement 1/2003 « ne prévoit pas de règles de prescription relatives aux pouvoirs des autorités nationales de concurrence en matière d'imposition de sanction »789. L'arrêt poursuit en précisant« [qu']il appartient aux États membres d'établir et d'appliquer les règles nationales de prescription en matière d'imposition de sanctions par les autorités nationales de concurrence, y compris les modalités de suspension et/ou d'interruption »790.

410. Elle précise également l'office du juge national saisi d'un régime de prescription prévue par le droit interne :

« Il incombe à la juridiction nationale, à la lumière du principe d'effectivité, de vérifier si l'interprétation du régime national de prescription en cause (... ) présente, compte tenu de l'ensemble des éléments du régime national de prescription en cause au principal, un risque systémique d'impunité des faits constitutifs de telles infractions, (... ). »791

411. Dans la présente affaire, pour les raisons exposées supra, conférer un effet erga omnes aux causes de suspension de la prescription décennale ne peut pas être considéré comme comportant un risque systémique d'impunité pour des faits constitutifs des infractions à l'article 101 du TFUE.

412. Par ailleurs, les différences entre, d'une part, la procédure menée par l'Autorité et, d'autre part, la procédure menée par la Commission européenne, justifient de s'écarter de la jurisprudence Arcelor Mittal. En effet, contrairement à la procédure prévalant devant la Commission, la procédure menée par l'Autorité est contrainte par une séparation fonctionnelle entre instruction et organe de jugement. Il en résulte que, contrairement à la Commission, le collège de l'Autorité n'a pas la maîtrise du déroulement de l'instruction et doit se prononcer sur le cas tel qu'il lui est soumis par les services d'instruction, lesquels agissent en totale autonomie. Le collège de l'Autorité n'est ainsi saisi de l'affaire qu'une fois l'instruction du dossier terminée.

413. Il résulte donc de l'examen du droit de l'Union que la juridiction nationale n'est pas tenue par l'interprétation faite par la Cour de justice de l'effet inter partes des causes de suspension de la prescription décennale applicable à la Commission, en vertu de l'article 25 du règlement 1/2003.

c) Conclusion sur la portée des causes de suspension de la prescription décennale

414. Il résulte de ce qui précède que les causes de suspension de la prescription décennale prévues par l'article L. 462-7 du code de commerce suspendent la prescription vis-à-vis de toutes les parties en cause, et non seulement vis-à-vis de celles qui, comme en l'espèce, ont introduit un recours à l'encontre des OVS. En effet, la solution retenue par la Cour de justice dans son arrêt Arcelor Mittal ne lie pas l'Autorité de la concurrence et les juridictions nationales en vertu du principe d'autonomie procédurale, et rien ne s'oppose à ce qu'une autorité nationale retienne un régime de suspension plus restrictif, dans le respect du principe d'effectivité du droit de l'Union. En droit interne, les causes d'interruption de la prescription quinquennale ont un effet erga omnes, reprenant en cela les principes applicables à la poursuite de l'action pénale, et aucune justification tirée du droit civil ne permet de donner un effet différent aux causes de suspension de la prescription décennale.

415. Une interprétation contraire serait en outre incohérente au regard de la pratique de l'Autorité et de la jurisprudence Royal Canin précédemment rappelée. Si l'Autorité est saisie in rem et que ce principe est reconnu comme conférant un effet erga omnes aux causes d'interruption de la prescription, alors il n'y a pas de raison de considérer qu'à l'inverse, il devrait en être autrement des causes de suspension de la prescription, ces deux causes ayant pour point commun de lever un obstacle à la poursuite et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles.

416. Elle serait enfin inéquitable. En effet, dans le cas où plusieurs entreprises ont participé à la réalisation d'une pratique anticoncurrentielle, donner un effet inter partes aux recours aboutirait à ce que seules celles qui ont formé un recours contre une OVS soient en définitive sanctionnées par l'Autorité, tandis que les entreprises qui se seraient abstenues de contester l'opération et auraient, malgré une participation équivalente et concomitante à celles des autres, bénéficié de la prescription décennale, échapperaient à toute sanction.

417. Contrairement à ce que soutient Boulanger, donner un effet erga omnes aux causes de suspension de la prescription décennale ne porte nullement atteinte au droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après « CESDH »). Si Boulanger fait valoir qu'une entreprise n'aurait pas de raison de conserver les éléments de preuve, tels que les archives, qui lui permettraient de se défendre et serait ainsi privée de la possibilité de se défendre, il a été jugé qu'il appartenait aux entreprises de conserver les archives utiles tant que la prescription n'était pas acquise792. En l'espèce, en tout état de cause, la notification de griefs a été adressée avant l'expiration de la prescription décennale et il n'y a pas d'atteinte au droit à un procès équitable.

418. Par suite, il convient de considérer que la suspension de la prescription décennale prévue au II de l'article L. 462-7 du code de commerce résultant de recours formés contre des OVS par certaines entreprises agit à l'égard de l'ensemble des parties auteures des pratiques.

2. EN CE QUI CONCERNE LA DUREE DE LA PROCEDURE

419. BaByliss, Boulanger, Cogia, Laurastar, Magimix et Philips soutiennent que la procédure, par sa durée, aurait porté une atteinte irrémédiable, effective et concrète à leurs droits de la défense.

a) Principes applicables

420. Selon une jurisprudence européenne793 et nationale794 constante, le caractère raisonnable de la durée de la procédure d'instruction s'apprécie in concreto, « notamment au regard de l'ampleur et de la complexité de l'affaire, de son contexte et du comportement des parties au cours de la procédure »795, ainsi qu'en fonction « du comportement des autorités compétentes »796. Ainsi, la durée de la procédure doit être appréciée en fonction des particularités propres de l'affaire, et non par comparaison avec des affaires antérieures797.

421. Il résulte en outre d'une jurisprudence constante que la méconnaissance du délai raisonnable de la procédure au sens des exigences de l'article 6, paragraphe 1, de la CESDH est sans incidence sur la légalité des décisions del'Autorité, à moins qu'il n'ait été porté une atteinte personnelle, effective et irrémédiable aux droits de la défense de celui qui s'en prévaut, à qui il revient de le démontrer798.

b) Application au cas d'espèce

422. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, pour apprec1er si le principe du délai raisonnable a été respecté en l'espèce, il convient d'examiner, dans un premier temps, si la durée de la procédure peut être considérée comme excessive (i) compte tenu des circonstances de l'espèce, et, le cas échéant, dans un second temps, s'il est établi que la durée de la procédure a privé les entreprises poursuivies de la possibilité de se défendre utilement contre les griefs qui leur étaient reprochés (ii).

(i) S'agissant de la durée de la procédure

423. La longueur de la procédure s'explique en l'espèce par son ampleur et sa complexité.

424. Elle a débuté le 21 mai 2012, à la suite de la réception par les services d'instruction d'indices provenant de la DGCCRF, et qui concernaient plusieurs entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits électroménagers. Une première vague d'OVS a ainsi été menée dans les locaux de treize entreprises le 17 octobre 2013. L'Autorité a ensuite reçu une demande de clémence de la part de BSH le 3 décembre 2013, dénonçant cinq pratiques anticoncurrentielles potentielles. Une seconde vague d'OVS dans les locaux de deux entreprises et du GIFAM a eu lieu le 27 mai 2014. La demande de clémence a donné lieu, après établissement d'un rapport par les services d'instruction, à un avis conditionnel de clémence le 9 juillet 2015799. Le même jour, l'Autorité s'est saisie d'office des pratiques, marquant le début de l'instruction proprement dite du dossier enregistré sous le numéro 15/0065 F.

425. Le 16 août 2016, soit un an après la décision de saisine d'office, a été décidée la disjonction d'une partie de l'affaire, enregistrée sous le numéro 16/0071 F. Les services d'instruction ont alors procédé à 33 auditions et à 80 demandes d'informations. Le 5 décembre 2018, soit trois ans après la décision de saisine d'office, l'Autorité a rendu une première décision sanctionnant six entreprises pour deux griefs d'entente horizontale800.

426. L'instruction du dossier s'est poursuivie, d'une part, par l'exploitation des pièces saisies lors des deux OVS et, d'autre part, par des auditions de salariés et par l'envoi de 40 demandes d'informations. Le 21 février 2023, les services d'instruction ont notifié treize griefs à vingt entreprises impliquées dans les pratiques d'ententes horizontales et/ou verticales.

427. L'instruction menée a ainsi conduit à la mise en l'état d'un dossier de plus de 200 000 cotes au moment de la notification de griefs le 21 février 2023, et de plus de 250 000 cotes à la date de la présente décision.

428. Parallèlement, la légalité de l'ordonnance d'autorisation et le déroulement des OVS ont fait l'objet de plusieurs recours, ayant donné lieu à 24 ordonnances de la cour d'appel de Paris et 19 arrêts de la Cour de cassation801.

429. Par conséquent, compte tenu de la complexité de l'affaire, du nombre d'entreprises impliquées et surtout de l'ampleur de la procédure, que ce soit en nombre de griefs, ou en quantité de documents, la durée de la procédure n'est ni excessive ni anormale. À titre d'illustration, la cour d'appel de Paris a jugé, dans une affaire concernant deux entreprises, visées pour deux pratiques distinctes et comportant 30 000 cotes au dossier, que le délai de sept années écoulées entre la commission des pratiques et la notification de griefs, n'était pas déraisonnable802. Le nombre de cotes du présent dossier est huit fois plus élevé.

430. Par ailleurs, la complexité de ce dossier est caractérisée. En effet, la notification de griefs a porté d'une part, sur un grief relatif à une pratique horizontale d'échanges d'informations sensibles impliquant 14 entreprises et le syndicat professionnel du secteur et, d'autre part, sur 12 griefs portant sur des pratiques d'entente verticale sur les prix impliquant autant d'entreprises. Au total, 53 sociétés se sont vu notifier un ou plusieurs griefs. L'Autorité relève par ailleurs que les services d'instruction ont traité plus de 100 demandes de protection au titre du secret des affaires. S'agissant enfin plus particulièrement de la pratique d'échanges d'informations, l'Autorité a procédé à une reconstitution informatique de l'outil GIFAM Instantané et de son module Échange par marque, qui a permis d'engendrer les annexes n° 2 et n° 4 jointes à la notification de griefs, ainsi que l'annexe 4 du rapport.

431. Au regard de ces éléments, il convient d'écarter les arguments des parties selon lesquels la durée de la procédure serait excessive.

(ii) S'agissant de la possibilité de se défendre au regard de la longueur de la procédure

432. Certaines parties, comme BaByliss, Boulanger, Cogia, Laurastar, Magimix et Philips, font valoir qu'aucune instruction les concernant n'aurait été menée avant les demandes d'informations relatives à leurs chiffres d'affaires et valeurs des ventes, envoyées entre mai et juillet 2022. Cette absence d'actes d'instruction, ainsi que la durée de la procédure, auraient, selon elles, porté atteinte à leurs droits de la défense dès lors qu'elles n'auraient pas été en mesure de collecter en temps utile les éléments nécessaires.

433. Ces arguments doivent être rejetés. En effet, contrairement à ce que soutiennent les parties, les entreprises ne bénéficient pas d'un droit à être entendues par les services d'instruction avant la notification des griefs prévue par l'article L. 463-2 du code de commerce. Toute entreprise est régulièrement informée de l'accusation portée contre elle dès la notification de griefs, acte à compter duquel la procédure devient contradictoire803.

434. Comme la Cour de cassation l'a rappelé dans l'affaire Farines:

« [L]e rapporteur n'est pas tenu de procéder à des auditions s'ils 'estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d'être notifiés et que l'audition des personnes intéressées est une faculté laissée à son appréciation, eu égard au contenu du dossier, l'arrêt retient à bon droit que l'absence d'audition des dirigeants de certaines entreprises, au stade de l'enquête et de l'instruction, est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lorsqu'à compter de la notification des griefs et lors des différentes phases de la procédure, lesdites entreprises ont été mises en mesure de faire valoir leurs droits, conformément aux dispositions de l'article L. 463 2 du code de commerce »804.

435. En l'espèce, la circonstance que les services d'instruction n'aient procédé à aucun acte d'instruction spécifique envers certaines entreprises destinataires du grief n° 1 est sans conséquence sur l'appréciation de la régularité de la procédure, les services d'instruction pouvant décider en toute autonomie des actes d'instruction pertinents à réaliser, comme l'a rappelé la cour d'appel de Paris dans son arrêt Parfums du 26 janvier 2012 : « le fait que les rapporteurs successifs n'aient( ... ) procédé à aucun acte d'instruction complémentaire aux investigations menées par les services de la DGCCRF, ne saurait être davantage significatif puisqu'aucun texte ne fait obligation au rapporteur d'effectuer un acte d'instruction s'il estime que cela ne présente aucune utilité »805.

436. De plus, les entreprises ont été en mesure de faire valoir leurs droits à compter de la notification des griefs conformément aux dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que la durée de la procédure ait eu en elle-même une incidence sur la possibilité pour les entreprises de rassembler tous les éléments utiles à leur défense, et de les faire valoir devant les services chargés de l'instruction de l'affaire et la formation collégiale.

437. Si certaines parties invoquent le départ de certains de leurs salariés au cours de la procédure, elles ne démontrent pas en quoi de tels départs auraient compromis la collecte d'éléments utiles à leur défense. Or une partie ne peut se prévaloir d'une atteinte aux droits de sa défense du fait d'une durée excessive de la procédure lorsqu'elle « ne précise pas quels renseignements émanant de témoins des faits auraient pu être utiles à sa défense » ou ne peut préciser « les circonstances rendant impossible le témoignage des dirigeants ayant quitté l'entreprise »806.

438. Cogia, Laurastar, Philips et Boulanger soutiennent enfin qu'en raison de la durée excessive de la procédure elles n'ont pas conservé des archives qui auraient pu être utiles à leur défense. Boulanger invoque plus particulièrement la migration de son système de messagerie en mars 2015, laquelle lui aurait fait perdre la majeure partie de l'historique de ses courriels, ce alors que les messages de son prestataire chargé de l'audit et du recouvrement des factures sont détruits à l'expiration d'un délai de cinq ans.

439. Sur ce point, la cour d'appel de Paris a clairement affirmé « [qu']il résulte d'une jurisprudence constante qu'il incombe à tout opérateur économique, au titre de son devoir général de prudence et de vigilance, de veiller à la conservation de ses livres et archives comme de tous éléments permettant de retracer son activité, afin de disposer des preuves nécessaires pour pouvoir se défendre dans l'hypothèse d'actions judiciaires ou administratives »807. Il appartient également aux mises en cause de préciser« la nature et la portée des documents qui auraient été nécessaires à sa défense et que le délai écoulé entre les faits et la notification de griefs l'empêcherait de produire »808.

440. En l'espèce, les parties ne démontrent pas en quoi la durée de la procédure aurait porté atteinte à leurs droits de la défense. Pour ce qui est de Boulanger, l'Autorité relève que la migration évoquée du système de messagerie en mars 2015 est concomitante à la saisine d'office des pratiques par l'Autorité, le 9 juillet 2015. Dès lors, une instruction plus courte aurait été sans incidence pour l'exercice des droits de la défense de Boulanger. Par ailleurs, Boulanger n'explique pas pourquoi l'intégralité des messages n'a pas été conservée lors de cette migration. S'agissant de la conservation de factures par la société d'audit et de recouvrement, si Boulanger explique les raisons ayant conduit cette société à ne pas conserver certaines de ses factures, elle ne précise pas les raisons qui l'ont conduite à ne pas les conserver elle-même. Elle ne précise pas non plus en quoi de telles informations auraient été utiles, objectivement et concrètement, à sa défense. Il est à noter enfin que les circonstances invoquées par Boulanger ne l'ont pas empêchée de produire, au soutien de sa défense, plusieurs documents qui remontent, pour certains, à janvier 2007.

441. Les arguments relatifs à la durée de la procédure en conjonction avec l'exercice des droits de la défense doivent donc être rejetés.

3. EN CE QUI CONCERNE LA QUALIFICATION DU GRIEF N° 1

442. Magimix fait valoir dans ses observations que le grief n° 1, tel qu'il ressort de la notification de griefs, n'est pas suffisamment précis et présente des erreurs ainsi que des incohérences. Le caractère indéterminé du grief lui porterait ainsi préjudice et violerait ses droits de la défense809.

443. L'Autorité a récemment rappelé, dans sa décision n° 21-D-20, que, conformément à la pratique décisionnelle et la jurisprudence, la portée des griefs doit aussi être recherchée dans le corps de la notification de griefs :

« [I]l ressort d'une jurisprudence constante que la notification des griefs doit informer précisément les entreprises poursuivies des pratiques reprochées. Ainsi, la cour d'appel de Paris a déjà jugé que "le respect de ces principes fondamentaux de la procédure [respect du principe du contradictoire, des droits de la défense, du droit à un procès équitable] impose que les faits soient formulés de manière suffisamment précise et les pratiques incriminées étayées d'éléments de preuve suffisants pour que les parties puissent préparer utilement leur défense", et que le collège de l'Autorité est "habilité à vérifier que les entreprises en cause n '[o ]nt pu se méprendre sur les accusations portées contre elles et qu 'elles [o ]nt été en mesure de présenter utilement leur défense pour les marchés cités, cette vérification devant se faire au regard, non seulement de la formule finale d'accusation, mais aussi du corps même de la notification des griefs" »810.

444. En l'espèce, le grief adressé doit être lu à la lumière du corps de la notification de griefs, laquelle contient une description précise des faits reprochés, leur date, leur imputabilité et leur qualification.

445. Magimix a pu se référer à l'ensemble des éléments décrits dans le corps de la notification de griefs pour apprécier le contenu et la portée du grief qui lui a été adressé, et a pu présenter toutes les précisions qu'elle a jugées utiles sur ce point. L'argument de Magimix tiré de l'irrégularité de la procédure du fait de la prétendue imprécision du grief n°1 ne peut donc qu'être écarté.

446. BaByliss et Philips soutiennent de leur côté que la qualification du grief a évolué entre la notification de griefs et le rapport, ce qui les aurait privés de la possibilité de se défendre correctement.

447. Selon une pratique décisionnelle constante, l'analyse des services d'instruction peut varier entre la notification de griefs et le rapport : « il résulte toutefois du caractère contradictoire de la procédure que l'analyse faite dans le rapport peut évoluer par rapport à celle développée dans la notification de griefs »811. La cour d'appel de Paris considère de même que« le débat contradictoire quis'ouvre dès la notification de grief aux parties se poursuit tout au long de la procédure et autorise les services d'instruction à faire évoluer leur analyse pour répondre aux arguments des parties »812.

448. En l'espèce, le rapport vise les mêmes pratiques que celles décrites dans la notification de griefs et la qualification du grief n° 1 demeure inchangée. L'analyse a été complétée afin de répondre aux observations des parties et des éléments d'analyse ont été apportés, « à titre surabondant» sur les décisions d'association d'entreprises, sans que cet élément modifie le grief notifié. Par suite les arguments relatifs à la modification du grief au stade du rapport seront écartés.

4. SUR L'ACCES A CERTAINES PIECES DU DOSSIER ET LA LOYAUTE DE LA PREUVE

a) En ce qui concerne le grief n° 1

449. Des entreprises visées par le grief n° 1 (Cogia, Laurastar, Magimix et Philips) soutiennent que le dossier auquel elles ont eu accès était incomplet, ce qui les a privées de l'exercice utile de leurs droits de la défense. Elles visent à ce sujet la reconstitution que les services d'instruction ont faite de la fonctionnalité « échange par marque» du GIFAM.

450. À titre liminaire, il convient de rappeler que le GIFAM a supprimé cette fonctionnalité de son extranet GIFAM Instantané en février 2014, avant la réalisation des OVS. Les services chargés de l'instruction, dès lors que le module Échange par marque n'était plus actif, ont procédé à une reconstitution de ce module, afin de déterminer ce qui était accessible dans ce module avant février 2014.

451. Pour cette reconstitution, comme cela a été détaillé dans la section I.D.1.b, les services d'instruction ont utilisé des données saisies dans les locaux du GIFAM (en particulier le code du module et les paramètres d'accès ainsi que les données de vente transmises par les adhérents) ainsi que des données communiquées, sur le fondement de l'article L. 450-3 du code de commerce, par le prestataire de services en charge de 1'extranet, qui correspondaient à une sauvegarde des données du module effectuée le 27 août 2012 démontrant que le code n'avait pas évolué entre août 2012 et mai 2014.

452. Les paramètres d'accès de 2014 ne permettant plus, après la désactivation du module, l'accès aux données de ventes, la reconstitution effectuée par les services d'instruction a consisté à examiner les données de ventes de 2014 en utilisant les paramètres d'accès de 2012, après avoir recréé un environnement logiciel permettant de faire fonctionner le code du module.

453. La procédure de reconstitution du module a été détaillée à l'annexe n° 2 (Rapport de contrôle) de la notification de griefs, et les extractions des données à partir de ce module reconstitué ont été présentées en annexe 4 du même document. L'annexe 2 a été complétée, au cours de la procédure contradictoire, notamment par :

- diverses communications complémentaires, par exemple le 29 mars 2023 et le 2 mai 2023 en réponse à des demandes de Philips :

- l'organisation d'une visioconférence le 10 mai 2023 pour la société Philips ;

- l'organisation d'une réunion le 17 mai 2023 à laquelle ont participé des représentants de Philips, assistés notamment d'experts en informatique, et des représentants de Magimix, et d'une réunion tenue le même jour à laquelle ont participé des représentants de Laurastar.

454. Enfin, le rapport de contrôle transmis avec le rapport est accompagné d'une vidéo retraçant l'ensemble des étapes permettant de procéder à la reconstitution informatique, un rapport de contrôle décrivant ces mêmes étapes et, en annexe 4, les données individualisées par marque et par catégorie de produits extraites du module ainsi reconstitué.

455. Dans ce contexte, Cogia, Laurastar, Magimix et Philips invoquent une violation de leurs droits de la défense.

456. Cogia soutient que la reconstitution de l'interface« échanges par marque» réalisée par les services d'instruction porte atteinte à ses droits de la défense parce que la base de données saisie a dû faire l'objet d'un retraitement par un processus informatique complexe, ce qui oblige les parties mises en cause à faire intervenir un prestataire informatique. Laurastar explique qu'elle n'a pas pu reconstituer elle-même l'interface dans la mesure où cela requiert un environnement informatique spécifique et le suivi d'instructions complexes qui exige une expertise en la matière. Elle soutient que l'investissement demandé pour permettre cette reconstitution est contraire au droit d'accès au dossier, lequel obligerait les services d'instruction de mettre à disposition le site GIFAM Instantané et non seulement les éléments permettant de le reconstituer.

457. Magimix et Philips soutiennent qu'elles n'ont pas eu un accès complet au dossier, dans la mesure où il ne comporterait pas les éléments nécessaires pour reconstituer l'outil statistique selon la méthode suivie par les services d'instruction. Magimix insiste sur le fait que l'annexe 4 à la notification de griefs comporte des données pour mars et avril 2014, alors que le GIFAM a mis fin à l'interface « échange par marque» en février 2014, et qu'elle comporte des données concernant BSH pour la période mai 2013-avril 2014 alors même que BSH n'avait plus accès à ce module pendant cette période. Philips soulève quant à elle une violation du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, en ce que la reconstitution de l'interface « échange par marque» serait artificielle et opaque et qu'elle aurait dès lors conduit à un environnement informatique qui, en tant que tel, n'a jamais existé.

458. Ces arguments doivent être écartés.

459. En premier lieu, il n'apparaît pas que le dossier était incomplet. Les parties mises en cause ne contestent pas que les fichiers de l'extranet, aussi bien ceux saisis lors de l'OVS dans les locaux du GIFAM que ceux transmis par le prestataire de services, figuraient bien dans le dossier auquel les parties avaient accès dans les locaux de l'Autorité813. Ils ont de plus été transmis avec les autres documents du dossier par clé USB à chacune des parties avec la notification de griefs.

460. Par ailleurs, les logiciels utilisés pour permettre la reconstitution de l'interface sont libres et gratuits. Ils n'avaient à ce titre pas à être ajouté au dossier. Au cours de la procédure contradictoire, les services d'instruction ont, du reste, communiqué aux parties (en particulier à Philips le 2 mai 2023) l'intégralité des fichiers informatiques qu'ils avaient utilisés.

461. S'il est vrai que les parties n'ont pas eu accès immédiatement aux annexes du premier rapport de contrôle (annexe n° 2 de la notification de griefs), les services d'instruction ont corrigé cette erreur dès le 29 mars 2023 et ont accepté que le délai pour répondre courre à partir de cette date. Les parties ne sont donc pas fondées à soutenir une atteinte à leurs droits de la défense.

462. Enfin, les services d'instruction ont, tout au long de la procédure contradictoire, fourni les éléments complémentaires dont les sociétés mises en cause demandaient communication, en particulier quand celles-ci prétendaient rencontrer des difficultés lors de la reconstitution de l'interface du GIFAM. En particulier, ils ont organisé des réunions dans les locaux de l'Autorité avec les parties afin que celles-ci puissent examiner la reconstitution du module et vérifier la manière dont les données de l'annexe 4 ont été extraites. Ils ont présenté dans une vidéo toutes les étapes qui ont été utilisées pour reconstituer le module Échange par marque, étapes documentées dans les rapports de contrôle.

463. Dans ces conditions, et sans se prononcer sur la question de savoir si le droit d'accès au dossier pour les sociétés mises en cause leur donne le droit d'avoir accès à tous les éléments qui permettent de reconstituer le module en question, force est de constater que les parties ont, au cours de la procédure contradictoire, obtenu les informations dont elles avaient besoin pour se défendre.

464. En deuxième lieu, les parties ne sauraient utilement invoquer la complexité de la procédure de reconstitution du module Échange par marque. S'il a été nécessaire de recréer un environnement informatique susceptible de permettre au programme de 2014 de fonctionner, il ressort des différents rapports de contrôle que la procédure utilisée pour faire apparaître le module en lui-même était d'une complexité très relative. En particulier, la méthode utilisée, qui consistait à se servir des paramètres d'accès de 2012 pour observer les données de la base de données de 2014, apparaît très simple dans les circonstances de l'espèce.

465. Si certaines entreprises ont décidé de recruter des experts en informatique, elles l'ont fait sans y être obligées en suivant la stratégie de défense qu'elles ont choisie. Elles ne sauraient par conséquent soulever de ce fait une atteinte à leurs droits de la défense.

466. En troisième lieu, il apparaît que les parties ont pu, elles aussi, reconstituer le modèle « échange par marque», et qu'elles ont pu le faire à partir des éléments transmis par les services d'instruction lors de la procédure contradictoire. Ainsi, il ressort du rapport de l'expert mandaté par Philips qu'il a bien été capable d'atteindre le même résultat que les services d'instruction, et ce en utilisant uniquement les fichiers et informations transmis par eux814. Dans ces conditions, si certaines parties soutiennent qu'elles ont mandaté des experts informatiques qui n'ont pas été en mesure de parvenir au même résultat, cet argument n'est que de nature à remettre en cause soit les compétences de ces experts, soit leur bonne foi.

467. C'est également ce qu'a conclu le conseiller auditeur, saisi par Philips de moyens relatifs à l'impossibilité de reconstituer les résultats de l'annexe 4, dans sa décision du 12 juin 2023 :

« [L]es éléments de cette annexe 4, qui sont à l'appui d'un des griefs de la notification ont été extraits, figurent à l'annexe, ont été portés à la connaissance des parties et les opérations auxquelles les requérantes semblent vouloir se livrer ne sont que des vérifications de données communiquées et aucun élément de nature à porter atteinte au principe de la loyauté de la preuve du fait de l'utilisation de ces documents par les services d'instruction ne peut être évoqué.

[E]n conséquence, les droits de la défense ont été respectés, qu'il s'agisse du principe du contradictoire ou de la loyauté des débats.»815.

468. En quatrième, c'est en vain que Philips soutient que la reconstitution du module Échange par marque est artificielle et que les documents qui en découlent, comme l'annexe 4 à la notification de griefs et l'annexe 4 au rapport, sont des pièces fictives qui doivent être écartées.

469. La reconstitution n'a consisté qu'à créer les conditions nécessaires à l'exploitation de la base de données saisie dans les locaux du GIFAM. Elle a permis de voir ce qu'un utilisateur du module Échange par marque était susceptible de trouver dans ce module. Elle permet ainsi de mettre en évidence que le GIFAM a construit un module visant à permettre à certains de ses membres d'avoir accès à des données individuelles de volume de ventes.

470. Il ressort des éléments transmis par les services d'instruction que Philips, comme les autres parties mises en cause, a bien eu accès à l'intégralité des informations dont elle avait besoin pour interpréter la portée de la reconstitution effectuée et les documents qu'elle a engendrés. Ainsi, Philips n'est pas fondée à soutenir que les services d'instruction ont violé le principe de loyauté de la preuve.

471. En dernier lieu, le fait que des données relatives aux mois de mars et avril 2014 ou concernant BSH couvrant la période au-delà de laquelle elle a participé à l'échange par marque, s'explique très simplement par le fait que la reconstitution effectuée à partir d'une base de données saisie en mai 2014 dans les locaux du GIFAM et lue en utilisant les paramètres de connexion de 2012 font apparaître les informations telles qu'elles auraient été visibles en mai 2014 par les participants à l'échange si ce dernier avait encore été actif.

472. Il résulte de ce qui précède que les parties mises en cause ne sont pas fondées à soutenir qu'il a été porté atteinte à leurs droits de la défense en ce qu'elles n'ont eu qu'un accès restreint au dossier ou en ce que le principe de loyauté de la preuve a été violé.

b) En ce qui concerne le grief n° 12

473. Boulanger invoque une violation de ses droits de la défense en ce qu'elle aurait été victime de manœuvres déloyales de la part des services d'instruction, manœuvres qui étaient notamment, selon elle, susceptibles de lui faire perdre le bénéfice de la prescription décennale.

474. Boulanger reproche en particulier aux services d'instruction d'avoir déclassé, au stade du rapport, et après qu'elle a refusé de bénéficier de la procédure de transaction, 19 pièces (361 cotes) auxquelles elle n'avait pas eu accès précédemment, et qui concernaient le début de l'année 2014. Pour Boulanger, la décision de déclassement représente un détournement des dispositions de l'article R. 463-15 du code de commerce. En effet, si le motif avancé était la nécessaire préservation des droits de la défense de Boulanger, cette décision visait en réalité selon elle à apporter davantage d'éléments à charge contre elle.

475. De même, Boulanger dénonce un détournement des dispositions de l'article R. 463-13 du code de commerce en ce que les services d'instruction auraient, dans un courrier du 1er septembre 2023, réduit à cinq jours ouvrables le délai, habituellement d'un mois, pour introduire une demande de protection au titre du secret des affaires, cette réduction des délais ayant visé à l'empêcher de bénéficier de la prescription décennale.

476. Enfin, Boulanger reproche aux services d'instruction d'avoir dû solliciter communication de certaines pièces du dossier, notamment par leur déclassement.

477. Ces arguments doivent être écartés.

478. En premier lieu, pour ce qui est du déclassement de 19 pièces au stade du rapport, il convient de rappeler que le code de commerce concilie le droit pour les parties mises en cause à avoir accès au dossier avec le droit des parties à voir leurs secrets des affaires protégés. Ainsi, l'article L. 463-2 prévoit un accès au dossier« sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 », lequel prévoit une protection des informations susceptibles de relever du secret des affaires. Comme le rappelle la jurisprudence, « le droit des parties de prendre connaissance des pièces recueillies au cours de l'instruction n'est pas un droit absolu et illimité et doit être mis en balance avec le droit des entreprises à la protection du secret des affaires »816.

479. En l'espèce, les pièces déclassées visées par Boulanger étaient des pièces saisies chez Candy Hoover et Whirlpool et qui étaient classées après avoir fait l'objet d'une protection au titre du secret des affaires sur le fondement des articles L. 463-4 et R. 463-13 et suivants du code de commerce817.

480. Ces pièces ont été déclassées sur le fondement de l'article R. 463-15 du code de commerce au stade du rapport818. L'article R. 463-15 du code de commerce dispose :

« Lorsque le rapporteur considère qu'une ou plusieurs pièces dans leur version confidentielle sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense d'une ou plusieurs parties ou que celles-ci doivent en prendre connaissance pour les besoins du débat devant l'Autorité, il en informe (... ) la personne qui a fait la demande de protection du secret des affaires contenu dans ces pièces et lui fixe un délai pour présenter ses observations avant que le rapporteur général ne statue. La décision du rapporteur général est notifiée aux intéressés »819.

481. Ces dispositions permettent donc au rapporteur général de procéder au déclassement de pièces, y compris au stade du rapport, afin qu'une partie puisse y avoir accès et présenter tout élément utile en défense.

482. S'il s'agissait en l'espèce, non de nouvelles pièces, mais d'éléments du dossier précédemment placés en annexe confidentielle, il convient de souligner qu'en toute hypothèse rien ne s'oppose à ce que de nouvelles pièces soient produites après la notification des griefs. Cela ressort d'une pratique décisionnelle bien établie :

«L'Autorité a déjà a eu l'occasion de souligner que, si la phase contradictoire de la procédure prévue par l'article L. 463-1 du code de commerce commence avec l'envoi de la communication des griefs, ceci ne préjuge en rien de la possibilité pour les services d'instruction de verser de nouvelles pièces au dossier postérieurement à cet envoi. Â cet égard, "la notifi,cation des griefs, qui ouvre la phase contradictoire de la procédure, ne met pas fin à l'instruction et n'interdit pas la production de pièces nouvelles dans le respect des prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 [actuel article L. 463-1 du code commerce]" (décision n° 94-D-19 du Conseil du 15 mars 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement à Bordeaux, p. 11) »820.

483. La cour d'appel de Paris a également considéré que :

« [LJe versement au dossier, postérieurement à la notifi,cation des griefs, des nouvelles pièces (... ) n'a, au cas d'espèce, pas pu porter atteinte aux droits de la défense, dès lors que ces pièces n'incriminent aucune nouvelle pratique et ne viennent pas modifi,er le champ et la portée des griefs en eux-mêmes, ont été portées (... ) à la connaissance des parties qui ont toutes disposé d'un délai autonome de deux mois, conformément à l'article L. 463-2 du code de commerce, pour présenter des observations à leur sujet, étant observé sur les entreprises en cause ont également pu formuler de nouvelles remarques sur ces pièces dans leurs observations sur le rapport».

484. En l'espèce, il apparaît, à la lecture du rapport, que ces pièces étaient sans incidence sur la qualification des pratiques visées par le grief notifié à Boulanger. En revanche, il en ressort que ces pièces étaient de nature à étayer la durée de la pratique pour l'année 2014 et sont apparues, étant donné la position adoptée par Boulanger dans ses observations à la notification des griefs, utiles à l'exercice de ses droits de la défense.

485. Ce déclassement ne saurait par conséquent constituer une pratique déloyale entachant la régularité de la procédure.

486. De même, il n'apparaît pas que ce déclassement ait privé Boulanger de la possibilité de bénéficier de la procédure de transaction prévue par le III de l'article L. 464-2 du code de commerce.

487. Les arguments soulevés par Boulanger ont également été écartés par le conseiller auditeur dans ses avis du 4 décembre 2023 et du 3 janvier 2024821.

488. Enfin, en tout état de cause, Boulanger n'est pas fondée à invoquer une violation de ses droits de la défense dans la mesure où les 19 pièces litigieuses n'ont pas été retenues par l'Autorité pour qualifier les pratiques (voir ci-dessous section II.D.2.c)), et que la date de fin des pratiques reprochée à Boulanger est fixée à une date antérieure aux pièces visées (voir ci-dessous paragraphe 732).

489. En deuxième lieu, en ce qui concerne le délai laissé par à Boulanger pour déposer ses demandes de protection au titre du secret des affaires, l'article R. 463-13 du code de commerce prévoit qu'une demande de protection« doit parvenir à l'Autorité dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle lesdits éléments ont été obtenus par l'Autorité ». Toutefois, « en cas d'urgence, ce délai peut être réduit par le rapporteur général, notamment afin de permettre l'examen d'une demande de mesures conservatoires par l'Autorité, sans pouvoir être inférieur à quarante-huit heures. Dans ce cas, la demande de protection peut être présentée par tout moyen».

490. S'il est avéré que, par un courrier du 1er septembre 2023, les services d'instruction ont jugé que « la conduite de la procédure » les amenait à invoquer cette exception et à réduire le délai d'une demande de secret des affaires822, rien dans les arguments de Boulanger ne vient étayer le fait que cette réduction de délai ne visait qu'à faire échec à la prescription décennale, ni démontrer, en tout état de cause, en quoi la réduction de délai lui était préjudiciable.

491. Il ne saurait quoi qu'il en soit être retenu que les services d'instruction ont détourné la procédure prévue à l'article R. 463-15 et que la procédure aurait été déloyale et irrégulière.

492. En troisième lieu, en ce qui concerne les documents dont Boulanger a demandé communication, certains ont dûment fait l'objet du déclassement demandé par Boulanger. Ainsi le rapport notifié à Boulanger le 26 septembre 2023 par les services d'instruction faisait référence à une série de pièces protégées par le secret des affaires et non accessibles par Boulanger. Après la notification du rapport, Boulanger a informé le 30 octobre 2023 les services d'instruction que cet acte s'appuyait sur des pièces protégées au titre du secret des affaires. Les services d'instruction ont alors procédé au déclassement de l'ensemble de ces pièces auprès des entreprises concernées, avant de les transmettre à Boulanger le 3 novembre 2023, soit moins d'une semaine après sa demande.

493. Conformément aux dispositions de l'article L. 463-2 du code de commerce et à sa demande, le rapporteur général a accordé à Boulanger un nouveau délai de deux mois à compter de la réception de ces éléments, le 3 novembre 2023, pour la production de ses observations en réponse au rapport.

494. Par suite, la communication de ces pièces dans une version accessible au stade du rapport n'a pas porté atteinte aux droits de la défense de Boulanger et ne relève pas d'un comportement déloyal des services d'instruction à son égard.

495. Enfin, Boulanger liste diverses cotes, pièces de procédure et données du data-package dans le cadre de l'annexe 3 de la notification de griefs823 dont elle a, selon elle, sans succès, sollicité la communication après la notification des griefs.

496. Il ressort toutefois du dossier que les services d'instruction ont répondu aux sollicitations de Boulanger (et de Darty). Certains éléments ont été communiqués respectivement à Boulanger les 17 et 24 mai 2023824 et à Darty le 17 mai 2023825, délai qui s'explique par la mise en œuvre de la procédure prévue de déclassement par l'article R. 463-15 du code de commerce vis-à-vis des entreprises concernées, les pièces étant protégées au titre du secret des affaires.

497. Par la suite, Darty, qui se trouvait donc dans la même situation procédurale que Boulanger, a fait valoir devant le conseiller auditeur que ces difficultés d'accès au dossier auraient porté atteinte à ses droits de la défense. Le conseiller auditeur, dans un avis du 16 juin 2023, a considéré que :

- les services d'instruction avaient communiqué aux entreprises mises en cause au titre d'ententes verticales des « indications précises (... ) permettant de procéder aux vérifications souhaitées » ;

- « face aux difficultés invoquées par les requérantes, les services d'instruction ont donné à plusieurs reprises aux requérantes [Darty], les explications nécessaires permettant l'accès aux données souhaitées » ;

- « les éléments souhaités, qui sont à l'appui des griefs de la notification, ont été portés à la connaissance des parties et les opérations auxquelles les requérantes semblent vouloir se livrer ne sont que des vérifications de l'exactitude de données communiquées ou de modalités de traitement desdites données communiquées elles aussi »826.

498. Il en conclut « [qu']aucun élément de nature à porter atteinte au principe de la loyauté de la preuve du fait de l'utilisation de ces documents par les services de l'instruction ne peut être évoqué» et « [qu']en conséquence, les droits de la défense ont été respectés, qu'il s'agisse du principe du contradictoire ou de la loyauté des débats »827. Il considère également qu'il ne peut être sollicité, sur le fondement de la méconnaissance des droits de la défense,« un report du délai prévu à l'article L. 463 1 du code de commerce, d'autant qu'elles ont d'ores et déjà bénéficié de deux délais supplémentaires portant à quatre mois le délai global pour répondre aux griefs »828.

499. S'agissant de Boulanger, c'est à tort qu'elle soutient ne pas avoir eu accès à l'intégralité du dossier829. Comme elle le souligne elle-même, à la suite de sa demande par courrier du 10 mai 2023830, les services d'instruction lui ont répondu, par courriel du 11 mai 2023, que les pièces recueillies au cours de l'instruction, à l'exception de celles protégées par le secret des affaires, étaient accessibles dans le sommaire communiqué avec la notification de griefs le 21 février 2023831, ce qui leur a été confirmé le 16 mai 2023 lors d'un échange téléphonique.

500. Dans ses observations, Boulanger cite plusieurs pièces qu'elle considère comme« éléments manquants». Toutefois, il apparaît que toutes ces pièces étaient bien présentes au dossier. Il en est ainsi par exemple du «projet de rapport d'enquête de la DGCCRF qui aurait été communiqué à l'Autorité le 23 novembre 2011 », figurant aux cotes 91734 et suivantes. Par ailleurs, Boulanger demande la communication du «projet d'enquête non abouti de la DGCCRF de janvier 2007 »832, qui serait mentionné en cote 92005. Or ce dernier n'a jamais été transmis à l'Autorité. Il relève de l'enquête préliminaire menée par la DGCCRF, et non de l'instruction. Boulanger ne saurait par conséquent reprocher aux services d'instruction de ne pas lui avoir donné accès à ce document, qui n'a, d'ailleurs, pas pu être utilisé non plus au soutien de la notification de griefs.

501. Par conséquent, il ressort de ce qui précède que Boulanger n'est pas fondée à soutenir qu'elle a eu un accès incomplet au dossier et que ses droits de la défense en auraient été violés.

B. SUR L'APPLICATION DU DROIT DE L'UNION

502. L'article 101, paragraphe 1, du TFUE prohibe les accords, les décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence et qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.

503. Selon la jurisprudence de la Cour de justice et la communication de la Commission portant lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 TFUE833, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres de l'Union : l'existence d'un courant d'échanges entre États membres portant sur les produits en cause, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.

504. Il ressort également de la jurisprudence de l'Union que le fait qu'une entente n'ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. Ainsi, la Cour de justice a jugé qu'une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ams1 l'interpénétration économique voulue par le TFUE834.

505. En l'espèce, s'agissant d'abord du premier élément, la quasi-totalité des entreprises concernées par les griefs n° 1 à 13 appartiennent à des groupes de dimension internationale, disposant d'unités de production et de filiales implantées dans différents États membres. Par ailleurs, les productions nationales des entreprises précitées sont au moins pour partie commercialisées au sein de l'espace économique européen.

506. S'agissant ensuite du deuxième élément, les pratiques relevées par la notification de griefs ont porté sur les volumes de vente, ainsi que sur les prix de vente, des fabricants et fournisseurs auprès des distributeurs et des consommateurs finaux. Ces pratiques sont susceptibles d'affecter la concurrence au-delà du territoire national, puisqu'elles concernent notamment les ventes par Internet835, et que certains distributeurs, notamment Boulanger et Darty, sont présents sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les zones frontalières.

507. S'agissant enfin du troisième élément, les pratiques relevées par la notification de griefs, qui avaient pour objectif d'influencer la politique commerciale tant des fournisseurs que des distributeurs, ont non seulement concerné l'ensemble du territoire national, mais également les principaux acteurs du secteur du PEM et du GEM, sur l'ensemble des canaux de distribution.

508. Eu égard à ce qui précède, les pratiques doivent donc être examinées au regard non seulement des dispositions du droit national, notamment de l'article L. 420-1 du code de commerce, mais également du droit de l'Union, et notamment de l'article 101 du TFUE, ce qui n'est, du reste, pas contesté.

C. SUR LE MARCHE PERTINENT

1. LES PRINCIPES APPLICABLES

509. Afin de définir le marché de produits ou de services, il convient de rechercher si les produits ou les services qui sont considérés « comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage »836.

510. Dans le même sens, la Commission a rappelé, dans sa communication du 22 février 2024 sur la définition de marché en cause, que le marché de produits « comprend tous les produits que les clients considèrent comme interchangeables ou substituables à celui ou ceux de la ou des entreprises concernées, en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés, compte tenu des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l'offre sur le marché »837.

511. Au niveau national, le Conseil de la concurrence (devenu l'Autorité) estime que « [l]e marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (... ). Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »838.

512. Le marché géographique, quant à lui, comprend « le territoire sur lequel les entreprises concernées offrent ou demandent des produits en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour que les effets du comportement ou de la concentration faisant l'objet de l'enquête puissent être appréciés et qui peut être distingué des autres territoires en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires »839.

513. Il résulte d'une jurisprudence constante de l'Union que l'obligation d'opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l'article 101 du TFUE s'impose aux autorités de concurrence uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre les États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché unique840.

514. De même, en droit interne, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour permettre de qualifier les pratiques observées et les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre841.

2. APPLICATION AU CAS D'ESPECE

515. Le secteur concerné par les pratiques est celui des produits de PEM d'un côté, et de GEM de l'autre.

a) Les produits de PEM

Définition du marché de produits

516. Les griefs n° 1, 3, 5, 7, 8, 9, 12 et 13 visent la distribution de produits du PEM, et plus précisément tout ou partie des familles de produits« entretien du sol », « entretien du linge », «petit-déjeuner», « cuisson», « préparation culinaire » et« beauté bien-être ».

517. Dans le cadre de sa pratique décisionnelle, la Commission identifie plusieurs marchés pertinents pour chaque catégorie de produits de petit électroménager, selon la fonction de chaque appareil. Ainsi la Commission a pu identifier les marchés distincts suivants : (1) les friteuses, (2) les mini-fours, (3) les grille-pains, (4) les appareils à sandwiches et gaufriers, (5) les appareils pour repas informels, (6) les barbecues électriques et grills d'intérieur, (7) les cuiseurs de riz et cuiseurs vapeur, (8) les cafetières électriques pour café filtre, (9) les bouilloires, (10) les machines à expressos, (11) les préparateurs culinaires électriques, (12) les fers à repasser et stations vapeur et (13) les appareils de soins de la personne (appareils de santé et de beauté)842.

518. Dans le cadre de la présentation du secteur, le GIFAM segmente également les produits selon la catégorie de fonction de l'appareil : (i) entretien des sols (aspirateurs, nettoyeurs vapeur), (ii) entretien du linge (appareils de repassage), (iii) préparation culinaire et cuisson (les robots culinaires et les friteuses), (iv) petit-déjeuner (bouilloires, machines à café, grille­ pains et appareils à jus) et (v) beauté et bien-être (rasage, épilation et coiffure)843.

519. Comme cela sera démontré ci-dessous, il n'est toutefois pas nécessaire dans la présente affaire de se prononcer de façon plus précise sur une éventuelle segmentation par produits du PEM, les pratiques s'étendant au surplus sur ces différents segments sans distinction.

520. Il importe en revanche de distinguer entre la fourniture de produits de PEM, réalisée par les fabricants et négociants, et leur distribution, quel que soit le canal de distribution emprunté (vente en grande surface spécialisée, par Internet, etc.). Il convient ainsi d'appréhender les pratiques sur le marché amont de la fabrication et la commercialisation des produits. Sur ce marché, interagissent les fabricants en tant que fournisseurs de produits de PEM et les distributeurs en tant qu'acheteurs. Ces derniers revendent les produits aux consommateurs finaux sur le marché de la distribution de produits de PEM.

521. En effet, il ressort des éléments du dossier que les pratiques visées au titre du grief n° 1 ont porté sur les volumes de ventes réalisés auprès des distributeurs, et non pas des consommateurs finaux.

522. De même, les pratiques visées par les griefs n° 3, 5, 7, 8, 9, 12 et 13 sont des pratiques d'entente entre fabricants/négociants, d'un côté, et distributeurs de l'autre. Toutefois ces pratiques affectent directement les consommateurs finaux puisqu'elles portent sur la fixation des prix de revente à ces derniers.

523. Enfin, il n'est pas pertinent de prendre en compte les produits en marque blanche dans l'analyse, puisque ces produits ne sont pas, ou marginalement, commercialisés par les participants aux échanges, lesquels commercialisent essentiellement des produits en marque propre. Le GIFAM confirme à cet égard qu'il regroupe les fabricants de marques de produits de PEM, à l'exclusion des fabricants de marque blanche844. En outre, les problématiques commerciales régissant les produits en marque blanche ou sous marque de distributeur sont très différentes de celles régissant les produits en marque propre. Si la stratégie commerciale relative aux premiers est déterminée par les distributeurs, celle des seconds est en revanche déterminée par les fabricants eux-mêmes.

524. Il n'est pas nécessaire de conclure avec davantage de précision sur la définition du marché pertinent. En effet, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, comme c'est le cas en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre.

525. C'est le cas en l'espèce, qu'il s'agisse de la pratique d'entente horizontale visée par le grief n° 1, comme des pratiques d'ententes verticales visées par les griefs n° 3, 5, 7, 8, 9, 12 et 13.

526. Pour ce qui est de la pratique d'entente horizontale, et comme cela est expliqué plus bas aux paragraphes 558 à 576, l'Autorité considère qu'elle n'est pas caractérisée quelle que soit la définition exacte retenue.

527. Pour ce qui est des pratiques d'ententes verticales, elles concernent sans distinction des produits du PEM et des produits du GEM, de sorte qu'une définition plus précise du marché ne change pas leur qualification, ni leur imputation aux opérateurs qui les ont mises en œuvre.

528. Ainsi, pour la définition du marché de produits concernant le PEM, il est pertinent, dans la présente affaire, de prendre en compte un marché respectivement amont et aval de la fabrication et la commercialisation des produits de PEM, hors marques blanches et marques de distributeurs, suivant que le grief est imputé à un fournisseur ou à un distributeur.

Définition du marché géographique

529. Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a conclu que les marchés du PEM étaient de dimension nationale845.

530. Cela est corroboré par les éléments du dossier.

531. Ainsi, dans sa demande de clémence, BSH a indiqué que l'affectation géographique des pratiques se limitait au territoire français846, au motif que le périmètre d'activité des salariés impliqués se limitait à ce périmètre géographique847.

532. De même, il ressort des constatations ci-avant que les pratiques mises en œuvre par les sociétés mises en cause ont porté sur les marchés français de la commercialisation de PEM et GEM. Le GIFAM regroupe ainsi les fournisseurs de produits du PEM et du GEM qui sont actifs en France, et les pratiques verticales visées dans les constatations concernent la distribution de ces produits sur le seul territoire français.

533. La dimension géographique des marchés au regard des pratiques examinées est donc de dimension nationale.

Conclusion

534. Pour ce qui est du PEM, il convient de prendre en compte, suivant que le grief est imputé à un fournisseur ou à un distributeur, le marché français amont ou aval de la fabrication et la commercialisation des produits de PEM, hors marques blanches et marques de distributeur, une segmentation plus fine des produits de PEM ne changeant pas les conclusions quant à la qualification des pratiques et leur imputation aux opérateurs qui les ont mises en œuvre.

b) Les produits de GEM

Définition du marché de produits

535. Il résulte des éléments exposés au titre des constatations que les produits concernés par les pratiques sont les produits de GEM, et plus précisément les réfrigérateurs, les congélateurs, les lave-linges, les sèche-linges, les lave-vaisselles, les appareils de cuisson (tables de cuisson et cuisinières), les fours traditionnels, les hottes, les fours à micro-ondes et les caves à vin.

536. Dans le cadre de sa pratique décisionnelle, la Commission identifie plusieurs marchés pertinents pour chaque catégorie de produits de GEM. Plus précisément, la Commission a identifié les marchés distincts suivants : (1) les appareils de cuisson, (2) les hottes, (3) les lave-vaisselles, (4) les réfrigérateurs, (5) les congélateurs, (6) les fours à micro-ondes, (7) les lave-linges et (8) les sèche-linges848. Ces éléments ont été confirmés par les investigations menées par la Commission à l'occasion du rachat d'Indesit par Whirlpool849.

537. Une segmentation plus fine du marché a également été envisagée par la Commission, tout en laissant la question ouverte, selon que les produits sont encastrables ou en pose-libre850.

538. Au cas d'espèce, ces distinctions n'auraient pas d'effet dans la mesure où les pratiques ont concerné toutes les catégories de produits de GEM.

539. En tout état de cause, les pratiques en cause sont recherchées au titre de la prohibition des ententes, si bien qu'il n'est pas nécessaire de délimiter ce marché pertinent avec davantage de précision. Les parties mises en cause concernées par ces produits n'étant pas entrées en voie de transaction, à savoir Boulanger et SEB, ne contestent pas la définition du marché pertinent retenu.

Définition du marché géographique

540. Pour les mêmes raisons que celles exposées plus haut sur le PEM, il convient de limiter la dimension géographique du marché du GEM au marché français.

Conclusion

541. Pour ce qui est du GEM, il convient de prendre en compte, suivant que le grief est imputé à un fournisseur ou à un distributeur, le marché français amont ou aval de la fabrication et la commercialisation des produits de GEM, hors marques blanches et marques de distributeur, une segmentation plus fine des produits de GEM ne changeant pas les conclusions quant à la qualification des pratiques et leur imputation aux opérateurs qui les ont mises en œuvre.

D. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES

1. SUR L'EXISTENCE D'UNE ENTENTE HORIZONTALE D'ECHANGES D'INFORMATIONS ENTRE FABRICANTS DE PRODUITS DE PEM (GRIEF N° 1)

a) Rappel des principes applicables

542. La pratique dénoncée consiste en un échange d'informations considérées comme stratégiques. Cet échange peut être qualifié« [d']autonome » dans la mesure où il n'est pas accessoire à une autre forme de pratique concertée.

543. Dans ses lignes directrices sur les accords de coopération horizontale de 2011, applicables au moment des faits (ci-après les « lignes directrices horizontales»), la Commission a précisé « [qu'un] échange d'information peut (... ) constituer une pratique concertées 'il diminue l'incertitude stratégique sur le marché et, partant, facilite la collusion, c'est-à-dire si les données échangées présentent un caractère stratégique. En conséquence, l'échange de données stratégiques entre concurrents équivaut à une concertation, en ce qu'il diminue l'indépendance de comportement des concurrents sur le marché et leur incitation à se livrer concurrence »851. Les lignes directrices mises à jour en 2023 vont dans le même sens852.

544. Toujours selon les lignes directrices, les effets sur la concurrence d'un échange d'informations doivent être analysés à l'aune de deux séries de critères, dont la liste n'est pas exhaustive, qui concernent, d'une part, les conditions économiques qui prévalent sur le marché (notamment transparence, degré de concentration, symétrie de la situation des entreprises) et, d'autre part, les caractéristiques des informations échangées (notamment leur caractère agrégé ou individualisé, leur ancienneté ou la fréquence des échanges)853.

545. Les juridictions européennes ont précisé les conditions dans lesquelles un échange d'informations est susceptible d'accroître la transparence sur le marché, de lever l'incertitude sur le comportement des concurrents et d'altérer la concurrence qui subsiste entre les opérateurs.

546. Ainsi, le Tribunal a indiqué dans un arrêt John Deere que « la généralisation, entre les principaux offreurs, d'un échange d'informations précises et selon une périodicité rapprochée, concernant l'identification des véhicules immatriculés et le lieu de leur immatriculation, est de nature, sur un marché oligopolistique fortement concentré, tel le marché en cause (... ), et où, par suite la concurrence est déjà fortement atténuée et l'échange d'informations facilité, à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques. En effet, dans une telle hypothèse, la mise en commun régulière et rapprochée des informations relatives au fonctionnement du marché a pour effet de révéler périodiquement, à l'ensemble des concurrents, les positions sur le marché et les stratégies des différents concurrents »854.

547. Dans cette même affaire, la Cour de justice a validé le raisonnement suivi par la Commission en indiquant que « [d]ans cette appréciation, le Tribunal a tenu compte de la nature, de la périodicité et de la destination des informations transmises en l'espèce. S'agissant, premièrement, de la nature des informations échangées, notamment de celles relatives aux ventes effectuées sur le territoire de chacune des concessions du réseau de distribution, le Tribunal a ainsi considéré, aux points 51 et 81, qu'elles sont des secrets d'affaires et permettent aux entreprises parties à l'accord de connaître les ventes effectuées par leurs concessionnaires en dehors et à l'intérieur du territoire attribué, ainsi que celles des autres entreprises concurrentes et de leurs concessionnaires parties à l'accord. Deuxièmement, le Tribunal a retenu, dans les mêmes points 51 et 81, que les informations relatives aux ventes sont diffusées selon une périodicité rapprochée et de manière systématique. Enfin, au point 51, le Tribunal a constaté que les informations sont diffusées entre les principaux offreurs, au seul profit de ceux-ci, à l'exclusion des autres offreurs et des consommateurs »855.

548. Plus récemment, dans un arrêt Banco BPNIBIC Português SA et al. du 29 juillet 2024, la Cour de justice a encore précisé sa jurisprudence en ce qui concerne la notion de restriction de concurrence au regard des échanges d'informations856.

549. La Cour de justice y rappelle notamment que, si la transparence entre les opérateurs économiques est, à tout le moins sur un marché non oligopolistique, de nature à concourir à l'intensification de la concurrence entre les offreurs, les opérateurs sur ce marché doivent, pour qu'un marché fonctionne dans des conditions normales,« non seulement déterminer de manière autonome la politique qu'ils entendent suivre sur le marché unique, mais également, et plus généralement, demeurer dans l'incertitude quant aux comportements futurs des autres participants audit marché »857. Il en résulte qu'un échange d'informations relève d'une forme de coordination entre entreprises lorsqu'il «permet d'éliminer une telle incertitude »858. Il suffit pour cela que« les informations soient, d'une part, confidentielles, et, d'autre part, stratégiques »859.

550. Les informations confidentielles désignent toutes les informations non déjà connues de tout opérateur actif sur le marché concerné.

551. Les informations stratégiques sont « [l]es informations de nature à révéler, le cas échéant, après avoir été combinées avec d'autres informations déjà connues des participants à un échange d'informations, la stratégie que certains de ces participants entendent mettre en œuvre à l'égard de ce qui constitue un ou plusieurs paramètres au vu desquels s'établit la concurrence sur le marché en cause »860.

552. Il en résulte que la notion n'est pas limitée aux prix futurs ou à certains des facteurs déterminant ces derniers et qu'elle s'étend à toute donnée non déjà connue qui, dans le contexte entourant un tel échange, « est de nature à réduire l'incertitude des participants quant au comportement futur des autres participants à l'égard de ce qui constitue, en raison de la nature des biens ou des services en cause, des conditions réelles du fonctionnement du marché et de la structure de celui-ci, un ou plusieurs paramètres au vu desquels s'établit la concurrence sur le marché en cause »861. Ainsi, des informations échangées portant sur des faits actuels ou passés doivent être considérées comme stratégiques « si, en raison notamment de la nature des biens ou des services en cause, des conditions réelles du fonctionnement du marché, de la structure des coûts ou des méthodes de production et de gestion des participants à cet échange, un tel participant peut en inférer avec suffisamment de précision le comportement futur des autres participants à cet échange ou leurs réactions à un éventuel mouvement stratégique sur le marché »862.

553. La jurisprudence nationale adopte une approche similaire.

554. Ainsi, dans l'affaire concernant les pratiques d'échanges d'informations entre les palaces parisiens, la cour d'appel de Paris a jugé que « si la transparence entre les acteurs économiques n'est pas susceptible, sur un marché concurrentiel, de restreindre l'autonomie de décision et par suite la concurrence entre les offreurs au sens de l'article L. 420-1 du code de commerce compte tenu du caractère atomisé de l'offre et de l'incertitude subsistant pour chacun des opérateurs économiques quant au caractère prévisible du comportement de ses concurrents, il en va autrement sur un marché oligopolistique fortement concentré où l'échange régulier entre les acteurs assurant la majeure partie voire la totalité de l'offre, selon une périodicité rapprochée et systématique, d'informations nominatives, précises et non publiques sur le marché est de nature à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques dès lors que la mise en commun régulière et rapprochée de ces informations a pour effet de révéler périodiquement à l'ensemble des concurrents les positions sur le marché et les stratégies de chacun d'eux »863.

555. De même, dans l'affaire des échanges d'informations sur le marché de la téléphonie mobile, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 27 juin 2007, reproché à la cour d'appel de Paris de ne pas avoir recherché « de façon concrète (... ) si l'échange régulier, de 1997 à 2003, d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché (... ) avait eu pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées( ... ), de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné »864.

556. Dans le cadre d'un second pourvoi formé dans cette affaire, la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel, dans son arrêt de renvoi, avait satisfait à l'exigence de démonstration concrète de l'effet restrictif de concurrence potentiel de l'échange, en relevant qu'en l'état des « constatations et appréciations » de l'espèce, les informations échangées « avaient été effectivement utilisées par les opérateurs mobiles pour ajuster leur stratégie »865.

557. Enfin, dans sa décision n° 17-D-03 concernant des échanges d'informations entre loueurs de voitures, l'Autorité a déjà eu l'occasion d'indiquer que, dans un contexte d'échange d'informations, le terme «stratégique» visait « la capacité des entreprises à adapter leur comportement concurrentiel sur le marché en fonction des informations reçues», et ainsi de préciser que ce caractère stratégique « ne se déduit pas de la seule nature des informations échangées mais s'apprécie au vu du fonctionnement concret du marché et des circonstances spécifiques à l'espèce »866. Dans cette affaire, l'Autorité avait considéré que l'existence d'effets potentiels sur la concurrence résultant des échanges d'informations examinés n'était pas démontrée. Elle avait notamment relevé que « si les loueurs ne contestent pas avoir pris en compte les données émanant des aéroports, au même titre que d'autres éléments, pour apprécier a posteriori les performances de leurs agences sur les aéroports, aucune pièce du dossier n'établit l'existence d'une situation concrète dans laquelle les informations mensuelles émanant des aéroports auraient fourni à un loueur une connaissance précise de la stratégie à court terme de ses concurrents qui l'aurait conduit à infléchir son propre comportement sur le marché »867.

b) Application

558. Il ressort des constatations ci-avant que chaque membre du GIFAM qui avait accepté de participer au module Échange par marque donnait accès à ses volumes de ventes mensuelles, par marque et par catégorie de produit de PEM, cinq jours après la clôture du mois, et recevait accès à ces mêmes données de la part des autres membres du GIFAM participants à ce module.

559. Ces données concernaient les volumes de vente aux distributeurs. Elles étaient individualisées en ce qu'elles étaient associées à chaque marque par catégorie de produits. Il s'agissait enfin de données passées, mais d'un passé récent (dernier mois écoulé).

560. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, il convient d'examiner si ces données étaient confidentielles et stratégiques, c'est-à-dire si leur échange pouvait avoir pour effet de restreindre la concurrence en limitant l'incertitude quant aux comportements futurs des autres participants.

561. En premier lieu, il est établi que les informations échangées étaient confidentielles.

562. Elles n'étaient en effet accessibles que via le module Échange par marque, et elles n'étaient pas autrement connues des opérateurs sur le marché.

563. Ainsi, même si certains opérateurs avaient la possibilité d'avoir accès à des données de vente assez précises par les études GfK, y compris par marque et par catégorie de produits, il n'apparaît pas que les données GfK permettaient d'apporter la même information que celle résultant des données échangées dans le module Échange par marque. En effet, les données GfK résultent d'enquêtes auprès des distributeurs, et donc des données dites de sortie de caisse (ou « sell out») correspondant aux produits vendus par les distributeurs. Elles ne correspondent pas aux volumes vendus par les fabricants aux distributeurs dans leur ensemble, dites données de« sell in». Les données du module Échange par marque étaient du reste accessibles gratuitement aux membres du GIFAM souhaitant participer à l'échange par marque, et ce dans les mêmes conditions pour toutes ces entreprises participantes, au contraire des données GfK, qui ne sont accessibles que sur abonnement, dont le tarif varie en fonction du volume de données et de leur périodicité868.

564. En second lieu, il convient d'examiner si les informations échangées étaient stratégiques.

565. Il apparaît tout d'abord que les données échangées ne paraissent pas, prises isolément, être de nature à réduire l'incertitude quant au comportement futur des autres participants à l'égard de ce qui constitue un ou plusieurs paramètres au vu desquels s'établit la concurrence sur le marché en cause.

566. Il s'agit en effet d'informations portant sur des ventes passées, quand bien même il s'agirait d'un passé récent. De telles informations passées ne seraient susceptibles de donner des indications quant au comportement futur des participants que dans des circonstances particulières.

567. Il s'agit de surcroît de données de volumes, et il n'apparaît pas, au regard des éléments du dossier, que la connaissance de ces volumes de vente ait permis de réduire l'incertitude sur un paramètre de concurrence sur le marché en cause. S'il ressort de certains éléments du dossier que le prix de vente des fabricants (ou prix de gros) est un élément important dans la concurrence que se livrent les fabricants de produits de PEM à l'égard des distributeurs, les volumes ne paraissent pas, à la lecture du dossier, avoir la même importance. En particulier, la démonstration n'est pas faite qu'à partir des données de volumes vendus aux distributeurs, les participants pouvaient inférer des informations sur les conditions d'approvisionnement proposées par les fabricants concurrents, en ce compris les délais de livraison, etc. Par ailleurs, il ressort de certains éléments du dossier que les volumes de ventes des produits électroménagers se situent à des niveaux différents en fonction des mois de l'année (périodes de soldes, etc.), de sorte que les informations en volume sont lues essentiellement en comparaison avec le même mois de l'année précédente, sans qu'il soit démontré qu'une telle analyse permette de donner des indications sur la stratégie commerciale adoptée par les fabricants pour le (ou les) mois suivants.

568. Ainsi, quand bien même on pourrait considérer que les données sont actuelles car très récentes, aucun élément du dossier ne semble indiquer qu'elles ont une importance particulière au regard d'un paramètre de concurrence869.

569. Le fait que le directeur des ventes de Kenwood De Longhi ait cherché à obtenir, à partir des données du module Échange par marque, des informations complémentaires sur l'identité des distributeurs qui, le mois précédent, avaient acheté des mixeurs plongeants de BSH870 est un indice que les volumes de ventes passées ne présentent pas, dans le cas d'espèce, un intérêt stratégique, puisque De Longhi avait besoin d'informations plus précises concernant les distributeurs concernés pour analyser les ventes de BSH.

570. S'il apparaît que les données échangées étaient susceptibles de présenter un intérêt pour les directeurs commerciaux afin de réaliser des analyses rétrospectives et comparer leurs résultats à ceux de leurs concurrents, cela ne saurait suffire à conclure que leur échange était susceptible de réduire l'incertitude quant au comportement futur de ceux-ci.

571. Il convient, par ailleurs, d'examiner si, au vu du fonctionnement concret du marché et des circonstances spécifiques à l'espèce, cet échange de données n'était pas susceptible de réduire l'incertitude quant au comportement futur des autres participants sur le marché notamment par le croisement avec d'autres informations connues des participants à l'échange.

572. Or, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que tel est le cas.

573. Les éléments du dossier ne permettent pas davantage de conclure que les volumes de ventes passées de « self in » partagées par le biais du module Échange par marque acquerraient un intérêt stratégique quand elles étaient croisées avec d'autres données accessibles aux opérateurs en question, par exemple les données en sortie de caisse disponibles dans les abonnements GfK.

574. Le grief notifié indiquait enfin que la restriction de concurrence dénoncée résultait notamment du fait que l'accroissement de la transparence avait été asymétrique, en ce que l'échange d'informations était réservé aux entreprises du GIFAM ayant choisi de participer à cet échange, et n'était donc pas accessible aux autres entreprises. Cela pourrait être potentiellement problématique à l'égard des nouveaux entrants ou des entrants potentiels. Toutefois, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que tel est le cas en l'espèce. Il n'est ainsi pas établi que de nouveaux entrants se seraient vu refuser l'accès au GIFAM ou au module Échange par marque. Il n'est pas davantage démontré que l'avantage retiré de la participation au module Échange par marque était de nature à élever les barrières à l'entrée sur le (ou les) marché(s) en cause. Au contraire, il convient de relever que les données du module Échange par marque ne comprenaient pas les données des entreprises ne participant pas à l'échange, de sorte qu'elles ne pouvaient pas être utilisées par les entreprises participantes pour surveiller les performances des nouveaux entrants sur le marché.

575. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'analyser plus avant la structure du marché et la question d'une éventuelle segmentation plus fine de celui-ci, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les informations échangées mensuellement par le biais du module Échange par marque du GIFAM avaient un caractère stratégique au sens où leur transmission pouvait avoir pour effet de restreindre l'autonomie des entreprises part1c1pantes en révélant périodiquement leurs positions et leurs stratégies sur les marchés affectés.

576. Dans la mesure où il n'apparaît pas démontré, dans les circonstances de la présente affaire, que la pratique en cause ait eu un effet, même potentiel, restrictif de concurrence, il convient d'écarter ce grief et d'en déduire qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure le concernant.

2. SUR L'EXISTENCE D'UNE ENTENTE VERTICALE SUR LES PRIX DE VENTE AU DETAIL ENTRE FABRICANTS ET DISTRIBUTEURS DE PRODUITS ELECTROMENAGERS

a) Rappel des principes applicables

Sur la démonstration d'un accord de volontés

577. Il ressort d'une jurisprudence constante, tant en droit de l'Union qu'en droit interne, que la preuve d'un accord au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce requiert la démonstration de ce que les entreprises en cause ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée871.

578. Selon le Tribunal, la preuve d'un tel accord « doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »872.

579. La démonstration de l'accord de volontés peut ainsi s'appuyer sur des preuves aussi bien directes qu'indirectes, étant rappelé que le Tribunal considère qu'il n'est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l'examen de preuves additionnelles de nature comportementale873. Sur ce point, la Cour de justice a qualifié de « preuves documentaires directes » de l'existence d'un accord des éléments tels que des contrats, des notes internes, des déclarations, des comptes-rendus de réunion, des projets d'ordre du jour ou encore des notes prises lors de réunions874.

580. La cour d'appel de Paris procède à la même analyse, soulignant que la démonstration de l'accord de volontés «peut se faire par tout moyen». Elle a notamment rappelé qu'en présence de preuves directes ou explicites résultant de documents ou de clauses contractuelles, « il n'est pas nécessaire de recourir à des preuves indirectes ou comportementales, constitutives d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, impliquant la caractérisation d'une application significative ou effective par les distributeurs des prix conseillés par le fournisseur »875.

581. La cour d'appel de Paris a néanmoins jugé, dans l'arrêt Epsé Joué Club du 28 janvier 2009, qu'il appartient à l'Autorité, pour démontrer le concours de volontés, d'établir« l'invitation d'une partie à l'accord à mettre en œuvre une pratique illicite et l'acquiescement de l'autre à cette invitation »876.

582. Les lignes directrices de la Commission sur les restrictions verticales du 30 juin 2022 précisent, à cet égard, que la forme sous laquelle l'intention commune des parties est exprimée « est indifférente, pour autant qu 'elle en constitue l'expression fidèle ». En l'absence d'accord explicite exprimant la volonté concordante des parties, il convient de prouver que la stratégie unilatérale d'une partie reçoit l'acquiescement de l'autre. L'existence d'un acquiescement tacite peut alors être démontrée dès lors «qu'une partie exige, explicitement ou implicitement, la coopération de l'autre partie à la mise en œuvre de sa stratégie unilatérale et que l'autre partie se conforme à cette exigence en mettant cette stratégie unilatérale en œuvre »877.

583. S'agissant plus particulièrement d'une entente verticale sur les prix, l'invitation faite par un fabricant à ses distributeurs de participer à une pratique de prix imposés est généralement démontrée par la diffusion auxdits distributeurs des prix de revente conseillés et par la mise en œuvre d'une surveillance des prix, qui permet d'établir que les prix dits «conseillés» sont en réalité des prix imposés.

584. Le critère pertinent pour établir l'acquiescement des distributeurs a été précisé par la Cour de justice dans l'arrêt Super Bock Bebidas du 29 juin 2023, dont il ressort que si le suivi des prix par les distributeurs, attesté par des éléments quantitatifs, peut être de nature à refléter cet acquiescement, celui-ci peut également être démontré par d'autres moyens tels que des preuves littérales associées à des éléments comportementaux. La Cour de justice considère en effet que « les circonstances que les prix minimaux de revente sont, en pratique, suivis par les distributeurs ou que leur indication est sollicitée par ces derniers, lesquels, tout en se plaignant auprès du fournisseur des prix indiqués, n'en pratiquent pas pour autant d'autres de leur propre initiative, pourraient être de nature à refléter l'acquiescement des distributeurs à la fixation, par le fournisseur, de prix minimaux de revente » 878.

585. Sur le standard de preuve nécessaire à la démonstration d'un accord de volontés dans le cadre de relations verticales, il y a lieu d'ajouter que la jurisprudence, notamment européenne, n'exige pas que soit établie l'existence d'un système de contrôle a posteriori et de sanctions879, et que la preuve de l'acquiescement des distributeurs à une entente peut être rapportée par tout moyen880.

586. En vertu de ce qui précède, l'Autorité ne saurait être tenue, en toute espèce, de vérifier l'application effective des prix de revente par les distributeurs (par exemple par l'analyse de relevés de prix et leur comparaison avec les prix conseillés) lorsqu'elle dispose d'indices documentaires ou comportementaux qui viennent établir, d'une part, l'invitation du fabricant et, d'autre part, l'acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse881. De la même manière, conformément à ce qu'a encore indiqué la cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 26 janvier 2012 précité882, il est loisible à l'Autorité d'apprécier globalement la fiabilité du faisceau d'indices, chaque élément du faisceau n'ayant pas à répondre à l'exigence de preuves graves, précises et concordantes dès lors que le faisceau y répond. Aussi l'Autorité a-t-elle souligné qu'elle n'est pas « tenue de démontrer l'existence de cette invitation et de cet acquiescements'agissant de chaque indice sur lequel elles 'appuie »883.

587. S'agissant d'une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés par un fournisseur, il ressort de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation que sa démonstration n'exige pas l'identification de tous les distributeurs ayant participé à l'entente884, mais suppose seulement que soit établi qu'un nombre suffisant ou significatif de distributeurs a respecté les prix imposés par le fournisseur pour établir la preuve de leur acquiescement à une entente verticale sur les prix885.

588. En matière d'entente généralisée, la cour d'appel de Paris a jugé en outre qu'une telle entente peut être caractérisée quand bien même quelques entreprises auraient refusé d'y adhérer et n'auraient pas fait l'objet de mesures de rétorsion, dès lors que le fournisseur lui-même ne conteste pas que des pressions ont été exercées sur les détaillants récalcitrants, afin de les inviter à se plier à la discipline commune, et que ces pressions ont été suivies d'effet886.

Sur la démonstration de l'existence d'une restriction de concurrence

589. De manière générale, pour relever de l'interdiction énoncée aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce887, un accord doit avoir «pour objet ou pour effet» d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur888.

590. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, la notion de restriction de concurrence par objet doit être interprétée de manière restrictive. Elle ne peut être appliquée qu'à certains types de coordination entre entreprises qui révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire889.

591. Cependant, cela n'implique nullement que l'Autorité ne puisse procéder à un tel examen lorsqu'elle l'estime opportun. En effet, l'article 101, paragraphe 1, du TFUE ne s'oppose pas à ce qu'un même comportement anticoncurrentiel soit considéré comme ayant à la fois pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition890.

592. Afin d'apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet, au sens de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, il convient de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère. La prise en considération de ce contexte implique d'examiner la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question891.

593. En outre, afin de justifier qu'un accord soit qualifié de restriction de concurrence par objet sans analyse de ses effets, « il doit exister une expérience suffisamment solide et fiable pour qu 'il puisse être considéré que cet accord est, par sa nature même, nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence »892.

594. S'agissant de la prise en compte des objectifs poursuivis, la Cour de justice a jugé que, lorsqu'une mesure fait l'objet d'une appréciation au titre de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, le fait qu'elle soit considérée comme poursuivant un objectif légitime n'exclut pas qu'elle ait un objet restrictif de concurrence, s'il existe un autre objectif qu'elle poursuit également et qui peut être, quant à lui, regardé comme illégitime893.

595. Enfin, bien quel'intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d'un accord entre entreprises, rien n'interdit aux autorités de concurrence ou aux juridictions nationales et de l'Union d'en tenir compte894.

596. S'agissant des ententes verticales sur les prix de revente, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice qu'elles révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour être qualifiées de restriction par objet, de sorte que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire. La Cour de justice a jugé à plusieurs reprises que des accords qui imposaient aux détaillants des prix de détail minimaux ou fixes, ou leur imposaient de maintenir un certain niveau de prix, limitant ainsi leur capacité à déterminer indépendamment leurs prix de revente, étaient restrictifs de concurrence par objet895.

597. La cour d'appel de Paris a, quant à elle, souligné dans son arrêt Kontiki du 16 mai 2013 que « les pratiques de prix de vente imposés sont considérées par le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 comme des restrictions caractérisées et que, dès lors, un accord ou une pratique concertée ayant directement ou indirectement pour objet l'établissement d'un prix de vente fixe ou minimal que l'acheteur est tenu de respecter, est présumé restreindre la concurrence »896.

598. S'agissant de l'appréciation du degré de nocivité d'un accord, la Cour de justice a précisé, dans l'arrêt Super Bock Bebidas du 29 juin 2023, que la circonstance que cet accord est « susceptible de relever de la catégorie des "restrictions caractérisées" au sens de l'article 4, sous a), des règlements 2790/1999 et 330/2010 doit être prise en compte en tant qu'élément du contexte juridique »897. C'est au titre du contexte que doivent également être appréciés les éventuels effets pro-concurrentiels attachés à l'accord, qui, s'ils sont« avérés, pertinents, propres à l'accord concerné et suffisamment importants, (... ) pourraient permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l'égard de la concurrence de cet accord »898.

599. Il sera souligné que la définition des pratiques de prix de vente imposés en tant que restriction caractérisée n'a pas été modifiée dans la version révisée du règlement précité899, les lignes directrices révisées de la Commission précisant que ce sont des « accords ayant directement ou indirectement pour objet de restreindre la capacité de l'acheteur à déterminer son prix de vente, y compris ceux qui établissent un prix de vente imposé ou minimal que l'acheteur doit appliquer »900.

600. Enfin, la jurisprudence européenne rappelle la liberté tarifaire dont les distributeurs doivent bénéficier, même dans le cas où ils participent à un réseau de distribution sélective. Dans son arrêt AEG v Commission, la Cour de justice a jugé que« l'exigence d'un engagement en matière de prix [en l'espèce, des prix permettant une marge bénéficiaire assez élevée] constitue donc une condition manifestement étrangère aux besoins d'un système de distribution sélective et affectant ainsi également le libre jeu de la concurrence »901.

601. Plus récemment, dans une décision Guess du 17 décembre 2018, la Commission a considéré de la même manière que les dispositions des contrats de distribution sélective d'une entreprise, qui imposaient de respecter les prix qu'elle conseillait afin de préserver l'image de ses produits, restreignaient la liberté tarifaire de ses distributeurs902.

Sur la durée et la continuité de la pratique

602. Pour déterminer la durée d'une infraction aux règles de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s'est écoulée entre la date de la conclusion de l'accord en cause et la date à laquelle il y a été mis fin903.

603. En l'absence d'éléments de preuve susceptibles d'établir directement la durée d'une infraction et son caractère continu, l'autorité de concurrence doit se fonder au moins sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de sorte qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises904.

604. Les juridictions nationales précisent sur ce point« qu'une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu 'elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu'elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l'état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l'acte initial sans qu'un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »905.

605. Enfin, la suspension d'une pratique anticoncurrentielle pendant une période déterminée n'empêche pas cette dernière de revêtir la qualification d'infraction continue dès lors que, après son interruption, elle a été reprise selon les mêmes modalités906.

b) Application au cas d'espèce, s'agissant de l'entente entre SEB et les distributeurs de ses produits (grief n° 9)

606. SEB conteste la qualification d'entente verticale généralisée, estimant que les services d'instruction ne démontrent pas un accord de volontés avec un nombre suffisant de distributeurs, ni un degré suffisant de nocivité des pratiques incriminées pour qu'une restriction de concurrence par objet soit caractérisée.

Sur l'existence d'un accord de volontés

607. SEB considère que les seuls éléments de preuve mentionnés dans la notification de griefs qui témoignent d'une invitation suivie d'un acquiescement se limitent à deux échanges avec les distributeurs Maismoinscher et WebAchatFrance. Pour le reste, SEB soutient qu'aucun élément au dossier n'est de nature à caractériser, de sa part, une invitation adressée aux distributeurs membres de son réseau au sens de la définition d'un accord de volontés anticoncurrentiel. Elle fait valoir que les pièces sur lesquelles la notification de griefs s'appuie ne suffisent pas à prouver une telle invitation907, relevant que seules trois pièces ont trait au comportement attendu des distributeurs en général en matière de prix, toutes les autres pièces prétendument incriminantes étant de simples échanges bilatéraux908. En outre, elle ajoute qu'elle n'a mis en œuvre ni surveillance des prix, ni système de suivi et de pénalités909.

608. SEB soutient de plus que les pièces au dossier ne démontrent pas non plus, quand bien même une invitation aurait été adressée aux distributeurs, un acquiescement de ces derniers910. Elle affirme que les services d'instruction, d'une part, s'appuient sur des preuves éparses qui concernent un nombre restreint de distributeurs911 et, d'autre part, ne prennent pas en compte les pièces qui à l'inverse démontrent selon elle l'absence d'application par plusieurs distributeurs des prix conseillés912. Elle estime de surcroît que, faute de preuve de l'adhésion d'une majorité de distributeurs, les éléments apportés par la notification de griefs ne satisfont pas le critère de l'acceptation par un nombre significatif de distributeurs et échouent, dès lors, à établir le caractère généralisé de l'entente alléguée913. SEB relève en outre que les éléments sur lesquels la notification de griefs s'appuie au soutien d'un accord de volontés ne concernent que les ventes en ligne, ce qui selon elle contredit la notion même d'entente généralisée914.

609. S'agissant de l'application effective des prix conseillés, SEB prétend que ses prix conseillés n'étaient pas significativement respectés par une majorité des distributeurs ou pour une majorité des ventes. Elle conteste, en s'appuyant sur une analyse économique, la pertinence du taux de respect des prix allégué par les services d'instruction915.

Sur !'invitation aux fins de respecter un certain niveau de prix

610. Plusieurs pièces du dossier témoignent de l'intention claire de SEB de mettre en place une politique tarifaire - au niveau des prix de détail - et de la faire respecter par ses distributeurs.

611. Les relations de SEB avec ses distributeurs se caractérisaient par 1'envoi régulier de plans d'achat (ou plans de vente), valables pour une période donnée, qui comportaient pour chacun des produits SEB référencés par le distributeur un prix présenté comme le prix de vente généralement constaté, mais qui correspondait en réalité au niveau de prix recommandé par le fabricant. D'après les déclarations de SEB, tout produit avait un seul « prix recommandé permanent» dans ce cadre, quel que soit le canal de vente. Les exemples de plans d'achat versés au dossier et mentionnés aux paragraphes 322 à 326, qui concernent les années 2009 à 2014, précisent ainsi systématiquement les prix de revente recommandés tout en indiquant explicitement que ces derniers sont simplement indicatifs (« PVGC ni mini ni obligatoires»).

612. Les prix recommandés ainsi communiqués ont été toutefois, d'après les déclarations de plusieurs distributeurs, compris comme des prix impératifs, ainsi que l'explique notamment Selectis à propos de la colonne« PVGC »d'un« tableau fournisseur» du premier semestre 2010 : « [l]es fabricants nous imposaient des prix. (... ) Ce n'était pas forcément écrit mais (... ) il fallait rester sur ce niveau de prix-là »916. Le caractère impératif des tarifs recommandés ressort de manière nette d'une communication faite par SEB au grossiste Concerto par l'intermédiaire d'un courriel du 24 mars 2011 : « [n]ous mettons en place un nouveau tarif internet destiné aux plateformes (... ) pour une mise en place au plus tard le 4 avril »917. SEB demande ce faisant à Concerto de « relayer l'information ». À la suite de cette transmission, un distributeur affilié à Concerto s'indigne de la méthode de SEB, soulignant que« suggérer des prix de cession est strictement interdit par la loi »918.

613. De manière indirecte, le compte-rendu de réunion avec Amazon du 28 novembre 2012 montre, à travers la résistance du distributeur devant les exigences de SEB, que cette dernière entend imposer des prix de revente. Dans ce compte-rendu, SEB prend en effet acte de ce qu'Amazon ne veut« pas entendre parler de PVGC » et remarque qu'Amazon devra alors s'accommoder d'une marge moindre en conséquence. Cela étant dit, Amazon « ouvre la porte aux alignements concurrence» mais prévient qu'il sera le dernier à « se repositionner »919.

614. Plusieurs éléments issus des pièces saisies démontrent par ailleurs que SEB exerçait une surveillance régulière des prix de revente constatés sur Internet, à l'égard de divers distributeurs, et que les constatations issues de cette surveillance conduisaient fréquemment à des demandes de remontée des prix. Les consignes données étaient formulées sous forme de périphrases récurrentes utilisant systématiquement le nom de code « stock » pour parler des prix de détail : « remise à niveau des stocks», « remontée des stocks», « caler les stocks», « une action sur les stocks», etc. Ainsi, consciente qu'elle n'avait pas le droit d'intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, SEB utilisait un langage codé. Elle a notamment détourné de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs et comme cela ressort effectivement de très nombreux documents du dossier.

615. L'existence d'une veille automatisée des prix affichés sur Internet, par l'intermédiaire des outils proposés par les prestataires NetVeille et WorkIT, n'est pas contestée par SEB920. Il apparaît que cette méthode de surveillance a été utilisée pour repérer les prix de vente inférieurs au« stock», c'est-à-dire au prix recommandé par SEB. En effet, dans le tableau de relevés de prix WorkIT du 14 mai 2013, la présentation des prix en plusieurs colonnes permet d'identifier les produits et les sites pour lesquels le prix constaté (colonne « A ») se situe en deçà du niveau attendu (colonne « Stock»). En témoigne la colonne distincte consacrée précisément à la différence entre ces deux chiffres (« stock - A ») : lorsque le prix constaté est inférieur, cette information figure en orange avec la mention « problème de stock»921. De la même manière, un courriel interne du 27 septembre 2013 dresse le constat « d'offres percutantes proposées en ce moment à certains (... ) clients», en particulier Mistergooddeal, ce qui motive un regain de vigilance face à des prix jugés trop bas : « [a ]ucun grossiste du réseau ne peut faire de tels prix. Si vous récupérez des infos, merci de me faire un retour »922.

616. Dans des notes manuscrites du 27 mai 2013, une des pistes d'action envisagées consiste à « déterminer une blacklist d'environ JO produits où chaque [Key Account Manager] tous les lundis ira voir chez leurs clients si tout est OK »923. Cette mention est complétée par l'indication que pour ce faire, il sera exigé qu'un collaborateur fasse « un WorkIT tous les lundis »924.

617. Dans des comptes rendus de réunions internes à SEB versés au dossier, la vigilance du fabricant sur les prix de revente pratiqués par les distributeurs et la volonté d'intervenir auprès des distributeurs pour apporter des corrections se manifestent à plusieurs occasions. Il en va ainsi vis-à-vis de Carrefour online, dont la situation est évoquée dans des notes prises entre décembre 2008 et janvier 2009 : « remise à niveau stock», « augmentation PVGC : Carrefour online => proposition »925. De même, dans des notes du 27 mai 2013, il est envisagé d'intervenir auprès d'un groupe de distributeurs relevant de la catégorie Cl pour faire remonter à brève échéance le prix d'un modèle d'aspirateur et d'un modèle de tireuse à bière : « remontée des prix (... ) pour jeudi soir »926.

618. Plusieurs courriels sont encore plus explicites et comportent des demandes ciblées de remontées de prix de revente, parfois avec des échéances déterminées. La succession de courriels adressés en mars et avril 2010 au distributeur Maismoincher ou au grossiste Groupe Digital, telle que décrite au paragraphe 331, en fournit une illustration, soit pour un unique produit, soit pour une liste de produits que SEB précise. Les délais imposés dans ces échanges dénotent leur caractère comminatoire : « dès demain matin», «Je compte sur votre intervention rapide», « le 22/03 et 23/03 », « le jeudi 8 avril matin (... ) merci de votre action»,« une action sur les stocks au 20 septembre au soir».

619. SEB emploie des termes semblables le 22 juillet 2010 à l'égard de WebAchatFrance : « [m]erci d'avance pour votre action». Bien que le courriel ne précise pas l'action demandée, la réponse du distributeur montre que le message a été compris comme une demande de modification de prix : « [j]'ai apporté les rectifications sur 2 modèles »927.

620. La surveillance exercée par SEB est complétée par une surveillance émanant des distributeurs eux-mêmes, qui transmettent au fabricant des alertes sur les prix de revente pratiqués par des distributeurs concurrents. Il ressort de ces échanges que les distributeurs s'attendent à ce que SEB réagisse en intervenant auprès des distributeurs ainsi désignés pour les inviter à remonter les prix ; cette réaction de la part de SEB est en effet observée dans plusieurs cas.

621. Dans les notes manuscrites prises à l'occasion d'un rendez-vous avec Darty le 12 novembre 2008, les prix observés chez plusieurs concurrents sont évoqués, notamment ceux qui vendent sur Internet, Webdistrib (Boulanger) et Pixmania («problème Internet »), de même que chez Carrefour. S'agissant d'une hausse de tarif à rediscuter pendant la seconde quinzaine de décembre, Darty conditionne son accord à une démarche identique des autres concurrents : « Darty OK si autres concurrents augmentent »928.

622. De même, Maismoinscher, invité en mars 2010 à augmenter le prix d'une référence de friteuse, signale plusieurs fois à SEB que la même référence est proposée à un prix moindre sur les sites internet d'autres distributeurs et lui demande d'intervenir929 : « Il faut absolument déstocker les autres partenaires. (... ) D'autres comme Cdiscount ou Amazon n'ont pas bougé voire diminué pour Cdiscount. (... ) Le problème de stock sur l'AL8000 n'est toujours pas résolu sur Amazon, Cdiscount et Grosbill. (... ) Merci de faire sans faute aujourd'hui le nécessaire». À la suite d'un premier signalement, SEB a assuré Maismoinscher que « la demande a été faite aux 2 infos ci-dessous » et, devant l'insistance du distributeur, ajoute : « [u ]ne remontée de stock avait bien eu lieu mais malheureusement elle n'a pas été pérenne dans le temps».

623. Deux autres échanges d'octobre 2013 traduisent le même type de surveillance. Le 14 octobre 2013, la filiale de vente au détail de SEB, dans le cadre d'une opération promotionnelle de déstockage, modifie les « prix de départ » (avant remise) dans ses points de vente Home and Cook à la demande de la société mère. Cette remontée a été motivée par une alerte d'Intermarché930. Le lendemain même de cet échange, un autre distributeur, Ldshop rapporte au grossiste Findis le niveau« 20% moins cher que le PPI » d'un produit SEB supposé « protégé » sur le site internet de Cdiscount931. Le transfert à SEB de ce courriel par le grossiste s'interprète comme la preuve que celui-ci attend que SEB intervienne auprès de Cdiscount pour l'inviter à corriger le prix en conséquence.

624. Ainsi que l'ont expliqué divers distributeurs à propos des fabricants du secteur de manière générale, SEB a eu recours à une segmentation des produits selon les canaux de distribution, voire des distributeurs. Cette segmentation était informelle, se manifestant par la mise en place de listes noires ou par la répartition entre catégories de produits dont la vente par Internet, en particulier, était restreinte. Ainsi, dans un courriel interne du 27 mai 2013, il est fait injonction aux équipes d'entreprendre un « plan correctif immédiat pour faire le ménage » car des produits des catégories « C2 » et « C3 » sont apparus sur Internet alors qu'ils devaient en être exclus, cette exclusion étant présentée comme « un sujet non négociable». Il est précisé qu'une exception est faite pour Darty, Boulanger et But, qui sont des « clients C3 »932.

625. Au cours de cet échange, un directeur des ventes demande confirmation en ces termes : « [l]a demande est de retirer les C3, ce n'est pas que le prix ? ». Il est permis d'inférer de cette interrogation, teintée d'étonnement, un usage en vertu duquel des prix constatés sur Internet et jugés trop bas par SEB appellent une réaction de la part des équipes commerciales.

626. Dans des notes manuscrites du 27 mai 2013, la différenciation entre les catégories de produits apparaît encore plus nettement. Ces notes mentionnent, à propos de machines Nespresso (de marque Krups): « [v]érlfzer que nos clients Cl peuvent faire 99 euros »933.

627. Dans un courriel interne du 25 septembre 2013, injonction est faite de bloquer tous les «produits C3 » à destination du grossiste Findis (« effet immédiat »)934. Le motif de ce blocage n'est pas précisé mais, à la lumière des éléments précédents, celui-ci apparaît sans ambiguïté comme une réponse à la violation d'une interdiction par le grossiste ou des distributeurs affiliés.

628. Quelques jours plus tard, Selectis demande à SEB pourquoi il ne peut pas obtenir certains produits pourtant vendus par Darty, à la suite de quoi SEB diffuse une mise en garde aux équipes en interne : « [a ]ttention, pas de réponse écrite SVP mais urgent de le rappeler. La version officielle : pré-lancement limité, peu de pièces dispos, lancement au [premier semestre] »935.

629. La réaction de SEB au courriel de Selectis prouve indirectement une invitation de SEB adressée à Darty consistant à respecter un certain niveau de prix en échange d'une diffusion limitée des produits. Elle donne crédit, comme il a été indiqué aux paragraphes 320 et 321, aux explications données notamment par les distributeurs WebAchatFrance et Maismoinscher qui, commentant la mise en place d'un système de distribution sélective, ont cité SEB parmi les fabricants ayant mis en place à partir de 2009 ou 2010 un tel système comme moyen d'assurer un niveau de prix plus élevé, en particulier pour la marque Krups. Dans ce contexte, WebAchatFrance relate avoir été invité à remonter ses prix pour une quinzaine de références. En effet, la réaction de SEB au courriel de Selectis prouve indirectement une invitation de SEB adressée à Darty consistant à respecter un certain niveau de prix en échange d'une diffusion limitée des produits.

630. Il apparaît, enfin, que SEB était consciente du caractère illicite de ces invitations et s'est efforcée de réduire les messages en ce sens au strict minimum. Par exemple, en réponse à la réaction d'un distributeur affilié à Concerto soulignant, le 25 mars 2011, l'illégalité de la démarche, SEB indique dans un courriel avoir « omis de le préciser mais aucune communication écrite, ou alors cryptée ne peut être autorisée sur le sujet», ajoutant même : « [j]e pensais que c'était évident »936.

631. Dans des notes prises au cours d'une réunion le 27 mai 2013, SEB rappelle les précautions à prendre dans la communication sur les prix : « [a ]ttention à la communication sur les prix en interne. Utiliser PVGC minimum. Utiliser copie d'écran sans commentaire avec [un appel téléphonique] pour confirmer un mail à côté »937.

Sur l'acquiescement des distributeurs aux invitations de SEE

632. En vertu des principes rappelés dans l'arrêt Super Bock Bebidas de la Cour de justice cité au paragraphe 584, la preuve de l'acquiescement des distributeurs à la fixation, par le fournisseur, de prix minimaux de revente peut résulter de la circonstance que les distributeurs sollicitent de ce dernier l'indication de ces prix et n'en pratiquent pas d'autres de leur propre initiative. Dans ces conditions, des preuves du suivi effectif telles que des relevés de prix ne sont pas nécessaires à la démonstration.

633. De manière générale, il ressort de ce qui précède qu'au regard des échanges entre SEB et plusieurs de ses distributeurs, l'acceptation et l'invitation peuvent être démontrées de manière combinée, l'acceptation par le distributeur en réaction à une demande elliptique de SEB permettant de comprendre que cette demande était une invitation à remonter les prix. Néanmoins, il existe plusieurs preuves documentaires qui attestent, à plus forte raison, que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes de SEB.

634. Dans la succession de messages entre SEB et Maismoinscher échangés en mars et avril 2010, ce distributeur acquiesce sans protester aux demandes que SEB lui adresse. Invité à « régler le problème », il affirme : « [a ]près contrôle de mon stock je [ne] suis franchement pas le plus mal. ( ... )Je vais faire un premier geste quand-même! »938, à la suite de quoi SEB le remercie «pour son action». S'ensuivent trois autres demandes de SEB, auxquelles Maismoinscher obtempère : « [j]'ai commencé à agir sur le stock (...) suite à votre mail d'hier»; « concernant la remontée de stock avez-vous une idée du niveau souhaité par rapport aux stocks normaux ? (... ) Nous allons donner une impulsion sur le site dès ce soir pour vous accompagner dans ce sens»;« [j]'espère qu'on ne sera pas les seuls comme la dernière fois ! »939.

635. À la suite d'une demande adressée par SEB le 22 juillet 2010, WebAchatFrance confirme avoir« apporté les rectifications sur [deux] modèles ». De même, pour justifier une demande de remontée de prix le 11 mars 2010, SEB a indiqué au distributeur Group Digital:« [a]ction déjà constatée chez les spécialistes référents »940.

636. Un comportement semblable a été observé de la part d'Intermarché, comme il a été décrit plus haut, Intermarché demandant à SEB une modification de ses propres prix avant remise, afin que les divergences de prix entre les deux enseignes puissent être gommées en apparence.

637. S'agissant d'Amazon, il ressort des notes de la réunion du 28 novembre 2012 que celui-ci demande à avoir les mêmes produits que Darty et s'engage à rester« sur la recommandation de positionnement » de prix de SEB, à condition de pouvoir vendre les mêmes produits que Darty. Au cours d'une réunion ultérieure, attestée par un compte-rendu du 2 octobre 2013, SEB déplore qu'Amazon puisse s'aligner sur les prix de Webdistrib (Boulanger) : « Webdistrib est matché par Amazon, frais de port compris »941. Amazon souligne à ce titre que SEB est responsable des prix de vente au détail, à quoi SEB rétorque que les distributeurs le sont tout autant. Cet échange démontre la perception par Amazon, non démentie par SEB, selon laquelle il existe une invitation permanente et effective adressée à tous les distributeurs aux fins de respecter un niveau de prix et un consentement, de la part des distributeurs, à suivre les directives de prix du fabricant. La résistance d'Amazon, décrite ci-dessus et déplorée par SEB, met en lumière la réalité de l'acceptation qui est d'usage parmi les distributeurs.

Sur le caractère généralisé de l'entente

638. Plusieurs preuves documentaires mentionnées précédemment tendent à établir que les invitations adressées par SEB étaient destinées à l'ensemble des distributeurs dont SEB était à même de contrôler les prix. Il ressort des échanges que la surveillance exercée par SEB portait sur les prix affichés par les différents distributeurs actifs sur Internet. Cette surveillance était renforcée, de manière non négligeable, par les remontées d'informations de la part de distributeurs qui constataient par eux-mêmes les prix pratiqués en ligne par des concurrents.

639. Certains exemples d'invitation manifestent la volonté de SEB d'assurer une application homogène, par un éventail large de distributeurs, des prix de revente souhaités. Les demandes adressées à des grossistes en sont une bonne illustration. Ainsi, le 17 mars 2010, dans un courriel à Group Digital, SEB précise que l'action de « remontée de stock » sur la friteuse AL8000 « a lieu chez tous les revendeurs». Le 24 mars 2011, SEB indique au grossiste Concerto, pour retransmission à des distributeurs affiliés, la mise en place d'un « nouveau tarif internet destiné aux plateformes qui revendent éventuellement à des sites internet». Une vigilance quant à l'application large et homogène des prix conseillés ressort en outre du courriel interne portant sur les prix observés chez Mistergooddeal: « [a]ucun grossiste du réseau ne peut faire de tels prix (... ) merci de me faire un retour ».

640. Enfin, de manière plus ponctuelle mais tout aussi éloquente, des réactions de certains distributeurs soulignent que le niveau des prix de revente des produits SEB est entendu comme un paramètre qu'il appartient à SEB de contrôler et de corriger à la hausse. Maismoinscher signale à ce titre le 12 mars 2010 qu'il « faut absolument déstocker les autres partenaires». De même, Amazon souligne au cours d'une réunion du 2 octobre 2013 que SEB est « responsable des prix de vente public », ce que SEB, tout en affirmant que cette responsabilité est partagée avec les distributeurs, ne conteste pas.

Conclusion sur l'accord de volontés

641. Il ressort de ce qui précède qu'un faisceau d'indices graves, précis et concordants, constitué d'échanges internes à SEB ou d'échanges des distributeurs ou grossistes, établit qu'il a existé entre SEB et ces derniers un accord de volontés sur l'application de la stratégie unilatérale de SEB quant au niveau des prix de détail des produits de petit électroménager. S'il est vrai que les exemples d'invitation et d'acceptation se rapportent à des produits vendus sur Internet, le nombre de distributeurs concernés est significatif, sans qu'il soit besoin de rechercher s'ils représentent la majorité des distributeurs, dans un contexte où de surcroît, SEB avait pris soin de leur donner pour consigne de ne pas laisser de trace écrite. Ainsi, l'entente verticale mise en lumière doit être considérée comme généralisée, au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus.

Sur l'existence d'une restriction de concurrence

642. SEB conteste la qualification de restriction de concurrence par objet dans son mémoire en réponse au rapport.

643. En premier lieu, SEB soutient, que les pratiques qualifiées dans la notification de griefs et le rapport ne remplissent pas les critères définis par la Cour de justice dans l'arrêt Super Bock Bebidas du 29 juin 2023 quant à la démonstration d'une restriction de concurrence par objet. SEB insiste en effet sur la position désormais plus nuancée de la Cour de justice en matière de prix de revente imposés, en particulier pour ce qui concerne la nocivité de ces pratiques942. À ce titre, SEB considère que les services d'instruction n'ont procédé à aucune analyse « approfondie et convaincante» de la nature des pratiques qu'ils lui reprochent, de leurs objectifs et du cadre concret juridique et économique dans lequel elles s'insèrent943.

644. SEB prétend en outre que les services d'instruction n'ont pas démontré un degré de nocivité suffisant pour caractériser une restriction de concurrence944. En particulier, les contrats de distribution sélective, les barèmes de prix et le recours à des services de veille sur les prix n'auraient selon SEB aucune teneur anticoncurrentielle et ne poursuivraient aucun objectif anticoncurrentiel945.

645. En deuxième lieu, SEB allègue que la démonstration des services d'instruction traduit une confusion entre les notions de « restriction caractérisée » au sens du règlement européen sur les restrictions verticales946 et « restriction par objet » au sens de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE. La circonstance qu'un accord vertical sur les prix de revente constitue une restriction caractérisée, insusceptible d'ouvrir droit au bénéfice de l'exemption par catégorie prévu par le règlement ne dispense pas d'apprécier l'accord en cause au regard de sa teneur, de ses objectifs et de son contexte947.

646. En troisième lieu, SEB avance que les pratiques visées par le grief ont eu des effets pro­ concurrentiels, en ce que les distributeurs, protégés d'une concurrence par les prix, étaient dès lors d'autant plus incités à se livrer une concurrence par les services et les efforts de vente948.

647. En quatrième et dernier lieu, SEB soutient que l'effet anticoncurrentiel d'une entente verticale sur les prix serait limité lorsque la concurrence inter-marques est suffisamment forte et qu'il existe, en l'espèce, une très forte concurrence sur les prix949.

648. Toutefois, il a été démontré que les comportements adoptés par SEB et ses distributeurs ont clairement eu pour objet de fixer de façon directe les prix de vente des distributeurs des produits de PEM des différentes marques commercialisées par SEB. Cela résulte par exemple de la multiplicité des références aux « stocks » en tant que prix de revente recommandés et attendus par SEB et des appels de ce dernier à des actions correctrices au vu de baisses observées. L'accord, soutenu par des mesures à la fois de surveillance et de discipline, avait ainsi pour objet de faire obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs au regard des recommandations de prix du fabricant, entendues comme des prix impératifs. La teneur de l'accord est donc établie de manière suffisamment précise au regard du standard pertinent.

649. En ce qui concerne le contexte juridique, l'accord est susceptible de relever, comme le souligne SEB, de la catégorie des « restrictions caractérisées » au sens des règlements 2790/1999 et 330/2010950, compte tenu de ses caractéristiques, notamment du fait qu'il tendait à imposer des prix sous couvert de prix recommandés. Cette précision étant apportée, et dans la mesure où aucune exemption par catégorie n'est envisagée, il y a lieu de souligner que les accords verticaux sur les prix sont de manière constante qualifiés de restriction par objet par la jurisprudence et la pratique décisionnelle rappelées aux paragraphes 596 et 597. La mise en place d'un réseau de distribution sélective, qui a existé dans une certaine mesure dans la présente affaire sans toutefois constituer un facteur majeur dans la mise en œuvre des pratiques, n'est pas de nature à faire obstacle à la qualification de restriction par objet d'une entente sur les prix.

650. Le contexte économique se caractérise, quant à lui, par la conjugaison de l'essor de la vente en ligne de produits de petit électroménager, d'une part, et de l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En témoignent le recours systématique à partir de 2010 à des outils de surveillance des prix affichés sur Internet proposés par Net-Veille et WorkIT, de même que l'identification de certains revendeurs comme étant des « pure players » dont la politique de prix a pu justifier une vigilance accrue de la part de SEB.

651. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à SEB de fixer directement les prix de revente de ses produits. Par le contrôle des prix pratiqués sur Internet et l'intervention auprès des distributeurs concernés, SEB s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs. Ce faisant, SEB veillait à préserver l'équilibre de ses distributeurs physiques (ou hybrides), dont les deux principaux, Darty et Boulanger.

652. Les effets prétendument pro-concurrentiels évoqués des pratiques ne sont pas démontrés au-delà des seules affirmations de SEB. N'étant ni avérés, ni pertinents, ni propres à l'accord ou suffisamment importants, ils ne peuvent permettre de « raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l'égard de la concurrence», au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 598. Au demeurant, l'intensité de la concurrence inter-marque est une donnée dont il pourra être tenu compte dans l'appréciation de la gravité des pratiques, non de l'existence d'une restriction de concurrence.

653. Il ressort de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'en examiner les effets, que les pratiques mises en œuvre par SEB présentent un degré de nocivité certain pour le libre jeu de la concurrence par les prix. Par conséquent, elles ont eu pour objet de restreindre la concurrence intra-marque sur le marché des produits de petit électroménager.

Sur la durée des pratiques

654. SEB soutient que si une entente était retenue, l'Autorité devrait considérer qu'elle a pris fin en octobre 2013, car la notification de griefs ne contient aucun élément de preuve d'une quelconque pratique au-delà951.

655. En l'espèce, le premier élément de preuve établissant un accord de volontés anticoncurrentiel résulte des notes manuscrites, datées du 12 novembre 2008, prises lors d'une réunion avec des représentants de Darty. Comme il a été vu au paragraphe 621, ces notes rendent compte, non seulement d'une hausse programmée de tarifs, mais aussi d'une invitation de SEB à maintenir un certain niveau de prix, invitation à laquelle Darty répond en conditionnant sa propre hausse de prix à une hausse équivalente de la part des concurrents.

656. Quant à la fin de la pratique, il y a lieu de considérer, comme le soutient SEB, que le dernier élément de preuve est le courriel du 15 octobre 2013, par lequel le grossiste Findis relaie auprès de SEB le signalement d'un distributeur à propos des prix observés chez Cdiscount pour un« produit protégé», prix situé 20 % en dessous du« PPI ». Comme il a été vu au paragraphe 337, cet échange témoigne à la fois de la surveillance des distributeurs concurrents à l'égard des uns des autres et de l'invitation qui est attendue de SEB par les distributeurs en vue d'assurer la discipline commune.

657. Au-delà de cette date, les seuls indices de la persistance d'un accord de volontés consistent en la diffusion des tableaux de prix conseillés, à savoir les plans d'achat ou plans de vente, dont la validité s'étend, selon les déclarations de SEB,jusqu'à la fin de l'année 2014. Or en l'absence de preuve concrète d'invitation, a fortiori d'acquiescement pendant cette période, l'Autorité considère que la diffusion de ces prix ne suffit pas à prouver un accord de volontés.

658. Entre ces deux dates, les autres éléments de preuve mentionnés plus haut sont suffisamment rapprochés dans le temps pour qu'il puisse être raisonnablement admis que l'infraction s'est poursuivie de manière ininterrompue. La persistance de la volonté anticoncurrentielle au sens de la jurisprudence se déduit notamment de l'usage, par SEB, des mêmes procédés et du même vocabulaire, en particulier pour ce qui concerne le« stock».

659. Il est donc établi que SEB a mis en œuvre une entente verticale sur les prix avec ses distributeurs, du 12 novembre 2008 au 15 octobre 2013, soit pendant 4 ans, 11 mois et 3 jours.

c) Application au cas d'espèce, s'agissant de l'entente entre Boulanger et ses fournisseurs, fabricants de produits électroménagers (grief n° 12)

660. Comme le démontrent les éléments détaillés au titre des constatations, dont une partie est reprise ci-après, l'entente entre Boulanger et ses fabricants et fournisseurs portait sur les produits de gros et de petit électroménager commercialisés par ces derniers.

661. Pour les raisons déjà exposées au paragraphe 633 ci-avant pour ce qui concerne l'accord de volontés entre SEB et ses distributeurs, l'invitation et l'acceptation peuvent être démontrées de manière combinée. Il ressort en effet des éléments documentaires qui figurent au dossier, en particulier des courriels échangés, que l'acquiescement de Boulanger à une demande explicite ou implicite formulée par un fournisseur n'a de sens, dans la plupart des cas, que si cette demande avait pour finalité une augmentation de prix ou le maintien d'un prix à un certain niveau. L'Autorité exposera donc, en premier lieu, les éléments de preuve qui démontrent une acceptation de la part de Boulanger et, en deuxième lieu, les éléments dont il s'infère nécessairement, pour chacun de ces exemples d'acceptation, qu'il fait suite à une invitation. En troisième lieu, seront exposés les éléments qui démontrent la participation active que Boulanger a eue, au moyen de mesures de surveillance, dans le maintien des prix sur le marché.

Sur l'existence d'un accord de volontés

Sur l'acceptation par Boulanger

662. S'agissant des conditions requises pour mettre en cause un distributeur pour sa participation à une entente verticale, Boulanger soutient dans son mémoire en réponse au rapport qu'il faut, d'une part, démontrer non seulement l'acceptation du distributeur, mais aussi sa participation active et, d'autre part, démontrer une acceptation au titre des ententes mises en œuvre par chacun des fournisseurs952. Elle prétend que les services d'instruction ont échoué à faire cette double démonstration. Par ailleurs, elle fait valoir que les mesures de surveillance à l'égard de ses concurrents n'auraient servi qu'à négocier à la baisse les prix d'achat négociés avec les fabricants et fournisseurs953.

663. Enfin, à l'instar de SEB, Boulanger formule un ensemble de contestations sur le taux de respect retenu par les services d'instruction pour caractériser, à titre de preuve d'une acceptation, l'application effective des prix conseillés.

664. Toutefois, les exigences probatoires avancées par Boulanger, s'agissant de la mise en cause d'un distributeur pour sa participation à une entente généralisée avec ses fournisseurs, ne sont pas celles de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence.

665. Les analyses développées, en particulier, dans la décision du Conseil de la concurrence dans l'affaire des Parfums, de même que les arrêts rendus par la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation dans cette même affaire, sont pertinentes dans le cas d'espèce.

666. Ainsi qu'il a été indiqué au paragraphe 586, il est loisible à l'Autorité d'apprécier globalement la fiabilité du faisceau d'indices, chaque élément du faisceau n'ayant pas à répondre au critère de preuves précis, graves et concordants dès lors que le faisceau répond lui-même à cette exigence954. Enfin, en ce qui concerne l'implication des enseignes de distribution dans l'entente verticale,« elle s'apprécie également au regard des éléments les concernant dans le faisceau relatif à chacun des fournisseurs, la réunion de ces indices constituant le faisceau propre à chacun de ces [distributeurs], dont il convient d'apprécier, pour démontrer l'entente, le caractère grave, précis et concordant »955.

667. Quant à l'application effective des prix conseillés, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour de justice, ce critère n'est pas indispensable dès lors que l'acquiescement du distributeur peut également être démontré par d'autres moyens, tels que des preuves littérales associées à des éléments comportementaux.

668. En l'espèce, les preuves documentaires issues d'échanges entre fabricants et Boulanger ou d'échanges internes aux fabricants établissent, à l'égard de Boulanger, à la fois une adhésion et une participation active à leur politique de prix. Ces preuves, qui seront examinées pour chacun des fabricants de produits électroménagers, concernent également le site internet Webdistrib, appartenant à Boulanger. Les pièces du dossier montrent en outre que Boulanger a exercé une surveillance à l'égard des autres distributeurs en vue d'assurer l'application de cette politique.

♦ Smeg

669. Un courriel interne du 18 avril 2011 demande une « remontée de prix le mardi 26 avril» pour une série de produits. Il est suivi d'un retour le 27 avril 2011 confirmant que les hausses ont globalement été appliquées, y compris par Boulanger et Webdistrib: « Globalement OK pour MGD, BOUL, Webdistrib, !ménager »956.

670. Dans des courriels envoyés entre fin décembre 2011 et début janvier 2012, le directeur Grands Comptes de Smeg informe Boulanger d'une évolution prévisible du« stock» d'un produit, la cuisinière Smeg CG90IX: « Nous avons en stock 2000p et au 01/03 nous augmenterons notre stock à 2200p ». Le premier message, du 30 décembre 2011, contient un lien vers la page de Webdistrib avec la demande suivante : « [p ]ouvez-vous modifier votre stock à un niveau plus modéré?». Dans un second message, du 2 janvier 2012, le représentant de Smeg remercie son interlocuteur chez Boulanger957.

671. Le 2 mars 2012, Smeg a demandé à Boulanger de « revoir le stock [d'un réfrigérateur] à 1000p pour lundi». À la suite de l'insistance de Smeg- «m'aider rapidement sur ce point» - Boulanger confirme le 8 mars en ces termes : « OK, le nécessaire a été fait ce jour »958.

672. Le 16 mars 2012, Smeg transmet à Boulanger deux propositions de référencement pour des produits à la suite d'un rendez-vous quelques jours plus tôt. Le courriel précise les modèles, l'interdiction de vente sur Internet le cas échéant, et les deux données suivantes: prix d'achat et « Stock», soit le prix de vente attendu. Ainsi : « CS20FB-8 (... ) pour une présence dans tous les magasins exclusivement (pas d'internet) PA: 1100 euros STOCK: de 2000 à 2500p ».

673. Les échanges internes à Smeg du 5 avril 2012 ayant pour objet« LBS] 47X boulanger» font apparaître que Smeg s'est alarmé de constater qu'une référence était vendue par Boulanger à un prix trop bas, apparemment afin d'être aligné sur le prix d'Ubaldi. Cette situation, qui faisait craindre à Smeg de devoir mettre en place un rattrapage de marge au profit d'une autre distributeur, vraisemblablement Darty, a conduit Smeg à demander à Boulanger, avec succès, une hausse immédiate: « Li]'ai réussi à ce que [le représentant de Boulanger] remonte immédiatement le prix en attendant de pouvoir en discuter »959. Le rattrapage de marge (par la baisse du prix d'achat) est ainsi mentionné expressément comme conséquence, déplorée par Smeg, du non-respect du prix de revente recommandé par un distributeur concurrent.

674. Le 24 mai 2012, le directeur Grands Comptes de Smeg transmet dans un courriel à un chef de produits de Boulanger des informations sur un centre de cuisson, produit protégé par le contrat de distribution sélective, notamment le prix d'achat et le prix attendu pour une opération promotionnelle réservée aux magasins: « STOCK magasin: 2200P ». Boulanger accuse réception en prenant acte du prix et en l'acceptant: « OK prix net injecté »960.

675. Dans les extraits de courriels reproduits aux paragraphes 671 et 672 ci-avant, il apparaît d'après la teneur et le contexte des messages que Smeg s'efforce de dissimuler des demandes de modifications de prix par une formulation cryptée, où le « stock» exprimé formellement en nombre de pièces (« 1OOOp » etc.) reflète en réalité un prix en euros.

676. La succession d'échanges internes à Smeg entre le 14 et le 20 septembre 2012 décrite au paragraphe 356 montre les efforts de Smeg pour convaincre les distributeurs en ligne de remonter les prix et la résistance d'Ubaldi notamment. Selon les termes d'un responsable commercial de Smeg : « [j]e reviens vers vous au sujet de la remontée de prix demandée pour la CP60X9 ». Après avoir accepté de « mettre à jour [son] stock» sur son site Webdistrib, Boulanger s'est ensuite alignée sur le prix plus bas pratiqué par d'autres, ainsi que l'observe Smeg: « Webdistrib a tenu le prixjusqu 'à lundi puis est redescendu au niveau d 'Ubaldi »961.

677. Plusieurs échanges constatés entre le 28 juin et le 11 juillet 2013 font apparaître une acceptation par Boulanger des exigences de Smeg. Ainsi, Boulanger accepte d'aligner les prix pratiqués sur Webdistrib et iMénager sur ceux de certains distributeurs (Darty et Ubaldi), à l'exclusion des autres réputés pratiquer des prix plus bas : « [d]'accord pour se benchmarker uniquement sur DARTY et UBALD! donc pas d'alignement sur les autres sites »962. Plus tard, des invitations à« se caler» ou à« caler le stock» sont suivies d'effet, Smeg devant néanmoins insister par« quelques appels de rappel »963. Le 12 octobre 2013, à la suite d'un appel semblable, il est rapporté en interne que « Bou![ anger] remonte demain matin».

678. En outre, dans le cadre d'un suivi en temps réel des prix sur WorkIT, Smeg insiste en interne, le 2 juillet 2013, sur la nécessité de «faire respecter la mise en stock», sous peine de provoquer la désapprobation de Boulanger. Ce dernier échange permet d'inférer que Boulanger accepte de maintenir ses prix à un niveau plus élevé, à la condition, implicite ou explicite, que les autres distributeurs fassent de même964. De la même manière, cet acquiescement de Boulanger à un alignement des prix« vers le haut» explique l'injonction, donnée par Smeg le 11 octobre 2013, de faire « remonter Mistergooddeal ( ... )pour que web[ distrib] et imenager puisse[ nt] remonter aussi »965.

679. Enfin, les échanges du 15 octobre 2013 internes à Smeg concernant une demande de remontée des prix, notamment chez Webdistrib (groupe Boulanger)(« [p]eux-tu caler( ... ) imenager web distrib exactement au stock pour demain ») démontrent que Boulanger a accepté cet alignement (la réponse au courriel initial indique ainsi «fait» concernant la remontée des prix).

♦ Whirlpool

680. Ont été saisies plusieurs listes de tarifs de la gamme « lavage » de Whirlpool, datées du 20 juillet 2012. Ces listes étaient destinées à plusieurs distributeurs, dont Boulanger, et indiquaient un « PPI promo» qui leur était proposé. Pour la référence FL9125, correspondant à un lave-linge LADEN, proposée initialement au prix promotionnel de 300 euros, Whirlpool a noté la précision suivante, qui illustre l'acceptation du distributeur : «proposition bundle AMB3972 [sèche-linge LADEN] @ 800 € Boulanger. Validée Boui »966.

♦ BSH

681. Il ressort de l'audition d'un salarié de BSH que les prix bas observés sur Internet étaient une cause de mécontentement pour des distributeurs, dont Boulanger : « Les clients traditionnels (DARTY, BOULANGER) mais également les petites enseignes se plaignaient des prix pratiqués sur Internet. On surveillait Internet car les clients traditionnels menaçaient de ne plus vendre les produits BSH »967. BSH explique ainsi la surveillance des prix, au moyen d'outils de veille automatisée, par une demande émanant précisément de clients distributeurs tels que Boulanger et Darty tendant au maintien d'un certain niveau de prix par les concurrents. Toutefois, cet élément de preuve ne permet pas de situer la commission des pratiques dans le temps et doit donc être considéré comme relevant simplement du contexte.

682. Des échanges internes à BSH du 16 juin 2010 font état d'une opération temporaire ou « phase de test » lancée par Boulanger et consistant à aligner ses prix sur ceux d'Ubaldi, contrairement au « principe » selon lequel Boulanger vend 15 % plus cher qu'Ubaldi («principe Stock UB +15% »). BSH indique avoir dès lors mis en garde Boulanger : « Boulanger est en phase de test sur leur site internet. Principe Stock UB +15%. (... ) Je viens de valider avec [Boulanger] que ce test n'était pas acceptable( ... ) Il consent et accepte de remettre les bons niveaux dès demain matin au plus tard à 12H». L'acceptation de Boulanger est conditionnée à une explication attendue de BSH : « BOULANGER souhaite que nous leur expliquions nos Actions sur le dossier UB. Sans action et explication de notre part à compter de lundi, tout dégringole»; en d'autres termes, Boulanger menace de baisser les prix des produits BSH si rien n'est fait pour mieux contrôler les prix pratiqués par Ubaldi.968.

683. Le 2 septembre 2011, dans un courriel interne à BSH, sont énumérés les points qui seront évoqués lors d'un rendez-vous avec Boulanger, parmi lesquels : « [l]'application de notre hausse tarifaire est une nécessité» et« [m]aintien du PVM» (prix de vente moyen)969.

684. Dans un tableau, établi aux alentours du 6 octobre 2011, saisi dans les locaux de BSH et intitulé « Darty/Boulanger », les plans de vente des deux distributeurs sont comparés, indiquant les prix de vente respectifs avant et après une hausse de « PVC » à l'issue de négociations. S'agissant des références vendues par Boulanger, les mentions suivantes sont notamment inscrites dans une colonne« commentaires » : « ok nego sur pvc 849 », « ok nego 659 », « ok nego 799 (idem darty) »970. Ainsi, il ressort de cette pièce que les négociations entre BSH et Boulanger portaient sur le niveau des prix de revente aux consommateurs finaux.

♦ Candy Hoover

685. Des notes manuscrites prises le 31 août 2010 au cours d'un échange avec Boulanger témoignent de ce que les négociations entre ce fabricant et le distributeur portaient directement sur le prix de revente.

686. Un courriel interne à Candy Hoover du 23 avril 2012 et ayant pour objet « discours BOULANGER/DARTY » comporte une rubrique consacrée aux éléments de langage relatifs à Boulanger. Plusieurs passages insistent sur le fait que Boulanger souhaite donner plus d'importance aux fournisseurs qui « préservent la valeur» ou « défendent la valeur», plus précisément ceux qui « tiennent » leur politique commerciale. Il se déduit des termes du courriel que Candy Hoover se compte parmi les fournisseurs ainsi décrits, du moins pour le GEM en« pose libre et encastrable »971.

687. Dans un courriel interne du 28 septembre 2012, le directeur Commercial et Marketing PEM de Candy Hoover annonce à ses équipes la fin d'une offre promotionnelle sur un aspirateur­ balai, tout en donnant des consignes pour la poursuite de sa commercialisation à de nouvelles conditions de prix,« avec un positionnement à 139€ comme à l'origine »972. Il ressort de ces consignes que ce produit doit être réservé à une liste limitative de distributeurs, dont Darty et Boulanger, à l'exclusion des pure players dont les prix de vente, bien plus bas, sont rappelés. L'auteur du courriel indique qu'à l'inverse, Darty et Boulanger « ont suivi à 129€ ». Il ressort ainsi de cette pièce que Candy Hoover approuve le positionnement de prix de Boulanger, lequel apparaît conforme à ses propres recommandations.

688. Des échanges de courriels du 30 mai 2013 avec Boulanger mentionnent expressément les niveaux de prix auxquels sont positionnés certains produits (sèche-linges) y compris dans le cas d'actions promotionnelles envisagées pour le mois d'octobre 2013. Il y est indiqué en particulier le prix de revente (« stock») convenu avec Boulanger en contrepartie d'une exclusivité pour une référence donnée:« PA net HT S/F 355€ en exclusivité Boulanger pour stock 750/700 »973. Quelques jours plus tard, un courriel interne du 3 juin 2013 mentionne les prix de revente d'une action promotionnelle à venir chez Boulanger sur la gamme sèche­ linge974.

689. Dans plusieurs messages à destination de Boulanger, les 1er et 16 juillet 2013 et entre le 9 et le 26 septembre 2013, Candy Hoover évoque les propositions commerciales sur divers produits, en précisant systématiquement les prix de revente attendus : « pour stock». Dans le dernier de cette série de messages, en particulier, l'interlocuteur de Boulanger demande confirmation du résultat de discussions antérieures : « [e ]st-ce bon pour le LV» Candy Hoover lui répond, s'agissant d'un lave-vaisselle destiné aux soldes d'hiver 2014, en précisant la référence du produit, le prix d'achat, les quantités livrées et enfin le prix de revente attendu:« stock 330 »975.

♦ Electrolux

690. Plusieurs échanges entre Electrolux et Boulanger à la suite de conversations téléphoniques démontrent que le prix de revente de certains produits de GEM est expressément proposé par le fabricant et soumis à l'acceptation du distributeur. De tels échanges apparaissent dans les courriels des 28 et 29 août 2012: « [c]omme évoqué ensemble( ... ) stock 399 »; « [s]uite à notre conversation téléphonique ( ... )je te confirme (... ) stock 479 »976. Des messages ayant le même objet et formulés dans les mêmes termes ont lieu en outre le 22 février 2013 pour une opération promotionnelle sur la boutique en ligne de Boulanger en mai 2013977, ainsi que le 3 mai 2013, où le prix de revente d'un lave-linge est vanté pour la marge que Boulanger peut espérer obtenir: « stock 429,99 (donc plus de marge que pour ton produit anniversaire) »978.

691. Dans un courriel du 29 octobre 2012, Electrolux avise Boulanger de la vente d'un sèche­ linge par l'enseigne Auchan (« tes amis aux oiseaux ») et indique se renseigner sur le prix de vente normal du produit : « [j]e me renseigne concernant le niveau de stock »979. Bien qu'aucune réponse de Boulanger ne figure au dossier, il est permis de déduire de ce courriel que Boulanger attend cette information de la part d'Electrolux afin de fixer de son côté le prix de revente du même produit en conséquence, ou du moins qu'Electrolux suppose que Boulanger attend cette information.

♦ FagorBrandt

692. Le 30 mars 2009, un courriel interne à FagorBrandt insiste sur les conséquences de la baisse de prix observée chez Ubaldi : « [j]e suis désolée de mettre à nouveau le sujet à l'ordre du jour mais Darty et Boulanger ont décidé de réagir face à la politique de prix d'Ubaldi. (... ) Boulanger: baisse uniquement sur les inductions pour le moment. ( ... )Pourriez-vous dans un premier temps faire remonter d'urgence les stocks à - 20% comme convenu entre vous et Ubaldi ? »980 En d'autres termes, il apparaît que Boulanger- de même que Darty- s'aligne sur les prix d'Ubaldi lorsque la différence avec ce dernier est trop importante, mais qu'au demeurant il a tendance à respecter les PPI de FagorBrandt. Ce comportement de la part de Boulanger, de même que la menace qu'elle mette en œuvre un tel comportement, incite FagorBrandt à intervenir pour qu'Ubaldi, le distributeur concurrent, augmente ses prix.

693. Dans un échange de courriels interne à FagorBrandt du 9 novembre 2010, face à une baisse de prix par Ubaldi (« Ubaldi a relâché la blacklist en induction »), suivi d'un alignement de Darty sur le niveau de prix d'Ubaldi, il est indiqué que Boulanger« menace d'annuler toutes ses tables induction Sauter si le problème n'est pas réglé d'urgence». Une consigne de remontée de prix chez Ubaldi est donnée, de même qu'une consigne de remontée générale de prix d'une référence de plaque de cuisson: « [e]st-il possible de faire remonter la [référence] chez tous les intervenants pour lundi par exemple ? (... ) Sinon Boulanger m'annule 600 tables »981. De même, un courriel interne à FagorBrandt du 3 mai 2011 alerte sur le fait que « la blacklist est explosée chez Ubaldi » et que les équipes « essaye[ nt] de faire remonter pour la semaine les références suivantes : [références]. Je réponds quoi à Boulanger et Darty principalement? »982.

694. Il est ainsi permis de constater que Boulanger se livre à une surveillance des prix pratiqués par les distributeurs concurrents. En outre, il apparaît que Boulanger exerce une pression sur FagorBrandt et, ce faisant, tend à assurer le maintien des prix à un certain niveau.

695. Un autre moyen de pression dont Boulanger fait usage est la demande de compensation, en présence d'une baisse constatée de prix de la part de distributeurs concurrents. Cela ressort par exemple d'un échange interne à FagorBrandt du 7 juillet 2010 s'agissant d'un site de vente en ligne. Il y est souligné la nécessité de faire remonter les prix, sous peine de voir Darty et Boulanger imposer des pénalités (baisses des prix d'achat des produits ou remises sur des achats futurs):« [p]our le reste, merci de ton aide car Boulangers 'est aligné, Darty doit déjà l'être ou le sera demain. Si ces deux enseignes venaient à aligner leur réseau en fin de semaine, ça va me couter une fortune en compensation »983.

696. L'échange décrit au paragraphe précédent, et le mécanisme de la compensation qu'il illustre, met en lumière la dynamique de l'accord entre Boulanger et le fabricant. Le respect des prix de vente conseillés assure à Boulanger un certain niveau de marge. Or si une baisse du prix de revente est constatée de la part de distributeurs concurrents, comme dans le cas d'espèce, Boulanger est incité à s'aligner afin de rester compétitif, mais en contrepartie demande au fournisseur une compensation de la marge perdue.

Sur l'invitation formulée par les fournisseurs

697. Boulanger reproche aux services d'instruction de s'être fondés sur la communication des plans de vente par les fournisseurs pour caractériser une invitation anticoncurrentielle, estimant que cette preuve est insuffisante984.

698. Toutefois, quelle que le soit la valeur accordée à la communication des plans de vente, les échanges écrits mentionnés ci-avant sont eux-mêmes suffisamment explicites et circonstanciés pour démontrer une invitation. Plusieurs propos des fournisseurs, en effet, expriment une invitation adressée spécifiquement à Boulanger, à laquelle ce dernier réagit dans les conditions exposées aux paragraphes 668 et suivants. Ces propos seront rappelés dans l'ordre chronologique pour chaque fournisseur.

♦ Smeg

699. Il ressort des éléments de preuve documentaires que Smeg a adressé à Boulanger des invitations formulées dans les termes suivants :

- demande d'une « remontée de prix le mardi 26 avril», le 18 avril 2011 ;

- « [p]ouvez-vous modifier votre stock à un niveau plus modéré?», le 30 décembre 2011 ;

- demande de« revoir le stock [d'un réfrigérateur] à l000p pour lundi», le 2 mars 2012;

- « CS20FB-8 (... ) pour une présence dans tous les magasins exclusivement (pas d'internet) PA: 1100 euros STOCK: de 2000 à 2500p », le 16 mars 2012;

- « [j]'ai réussi à ce que [le représentant de Boulanger] remonte immédiatement le prix», le 5 avril 2012 ;

- indication du« STOCK magasin: 2200P », le 24 mai 2012;

- « [j]e reviens vers vous au sujet de la remontée de prix demandée pour la CP60X9 », entre le 14 et le 20 septembre 2012 ;

- invitation à « se benchmarker », à « se caler » et à « caler le stock», le 28 juin et le 11 juillet 2013 ;

- «faire respecter la mise en stock», le 2 juillet 2013 ;

- « remonter Mistergooddeal (... ) pour que web[ distrib] et imenager puisse[ nt] remonter aussi», le 11 octobre 2013.

- « [p ]eux-tu caler (... ) imenager web distrib exactement au stock pour demain », le 15 octobre 2013.

♦ Whirlpool

700. Il ressort des éléments de preuve documentaires que Whirlpool a adressé à Boulanger des invitations formulées dans les termes suivants : indications d'un « PP! promo» et d'une «proposition bundle AMB3972 (... ) Validée Boul », le 20 juillet 2012.

♦ BSH

701. Il ressort des éléments de preuve documentaires que BSH a adressé à Boulanger des invitations formulées dans les termes suivants :

- « remettre les bons niveaux dès demain matin au plus tard à 12H », le 16 juin 2010 ;

- « [1]'application de notre hausse tarifaire est une nécessité», le 2 septembre 2011 ;

- indication des prix de vente respectifs,« PVC avant/après hausse», le 6 octobre 2011.

♦ Candy Hoover

702. Il ressort des éléments de preuve documentaires que Candy Hoover a adressé à Boulanger des invitations formulées dans les termes suivants :

- description du fournisseur comme étant de ceux qui « tiennent leur politique commerciale», le 23 avril 2012 ;

- indication d'un« positionnement à 139€ comme à l'origine», le 28 septembre 2012 ;

- « pour stock» le 30 mai, le 9 et le 26 septembre 2013.

♦ Electrolux

703. Il ressort des éléments de preuve documentaires qu'Electrolux a adressé à Boulanger des invitations formulées dans les termes suivants :

« stock 399 »et« stock 479 », les 28 et 29 août 2012;

« [a]ttention pour info ( ... )concernant le niveau de stock», le 29 octobre 2012.

♦ FagorBrandt

704. Il ressort des éléments de preuve documentaires que FagorBrandt a adressé à Boulanger des invitations formulées dans les termes suivants :

- «faire remonter d'urgence les stocks à - 20% comme convenu entre vous et Ubaldi », le 30 mars 2009 ;

- « [m]erci de ton aide car Boulanger s'est aligné, Darty doit déjà l'être ou le sera demain», le 7 juillet 2010 ;

- « [e ]st-il possible de faire remonter la [référence] chez tous les intervenants pour lundi par exemple ? », le 9 novembre 2010 ;

- injonction aux équipes « d'essay[er] de faire remonter pour la semaine les références suivantes », le 3 mai 2011.

Sur les mesures de surveillance exercées par Boulanger vis-à-vis de ses concurrents

705. À l'instar du comportement de Boulanger décrit ci-avant s'agissant de FagorBrandt aux paragraphes 692 et suivants, diverses pièces démontrent que ce distributeur a pour partie contribué au respect par ses concurrents des prix de revente conseillés, notamment en remontant directement des informations aux fabricants et fournisseurs, pour leur faire prendre connaissance du caractère déviant du prix de revente pratiqué par certains, ou en conditionnant explicitement la remontée de ses prix de revente à un parallélisme de comportement de la part de ses concurrents. Des exemples existent pour plusieurs autres fabricants.

706. Dans un échange de courriels des 13 et 14 septembre 2012, Boulanger demande à Smeg une «action» sur une référence de cuisinière à gaz vendue sur le site Ubaldi: « [p]ouvez-vous regarder ce que vous pouvez faire sur la CP60X9 et me tenir au courant SVP? ». En réponse, Smeg « confirme une action à 999P [le lendemain]». Des échanges internes à Smeg permettent de déduire qu'une remontée de prix a été demandée à Ubaldi, condition essentielle pour que d'autres acteurs dont Boulanger remontent leurs prix985.

707. Des courriels internes à Smeg de juin et juillet 2013 traduisent une inquiétude sur les réactions probables de Boulanger face à une baisse de prix constatée sur d'autres sites : « Boulanger va la sortir si nous ne faisons pas quelque chose... [Boulanger] est d'accord pour se benchmarker uniquement sur DARTY et UBALDL donc pas d'alignement sur les autres sites » ; « dans tous les cas il va falloir faire respecter la mise en stock sinon, avec ou sans Amazon nous allons avoir des soucis avec Boulanger». Cette alerte est le prélude à une « action »986.

708. Le 3 décembre 2012, à la suite d'une alerte de Darty sur le prix de revente d'une cuisinière et des discussions internes nourries à ce sujet(« si on pouvait accorder boui et dartoch (sic) sur la CG92PX9, dis-moi ce qu'il possible d'entrevoir ... »), Smeg indique que Boulanger propose comme remède, soit que« tous les sites leaders remontent, sous-entendu UB[ALDI] et AMAZ[ON] aussi», soit qu'il déréférence le produit contre rachat du stock par Smeg, soit enfin le statu quo987.

709. Dans un courriel du 11 avril 2013, Electrolux donne à Boulanger la confirmation d'une action de remise à niveau du prix de vente sollicitée par Boulanger lui-même pour une hotte aspirante: « [s]uite à ta demande et à notre discussion, action demain (avec les rouge [Darty]) 200 ». Au regard de la suite du message, en particulier de la conduite attendue de Boulanger, il apparaît qu'Electrolux et Boulanger sont convenues que ce dernier alignerait son prix sur celui de Darty: « [m]erci de me corifirmer et de bloquer sur eux comme vu ensemble pour la suite »988.

710. Le respect par Boulanger du niveau de prix pouvait être conditionné au fait que la référence ne soit pas commercialisée par ses concurrents. Un courriel interne à Whirlpool du 15 février 2013 va dans ce sens : « [code produit] est une VRAIE EXCLUSIVITE BLG [Boulanger] en gamme B donc nous ne devons pas avoir de code similaire chez Darty et encore moins en EXCLUSIVITE web CHEZ Darty ce serait le pire qui puisse arriver. (...) Pour minimiser les perturbations entre nos coqs en 2013 (NB : Darty et Boulanger), si nous pouvions accorder nos violons en amont, ce serait une grande partie du chemin de faite »989.

Conclusion sur l'accord de volontés

711. Il résulte de tout ce qui précède un faisceau d'indices graves, précis et concordants selon lesquels Boulanger a acquiescé aux demandes de fixation, de maintien ou de remontée de prix de produits électroménagers formulées par plusieurs fournisseurs, en l'espèce six d'après les éléments du dossier. L'accord de volontés est dès lors caractérisé.

712. Boulanger s'est ainsi inscrit de manière manifestement délibérée dans un fonctionnement de marché où les deux principaux distributeurs, Boulanger et Darty, contribuaient à maintenir les prix de vente à un niveau considéré comme acceptable par les fournisseurs, au nom de la préservation de la valeur. Il apparaît qu'il a contribué ce faisant, également avec Darty, à servir de référence ou « benchmark » pour le comportement exigé des autres distributeurs en matière de prix.

713. De la même manière, il ressort de divers éléments du dossier que Boulanger a pris une part active, par des pressions, par des négociations, ou même, à en croire la perception des fournisseurs attestée dans les échanges, par des menaces de représailles, à la surveillance des prix. À cet égard, Boulanger est apparu à plusieurs occasions comme un interlocuteur incontournable lorsque le prix trop bas de certaines références, vendues en particulier sur Internet, conduisait un fournisseur à envisager une action correctrice. L'acquiescement de Boulanger, ainsi que les invitations auxquelles il répondait, portait sur un éventail large de familles de produits.

714. Eu égard aux caractéristiques de l'accord de volontés ainsi mis en lumière et au nombre significatif de fabricants et fournisseurs impliqués, il est établi que Boulanger a pris part à une entente généralisée avec ces derniers.

Sur l'existence d'une restriction de concurrence

715. Boulanger conteste l'existence d'une restriction de concurrence, que ce soit par objet ou par effet.

716. Rappelant les critères permettant de caractériser une restriction par objet, Boulanger prétend que celui de l'expérience acquise en matière de prix imposés fait défaut, dans le cas où la pratique est reprochée à un distributeur. Il conviendrait, dès lors, selon Boulanger, d'apprécier le caractère restrictif de concurrence différemment, selon que la pratique est envisagée du côté du fournisseur ou du côté du distributeur990.

717. Quant au contexte juridique et économique dans lequel les comportements de l'entreprise s'insèrent, Boulanger affirme, d'une part, que « dans certains cas, les prix de revente imposés peuvent avoir des effets positifs sur la concurrence et entraîner des gains d'efficience »991 et, d'autre part, que son comportement serait une réaction légitime au comportement parasitaire adopté par certaines entreprises, de sorte que toute restriction de concurrence par objet devrait être exclue. Ainsi, Boulanger décrit le contexte économique en affirmant que des distributeurs en ligne commercialisaient pour partie les mêmes produits que les grandes surfaces spécialisées, mais« à des prix tellement bas que celas'apparentait à du parasitisme » et rendait sa réaction légitime992.

718. Dans son mémoire en réponse au rapport, Boulanger soutient en premier lieu que le comportement qui lui est reproché « ne peut pas avoir eu d'effet sensible au sens de la règle de minimis »993.

719. En deuxième lieu, elle invoque à l'instar de SEB la jurisprudence Super Bock Bebidas de la Cour de justice pour contester la qualification de restriction de concurrence par objet, rappelant que l'existence d'une restriction caractérisée ne dispense pas d'établir un degré de nocivité suffisant à l'égard de la concurrence994. Elle ajoute, selon une argumentation analogue à celle de SEB exposée ci-avant, que le fait qu'un accord vertical de fixation de prix minimum de revente puisse relever de la catégorie des restrictions caractérisées est un élément du contexte juridique parmi d'autres éléments qui doivent être appréciés en même temps que la teneur de l'accord, ses objectifs et potentiels effets pro-concurrentiels. À cet égard, elle se prévaut des motifs de la Cour de justice pour affirmer que les effets prétendument pro-concurrentiels des prix de revente imposés sont de nature à faire « raisonnablement douter [de leur] caractère suffisamment nocif à l'égard de la concurrence »995.

720. En troisième et dernier lieu, Boulanger soutient que la pratique en cause doit se comprendre comme« une pratique de prix imposés sur une courte durée dans le cadre d'une campagne de promotion » qui, dès lors, est source de gains d'efficience. Elle demande à ce titre le bénéfice d'une exemption individuelle pour cette pratique996.

721. Pour ce qui concerne, en premier lieu, l'appréciation de l'existence d'une « expérience suffisamment solide et fiable » au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, l'Autorité observe qu'une entente, contrairement à un abus de position dominante, suppose par hypothèse un accord de volontés entre au moins deux entreprises. À cet égard, les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce énoncent une interdiction qui tient à l'atteinte portée à la concurrence par l'entente elle-même, non par chacune des entreprises qui l'ont mise en œuvre. Individualiser, comme le suggère Boulanger, l'appréciation du caractère restrictif de la pratique selon que les entreprises sont des fournisseurs ou des distributeurs est dès lors dépourvu de pertinence et même contraire aux textes précités.

722. De plus, le fait que, dans la plupart des cas où une entente verticale sur les prix est sanctionnée, seuls les fabricants et fournisseurs aient été mis en cause, est indifférent. La pratique décisionnelle et la jurisprudence reconnaissent que la mise en cause d'un distributeur relève de l'appréciation souveraine de l'Autorité, eu égard à la part « significative »997 ou « prépondérante »998 que ce distributeur a eue dans la constitution de l'entente. Or il a été démontré en l'espèce que la participation de Boulanger remplit cette condition.

723. En deuxième lieu, étant donné qu'il est loisible à l'Autorité de tenir compte de l'intention des parties pour déterminer le caractère restrictif d'un accord, il sera relevé que plusieurs éléments du dossier montrent la volonté de Boulanger de restreindre la concurrence. Il apparaît en effet que Boulanger a cherché à réduire l'intensité de la concurrence par, notamment, la dénonciation aux fabricants et fournisseurs des distributeurs qui ne respectaient pas les prix imposés et par la demande d'octroi à son bénéfice de références exclusives. En outre, il ressort de divers passages de courriels présents au dossier que des dispositions étaient prises pour éviter une « guerre des prix » entre Boulanger et Darty (par exemple, « minimiser les perturbations entre nos coqs », selon un courriel interne à Whirlpool, du 15 février 2013).

724. Il est manifeste que Boulanger était partie prenante de ces dispositions. À titre illustratif, dans un courriel du 11 avril 2013, Electrolux a invité Boulanger à s'aligner sur le prix de Darty, précisant que cet alignement faisait suite à la demande même de Boulanger:« [s]uite à ta demande et à notre discussion, action demain (avec les rouge) [Darty] 200. Merci de me confirmer et de bloquer sur eux comme vu ensemble pour la suite».

725. Concernant le contexte économique, notamment en ce qu'il est de nature à faire produire à des pratiques un effet positif sur la concurrence, la Cour de justice exige que de tels effets « soient avérés, pertinents, propres à l'accord concerné et suffisamment importants »999. Or Boulanger, s'il prétend que son comportement a eu des effets positifs sur la concurrence, n'apporte aucun élément permettant à l'Autorité de vérifier ce point.

726. En outre, ces pratiques s'inscrivent dans un contexte où les mesures de protection prises par les fabricants et fournisseurs avaient déjà réduit l'intensité concurrentielle entre distributeurs, notamment au bénéfice de Boulanger, comme en témoignent par exemple la pratique dite du « channel management » et la segmentation des produits électroménagers selon des canaux et distributeurs prédéfinis (par exemple, chez SEB, les catégories C1, C2 et C3 décrites aux paragraphes 624 et suivants).

727. Enfin, le comportement parasitaire que Boulanger impute à certains distributeurs concurrents ne saurait justifier la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles. Outre que le parasitisme obéit à un régime spécifique assorti de voies de droit appropriées et n'est, au demeurant, étayé en l'espèce par aucun élément de preuve, il est rappelé de manière constante qu'une situation prétendument illicite n'autorise pas les entreprises à commettre elles-mêmes des pratiques anticoncurrentielles1°00.

728. Pour le reste, les développements consacrés à la restriction de concurrence figurant aux paragraphes 642 et suivants sont pertinents.

729. En troisième et dernier lieu, s'agissant des gains d'efficience prétendument rendus possibles par la pratique, les lignes directrices sur les relations verticales précisent que, « lorsque des entreprises invoquent des gains d'efficience pour appliquer des prix de vente imposés, elles doivent être en mesure d'apporter des éléments de preuve concrets »1001. Toutefois, l'Autorité relève non seulement que Boulanger n'apporte pas les éléments de preuve requis, mais qu'en outre les pratiques ont en l'espèce consisté à maintenir le niveau des prix ou à les augmenter, ce qui contredit l'idée, avancée par Boulanger, de « prix imposés sur une courte durée dans le cadre d'une campagne de promotion». L'argument de Boulanger en ce sens sera par conséquent rejeté.

730. En conclusion, l'ensemble de ces éléments démontre que l'objectif de Boulanger était de diminuer la pression concurrentielle à laquelle elle faisait face, aucun élément ne justifiant de s'écarter de la pratique décisionnelle constante selon laquelle de telles pratiques, qui ont concerné un nombre très significatif de fabricants et fournisseurs et leurs deux principaux distributeurs, ont constitué une restriction par objet. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les effets des pratiques.

Sur la durée des pratiques

731. La date de début des pratiques est celle où a été identifiée la première occurrence d'un accord de volontés entre Boulanger et un fournisseur. En l'espèce, il s'agit du 16 juin 2010, date du courriel interne à BSH aux termes duquel, à la demande de ce dernier, « [Boulanger] consent et accepte de remettre les bons niveaux dès demain matin au plus tard à 12H ».

732. La fin des pratiques peut être fixée, quant à elle, l'injonction donnée chez Smeg le 15 octobre 2013, de« caler( ... ) imenager web distrib exactement au stock pour demain», injonction qui a bien eu pour effet un alignement sur les prix conseillés comme le confirme la réponse chez Smeg à cette même date («fait ») .

733. Entre ces deux dates, les autres éléments de preuve mentionnés plus haut sont suffisamment rapprochés dans le temps pour qu'il puisse être raisonnablement admis que l'infraction s'est poursuivie de manière ininterrompue.

734. Il est donc établi que Boulanger a mis en œuvre une entente verticale sur les prix avec ses fournisseurs du 16 juin 2010 au 15 octobre 2013, soit pendant 3 ans et 4 mois.

d) Sur l'existence de prix de revente imposés par BSH (grief n° 2)

En ce qui concerne l'accord de volontés

L'invitation de BSH

735. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation de BSH auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

736. Premièrement, BSH a manifesté sa volonté d'assurer un meilleur contrôle des prix de vente de ses produits. Il ressort ainsi de plusieurs pièces du dossier, résultant notamment des réflexions internes de BSH rapportées dans la partie « la stratégie de BSH face au développement des ventes en ligne » et des déclarations de ses distributeurs, que la mise en place d'un réseau de distribution sélective devait assurer la protection de certaines références.

737. En particulier, un document interne de BSH de janvier 2011 confirme cette stratégie, consistant à mieux contrôler le prix de vente des distributeurs. Une des pages de ce document, ayant pour objet« il est souhaitable de limiter les promos et d'augmenter le prix moyen, à certaines conditions toutefois», indiquait ainsi : « avant de rehausser les prix, d'abord s'assurer que les prix actuels sont tenus. Il nous faudrait une stratégie anticoncurrentielle plus agressive pour pouvoir augmenter le prix moyen »1002.

738. Des distributeurs ont confirmé que si les fabricants et fournisseurs, notamment BSH, ont voulu mettre en place une distribution sélective, c'était en réalité afin de faire respecter un certain niveau de prix de vente qu'ils déterminaient. Webachat a déclaré que, d'après certains commerciaux, il fallait relever les prix pour que les distributeurs spécialisés, notamment Darty, continuent de mettre en avant leurs produits1003, et a cité 25 fabricants (dont BSH, au sein de ses gammes Excellis et Preference) qui exerçaient un contrôle sur le prix de vente au détail des produits, soit dans le cadre d'une distribution sélective, soit par l'application de listes noires hors distribution sélective1004.

739. Dans le même sens, Maismoinscher a déclaré avoir subi des ententes verticales de prix imposés par les fabricants, et notamment BSH1005, aux distributeurs1006.

740. Consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, BSH utilisait en outre un langage codé. Elle a notamment détourné de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs1007 et comme cela ressort effectivement de très nombreux documents saisis par les services d'instruction ou communiqués par des distributeurs1008. Par ailleurs, un message interne de BSH au sujet de l'action à mener vis-à-vis d'un distributeur ne respectant pas le niveau de prix demandé indiquait« ne lui fais surtout pas de mail »1009.

741. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par BSH étaient communiqués aux distributeurs, et ce, pour les années 2009 à 20141010.

742. Le processus de détermination des prix de revente conseillés n'était pas toujours strictement unilatéral. Certains distributeurs ont en effet pu y être associés en fonction des circonstances. Par exemple, un échange interne à BSH évoque la possibilité de baisser le niveau du prix de vente conseillé de certains produits en fonction de la quantité de pièces achetées par le distributeur1011, quand un autre document évoque le fait que le prix soit négocié avec le distributeur en indiquant par exemple « ok négo sur PVC 849 »1012.

743. La communication des prix de vente conseillés aux distributeurs est attestée par plusieurs preuves documentaires saisies, qu'il s'agisse de courriels adressés par les grossistes aux distributeurs, ou de plans de vente adressés directement par BSH à ses distributeurs1°13. Elle est également attestée par BSH elle-même qui a communiqué les plans de vente entre 2009 et 2014 envoyés à ses cinq principaux clients sur la période, lesquels contenaient les prix de vente conseillés pour chacune des références1014. La diffusion de prix de vente conseillés s'est également étendue à des prix de vente conseillés pour les opérations de promotion, comme en attestent des éléments du dossier1015.

744. Troisièmement, BSH a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs1016. Le besoin pour le fabricant de surveiller le prix de revente de ses produits est ainsi évoqué dès 2008 en interne, lorsqu'est décidée la mise en place d'un outil de suivi1°17.

745. Comme exposé ci-avant, BSH a effectivement souscrit auprès de Net-Veille de 2010 à 2014 un service lui permettant d'avoir communication d'un relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits1°18. Il ressort au demeurant des éléments du dossier que BSH avait un rôle actif dans la surveillance des prix de vente1019.

746. Parallèlement, il a été demandé aux employés de BSH de surveiller les entreprises distribuant les produits électroménagers de la société1020. Un ancien salarié de BSH, chargé de ladite surveillance sur Internet a déclaré que « [d]ans notre équipe, nous travaillions avec les sites Internet de relevés de prix WORKIT et NET-VEILLE pour relever les prix (... ) on surveillait Internet car les clients traditionnels menaçaient de ne plus vendre les produits BSH »1021.

747. Les résultats de la surveillance des prix de vente des produits commercialisés par BSH ont fait l'objet d'un examen par le comité de direction commerciale, comme l'illustrent les comptes rendus du comité de direction commerciale du 25 août 20111022. BSH établissait des tableaux de suivi des prix pratiqués par les distributeurs de ses produits ainsi qu'en atteste le tableau du 7 août 2012 relatif aux produits Bosch et Siemens1°23. La surveillance résulte également de notes manuscrites pour le mois de septembre 20121024.

748. Quatrièmement, BSH a maintes fois enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent les déclarations de WebachatFrance1025 ou Maismoinscher1026. Ces demandes de remonter le prix de vente au détail des produits sont également confirmées par de nombreuses pièces documentaires, dans lesquelles BSH enjoint à ses distributeurs d'agir rapidement1027.

749. Par ailleurs, BSH mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres.

750. Le premier niveau consistait en un arrêt des livraisons1°28. La menace d'arrêt des livraisons était utilisée afin de s'assurer du respect par le distributeur des consignes tarifaires, comme l'a déclaré Maismoinscher, qui indique avoir «parfois cédé à certaines pressions, comme avec BOSCH, qui [leur] avait interdit de faire plus de 15% de remise sur le PPL sans quoi [ils] ne seraient plus livrés » et que donc « soit [ils] s'alignaient, soit c'était l'arrêt pur et simple des livraisons »1029.

751. Le deuxième niveau consistait en des limitations de commandes sous la forme d'une interdiction de vente de certaines références, rassemblées au sein d'une « liste noire», à moins que le distributeur respecte le prix conseillé. L'interdiction de vendre ces références sur Internet pouvait donc être liée au non-respect par le distributeur du prix demandé par le fabricant1°30.

752. Un troisième et dernier niveau consistait en un refus de l'agrément pour intégrer le réseau de distribution sélective, interdisant l'accès du distributeur aux références entrant dans le périmètre de ce réseau. Des distributeurs ont confirmé que le refus d'agrément par BSH aurait été motivé par le caractère agressif de leur politique commerciale et donc de leur déviation du niveau de prix conseillé par le fabricant1031.

L'acceptation par les distributeurs

753. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une acceptation, par les distributeurs, de l'invitation de BSH à respecter un prix de revente minimum. De nombreux documents montrent ainsi que les prix de vente conseillés communiqués par BSH ont été appliqués par les distributeurs.

754. Premièrement, le maintien d'un certain niveau de prix s'infère des pièces au dossier.

755. D'abord, l'application des prix de vente conseillés ressort des déclarations des distributeurs1032. Par ailleurs, un distributeur pouvait s'approvisionner auprès de grossistes tels que Selectis par exemple et non directement auprès du fabricant. Dans cette configuration, Selectis a notamment déclaré avoir « eu des "discussions houleuses" à ce sujet [suivi des prix] », avant de préciser que « [s ]i nous voulions une certaine rentabilité, il fallait rester sur ce niveau de prix-là »1033.

756. Ensuite, et ainsi que précisé ci-avant, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par BSH avec ses distributeurs, cette circonstance traduisant par hypothèse l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés. À titre d'illustration, un tableau relatif aux plans de vente de Darty et de Boulanger référençait des produits auxquels des prix de vente conseillés étaient associés, indiquant plusieurs fois en commentaires« ok nego sur pvc [suivi d'un montant] »1034. Par ailleurs, des notes prises par BSH, à l'occasion d'un rendez-vous avec Darty le 21 novembre 2012, précisent, concernant un lave-vaisselle,« PVC 899- 859 »1035. D'autres éléments du dossier attestent de l'accord des distributeurs pour appliquer les prix de vente conseillés par BSH1036.

757. La négociation sur le prix de vente conseillé entre BSH et certains de ses distributeurs portait non seulement sur des produits du fond de rayon mais également sur les produits mis en promotion1037.

758. Par ailleurs, au moins une réunion a été organisée entre BSH et l'un de ses distributeurs, en l'espèce Darty, afin de discuter du niveau des prix globalement (et non à la référence) pratiqué par ce dernier. En effet, un courriel interne à BSH du 2 septembre 2011, ayant pour objet « Point à évoquer lors du déjeuner Boulanger avec [le responsable d'exploitation / coordinateur logistique chez Boulanger] », vise le « Maintien du PVM [prix de vente moyen] Meme items que pour DARTY »1038.

759. En outre, plusieurs documents, notamment les notes manuscrites mentionnées ci-avant concernant le mois de septembre 20121039, montrent l'évolution du prix de vente pratiqué par le distributeur avant et après la demande de remontée du prix par BSH. Ces documents démontrent que de telles demandes ont été suivies d'effets.

760. Troisièmement, il résulte des éléments du dossier que des distributeurs ont eux-mêmes mis en œuvre des mesures de surveillance vis-à-vis de leurs concurrents.

761. Un distributeur a ainsi alerté BSH le 20 septembre 2009 sur les prix pratiqués par certains concurrents, considérés trop bas, estimant que « ce dumping est très dangereux, cela va trop loin et BSH doit intervenir un minimum, c'est son rôle! »1040.

762. Plusieurs courriels de distributeurs font remonter des informations à BSH sur des cas de méconnaissance des prix de vente conseillés, attestant d'une surveillance entre distributeurs, en particulier de la part de Darty (courriels à BSH du 20 avril 20101041 et du 4 mars 20231042), Selectis (courriel à BSH le 7 janvier 20131043), Joncoux Menager (courriel à BSH le 7 mars 20131044), Clixity (courriel à BSH du 11 octobre 20131045) ou encore Digital Group (courriel à BSH du 27 avril 20101046).

763. À  cet  égard,  le  courriel  interne  du  16  juin  2010  de  BSH  ayant  pour  objet « URGENCE  Alignement PATISSIER [Boulanger] sur UB[ALDI] ! » est particulièrement éloquent. En effet, Boulanger avait décidé de modifier ses prix de vente pour les corréler à ceux plus bas pratiqués par Ubaldi, un distributeur concurrent. Le salarié de BSH indique : « Depuis ce matin. Boulanger est en phase de test sur leur site internet. Principe Stock Ubaldi +15%. (... ) Je viens de valider avec [Boulanger] que ce "test" n'était pas acceptable; nous n'avons pas été informé de cette décision. Il consent et accepte de remettre les bons niveaux dès demain matin au plus tard à 12H. Réaction en chaine, ce qui devait arriver arrivera. DARTY sur ces produits sera demain matin aligné...ne cherche pas à comprendre. J'ai expliqué que BOULANGER avait eu 1 bugg. ( ... )BOULANGER souhaite que nous leur expliquions nos Actions en cours sur le dossier UB[ ALDI]. Sans Action et explication de notre part à compter de Lundi, tout dégringole  »1047.

764. Ce document illustre ainsi parfaitement le rôle que pouvaient jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix et l'existence de liens entre les politiques commerciales de l'un et celles de ses concurrents.

765. En application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission 1048, d'une part, et de la pratique décisionnelle del'Autorité 49, d'autre part, les éléments visés dans la partie relative au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par BSH caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

L'existence d'une restriction de concurrence

766. Il convient d'apprécier les objectifs que l'entente en cause visait, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel cette entente s'est insérée.

767. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par BSH, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, BSH avait ainsi pour objectif de relever les prix de vente de ses produits et de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

768. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à BSH de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, BSH s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

769. Dans la poursuite de cet objectif, BSH a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en contribuant à maintenir un niveau de prix de revente global plus élevé, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

770. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

771. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1050. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

772. La pratique reprochée à BSH doit donc être qualifiée d'entente anticoncurrentielle contraire aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, qualification qui n'est pas contestée par la mise en cause.

La durée de l'infraction

773. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation de BSH, soit le 16 avril 20091051.

774. S'agissant de la date de fin de la pratique, elle doit être fixée au dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 2014.

775. Il ressort enfin de l'ensemble des pièces du dossier que la pratique a présenté un caractère continu du 16 avril 2009 au 31 décembre 2014.

e) Sur l'existence de prix de revente imposés par Candy Hoover (grief n° 3)

Sur la démonstration d'un accord de volontés

L'invitation de Candy Hoover

776. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation de Candy Hoover auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

777. Premièrement, Candy Hoover a manifesté sa volonté d'assurer un meilleur contrôle des prix de vente de ses produits en ligne. Cela ressort ainsi de plusieurs pièces du dossier, présentées dans la partie « La stratégie de Candy Hoover face au développement des ventes en ligne » relative aux réflexions internes de Candy sur ce sujet. Un document interne de Candy Hoover de 2010 confirme cette stratégie, consistant à mieux contrôler le prix de vente des distributeurs. Son auteur indiquait explicitement « il n'.Y a plus de règle, tout le monde vend sans se soucier du stock [prix]. Il faut donc définir à nouveau une règle. »1052

778. Il ressort de ces mêmes pièces, ainsi que des déclarations de distributeurs, notamment Maismoinscher1053 et AMS1054 que la mise en place par Candy Hoover d'une distribution sélective visait en réalité à faire respecter un certain niveau de prix de vente.

779. Consciente qu'elle n'était pas autorisée à intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, Candy Hoover utilisait un langage codé. Elle a notamment détourné de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs1055 et comme cela ressort effectivement de très nombreux documents saisis par les services d'instruction ou communiqués par des distributeurs1056. Par ailleurs, Candy était attentive aux traces écrites laissées par courriel et proposait comme modalité d'échange, après une demande de remontée de prix adressée à un distributeur« un sms sur mon portable si le mail n'est pas approprié »1057.

780. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par Candy Hoover étaient communiqués aux distributeurs comme l'attestent les plans de vente communiqués à ses cinq principaux clients et ce, pour les années 2009 à 2014, lesquels contenaient les prix de vente conseillés pour chacune des références1°58.

781. Une telle diffusion de prix de vente conseillés a perduré jusqu'en 2014, et les plans d'affaires communiqués par Candy pour l'année 2014 étaient valables jusqu'au 31 décembre.

782. Le processus de détermination des prix de revente conseillés n'était pas toujours strictement unilatéral. Certains distributeurs ont pu être associés en fonction des circonstances. Par exemple, un échange interne à Candy Hoover évoque une telle négociation, en indiquant que les acheteurs de But« veulent [un coefficient de] 1,90 sur produits pétés »1059. Enfin, le prix de revente de certains produits pouvait faire l'objet d'une discussion entre le fabricant et certains de ses distributeurs dans le cadre de promotions spécifiques, comme en atteste la pièce du 31 août 2010 s'agissant d'opérations promotionnelles de Boulanger1060.

783. Troisièmement, Candy Hoover a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs1061 et y a dédié des ressources internes.

784. Comme exposé ci-avant, Candy Hoover a conclu auprès de WorkIT un contrat de prestation de service portant sur le relevé des prix pratiqués sur Internet par les différents distributeurs de son réseau de distribution1°62.

785. La surveillance a été mise en œuvre dès août 20091063 et en 2010, année au cours de laquelle ont été définies les « Règles internet» du 24 février 2010 et identifiés les sites internet sur lesquels Candy ne souhaitait pas proposer ses produits. Les pièces du dossier montrent que Candy a poursuivi cette surveillance jusqu'en 2014, comme en témoignent, entre autres, une demande de remontée de prix avec bilan après une semaine en 2011, diverses pièces de l'année 20121064, l'alerte sur le niveau des prix du 22 janvier 2013 et des documents concernant des prix pratiqués par Ubaldi évoqué par courriels du 14 octobre 2013, et du 17 janvier 2014.

786. Quatrièmement, Candy Hoover a, à de multiples reprises, enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés. Cela est attesté par les témoignages de plusieurs distributeurs concurrents (voir ci-dessus paragraphe 778), et par de nombreuses pièces documentaires, dans lesquelles Candy Hoover sollicite directement les distributeurs comme Conforama ou Darty1065. Candy Hoover demandait également à ses équipes de contacter les distributeurs afin de remonter les prix de certains produits (voir par exemple pour l'année 2009 la demande d'intervention du 13 octobre1066, ou encore, pour 2013, le courriel interne de demande d'intervention du 28 février1067).

787. Cinquièmement, Candy Hoover mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres.

788. Elles pouvaient consister en un arrêt des livraisons au distributeur. En attestent des pièces évoquant la possibilité pour un grossiste de ne pas travailler avec certains sites internet, ou évoquant explicitement l'arrêt des livraisons comme mesure de rétorsion.

789. Ainsi, Candy Hoover a organisé une interdiction de vente de certaines références rassemblées au sein d'une « liste noire », à moins que le distributeur respecte le prix conseillé1068. L'interdiction de vendre ces références sur Internet pouvait donc être liée au non-respect par le distributeur du prix demandé par le fabricant. À cet égard, Candy Hoover a envisagé le retrait de certaines références d'un distributeur en ligne (Ubaldi) en échange de l'attribution de nouvelles références à prix contrôlés, comme l'atteste par exemple le courriel du 20 mars 2012, qui annonce que Candy Hoover va annoncer à Ubaldi « en échange de [14 nouveaux produits] ils positionnent nos produits au bon tarif ou MIEUX ils les retirent »1069.

790. Le refus de délivrer l'agrément pour intégrer le réseau de distribution sélective pouvait être employé. La distribution sélective assortie de conditions apparaît en effet comme un outil envisagé pour faire respecter la politique commerciale de Candy sur Internet. Plusieurs distributeurs confirment à cet égard que le refus d'agrément à leur encontre aurait été motivé par le caractère agressif de leur politique commerciale, et donc de leur déviation du niveau de prix conseillé par le fabricant. Un distributeur a ainsi souligné, s'agissant de la mise en place de la distribution sélective, que « c'était une course sans fin et le but manifestement recherché était de nous empêcher de vendre les produits à prix hors PP! sur internet et de nous exclure du marché »1070.

L'acceptation par les distributeurs

791. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes de Candy Hoover.

792. L'application des prix de vente conseillés ressort en premier lieu des déclarations des distributeurs 1071. Elle ressort également de pièces émanant de Candy constatant que le niveau des prix était respecté, s'agissant de Planet Saturn par exemple:«  [e]t prix respecté!!! Que demander de plus© »1072. De même, un échange de courriels du 10 juillet 2012 au 6 septembre 2012 constate la remontée de prix de La Redoute notamment1073, un autre du 22 février 2012 constate que Darty respecte les prix imposés1°74, et un dernier du 28 février 2013 rappelle le succès d'une précédente demande de remontée de prix auprès de Dimipro1075. L'alignement des prix était facilité par le fait que les demandes de Candy pouvaient également être relayées par les grossistes, comme Selectis1076, et par l'usage de robots permettant d'aligner automatiquement les prix1077.

793. En deuxième lieu, comme cela a été dit au paragraphe 782, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Candy Hoover avec ses distributeurs, ce qui traduit l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés.

794. En troisième lieu, l'application des prix par les distributeurs résulte également de la surveillance et des remontées d'informations subséquentes opérées par les distributeurs eux­ mêmes.

795. Il ressort en effet des pièces au dossier que les distributeurs de Candy Hoover ont contrôlé le respect des prix publics indicatifs par leurs concurrents. Ainsi, un compte-rendu de rendez­ vous avec Darty du 18 novembre 2011 interne de Candy Hoover indique s'agissant d'une table de cuisson «faire remonter But à 149€ (... ) » et s'agissant d'un four « But doit remonter à 699 », évoquant ainsi clairement des sollicitations de remontées de prix émanant du distributeur Darty1078.

796. Ce contrôle ressort également du compte-rendu interne de Candy Hoover à propos d'un rendez-vous avec Ubaldi dans lequel il est indiqué que ce distributeur « nous fait part de quelques sites (Electromust/Abribat/Alpha-Price/Nouveau-Marchand) qui continuent à pratiquer des prix discount sur les ref citées plus haut ---+ Hoover Pern s'est engagé à regarder qui fournit ces sites/magasins, de trouver la source (... ) et prendre les mesures nécessaires dans la mesure de nos moyens »1079.

797. Le contrôle ressort également d'échanges entre le 10 juillet et le 6 septembre 2012 qui faisaient suite à une sollicitation directe de la Fnac par Candy Hoover en vue de remonter le prix de vente qui déviait du prix conseillé. Un salarié de Candy Hoover a indiqué, à propos de son interlocuteur de la Fnac « elle a tout de suite deviné que la "pression" venait de Darty Oe n'ai pas confirmé), visiblement je ne suis pas le 1er à l'appeler de "la part de Darty" ( ... )elle se met sur Darty et Boulanger. Sauf que Darty s'est mis sur Fnac »1080.

798. Ces documents témoignent du rôle que peuvent jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix et le lien qu'il peut y avoir entre les politiques commerciales de l'un vis-à-vis de celles de ses concurrents. Sur ce dernier point, un échange interne à Candy Hoover du 22 février 2013 illustre l'effet «domino» qu'est susceptible d'avoir la déviation d'un distributeur dans la mesure où le fabricant met en avant la remontée de prix opérée par Darty pour convaincre Conforama de faire de même1081.

799. En quatrième lieu, au moins une réunion a été organisée entre Candy et l'un de ses distributeurs, en l'espèce Ubaldi le 10 mai 2012, afin de discuter du niveau des prix pratiqué 1082.

800. En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix de revente déterminés se déduit du fait que les distributeurs évoquaient avec Candy une évolution concomitante du prix d'achat en fonction du prix conseillé, afin qu'ils préservent leur marge ou «coefficient». Ainsi par exemple, un courriel interne préconise de« bien penser à remonter le PA [prix d'achat]pour correspondre à un stock 400 »1083 et un autre évoque le maintien d'un« coefficient» (c'est­ à-dire le taux de marge) de 1,90 s'agissant de But1084.

801. En sixième lieu, Candy Hoover faisait du respect des prix conseillés un argument commercial auprès des distributeurs, en ce qu'il permettait d'assurer les marges. Ainsi des notes manuscrites du 7 janvier 2011, prises lors d'une réunion interne du comité de direction de Candy Hoover, contiennent les éléments suivants s'agissant de la politique commerciale : « Discours DCN [Directeurs Commerciaux Nationaux] : - politique co[mmerciale]: maintenir la nôtre (Marketing indice prix); -  marge maintenue; - produit à valeur »1085.

802. En application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission1°86, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité1087, d'autre part, les éléments visés dans la partie relative au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par Candy Hoover caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

Sur la restriction de concurrence

803. Il convient d'apprécier les objectifs que l'entente en cause visait, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel cette entente s'est insérée.

804. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Candy Hoover, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Candy Hoover avait ainsi pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

805. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Candy Hoover de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, Candy Hoover s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

806. Dans la poursuite de cet objectif, Candy Hoover a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en contribuant à maintenir un niveau de prix de revente global plus élevé, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

807. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

808. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1088. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

809. La pratique reprochée à Candy Hoover doit donc être qualifiée d'entente anticoncurrentielle contraire aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, qualification qui n'est pas contestée par la mise en cause.

Sur la durée

810. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation de Candy Hoover, soit le 1er mars 20091089.

811. S'agissant de la fin de la pratique, elle doit être fixée au jour du dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 2014, date de validité du dernier plan de ventes produit par Candy Hoover.

812. Il ressort enfin de l'ensemble des pièces du dossier que la pratique a présenté un caractère continu du 1er mars 2009 au 31 décembre 2014.

f) Sur l'existence de prix de revente imposés par Eberhardt (grief n° 4)

Sur la démonstration d'un accord de volontés

L'invitation d 'Eberhardt

813. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation d'Eberhardt auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

814. Premièrement, Eberhardt a manifesté sa volonté d'assurer un meilleur contrôle des prix de vente de ses produits en ligne.

815. Selon plusieurs distributeurs en effet, la mise en place d'une distribution sélective, notamment par Eberhardt, visait en réalité à faire respecter un certain niveau de prix de vente. Ainsi WebAchatFrance1090 et Maismoinscher ont déclaré avoir subi des ententes verticales de prix imposés par les fournisseurs1091, pratique pour laquelle ils ont désigné Eberhardt comme un des participants1°92. Maismoinscher a également précisé que la grande majorité des produits ne justifiait pas la mise en place d'une distribution sélective1093. Il en est de même d'AMS, selon lequel la mise en place de la distribution sélective dans le secteur du GEM avait pour seul but de limiter la vente et la publicité sur Internet1094.

816. Par ailleurs, le document interne d'avril-mai 2010 fait clairement état de la volonté de faire remonter les prix sur l'ensemble du territoire1095.

817. Consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs1096, Eberhardt utilisait en outre un langage codé. Elle a notamment détourné de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs et comme il ressort effectivement de très nombreux documents saisis par les services d'instruction ou communiqués par des distributeurs1097. Eberhardt a exprimé également son souhait de voir disparaitre certains distributeurs qui ne respectaient pas les prix conseillés, comme le montre un tableau de suivi des prix pratiqués par les sites internet reportant la mention « A TUER » face aux sites Maismoinscher et Laboutiquedunet1098.

818. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par Eberhardt étaient communiqués aux distributeurs, et ce, pour les années 2009 à 2014.

819. Le processus de détermination des prix de revente conseillés n'était pas toujours strictement unilatéral. Certains distributeurs ont en effet pu y être associés en fonction des circonstances. Par exemple, un échange interne à Eberhardt évoque la négociation du prix avec le distributeur Darty1099.

820. La communication des prix de vente conseillés aux distributeurs est attestée par plusieurs preuves documentaires saisies, notamment des plans de vente adressés par Eberhardt à ses distributeurs. Elle est également attestée par Eberhardt elle-même qui a communiqué les plans d'affaires entre 2009 et 20141100. La communication de prix de vente conseillés par Eberhardt à ses distributeurs est également confirmée par plusieurs distributeurs 1101.

821. La diffusion de prix de vente conseillés s'est également étendue à des prix de vente conseillés pour les opérations de promotion, comme en attestent des éléments du dossier1102.

822. Une telle diffusion de prix de vente conseillés a perduré jusqu'en 2014, les plans d'affaires communiqués étant valables jusqu'au 31 décembre 20141103.

823. Troisièmement, Eberhardt a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs. L'organisation par le fabricant de la surveillance du prix de revente de ses produits est illustrée notamment par le tableau de synthèse du 18 octobre 20111104.

824. Comme exposé ci-avant, Eberhardt a souscrit auprès de Work.IT, à compter de 2010, un service lui permettant d'avoir communication des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs des produits de marque Liebherr, Baumatic, et Falmec1105. Il ressort au demeurant des éléments du dossier qu'Eberhardt avait un rôle actif dans la surveillance des prix de vente.

825. En effet, il a été demandé aux employés d'Eberhardt de surveiller les entreprises distribuant les produits électroménagers de la société, ainsi qu'en attestent plusieurs pièces du dossier explicitant l'organisation du suivi1106. Cette surveillance est d'ailleurs en adéquation avec la stratégie suivie par Eberhardt qui fait état de l'urgence de faire remonter les prix dans un document de présentation interne de 20101107. De plus les résultats de la surveillance des prix ont fait l'objet d'un examen par la direction commerciale, comme il ressort des « synthèses internet » diffusées en interne ou de tableaux catégorisant les distributeurs selon le niveau de l'écart de prix.

826. Quatrièmement, Eberhardt a enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent les déclarations de plusieurs distributeurs concurrents1108. Ces demandes sont également confirmées par de nombreuses pièces documentaires, comme un courriel d'Eberhardt enjoignant par exemple à un distributeur de «faire le nécessaire »1109, ou des comptes-rendus de demandes adressées aux distributeurs, notamment de GPDIS11 IO_ Une présentation interne, de 2013, évoque le contrôle de la marge des distributeurs par une mesure de réduction des« coefs » (c'est-à-dire des coefficients qui lient les prix d'achat net facturés aux distributeurs et les PPI) sur une liste de produits stratégiques1111.

827. Par ailleurs, Eberhardt mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres.

828. Le premier niveau consistait en un arrêt des livraisons au distributeur. Envisagée explicitement en 2010 à l'encontre de certains sites Internet, un document d'avril-mai 2010 prévoyant de « bloquer l'accès à nos produits à certains sites perturbateurs et non qualitatifs »1112, cette modalité de rétorsion a été effectivement mise en œuvre comme en témoigne le distributeur AMS dans son message à la DGCCRF du 10 mai 20121113.

829. Le deuxième niveau consistait en des limitations de commandes sous la forme d'une interdiction de vente de certaines références, rassemblées au sein d'une « liste noire», à moins que le distributeur respecte le prix conseillé. Eberhardt a par exemple demandé à AMS en 2009 de retirer une référence de son site pour non-respect du prix conseillé1114. De nombreuses pièces attestent par ailleurs de l'utilisation du terme« blacklist »1115.

830. Un troisième et dernier niveau consistait en un refus de l'agrément pour intégrer le réseau de distribution sélective, interdisant l'accès du distributeur aux références entrant dans le périmètre de ce réseau. Un tableau du 22 avril 2010 indique qu'il est envisagé de ne plus permettre au site Maxdeventes.com de vendre les produits Liebherr en raison de déviations de prix trop importantes1116, et les déclarations de Webachat corroborent cet usage du refus d'agrément comme mesure de rétorsion1117.

L'acceptation des distributeurs

831. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes d'Eberhardt.

832. L'application des prix de vente conseillés ressort en premier lieu des déclarations des distributeurs eux-mêmes, AMS déclarant avoir« connaissance du niveau de prix souhaité par le fabricant »1118, et Webachatfrance déclarant suivre « assez régulièrement les demandes d'alignement de prix des[s]fabricants »1119.

833. En deuxième lieu, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Eberhardt avec ses distributeurs, ce qui traduit l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés. En l'espèce plusieurs pièces démontrent un échange avec Darty sur le niveau de prix de vente au détail de certaines références, comme le courriel du 6 novembre 2009 relatant l'avis de Darty sur le niveau de prix de certaines références et ses menaces de déréférencement au regard des prix pratiqués par certains sites internet1120, ou le document du 2 septembre 2010 faisant état des exigences de Darty en matière de marges 1121. Le contrôle d'Eberhardt sur les prix et leur application par les distributeurs portait également sur les prix promotionnels, comme en témoignent un courriel du 22 mars 2012 dans lequel Eberhardt envisage une demande de hausse de prix sur un produit affiché en promotion chez Electromust1122, ainsi qu'une circulaire à la force de vente du 27 mai 2013 portant sur des promotions chez Gitem1123.

834. En troisième lieu, au moins une réunion a été organisée entre Eberhardt et l'un de ses distributeurs, en l'espèce Darty1124 afin de discuter du niveau des prix globalement pratiqué.

835. En quatrième lieu, plusieurs documents montrent l'évolution du prix de vente pratiqué par le distributeur avant et après la demande de rehaussement du prix par Eberhardt, documents qui prouvent que de telles demandes ont été suivies d'effets, comme un tableau interne de 2010 qui indique que Cdiscount a remonté les prix1125, un courriel du 4 juillet 2012 se félicitant d'une remontée de prix opérée par Villatech1126, ou un courriel du 15 juillet 2013 faisant part d'une« rectification faite» chez le distributeur Pro&Cie1127.

836. En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix déterminés à pratiquer se déduit du fait que les marges des distributeurs seraient liées aux prix conseillés. Ainsi, un document de 2011 évoque le lien entre le niveau des prix indiqués et les exigences de Darty en matière de marge1128 et le plan d'action 2013, faisait état de PPI retravaillés et de listes de « coefficients » ou taux de marge, ce qui témoigne d'un pilotage de la marge des distributeurs par Eberhardt1129.

837. En sixième lieu, l'application des prix par les distributeurs résulte également de la surveillance et des remontées d'informations subséquentes opérées par les distributeurs eux­ mêmes.

838. Un courriel du 6 novembre 2009 fait clairement référence à une remontée de Darty, concernant les prix pratiqués par le distributeur Ubaldi, Darty évoquant des menaces de déréférencement1130. Cette remontée a conduit Eberhardt à envisager des mesures à l'encontre d'Ubaldi.

839. Ce document illustre le rôle que peuvent jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix.

840. Une telle surveillance entre distributeurs avec, en cas de non-respect des prix de vente conseillés, une remontée d'informations à Eberhardt, a été également observée de la part de cuisinistes, en mars 2012, au sujet des prix pratiqués par Electromust, avec une demande explicite à Eberhardt d'intervenir auprès de ce distributeur pour remonter les prix1131. Une remontée d'information de la part de Connexion suivie d'un échange interne sur l'action à mener auprès du distributeur « déviant » a aussi été constatée en 20131132.

841. Enfin, en application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission 1133, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité1134, d'autre part, les éléments visés dans les développements relatifs au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par Eberhardt Frères caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

Sur la restriction de concurrence

842. Il convient d'apprécier les objectifs visés par l'entente, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'est insérée.

843. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Eberhardt, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Eberhardt avait pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

844. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Eberhardt de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, Eberhardt s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

845. Dans la poursuite de cet objectif, Eberhardt a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en harmonisant à la hausse les prix de revente de ses produits, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

846. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

847. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective, licite au regard des critères posés par la jurisprudence Metro, ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause' 135. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101 du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

Sur la durée

848. S'agissant du début de la pratique, il doit, compte tenu des développements exposés ci-avant, être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation d'Eberhardt, soit le 6 juillet 20091136.

849. S'agissant de la fin de la pratique, elle doit, compte tenu des développements exposés ci­ avant,  être  fixée  au  jour  du  dernier  élément  caractérisant  la  pratique,  soit le 31 décembre 20141137.

850. S'agissant du caractère continu de la pratique, il se déduit de ce qui précède que la pratique sanctionnée a été continue entre le 6 juillet 2009 et le 31 décembre 2014.

g) Sur l'existence de prix de vente imposés par Electrolux (grief n° 5)

Sur la démonstration d'un accord de volontés

L'invitation d 'Electrolux

851. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation d'Electrolux auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

852. Premièrement, Electrolux avait pour objectif de réduire la pression concurrentielle, exercée notamment par le canal de vente en ligne.

853. Plusieurs distributeurs ont ainsi confirmé que la volonté des fabricants et des fournisseurs, notamment d'Electrolux, de mettre en place une distribution sélective visait en réalité à faire respecter un certain niveau de prix de vente déterminé par eux. Ainsi Webachat a déclaré que selon les déclarations de certains commerciaux, il était nécessaire de relever les prix pour que les distributeurs spécialisés, notamment Darty, continuent de mettre en avant leurs produits1138. Il a également déclaré que « les fabricants exerçaient un contrôle sur le prix de vente au détail des produits. Cela concerne tous les fournisseurs cités précédemment concernés par la mise en place du sélectif ou des listes noires de produits »1139 parmi lesquels figure Electrolux, sur« tous les modèles les plus populaires les plus vendus »1140.

854. Certains échanges au cours desquels des commerciaux d'Electrolux font état de baisses de prix en méconnaissance des contrats de distribution sélective démontrent le rôle joué par ces contrats pour protéger certaines références de la concurrence trop agressive de certains distributeurs1141. Certaines pièces permettent d'établir le lien entre un niveau de prix de revente à respecter et le fait que les références soient vendues dans un réseau de distribution sélective (pour des produits de la gamme Hero par exemple1142).

855. Consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, certains échanges évoquant l'interdiction d'imposer des prix de revente et des « problèmes d'entente sur les prix »1143, Electrolux utilisait en outre un langage codé. Elle a notamment détourné de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs et comme il ressort effectivement de très nombreux documents saisis par les services d'instruction ou communiqués par des distributeurs1144.

856. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par Electrolux étaient communiqués aux distributeurs, et ce, pour les années 2009 à 2014.

857. Le processus de détermination des prix de revente conseillés n'était pas toujours strictement unilatéral. Certains distributeurs ont en effet pu y être associés en fonction des circonstances. Par exemple, un échange interne à Electrolux évoque la réévaluation du prix de vente conseillé à la suite d'un rendez-vous avec le distributeur Darty1145.

858. La communication des prix de vente conseillés aux distributeurs est attestée par plusieurs preuves documentaires saisies, notamment des plans de vente adressés par Electrolux à ses distributeurs. Elle est également attestée par Electrolux elle-même qui a communiqué les plans d'affaires entre 2009 et 2014. La communication de prix de vente conseillés par Eberhardt à ses distributeurs est également confirmée par plusieurs distributeurs, et par une ancienne salariée de la centrale d'achat Selectis.

859. La diffusion de prix de vente conseillés s'est également étendue à des prix de vente conseillés pour les opérations de promotion, comme en attestent des éléments du dossier relatifs à Boulanger et Leclerc notamment1146. Une telle diffusion de prix de vente conseillés a perduré jusqu'en 2014, les plans d'affaires communiqués étant valables jusqu'au 31 décembre 2014.

860. Troisièmement, Electrolux a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs.

861. Comme exposé ci-avant, Electrolux a souscrit auprès de WorklT, de 2011 à 2014, un service lui permettant d'avoir communication des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits. Il ressort au demeurant des éléments du dossier qu'Electrolux avait un rôle actif dans la surveillance des prix de vente.

862. En effet, il a été demandé aux employés d'Electrolux, dès 2010 de surveiller les entreprises distribuant les produits électroménagers de la société, ainsi qu'en attestent plusieurs pièces du dossier explicitant le caractère organisé du suivi, dont un courriel du 18 septembre 2012 intitulé« infos Internet» et évoquant la« surveillance de la région »1147. Cette surveillance ressort de nombreuses preuves documentaires, comme les documents internes de présentation assortis de captures d'écran de WorkIT1148, ou des listes de prix issues de notes manuscrites1149.

863. Quatrièmement, Electrolux a enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent les déclarations de plusieurs distributeurs concurrents dont Webachat, qui indique que « les fabricants [dont Electrolux] exerçaient un contrôle sur le prix de vente au détail des produits »1150 ou Maismoinscher qui a déclaré avoir subi des ententes verticales de prix imposés par les fabricants, et notamment Electrolux1151, aux distributeurs1152.

864. Ces demandes de remonter le prix de vente au détail des produits sont également confirmées par de nombreuses pièces documentaires, faisant référence à des problèmes ou à des remontées de « stocks » (« stock » étant utilisé à la place de « prix ») adressées à différents distributeurs, dont par exemple AMS le 28 octobre 20091153 et ultérieurement en 20111154, Abribat et Speeder le 30 juillet 20121155, ou GPDIS et Ubaldi également en 20121156.

865. Par ailleurs, Electrolux mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres.

866. Le premier niveau consistait en un arrêt des livraisons au distributeur. C'est ainsi qu'un courriel du 30 janvier 20121157 menace le distributeur AMS d'indisponibilité du produit si les prix n'étaient pas respectés. De même, les échanges de courriel avec Cora entre les 25 juin et 16 juillet 20121158 témoignent de l'intention d'Electrolux d'arrêter les livraisons pour cause de non-respect des prix par le distributeur.

867. Le deuxième niveau consistait en des limitations de commandes sous la forme d'une interdiction de vente de certaines références, rassemblées au sein d'une « liste noire», à moins que le distributeur respecte le prix conseillé. Sur ce point, un salarié d' AMS a confirmé la politique d'Electrolux, relayée par Selectis, tendant à interdire la vente de produits sur Internet à moins de respecter le prix imposé1159. Le terme de « blacklist » apparaît au demeurant dans plusieurs pièces documentaires1160. Enfin Electrolux considérait la reprise en main ou la faillite de certains distributeurs comme un moyen de mieux contrôler les prix, estimant que la gestion serait plus simple une fois qu'AMS « aura fermé »1161.

868. Un troisième et dernier niveau consistait en un refus de l'agrément pour intégrer le réseau de distribution sélective, interdisant l'accès du distributeur aux références vendues dans ce réseau. Un courriel du 29 novembre 2012 révèle une demande d'intervention pour qu'un distributeur sur Internet n'ait plus d'accès aux références vendues dans un réseau de distribution sélective pour non-respect des prix indiqués 1162. L'utilisation du refus d'agrément comme mesure de rétorsion est également attestée par le distributeur WebachatFrance1163.

L'acceptation par les distributeurs

869. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes d'Electrolux.

870. L'application des prix de vente conseillés ressort en premier lieu des déclarations des distributeurs eux-mêmes, AMS déclarant par exemple que « nous avions connaissance du niveau de prix souhaité par le fabricant par le plan d'achat qu 'il nous communiquait, et dont le prix conseillé était introduit dans la base de données centrale à disposition de l'ensemble des adhérents »1164.

871. En deuxième lieu, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Electrolux avec ses distributeurs, ce qui traduit l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés. Plusieurs courriels illustrent les échanges entre Boulanger et Electrolux sur le niveau de prix convenu1165, ou attestent de ce que de telles négociations ont eu lieu avec Darty, évoquant par exemple un produit« construit à 600 dans la gamme Darty »1166.

872. En troisième lieu, au moins une réunion a été organisée entre Electrolux et l'un de ses distributeurs, en l'espèce AMS, le 15 juin 2013, afin de discuter du niveau des prix globalement pratiqué1167.

873. En quatrième lieu, plusieurs documents montrent l'évolution du prix de vente pratiqué par le distributeur avant et après la demande de rehaussement du prix par Electrolux, documents qui prouvent que de telles demandes ont été suivies d'effets, comme le courriel de confirmation du 31 juillet 2012 faisant suite à une demande d'intervention du 30 juillet auprès d' Abribat et Speeder1168, ou la confirmation de la mise à niveau des «stocks» à la suite d'une demande adressée à Ventadis1169.

874. En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix déterminés à pratiquer se déduit du fait que les marges des distributeurs seraient liées aux prix conseillés. Ainsi, Electrolux promet une meilleure marge à Boulanger si celle-ci suit le prix de vente conseillé1170.

875. En s1x1eme lieu, l'application des prix par les distributeurs résulte également de la surveillance et des remontées d'informations subséquentes opérées par les distributeurs eux­ mêmes.

876. Plusieurs distributeurs ont en effet signalé à Electrolux les prix pratiqués par d'autres distributeurs en méconnaissance des prix indiqués, ainsi par exemple d'Ex&Co1171, d'Ubaldi1172, de Pulsat1173, ou encore de GPDIS1174.

877. Par ailleurs, un courriel interne du 10 juillet 2012 d'Electrolux illustre la surveillance exercée par les distributeurs sur leurs concurrents. À l'alerte reçue de son commercial indiquant un « problème de stock sur ce produit bloc A. Les remontées clients commencent à se faire », le directeur commercial d'EHP France lui a répondu que la situation était normale car une dérogation avait été donnée à Darty pour ce produit, indiquant « ce produit est construit à 600 dans la gamme DARTY Pour info, nous avons toujours quelques dérogations avec ce client. (... ) Quel client t'en a parlé stp ? »1175.

878. Ce document illustre ainsi le rôle que peuvent jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix et le lien qu'il peut y avoir entre les politiques commerciales de l'un vis-à-vis de celles de ses concurrents. Sur ce dernier point, un échange interne à Electrolux du 22 août 2012 illustre l'effet« domino» qu'est susceptible d'avoir la déviation d'un site internet vis-à-vis d'autres distributeurs concurrents, Electrolux indiquant « pour info nous sommes en train de  perdre le référencement de la FWH7145P [lave-linge] chez Darty à cause des sites habituels »1176.

879. Enfin, en application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission1177, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité1178 d'autre part, les éléments visés plus haut relatifs au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par Electrolux caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

Sur la restriction de concurrence

880. Il convient d'apprécier les objectifs visés par l'entente, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'est insérée.

881. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Electrolux, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Electrolux avait ainsi pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

882. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Electrolux de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, Electrolux s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

883. Dans la poursuite de cet objectif, Electrolux a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en harmonisant à la hausse les prix de revente de ses produits, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

884. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

885. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1179. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101 TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

Sur la durée

886. S'agissant du début de la pratique, il doit, compte tenu des développements exposés ci-avant, être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation d'Electrolux, soit le 3 juillet 20091180.

887. S'agissant de la date de fin de la pratique, elle doit, compte tenu des développements exposés ci-avant, être fixée au dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 20141181.

888. S'agissant du caractère continu de la pratique, il se déduit de l'ensemble des pièces, échelonnées du 3 juillet 2009 au 31 décembre 2014, que la pratique a été continue entre ces deux dates.

h) Sur l'existence de prix de vente imposés par Indesit (grief n° 6)

Sur la démonstration d'un accord de volontés

L'invitation d 'Jndesit

889. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation d'Indesit auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

890. Premièrement, Indesit avait pour objectif de réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de vente en ligne. Ainsi, un compte-rendu interne du 12 mai 20111182 détaillait les éléments de la stratégie relative à Internet telle que « la restriction de la diffusion des gammes, notamment la gamme S3 de Scholtès », accompagnée d'un «jlicage des petits via contrôle des grossistes». Deux documents internes d'Indesit de juin 2013 confirment sa stratégie visant à mieux contrôler le prix de vente de ses distributeurs, l'un ayant pour objet « stratégie par marque » préconisant le « nettoyage "taliban" de la gamme S3 »et« une gamme "exclusive" pour le web avec contrôle des prix pour éviter des écarts trop forts »1183, l'autre indiquant qu'Indesit avait dû « rétablir le contrôle des prix »1184 (traduction libre).

891. Consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, Indesit utilisait un langage codé. Elle a notamment détourné de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs et comme cela ressort effectivement de très nombreux documents saisis par les services d'instruction ou communiqués par des distributeurs1185. Indesit a également utilisé le terme de« Blacklist » pour désigner les produits devant respecter les prix conseillés, en dehors de la distribution sélective, comme l'a précisé le distributeur AMS qui a confirmé l'existence d'une liste de « produits blacklistés en dehors de toute distribution sélective »1186.

892. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par Indesit étaient communiqués aux distributeurs, et ce, pour les années 2009 à 2014.

893. Le processus de détermination des prix de revente conseillés n'était pas toujours strictement unilatéral. Certains distributeurs ont en effet pu y être associés en fonction des circonstances. Par exemple, l'échange interne à Indesit, à la suite d'un entretien avec Darty le 12 mai 2011, évoque le fait qu'une hausse de prix a été négociée avec ce distributeur1187, et un courriel interne montre que le prix de revente de certains produits pouvait faire l'objet de discussions avec le distributeur dans le cadre de promotions spécifiques, Digital ayant par exemple sollicité d'Indesit une autorisation pour pratiquer des prix plus bas à l'occasion d'opérations promotionnelles1188.

894. La communication des prix de vente conseillés aux distributeurs est attestée par plusieurs preuves documentaires saisies, notamment des plans de vente adressés par Indesit à ses distributeurs (voir entre autres en 20091189, en 20101190, en 20111191, 20131192 et 20141193). Elle est également attestée par Indesit elle-même, qui a expliqué, en les décrivant, avoir « à compter de 2009/2010 généralement publié deux séries de prix recommandés »1194. La communication de prix de vente conseillés par Indesit à ses distributeurs est également confirmée par plusieurs distributeurs, et par une ancienne salariée de la centrale d'achat Selectis1195.

895. La diffusion de prix de vente conseillés s'est également étendue à des prix de vente conseillés pour les opérations de promotion, comme en attestent certains éléments du dossier évoquant un « PPI promo »1196, ou des échanges relatifs à des prix promotionnels avec les distributeurs, Digital1197, ou But1198. Une telle diffusion de prix de vente conseillés a perduré jusqu'en 2014, les plans d'affaires communiqués étant valables jusqu'au 31 décembre 2014.

896. Troisièmement, Indesit a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs. La volonté pour le fabricant de surveiller le prix de revente de ses produits ressort d'un compte-rendu de réunion avec  Darty  évoquant un  «jlicage »  des distributeurs1199, ou d'une présentation stratégique évoquant la nécessité de contrôler les prix1200.

897. Comme exposé ci-avant, Indesit surveillait les prix avant 2012 grâce à des comparateurs de prix en ligne comme i-comparateur.com1201, et a souscrit ensuite auprès de WorkIT, de 2012 à 2014, un service lui permettant d'avoir communication des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits. Il ressort au demeurant des éléments du dossier qu'Indesit avait un rôle actif dans la surveillance des prix de vente.

898. De nombreuses pièces du dossier témoignent de la surveillance par Indesit des prix pratiqués par les distributeurs, comme des notes manuscrites indiquant la nécessité de remontées et de suivis1202 dès le mois de mars 2009, des courriels ayant pour objet« points internet »1203ou « suivi web »1204, transmettant en interne une copie d'écran d'un comparateur de prix1205, ou listant des écarts entre les prix pratiqués et les PPI1206.

899. Quatrièmement, Indesit a enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent les déclarations de distributeurs. Maismoincher a ainsi déclaré que, peu avant la mise en place de la distribution sélective, il s'était vu imposer des prix par les fabricants1207, dont Indesit1208. Les demandes de remonter le prix de vente au détail des produits sont également confirmées par de nombreuses pièces documentaires, rapportant des demandes explicites adressées à AMS « de supprimer, ou mettre au prix » certaines références1209, ou à Darty, avec une demande de «bouger» une référence de « 349 à 449 »1210, transmettant en interne des demandes d'intervention ou des remerciements des actions menées« merci pour vos actions »1211.

900. Par ailleurs, Indesit mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres.

901. Le premier niveau consistait en un arrêt des livraisons au distributeur. Des preuves documentaires en attestent, comme les notes manuscrites du 2 mars 2009, prises lors d'un échange avec le grossiste GPDIS et le distributeur AMS qui fixent la règle de « prévenir avant de bloquer, laisser du temps »1212, ou encore le principe repris par les « règles internet» du 24 février 2010 « on prévient avant d'agir »1213. Des pièces établissent l'usage de la mesure de rétorsion consistant à bloquer les livraisons, notamment à l'encontre d' AMS (courriel du 7 septembre 2011 intitulé « blocage AMS »1214), ou de Maismoincher, un collaborateur d'Indesit indiquant« on a bloqué un de ses fournisseurs »1215. Indesit évoque clairement dans un courriel du 14 septembre 2012 adressé à AMS son intention de« bloquer ceux qui n'auront pas respecté la blacklist »1216.

902. Le deuxième niveau consistait en des limitations de commandes sous la forme d'une interdiction de vente de certaines références, rassemblées au sein d'une « liste noire », à moins que le distributeur ne respecte le prix conseillé. Des pièces en font très explicitement état, dont le courriel du 14 septembre 2012 cité au paragraphe précédent : « Du coup, pour éviter tout blocage de compte, je vous prie de retirer les produits blacklistés de vos différents sites ou les mettre aux PPis. »1217, ainsi que celui du 11 octobre 2010 donnant en interne la consigne « Chacun d'entre nous doit contacter les sites concernés et leur demander de revenir au ppi normal ou d'enlever les produits de leur site »1218.

L'acceptation par les distributeurs

903. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes d'Indesit.

904. L'application des prix de vente conseillés ressort en premier lieu des déclarations des distributeurs eux-mêmes1219 et des pièces évoquant l'accord des distributeurs pour remonter les prix1220. Indesit s'appuyait sur le contrôle des « petits distributeurs » via les grossistes (voir l'expression «jlicage des petits via le contrôle des grossistes» issue du compte-rendu d'une réunion avec Darty du 12 mai 20111221), Indesit se référant à la « liste des produits liée au plan selectis » pour évoquer le relais des consignes aux distributeurs par le biais du grossiste Selectis1222. Indesit évoquait le niveau des PPI au cours de réunions conjointes avec un distributeur (But) et Selectis1223, ou faisait relayer ses « blacklistes » par Selectis à ses distributeurs affiliés1224.

905. En deuxième lieu, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Indesit avec ses distributeurs, ce qui traduit l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés.

906. Plusieurs courriels illustrent les échanges sur le niveau des PPI et leur calendrier de mise en œuvre avec Darty1225 et avec Carrefour, qui évoque en 2011 son souhait d'une mise en œuvre d'une hausse des prix en deux temps1226. La négociation portait également sur des prix de produits mis en promotion, les pièces du dossier faisant référence à une liste de produits en promotion pour Darty1227, à des listes de PPI pour des promotions futures adressées à plusieurs distributeurs1228, ou à des demandes de validation de prix promotionnels adressées à Indesit1229.

907. En troisième lieu, au moins une réunion a été orgamsee entre Indesit et l'un de ses distributeurs, en l'espèce Carrefour, le 18 août 20111230, afin de discuter du niveau des prix globalement pratiqué.

908. En quatrième lieu, plusieurs documents montrent l'évolution du prix de vente pratiqué par le distributeur avant et après la demande de rehaussement du prix par Indesit, documents qui prouvent que de telles demandes ont été suivies d'effets. Il en est ainsi de la confirmation par Maismoinscher d'une série de « mise aux PPI » en 20101231, de la confirmation d'une remontée opérée par le distributeur Dimipro1232, ou du respect de consignes de prix par Mistergooddeal1233 ou Cdiscount1234.

909. En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix déterminés à pratiquer se déduit du fait que les marges des distributeurs seraient liées aux prix conseillés. Elle est aussi induite par le fait que les marges des distributeurs seraient liées au niveau des prix conseillés. En effet, dans un compte-rendu interne à la suite d'une réunion avec un distributeur, Indesit a indiqué pour deux produits« voir ancien prix d'achat pour abaisser leur PP!» sous-entendant que le prix d'achat est détenniné en fonction du niveau de prix de revente recommandé et non l'inverse1235. Des notes manuscrites évoquent le souhait de Darty de participer au contrôle des prix si« les marges [sont] correctes »1236, ou le lien entre le maintien des marges d'un distributeur (Conforama) et l'interdiction de vendre sur Internet1237, Conforama ayant fait part à Indesit qu'il était« impératif que les [produits] ne soient pas sur site internet afin que CONFO[rama] préserve son avantage concurrentiel». Indesit relevait en outre dans une présentation interne de juin 2013 que l'absence de contrôle des prix avait pour résultat l'absence de marge des distributeurs et au final le déréférencement des produits concernés1238.

910. En sixième lieu, Indesit faisait de la politique de prix imposés un argument commercial auprès des distributeurs, promettant à ces derniers des actions à l'égard des distributeurs sur Internet afin d'assainir la situation1239 ou détaillant aux pure players, AMS en l'occurrence, les mesures prises afin de« relancer le business», comme« règles strictes vis-à-vis le non­ respect de notre blacklist »1240. Enfin, des propositions commerciales envoyées aux distributeurs mettaient directement en avant la marge proposée à ceux-ci s'ils respectaient le niveau de prix conseillé, comme le montre le tableau du 4 juin 2013 à destination de Carrefour1241.

911. En septième lieu, l'application des prix par les distributeurs résulte également de la surveillance et des remontées d'informations subséquentes opérées par les distributeurs eux­ mêmes. Il ressort en effet des pièces au dossier que les distributeurs d'Indesit ont contrôlé le respect des prix publics indicatifs par les autres distributeurs concurrents. Il en est ainsi de Carrefour1242, de Conforama1243 - avec réaction rapide d'Indesit1244 - ou d'AMS qui, contacté par Indesit pour remonter ses prix, a fait référence aux prix pratiqués par le site Mistergoodeal 1245.

912. Ces documents illustrent ainsi le rôle que peuvent jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix et le lien qu'il peut y avoir entre les politiques commerciales de l'un vis-à-vis de celles de ses concurrents. Les distributeurs conditionnent en effet la remontée de prix au fait que les autres distributeurs fassent de même. Ainsi Carrefour indique « que tant que ces PPI n'auront pas bougé dans les plus brefs délais, ils ne passeront pas la hausse» et que« si ils revoient la 81282 [référence produit] à nouveau en cata[logue] à prix pété, ils la mettent également en cata[logue] à prix pété !!! »1246.

913. Enfin, en application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission1247, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l' Autorité1248, d'autre part, les éléments visés plus haut relatifs au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par Indesit caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

Sur la restriction de concurrence

914. Il convient d'apprécier les objectifs que l'entente en cause visait, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'est insérée.

915. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Indesit, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Indesit avait pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

916. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Indesit de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, Indesit s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

917. Dans la poursuite de cet objectif, Indesit a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en harmonisant à la hausse les prix de revente de ses produits, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

918. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

919. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1249. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101 TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

Sur la durée

920. S'agissant du début de la pratique, il doit, compte tenu des développements exposés ci-avant, être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation d'Indesit, soit le 2 mars 20091250.

921. S'agissant de la fin de la pratique, elle doit, compte tenu des développements exposés ci­ avant, être fixée au jour du dernier élément  caractérisant  la pratique, soit le 31 décembre 20141251.

922. S'agissant du caractère continu de la pratique, il se déduit de ce qui précède que la pratique sanctionnée a été continue entre le 2 mars 2009 et le 31 décembre 2014.

i) Sur l'existence de prix de vente imposés par LG (grief n° 7)

En ce qui concerne l'accord de volontés

L'invitation de LG

923. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, prec1s et concordants démontrant l'existence d'une invitation de LG auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

924. Premièrement, il apparaît que LG s'est employé, par ses « règles du jeu» à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de vente en ligne au détriment du circuit de distribution traditionnel. L'objectif de contrôle des prix de revente apparaît dans plusieurs documents évoquant explicitement la« police des prix», ou la« protection ».

925. Consciente de ce qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente, LG utilisait en outre un langage codé tel que «stock» à la place de «PP!». LG utilisait également avec les distributeurs le terme « accompagnement » pour solliciter le suivi des consignes, de même que celui de « blacklist » pour désigner les références dont le prix de revente était, en dehors de tout système de distribution sélective, particulièrement sensible et justifiait une vigilance, voire une exclusion de la vente en ligne (« des produits qu 'il ne fallait pas chahuter»).

926. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par LG étaient communiqués aux distributeurs, et ce, pour les années 2009 à 2014 comme en attestent notamment les mentions «PP!» ou« stocks» figurant dans les plans de vente adressés pendant cette période par LG à ses distributeurs1252.

927. Le processus de détermination des prix de revente conseillés, définis de manière à optimiser la marge des distributeurs, n'était néanmoins pas toujours unilatéral. Certains distributeurs ont en effet pu y être associés, comme le prouve un échange avec les distributeurs Selectis et But relatant un retour positif sur l'ensemble de leurs demandes (« afin de servir notre commerce réciproque »1253).

928. Troisièmement, LG a surveillé l'application effective par ses distributeurs des prix de vente conseillés. Le recours aux prestataires Net-Veille et WorkIT, comme indiqué au paragraphe 295, en est le reflet.

929. De nombreuses pièces du dossier témoignent d'une surveillance effective par LG des prix pratiqués par les distributeurs, comme une note manuscrite fixant une « police des prix » au titre des « règles du jeux (sic)», ou l'évocation de « problèmes Internet » ainsi que des reproches adressés à certains distributeurs sur la « visibilité » de certains produits. Des distributeurs eux-mêmes y ont concouru en faisant notamment reproche à LG des prix constatés sur les sites de concurrents et des « écarts pas acceptables » ainsi créés (voir les paragraphes 293 à 296).

930. Quatrièmement, LG a enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent de nombreuses pièces documentaires, rapportant des demandes adressées, par exemple, à AMS (« remontée de stock urgente »1254), ou à GPDIS («accompagnement»). Certaines demandes présentées au titre des « blacklist »1255 s'apparentaient également à des demandes de remontées de prix, dès lors que le distributeur n'avait le choix qu'entre le respect du prix imposé ou le retrait de la référence de son site.

931. Enfin, LG mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de deux ordres.

932. En premier lieu, LG pouvait menacer d'arrêter les livraisons si le produit concerné n'était pas vendu au prix souhaité. Ainsi, Selectis a transmis à ses adhérents AMS, GPDIS et Ubaldi une consigne en ce sens en septembre 2009, précisant que « sinon LG va nous bloquer les produits »1256. De même, LG a signifié à AMS en décembre 2011 que la livraison ne serait possible qu'en cas de remontée (des prix) ou de disparition du produit de ses sites.

933. En second lieu, LG avait recours à des limitations de commandes sous la forme d'une interdiction de vente de certaines références, rassemblées au sein d'une « liste noire» : la vente sur Internet du produit pouvait être interdite, sous prétexte de protection de l'image prestigieuse de la gamme, à moins que le distributeur respecte le prix conseillé1257. Ainsi, LG a demandé à GPDIS en juillet 2011 le retrait de certains produits, expliquant qu'il s'agissait de « produits blacklistés pour lesquels nous ne devons pas avoir de visibilité ». Il en va de même des échanges entre LG et AMS de janvier et février 2012 portant sur un produit« blacklisté à la base» pour lequel LG demandait une« remontée de stock urgente».

L'acceptation par les distributeurs

934. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes de LG.

935. Une ancienne salariée de LG a confirmé l'acceptation des prix par les distributeurs en déclarant que « certains [distributeurs] remontaient les prix quand c'était demandé »1258. Les demandes de LG étaient également relayées par les grossistes, comme Selectis, ainsi qu'il ressort d'un échange entre ce dernier et deux distributeurs affiliés, GPDIS et Ubaldi.

936. En deuxième lieu, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par LG avec ses distributeurs, ce qui traduit l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés. Par exemple, des tableaux de référencement montrent un prix conseillé différent pour un même produit selon qu'il s'agit de Darty ou de Conforama1259.

937. Les produits mis en promotion faisaient également l'objet de négociations entre LG et ses distributeurs sur les prix de vente conseillés. Les tableaux de référencement  du 7 octobre 2013 mentionnés au paragraphe 293 ont ainsi été établis pour des opérations promotionnelles distinctes selon les distributeurs et font également apparaître que LG communiquait ces informations très en amont.

938. En troisième lieu, au moins un exemple de janvier 2013 illustre de manière nette l'existence de discussions entre LG et des distributeurs, en l'espèce Selectis et But, sur le niveau de prix pratiqué sur une sélection de produits (« construire ensemble au mieux notre référencement »1260).

939. En quatrième lieu, plusieurs documents montrent l'évolution du prix de vente pratiqué par le distributeur avant et après la demande de relèvement du prix formulée par LG, signe que de telles demandes ont été suivies d'effets, cas illustré particulièrement par AMS en décembre 2011. Ce dernier avait dû en effet prendre a posteriori des mesures correctives afin d'atténuer l'effet sur ses ventes de l'application du prix imposé par LG (« introduire un code réduction valable uniquement pour ce produit »1261).

940. En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix déterminés à pratiquer se déduit du fait que les marges des distributeurs seraient liées aux prix conseillés. De nombreux tableaux de référencement présentaient, en sus des conditions d'achat proposées aux distributeurs, le niveau de marge attendu au regard du prix conseillé. En outre, des discussions entre MDA Electroménager et LG en septembre 2013 confirment que les prix accordés à ce distributeur avaient été étudiés pour qu'il puisse disposer d'une « marge facture confortable »1262.

941. En sixième lieu, la surveillance et les remontées d'informations subséquentes opérées par les distributeurs eux-mêmes traduisent un acquiescement au principe même de l'application des prix convenus. Il ressort du dossier que des distributeurs se sont plaints auprès de LG de prix observés chez d'autres (Privilege au sujet d'Ubaldi et Boulanger en 2011, GPDIS au sujet de Disposelec/Gitem en 2013)1263.

942. De surcroît, la participation active des distributeurs se déduit du fait que le distributeur lui­ même a pu s'enquérir auprès de LG du niveau de prix de revente à respecter. Cette forme de participation est illustrée par la demande de« cotation» faite par Ubaldi en février 2013, ou encore le« coup de pression au fabricant» de juin 2013 décrit par AMS1264.

943. Enfin, en application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission1265, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité1266, d'autre part, les éléments visés plus haut relatifs au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par LG caractérisent l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

En ce qui concerne la restriction de concurrence

944. Il convient d'apprécier les objectifs que l'entente en cause visait, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel cette entente s'est insérée.

945. Premièrement, il ressort des constatations qui précèdent que l'entente en cause a été mise en œuvre par LG, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, LG avait ainsi pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

946. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à LG de fixer de façon directe les prix de revente de ses produits. Ce faisant, LG s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus particulièrement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

947. Dans la poursuite de cet objectif, LG a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en harmonisant à la hausse les prix de revente de ses produits, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

948. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telles que celle en cause1267. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

949. Les éléments du dossier ne permettent pas non plus de justifier la pratique constatée par la poursuite d'objectifs légitimes. Les comportements en cause ne sont dès lors pas objectivement justifiés, de sorte qu'aucune exemption individuelle ne peut être accordée en l'espèce.

Sur la durée

950. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation de LG, soit le 18 septembre 2009.

951. S'agissant de la fin de la pratique, elle doit être fixée au jour du dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 2014.

952. Il ressort enfin de l'ensemble des pièces du dossier que la pratique a présenté un caractère continu du 18 septembre 2009 au le 31 décembre 2014.

j) Sur l'existence de prix de vente imposés par Miele (grief n° 8)

En ce qui concerne l'accord de volontés

L'invitation de Miele

953. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation de Miele auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

954. Premièrement, il ressort de plusieurs éléments du dossier que Miele a poursuivi un objectif de réduction de la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de vente en ligne, objectif auquel concourait notamment la mise en place d'un système de distribution sélective. Un document interne de juin 2012 est explicite à cet égard, rappelant la nécessité de préserver les détaillants traditionnels et énonçant que « le système de distribution sélective a été conçu à l'origine pour empêcher les acteurs d'internet de commercialiser des produits MIELE »1268.

955. Le rôle de protection de la distribution sélective ressort également de propos du distributeur Servigros, qui à la fois invoque « le contrat Miele » et rappelle que sa signature implique « le respect des prix marché »1269. Miele se félicitait d'ailleurs en interne d'utiliser la distribution sélective comme solution aux ventes non maîtrisées sur Internet, notamment par les pure players, même si elle a fait évoluer son système afin de l'adapter aux ventes multicanal1270.

956. La distribution sélective concernait les gammes Prestige et Élégance, le choix de mettre une référence dans une gamme sélective plutôt qu'une autre dépendant non des caractéristiques intrinsèques des produits, mais de la possibilité qu'un produit donné soit vendu par des « ménagistes »1271 (« les chefs de produits pourraient regarder si ces produits se vendent ou non chez les ménagistes afin de voir si ces produits doivent rester élégance ou non »1272). Miele avait conscience du caractère artificiel de ce critère de partage, ainsi qu'il ressort des propos d'un collaborateur indiquant en interne que « si internet était possible, l'argument du conseil de haute qualité nécessaire pour de tels produits haut de gamme serait futile »1273.

957. Miele utilisait en outre un langage codé, en détournant par exemple la signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, comme cela ressort effectivement de plusieurs documents (s'agissant par exemple des aspirateurs Vital en mars 2009 ou de l'exigence de « stocks sains» dans les rapports entre Miele et Ubaldi, en mai 2012)1274. Miele a enfin constaté en 2010 que sa politique de distribution sélective avait rempli ses objectifs, à savoir la « disparition de la visibilité Miele chez les "pureplayers" »1275.

958. Deuxièmement, les prix de revente conseillés par Miele étaient régulièrement communiqués aux distributeurs entre 2009 et 2014 comme en attestent les plans de vente communiqués par Miele à ses distributeurs pendant cette période1276.

959. Le processus de détermination des prix de revente conseillés apparaît dans un échange de 2012 à propos des prix applicables à la gamme Élégance(« certains produits Elégance vont voir leur prix façade augmenter puisque nous appliquerons la même règle que sur Prestige »1277). Ce processus n'était pas toujours strictement unilatéral et certains distributeurs y étaient associés en fonction des circonstances, en particulier Ubaldi, ainsi qu'il ressort d'un échange de mai 2012 (« stocks sains »)1278.

960. Certains distributeurs transmettaient leurs catalogues au fabricant pour validation des prix, ainsi qu'il a été rappelé au paragraphe 312, y compris pour des opérations promotionnelles, comme en témoigne un échange entre Miele et Concerto pour une opération de Noël 20121279.

961. Troisièmement, Miele a surveillé l'application effective par ses distributeurs des prix de vente conseillés. À cet effet, Miele a décrit sa stratégie de veille Internet dans un document interne évoquant un suivi quotidien et a appelé l'attention de ses employés sur l'importance de la« veille Internet »1280. Les services du prestataire WorkIT contribuaient à cette dernière pour plusieurs distributeurs identifiés1281, au moins à partir de 2013 mais, semble-t-il, dès 2012, comme en témoignent des tableaux d'extraction du 27 août 20121282. La surveillance des prix faisait l'objet d'examens réguliers par la direction commerciale, comme en témoignent des échanges de novembre et décembre 2011 (voir paragraphe 316).

962. Cette surveillance a perduré jusqu'au 31 décembre 2014, date de la fin du contrat souscrit avec WorkIT.

963. Quatrièmement, Miele a enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés. Des demandes de remontées de prix de vente au détail sont confirmées par plusieurs pièces documentaires, rapportant en particulier des demandes adressées à AMS ou les allusions du distributeur Servigros sur l'efficacité du contrôle exercé par Miele sur Internet(« on ne peut rien [vous] reprocher sur le net »)1283.

964. Cinquièmement, Miele mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres :

- des mesures de rétorsion sur les conditions commerciales accordées au distributeur déviant (par les « coefficients de pondération de visibilité » ou les « deux types de ristournes différées »)1284;

- l'arrêt ou la menace d'arrêt des livraisons au distributeur en cas de non-respect de la politique de prix1285 ;

- le refus de l'agrément interdisant l'accès du distributeur aux références entrant dans le périmètre de la distribution sélective, illustré par le refus d'agrément de Superlücount motivé par le terme« discount »1286.

L'acceptation par les distributeurs

965. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes de Miele. Ces preuves sont de plusieurs ordres.

966. L'application des prix de vente conseillés ressort en premier lieu des nombreuses demandes de vérification ou de confirmation de prix émanant des distributeurs eux-mêmes.

967. En deuxième lieu, certains distributeurs transmettaient leurs catalogues au fabricant pour validation des prix, y compris pour des opérations promotionnelles, comme en témoigne un échange entre Miele et Concerto pour une opération de Noël 20121287. De façon plus générale, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Miele avec ses distributeurs (tels que Ex&Co et Ubaldi), ce qui traduit l'accord des distributeurs pour appliquer les prix de vente1288. Le lien établi explicitement par Servigros entre la signature du« contrat Miele »et« le respect des prix marché »1289 va dans le même sens.

968. En troisième lieu, au moins une réunion a été organisée entre Miele et le distributeur Superl0count, afin de discuter du niveau des prix globalement pratiqués1290.

969. En quatrième lieu, le fait que le distributeur Digital Group se soit plaint, en 2011, d'avoir dû éditer un erratum pour son catalogue à la suite de l'envoi tardif de consignes de prix par Miele démontre la volonté de se conformer à ces consignes1291.

970. En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix se déduit des échanges dans lesquels Miele explique aux distributeurs quelles marges ils obtiendront eu égard aux prix communiqués. Cela a été observé en 2011, notamment dans le cas d'Ubaldi (« PP! à 699, tu es encore sur un coe.ffiicient] de 1,90 ») ou de Concerto.

971. En sixième lieu, l'acquiescement des distributeurs à l'application des prix indiqués se manifeste dans la surveillance ou la remontée d'informations opérées par les distributeurs eux-mêmes auprès de Miele, ainsi que cela a été observé dans les cas d'Ubaldi (« étonnement »1292), Findis (« Que se passe-t-il? »1293) et Servigros (« la politique de( ...) a des répercussions sur nos résultats »1294).

972. Enfin, en application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission 1295, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité1296, d'autre part, les éléments visés plus haut relatifs au système de suivi et de mesures de rétorsion mis en œuvre par Miele caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

En ce qui concerne la restriction de concurrence

973. Il convient d'apprécier les objectifs que l'entente en cause visait, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel cette entente s'est insérée.

974. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Miele, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Miele avait ainsi pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

975. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Miele de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, Miele s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

976. Dans la poursuite de cet objectif, Miele a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en harmonisant à la hausse les prix de revente de ses produits, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

977. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet. En particulier, étant précisé que l'entente établie a concerné essentiellement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1297. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

Sur la durée

978. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation de Miele, soit le 17 mars 2009.

979. S'agissant de la fin de la pratique, elle doit être fixée au jour du dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 2014.

980. Il ressort enfin de l'ensemble des pièces du dossier que la pratique a présenté un caractère continu du 17 mars 2009 au 31 décembre 2014.

k) Sur l'existence de prix de vente imposés par Smeg (grief n° 10)

En ce qui concerne l'accord de volontés

L'invitation de Smeg

981. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation de Smeg auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

982. Premièrement, la volonté de Smeg de faire respecter par ses distributeurs un niveau de prix de revente déterminé ressort de nombreuses pièces documentaires, dont un document interne indiquant de manière explicite l'objectif de remonter les prix nets en donnant« moins de marge de manœuvre » aux distributeurs. À cette fin, le fabricant souhaitait s'appuyer sur un « prix discounté acceptable» en fixant un calendrier d'application pour les enseignes pour la période comprise entre les 15 février et 1er mars 20071298. Un autre document indique à cet égard que Smeg s'engageait vis-à-vis des distributeurs à« respecter une politique de prix en maîtrisant les pure players sur le net »1299.

983. Smeg a également mis en place un système de distribution sélective, dont le rôle dans la maîtrise du prix des références concernées ressort de déclarations de Smeg elle-même1300, ainsi que de courriels demandant aux distributeurs de respecter le prix conseillé au motif que les références concernées sont protégées par le contrat de distribution sélective1301, ou associant à des références sous distribution sélective (gamme Elite) le niveau de prix à respecter1302. Le rôle de protection ressort également d'échanges prévoyant différentes actions pour protéger le niveau de prix des références Elite sous distribution sélective1303, ou de courriels envisageant explicitement d'intégrer à la distribution sélective une référence pour éviter qu'elle ne soit commercialisée par Pixmania1304. Enfin, dans le cadre d'une demande interne visant à contacter en 2011 les distributeurs afin qu'ils remontent leurs prix, Smeg indiquait clairement : « on met tous del 'énergie dessus etc 'est un point que vos clients apprécie[nt] avec le contrat de distrib[ution] sélectif à nous de le faire sans contrat »1305.

984. Smeg, de manière générale, mentionne à de nombreuses reprises sa « politique prix » ou « politique commerciale »1306, l'engagement de « respecter une politique prix »1307 et les actions de « remontée de prix »1308 ou de « stock »1309, ce qui démontre sa volonté de contrôler les prix de revente de ses produits.

985. Smeg était consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, comme le prouvent certaines pièces portant la mention « effacer cet email après l'avoir lu svp »1310 ou « attention à la manière dont vous vous exprimez »1311, ainsi que les plans de vente assortis de la mention « conformément à la législation, chaque revendeur peut fixer librement ses prix de ventes »1312. Smeg utilisait ainsi un langage codé détournant notamment de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, ainsi que l'ont indiqué plusieurs distributeurs et comme cela ressort effectivement de très nombreux documents saisis par les services d'instruction.

986. En plus du terme« stock», Smeg a également utilisé le terme de« blacklist » pour désigner les références les plus sensibles dont le prix de revente devait respecter scrupuleusement le prix conseillé par le fabricant.

987. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par Smeg étaient communiqués aux distributeurs, et ce, pour les années 2007 à 2014.

988. La communication des prix de vente conseillés aux distributeurs par Smeg est attestée par de nombreuses preuves documentaires, dès l'année 2007, et au cours des années suivantes. Le prix conseillé était généralement désigné par l'acronyme « PUC » pour prix usuel constaté, mais aussi par le terme «stock» ou par «PP!» pour prix public indicatif. La communication de prix conseillés par Smeg à ses distributeurs est notamment confirmée par le distributeur Maismoinscher1313, ainsi que par une ancienne salariée de la centrale d'achat Selectis1314.

989. La diffusion de prix de vente conseillés concernait également des prix de vente relatifs à des opérations de promotion, ainsi que l'atteste un courriel interne du 7 juillet 2008 au sujet d'une « opération dite "électrochoc"» chez Mistergooddeal1315 ou les échanges visant à la remise à niveau des prix de revente après la fin d'une période de soldes1316, ou encore un courriel du 24 mai 2012 pour une opération promotionnelle chez Boulanger1317. Elle a perduré jusqu'en décembre 2014, ainsi qu'en attestent les plans d'affaires communiqués par Smeg à Darty, valables au moins jusqu'au 31 décembre 2014.

990. Le processus de détermination des prix de revente conseillés apparaît dans un document interne à Smeg comparant les prix plancher applicables en France et ceux applicables en Italie1318. Ce processus n'était pas toujours strictement unilatéral, dès lors que certains distributeurs ont pu y être associés en fonction des circonstances, comme cela a été le cas pour certaines opérations promotionnelles1319.

991. Troisièmement, Smeg a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs. Avant 2010, des pièces du dossier établissent que Smeg réalisait elle-même la surveillance des prix de revente sur Internet. À partir de 2010, Smeg a souscrit auprès de WorkIT un service de relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs. Smeg transmettait à WorkIT les familles de produits et la liste non exhaustive des sites internet à suivre1320, jouant ainsi un rôle actif dans la surveillance. Des preuves documentaires attestent de la surveillance effective par Smeg des prix pratiqués par ses distributeurs sur la période concernée, tels un courriel indiquant qu'un responsable commercial allait contrôler les prix le lundi1321, ou la consigne de Smeg visant à ce qu'une référence« ne doit pas "dériver" sur d'autres sites »1322. La surveillance ressort également de courriels retraçant les évolutions des prix pratiqués par les distributeurs (« décrochage »1323, « glissé »1324, « décalé »1325, « pas encore bougé »1326... ) ou d'une alerte de WorkIT1327.

992. Quatrièmement, Smeg a enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent les déclarations de plusieurs distributeurs concurrents. Ces demandes de remonter le prix de vente au détail des produits sont également confinnées par de nombreuses pièces documentaires, rapportant des demandes adressées à Maismoinscher, CS Diffusion, Boulanger, Ventadis ou encore Darty (voir les échanges mentionnés au paragraphe 351). D'autres échanges internes prouvent que Smeg demandait à ses collaborateurs de contacter les distributeurs pour remonter les prix (« merci de votre action »1328, « merci de bien vouloir faire remonter les prix sur ces produits ce jour »1329, « merci du stock à ce niveau »1330, entre autres).

993. Par ailleurs, Smeg mettait en œuvre à l'égard des distributeurs des mesures de rétorsion de plusieurs ordres.

994. Un premier niveau consistait en un arrêt, ou une menace d'arrêt, des livraisons. Smeg a pu conditionner la livraison de certaines références au respect des prix conseillés et donner son accord pour mettre un produit en commande « si le produit est en commande et que le PUC ne bouge pas »1331. L'arrêt des livraisons en cas de non-respect par le distributeur du niveau de prix souhaité par le fabricant est également confirmé par le fait que, à la suite d'un entretien avec un distributeur, Smeg a indiqué en interne « ne pas avoir de problème à arrêter avec Amazon si cela ne changeait pas »1332.

995. Le second niveau consistait en des limitations de commandes sous la forme d'une interdiction de vente de certaines références, rassemblées au sein d'une « liste noire », à moins que le distributeur respecte le prix conseillé. Ainsi, dans un document interne du 4 avril 2013, Smeg proposait de donner accès à Pulsat à une référence en indiquant toutefois « [qu']il sera black listé et donc non visible sur le net »1333. Un autre courriel de 2013 indique explicitement « protégé = blacklist »1334. Ces « blacklists » pouvaient être des références sous distribution sélective (pour la gamme Elite notamment), mais aussi des références non soumises à la distribution sélective comme l'a précisé un distributeur1335.

996. Un dernier niveau pouvait être le refus de l'agrément interdisant l'accès du distributeur aux références entrant dans le périmètre de la distribution sélective. Plusieurs distributeurs en attestent, dont Maismoincher notamment1336. Le rôle de protection de la distribution sélective a été expliqué ci-avant, et ressort également d'échanges avec Boulanger1337.

997. D'ailleurs, à la suite d'une demande de Darty de bénéficier « [d']un produit protégé ou spécifique pour être à l'abri à 499€», Smeg a indiqué que« la proposition d'unfourprotégé s'impose, car l'absence d'une offre remettrait en cause une bonne part de notre business avec [Darty] »1338, démontrant ainsi que l'inclusion ou non dans le champ de la distribution sélective était davantage liée à la possibilité de maintenir les prix de revente à un niveau élevé, plutôt qu'aux caractéristiques des produits.

L'acceptation par les distributeurs

998. Des preuves documentaires attestent que des distributeurs ont accepté d'augmenter les prix ou de maintenir les prix à un niveau conforme aux consignes de Smeg.

999. L'application des prix de vente conseillés ressort en premier lieu des déclarations des distributeurs eux-mêmes, comme WebAchatFrance1339 ou Maismoincher1340 et de nombreuses pièces internes à Smeg constatant l'application effective des prix, ou l'accord pour remonter les prix de la part de différents distributeurs comme Darty1341, des distributeurs affiliés à Selectis1342, ou Ubaldi qui «s'est plié à [leurs] contraintes assez régulièrement »1343. Des courriels internes listant les distributeurs « au prix »1344 ou indiquant pour une référence que« le stock est calé chez tous »1345.

1000. Les consignes de Smeg étaient également relayées par les grossistes, ce qui ressort par exemple d'un courriel du 21 février 2011 dans lequel GPDIS demande à Maismoinscher de « se mettre au bon prix »1346.

1001. En deuxième lieu, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Smeg avec ses distributeurs, ce qui traduit l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés. De telles négociations ressortent d'échanges avec Darty qui « demande un produit protégé ou spécifique pour être à l'abri à 499€ », Smeg indiquant que « la proposition d'un four protégé s'impose, car l'absence d'une offre remettrait en cause une bonne part de notre business avec [Darty] »1347. Le contrôle de Smeg portait également sur les prix promotionnels comme un atteste un courriel de confirmation du prix promotionnel de Boulanger par Smeg ce dernier indiquant le niveau de prix et que « l'offre promotionnelle est réservée aux magasins »1348.

1002. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que des échanges ont eu lieu entre Smeg et ses distributeurs, en l'espèce Delamaison et Mistergooddeal afin de discuter du niveau des prix globalement pratiqués1349.

1003. En quatrième lieu, plusieurs documents montrent l'évolution du prix de vente pratiqué par le distributeur avant et après la demande de rehaussement du prix par Smeg, documents qui prouvent que de telles demandes ont été suivies d'effets. Peuvent être cités des courriels transmettant en interne l'indication selon laquelle les distributeurs ont respecté les prix1350, ou indiquant qu'un commercial de Smeg a obtenu de Boulanger une remontée immédiate de prix1351.

1004.En cinquième lieu, l'acceptation de niveaux de prix déterminés à pratiquer se déduit du fait que les marges des distributeurs seraient liées aux prix conseillés. Ainsi, Smeg évoque le coefficient à accorder à Pixmania, celui-ci pouvant être dissuasif pour un distributeur, comme l'indique tout à fait explicitement Smeg1352. De même, un échange sur le prix pratiqué par Darty sur certaines références évoque clairement la rentabilité attendue par ce distributeur1353, et un courriel relatif à une baisse de prix conseillé évoque ses conséquences en termes de rentabilité pour le distributeur concerné (Boulanger)1354. Enfin, plusieurs documents montrent qu'une incitation du fabricant pour contrôler le niveau de prix de revente pouvait également être, vis-à-vis de certains distributeurs, de ne pas payer de pénalités financières au titre de la « compensation de marge » dans l'hypothèse où la marge théoriquement prévue au regard du prix conseillé était inférieure à celle réellement réalisée (voir supra paragraphe 696)1355. Par conséquent, l'ensemble de ces éléments montrent que la politique commerciale mise en place par Smeg a conduit à ce que le prix d'achat dépende du prix de revente conseillé.

1005. En sixième lieu, l'acceptation des distributeurs est également corroborée par le fait que Smeg elle-même en faisait un argument commercial auprès de ces derniers. Ainsi, dans un courriel de 2013, Smeg prévoit de solliciter une remontée des prix de la part de Mistergooddeal, afin de montrer à un autre distributeur (Amazon) l'efficacité du dispositif. Le fait qu'une référence est au prix conseillé chez la plupart des distributeurs est clairement présenté comme un avantage pour un distributeur souhaitant se procurer cette référence1356. De même, dans le cadre d'une négociation commerciale avec Smeg, Boulanger soulignait la nécessité de« se met[tre] d'accord sur le positionnement à tenir sur le produit »1357, les responsables de Smeg indiquant par ailleurs en interne « Boulanger comme Darty doivent montrer l'exemple et on doits 'appuyer sur eux »1358.

1006.En septième lieu, l'application des prix par les distributeurs résulte également de la surveillance et des remontées d'informations subséquentes opérées par les distributeurs eux­ mêmes. Il ressort en effet des éléments du dossier que les distributeurs de Smeg ont contrôlé le respect par d'autres distributeurs concurrents des prix publics indicatifs. Il en est ainsi de Darty, qui s'est plaint du prix pratiqué par un concurrent sur une référence de cuisinière1359, ou de Ventadis, qui demande une action de Smeg ou de Boulanger sur les prix pratiqués par Darty et Ubaldi1360.

1007. La participation active de certains distributeurs découle également du fait que plusieurs d'entre eux conditionnaient la modification de leurs propres prix de revente à la suite d'instructions de Smeg à une action analogue de leurs concurrents. À titre d'illustration, un courriel interne du 22 février 2007 indiquait qu'AMS était prêt à « remonter ses prix sur internet si et seulement si les autres protagonistes font de même »1361. De même, à la suite d'une demande de Smeg aux fins de remonter le prix de vente de certaines références, Boulanger s'est dit prêt à suivre Ubaldi si ce dernier remontait les prix à la demande de Smeg1362, Ubaldi indiquant pour sa part qu'il ne remonterait ses prix que si d'autres acteurs de l'Internet faisaient de même. À la fin de l'année 2012, Smeg indiquait que Boulanger était prêt à respecter le prix de revente si « tous les sites leaders» le faisaient également1363. D'autres pièces du dossier, notamment les échanges internes de mars 2013 et octobre 2013, attestent du lien entre les comportements des différents distributeurs.

1008. De la même manière, des distributeurs conditionnaient le respect du niveau de prix au retrait de la référence en question chez un ou plusieurs concurrents. Un échange interne de courriels du 23 avril 2012 montre en effet qu'afin que la remontée de prix par Darty soit effective, il était nécessaire que les références concernées, en l'espèce des produits entrant dans le champ de la distribution sélective, soient retirées de sites internet concurrents1364.

1009. Ces documents illustrent le rôle que pouvaient jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix et le lien qu'il peut y avoir entre les politiques commerciales  de distributeurs  concurrents.  Des échanges  internes illustrent  l'effet «domino» susceptible d'être engendré par la déviation d'un site internet vis-à-vis d'autres distributeurs concurrents. En l'espèce, s'agissant d'une référence de cuisinière, Smeg alerte ses équipes sur le fait que « Boulanger va la sortir si nous ne faisons pas quelque chose (comme Darty je crois?) »1365 et qu'au-delà« il va falloir faire respecter la mise en stock sinon, avec ou sans Amazon nous allons avoir des soucis avec Boulanger qui a déjà constaté le fait chez DARTY»1366.

1010. La participation active des distributeurs s'infère également du paramétrage des robots informatiques utilisés pour la modification automatique des prix de revente. Par exemple, à une demande de remontée de prix de Smeg, Maismoinscher a indiqué « réglage fait sur Robot (... ) si les autres remontent cela remontera ... »1367. De même, Smeg fait état de l'accord de Boulanger pour caler ses prix uniquement sur ceux de deux concurrents qui respectent les prix imposés par Smeg : « d'accord pour se benchmarker uniquement sur DARTY et UBALD! »1368.

1011. Enfin, la participation active des distributeurs ressort également des menaces que certains d'entre eux pouvaient faire peser sur le fabricant. Il pouvait s'agir de menaces de déréférencement d'un produit lorsque, par exemple, Smeg indique : « Boulanger va la sortir si nous ne faisons pas quelque chose (comme Darty je crois ?) »1369. Il pouvait également s'agir de pénalités financières sous la forme de « compensations de marge». C'est ce qu'évoque Smeg lorsqu'elle indique qu'elle « [s']achemin[e] vers un rattrapage de marge »1370, ou qu'elle« a dû compenser 4000€ aujourd'hui chez Boulanger »1371.

1012. En huitième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles développées ci-dessus pour les autres fabricants, en application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité, d'autre part, les éléments visés plus haut relatifs au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par Smeg caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

En ce qui concerne la restriction de concurrence

1013.Il convient d'apprécier les objectifs visés par l'entente, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'est insérée.

1014.Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Smeg, en réaction à l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Smeg avait pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

1015.Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Smeg de fixer directement les prix de revente de ses produits. Ce faisant, Smeg s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement, par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

1016. Dans la poursuite de cet objectif, Smeg a fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle elle s'est immiscée, en harmonisant à la hausse les prix de revente de ses produits, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

1017. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet. En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1372. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

Sur la durée

1018. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation de Smeg, soit le 22 février 2007.

1019. S'agissant de la fin de la pratique, elle doit être fixée au jour du dernier élément caractérisant la pratique, soit jusqu'au 31 décembre 2014.

1020. Il ressort enfin de l'ensemble des pièces du dossier que la pratique a présenté un caractère continu du 22 février 2007 au 31 décembre 2014.

I) Sur l'existence de prix de vente imposés par Whirlpool (grief n° 11)

En ce qui concerne l'accord de volontés

L'invitation de Whirlpool

1021. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une invitation de Whirlpool auprès de ses distributeurs à respecter un prix de revente minimum pour ses produits.

1022.Premièrement, Whirlpool a manifesté sa volonté d'assurer un meilleur contrôle des prix de vente de ses produits, notamment en ligne. Il ressort ainsi de plusieurs pièces du dossier, et notamment de documents stratégiques, que la mise en place d'un réseau de distribution sélective devait assurer la protection de certaines références.

1023.En particulier, un courriel interne d'octobre 2010 confirmait cette stratégie, consistant à mieux contrôler le prix de vente des distributeurs. Ce document indiquait notamment que la création d'une nouvelle gamme appelée« Green Generation », laquelle était« protégée par un contrat de distribution sélective vis-à-vis de la distribution » devait permettre à ses principaux distributeurs de « ne [pas être] confrontés à des offres prix 'fracassantes" sur ces produits sur des sites PPlayers [pure players] »1373.

1024. Des distributeurs ont confirmé que si les fabricants et fournisseurs, notamment Whirlpool, ont voulu mettre en place une distribution sélective, c'était en réalité pour faire respecter un certain niveau de prix de vente qu'ils déterminaient. Webachat a déclaré que, d'après certains commerciaux, il fallait relever les prix pour que les distributeurs spécialisés, notamment Darty, continuent de mettre en avant leurs produits1374, et a cité 25 fabricants (dont Whirlpool, pour sa gamme Ecogreen), qui exerçaient un contrôle sur le prix de vente au détail des produits, soit dans le cadre d'une distribution sélective, soit par l'application de listes noires hors distribution sélective1375.

1025. Dans le même sens, Maismoinscher a déclaré avoir été confronté à des ententes verticales de prix imposés par les fabricants, dont notamment Whirlpool1376, aux distributeurs1377.

1026. Consciente qu'elle ne pouvait pas intervenir dans la détermination du prix de revente de ses produits auprès de ses distributeurs, Whirlpool utilisait en outre un langage codé détournant de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum1378.

1027. Deuxièmement, les prix de revente au détail conseillés par Whirlpool étaient communiqués aux distributeurs, exceptionnellement pour l'année 20081379, et systématiquement, pour les années 2009 à 20141380.

1028. Le processus de détermination des prix de revente conseillés n'était pas toujours strictement unilatéral. Certains distributeurs ont en effet pu y être associés en fonction des circonstances. Par exemple, en communiquant à Conforama, par un courriel du 25 février 2013, des prix de revente pour la gamme lavage, Whirlpool précise:« [r]appel des demandes: Les PPI ci­ dessous sont ceux que tu m'as communiqués »1381. De même, en janvier 2014, Darty a pu limiter une hausse de PPI pour une référence de lave-linge, la hausse conduisant à un PPI de 469 euros alors que Whirlpool pensait initialement augmenter le PPI à 479 euros1382.

1029. La communication des prix de vente conseillés aux distributeurs est attestée par plusieurs preuves documentaires saisies, qu'il s'agisse de courriels adressés directement par les grossistes aux distributeurs, ou de plans de vente adressés directement par Whirlpool à ses distributeurs1383. La diffusion de prix de vente conseillés s'est étendue à des prix de vente conseillés pour les opérations de promotion, comme en attestent des éléments du dossier1384.

1030. Troisièmement, Whirlpool a surveillé l'application effective des prix de vente conseillés par ses distributeurs.

1031. Comme exposé ci-avant, Whirlpool a effectivement souscrit auprès de WorkIT un service lui permettant, de janvier 2009 à juin 2014, d'avoir communication d'un relevé des prix pratiqués sur Internet par plusieurs distributeurs de ses produits 1385. Whirlpool a également bénéficié d'un service similaire de la part de Net-Veille, probablement pour les années 2007 à 20091386, ainsi que de la part de la société de veille IFR Monitoring1387.

1032. Parallèlement, il a été demandé aux employés de Whirlpool de surveiller les distributeurs. Ainsi, Whirlpool a procédé, au cours de l'année 2011, à la visite d'un grand nombre de magasins Darty, But et Conforama afin de relever le « prix public constaté » de ses produits1388. De même, un courriel interne du 13 janvier 2014 destiné à l'équipe commerciale donne des éléments de langage visant à faciliter les remontées de prix de revente, indiquant ainsi qu'il était demandé aux salariés de Whirlpool d'opérer une telle surveillance1389. Des impressions d'écran du site internet« i-Comparateur » datées du 13 mai 2014 relevant les prix pratiqués pour plusieurs références ont également été saisies chez Whirlpool1390. Il a pu également être demandé à des salariés de« [[Jaire attention à ne pas voir de dérive», c'est­ à-dire de prix qui baisseraient au-dessous d'un certain seuil chez un certain nombre de distributeurs1391. Cette surveillance concernait les distributeurs, mais également les grossistes comme Selectis1392.

1033. Les documents au dossier attestent en outre que les relevés de prix permettaient de comparer les prix effectivement pratiqués avec les prix conseillés. Ainsi, dans le tableau de surveillance réalisé pour les prix pratiqués par les magasins Conforama en décembre 2008, de tels prix apparaissent en rouge lorsqu'un écart significatif avec le prix conseillé est constaté1393.

1034. Quatrièmement, Whirlpool a maintes fois enjoint à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés, comme l'attestent les déclarations de WebachatFrance1394 ou Maismoinscher1395. Ces demandes de remonter le prix de vente au détail des produits sont également confirmées par de nombreuses pièces documentaires, dans lesquelles Whirlpool enjoint à ses distributeurs une action rapide1396.

1035. Les éléments du dossier indiquent que les distributeurs accédaient généralement à de telles demandes1397. Il apparaît au demeurant que Whirlpool exerçait à l'égard des distributeurs un certain pouvoir de contrainte, notamment en cessant de livrer ces distributeurs en prétextant des« soucis d'approvisionnement »1398.

L'acceptation par les distributeurs

1036. Il ressort des éléments du dossier un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant l'existence d'une acceptation, par les distributeurs, de l'invitation de Whirlpool à respecter un prix de revente minimum. De nombreux documents montrent ainsi que les prix de vente conseillés communiqués par Whirlpool ont été appliqués par les distributeurs.

1037. Premièrement, le maintien d'un certain niveau de prix s' infère des pièces au dossier.

1038. D'abord, l'application des prix de vente conseillés ressort des déclarations des distributeurs1399. Par ailleurs, un distributeur pouvait s'approvisionner auprès de grossistes tels que Selectis, et non directement auprès du fabricant. Dans cette configuration, Selectis a notamment déclaré avoir « eu des "discussions houleuses" à ce sujet [suivi des prix]», avant de préciser que « [sJi nous voulions une certaine rentabilité, il fallait rester sur ce niveau de prix-là »1400.

1039. Ensuite, et ainsi que précisé ci-avant, les prix de vente conseillés pouvaient être directement négociés par Whirlpool avec ses distributeurs, cette circonstance traduisant par hypothèse l'accord des distributeurs concernés pour appliquer les prix de vente ainsi négociés. À titre d'illustration, les PPI communiqués le 25 février 2013 à Conforama « sont ceux que tu [Conforama] m'as communiqués »1401. D'autres documents attestent de fixations de prix de revente réalisées de concert avec Darty1402, Boulanger1403, ou encore Digita11404.

1040. La négociation sur les prix de vente conseillés entre Whirlpool et certains de ses distributeurs portait non seulement sur des produits du fond de rayon mais également sur les produits mis en promotion 1405.

1041. En outre, les éléments du dossier attestent de ce que les demandes de remontée de prix étaient suivies d'effet, le distributeur répondant favorablement à la demande de Whirlpool1406. Des notes manuscrites de janvier 2011 indiquent que Darty, par exemple, donnait satisfaction à Whirlpool dans la mise en œuvre de sa politique de maintien des prix de revente de certaines références à certains niveaux1407.

1042. Troisièmement, il résulte des éléments du dossier que des distributeurs ont eux-mêmes mis en œuvre des mesures de surveillance vis-à-vis de leurs concurrents.

1043.Par exemple, dans un courriel du 25 mai 2014, Abribat demande à Whirlpool d'agir pour que certains de ses concurrents, en l'occurrence Ubaldi et Villatech, respectent « les consignes communiquées »1408. Ce document illustre ainsi le rôle que pouvaient jouer certains distributeurs dans la surveillance de l'application des prix et l'existence de liens entre les politiques commerciales de l'un vis-à-vis de celles de ses concurrents.

1044.En application des lignes directrices sur les relations verticales de la Commission1409, d'une part, et de la pratique décisionnelle de l'Autorité1410, d'autre part, les éléments visés dans la partie relative au système de suivi et de pénalités mis en œuvre par Whirlpool caractérisent également l'acquiescement tacite des distributeurs à l'entente.

L'existence d'une restriction de concurrence

1045.Il convient d'apprécier les objectifs visés par l'entente, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'est insérée.

1046. Premièrement, il ressort des éléments du dossier que l'entente en cause a été mise en œuvre par Whirlpool, en réaction à l'essor des ventes en ligne de produits électroménagers, d'une part, et à l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. En effet, le développement de prix de revente en ligne jugés trop faibles était perçu comme une menace pour les circuits de vente traditionnels. En imposant des prix de revente à ses distributeurs, Whirlpool avait pour objectif de relever les prix de vente en ligne de ses produits et, notamment, de s'assurer que les distributeurs spécialisés continuent de les commercialiser.

1047. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de permettre à Whirlpool de fixer directement les prix de revente des produits. Ce faisant, Whirlpool s'attachait à réduire la pression concurrentielle exercée notamment par le canal de la vente en ligne et, plus généralement par les distributeurs pratiquant des prix perçus comme trop agressifs.

1048. Dans la poursuite de cet objectif, Whirlpool a donc fait obstacle à la liberté tarifaire des distributeurs, dans laquelle il s'est immiscé, en contribuant à maintenant un niveau de prix de revente global plus élevé, alors même que les distributeurs indépendants doivent pouvoir librement fixer leurs prix de revente.

1049. Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

1050.En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telles que celle en cause1411. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-ldu code de commerce.

1051.La pratique reprochée à Whirlpool doit donc être qualifiée d'entente anticoncurrentielle contraire aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

La durée de l'infraction

1052. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement d'un distributeur à l'invitation de Whirlpool, soit le 1er janvier 20081412.

1053. S'agissant de la date de fin de la pratique, elle doit être fixée au dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 2014.

1054. Il ressort enfin de l'ensemble des pièces du dossier que la pratique a présenté un caractère continu du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2014.

m)  Sur l'existence d'une entente sur les prix entre Darty et les fournisseurs et fabricants de produits électroménagers (grief n° 13)

Sur l'existence d'un accord de volontés

L'invitation des fabricants et fournisseurs à respecter un certain niveau de prix de revente

1055. L'invitation des fabricants et fournisseurs à respecter un certain niveau de prix de revente est démontrée notamment par l'ensemble des éléments visés dans les sections concernant les griefs n° 2 à 11 relatives à l'invitation par les fournisseurs à respecter des prix minimums de revente de leurs produits.

L'acceptation par Darty

1056. Il existe un faisceau d'indices graves, précis et concordants indiquant que Darty a adhéré à la politique de prix des fabricants et fournisseurs.

♦ Le rôle particulier et prescripteur de Darty

1057. L'acceptation par certains distributeurs reposait notamment sur le rôle particulier que ces derniers ont pu jouer dans la mise en œuvre des pratiques de prix imposés. À cet égard, des distributeurs ont en effet déclaré « 2008 a signé la fin de la liberté des prix, sans doute due en partie aux pressions des grandes enseignes qui s'inquiétaient de la concurrence à la baisse sur les prix par le canal internet, alors en plein essor »1413, et qu'ils pouvaient recevoir des demandes de remontées de prix« notamment si au sortir d'un rendez-vous avec une grande enseigne, on leur avait reproché la présence de prix bas sur internet »1414. Les restrictions mises en œuvre concernaient « une grande variété de produits qui représentaient les plus gros volumes, soit ceux présents chez les grandes enseignes de la distribution traditionnelle »1415. Certains distributeurs, comme Darty et Boulanger, pouvaient ainsi jouer un rôle particulier sur le marché français, comme l'illustre par exemple un échange interne de Whirlpool du 15 février 2013 visant à articuler les positionnements de prix de revente de certains produits entre Darty et Boulanger « pour minimiser les perturbations entre nos coqs en 2013 »1416,ou encore un échange interne de Smeg du 12 mars 2013 indiquant, dans le cadre d'un échange relatif à la fixation d'un prix de revente recommandé, que « Boulanger comme Darty doivent montrer l'exemple et on doit s'appuyer sur eux »1417.

1058. Leader dans la distribution de produits électroménagers, Darty dispose d'un poids économique important, lui conférant un pouvoir prescripteur, tant dans ses rapports avec ses concurrents, que dans ceux avec les fabricants et fournisseurs de produits de GEM et de PEM1418. Ainsi, un ancien salarié de BSH déclare que, « vu le volume des ventes, c'est DARTY (... ) qui dictaient leurs règles »1419. Par ailleurs, une ancienne salariée de LG indique: «je ne pense pas que LG était en position de négocier les prix avec DARTY (... ), c'était plus eux, selon moi, qui menaient la danse »1420. Enfin, un distributeur soulignait qu'il « lui fallait mettre tous [les] produits au PPI DARTY pour être livré de l'ensemble de [leurs] commandes »1421.

1059.De même, ainsi que cela est développé ci-dessous, il ressort des éléments du dossier que le pouvoir prescripteur de Darty a conduit à l'effectivité de la pratique de prix de revente imposés. Darty a joué à la fois un rôle de meneur, par le strict suivi des prix négociés avec les fabricants et fournisseurs, et d'incitateur, par la surveillance des prix pratiqués par ses concurrents et par son appel à la sanction de ceux qui en déviaient. Ainsi, son action a eu un effet important sur l'effectivité de l'entente.

♦ Le maintien d'un certain niveau de prix

1060. En premier lieu, de nombreuses déclarations de grossistes et de distributeurs démontrent que les prix conseillés par les fabricants et fournisseurs ont été appliqués par Darty.

1061. Webachat a ainsi indiqué que « plusieurs commerciaux [des fabricants] nous ont ainsi indiqué à l'oral que s'ils voulaient que leurs clients de la grande distribution spécialisée, notamment DARTY (leader du marché) continuent de mettre en avant leurs produits, il était nécessaire que les fabricants remontent les prix de vente des produits »1422. Il a également déclaré que « la politique d'alignement était essentiellement liée à la politique commerciale de DARTY qui avait plus de 20% du marché de la distribution »1423.

1062. Maismoinscher a quant à lui ajouté que « les grossistes nous fournissaient les cataloguent [sic] de références sous format Excel en y intégrant les PPI ( ... )qui correspondai[en]t au[x] tarif[s] pratiqué[s] par DARTY »1424.

1063. En deuxième lieu, de nombreux éléments documentaires illustrent l'acceptation explicite de Darty sur le niveau de prix à appliquer. Ainsi, des notes manuscrites internes à SEB du 12  novembre  2008  portaient  l'indication  « Darty  OK  si  autres  c[oncurrents]  ? [augmentent] »1425. Un échange interne à FagorBrandt du 8 mars 2010 demandait s'il était « envisageable de remonter le produit ou de la retirer des sites pureplayers (... ) DARTY s'étant aligné »1426. Un autre échange interne à FagorBrandt du 9 juin 2010 indiquait que « Darty est partant pour une remontée internet» concernant des plaques de cuisson1427.

1064. L'application des prix ressort également d'autres courriels internes aux fabricants, comme cet échange chez Smeg indiquant le 30 décembre 2011, s'agissant d'une cuisinière, que « DARTY l'a mis à 2199€ de suite »1428, ou constatant le 12 septembre 2012, à propos d'une autre référence cuisinière, que« Darty c'est ok pour demain matin stock 3299 »1429 ; ou chez Candy Hoover qui le 22 février 2013 précisait: «pour le stock à 380. Dartoche [DARTY] est déjà OK »1430 ou encore chez Electrolux précisant le 21 mai 2013, au sujet d'une remontée de prix, « OK pour DARTY ce jour, comme convenu 360 »1431. De même, un document interne de BSH relatif à une réunion avec Darty du 9 septembre 2013 indique « définir ensemble les positionnements stratégiques, construire le promotionnel (... ) assurer l'équilibre pour préserver la rentabilité de Darty et celle de Bosch »1432.

1065. En troisième lieu, l'application des prix de vente conseillés par Darty ressort également du fait que les fabricants et fournisseurs ont pu lui garantir l'accès à des références spécifiques, protégées de la concurrence des autres distributeurs, pratique qualifiée de « channel management ».

1066. Ainsi, Darty a pu bénéficier de produits protégés auprès de nombreux fournisseurs comme par exemple des« ventes exclusives» sur le« modèle le plus vendu» de lave-linge BSH en 20101433,  de « [produits] "protégés" »1434 et de l'assurance d'une «protection pure player »1435 auprès de Candy Hoover en 2010, de « volumes protégés »1436 ou d'une « exclusivité de la vente de cette référence jusqu'à fin 2011 au PPI spé Darty à 479€»1437 de produits Indesit en 2011.

1067. Une telle protection est également démontrée par des échanges internes à Smeg du 8 juillet 2012 au sujet d'une référence de four. La concurrence sur ce produit ayant réduit la marge de Darty, celui-ci a demandé à Smeg : « un produit protégé ou spécifique pour être à l'abri à 499€ », ce dernier concluant que « la proposition d'un four protégé s'impose, car l'absence d'une offre remettrait en cause une bonne part de notre business avec [DARTY] »1438.

1068. Darty a pu également bénéficier de l'interdiction à la vente en ligne de certaines références, sauf à ce que le prix de revente respecte le prix conseillé (« blacklists »). Un ancien salarié de BSH a confirmé que« DARTY( ...) [souhaitait] que leurs références ne soient pas vendues sur internet »1439 car « les clients traditionnels (DARTY), mais également les petites enseignes, se plaignaient des prix pratiqués sur Internet »1440. En 2011, un distributeur a en effet pu constater une restriction de vente de la part de LG sur « des produits particulièrement déterminants en termes de compétitivité, (... ), tout juste référencés par DARTY, de sorte que le fabricant souhaitait les "protéger" de toute concurrence Internet »1441. AMS a déclaré, à propos d'Electrolux, que les « listes [de références] évoluaient graduellement en fonction de l'évolution du référencement des produits par certaines GSS, et notamment DARTY»1442.

1069. En quatrième lieu, l'application des prix de vente conseillés par Darty ressort également de documents montrant que le niveau de certains d'entre eux était négocié entre ce dernier et les fabricants et fournisseurs. À titre d'illustration, un document interne à Eberhardt de 2011, concernant une cave à vin, indique « PPI demandé = 1 150 €, puis DARTY a demandé à davantage de marge à 1 199 € »1443. Le même type de discussion est également intervenu entre Darty et Electrolux comme l'attestent un courriel interne du 10 juillet 2012 dans lequel ce dernier précise, au sujet d'une référence de réfrigérateur, que « ce produit est construit à 600 dans la gamme DARTY»1444, ou encore un courriel interne du 22 août 2012 dans lequel il indique qu' « il est hors de question de perdre ce produit chez Darty (... ). Cf copie d'écran ci-dessous. Je dois rappeler le boss de DARTY ce soir pour lui donner notre position »1445.

1070. La négociation sur les prix de vente portait non seulement sur des produits de fonds de rayon, mais également sur les produits mis en promotion. À titre d'illustration, Darty a pu bénéficier, lors d'un rendez-vous du 12 mai 2011 avec Indesit, de « 10 produits dédiés à la promo » et a donné son accord à ce dernier « pour la valorisation du marché à la condition que les PVC et les promos soient pilotés», c'est-à-dire qu'Indesit mette en place un contrôle de l'application effective de la hausse sur les prix de revente pratiqués lors d'opérations promotionnelles1446.

1071. En cinquième lieu, plusieurs réunions bilatérales ont été organisées entre Darty et des fabricants et fournisseurs afin de discuter du niveau des prix globalement pratiqué par ce dernier (et non à la référence). Eberhardt évoquait ainsi dans un courriel interne du 6 novembre 2009, faisant suite à un entretien avec Darty, que ce dernier« refuse que ce site [UBALD!] soit moins cher que ses magasins car il apporte le même service : livraison toute France et garantie 2 ans PMD [pièces et main-d'œuvre] »1447.

1072. Plusieurs documents montrent par ailleurs que les demandes de remontée de prix faites par les fournisseurs à Darty ont été suivies d'effets. À titre d'illustration, dans un échange interne du 7 juillet 2010, FagorBrandt indiquait : « [p ]our le reste, merci de ton aide car Boulanger s'est aligné, Darty doit déjà l'être ou le sera demain »1448.

1073.De même, des échanges entre le 10 juillet et le 6 septembre 2012 internes à Candy Hoover indiquent « [qu']ensuite, Darty sera à 139, elle est prévenue »1449. Dans le même sens, Candy Hoover indiquait le 22 février 2013 à Conforama que Darty était d'accord pour une augmentation du prix d'une référence1450, et des documents datés des 4 et 5 mars 2013 confirment que Darty s'est conformée aux demandes de Candy Hoover1451.

1074. Enfin, l'acquiescement de Darty aux pratiques susvisées est également corroboré par le fait que les fabricants et fournisseurs eux-mêmes en faisaient un argument commercial auprès du distributeur. À titre d'illustration, Indesit a mis en avant en 2012 la volonté du « directeur commercial de la zone Europe de l'Ouest( ... ) d'appliquer des règles strictes vis-à-vis [du] non-respect de la blacklist », discours « tenu envers tous les joueurs internet (même Darty a été informé) »1452. Par ailleurs, dans un courriel interne du 2 janvier 2012, à la suite d'une alerte de Darty sur les prix pratiqués par certains distributeurs, Smeg a demandé à ses équipes de réagir« afin qu'on soit clean vis-à-vis de Darty »1453.

♦ Les mesures de surveillance émanant de Darty vis-à-vis de ses concurrents

1075. L'application des prix par les autres distributeurs résulte également de la surveillance et des remontées d'informations subséquentes opérées par Darty auprès des fabricants et fournisseurs. En effet, il ressort des pièces au dossier que Darty a lui-même, pour partie, participé au contrôle du respect des prix de revente conseillés par ses concurrents.

1076. En premier lieu, Darty a pu remonter directement des informations aux fabricants et fournisseurs pour leur faire prendre connaissance du caractère déviant du prix de revente pratiqué par certains de ses concurrents. Par exemple, dans un courriel du 6 novembre 2009, Darty s'est plaint auprès d'Eberhardt des prix pratiqués par Ubaldi car les prix de vente conseillés n'étaient pas respectés, Darty menaçant même Eberhardt de déréférencement1454.

1077.Dans le même sens, le compte-rendu d'une réunion entre FagorBrandt et Darty du 25 mai 2010 indique que ce dernier a déjà mis en garde le fabricant « sur le fait que si la KIP7l 0W [cuisinière] ne remonte pas [sur le site internet d'UBALDI], elles'alignerait avec la KIP700W (elle en a pris 400 pièces) avec compensation bien sûr. Elle m'a également mis en garde sur de tel écart de prix avec la KIP915W [cuisinière] »1455.

1078. De nombreux autres exemples figurent au dossier, comme le démontrent les courriels de Darty à FagorBrandt du 27 octobre 2011 («je croyais que les consolidations de stock étaient en cours ... »1456) et du 28 octobre 2011 (« après avoir fait un mouvement dans le très bon sens il est reparti vers les abimes »1457).

1079.De même, le compte-rendu d'un rendez-vous avec Darty du 18 novembre 2011, interne à Candy Hoover, indique« RDE342RB [table de cuisson]: faire remonter But à 149€ (... ) RFI4354IN [four]: But doit remonter à 699 »1458. Dans le même sens, Darty s'est plaint, le 12 août 2011, auprès de FagorBrandt, des prix pratiqués par La Redoute sur plusieurs cuisinières, afin qu'il intervienne pour faire remonter les prix1459, et le 30 décembre 2011 auprès de Smeg du prix pratiqué sur une référence, ou encore le 4 mars 2013 auprès de BSH concernant des prix pratiqués par Boulanger et Ubaldi1460.

1080. En deuxième lieu, ce contrôle ressort également de plusieurs éléments montrant que Darty conditionnait explicitement la remontée de ses prix de revente à un parallélisme de comportement de la part de ses concurrents. Par exemple, des notes manuscrites de 2008 saisies chez SEB indiquent que Darty était prêt à augmenter le prix d'une référence si ses concurrents faisaient de même1461. Par ailleurs, le 1er mars 2013, pour inciter Darty à augmenter ses prix, Smeg lui indiquait« les majeurs suivront. We hope »1462.

1081. Ces documents illustrent ainsi parfaitement le rôle que pouvait jouer Darty dans la surveillance de l'application des prix et le lien qu'il pouvait y avoir entre sa politique commerciale et celles de ses concurrents.

1082.En troisième lieu, la participation active de Darty s'infère également des menaces qu'il pouvait faire peser sur les fabricants et fournisseurs. Il pouvait s'agir d'un refus de référencement en raison des prix pratiqués par les autres distributeurs, lorsque par exemple Eberhardt indique dans un compte-rendu interne du 7 juillet 2010 « Refus, trop pété sur internet »1463 ou du risque de déréférencement d'un produit lorsque par exemple Electrolux indique dans un échange interne du 22 août 2012 que « pour info nous sommes en train de perdre le référencement de la FWH7145P [lave-linge] chez Darty à cause des sites habituels »1464.  Il pouvait enfin s'agir de pénalités financières  sous la forme de « compensations de marge». En effet, dans un courriel interne du 9 novembre 2010, FagorBrandt a informé qu'il «y a le feu. Ubaldi a relâché la blacklist en induction( ... ) Du coup, Darty s'est aligné en partie et va nous demander l'addition. ( ... )Pouvez-vous faire le nécessaire chez Ubaldi svp? »1465. De même, un échange interne à Smeg du 5 avril 2012 fait le lien entre les démarches entamées pour faire respecter le niveau de prix de revente et le fait qu'en raison de déviations par certains distributeurs, Smeg s' « achemin[ e] vers un rattrapage de marge» notamment au profit de Darty1466.

Sur l'existence d'une restriction de concurrence

1083. Il convient d'apprécier les objectifs que l'entente en cause visait, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel elle s'est insérée.

1084. Concernant le contexte économique, il ressort des constatations que l'entente en cause résulte de la conjugaison de l'essor de la vente en ligne de produits électroménagers, d'une part, et de l'entrée sur le marché de distributeurs ayant une politique de prix bas, d'autre part. Par le biais de ces pratiques, Darty avait notamment pour objectif de maintenir à un niveau artificiellement élevé le prix de vente des produits des fabricants et fournisseurs, sans que cela porte préjudice au développement de ses propres parts de marché.

1085. Dans ce contexte économique, les pratiques en cause ont eu pour objet de fixer de façon directe les prix de revente des produits de petit et de gros électroménager commercialisés par les fabricants et fournisseurs.

1086.Deuxièmement, il n'existe aucune circonstance de droit ou de fait excluant que l'accord en cause constitue une restriction de concurrence par objet.

1087.En particulier, outre le fait que l'entente établie ne concerne pas uniquement des marques distribuées de façon sélective, la mise en place d'un réseau de distribution sélective ne s'oppose pas à la qualification de restriction par objet des ententes sur les prix telle que celle en cause1467. Ainsi, les pratiques en cause constituent des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420 1 du code de commerce.

1088. Ainsi, les comportements en cause ne sont pas objectivement justifiés et constituent donc des restrictions par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420 1 du code de commerce, qualification qui n'est pas contestée par Darty.

Sur la durée

1089. S'agissant du début de la pratique, il doit être fixé au jour du premier élément caractérisant l'acquiescement de Darty à l'invitation d'un des fournisseurs, en l'occurrence des notes manuscrites internes à SEB du 12 novembre 2008 portant l'indication« Darty OK si autres c[oncurrents] ?[augmentent] »1468.

1090. S'agissant de la date de fin de la pratique, elle doit, compte tenu des développements exposés ci-avant, être fixée au dernier élément caractérisant la pratique, soit le 31 décembre 2014 date de validité du dernier plan de ventes produit par les fabricants.

1091. S'agissant du caractère continu de la pratique, il se déduit de l'ensemble des pièces, échelonnées du 12 novembre 2008 au 31 décembre 2014, que la pratique a été continue entre ces deux dates.

E. SUR L'IMPUTABILITE

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

1092. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-1, L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises. La notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. C'est cette entité économique qui doit, lorsqu'elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle1469.

a) Sur l'imputabilité en cas de détention directe ou indirecte du capital d'une société

1093.Ainsi que l'a rappelé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation, les règles d'imputabilité, qui découlent de la notion d'entreprise visée aux articles 101 TFUE et 102 TFUE, relèvent des règles matérielles du droit européen de la concurrence. L'interprétation qu'en donnent les juridictions européennes s'impose donc aux autorités nationales de concurrence lorsqu'elles appliquent le droit européen ainsi qu'aux juridictions qui les contrôlent1470.

1094. Or, en droit interne comme en droit de l'Union, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques1471.

1095. Par ailleurs, il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour de justice que, dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d'une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d'un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l'Autorité de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère1472.

1096. Selon cette même jurisprudence, s'il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché, en l'absence de renversement de cette présomption, l'Autorité est en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale1473.

1097. Enfin, comme l'ont rappelé les juridictions tant internes que de l'Union, cette présomption est compatible avec les principes de responsabilité personnelle et d'individualisation des peines. En effet, lorsqu'une entité économique enfreint les règles de concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction1474.

b) Sur l'imputabilité en cas de transformation des entreprises

1098. Il ressort d'une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit en être tenue responsable1475.

1099. Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n'en continue pas moins à répondre de l'infraction commise.

1100. Dès lors qu'elle n'a pas cessé d'exister juridiquement, la mise en redressement ou liquidation judiciaire d'une entreprise auteure de pratiques anticoncurrentielles ne la fait pas échapper à la responsabilité des pratiques dont elle doit répondre, même si ses actifs ont été cédés1476.

1101. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a commis les pratiques a cessé d'exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a été juridiquement transmise, c'est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteure de l'infraction, et, à défaut d'une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle1477.

1102. C'est en particulier le cas lorsqu'une personne morale est absorbée par une autre. Dans ce cas, les pratiques dont la société absorbée a été l'auteur sont imputées à la personne morale qui l'a absorbée1478.

1103. Toutefois, en cas de transfert de l'activité économique concernée par les pratiques anticoncurrentielles de la société auteur de l'infraction à une autre société par leur société mère commune, la société qui s'est vue chargée de la poursuite de cette activité peut être mise en cause en tant qu'auteur de l'infraction d'un point de vue économique et organisationnel quand bien même la société auteur de l'infraction subsisterait juridiquement1479. La cession de la société auteur par la société mère postérieurement à cette restructuration interne est sans incidence sur l'engagement de la responsabilité de la société chargée de la poursuite de l'activité économique concernée par les pratiques anticoncurrentielles1480.

c) Sur l'imputabilité «descendante» à une société en sa qualité de filiale d'une société mère, auteur direct

1104. Aux termes de l'arrêt Sumal SL, la Cour de justice a considéré qu'il est possible, à certaines conditions, d'engager la responsabilité d'une société, ni auteur direct ni société mère d'une filiale auteur direct d'une infraction au droit de la concurrence, en sa qualité de filiale d'une société mère, auteur direct ou société mère d'une autre société filiale elle-même auteur direct d'une telle infraction1481. L'Autorité a mis en œuvre cette solution dans sa décision n° 23-D-14 du 20 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles statiques de jeux vidéo1482.

1105. La mise en œuvre de cette solution implique la démonstration de ce que la société filiale dont la responsabilité est recherchée forme avec la société mère une seule et même entreprise. À cette fin, il doit être démontré en premier lieu, que la société mère exerce une influence déterminante effective sur ladite société filiale eu égard « aux liens économiques, organisationnels et juridiques» qui les unissent1483. En second lieu, il faut pouvoir constater « l'existence d'un lien concret entre l'activité économique de cette société filiale [dont la responsabilité est recherchée] et l'objet de l'infraction dont la société mère [est] tenue responsable», ce lien concret étant établi dès lors que « l'accord anticoncurrentiel conclu par la société mère pour lequel celle-ci [est] condamnée concerne les mêmes produits que ceux que commercialise la société filiale »1484.

1106. Antérieurement au prononcé de l'arrêt de la Cour de justice précité, la cour d'appel de Paris, aux termes de son arrêt L'Oréal, a considéré qu'il est possible, à certaines conditions, de retenir dans le périmètre de la valeur des ventes pour le calcul de la sanction pécuniaire celle réalisée par une société non destinataire de la notification de griefs mais qui s'avère être la filiale d'une société mère, auteur direct d'une infraction au droit de la concurrence ou société mère d'une autre société filiale elle-même auteur direct1485.

1107. Pour ce faire, l'autorité de concurrence doit démontrer que « les ventes réalisées par la société [filiale] ont été en lien avec l'infraction, relation qui ne peut se déduire du seul fait qu'elles soient intervenues dans le secteur concerné par l'entente »1486. Au cas d'espèce, la cour d'appel de Paris a estimé cette condition remplie après avoir relevé que la politique commerciale de la société filiale a été définie par la société mère1487.

2. APPLICATION AU CAS D'ESPECE

1108. Pour les développements qui suivent, la qualité d'auteur direct des sociétés mises en cause résulte de l'action de leurs employés tel que cela ressort des constatations ci-dessus, ainsi que des réponses apportées par l'entreprise.

a) Sur l'imputabilité du grief n° 2 à BSH

1109. Pour ce qui concerne le grief n° 2, il convient de mettre en cause BSH Électroménager SAS, en sa qualité d'auteur direct, et BSH Finance and Holding GmbH ainsi que BSH Hausgerate GmbH, en qualité de sociétés mères, lesquelles sont présumées avoir contrôlé leur filiale, pour toute sa durée.

b) Sur l'imputabilité du grief n° 3 à Candy Hoover

1110. Pour ce qui concerne le grief n° 3, il convient de mettre en cause Haier France SAS (anciennement Groupe Candy Hoover SAS), en qualité d'auteur direct, et Candy France et Candy S.p.A., en qualité de sociétés mères, lesquelles sont présumées avoir contrôlé leur filiale, pour toute sa durée.

c) Sur l'imputabilité du grief n° 4 à Eberhardt

1111. Pour ce qui concerne le grief n° 4, il convient de mettre en cause Eberhardt SAS, en qualité d'auteur direct, et Société civile Fineb, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, pour toute sa durée.

d) Sur l'imputabilité du grief n° 5 à Electrolux

1112.Pour ce qui concerne le grief n° 5, il convient de mettre en cause Electrolux France, en qualité d'auteur direct et en tant que successeur d'Electrolux Home Products France, elle­ même auteur direct, par application du critère dit « de la continuité économique » et AB Electrolux, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé ses filiales, pour toute sa durée.

e) Sur l'imputabilité du grief n° 6 à Indesit

1113. Pour ce qui concerne le grief n° 6, il convient de mettre en cause Whirlpool France SAS, en tant que successeur d'Indesit Company France SAS, elle-même auteur direct, par application du critère dit « de la continuité économique», et Whirlpool Emea S.p.A., en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, pour toute sa durée.

f) Sur l'imputabilité du grief n° 7 à LG

1114. Pour ce qui concerne le grief n° 7, il convient de mettre en cause LG Electronics France SAS, en qualité d'auteur direct, et LG Electronics European Holding B.V. et LG Electronics Inc., en qualité de sociétés mères, lesquelles sont présumées avoir contrôlé leur filiale, pour toute sa durée.

g) Sur l'imputabilité du grief n° 8 à Miele

1115. Pour ce qui concerne le grief n° 8, il convient de mettre en cause Miele société par actions simplifiée, en qualité d'auteur direct, et Imanto AG et Miele Beteiligungs GmbH, en qualité de sociétés mères, lesquelles sont présumées avoir contrôlé leur filiale, pour toute sa durée.

h) Sur l'imputabilité du grief n° 9 à SEB

1116.Pour ce qui concerne le grief n° 9, SEB soutient que la société Groupe SEB Retailing, à laquelle le grief de participation à une entente verticale a été notifié, a pour activité exclusive la vente directe aux consommateurs via des magasins détenus en propre, de déstockage ou à l'enseigne « home and cook », et n'a par hypothèse pas de distributeurs indépendants, de sorte qu'elle ne peut se voir imputer une pratique d'entente verticale en tant qu'auteur1488.

1117. Au cours de la période délictuelle visée par le grief n° 9, l'entreprise SEB était constituée d'une société mère, SEB SA, et de deux filiales, Groupe SEB France et Groupe SEB Retailing1489. Groupe SEB France vendait aux distributeurs membres de son réseau de distribution les produits de PEM. Groupe SEB Retailing avait « pour activité exclusive la vente directe» de ces mêmes produits de petit électroménager aux consommateurs1490.

1118. Il convient de préciser que le grief n° 9 a été notifié au Groupe SEB Retailing en qualité d'auteur direct, comme cela a été le cas pour le Groupe SEB France1491. Il ressort en effet des éléments du dossier que Groupe SEB Retailing a participé à l'entente reprochée en participant à une remontée des prix de détails de produits SEB. Par exemple, comme cela a été décrit dans la partie« Constatations» (voir paragraphe 336), le distributeur Intermarché, distributeur de produits de PEM de marque SEB, s'est plaint auprès du Groupe SEB France des prix affichés par SEB Retailing dans ses magasins à l'enseigne « home cook », dans le cadre d'une opération de déstockage, les prix barrés, avant remise, ne correspondant pas aux prix de revente conseillés par le fabricant SEB. Suite à cette plainte d'Intermarché, qui en tant que distributeur est concurrente de SEB Retailing, le Groupe SEB France, fournisseur, a demandé à cette société sœur de se conformer aux prix conseillés, en rectifiant le niveau des prix de référence barrés avant remise, qu'elle communiquait aux distributeurs. Groupe SEB Retailing lui a alors confirmé que « la modification des "prix conseillés" sera en place dès demain matin dans best store et en magasin »1492.

1119. Ainsi, il ressort de ces échanges que le prix pratiqué par le distributeur servant de base à une éventuelle remise ne pouvait être que le prix conseillé par le fournisseur SEB, qui se devait de l'afficher également chez les distributeurs qu'il détenait en propre. SEB, compte tenu de la surveillance des concurrents et afin que les distributeurs de ses produits respectent ces prix imposés, s'est donc elle-même conformée à ces prix pour ce qui relevait de ses ventes directes. Il convient donc de mettre en cause le Groupe SEB Retailing, en ce qu'il a participé, à sa propre mesure, à la réalisation de l'entente voulue par SEB.

1120. Ainsi, il convient de mettre en cause Groupe SEB France et Groupe SEB Retailing, en qualité d'auteur direct1493, et SEB SA, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé ses filiales, pour toute sa durée.

i) Sur l'imputabilité du grief n° 10 à Smeg

1121. Pour ce qui concerne le grief n° 10, il convient de mettre en cause Smeg France SAS, en qualité d'auteur direct, et Smeg S.p.A., en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, pour toute sa durée.

j) Sur l'imputabilité du grief n° 11 à Whirlpool

1122. Pour ce qui concerne le grief n° 11, il convient de mettre en cause :

- Whirlpool France SAS, en qualité d'auteur direct, pour toute sa durée;

- Whirlpool Luxembourg, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, depuis le début du grief jusqu'au 21 décembre 2012 ;

- Whirlpool International Manufacturing S.à.r.l, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, du 21 décembre 2012 jusqu'à la fin du grief;

- Whirlpool Corporation, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, pour toute sa durée.

k) Sur l'imputabilité du grief n° 12 à Boulanger

1123. Pour ce qui concerne le grief n° 12, il convient de mettre en cause Boulanger SA, en qualité d'auteur direct, et United.B SA, en qualité de société mère, laquelle est présumée avoir contrôlé sa filiale, pour toute sa durée.

l) Sur l'imputabilité du grief n° 13 à Darty

1124.Pour ce qui concerne le grief n° 13, il convient de mettre en cause Établissements Darty et Fils SAS, en qualité d'auteur direct, et Kesa France SA et Darty Limited., en qualité de sociétés mères, lesquelles sont présumées avoir contrôlé leur filiale, pour toute sa durée.

1125. Pour ce même grief, il résulte des éléments ci-dessus qu'Établissements Darty et Fils SAS a détenu, pendant toute la durée de l'infraction, la totalité du capital de Darty Provence Méditerranée1494,Darty Grand Est SNC, Darty Alsace Lorraine1495, Darty Nord1496 et Darty Grand Ouest SNC. De plus, il doit être relevé un lien concret entre l'activité économique de Darty Provence Méditerranée, Darty Grand Est SNC, Darty Alsace Lorraine, Darty Nord et Darty Grand Ouest SNC, d'une part, et l'objet de l'infraction dont les sociétés visées au paragraphe précédent sont responsables, d'autre part. En effet, l'infraction mise en œuvre par ces sociétés, en ce compris leur société mère commune Établissements Darty et Fils SAS, concerne les mêmes produits que ceux que Darty Provence Méditerranée, Darty Grand Est SNC, Darty Alsace Lorraine, Darty Nord et Darty Grand Ouest SNC commercialisent, celles-ci commercialisant des produits de petit et de gros électroménager en France1497.

1126. En outre, les ventes réalisées par Darty Provence Méditerranée, Darty Grand Est SNC, Darty Alsace Lorraine, Darty Nord et Darty Grand Ouest SNC ont été en lien avec l'infraction. En premier lieu, Établissements Darty et Fils SAS a détenu, pendant toute la durée de l'infraction, la totalité du capital de Darty Provence Méditerranée1498, Darty Grand Est SNC, Darty Alsace Lorraine1499, Darty Nord1500 et Darty Grand Ouest SNC. En deuxième lieu, il ressort des pièces au dossier que la politique commerciale, dont les prix de vente sur le marché de détail, de Darty Grand Est SNC et Darty Grand Ouest SNC a été définie par Établissements Darty et Fils SAS1501. En effet, ainsi que l'a déclaré le groupe Darty, « [e]ntre 2008 et 2014, Etablissements Darty et Fils définissait la politique commerciale (c'est à dire la gamme, les commandes, le référencement et les prix de vente) du groupe Darty ». Sur ce point, bien que les filiales d'Établissements Darty et Fils SAS précédemment visées disposaient, selon le groupe Darty, « d'une certaine autonomie», il n'en reste pas moins que celles-ci « étaient ensuite chargées de mettre en œuvre cette politique commerciale». Plus particulièrement, « Etablissements Darty et Fils était en charge de : - négocier l'achat des produits de petit et de gros électroménager avec les fabricants ; et - déterminer les prix de vente des produits de petit et de gros électroménager commercialisés par les sociétés du groupe Darty sur le marché de détail en France. Ces deux responsabilités incombaient plus particulièrement aux chefs de produits rattachés à la société Etablissements Darty et Fils »1502. En troisième et dernier lieu, les pratiques anticoncurrentielles ont eu des effets sur les prix de vente des produits commercialisés par Darty Grand Est SNC et Darty Grand Ouest SNC en ce que leur politique commerciale, dont la détermination des prix de vente sur le marché de détail a été définie, comme relevé précédemment, par Établissements Darty et Fils SAS, leur société mère commune, d'une part, et l'infraction a porté sur les mêmes produits que Darty Provence Méditerranée, Darty Grand Est SNC, Darty Alsace Lorraine, Darty Nord et Darty Grand Ouest SNC ont commercialisés, d'autre part1503.

1127. Il résulte de ce qui précède que, pour ce grief, au regard des principes applicables s'agissant de la responsabilité « descendante » de sociétés filles de sociétés auteures directes rappelés aux paragraphes 1104 et suivants, il convient de mettre également en cause Darty Grand Est SNC et Darty Grand Ouest SNC:

- en qualité de sociétés dont l'activité économique a présenté, au cours de l'infraction, un lien concret avec l'objet de cette dernière;

- en qualité de successeur de Darty Provence Méditerranée, Darty Alsace Lorraine et Darty Nord dont l'activité économique a présenté, au cours de l'infraction, un lien concret avec l'objet de cette dernière.

F. SUR LES SANCTIONS

1. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES A L'ENCONTRE DES ENTREPRISES QUI CONTESTENT LES GRIEFS N° 9 ET 12

1128. L'Autorité, après avoir précisé le droit applicable (a) mettra en œuvre les modalités pratiques décrites dans son communiqué sanctions pour l'établissement du montant de la sanction (b).

a) La méthode applicable à la détermination des sanctions

Les principes applicables

1129. Aux termes du I de l'article L. 464-2 du code de commerce, « [l]'Autorité de la concurrence peut (... ) infliger une sanction pécuniaire lorsqu'une entreprise ou association d'entreprises a commis des pratiques anticoncurrentielles (... ). Les sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. (... ) Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ».

1130.Lorsqu'elle détermine les sanctions pécuniaires qu'elle impose en application du I de l'article L. 464-2 du code de commerce, l'Autorité applique les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après« le communiqué sanctions») sauf à ce qu'elle décide de s'en écarter, « notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l'activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l'affaire, ou pour des raisons d'intérêt général» (point 6 du communiqué sanctions), en motivant ce choix.

1131. Le III de l'article L. 464-2 du code de commerce dispose :

« Lorsqu'une association d'entreprises ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'association d'entreprises s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'entreprise ou l'association d'entreprises donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'association d'entreprises et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction. »

1132. En outre, les circonstances particulières résultant de la mise en œuvre, en l'espèce, de la procédure de transaction fondée sur les dispositions précitées du III de l'article L. 464-2 du code de commerce justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué du 30 juillet 2021 de l'Autorité.

Sur l'application du communiqué sanction du 30 juillet 2021

1133. SEB et Boulanger, qui contestent respectivement les griefs n° 9 et n° 12, soutiennent que le communiqué sanctions du 30 juillet 2021 ne trouve pas à s'appliquer. Elles font valoir que sa mise en œuvre méconnaît le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ainsi que le principe d'égalité dès lors qu'il a adopté postérieurement aux pratiques relevées.

1134. Le communiqué sanctions « rappelle les objectifs des sanctions, apporte des précisions procédurales, et détaille la méthode suivie en pratique par l'Autorité lorsqu 'elle détermine les sanctions pécuniaires qu'elle impose aux entreprises( ... ) auxquelles sont imputées des pratiques anticoncurrentielles » (point 5).

1135. Il convient de rappeler que la loi confère à l'Autorité un large pouvoir d'appréciation lui permettant de déterminer au cas par cas, en vertu de l'exigence légale d'individualisation et conformément au principe de proportionnalité, les sanctions pécuniaires qu'elle prononce en application des critères prévus, conformément au principe de légalité des délits et des peines, par le Ide l'article L. 464-2 du code de commerce. Depuis la loi du 15 mai 2001, ce plafond est établi, pour une entreprise, à « 10 % du montant du chiffre d'affaire mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ». Ce plafond n'a pas évolué depuis la date des pratiques.

1136. L'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (ci-après « directive ECN+ »), a conduit à la modification des critères légaux prévus par le I de l'article L. 464-2 du code de commerce1504. Ainsi, le critère de la durée de l'infraction a été explicitement introduit, tandis que le critère relatif à l'importance du dommage à l'économie a été supprimé. En revanche, le plafond de 10 % du chiffre d'affaires n'a pas été modifié. Dans ces conditions, et les critères légaux n'étant pas plus sévères que les anciens, l'article 6 de l'ordonnance a pu prévoir que ces modifications sont applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés, en application de l'article L. 463-2 du code de commerce, après l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

1137. En l'espèce, dès lors que l'envoi par courrier de la notification de griefs aux sociétés mises en cause a eu lieu le 21 février 2023, ce sont les dispositions du Ide l'article L. 464-2 du code de commerce dans leur version issue de l'ordonnance du 21 mai 2021 qui trouvent à s'appliquer conformément aux dispositions transitoires et finales de l'article 6 de cette ordonnance.

1138. Pour ce qui est de la mise en œuvre de lignes directrices relatives à l'application de sanctions, le juge de l'Union s'est prononcé, de longue date et de manière constante, sur l'application d'un communiqué sanctions à des pratiques antérieures à son adoption.

1139. Ainsi, en droit de l'Union, la Cour de justice, dans l'arrêt Dansk R0rindustri du 28 juin 2005, a considéré :

« S'agissant des moyens tirés d'une violation du principe de protection de la confiance légitime, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à différents types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence, mais que, au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Il en découle, ainsi qu'il a déjà été jugé au point 173 du présent arrêt, que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières.

Par conséquent, lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d'élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé.

Ceci vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s'opère par l'application, à des cas d'espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices.

Il doit en être conclu que, eu égard notamment à la jurisprudence citée au point 219 du présent arrêt, les lignes directrices et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu'elles comportent, à supposer qu'elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, étaient raisonnablement prévisibles pour des entreprises telles que les requérants à l'époque où les infractions concernées ont été commises.

Partant, en appliquant les lignes directrices dans la décision litigieuse à des infractions commises avant leur adoption, la Commission n'a pas violé le principe de non­ rétroactivité. »1505

1140. La Cour de justice a confirmé cette analyse dans son arrêt Schindler du 18 juillet 20131506, dans lequel elle a également écarté le moyen tiré d'une violation des principes de non­ rétroactivité et de protection de la confiance légitime.

1141. L'Autorité adopte, pour sa part, des communiqués relatifs à la méthode de détermination des sanctions. Afin de préciser la façon dont elle exerce son pouvoir de sanction en application des critères prévus par le I de l'article L. 464-2 du code de commerce tel que modifié par l'ordonnance n° 2021-649, l'Autorité a adopté, le 30 juillet 2021, le communiqué sanctions, en remplacement de l'ancien communiqué du 6 mai 2011, ce dernier étant devenu sans objet du fait de la suppression dans la loi des critères dont il explicitait l'application (notamment celui relatif à l'importance du dommage à l'économie). L'Autorité a ainsi logiquement appliqué le nouveau communiqué sanctions aux affaires dans lesquelles les nouveaux critères légaux étaient applicables, à savoir celles dans lesquelles les griefs ont été notifiés après l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-649 précitée1507.

1142. Par ailleurs, il convient de relever que les communiqués sanctions adoptés par l'Autorité ne peuvent pas être considérés comme des textes à valeur normative, et donc comme une loi pénale. Dans le nouveau communiqué sanctions, l'Autorité indique à cet égard que celui-ci revêt le caractère de lignes directrices au sens de la jurisprudence administrative (voir paragraphe 12). En effet, ce nouveau communiqué, comme celui de 2011, se borne, dans un souci de transparence, à préciser par avance, et sous réserve de l'examen concret des circonstances propres à chaque cas d'espèce, les modalités concrètes selon lesquelles l'Autorité entend faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui a été confié par la loi pour déterminer, en vertu des dispositions du Ide l'article L. 464-2 du code de commerce, sous le contrôle des juridictions, les sanctions qu'elle impose1508.

1143. Toutefois, l'Autorité rappelle que les différentes étapes de cette méthode structurent la façon dont elle exerce son pouvoir d'appréciation, sans se substituer à l'examen spécifique auquel elle procède dans chaque affaire, en fonction des circonstances propres à celle-ci et conformément à l'exigence légale d'individualisation. Si le communiqué sanctions permet, entre autres, à tous les acteurs économiques d'anticiper les risques financiers associés à la commission d'infractions, il n'est ni possible, ni souhaitable, tant du point de vue de l'Autorité que dans l'intérêt des entreprises et des associations d'entreprises concernées, de concevoir un barème automatique permettant de prévoir par avance le montant précis des sanctions encourues. Le montant applicable à chaque espèce donne lieu à une décision spécifique, qui tient compte de l'ensemble des motifs pertinents de la décision concernée et du contexte de l'affaire en cause1509.

1144. De plus, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne s'oppose pas à ce que l'Autorité adapte sa méthode de calcul de sanction aux besoins de l'application efficace des règles de concurrence1510.

1145. Il résulte de ce qui précède que l'application du nouveau communiqué sanctions ne saurait porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, ni constituer une modification qui n'était pas raisonnablement prévisible, dans la mesure où les entreprises sanctionnées au titre de pratiques anticoncurrentielles ne sont, de toute façon, pas en droit de se prévaloir de la pratique décisionnelle antérieure del'Autorité en matière de sanctions, lesquelles sont déterminées par l'Autorité en fonction d'un ensemble d'éléments de droit et de fait particuliers conduisant à des appréciations différentes d'une affaire à une autre et d'une entreprise à une autre.

Sur la méconnaissance du principe d'égalité

1146. Les mises en cause soutiennent également que l'application du communiqué sanctions du 30 juillet 2021 méconnaitrait le principe d'égalité, en elle-même, dès lors qu'elle pourrait être la conséquence de la seule longueur de la procédure d'instruction.

1147. Sur ce point et ainsi qu'il a été dit, le nouveau communiqué sanctions a été adopté pour préciser la méthode de détermination des sanctions, afin de préciser la façon dont l'Autorité exerce son pouvoir de sanction en application des critères prévus par le I de l'article L. 464-2 du code de commerce tel que modifié par l'ordonnance n° 2021-649. Ce communiqué s'applique donc de manière identique, dans le respect du principe d'égalité, à toutes les affaires dans lesquelles les griefs ont été notifiés après l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-649, conformément aux dispositions transitoires et finales de l'article 6 de cette ordonnance.

1148. Les sociétés du groupe SEB soutiennent également que l'Autorité devrait respecter le principe d'égalité entre les entreprises ayant transigé et celles qui, refusant de transiger, contestent les griefs qui leur ont été notifiés.

1149. De manière générale, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soient réglées de manière différente, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier1511.

1150. En l'espèce, les entreprises ayant transigé et les autres se trouvent dans des situations objectivement différentes. À cet égard, la pratique décisionnelle a clairement énoncé que les circonstances particulières résultant de la mise en œuvre de la procédure de transaction prévue au III de l'article L. 464-2 du code de commerce justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué sanctions1512. Le point 37 du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction indique également que « la méthode de détermination des sanctions décrite dans ce communiqué n'a pas vocation à être mise en œuvre dans la décision du collège, qui prononce une sanction à l'intérieur de la fourchette fixée par le procès-verbal de transaction. »

1151. Il résulte de ce qui précède que les mises en cause qui ont décidé de contester les griefs ne sont pas fondées à se prévaloir d'une éventuelle rupture d'égalité avec les entreprises qui ont décidé d'entrer en voie de transaction.

b) La détermination du montant de base des sanctions

1152.L'Autorité examinera la valeur des ventes (1), la gravité et la durée de la pratique (2) les éléments d'individualisation (3), le respect du plafond maximum légal de la sanction (4) ainsi que la situation financière des entreprises (5). Enfin, l'Autorité examinera la question des sanctions non pécuniaires (6).

En ce qui concerne la valeur des ventes

Principes applicables

1153. Conformément au point 20 du communiqué sanctions, l'Autorité retient comme assiette du montant de base, pour le calcul de la sanction, la valeur des ventes réalisées par l'entreprise mise en cause pour les biens ou les services qui sont en relation avec l'infraction.

1154. Selon le point 22 du communiqué sanctions, la valeur à prendre en compte correspond à l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l'infraction vendues par l'entreprise ou par l'association d'entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci. C'est la qualification de l'infraction faite par l'Autorité, au regard de son objet ou de ses effets, qui détermine ces catégories de produits ou services.

1155. Sont prises en compte les ventes réalisées sur le marché concerné par l'infraction, sans qu'il soit besoin d'analyser si lesdites ventes ont été influencées par la pratique en cause. Dans un arrêt Chronopost du 19 juillet 2018, la cour d'appel de Paris a considéré que« dès l'instant où une catégorie de produits ou de services est "en relation avec l'irifraction ", la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. ( ... )Il n'est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur vente »1513. La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 22 septembre 2021, précisant que « les ventes en relation avec l'infraction, au sens du communiqué, sont les ventes réalisées sur le marché sur lequel les pratiques en cause (... ) ont été établies, affectant ainsi le fonctionnement de la concurrence sur ce marché »1514. Cette approche est également celle qu'adopte le juge de l'Union1515.

Application au grief n° 9

1156. À titre de rappel, il a été démontré que SEB a pris part, du 12 novembre 2008 au 15 octobre 2013, à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit électroménager.

1157. Le montant pris comme référence des ventes affectées par les pratiques visées dans ce grief correspond au montant des ventes HT de produits de PEM à usage domestique en France. Les ventes de ces produits aux professionnels sont exclues, ainsi que les ventes de produits de PEM et de GEM vendus sous marque blanche ou marque de distributeur dès lors qu'aucune pièce du dossier ne porte sur ces produits.

1158. L'année de référence pour la détermination de la valeur des ventes est l'année 2012, année correspondant au dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction.

1159. La société SEB soutient que la valeur des ventes à prendre en compte doit être limitée, d'une part, aux ventes réalisées avec les distributeurs ayant adhéré aux pratiques et, d'autre part, aux seules ventes en ligne.

1160. Toutefois, comme cela a été développé ci-avant, le grief n° 9 concerne une entente généralisée, les pièces du dossier attestant que la pratique de prix imposés a concerné l'ensemble des distributeurs de ses produits (voir paragraphes 638 à 640). Cette entente généralisée, contrairement à ce qu'indique SEB, a porté à la fois sur les ventes en ligne et en magasm.

1161. En effet, d'une part, s'agissant des invitations anticoncurrentielles adressées par SEB, les différentes communications de prix ne faisaient pas de distinction entre les ventes en ligne et les ventes en magasin. Ce constat est confirmé par SEB qui, en réponse à une demande d'information des services d'instruction, a déclaré ne communiquer « qu'un seul prix recommandé permanent par produit, quel que soit le canal de vente dudit produit »1516. Il ressort également des termes mêmes employés dans certaines des pièces du dossier que la communication de prix imposés par SEB a concerné les ventes en magasin de ses distributeurs1517.

1162.D'autre part, plusieurs pièces documentaires relatives à l'acquiescement des distributeurs font directement référence aux ventes en magasin de plusieurs distributeurs, tels qu'Ex&Co (Ex&Co précisant que « nos magasins ne peuvent s'aligner sur le prix de vente moyen constaté »1518) et Intermarché (voir paragraphe 336). Les négociations commerciales entre fabricants et distributeurs adoptant une stratégie omnicanale et portant sur le prix de revente ne distinguaient pas non plus entre ventes en magasin et en ligne, si bien que les prix de revente avaient vocation à s'appliquer à l'ensemble des canaux de vente, ce que ne conteste d'ailleurs pas Darty à qui un grief de prix imposés, comprenant notamment SEB, a été notifié.

1163. Enfin, comme exposé ci-avant (voir paragraphes 1118 et suivants), le grief n° 9 a été notifié en qualité d'auteure à Groupe SEB Retailing, qui, comme le souligne SEB, a pour activité exclusive la vente directe aux consommateurs en démarque de produits sous différentes marques du Groupe SEB, par le biais de magasins détenus en propre sous l'enseigne Home & Cook mais également des magasins d'usine ou de déstockage.

1164. Il résulte de ce qui précède que la valeur des ventes à prendre en compte est celle des ventes hors taxes de produits de PEM à destination et usage domestique en France au cours de l'année 2012 par Groupe SEB France et Groupe SEB Retailing.

1165. La valeur des ventes de SEB à prendre en compte pour la détermination du montant de base de la sanction au titre du griefn° 9 est ainsi de [450-500] millions d'euros1519.

Application au grief n° 12

1166. Il a été démontré que Boulanger a pris part, du 16 juin 2010 au 15 octobre 2013, à une entente généralisée avec ses fabricants et fournisseurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager.

1167.Au cas d'espèce, le montant pris comme référence des ventes affectées par les pratiques visées dans le grief n° 12 correspond au montant des ventes hors taxes de produits de petit et de gros électroménager à destination et usage domestique en France. Cela exclut les ventes de tels produits aux professionnels.

1168. Par ailleurs, aucune pièce au dossier ne porte sur les ventes de produits de PEM vendus sous marque blanche ou marque de distributeur.

1169. L'année de référence pour la détermination de la valeur des ventes est l'année 2012, année correspondant au dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction.

1170. Boulanger soutient que la valeur des ventes ne pourrait être calculée que sur la base des ventes des produits concernés par les pratiques, ce qui limiterait le périmètre des ventes aux produits de GEM et, s'agissant du PEM, à la seule catégorie des aspirateurs. Elle fait valoir également que les pratiques n'ont pu concerner que les ventes en ligne et que les ventes en magasin devraient donc être exclues de la valeur des ventes, les deux canaux de distribution devant être dissociés conformément à la pratique décisionnelle de l'Autorité, illustrée notamment par la décision FNAC/Darty du 27 juillet 20161520.

1171. Elle demande en outre à ce que les ventes de produits GEM sous marque de distributeur soient exclues du périmètre de la valeur des ventes, dès lors que les services d'instruction ont proposé d'exclure les produits sous marque de distributeur dans le secteur du PEM.

1172. Par ailleurs, selon Boulanger, la valeur des ventes ne peut pas prendre en compte les ventes de produits de tous les fournisseurs de Boulanger, mais doit être limitée à celles des seuls fournisseurs qui ont été mis en cause sur le fondement d'une entente généralisée, à l'exception des sociétés Miele et SEB, pour lesquelles la preuve d'une entente avec Boulanger ne serait pas établie. Elle fait valoir sur ce point qu'il n'y a pas de preuves au dossier de demandes de remontées de prix d'un fournisseur visant les produits d'un autre fournisseur, c'est-à-dire d'un fournisseur non mis en cause pour entente généralisée.

1173. En premier lieu, l'Autorité rappelle que le grief retenu à l'encontre de Boulanger est celui d'une entente verticale généralisée avec l'ensemble de ses fournisseurs, pour les motifs rappelés dans la partie relative au bien-fondé du grief n° 12 (voir paragraphe 714). L'implication de l'ensemble des fournisseurs a donc été démontrée et Boulanger ne peut demander que la valeur des ventes ne prenne en compte que les fournisseurs visés par la notification de griefs. La circonstance qu'aucun de ces fournisseurs n'ait formulé de demande de remontée de prix concernant un autre fournisseur non visé par la notification de griefs est à cet égard sans incidence, dès lors que la démonstration de l'entente verticale généralisée n'implique pas l'existence d'une surveillance des fournisseurs entre eux, qui serait au demeurant constitutive d'une entente horizontale.

1174. En deuxième lieu, l'entente généralisée verticale qui fait l'objet du grief n° 12 concernait tant les produits de GEM que de PEM. En effet, comme Boulanger le reconnaît lui-même, il ressort bien des éléments du dossier que la catégorie des aspirateurs, qui fait partie du PEM, a fait l'objet d'échanges explicites impliquant Boulanger.

1175. Par ailleurs, les ententes généralisées de chacun des fournisseurs vis-à-vis de tous les distributeurs, y compris Boulanger, visées aux griefs n° 2 à 11, et dont l'Autorité retient le bien-fondé, concernaient bien pour partie les produits de PEM. En effet, les griefs - au demeurant non contestés - n° 3 (Candy Hoover), n° 5 (Electrolux), n° 7 (LG), et n° 8 (Miele) visent le PEM comme le GEM. De même le grief n° 9 contesté par SEB vise uniquement le PEM. Les preuves documentaires qui concernent ce grief n° 9 indiquent d'ailleurs que la participation de Boulanger aux ententes généralisées n'était pas limitée, au sein du PEM, aux aspirateurs. Ainsi il est attesté que SEB surveillait l'application des PPI par Boulanger pour des produits variés, comme un batteur Seb-Powermix (référence HT618100), un robot multi-fonctions Moulinex (référence FP520GB1), un distributeur de bière Krups (référence VB502E00), ou un épilateur Calor (référence EP8126C0) 1521. Dès lors, la démonstration d'une entente concernant un nombre significatif de fournisseurs de PEM est établie. Boulanger n'est donc pas fondée à soutenir que la valeur des ventes devrait être limitée à celle des ventes des produits de GEM et des aspirateurs.

1176.Ainsi, au regard de la notion« de produits en relation avec l'infraction» telle qu'elle a été précisée dans la partie relative aux principes applicables, les ventes à prendre en compte pour le calcul de la valeur des ventes sont les ventes hors taxes de produits de petit et de gros électroménager à destination et usage domestique en France.

1177. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Boulanger, la pratique a bien porté sur les ventes en magasin. Ainsi les plans de vente ayant servi à la communication des prix imposés ne distinguent pas les deux canaux de vente. Au stade de l'acceptation de Boulanger, d'autres pièces démontrent que les ventes en magasin étaient concernées par les pratiques de prix imposés (échange de courriel du 24 mai 20121522 cité au paragraphe 348). Si la majeure partie des documents qui permettent d'établir l'infraction concerne les prix de vente en ligne, notamment en lien avec la surveillance automatique que ces ventes en ligne permettent, de nombreux éléments du dossier montrent bien que la pratique avait pour objet de limiter la pression concurrentielle exercée notamment par de telles ventes sur les ventes en magasin. Ainsi, l'objectif de la pratique incluait bien le maintien des prix en magasin à un niveau artificiellement élevé.

1178. En revanche, aucune pièce du dossier ne portant sur les produits de marque de distributeur, que ce soient les produits de PEM ou de GEM, il y a lieu d'exclure, comme cela a été dit plus haut, les ventes de produits de PEM et de GEM vendus sous marque blanche ou marque de distributeur.

1179. Il résulte de ce qui précède que la valeur des ventes à prendre en compte est celle des ventes hors taxes de produits de PEM et de GEM à destination et usage domestique en France au cours de l'année 2012, hors ventes sous marque blanche et hors marque de distributeur.

1180. La valeur des ventes de Boulanger à prendre en compte pour la détermination du montant de base de la sanction au titre du grief n° 12 est de [300 - 350] millions d'euros.

En ce qui concerne la gravité des pratiques

Principes applicables

1181. Conformément au point 28 du communiqué sanctions, l'Autorité, pour apprécier la gravité des faits, tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence :

- la nature de l'infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser, ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés ;

- la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause ; la nature des personnes susceptibles d'être affectées ;

- les caractéristiques objectives de l'infraction ou des infractions.

1182. Ces critères seront successivement examinés par l'Autorité pour apprécier la gravité des pratiques en cause.

Application au grief n° 9

1183. La pratique visée par le grief n° 9 consiste en une entente généralisée de SEB avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de PEM pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de ces produits. Elle a contribué à harmoniser les prix de revente des produits de PEM fabriqués par SEB et ainsi à réduire la concurrence intra-marque entre revendeurs de ces produits, privant de ce fait les clients finals de la possibilité de profiter de prix concurrentiels. Elle a également pu contribuer à restreindre la concurrence inter-marques sur le marché de la distribution de produits de PEM en raison de l'existence du même type de pratiques pour un nombre significatif de fabricants « passant par les mêmes distributeurs pour distribuer leurs produits »1523.

1184. Il est établi que les pratiques mises en œuvre par SEB au titre du grief n° 9 ont eu pour objet de restreindre le libre jeu de la concurrence en matière de fixation des prix aux consommateurs.

♦ Sur la nature de l'infraction en cause

1185. Il résulte d'une jurisprudence constante que les ententes verticales présentent un degré certain de gravité1524. S'agissant, plus particulièrement, des ententes verticales sur les prix, la cour d'appel de Paris a, ainsi, rappelé que de telles ententes « même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; que les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d'autant plus d'être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marques demeure »1525.

1186. La jurisprudence considère donc que les ententes verticales, en particulier celles sur les prix, sont graves. Il convient également de rappeler le caractère généralisé des pratiques en cause, qui ont été mises en œuvre de manière concomitante par la plupart des principaux fournisseurs du secteur de l'électroménager. Dans la mesure où chaque infraction prise individuellement constitue une restriction de concurrence d'une gravité certaine, il en est de même a fortiori lorsqu'elles sont appréciées globalement à l'aune de leur effet cumulé sur le marché.

1187. Si la société SEB fait référence à des travaux d'économistes selon lesquels une entente ayant pour objet la fixation des prix n'est pas nécessairement nocive d'un point de vue économique, dès lors qu'elle permettrait de développer des gains d'efficacité, comme la concurrence sur les services aux acheteurs, elle ne démontre pas qu'au cas d'espèce l'infraction commise aurait permis de créer de tels gains. Au demeurant, SEB n'a pas demandé le bénéfice de l'exemption au regard de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE.

♦ Sur la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause

1188. Le grief n° 9 a porté sur l'ensemble des produits de PEM commercialisés par SEB et son réseau de distribution. Les pratiques ont porté sur l'ensemble du territoire national et sur un périmètre de produits très large, ce qui a contribué à renforcer leurs effets négatifs.

1189. En effet, contrairement à ce que soutient la société SEB, l'infraction commise a un périmètre matériel couvrant l'ensemble du PEM, tant les ventes en ligne qu'en magasin, et concerne l'ensemble des distributeurs sur tout le territoire national. Par ailleurs, cette entreprise a mis en place un système de suivi et de pénalités à l'encontre de ses distributeurs ainsi que cela a été précédemment exposé.

♦ Sur la nature des personnes susceptibles d'être affectées

1190. Les pratiques visées au grief n° 9 ont empêché les distributeurs de produits électroménagers de vendre leurs produits à un prix concurrentiel déterminé de manière autonome, ce qui a nécessairement porté préjudice au consommateur final individuel en France, dont la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence et de bénéficier du meilleur prix a été limitée1526.

1191. Au-delà des consommateurs, ces pratiques ont directement affecté les distributeurs lorsqu'ils déviaient des politiques de prix de revente imposées par un certain nombre de fabricants et fournisseurs, limitant leur capacité à proposer des produits à des prix attractifs pour les consommateurs. Elles ont contribué à fragiliser le secteur de la distribution, en renforçant le poids des principaux acteurs en place. Cette fragilisation de certains distributeurs est également due aux mesures prises par certains fabricants pour faire respecter leurs prix de revente, notamment lorsque les distributeurs faisaient l'objet de sanctions en cas de déviation1527. De telles pratiques pouvaient donc être préjudiciables, et ce d'autant plus que les ventes en ligne des produits concernés commençaient à peine à se développer en France.

1192. Ces comportements ont pu contribuer à diminuer durablement l'intensité concurrentielle qui aurait pu prévaloir dans le secteur de la distribution de produits électroménagers en leur absence. À ce titre, il convient de noter que les distributeurs à l'origine de l'enquête et ayant été auditionnés dans ce cadre, c'est-à-dire AMS, Maismoinscher, WebAchatFrance et Misterdiffusion, n'existent plus en tant que tels sur le marché. Par ailleurs, AMS a déclaré que certains distributeurs du secteur ont été « contraints d'arrêter la vente des produits blancs, outre la disparition pure et simple de dizaines de pure players »1528. En outre, ce distributeur a fourni « une liste des distributeurs distribuant la marque LIEBHERR en 2010 sur internet qui ne correspondaient pas selon eux à leurs critères » et a déclaré que « la conséquence des pratiques est que 95 % d'entre eux ont disparu ou ont été rachetés par des distributeurs traditionnels »1529.

1193. Enfin, les pratiques en cause ont également pu avoir pour conséquence d'affecter les fabricants et fournisseurs ne mettant pas en place ces pratiques, ces derniers ayant pu être désavantagés d'un point de vue concurrentiel. En effet, leur politique commerciale ne permettait pas à leurs clients distributeurs de bénéficier des mêmes garanties quant au niveau de marge attendu, ce qui a pu inciter ces derniers à privilégier les fabricants et fournisseurs proposant davantage de garanties de ce point de vue.

♦ Sur les caractéristiques objectives de l'infraction

1194. En premier lieu, les pratiques visées au titre des griefs n° 9 sont d'autant plus graves qu'elles ont revêtu un caractère secret, ce qui les rendait particulièrement difficiles à détecter et traduisait, dans une certaine mesure, leur caractère délibéré1530. Ce caractère secret résulte de l'utilisation, par les fabricants et fournisseurs, d'une part, et les distributeurs, d'autre part, d'un vocabulaire codé.

1195. En effet, SEB utilisait un langage codé en détournant par exemple de sa signification première le terme « stock » pour renvoyer à la notion de prix de revente minimum, comme l'ont indiqué plusieurs distributeurs1531. L'utilisation de ce terme entre SEB et les distributeurs ressort effectivement des documents saisis par les services d'instruction ou communiqués par des distributeurs1532. Par ailleurs, les responsables de SEB étaient formés au droit de la concurrence comme l'attestent des notes manuscrites prises lors d'une formation en octobre 20091533.

1196. Ce caractère secret se manifeste également par l'importance de l'oralité dans les échanges entre SEB et ses distributeurs (voir paragraphe 628). Cela est par exemple attesté par le courriel interne du 4 octobre 2013 par lequel un salarié de SEB demande à son équipe, pour expliquer à Selectis pourquoi il ne peut pas obtenir certains produits pourtant vendus à Darty: « [a]ttention, pas de réponse écrite SVP mais urgent de le rappeler »1534. De même, dans un courriel du 25 mars 2011, un salarié de SEB écrit: « J'ai omis de le préciser mais aucune communication écrite, ou alors cryptée ne peut être autorisée sur le sujet »1535.

1197. En deuxième lieu, de nombreux éléments du dossier montrent que l'entente faisait l'objet d'une surveillance effective du marché par les membres de l'entente, dans le but de s'assurer que les accords convenus étaient bien respectés par l'ensemble des distributeurs1536, mesures auxquelles participait SEB (voir paragraphes 614 et suivants).

1198. En troisième et dernier lieu, de nombreux éléments du dossier attestent de l'existence d'un mécanisme institutionnalisé de rétorsion, de représailles et de sanctions visant notamment les distributeurs qui ne respectaient pas les prix imposés (voir paragraphe 338).

1199. La société SEB fait valoir que l'existence d'une concurrence intra-marque et inter-marques a réduit la gravité de l'infraction. Or, cette assertion est contredite par les éléments du dossier relatifs à l'acceptation par les distributeurs quant au respect des niveaux de prix que le fabricant conseillait, le respect de prix imposés de la part de différents constructeurs limitant tant la concurrence inter-marques qu'intra-marque. De plus, les pratiques ont été rendues possibles par un système de suivi et de pénalités à l'encontre de ses distributeurs. La pratique a donc nécessairement éliminé ou à tout le moins fortement réduit la concurrence intra­ marque, l'entente en cause présentant un caractère généralisé, étant mise en œuvre par le fabricant vis-à-vis de l'ensemble de ses clients distributeurs. S'agissant de la concurrence inter-marques, son impact ne peut être que relativisé, les pratiques visées par la notification de griefs consistant en des ententes généralisées commises par des fabricants concurrents et par les deux plus importants distributeurs de PEM en France.

1200. Pour l'ensemble de ces raisons, les pratiques visées au grief n° 9 sont particulièrement graves par nature. Dès lors, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction de la société mise en cause, un coefficient de gravité de 8 %.

Application au grief n° 12

1201.Le grief n° 12 est un grief d'entente généralisée entre Boulanger et ses fabricants et fournisseurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager pour fixer, directement ou indirectement, les prix de revente de leurs produits aux clients finaux. La pratique a contribué à harmoniser, vis-à-vis des concurrents de Boulanger, les prix de revente de l'ensemble des produits distribués par ce dernier. Elle a ainsi contribué à réduire la concurrence intra-marque entre revendeurs de ces produits, privant de ce fait les clients finals de la possibilité de profiter de prix concurrentiels. Elle a également pu contribuer à restreindre la concurrence inter-marques sur le marché de la distribution de produits de petit et de gros électroménager.

1202. Il est établi que les pratiques mises en œuvre par Boulanger au titre du grief n° 12 ont eu pour objet de restreindre le libre jeu de la concurrence en matière de fixation des prix aux consommateurs.

♦ Sur la nature de l'infraction en cause

1203. Il résulte d'une jurisprudence constante que les ententes verticales présentent un degré certain de gravité1537, figurant ainsi « parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles » mais sont regardées avec moins de « sévérité que les ententes horizontales »1538.

1204. Boulanger soutient avoir « subi le système de prix imposés» qu'elle «combattait». Toutefois, cet argument, à le supposer avéré, est sans rapport avec la gravité de l'infraction et ne pourrait être pris en compte qu'au stade de l'examen des éléments d'individualisation de la sanction. En tout état de cause, cet argument n'est pas fondé, Boulanger étant à l'origine de mesures de surveillance vis-à-vis de ses concurrents, comme cela a été démontré supra aux paragraphes 705 et suivants. Au surplus, Boulanger, à l'instar de Darty, était un opérateur de taille importante sur le marché à l'époque des faits, et disposait à ce titre d'un pouvoir de négociation certain. Le fait qu'il ne l'ait pas utilisé pour remettre en cause les pratiques a permis à celles-ci de prospérer.

♦ Sur la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause

1205. Le grief n° 12 a porté sur l'ensemble des produits de petit et de gros électroménager commercialisés par Boulanger. Les pratiques ont porté sur l'ensemble du territoire national et sur un périmètre de produits très large, ce qui a contribué à renforcer leurs effets négatifs.

1206. Si Boulanger estime que l'infraction a porté sur un périmètre plus restreint, elle renvoie sur ce point aux développements sur le périmètre de la valeur des ventes devant être prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction1539. Dans ces conditions, l'Autorité renvoie aux développements de la présente décision sur la notion « de produits en relation avec l'infraction », dans la partie relative au calcul de la valeur des ventes, et confirme l'ampleur de la pratique, s'agissant tant du périmètre des produits concernés que de son étendue géographique.

♦ Sur la nature des personnes susceptibles d'être affectées

1207. Les pratiques visées au grief n° 12, entre Boulanger et tous ses fournisseurs, ont empêché les distributeurs de produits électroménagers de vendre leurs produits à un prix concurrentiel, ce qui a nécessairement porté préjudice aux consommateurs finaux en France, dont la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence et de bénéficier du meilleur prix a été limitée1540.

1208. Comme cela a été dit à propos du grief n° 9, ces pratiques ont directement affecté, au-delà des consommateurs, les distributeurs lorsqu'ils déviaient des politiques de prix de revente imposés par un certain nombre de fabricants et fournisseurs1541. Il en est ainsi d' AMS, Maismoinscher, WebAchatFrance ou encore Misterdiffusion, qui ont disparu du marché.

1209. Elles ont également pu avoir des conséquences sur certains fabricants et fournisseurs ne mettant pas en œuvre ces pratiques, qui n'étaient pas favorisés par les distributeurs, faute d'offrir les mêmes garanties en termes de marge commerciale.

1210. Boulanger fait valoir que son rôle dans la disparition de certains distributeurs n'est pas établi, et qu'elle n'avait aucun intérêt à participer aux pratiques dès lors que d'autres distributeurs auraient pu gagner des parts de marché en ne les suivant pas. Sur ce point toutefois, il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'entente généralisée se fondait justement sur un système de suivi et de pénalités mis en œuvre par les fournisseurs et qui concernait l'ensemble des distributeurs, dispositif renforcé par les mesures de surveillance émanant des distributeurs, dont Boulanger, vis-à-vis de leurs concurrents (voir supra paragraphes 705 et suivants). L'ensemble de ces éléments établit la participation active de la mise en cause aux pratiques de contrôle des prix.

1211. Boulanger avance également que la cause des difficultés de certains distributeurs est la mise en place d'un système de distribution sélective, qui ne fait pas l'objet du grief qui lui a été adressé, ainsi que la gestion des canaux de distribution ou « channel management » dont elle-même aurait été victime, certains produits étant selon elle réservés à Darty. Mais cette organisation de la distribution n'est pas de nature à remettre en cause l'impact de l'entente généralisée visée au grief n 12 sur les distributeurs. Par ailleurs, il ressort de certains éléments du dossier que, dans le cadre de la « channelisation » invoquée, Boulanger a également pu se voir réserver certains produits et les pratiques ont donc été mises en œuvre alors même que certaines conditions de commercialisation des produits limitaient déjà la concurrence intra-marque 1542.

♦ Sur les caractéristiques objectives de l'infraction

1212. En premier lieu, les pratiques visées par le grief n° 12 sont d'autant plus graves qu'elles ont revêtu un caractère secret, élément les rendant particulièrement difficiles à détecter et traduisant, dans une certaine mesure, leur caractère délibéré1543. Ce caractère secret résulte de l'utilisation par Boulanger d'un vocabulaire codé. Ce caractère secret se manifeste également par l'importance de l'oralité dans les échanges entre Boulanger et ses fabricants et fournisseurs, au cours desquels il était à nouveau recouru au vocabulaire codé en question.

1213. Contrairement à ce que soutient Boulanger, le caractère secret de l'entente ressort des pièces du dossier 1544, et la nature verticale de l'entente est sans incidence sur ce point. Elle est déjà prise en compte au stade de la partie relative à la nature de l'infraction en cause (voir paragraphe 1203).

1214. En deuxième lieu, de nombreux éléments du dossier montrent qu'une surveillance effective du marché par les membres de l'entente avait lieu, dans le but de s'assurer que les accords convenus étaient bien respectés par l'ensemble des distributeurs 1545. Ces mesures de surveillance ont été mises en œuvre par Boulanger, comme cela a été dit (voir paragraphes 705 et suivants), et la preuve de sa participation est bien rapportée1546. L'existence de ces mesures de surveillance peut être prise en compte, tant au niveau de la qualification de l'infraction que de l'appréciation de sa gravité1547.

1215. En troisième et dernier lieu, force est de constater que de nombreux éléments du dossier attestent de l'existence d'un mécanisme institutionnalisé de rétorsion, de représailles et de sanctions, visant notamment les distributeurs qui ne respectaient pas les prix imposés. Boulanger a participé à ces mécanismes en surveillant la correcte application des prix imposés par les distributeurs concurrents, d'une part, et en dénonçant aux fabricants et fournisseurs concernés ces mêmes distributeurs en cas de déviation, d'autre part1548, tout en mettant en place des mesures de rétorsion sous la forme de pénalités financières visant à compenser la perte de marge réalisée par rapport à la marge théorique en cas de respect du niveau de prix de revente commandé.

1216.Pour l'ensemble de ces raisons, les pratiques visées au grief n° 12 sont particulièrement graves par nature. L'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction de la société mise en cause, un coefficient de gravité de 8 %.

En ce qui concerne la durée des pratiques

1217. La durée de l'infraction joue un rôle important dans la détermination du montant approprié de la sanction. La prise en compte de ce paramètre se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l'infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.

1218. Au point 34 de son communiqué sanctions, l'Autorité a prévu que « le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes, conformément aux points 27 à 30, est multiplié par le nombre d'années de participation à l'infraction. Les périodes de moins d'une année sont prises en compte au prorata temporis de la durée de participation de !'entreprise ou de l'association d'entreprises à l'infraction ».

1219.Au cas présent, au-delà des années complètes de participation, l'Autorité retiendra donc les mois complets de participation au prorata temporis.

1220. Le tableau ci-dessous détaille les durées des infractions pour chaque entreprise mise en cause en fonction du grief qui lui est imputé.

tableau5.PNG

1221. S'agissant des contestations des parties sur la durée des pratiques, l'Autorité renvoie aux parties de la présente décision relatives au bien-fondé des griefs et en particulier à la durée des pratiques (voir supra paragraphes 654 et suivants et 731 et suivants).

Conclusion concernant le montant de base des sanctions

1222. Il résulte de tout ce qui précède que l'Autorité prendra pour montant de base des sanctions les sommes présentées ci-dessous.

tableau6.PNG

c) Sur l'individualisation des sanctions

Principes applicables

1223. Selon l'article L. 464-2 du code de commerce, les sanctions « sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné».

1224.En fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, l'Autorité peut prendre en considération l'existence de différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l'infraction, ainsi que d'autres éléments d'individualisation pertinents tenant à la situation de chaque entreprise ou association d'entreprises. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse. Aux termes des points 37 et 38 du communiqué sanctions, l'Autorité peut en effet réduire ou augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire, pour une entreprise ou une association d'entreprises, en présence de circonstances atténuantes ou aggravantes.

1225. L'individualisation des éléments déterminant la sanction conduit à examiner, pour chacune des entreprises mises en cause, l'existence de circonstances atténuantes ou aggravantes et les autres éléments d'individualisation.

Les circonstances atténuantes

1226. Le communiqué sanctions mentionne, en son point 37, plusieurs circonstances qui peuvent conduire l'Autorité à réduire le montant de la sanction notamment le comportement de franc­ tireur, la coopération avec l'Autorité, la participation contrainte aux pratiques, le fait que l'infraction ait été initiée ou encouragée par les pouvoirs publics, ou la mise en œuvre par l'entreprise de mesures de réparation bénéficiant aux victimes de la pratique.

1227. Le dossier ne comporte pas d'éléments susceptibles de justifier de circonstances atténuantes au profit des deux entreprises contestant les griefs n° 9 et n° 12.

1228. S'agissant du griefn° 12, comme l'a rappelé l'Autorité dans une précédente décision, aucun principe n'impose que les sanctions prononcées à l'encontre des distributeurs mis en cause dans le cadre d'une entente verticale soient moins sévères que celles infligées à des fournisseurs parties à l'entente1549.

1229. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Boulanger ait été contrainte à participer à l'infraction.

Les circonstances aggravantes

1230. Le communiqué sanctions mentionne, en son point 38, plusieurs circonstances qui peuvent conduire l'Autorité à aggraver la sanction, parmi lesquelles figurent notamment le rôle de meneur ou d'incitateur ou la prise de mesures en vue de contraindre d'autres à participer.

1231. Au cas présent, les éléments du dossier ne font pas ressortir d'éléments de nature à caractériser l'existence de circonstances aggravantes propres aux entreprises mises en cause au titre des griefs n° 9 et n° 12.

Les autres éléments d'individualisation

1232. Selon le point 39 du communiqué sanctions, après avoir procédé à l'ajustement individuel du montant de la sanction eu égard aux éventuelles circonstances aggravantes et atténuantes, l'Autorité peut ensuite adapter le montant obtenu à la hausse ou à la baisse, afin d'assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, « en prenant en considération d'autres éléments objectifs propres à la situation de l'entreprise ou à l'association d'entreprises concernée».

1233. Parmi ces éléments figurent en particulier l'appartenance de l'entreprise à un groupe disposant d'une puissance économique ou de ressources globales puissantes et, à l'inverse, le caractère« mono-produit» de l'entreprise.

1234. En l'espèce, aucun élément du dossier n'est de nature à justifier qu'il soit procédé à un ajustement à la hausse ou à la baisse de la sanction pour tenir compte des éléments objectifs propres à la situation des groupes SEB et Boulanger.

d) Sur les ajustements finaux

1235. Aux termes de l'article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ».

1236. En l'espèce, les chiffres d'affaires mondiaux consolidés des groupes SEB et Boulanger étaient en 2021 supérieurs à 5 milliards d'euros. Les montants de base des sanctions présentés au paragraphe 1222, qui n'ont pas été modifiés au titre de l'individualisation, n'excèdent donc pas le plafond légal ni pour SEB ni pour Boulanger.

1237. Le montant final des sanctions prononcées à l'encontre des entreprises mises en cause au titre des griefs n° 9 et 12 s'établit comme suit:

tableau7.PNG

2. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION

a) Rappel des principes applicables

1238. Comme déjà rappelé plus haut aux paragraphes 1129 et suivants, le III de l'article L. 464-2 du code de commerce prévoit, pour les procédures de transaction, que le rapporteur général propose à l'Autorité de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I du même article dans les limites fixées par la transaction. Conformément au paragraphe 37 du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction, dont le principe a été repris au paragraphe 5 du communiqué sanctions, les circonstances particulières résultant de la mise en œuvre, de la procédure de transaction justifient que les sanctions prononcées ne soient pas motivées par référence à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énoncée dans le communiqué sanctions.

1239. Par ailleurs, le IV de l'article L. 464-2 du code de commerce, relatif à la clémence, prévoit une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires pour les entreprises qui ont contribué à établir les éléments constitutifs de l'infraction.

1240. En l'espèce, les sociétés des groupes BSH, Eberhardt, LG, Miele, Smeg et Varta ont décidé, par la signature de sept procès-verbaux le 26 mai 2023 de ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et de bénéficier de la procédure de transaction prévue par les dispositions du III de l'article L. 464-2 du code de commerce.

1241. C'est également le cas des sociétés des groupes Candy Hoover, Electrolux et Whirlpool qui ont signé, le 30 mai 2023, quatre procès-verbaux de transaction, et des sociétés du groupe Darty qui ont signé un procès-verbal de transaction le 28 juin 2023.

1242. Enfin, par un avis de clémence n° 15-AC-02 du 9 juillet 2015, l'Autorité a accordé aux sociétés du groupe BSH le bénéfice conditionnel d'une réduction partielle de sanctions concernant les pratiques dénoncées.

1243. Il convient de préciser que la plupart des entreprises visées ci-dessus ont décidé de ne pas contester à la fois le grief n° 1 relatif aux échanges d'information, ainsi que le grief d'entente verticale sur la fixation des prix qui leur a été notifié. Par ailleurs, les sociétés du groupe Varta, qui n'étaient concernées que par le grief n° 1, n'ont transigé que sur ce seul grief.

1244.Il résulte de l'analyse présentée plus haut que l'existence d'échanges d'informations anticoncurrentiels n'est pas établie. Par suite, et en premier lieu, aucune sanction ne sera prononcée à l'encontre des sociétés qui ne sont concernées que par le grief n° 1, à savoir les sociétés RRH France, en tant que successeur de Varta Consumer France, et Varta Consumer Europe Holding, en tant que successeur de RAYOVAC Europe, qui n'étaient visées que par ce grief et dont le procès-verbal de transaction ne portait que sur ce seul grief.

1245. En deuxième lieu, dès lors que le grief n° 1 a été écarté, il ne fera pas l'objet d'une sanction pécuniaire et le montant de la sanction pouvant être infligée aux entreprises ne sera apprécié qu'au regard du grief d'entente verticale généralisée sur les prix, dans les limites de la fourchette prévue par le procès-verbal de transaction.

b) Sur la gravité de l'infraction

1246. Lorsqu'elle apprécie la gravité d'une infraction, l'Autorité tient compte notamment de la nature des pratiques qu'elle poursuit, de la nature des secteurs en cause, des personnes susceptibles d'être affectées et des caractéristiques objectives de l'infraction (comme par exemple, le caractère secret ou non, le degré de sophistication, l'existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, le détournement d'une législation, etc.).

1247.Au cas d'espèce, les pratiques reprochées aux entreprises des groupes BSH, Candy Hoover, Eberhardt, Electrolux, LG, Miele, Smeg et Whirlpool consistent, pour chacune de ces entreprises, en une entente généralisée avec ses distributeurs, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de ses produits en violation des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

1248. La pratique reprochée à Darty consiste à avoir pris part à une entente généralisée avec ses fabricants et fournisseurs dans le secteur de la distribution de petit et de gros électroménager pour fixer, directement ou indirectement, les prix de revente de leurs produits aux clients finaux en violation des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

1249. Comme cela a été indiqué lors de l'examen de la gravité des griefs n° 9 et n° 12, la jurisprudence considère que les ententes verticales, en particulier celles sur les prix de détail, sont graves. Il convient également de rappeler, en l'espèce, le caractère généralisé des pratiques en cause, qui ont été mises en œuvre de manière concomitante par la plupart des principaux fournisseurs du secteur de l'électroménager, ceux-ci distribuant leurs produits aux consommateurs finals au travers des mêmes distributeurs. Par leur nature, les infractions reprochées aux groupes BSH, Candy Hoover, Eberhardt, Electrolux, LG, Miele, Smeg et Whirlpool, ainsi qu'à Darty, présentent donc un caractère de gravité certain.

1250. Ces pratiques ont porté sur l'ensemble des produits de PEM, ou de GEM, ou de PEM et de GEM selon les cas, commercialisés dans le réseau de distribution des différents fournisseurs mis en cause. Elles ont porté sur l'ensemble du territoire national et sur un périmètre de produits très large, ce qui a contribué à renforcer leurs effets négatifs.

1251. Ces pratiques ont empêché les distributeurs de produits électroménagers de vendre leurs produits à un prix concurrentiel, ce qui a nécessairement porté préjudice aux consommateurs finals en France, dont la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence et de bénéficier des meilleurs prix a été limitée.

1252. Par ailleurs ces pratiques, qui présentaient un caractère secret comme l'indique l'utilisation d'un langage codé, étaient renforcées par une pratique de surveillance du marché.

1253. Les pratiques en cause doivent donc être considérées comme présentant un degré certain de gravité.

En ce qui concerne BSH

1254. La société BSH fait valoir que différents éléments seraient de nature à atténuer la gravité des pratiques visées par le grief n° 2.

1255. En premier lieu, BSH soutient que la veille mise en place par l'intermédiaire du prestataire Netveille était limitée. Elle ne visait qu'un nombre limité de distributeurs, environ 1 % de ceux-ci, dans le but de surveiller sur Internet la présence des seuls produits de marque Bosch et Siemens sous distribution sélective. Elle ajoute que les relevés Netveille ne contenaient plus les prix des produits à partir d'octobre 2012 et que BSH a donc cessé toute surveillance tarifaire à compter de cette date.

1256. Sur ce point, il ressort toutefois des pièces du dossier que la mise en place de contrats de distribution sélective (voir paragraphe 736) avait un rôle de protection de certaines références dans le but de contrer les prix pratiqués par certains distributeurs. À cet égard, un ancien salarié de BSH a précisé que « les contrats de distribution sélective ont été émis en place pour protéger certaines enseignes et les petits revendeurs de la concurrence sur internet »1550. Dans ces conditions, la simple circonstance, à la supposer établie, que la surveillance des prix soit liée à la mise en œuvre du dispositif de distribution sélective n'est pas de nature à atténuer la gravité de la pratique en cause. De plus, il ressort également des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient BSH, la surveillance des prix s'est poursuivie au cours de l'année 2013, plusieurs pièces1551 faisant état de la surveillance de prix pour les produits de marques Bosch et Siemens pour les mois de juillet et septembre 2013.

1257. En deuxième lieu, BSH fait valoir que la pratique n'a eu que peu d'effets pour le consommateur et plus particulièrement sur le canal de la vente en ligne, compte tenu du faible suivi des prix recommandés et de la politique d'agrément de BSH vis-à-vis des distributeurs en ligne ou« pure players ».

1258. D'une part, BSH fait valoir que les prix conseillés n'étaient en réalité que très faiblement suivis par les distributeurs. Selon une étude économique fournie au soutien de BSH, le taux de suivi des prix conseillés ne serait que de 40 % pour les cinq principaux distributeurs de produits BSH et de 20 % seulement si l'étude est élargie à l'ensemble des distributeurs.

1259.D'autre part, BSH rappelle que le grief qui lui a été notifié lui reproche d'avoir pris part à une entente généralisée dans le secteur du GEM uniquement, et non à la fois dans le secteur de la distribution de GEM et de PEM, contrairement à d'autres mises en cause. Elle ajoute qu'elle n'a pas cherché à faire échec au développement des opérateurs en ligne dès lors qu'elle a agréé, de 2010 à 2014, un nombre croissant de distributeurs vendant exclusivement sur Internet dans le cadre de son dispositif de distribution sélective, le montant des ventes en ligne d'appareils de marque Bosch et Siemens étant croissant sur cette même période. BSH précise également qu'elle a été la seule à agréer le distributeur Webachat.

1260. Il ressort néanmoins d'une jurisprudence constante de l'Union que l'impact concret d'une infraction sur le marché n'est pas un critère décisif pour déterminer le niveau des amendes1552. En effet, comme a pu le juger le Tribunal, «pour apprécier la gravité de l'infraction, il est décisif de savoir que les membres de l'entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour donner un effet concret à leurs intentions. Ce quis'est passé ensuite, au niveau des prix de marché effectivement réalisés, était susceptible d'être influencé par d'autres facteurs, hors de contrôle des membres de l'entente( ... ) »1553. Ainsi, l'ensemble des arguments de BSH selon lesquels la pratique n'aurait pas eu les effets escomptés sur les prix effectivement relevés, ou le développement de la vente en ligne, n'est pas de nature à remettre en cause la gravité de la pratique visée au grief n° 2, d'entente généralisée avec ses distributeurs visant à fixer les prix de détail. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'objectif poursuivi par BSH était de contrer l'essor des ventes en ligne et de maintenir le niveau des prix de vente de ses produits. Comme l'a indiqué le distributeur AMS « la mise en place de la distribution sélective dans le secteur du GEM est uniquement dictée par la volonté des fabricants, peut-être en accord avec certains distributeurs spécialisés, de réguler et limiter la vente et la publicité sur Internet de ces produits »1554.

1261. Le fait que le grief n° 2 notifié à BSH ne concerne que le marché de la distribution des produits de GEM et pas le PEM n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, la limitation aux produits de GEM étant au demeurant prise en compte dans la valeur des ventes.

1262. En troisième lieu, BSH fait valoir qu'elle n'a pas adopté de mesure de rétorsion consistant par exemple à refuser de fournir un distributeur qui n'appliquait pas les prix conseillés et que les pièces retenues contre elle étaient d'une moindre gravité que celles relevées par les services d'instruction concernant d'autres fournisseurs.

1263. Sur ce point toutefois, les pièces du dossier font apparaître le rôle actif de BSH dans le suivi de l'entente et la mise en œuvre d'un dispositif de pénalités. Ainsi qu'il a été exposé (voir paragraphes 748 et suivants), BSH a enjoint à plusieurs reprises à ses distributeurs de se conformer aux prix de vente conseillés. Contrairement à ce qu'elle soutient, BSH a envisagé l'arrêt de livraisons, notamment vis-à-vis de Leclerc. Constatant qu'un certain nombre de références n'étaient pas vendues au prix conseillé par ce distributeur, un salarié de BSH a émis la consigne suivante en interne : « Par conséquent, je saisis cette occasion pour vous demander de bien vouloir briefer vos grossistes de ne pas livrer les magasins Leclerc. »1555

1264. En quatrième lieu, BSH soutient qu'une amende située dans le haut de la fourchette de transaction serait disproportionnée après plus de 10 ans d'instruction. Elle fait référence à la pratique décisionnelle de la Commission1556 et à la jurisprudence du Tribunal1557 et indique que la durée anormale de la procédure doit donner lieu à une réduction d'amende supplémentaire. En effet le caractère dissuasif de la sanction serait discutable s'agissant de pratiques qui ont cessé depuis plus de dix ans.

1265. L'affaire des ronds à béton qui a donné lieu à la décision de la Commission et à l'arrêt du Tribunal dont se prévaut BSH n'est pas transposable en l'espèce. En effet dans cette affaire, la Commission avait imposé, en décembre 2002, à huit entreprises sidérurgiques, des amendes pour un total d'environ 85 millions d'euros, en vue de sanctionner des accords de fixation de prix constatés de 1989 à 2000. La décision de la Commission a été annulée une première fois en 2007 par le Tribunal1558, et la nouvelle décision prise à la suite de cette annulation, confirmée en première instance par le Tribunal, a été annulée par la Cour de justice en 20171559. La Commission, dans sa troisième décision prise à la suite de cette nouvelle annulation a alors décidé de réduire de 50 % le montant de l'amende, afin de tenir compte des 17 ans de procédure et du délai écoulé après la fin des pratiques en cause, de près de vingt ans.

1266. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit plus haut dans la section II.A (Sur la procédure) s'agissant du respect d'un délai raisonnable, le délai d'instruction n'est pas excessif, et à ce stade, la société BSH ne peut se prévaloir d'aucun délai contentieux justifiant que soit appliqué une réfaction du montant de la sanction imposée à l'intérieur de la fourchette de transaction figurant au procès-verbal.

1267. Il résulte de ce qui précède que les pratiques visées par le grief n° 2 présentent un caractère de gravité certaine et que les arguments avancés par BSH ne justifient pas de relativiser la gravité des pratiques en cause, dont la durée a d'ailleurs été acceptée par BSH qui a signé le procès-verbal de transaction.

En ce qui concerne Candy Hoover

1268. La société Candy Hoover présente plusieurs arguments tendant à relativiser la gravité des pratiques qui lui sont reprochées au titre du grief n° 3.

1269. En premier lieu, Candy Hoover fait valoir que la pratique en cause tend à limiter la concurrence intra-marque et que l'impact concret des pratiques sur les consommateurs doit être relativisé compte tenu de la part de marché limitée de Candy Hoover sur les marchés concernés.

1270. Toutefois, et comme cela a été rappelé dans l'étude de la gravité du grief n° 9, il résulte d'une jurisprudence constante que les ententes verticales présentent un degré certain de gravité et s'agissant plus particulièrement des ententes verticales sur les prix, la cour d'appel de Paris a précisé que de telles ententes « même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles »1560. Dans cette même décision, la cour d'appel de Paris a ajouté que « les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d'autant plus d'être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marques demeure »1561. Par suite, le fait que l'entente verticale sur les prix ait un effet sur la concurrence intra-marque plus marqué que sur la concurrence inter­ marque n'est pas de nature à atténuer la gravité de la pratique. De plus en l'espèce, compte tenu du nombre et de la notoriété des fournisseurs impliqués dans des pratiques d'entente verticale généralisée avec leurs distributeurs, Candy-Hoover ne peut se prévaloir d'une absence d'impact sur la concurrence inter-marques.

1271.Par ailleurs, dès lors que le grief n° 3, non contesté par Candy Hoover, consiste en une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur des produits de petit ou de gros électroménager pour fixer directement ou indirectement le prix de ses produits du 1er mars 2009 au 31 décembre 2014 (voir paragraphes 776 et suivants), la société mise en cause ne peut à présent se prévaloir de ce que ces pratiques n'ont concerné qu'un nombre restreint de distributeurs.

1272. Si Candy Hoover n'a pas recouru à un dispositif de nature contractuelle pour fixer les prix de revente de ses produits de PEM et de GEM avec ses distributeurs, cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la gravité de la pratique qui présente un caractère élaboré et secret, la mise en cause ayant eu recours au langage codé (voir paragraphe 779). De la même manière, si le recours à un prestataire afin de suivre les prix sur Internet n'est pas en lui­ même une pratique de prix imposés, les contrats conclus par Candy Hoover avec ce prestataire ont été mobilisés pour surveiller la mise en œuvre de l'entente et relèvent du dispositif de contrôle de la pratique de prix imposés. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Candy Hoover, de nombreuses pièces du dossier attestent d'injonctions de ce fournisseur à ses distributeurs afin de respecter les prix imposés, par des demandes de remontées de prix1562. De plus, il ressort de ces mêmes pièces que Candy Hoover a envisagé des mesures de rétorsion (voir paragraphes 787 et suivants) consistant notamment à arrêter les approvisionnements en cas de déviation de certaines enseignes par rapport au niveau des prix conseillés1563.

1273. Enfin, de manière générale, Candy Hoover fait valoir que la pratique en cause n'a pu avoir qu'un effet négligeable sur la concurrence dans le secteur de la distribution des produits de PEM et de GEM compte tenu de la faiblesse du taux de suivi des prix de vente conseillés qui n'a concerné qu'un périmètre limité de produits et une période restreinte dans un secteur caractérisé par une forte animation concurrentielle.

1274. Sur ce point, comme rappelé ci-avant, la jurisprudence de l'Union considère que l'impact concret d'une infraction sur le marché n'est pas un critère décisif pour déterminer le niveau des amendes1564. Par suite, la circonstance que le taux de suivi de la pratique soit faible selon l'étude économique produite par la mise en cause, ou que l'animation concurrentielle soit restée importante dans le secteur n'est pas de nature à modérer la gravité de l'infraction. En effet, il ressort des pièces du dossier que l'objectif poursuivi par Candy Hoover, face au développement des ventes en ligne, était d'augmenter ou, à tout le moins, de maintenir à un niveau suffisamment élevé le prix de ses produits, comme en atteste le document saisi relatif à la politique internet encastrable1565 ou la note manuscrite intitulée « règles internet décidées le 24/02/10 »1566 qui vise clairement un objectif d'augmentation du prix. Les déclarations de distributeurs montrent également que Candy Hoover a mis en œuvre les moyens pour atteindre cet objectif, consistant en une entente sur les prix1567.

1275.Il résulte de ce qui précède que les pratiques visées par le griefn° 3 présentent un caractère de gravité certain et que les arguments avancés par Candy Hoover ne justifient pas de relativiser la gravité des pratiques en cause.

En ce qui concerne Eberhardt

1276. Le grief n° 4 notifié à la société Eberhardt consiste en la participation à une entente généralisée avec ses distributeurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits en violation des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Le grief n'est pas contesté et la gravité des pratiques imputées à Eberhardt est certaine.

1277. Les éléments fournis par Eberhardt relatifs à sa situation financière1568 et à sa capacité contributive seront examinés ci-après dans la partie relative à l'individualisation de la sanction.

En ce qui concerne Electrolux

1278. Electrolux fait valoir que différents éléments sont de nature à relativiser la gravité de la pratique visée au grief n° 5.

1279. Le grief n° 5, non contesté par Electrolux, consiste en une entente généralisée avec ses distributeurs, dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager pour fixer directement ou indirectement le prix de vente en détail de leurs produits.

1280. Contrairement à ce que soutient Electrolux, quand bien même le dossier comprendrait comparativement moins de pièces relatives à ses relations avec ses distributeurs grossistes (qui représentent 80 % de ses ventes), cela n'est pas de nature à relativiser la gravité de la pratique, dans la mesure où une pièce concernant l'année 2012 met en évidence une demande explicite de remontée des prix auprès de l'un d'entre eux, utilisant le tenne de« stock» à la place de « prix » 1569. Le volume de pièces plus important sur la période 2012-2013 n'est pas non plus en l'espèce de nature à modérer la gravité des pratiques en cause, lesquelles sont établies et non contestées de 2009 à 2014.

1281. Electrolux fait également valoir que l'étude économique versée au soutien de ses observations démontrerait que les prix de revente recommandés par Electrolux à ses distributeurs ont été très peu appliqués. Toutefois sur ce point, comme cela a été dit plus haut, l'impact concret d'une infraction sur le marché n'est pas un critère décisif pour déterminer le niveau des amendes dès lors, comme c'est le cas en l'espèce, qu'elle avait un objectif anticoncurrentiel.

1282. Il résulte de ce qui précède que les pratiques visées par le grief n° 5 présentent un caractère de gravité certaine et que les arguments avancés par Electrolux ne justifient pas de relativiser la gravité des pratiques en cause.

En ce qui concerne LG

1283. Afin de relativiser la gravité du grief n° 7, LG fait notamment état de sa position modeste en France dans le secteur des produits PEM et de GEM. Elle ajoute qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une sanction pour non-respect du droit de la concurrence auparavant en France et qu'elle développe de longue date une culture de conformité.

1284. En premier lieu, si la réitération de pratiques anticoncurrentielles est de nature à conduire à une augmentation du montant de l'amende infligée, le fait de ne pas avoir été sanctionné pour des pratiques anticoncurrentielles antérieurement ne constitue pas en soi un élément de nature à minorer la gravité de la pratique.

1285. En deuxième lieu, il ressort du point 6 des lignes directrices de la Commission relatives au calcul des amendes 1570 que « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l'infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l'importance économique de l'infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l'infraction». La jurisprudence de l'Union a également précisé que la valeur des ventes pouvait refléter les différences de participation des entreprises, par exemple s'agissant de l'ampleur géographique de la participation 1571. Ainsi, le poids économique de LG dans les marchés affectés par les pratiques litigieuses est bien pris en compte dans la fourchette de transaction, celle-ci tenant compte de la valeur des ventes.

1286.Par suite, les éléments avancés par LG relatifs à l'absence d'infraction au droit de la concurrence avant les pratiques en cause, ou à la part de marché modeste qu'elle détient dans les secteurs du PEM et du GEM ne sont pas de nature à modérer la gravité de l'infraction visée au grief n° 7.

1287. Par ailleurs, le fait que la pratique de prix imposés à laquelle a participé LG n'ait pas été mise en œuvre par l'intermédiaire de procédés de nature contractuelle n'est pas de nature à modérer la gravité de la pratique. De plus, contrairement à ce que soutient LG, les pièces du dossier révèlent que la mise en cause a envisagé des mesures de rétorsion, une note manuscrite datée du 24 février 2010 stipulant la possibilité d'interdire certains produits1572, mesures qui ont été également mises en œuvre1573.

1288. Enfin, si LG fait valoir que la pratique n'a pu avoir qu'un effet limité sur le marché en cause, compte tenu du niveau du taux de suivi des prix conseillés par les distributeurs, de l'existence d'une concurrence inter-marques forte et de l'importance du pouvoir de négociation des distributeurs dont Darty et Boulanger, les effets concrets des pratiques mises en œuvre ne sont pas déterminants pour apprécier la gravité des pratiques de LG1574. En effet, LG a eu pour objectif de maintenir le prix de vente de ses produits face à la montée des ventes sur Internet et a mis en œuvre les moyens nécessaires, en l'espèce les pratiques visées au grief n° 7, pour atteindre cet objectif anticoncurrentiel.

1289. Il résulte de ce qui précède que LG ne présente aucun élément de nature à modérer la gravité des pratiques visées par le grief n° 7.

En ce qui concerne Smeg

1290. Smeg fait valoir que différents éléments sont de nature à relativiser la gravité de la pratique visée au grief n° 10.

1291. La société Smeg se prévaut d'un contexte particulier lié à sa qualité de nouvel entrant sur le marché français au cours de la période retenue durant laquelle les pratiques visées au grief n° 10 ont été mises en œuvre, période pendant laquelle elle présentait une situation de dépendance accrue par rapport aux acteurs principaux de la distribution de produits de PEM et de GEM. Ces considérations seront examinées dans la partie relative à l'individualisation de la sanction.

1292. De plus, comme cela a été précisé au titre 5 précédent concernant la gravité des pratiques imputées à LG, le faible poids de l'entreprise sur les marchés affectés par la pratique de prix imposés en cause est reflété par la valeur des ventes utilisée pour procéder au calcul du montant de base de la sanction.

1293. Smeg soutient également que, compte tenu de son faible pouvoir de marché, et du faible taux de suivi des prix conseillés par ses distributeurs, un nombre important de distributeurs continuant d'animer la concurrence par les prix, les pratiques ont eu des effets extrêmement limités sur le marché. Mais, comme ceci a déjà été précisé, les effets concrets des pratiques mises en œuvre ne sont pas déterminants pour apprécier la gravité des pratiques 1575. L'Autorité relève à cet égard que les pièces du dossier attestent de ce que Smeg a eu pour objectif (voir par exemple paragraphe 340) de faire respecter par ses distributeurs un niveau de prix de revente déterminé face à l'essor des ventes en ligne1576 et de ce que Smeg a mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles pour y parvenir. Ainsi de nombreuses pièces établissent des demandes de remontées de prix auprès des distributeurs des produits de marque Smeg, utilisant un langage codé(« stock» à la place de prix)1577.

1294. Il résulte de ce qui précède que Smeg ne présente aucun élément de nature à modérer la gravité des pratiques visées par le grief n° 1O.

En ce qui concerne Indesit

1295. La société Whirlpool France, venant aux droits de la société Indesit, présente plusieurs arguments tendant à relativiser la gravité des pratiques qui lui sont reprochées au titre du grief n° 6.

1296. Elle soutient que les pratiques visées au grief n° 6 présentent un degré faible de gravité, compte tenu du contexte fortement concurrentiel du secteur français des produits de GEM pendant la période concernée, des caractéristiques de la pratique au regard d'autres décisions prises par l'Autorité et de l'absence d'effet significatif sur le marché.

1297. En premier lieu, Indesit fait valoir, qu'entre 2009 et 2014, le secteur français des produits blancs était très atomisé et a vu le fort développement des marques de distributeur alors même que de nouveaux acteurs asiatiques et turcs (LG, Samsung, Daewoo, Arçelik, Vestel, Haier et Ldea) ont adopté un comportement agressif et ont vu leur part de marché quasiment doubler, passant de 7 à 12 %.

1298. Toutefois, les ventes de produits vendus sous marque blanche et sous marque de distributeur ont été exclues de la valeur des ventes de l'ensemble des parties mises en cause dès lors que les pratiques ne concernaient pas ces produits, ce qui ne retire rien à la gravité des pratiques concernant les marques de fabricants. D'autre part, l'assertion, selon laquelle le marché, atomisé, était fortement concurrentiel pendant la période infractionnelle, est à relativiser en l'espèce, compte tenu du nombre de fournisseurs qui ont mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles d'entente généralisée sur les prix avec leurs distributeurs, d'autant plus que les principaux fabricants ont été mis en cause dans cette affaire. Il est également précisé que l'un des nouveaux entrants mentionnés par Indesit, à savoir LG, fait également partie des sociétés mises en cause. Par suite, la configuration du marché des produits de GEM en France n'est pas de nature à modérer la gravité des pratiques imputées à Indesit.

1299. Par ailleurs, le fait que les pratiques en cause n'aient pas empêché les difficultés des fournisseurs historiques de produits de GEM - Indesit mentionnant à cet égard le rachat de FagorBrandt par Cevital en 2014 - et que les ventes en ligne aient continué à se développer sur la période, ou encore que les pratiques litigieuses n'aient pas empêché une érosion des prix des produits de GEM et de PEM sur la période, n'ont pas une incidence déterminante sur la gravité de la pratique, dès lors que ces considérations se rapportent à la capacité de la pratique à produire les effets escomptés.

1300. L'Autorité se prononce sur la gravité des pratiques en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce et n'est pas liée par l'appréciation qu'elle a pu porter dans d'autres affaires. Les références d'Indesit à d'autres décisions sont donc sans incidence sur le sens de la présente décision.

1301.Enfin, l'ensemble des arguments d'Indesit tendant à limiter les impacts concrets de la pratique reprochée compte tenu de la part de marché limitée d'Indesit dans le secteur du GEM en France, des taux de suivi modestes des prix conseillés du fait d'une application limitée et très dispersée de l'entente parmi les distributeurs, ou du poids important de certains distributeurs disposant d'un important pouvoir de négociation, n'est pas de nature à atténuer la gravité de la pratique. En effet, les effets concrets des pratiques mises en œuvre ne sont pas déterminants pour apprécier la gravité des pratiques1578. De plus, dans la présente affaire, les pièces du dossier attestent de ce qu'Indesit a eu pour objectif de mieux contrôler les prix de vente de ses distributeurs1579 (par exemple aux paragraphes 274 et suivants) et a mis en œuvre les pratiques anticoncurrentielles dans le but de l'atteindre1580 (voir paragraphes 890 et suivants).

1302. Il résulte de ce qui précède qu'Indesit, aux droits de laquelle vient la société Whirlpool, ne présente aucun élément de nature à modérer la gravité des pratiques visées par le grief n° 6.

En ce qui concerne Whirlpool

1303. Développant les mêmes arguments que ceux développés par Indesit discutés dans la section précédente, Whirlpool, soutient que les pratiques visées au grief n° 11 présentent un degré faible de gravité. Ces arguments seront écartés de la même manière qu'ils l'ont été concernant le grief n° 6. Il n'y a donc pas lieu de modérer le niveau de gravité des pratiques visées par le grief n° 11.

En ce qui concerne Miele

1304.Miele soutient que la pratique d'entente sur les prix visée au grief n° 8 est une entente verticale, par nature moins grave qu'une entente horizontale, et que, compte tenu du positionnement premium de ses produits, segment sur lequel la concurrence par les prix serait moins déterminante, ainsi que de la latitude de 15 % laissée aux distributeurs sur la détermination du prix, la gravité de la pratique doit être relativisée.

1305. Sur le premier point, il résulte d'une jurisprudence constante que, si les ententes verticales sur les prix sont par nature moins graves que les ententes horizontales sur les prix, elles présentent tout de même un degré certain de gravité. S'agissant des ententes verticales sur les prix, la cour d'appel de Paris a ainsi précisé que de telles ententes« même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles »1581.

1306. S'agissant du positionnement premium de produits de la marque Miele, l'Autorité relève que plusieurs pièces du dossier permettent d'établir que la mise en place par Miele d'un système de distribution sélective n'était pas justifiée par le segment de marché sur lequel sont positionnés les produits de la marque Miele, mais avait pour objectif de limiter les ventes en ligne de certains produits et de maîtriser les prix de vente au détail1582 (voir paragraphe 954) ce dont Miele avait conscience1583. Par ailleurs, Miele n'apporte pas d'éléments de nature à établir que, sur le segment de marché auquel appartiennent les produits de la marque Miele, qui au demeurant sont composés de plusieurs gammes distinctes, les distributeurs ne seraient pas incités à se faire concurrence par les prix. De plus, le fait que les produits de marque Miele cibleraient des consommateurs avec un pouvoir d'achat plus élevé, n'atténue pas le caractère restrictif des pratiques en cause. Enfin, la circonstance que les prix conseillés par Miele étaient assortis d'une marge limitée à 15 % n'est pas de nature à leur ôter le caractère de prix imposés, pratique anticoncurrentielle dont la gravité est certaine.

1307. Miele fait également valoir que les conséquences concrètes de l'entente visée au grief n° 10 sont limitées pour les motifs développés ci-avant, relatifs essentiellement au positionnement des produits de marque Miele. Elle ajoute que la disparition des distributeurs AMS, Maismoinscher, Webachat et Misterdiffusion, à l'origine de l'enquête de l'Autorité, ne s'explique pas uniquement par les pratiques des fournisseurs, mais également par la fragilité financière de certains d'entre eux. Mais, ainsi qu'il a été dit, les effets concrets des pratiques mises en œuvre ne sont pas déterminants pour apprécier la gravité des pratiques1584 et en l'espèce, les pièces du dossier établissent tant l'objectif poursuivi par Miele de remonter le prix des produits face à l'essor des ventes sur Internet, que les moyens anticoncurrentiels mis en œuvre pour y parvenir (voir discussion aux paragraphes 954 et suivants).

1308. Il résulte de ce qui précède que Miele ne présente aucun élément de nature à modérer la gravité des pratiques visées par le grief n° 8.

En ce qui concerne Darty

1309.Darty se prévaut de la moindre gravité de la pratique d'entente verticale généralisée sur les prix avec l'ensemble de ses fournisseurs visée au grief n° 13.

1310. En premier lieu, Darty fait valoir que la pratique en cause, verticale, est par nature d'une gravité moindre que celle retenue pour les ententes horizontales, et que, si elle peut avoir un effet sur la concurrence intra-marque, les services d'instruction n'ont pas retenu que la pratique est intervenue dans un contexte d'affaiblissement significatif de la concurrence inter-marques.

1311. Sur ce point, comme ceci a déjà été précisé ci-avant il résulte d'une jurisprudence constante que les ententes verticales sur les prix «figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles »1585. Dans l'affaire Jouets, la cour d'appel de Paris a également précisé que « les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence infra-marque, laquelle mérite d'autant plus d'être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marque demeure »1586. Par suite, le fait que l'entente verticale sur les prix ait un effet sur la concurrence intra-marque plus marqué que sur la concurrence inter­ marques n'est pas de nature à atténuer la gravité de la pratique. De plus, l'assertion selon laquelle la concurrence inter-marques serait vive sur la période infractionnelle doit être relativisée, compte tenu du nombre et de l'importance des fournisseurs mis en cause pour des pratiques d'ententes verticales généralisées avec leurs distributeurs - communs par ailleurs - notamment les deux principaux.

1312. En deuxième lieu, le grief n° 13, non contesté par Darty, consiste en une entente généralisée avec ses fournisseurs, dans le secteur de la distribution des produits de PEM et de GEM pour fixer directement ou indirectement le prix de vente au détail de leurs produits. Par suite, le fait que tous les fournisseurs de Darty ne soient pas visés par un grief d'entente verticale par la notification de grief n'est pas un élément de nature à atténuer la gravité de la pratique visée au grief n° 13.

1313. En troisième lieu, selon Darty, la gravité de la pratique doit être relativisée au regard des effets extrêmement limités que la pratique visée au grief n° 13 a eu sur le marché et sur la situation du consommateur final. Elle se réfère à une étude économique selon laquelle d'une part, les taux de suivi de la pratique par Darty ont été relativement faibles et d'autre part, l'entente en cause n'a pas eu d'effet sur les prix de vente pratiqués par Darty1587.

1314. Toutefois, ainsi qu'il a été précédemment développé, les effets concrets des pratiques mises en œuvre ne sont pas déterminants pour apprécier la gravité des pratiques1588. De plus en l'espèce, l'objectif anticoncurrentiel des pratiques reprochées à Darty est établi par les pièces du dossier ainsi que les moyens mis en œuvre pour l'atteindre (voir paragraphes 1055 et suivants).

1315. Enfin, le critère de la durée de la pratique est distinct de celui de la gravité et pris en compte de manière autonome pour la détermination du montant de la sanction. La durée n'est donc pas de nature à modérer la gravité de la pratique.

1316. Il résulte de ce qui précède que les éléments présentés par Darty ne sont pas de nature à diminuer la gravité des pratiques visées par le grief n° 13.

c) Sur la durée

1317. Comme il ressort des paragraphes relatifs à la durée de l'infraction1589, les durées suivantes ont été retenues :

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d) Sur l'individualisation de la sanction

1318. Comme rappelé plus haut aux paragraphes 1223 à 1225, l'Autorité peut prendre en considération l'existence de circonstances atténuantes et aggravantes.

1319.L'appréciation de la situation individuelle peut conduire l'Autorité à prendre en considération l'envergure de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient. L'Autorité peut également adapter la sanction en fonction de la capacité contributive des entreprises sanctionnées et du rôle qu'elles ont joué dans la mise en œuvre de la pratique en cause.

En ce qui concerne BSH

1320. Il convient de prendre en considération le fait que l'Autorité n'a pas retenu le grief n° 1, lequel visait notamment BSH. Il convient toutefois de relever également que les ventes de PEM visées par le grief n° 1 ne représentaient pour BSH que 10 % des ventes de produits électroménagers. De plus, les pratiques dénoncées dans le grief n° 1 avaient été dénoncées par BSH dans le cadre de sa demande de clémence, et la fourchette de transaction prenait déjà en compte la réduction d'amende que BSH était susceptible d'obtenir en conséquence.

1321. Il convient par ailleurs de prendre en considération 1'envergure internationale de BSH.

En ce qui concerne Candy Hoover

1322. Candy Hoover rappelle que, au moment des faits, l'entreprise n'appartenait pas au groupe Haier, mais au groupe Candy, lequel avait une taille limitée. Elle soutient également que les pratiques avaient été mises en œuvre à l'initiative et sous la pression de distributeurs puissants (en particulier Darty et Boulanger).

1323. Sur le premier point, il convient effectivement de ne pas retenir comme circonstance aggravante l'appartenance à un groupe d'envergure internationale. Cette circonstance ne saurait pour autant constituer une circonstance atténuante.

1324. Sur le second point, Candy Hoover n'apporte pas d'élément concret permettant de considérer que les pratiques mises en œuvre ne l'ont été que sous la contrainte de distributeurs puissants comme Darty et Boulanger. Les éléments du dossier indiquent par ailleurs que Candy Hoover disposait d'une marge d'autonomie très large dans la mise en œuvre de ces pratiques. Il n'y a donc pas lieu de retenir de circonstance atténuante à ce titre.

1325. Il convient en revanche de prendre en considération le fait que l'Autorité n'a pas retenu le grief n° 1, lequel visait notamment Candy Hoover, tout en remarquant que les ventes de PEM (visées par le grief n° 1) ne représentaient pour Candy Hoover que 10 à 15 % des ventes de produits électroménagers.

En ce qui concerne Eberhardt

1326. Eberhardt soulève qu'elle rencontre aujourd'hui des difficultés financières, notamment depuis que Liebherr a mis fin en 2024 (après l'avoir annoncé en 2022) au contrat de distribution exclusive qui les liait - sans pour autant invoquer des problèmes de capacité contributive.

1327. Le fait qu'Eberhardt ait été contrainte de modifier sa stratégie commerciale à cause de la rupture de ses relations commerciales avec Liebherr n'est pas de nature à justifier la minoration du montant de la sanction pécuniaire encourue pour l'infraction d'entente généralisée qui fait l'objet de cette décision.

1328. Par ailleurs, les difficultés financières d'Eberhardt avaient déjà été prises en compte dans le calcul de la fourchette de transaction, et notamment du plan de sauvegarde de l'emploi ouvert en février 2023, de sorte qu'il n'est pas pertinent de prendre à nouveau cet élément en considération pour individualiser la sanction au sein de cette fourchette.

1329. Il n'y a donc pas lieu de retenir de circonstance atténuante ni aggravante à 1'égard d'Eberhardt.

En ce qui concerne Electrolux

1330. Electrolux soulève que la valeur des ventes utilisée pour calculer la fourchette de transaction aurait été le fruit d'une double comptabilisation en ce que les ventes de PEM auraient été comptabilisées à la fois pour le grief n° 1 et pour le grief n° 5. Elle ajoute que les pratiques ont touché de façon différenciée les différents canaux de vente. Elle soutient enfin que l'intensité de l'infraction n'a pas été la même tout au long de la période.

1331. Sur le premier point, il convient de préciser que la valeur des ventes de PEM d'Electrolux au moment des faits ne représentait que 15 et 20 % de la valeur de ses ventes de produits d'électroménager. Il convient quoi qu'il en soit de prendre en considération le fait que l'Autorité n'a pas retenu le grief n° 1, lequel visait notamment Electrolux.

1332. Sur les deuxième et troisième points, le fait que l'intensité de l'infraction ait été variable, à le supposer démontré, n'est pas de nature à justifier une réduction de la sanction pécuniaire quand l'infraction est une entente généralisée dont l'objectif était de maintenir les prix de revente à un niveau artificiellement élevé sur une période de plus de cinq ans.

1333. Il convient enfin de prendre en considération qu'Electrolux est un groupe d'envergure internationale.

En ce qui concerne LG

1334. LG met en avant sa position modeste sur le marché français et la culture de conformité du groupe LG.

1335. La position de LG sur le marché français au moment des faits, pour relative qu'elle soit, a déjà été prise en compte dans le calcul de la fourchette de transaction.

1336. Pour ce qui est de la culture de la conformité au sein du groupe, le souci actuel de respecter la légalité ne saurait être retenu comme une circonstance atténuante pour une infraction établie d'une entente généralisée sur les prix sur plus de cinq ans.

1337. Il convient par ailleurs de retenir que LG est un groupe d'envergure internationale, actif sur de nombreux marchés autres que ceux de l'électroménager.

1338. Enfin, il convient également de prendre en considération le fait quel'Autorité n'a pas retenu le grief n° 1, lequel visait notamment LG, tout en remarquant que les ventes de PEM (visées par le grief n° 1) ne représentaient pour LG que 15 à 20 % des ventes de produits électroménagers.

En ce qui concerne Miele

1339. Il convient de prendre en considération que Miele est un groupe d'envergure internationale.

1340.Il convient également de prendre en considération le fait que l'Autorité n'a pas retenu le grief n° 1, lequel visait notamment Miele, tout en remarquant que les ventes de PEM (visées par le grief n° 1) ne représentaient pour Miele qu'environ 25 % des ventes de produits électroménagers.

En ce qui concerne Smeg

1341. Smeg soutient qu'elle a des ressources limitées et que sa position en France est fragile, sans pour autant démontrer de problème concernant sa capacité contributive.

1342. Il convient par ailleurs de prendre en considération que Smeg est un groupe d'envergure internationale.

En ce qui concerne Whirlpool et lndesit

1343. Whirlpool soulève que les sanctions à venir à l'encontre d'Indesit et d'elle-même seront prononcées dans un contexte où Whirlpool a dû céder ses activités européennes qui se trouvaient en situation de défaillance économique. Elle ne soulève pas pour autant un défaut de capacité contributive.

1344. Il convient quoi qu'il en soit de retenir que le groupe Whirlpool est et demeure (malgré la cession récente d'une partie de ses activités européennes) un groupe d'envergure internationale, qui a d'ailleurs continué de grossir par croissance externe avec en particulier l'acquisition d'Indesit en 2014.

1345. Il convient de prendre en considération le fait que l'Autorité n'a pas retenu le grief n° 1, lequel visait notamment Whirlpool Corporation en tant que société mère de KitchenAid. Il convient toutefois de remarquer que les ventes de PEM (par KitchenAid) visées par le grief n° 1 étaient à l'époque des faits plus de 10 fois inférieures à celles des produits GEM (de Whirlpool) visées par le grief n° 11, et Indesit n'était pas visée par le griefn° 1.

En ce qui concerne Darty

1346.Darty soutient qu'il est nécessaire de prendre en compte le développement, à l'époque des faits et par des distributeurs comme Darty, de services prévente qui faisaient l'objet de parasitisme de la part d'autres distributeurs. Elle soutient également que sa situation financière avant son rachat par le groupe Fnac était fragile.

1347. Sur le premier point, il convient de souligner que la lutte contre des pratiques de parasitisme, à supposer qu'elles soient avérées, ne saurait justifier une entente généralisée entre Darty et ses fournisseurs afin de maintenir de façon artificiellement élevée les prix de revente dans le PEM et le GEM. Il en résulte que le premier argument soulevé par Darty ne saurait être retenu comme une circonstance atténuante justifiant la minoration de la sanction pécuniaire encourue. Il ne saurait non plus écarter le fait qu'il ressort du dossier que Darty a joué un rôle important dans le fonctionnement des différentes ententes généralisées qui font l'objet de cette décision, ce qui doit être retenu comme une circonstance aggravante.

1348. Par ailleurs, l'état financier de Darty au moment des faits ne saurait justifier une réduction de la sanction pécuniaire. En effet, comme indiqué aux points 54 à 58 du communiqué sanctions, l'Autorité évalue les difficultés financières « au jour de la prise de la décision ». Or, Darty n'a pas apporté d'éléments prouvant l'existence de difficultés financières à l'heure actuelle.

1349. Il convient enfin de prendre en considération l'envergure du groupe Fnac-Darty, lequel distribue des produits qui vont bien au-delà du PEM et du GEM.

e) Conclusion sur les sanctions pécuniaires

1350. Le tableau ci-dessous récapitule les sanctions pécuniaires prononcées dans la présente décision.

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3. LES SANCTIONS NON PECUNIAIRES

1351. Conformément au dixième alinéa du Ide l'article L. 464-2 du code de commerce, l'Autorité peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle- ci selon les modalités qu'elle précise. Les frais sont ainsi supportés par la ou les personnes intéressées.

1352. En l'espèce, les pratiques établies à l'encontre des sociétés justifient d'enjoindre à ces dernières, à frais partagés et au prorata de leur sanction pécuniaire de publier ou faire publier un résumé de la présente décision dans les versions papier et en ligne d'un quotidien national d'information politique et générale, rédigé comme suit:

L'Autorité de la concurrence a sanctionné, pour un montant global de 610,65 millions d'euros, dix fournisseurs et deux distributeurs de produits de petit et gros électroménager, pour des pratiques d'ententes anticoncurrentielles.

Dix entreprises ont choisi de ne pas contester la réalité des griefs et de bénéficier de la procédure prévue par le III del 'article L. 464-2 du code de commerce, en vertu de laquelle le rapporteur général soumet une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Seules les sociétés des groupes SEE et Boulanger ont contesté les griefs.

Les pratiques concernaient des ententes verticales généralisées entre fabricants et distributeurs consistant à fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de produits de petit et gros électroménager. L'Autorité a considéré que, eu égard à leur nature et à leur finalité et au contexte dans lequel elles sont intervenues, ces pratiques étaient, par leur objet même, anticoncurrentielles.

En conséquence, l'Autorité a prononcé au titre de ces douze griefs les sanctions pécuniaires suivantes:

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DÉCISION

Article 1er: L'Autorité de la concurrence considère, sur la base des informations dont elle dispose, en ce qui concerne la pratique constituée d'échanges de données individualisées et récentes sur les volumes de ventes par catégorie de produits de petit électroménager par l'intermédiaire du module Échange par marque de l'extranet GIFAM Instantané mis à disposition par le syndicat professionnel du secteur, que les conditions d'une condamnation au titre des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ne sont pas réunies. Il n'y a donc pas lieu de poursuivre la procédure.

Article 2 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions de l'article

L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, pour avoir, chacune, mis en œuvre une entente généralisée avec ses distributeurs, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de ses produits :

- BSH Électroménager SAS, en tant qu'auteure, et BSH Finance and Holding GmbH ainsi que BSH Hausgerate GmbH, en tant que sociétés mères, du 16 avril 2009 au 31 décembre 2014, dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager ;

- Haier France SAS, en tant qu'auteure, et Candy France et Candy S.p.A., en tant que sociétés mères, du 1er mars 2009 au 31 décembre 2014, dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager ;

- Eberhardt SAS, en tant qu'auteure, et Société Civile Fineb, en tant que société mère, du 6 juillet 2009 au 31 décembre 2014 dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager ;

- Electrolux France, en tant qu'auteure et successeure d'Electrolux Home Products France, auteure, et AB Electrolux, en tant que société mère, du 3 juillet 2009 au 31 décembre 2014 dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager ;

- Whirlpool France SAS, en tant que successeur d'Indesit Company France SAS, auteure, et Whirlpool Emea S.p.A, en tant que société mère, du 2 mars 2009 au 31 décembre 2014 dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager ;

- LG Electronics France SAS, en tant qu'auteure, et LG Electronics European Holding B.V. et LG Electronics Inc., en tant que sociétés mères, du 18 septembre 2009 au 31 décembre 2014, dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager ;

- Miele société par actions simplifiée, en tant qu'auteure, et Imanto AG et Miele Beteiligungs GmbH, en tant que sociétés mères, du 17 mars 2009 au 31 décembre 2014, dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager ;

- Groupe SEB France et Groupe SEB Retailing, en tant qu'auteures, et SEB SA, en tant que société mère, du 12 novembre 2008 au 15 octobre 2013, dans le secteur de la distribution des produits de petit électroménager ;

- Smeg France SAS, en tant qu'auteure, et Smeg S.p.A, en tant que société mère, du 22 février 2007 au 31 décembre 2014, dans le secteur de la distribution de produits de gros électroménager ;

- Whirlpool France SAS, en tant qu'auteure, et Whirlpool Luxembourg, Whirlpool International Manufacturing S.à.r.l et Whirlpool Corporation en tant que sociétés mères du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2014, dans le secteur de la distribution des produits de gros électroménager ;

Article 3 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE, pour avoir, chacune, mis en œuvre une entente généralisée avec ses fournisseurs dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager, pour fixer, directement ou indirectement, le prix de vente au détail de leurs produits :

- Boulanger SA, en tant qu'auteure, et United.B SA, en tant que société mère, du 3 juillet 2008 au 15 octobre 2013 ;

- sociétés Établissements Darty et Fils SAS, en tant qu'auteure, Darty Grand Est SNC et Darty Grand Ouest SNC, en tant que sociétés dont l'activité économique a présenté, au cours de l'infraction, un lien concret avec l'objet de cette dernière, d'une part, et en leur qualité de successeur de Darty Provence Méditerranée, Darty Alsace Lorraine et Darty Nord dont l'activité économique a présenté, au cours de l'infraction, un lien concret avec l'objet de cette dernière, d'autre part, et Kesa France SA et Darty Limited., en tant que sociétés mères, du 12 novembre 2008 au 31 décembre 2014 ;

Article 4 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 2 les sanctions pécuniaires suivantes :

- 54 000 000 euros solidairement aux sociétés BSH Électroménager SAS, BSH Finance and Holding GmbH et BSH Hausgeriite GmbH ;

- 22 750 000 euros solidairement aux sociétés Haier France SAS, Candy France et Candy S.p.A ;

- 100 000 euros solidairement aux sociétés Eberhardt SAS et Société civile Fineb ;

- 44 500 000 euros solidairement aux sociétés Electrolux France et AB Electrolux ;

- 27 750 000 euros solidairement aux sociétés Whirlpool France SAS et Whirlpool Emea S.p.A;

- 15 500 000 euros solidairement aux sociétés LG Electronics France SAS, LG Electronics European Holding B.V. et LG Electronics Inc;

- 14 250 000 euros solidairement aux sociétés Miele société par actions simplifiée, Imanto AG et Miele Beteiligungs GmbH ;

- 189 500 000 euros solidairement aux sociétés Groupe SEB France, Groupe SEB Retailing, et SEB SA ;

- 4 800 000 euros solidairement aux sociétés Smeg France SAS et Smeg S.p.A. ;

- 44 500 000 euros solidairement aux sociétés Whirlpool France SAS et Whirlpool Corporation, dont 31 500 000 euros solidairement avec la société Whirlpool Luxembourg et 13 000 000 euros solidairement avec la société Whirlpool International Manufacturing S.à.r.l;

Article 5 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 3 les sanctions pécuniaires suivantes:

-          84 350 000 euros solidairement aux sociétés Boulanger SA et United.B SA ;

-          109 000 000 euros solidairement à Établissements Darty et Fils SAS, Darty Grand Est SNC, Darty Grand Ouest SNC, Kesa France SA et Darty Limited.

Article 6 : Il est enjoint aux entreprises sanctionnées visées aux articles 2 et 3 d'insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, le texte figurant au paragraphe 1352 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l'édition papier et sur le site Internet des journaux Le Monde et Les Échos. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision del'Autorité de la concurrence n° 24-D-11 du 19 décembre 2024 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de petit et de gros électroménager ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Elles adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.

NOTES DE BAS DE PAGE :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers.

3 Lettre du ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en date du 27 mai 2005, aux conseils de la société Fagor Electrodomesticos relative à une concentration dans le secteur de l'électroménager.

4 Cote 202773.

5 Cote 202355.

6 Cote 202355.

7 Cote 203306.

8 Cotes 202697 et 202733.

9 Cotes 202733 et 202734.

10 Cote 203306.

11 Cote 201920.

12 Cotes 201918 à 202008.

13 Cote 201920.

14 Cote 202388.

15 Cotes 202080 à 202329.

16 Cote 202116.

17 Cote 202116.

18 Cote 202116.

19 Cote 202050.

20 Cote 202541.

21 Cote 202356.

22 Cote 202116.

23 Cote 202134.

24 Cote 202134.

25 Cote 202134.

26 Cotes 202849 à 202852.

27 D'après la consultation du site internet suivant: https://www.babyliss.com/fr-fr/accueil/.

28 Cote 202150.

29 Cote 202150.

3°Cote 202151.

31 Cote 202151.

32 Cote 202574.

33 Cotes 202574 et 202393.

34 Cotes 202570, 202573 et 202574.

35 Cote 202577.

36 Cote 202577.

37 D'après la consultation du site internet : https://www.haier.com/global/.

38 Cotes 202573 et 202577.

39 Cote 197781.

40 Décision n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac.

41 Cotes 202083 et 202147.

42 Cote 202147.

43 Cote 202149.

44 Cote 202149.

45 Cotes 202853 à 202857.

46 Cotes 202873 à 202879.

47 D'après la consultation des sites internet suivants : https://www.liebherr-electromenager.fr/; https://fr.asko.com/; https://www.falmec.com/fr-fr/.

48 Cote 222112.

49 Cote 202576.

5°Cote 202576.

51 Cotes 203283 à 203303.

52 Cotes 203273 à 203282.

53 Cotes 202330 à 202514.

54 Cotes 202880 à 202891.

55 Cotes 222215 à 222217.

56 Cote 202573.

57 Cotes 198139 et 198140.

58 Cote 203236.

59 Cotes 222218 à 222220.

60 Cotes 203212 à 203221.

61 Cote 202575.

62 Cotes 203237 à 203246.

63 Cote 202575.

64 D'après la consultation du site internet suivant : https://www.indesit.fr/.

65 Cote 202575.

66 Cote 202575.

67 Cote 202575.

68 Cote 202575.

69 Cote 193390.

70 Cotes 193388 à 193390.

71 Cotes 193390 et 193391.

72 Cote 193392.

73 Cote 193389.

74 Cotes 193388 et 193389.

75 Cotes 193391 et 193392.

76 Cote 193391.

77 Cote 193389.

78 Cote 168984.

79 Cote 168985.

80 Cote 168991.

81 Cote 168993 et 168994.

82 Cote 168993, soulignement ajouté.

83 Cotes 169021 et 169022.

84 Cote 92158.

85 Cotes 193564 à 193567.

86 Annexe 4 à la notification de griefs, fichier Excel « Extraction échange par marque».

87 Cote 169385, soulignement ajouté.

88 Cotes 208171 à 208178.

89 Cote 208174.

90 Cotes 208203 à 208219.

91 Cotes 208227 à 209231.

92 Cotes 574 à 576.

93 Cotes 208179 à 208183.

94 Cotes 208116 à 208118.

95 Cotes 208119 à 208121 et cotes 208238 à 208240.

96 Saisine n° 13/0089 AC, cotes 643 à 651, et 1350 à 1358.

97 Saisine n° 13/0089 AC, cotes 643 à 651, et 1350 à 1358.

98 Saisine n° 13/0089 AC, cotes 528 à 531.

99 Saisine n° 13/0089 AC, cotes 1391 à 1393.

10°Cote 208192.

101 Cotes 208191 à 208193.

102 Saisine n° 13/0089 AC, cotes 1394 à 1396.

103 Saisine n° 13/0089 AC, cotes 1394 à 1396.

104 Cotes 208194 à 208198.

105 Cotes 208220 à 208223.

106 Cote 169447.

107 Cotes 208113, 208114 et 233298.

108 Cote 169263.

109 Cote 94277, soulignements ajoutés.

110 Cote 102889.

111 Cote 110016.

112 Cote 101841.

113 Cotes 93921 à 93978.

114 Cote 93934.

115 Cote 93937.

116 Cote 93950, soulignements ajoutés.

117 Cote 93952, soulignement ajouté.

118 Cotes 93954 et 93955.

119 Cote 93961.

12°Cote 93975.

121 Cote 93919.

122 Cotes 109132 à 109180 et plus spécifiquement 109176 à 109179.

123 Cote 109179, soulignement ajouté.

124 Cote 91596.

125 Cote 88352.

126 Cote 88352.

127 Cote 88356.

128 Cotes 91389 à 91392.

129 Cote 88605.

130 Cote 88352.

131 Cote 88354 et 88355.

132 Cote 88611.

133 Cotes 88359 et 88751.

134 Cote 88608.

135 Cote 195243.

136 Cote 88750.

137 Cote 92014.

138 Cote 88358.

139 Cote 88359.

140 Cote 88609.

141 Cotes 88359 et 88360.

142 Cote 88608.

143 Cote 88359.

144 Cote 88605.

145 Cote 88359.

146 Cote 88608.

147 Cote 91579.

148 Cote 88751.

149 Cote 249.

150 Cote 91400.

151 Cote 91579.

152 Cote 88748.

153 Cote 88353.

154 Cote 88360.

155 Cote 88610.

156 Cote 195239.

157 Cote 88748.

158 Cote 88353.

159 Cote 92013.

160 Cote 88609.

161 Cote 88610.

162 Cote 88360.

163 Cote 88353.

164 Cotes 88360 et 88361.

165 Cote 88749.

166 Cote 88359.

167 Cotes 88357 et 88358.

168 Cotes 198823 à 198832.

169 Cotes 198833 à 198840.

170 Cotes 91566 et 91567.

171 Cotes 232562 à 232567 (plan de vente pour 2009, communiqué à Darty) ; cotes 232597 à 232618 (plan de ventes pour 2010, communiqué à Darty) ; cotes 232569 à 232596 (plan de vente pour 2011, communiqué à Concerto) ; cotes 232664 à 232680 (plan de vente pour 2012, communiqué à Boulanger) ; cotes 232759 à 232778 (plan de vente pour 2013, communiqué à Boulanger) ; cotes 232874 à 232882 (plan de vente pour 2014, communiqué à Proxi).

172 Cotes 89224 à 89238.

173 Cote 102157.

174 Cotes 198582 et 198583 VC - 232620 à 232882 VNC.

175 Cotes 102165 et 102166.

176 Cote 102248.

177 Cotes 102693 et 102694 (courriel interne à BSH du 8 octobre 2012), 102248 (compte-rendu d'une réunion du 21 novembre 2012), 102274 à 102276 (compte-rendu d'une réunion du 19 décembre 2012), 102140 à 102142 (courriel de BSH à Darty du 13 mars 2013).

178 Cotes 102673 à 102683.

179 Cotes 198836, 193855 à 193860, 193982 (éléments fournis par NET-Veille) ; cotes 195870 à 195892 (éléments fournis par BSH).

180 Cote 195321.

181 Cotes 198786 à 198789.

182 Cote 102043.

183 Cotes 198781 à 198783.

184 Cotes 102205 à 102026.

185 Cote 102298.

186 Cotes 102007 et 102008.

187 Cotes 102411, 102418, 102196, 102197, 129414 et 129415.

188 Cotes 102274 à 102276.

189 Cotes 102115 à 102120 (avril 2013), 102317 à 102320 et 129920 (août 2013), 129558 et 129559 (septembre 2013).

190 Cotes 101900, 198855 et 198856.

191 Cotes 198797 et 198798.

192 Cotes 198847 à 198851.

193 Cote 101901.

194 Cote 101901.

195 Cotes 198778 à 198780.

196 Cotes 198852 à 198854.

197 Cotes 91858 et 91859.

198 Cote 88360.

199 Cote 89207.

200 Cote 101907.

201 Cotes 89186 à 89203 (et notamment 89188).

202 Cote 102877.

203 Cotes 102183 à 102190.

204 Cotes 109870 et 109871.

205 Cote 110019.

206 Cote 109768.

207 Cotes 108614 et 108615.

208 Cote 108615.

209 Cote 108625.

210 Cote 108627.

211 Cote 374.

212 Cotes 375 et 390 à 413.

213 Cote 31292.

214 Cotes 32973 à 32996 (plan de vente pour 2009, communiqué à Darty) ; cotes 33137 à 33155 (plan de vente pour 2010, communiqué à Conforama); cotes 33333 à 33346 (plan de vente pour 2011, communiqué à But); cotes 33459 à 33478 (plan de vente pour 2012, communiqué à Boulanger); cotes 33713 à 33735 (plan de vente pour 2013, communiqué à Concerto); cotes 33815 à 33831 (plan de vente de 2014, communiqué à But).

215 Cote 109944.

216 Cotes 109808 à 109810, soulignement ajouté.

217 Cote 109988.

218 Cotes 199568 à 199570.

219 Cotes 199571 à 199574.

220 Cotes 199538 et 232315.

221 Cotes 109204 et 109205.

222 Cotes 199585 et 199586.

223 Cotes 199532 et 199533.

224 Cotes 199564 et 199565.

225 Cotes 109059 et 109060.

226 Cote 232310.

227 Cote 108397.

228 Cote 108397, soulignements ajoutés.

229 Cote 109944.

230 Cote 109951.

231 Cote 110002.

232 Cote 110014.

233 Cotes 199530 et 199531, et cote 233809, soulignements ajoutés.

234 Cotes 232311 et 232312.

235 Cotes 109193 à 109195.

236 Cote 109194, soulignement ajouté.

237 Cotes 193613 à 193623, cote 193790 (éléments fournis par Work:IT); cotes 197052 à 197056, 197057 à 197063, 197064 à 197068 (éléments fournis par Candy).

238 Cotes 193613 à 193623.

239 Cote 109657.

240 Cote 109910.

241 Cote 109721.

242 Cote 109727, soulignement ajouté.

243 Cote 232308.

244 Cote 109971.

245 Cotes 109808 à 109810, soulignement ajouté.

246 Cotes 110086 et 110087, soulignements ajoutés.

247 Cote 109211.

248 Cotes 199525 à 199527, soulignements ajoutés.

249 Cote 108625.

250 Cotes 109106 et 109107.

251 Cotes 109078 à 109080, soulignement ajouté.

252 Cotes 109121 à 109126.

253 Cotes 110063 et 110064.

254 Cote 109211, soulignement ajouté.

255 Cotes 199540 à 199546, et cote 233810, soulignements ajoutés.

256 Ibid., soulignement ajouté.

257 Cotes 199550 à 199553, soulignement ajouté.

258 Cotes 199560 à 199563, soulignements ajoutés.

259 Cotes 199528 et 199529, soulignement ajouté.

260 Cotes 199540 à 199546, et cote 233810.

261 Cotes 199547 à 199549.

262 Cotes 199550 à 199553.

263 Cotes 109737 et 109738.

264 Cotes 109209 et 109210.

265 Cotes 199566 et 199567.

266 Cote 110063 (datée du 18 novembre 2011), cote 110068 (datée du 12 janvier 2012).

267 Cote 110067.

268 Cotes 199547 à 199549, soulignements ajoutés.

269 Cotes 199550 à 199553.

270 Cotes 199557 à 199559, soulignements ajoutés.

271 Cote 109910.

272 Cotes 110019 et 110020.

273 Cote 109926, soulignement ajouté.

274 Cotes 109204 et 109205.

275 Cotes 109207 et 109208.

276 Cote 109213.

277 Cotes 199583 et 199584, soulignements ajoutés.

278 Cote 232309. Voir également cotes 108570; 109737 et 109738; 110019 et 110020.

279 La date de création du document est le 26 avril 2010.

280 Cotes 199369 à 199371.

281 Cote 199371.

282 Cote 13317.

283 La périodicité des plans d'affaires de Liebherr est annuelle, de mars ou avril N à mars ou avril N+1. Pour les plans de vente voir cotes 1755 à 1770 (plan de vente pour 2009, communiqué à Digital pour les produits Baumatic); cotes 1866 à 1876 (plan de vente pour 2010, communiqué à Boulanger pour les produits Falmec); cotes 2945 à 2969 (plan de vente pour 2011, communiqué à Boulanger pour les produits Liebherr) ; cotes 3098 à 3113 (plan de vente pour 2012, communiqué à Darty pour les produits Liebherr) ; cotes 3179 à 3191 (plan de vente pour 2013, communiqué à Concerto pour les produits Liebherr); cotes 3255 à 3265 (plan de vente pour 2014, communiqué à Darty pour les produits Liebherr).

284 Cotes 199408 et 199409.

285 Cotes 199467 et 199468.

286 Cote 95802.

287 Cotes 88928 à 88932.

288 Cote 96069.

289 Cotes 199384 à 199401.

290 Cote 199400, soulignement ajouté.

291 Cotes 193697 à 193708, cotes 193787 à 193789 (éléments fournis par WorkIT); cotes 197241 à 197260 (éléments fournis par Eberhardt).

292 Cote 193706.

293 Cotes 96201 à 96205, cotes 199416 à 199419, cotes 199422 et 199423, cotes 199426 à 199429, cotes 199444 à 199447.

294 Cotes 199442 et 199443.

295 Cote 96207.

296 Cotes 199410 et 199411.

297 Cotes 199465 et 199466.

298 En référence à la date indiquée en haut à droite de la feuille Excel.

299 Cotes 199463 et 199464.

300 En référence au nom du document« 2011-10-21-Synthèse internet».

301 Cotes 199430 et 199431.

302 Cotes 199488 et 199489.

303 Cotes 199494 à 199505, cotes 199508 et 199509.

304 Cote 96042, soulignements ajoutés.

305 Cotes 199473 à 199475.

306 Cotes 199460 à 199462.

307 Cote 95801.

308 Cotes 199476 et 199477, soulignement ajouté.

309 Cotes 199485 à 199487, soulignement ajouté.

310 Cotes 199478 à 199481.

311 Cotes 199478 à 199481.

312 Cote 88947.

313 Cote 88947.

314 Cote 88939.

315 Cote 88624.

316 Cote 88624.

317 Cotes 88941 à 88943.

318 Cote 88934.

319 Cotes 199482 à 199484, soulignement ajouté.

320 Cote 88945.

321 Cote 88624.

322 Cotes 199442 et 199443.

323 Cote 88940, soulignement ajouté.

324 Cote 88625, soulignement ajouté.

325 Cotes 94682 et 94685.

326 Cotes 94688 et 94690.

327 Cotes 94708 et 94709.

328 Cote 94715.

329 Cote 34918 et 34919.

330 Cotes 34920 et 94629 à 94649.

331 Cotes 94631 et 94632.

332 Cotes 45922 à 45942 (plan de vente pour 2010 communiqué à Conforama) ; cotes 71552 à 71556 (plan de vente pour 2011 communiqué à Boulanger) ; cotes 47466 à 47472 (plan de vente pour 2012 communiqué à Cdiscount) ; cotes 48929 à 48952 (plan de vente pour 2013 communiqué à Boulanger) ; cotes 51651 à 51656 (plan de vente pour 2014 communiqué à But).

333 Cote 94532.

334 Cotes 94744 et 94745.

335 Cotes 199307 à 199313.

336 Cotes 94512 à 94531.

337 Cote 34917.

338 Cotes 89080 à 89091.

339 Cote 89059.

340 Cotes 94663 et 94664.

341 Cote 94538.

342 Cotes 199252 et 199253.

343 Cotes 199276 à 199278, cotes 233806 et 233807.

344 Cote 94743.

345 Cotes 199333 à 199335, soulignement ajouté.

346 Cote 94541.

347 Cote 94540.

348 Cotes 193067 à 193068.

349 Cotes 199254 à 199257, soulignement ajouté.

350 Cotes 193648 à 193658; cotes 193668 à 193669, cotes 193787 à 193790 (éléments fournis par WorkIT); cotes 196133 à 196143 (éléments fournis par Electrolux).

351 Cote 193788.

352 Cotes 193656 et 193657, cotes 193667 à 193668.

353 Cotes 94715 et 94782.

354 Cotes 94484 à 94487.

355 Cotes 94488 et 94489.

356 Cote 94619.

357 Cotes 199156 à 199159.

358 Cotes 95235 et 95236.

359 Cotes 95231 et 95232, soulignement ajouté.

360 Cotes 95142 à 95143, soulignements ajoutés.

361 Cotes 199164 à 199171.

362 Cotes 94506 et 94507 (courriel de mai 2011); cote 94510 (courriel de novembre 2011).

363 Cote 94557.

364 Cotes 199239 à 199243.

365 Cote 95224.

366 Cote 89071.

367 Cotes 95144 à 95146.

368 Cotes 199322 à 199324.

369 Cotes 199244 à 199247.

370 Cotes 199187 à 199190, soulignement ajouté.

371 Cotes 199293 et 199294, soulignements ajoutés.

372 Cotes 199314 et 199315.

373 Cotes 94669 à 94671.

374 Cote 89079.

375 Cote 91812.

376 Cote 89074.

377 Cote 89077.

378 Cote 88791.

379 Cotes 199239 à 199243.

380 Cotes 95138 à 95140.

381 Cotes 199226 et 199227.

382 Cotes 199282 à 199285.

383 Cotes 199307 à 199313.

384 Cotes 199319 à 199321, soulignement ajouté.

385 Cote 94255.

386 Cote 94202.

387 Cote 94203, soulignements ajoutés.

388 Cotes 62743 à 62763 (plan de vente pour 2009 communiqué à Selectis); cotes 69607 à 69621 (plan de vente pour 2010, communiqué à Cdiscount); cotes 70094 à 70155 (plan de vente pour 2011, communiqué à Conforama); cotes 70556 à 70565 (plan de vente pour 2012, communiqué à Darty) ; cotes 70911 à 70978 (plan de vente pour 2013, communiqué à Euronics); cotes 71185 à 71254 (plan de vente pour 2014, communiqué à Selectis).

389 Cotes 199694 et 199695.

390 Cotes 199692 et 199693.

391 Cotes 199709 et 199710.

392 Cotes 199711 et 199712, cotes 233755 à 233798.

393 Cotes 199715 et 199716.

394 Cotes 88838 à 88840.

395 Cotes 88841 à 88844.

396 Cotes 199690 et 199691.

397 Cote 94182.

398 Cotes 199704 et 199705, cotes 233751 à 233754.

399 Cotes 94190 et 94191, soulignement ajouté.

400 Cotes 94234 et 94235 (courriel de synthèse)-voir également les notes manuscrites: cotes 94236 à 94239 (notes manuscrites), soulignements ajoutés.

401 Cotes 93981 à 94005.

402 Cote 94411 (extraction SMS complète : cotes 94400 à 94411).

403 Cotes 193670 à 193679 et 193787 à 193790 (éléments fournis par WorkIT); cotes 197649 à 197666 (éléments fournis par Indesit)

404 Cotes 193679 et 194113 (éléments fournis par WorkIT); cotes 197665 à 197666 (éléments fournis par Indesit).

405 Cotes 199698 à 199700.

406 Ibid., soulignements ajoutés.

407 Cotes 199596 à 199598.

408 Cotes 94194 à 94201.

409 Cotes 88867, 91808 et 91809.

410 Cotes 91810 et 91811, soulignement ajouté.

411 Cotes 94209 et 94210.

412 Cotes 199617 à 199619.

413 Cotes 199606 et 199607.

414 Cotes 199620 et 199621, cote 233747.

415 Cotes 94265 à 94276.

416 Cote 94266.

417 Cotes 94250 et 94251 (notes manuscrites); cotes 94248 et 94249 (courriel de synthèse).

418 Cotes 94263 et 232289.

419 Cotes 94258 et 94259, soulignement ajouté.

420 Cote 94260, soulignements ajoutés.

421 Cotes 199591 à 199593.

422 Cotes 94161 à 94174.

423 Cotes 199701 à 199703, soulignements ajoutés.

424 Cotes 198860 à 198862, soulignement ajouté.

425 Cotes 199706 à 199708.

426 Cotes 88858, 91877 et 91878, soulignements ajoutés.

427 Cotes 91890 à 91892, soulignement ajouté.

428 Cotes 199614 à 199616, soulignements ajoutés.

429 Cotes 199608 à 199610.

430 Cotes 199611 à 199613.

431 Cote 94410.

432 Cotes 94400 à 94408.

433 Cotes 199696 et 199697, cotes 233748 à 233750, soulignement ajouté.

434 Cotes 199687 à 199689.

435 Cotes 88854 à 88857, cotes 91879 à 918883, soulignement ajouté.

436 Cote 88853, soulignements ajoutés.

437 Cotes 199594 et 199595.

438 Cote 88849, soulignements ajoutés.

439 Cote 88848.

440 Ibid.

441 Cote 101841.

442 Cote 101805.

443 Cote 34273.

444 Cote 200045.

445 Cote 233358.

446 Cote 233257.

447 Cotes 34789 à 34791 (plan de vente pour 2009, communiqué à Carrefour); cotes 34768 à 3477 (plan de vente pour 2010, communiqué à Darty) ; cotes 34722 à 34751 (plan de vente pour 2011, communiqué à BUT); cotes 34661 à 34682 (plan de vente pour 2012, communiqué à Auchan) ; cotes 34644 à 34659 (plan de vente pour 2013, communiqué à Darty); cotes 34595 à 34608 (plan de vente pour 2014, communiqué à Conforama).

448 Pour LG, le plan de vente de l'année N est valable de mars ou avril de l'année N à mars ou avril de l'année N+1.

449 Cotes 101781 et 101787.

450 Cotes 101788 et 101789 (Darty), cotes 101781 et 101782 (Conforama).

451 Cotes 101734 à 101742.

452 Cotes 101743 et 101744.

453 Cote 101745.

454 Cote 89257.

455 Cote 88527.

456 Cote 101785.

457 Cote 101775.

458 Cote 101773.

459 Cotes 101769 à 101772.

460 Cotes 101792 à 101793.

461 Cotes 101795 et 101796.

462 Cote 101778.

463 Cote 101780.

464 Cote 91852.

465 Cote 88526.

466 Cotes 101759 à 101761.

467 Cote 101816.

468 Cote 101804.

469 Cotes 101820 à 101824.

470 Cote 101811.

471 Cote 88639.

472 Cotes 193682 à 193691, 193693 et 193694, 194125, 194128 et 194129 (éléments fournis par WorkIT);

cotes 196339 à 196375, cotes 196598 à 196652, cotes 196790 à 196833 (éléments fournis par LG).

473 Cotes 101807 (16 septembre 2011) et 101809 (28 septembre 2011).

474 Cote 101809.

475 Cote 101725.

476 Ibid.

477 Cotes 101724 et 101725.

478 Cotes 101746 et 101747.

479 Ibid.

480 Cote 195217.

481 Cotes 101728 et 101729.

482 Cotes 101728 et 101729.

483 Cotes 89259 à 89261.

484 Ibid.

485 Cote 88526.

486 Cotes 101875 et 101876.

487 Cote 89266.

488 Ibid.

489 Cote 89267.

490 Cote 88528.

491 Cote 101752.

492 Cote 89269 (voir aussi cote 91893).

493 Cote 88194.

494 Cotes 88194 et 88195.

495 Cote 88194.

496 Cotes 95253 à 95255.

497 Cote 95375 (traduction libre).

498 Cote 95376, « the good guys »et« the bad guys », en anglais dans le texte.

499 Cotes 95361 à 95365, cotes 233630 à 233634.

500 Cote 95279.

501 Cotes 199946 à 199948.

502 Cotes 95286 à 95288.

503 Cote 88529.

504 Cote 88197 : Miele a indiqué l'année 2010 comme« année de mise en place généralisée» de la distribution sélective.

505 Cote 88529.

506 Ibid.

507 Cotes 89276 à 89279.

508 Cote 88535.

509 Cote 221915 (plan de vente pour 2010, communiqué à Darty); cote 221930 (plan de vente pour 2011, communiqué à Darty); cote 221941 (plan de vente pour 2012, communiqué à Darty); cote 221883 (plan de vente pour 2013, communiqué à Boulanger); cote 222016 (plan de vente pour 2014, communiqué à Selectis).

510 Cotes 199811 à 199813, cotes 233813 à 233816.

511 Cotes 199838 et 199839.

512 Cote 89286.

513 Cotes 199792 à 199795, cote 233812.

514 Cotes 199798 à 199800, cotes 222065 et 222066.

515 Cotes 199896 à 199898, cote 233824.

516 Cotes 199899 à 199902, cote 233825.

517 Cotes 199903 à 199905.

518 Ibid.

519 Cotes 199807 à 199810.

520 Cotes 199864 à 199866, cote 233821.

521 Cotes 199893 à 199895, cote 233823.

522 Cotes 199883 et 199884.

523 Cotes 199814 à 199816.

524 Cotes 199817 à 199819, 199856 à 199858, 233817 à 233820.

525 Cotes 199825 à 199827.

526 Cotes 199820 à 199824.

527 Cotes 199831 à 199834.

528 Cotes 199887 à 199892.

529 Cotes 199935 à 199937.

530 Cotes 199835 à 199940.

531 Cotes 199845 à 199847.

532 Cote 95402.

533 Cotes 199778 à 199791.

534 Cote 195867.

535 Cote 95441.

536 Cotes 199859 à 199861.

537 Cotes 199862 et 199863.

538 Cotes 199848 à 199851.

539 Cotes 199840 à 199844.

540 Cotes 199778 à 199789.

541 Cotes 199790 et 199791.

542 Cotes 199924 à 199926.

543 Cotes 199927 à 199932.

544 Cotes 95450 et 95451.

545 Cotes 199933 et 199934.

546 Cote 89316.

547 Cote 89312.

548 Cote 88531.

549 Cotes 199804 à 199806.

550 Cote 89281.

551 Cote 88533.

552 Cotes 89273 à 89275.

553 Cote 88530.

554 Cote 110363.

555 Cote 110363.

556 Cote 88749.

557 Cote 88752.

558 Cotes 88354 et 88355. Le procès-verbal d'audition mentionne la marque Kenwood (qui n'est pas une marque du groupe SEB) au lieu de Krups (qui est une marque du groupe SEB), ce qui est une erreur de plume.

559 Cote 110359.

560 Cote 110363.

561 Cote 110358.

562 Cotes 232895 à 232964 (plan de vente pour 2009, communiqué à Auchan) ; cotes 232966 à 232022 (plan de vente pour 2010, communiqué à Boulanger) ; cotes 233024 à 233078 (plan de vente pour 2011, communiqué à Carrefour) ; cotes 233080 à 233155 (plan de vente pour 2012, communiqué à Darty) ; cotes 233430 à 233497 (plan de vente pour 2013, communiqué à Boulanger); cotes 233157 à 233224 (plan de vente pour 2014, communiqué à Darty).

563 Cotes 194733 et 194734.

564 Cotes 195240 et 195241.

565 Cotes 214746 à 214749, soulignement ajouté.

566 Cotes 101049 à 101051.

567 Cote 101049.

568 Ibid.

569 Cotes 101164 à 101165.

570 Cotes 101092 à 101093.

571 Cotes 101074 et 101075.

572 Cote 101074.

573 Voir, par exemple, cotes 195546 (pour NetVeille) et 193743 (pour WorklT).

574 Cotes 195534 à 195545, 195546 et 195547, cotes 195548 à 195559, 195560 à 195569 (éléments fournis par

NetVeille); cotes 195630 à 195643, 195644 et 195645, cotes 195646 à 195657, 195658 et 195659 (éléments fournis par SEB).

575 Cote 195669 (fourni par SEB).

576 Cotes 101239 à 101241.

577 Cote 101168.

578 Cotes 214733 à 214736, cotes 233801 et 233802, soulignements ajoutés.

579 Ibid., soulignement ajouté.

580 Ibid., soulignement ajouté.

581 Cotes 214733 à 214736, cotes 233801 et 233802.

582 Cote 214740, soulignement ajouté.

583 Cotes 214737 à 214745.

584 Cotes 214737 à 214745.

585 Cotes 214737 à 214745.

586 « Stock» semble ici et pour une fois employé au sens propre.

587 Cotes 214750 à 214760.

588 Cotes 214761 à 214763.

589 Cotes 89840 à 89842.

590 Cotes 214764 et 214765.

591 Cote 101158, soulignements ajoutés.

592 Cote 101222, soulignements ajoutés.

593 Cotes 101160 et 101161.

594 Cotes 101297 à 101299, soulignements ajoutés.

595 Cotes 101297 à 101299.

596 Cote 101270.

597 Cotes 101281 à 101286.

598 Ibid.

599 Cotes 101275 à 101277.

600 Cotes 101292 à 101294, soulignements ajoutés.

601 Cote 101665, soulignements ajoutés.

602 Ibid.

603 Cote 72088.

604 Cote 88476.

605 Cote 101666.

606 Cote 101667.

607 Ibid.

608 Cote 88477.

609 Cotes 72166 à 72342 (plan de vente pour 2009, communiqué à Boulanger); cotes 73761 à 74143 (plan de vente pour 2010, communiqué à Darty) ; cotes 75819 à 75845 (plan de vente pour 2011, communiqué à MDA) ; cotes 77520 à 77671 (plan de vente pour 2012, communiqué à Mistergooddeal); cotes 79792 à 80041 (plan de vente pour 2013, communiqué à Ubaldi); cotes 80846 à 81016 (plan de vente pour 2014, communiqué à Darty).

610 Cotes 101395 à 101410.

611 Cote 101395.

612 Cotes 101354 à 101394.

613 Cote 101355.

614 Cotes 101525 à 101528.

615 Cote 101693.

616 Cote 101574.

617 Cotes 101483 à 101485.

618 Cotes 101483 à 101485. Traduction libre de : « Ti allego la tabella che vorrei inviare, sulla base delle tue indicazioni, per farli allineare e pare non ci siano problemi ; ovviamente mi hanno chiesto qua/casa in cambio. »

619 Ibid.

620 Ibid.

621 Cotes 101635 et 101636.

622 Cotes 101634 et 101635.

623 Cotes 101306 et 101307.

624 Cotes 101575 à 101579.

625 Cotes 101509 à 101511.

626 Cotes 101639 et 101640.

627 Smeg a en effet payé en février 2014 (cote 195926) pour la prestation laquelle couvrait une périodicité annuelle dont l'échéance était l'année civile, si bien que le paiement de 2014 valait souscription pour le service jusqu'au 31 décembre 2014 (cote 195903).

628 Cotes 193760 à 193769, 193770 et 193771, cote 193790 (éléments fournis par WorklT); cotes 195893 à 195926 (éléments fournis par Smeg).

629 Cotes 193769 (éléments fournis par WorkIT) et 195903 (éléments fournis par Smeg).

630 Cotes 101411 et 101412.

631 Cotes 101413 à 101457.

632 Cote 101667.

633 Cotes 101306 et 101307.

634 Cote 101600.

635 Cote 101323.

636 Cote 101548.

637 Cotes 214728 et 214729.

638 Cotes 101311 à 101313.

639 Cotes 214726 et 214727.

640 Cotes 101540 et 101541.

641 Cote 101540.

642 Cotes 101327 et 101328.

643 Ibid.

644 Cotes 101324 à 101326.

645 Cote 101537.

646 Cote 91693.

647 Cotes 101535 et 101536.

648 Ibid.

649 Cote 101329.

650 Cote 101594.

651 Cote 101570.

652 Cotes 101627 à 101629.

653 Cotes 101494, 101493 et 101496.

654 Cotes 101498 et 101499.

655 Cotes 101500 à 101502 et 101576.

656 Cotes 101506 et 101507.

657 Cotes 101577 et 101578.

658 Cote 101478.

659 Cotes 101512 et 101513.

660 Cote 101580.

661 Cote 101581.

662 Cotes 101659 à 101662.

663 Cote 101660.

664 Cote 101515.

665 Cotes 101585 à 101592.

666 Ibid.

667 Cote 101623.

668 Cote 101603.

669 Cotes 101529 à 101533.

670 Cote 101545.

671 Cotes 101516 à 101518.

672 Cotes 101612 et 101613.

673 Cote 101584.

674 Cote 101482.

675 Cote 101547.

676 Cotes 101582 et 101583.

677 Cotes 101317 à 101322.

678 Cotes 101554 et 101555.

679 Cote 101550.

680 Cotes 101647 à 101652.

681 Cotes 101657 et 101658.

682 Ibid.

683 Cote 101657.

684 Cotes 101625 et 101626.

685 Cotes 101474 et 101475.

686 Cotes 101521 et 101522.

687 Cote 101575.

688 Cote 101575.

689 Cotes 106455 à 106462.

690 Cote 106457.

691 Cotes 104225 et 104226.

692 Cotes 105271 et 105272.

693 Cotes 106266, 105603 à 105677.

694 Cotes 19367 à 19390 (plan d'affaires pour 2008, communiqué à Boulanger); cotes 21285 à 21295 (tarifs pour 2009, communiqués à Conforama); cotes 24292 à 24555 (tarifs pour 2010, communiqués à Darty); cotes 24858 à 24925 (tarifs pour 2011, communiqués à But); cotes 25470 à 25510 (tarifs pour 2012, communiqués à Cdiscount); cotes 26873 à 26877 (tarifs pour 2013, communiqués à Darty); cotes 27823 à 27828 (tarifs pour 2014, communiqués à Conforama). Voir également cotes 107268 àl07284 (Proxi Confort); cotes 107311 à 107326 (But) ; cotes 106250 à 106254 (Digital).

695 Cote 17944.

696 Cotes 27823 à 27828 (Conforama).

697 Cotes 104273 à 104280.

698 Cotes 105361 à 105366.

699 Cote 106453.

700 Cotes 105916 à 105921.

701 Cotes 88983 à 88985.

702 Cote 88626.

703 Cotes 88977 à 88980.

704 Cotes 107200 à 107202.

705 Cotes 88977 à 88980.

706 Cote 88626.

707 Cotes 88977 à 88980.

708 Cotes 107133 à 107135.

709 Cotes 106801 à 106812.

710 Cotes 107124 à 107131.

711 Cotes 106786 et 106787.

712 Cotes 106923 à 106927.

713 Cotes 107060 à 107070.

714 Cotes 106888 à 106918.

715 Cotes 106813 et 106814.

716 Cote 107248.

717 Cotes 107071 à 107103.

718 Cotes 104232 à 104237.

719 Cotes 105743 à 105746.

720 Cote 107182.

721 Cotes 107178 à 107181.

722 Cotes 107294 et 107295.

723 Cotes 107178 à 107181.

724 Cotes 107299 et 107300.

725 Ibid.

726 Cotes 107171 et 107172.

727 Cotes 107135 et 107136.

728 Cote 106834.

729 Cotes 106829 et 106830.

730 Cotes 105445 et 105446.

731 Les « pics prix » sont des prix de vente conseillés situés à des « seuils psychologiques » sensibles, et généralement fixés à des montants juste en dessous d'un chiffre rond. Voir à ce sujet la décision n° 18-D-14 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers, paragraphe 19.

732 Cotes 106966 à 106968.

733 Cotes 106819 à 106820.

734 Cotes 193772 à 193780, 193781 et 193782, 193783 et 193784 (éléments fournis par WorkIT); cotes 197623 à 19648 (éléments fournis par Whirlpool).

735 Whirlpool a en effet payé le 1er avril 2014 (cote 197646) pour un « abonnement W2P deuxième trimestre 2014 », donc jusqu'au 30 juin 2014.

736 Cotes 195570 et 195571.

737 Cotes 104409 à 104411.

738 Cotes 104376 à 104377.

739 Cotes 104266 à 104269.

740 Cotes 106234, 106235, 106243 et 106245.

741 Cotes 106236 à 106240.

742 Cote 106241.

743 Ibid.

744 Cote 88625.

745 Cotes 106829 et 106830.

746 Cotes 104229 et 104230.

747 Cotes 106259 et 106260.

748 Cotes 104246 à 104249.

749 Cotes 214730 à 214732.

750 Cotes 106464 à 106469.

751 Cote 107289.

752 Cotes 107183 et 107184.

753 Cote 107298.

754 Cote 106834.

755 Cote 88996.

756 Cote 88627.

757 Cote 88998.

758 Cote 89016.

759 Cote 88626.

760 Cote 89014.

761 Cote 89004.

762 Cote 88626.

763 Ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence (JORF 14 novembre 2008, texte n° 8), article 2.

764 Loin° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (JORF 21 novembre 2012, texte n° 1), article 13.

765 BSH, qui s'est unilatéralement retirée de la pratique visée par le griefn°1, se voit quant à elle imputer les pratiques jusqu'au 19 avril 2023.

766 Note complémentaire du 15 février 2024 des sociétés Magimix et Hameur; note complémentaire du 26 février 2024 des sociétés ARB et Groupe Cogia. Voir également mémoires en réponse au rapport de BaByliss (pages 43 et suivantes), de De Longhi (pages 33 et suivantes), du GIFAM (pages 15 et suivantes.), de Laurastar (pages 27 et suivantes) et de Philips (pages 15 et suivantes).

767 Observations de Boulanger en réponse au rapport, pages 60 et suivantes.

768 Note complémentaire du 29 février 2024 du groupe SEB.

769 Recours contre des ordonnances délivrées en application de l'article L. 450-4 du code de commerce.

770 Observations en réponse à la notification de griefs de Boulanger, paragraphes 206 et 207, et de Laurastar, pages 18 et 19.

771 Rapport n° 245 déposé le 3 octobre 2012 relatif à l'article additionnel après l'article 5 (article 5 bis [nouveau]) (article L. 462-7 du code de commerce) portant sur la suspension des délais de prescription devant l'Autorité de la concurrence (https://www.assemblee-nationale.fr/l 4/rapports/r0245.asp), soulignement ajouté.

772 Ibid.

773 « Par cohérence avec ce qui existe au niveau européen (article 25 du règlement n° 1/2003 du 16 décembre 2002, le présent amendement a introduit deux causes de suspension du délai afin de tenir compte d'évènements extérieurs aux diligences de l'instruction du dossier par l'Autorité de la concurrence. Il s'agit d'une part des délais consécutifs à l'éventuel exercice de recours devant le juge; il s'agit également des délais afférents au rendu d'une décision de justice par la Cour d'appel de Paris, instance d'appel des décisions rendues par l'Autorité de la concurrence. » Ibid.

774 Arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2014, Pradeau et Morin et al., n° 12-27-643, rendu sur la décision n° l l-D-02.

775 Article 2224 du code civil : « [!]es actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.»

776 Article 2239 du code civil : « [l]a prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès/ Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée. »

777 Arrêt de la Cour de cassation (3ème Chambre civile) du 19 mars 2020, n° 19-13.459; arrêt de la Cour de cassation (2ème Chambre civile) du 31 janvier 2019, n° 18-10.011.

778 Arrêt de la Cour de cassation (Assemblée plénière) du 7 janvier 2011, Société Philips France, n° 09-14.316 : « [s]auf disposition expresse contraire du code de commerce, les règles du code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence ».

779 Ibid.

780 Arrêt de la Cour de cassation, 12 juillet 2005, Royal Canin, n° 02-12.451.

781 Voir répertoire Dalloz de droit pénal et de procédure pénale: Prescription de l'action publique. Christine Courtin, mars 2019 (actualisation mars 2022).

782 L'article L. 462-7 du code de commerce prévoit : «/.L'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s'il n'a été fàit aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. (... ) II. La prescription est acquise lorsqu'un délai de dix ans à compter de la cessation de la pratique anticoncurrentielle s'est écoulé sans que l'Autorité de la concurrence ait statué sur celle-ci. Ce délai est suspendu jusqu'à la notification à l'Autorité de la concurrence d'une décision juridictionnelle irrévocable lorsque:( ... )».

783 Article R. 463-3 du code de commerce : « Le rapporteur général ou un rapporteur général adjoint peut également procéder à la disjonction de l'instruction d'une saisine en plusieurs affaires. »

784 Arrêt du Tribunal de l'Union du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a., T-405/06, points 151-159.

785 Arrêt de la Cour de justice du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-201/09 Pet C-216/09 P, points 141-148.

786 L'article 25, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité prévoit: « [l]a prescription en matière d'imposition d'amendes ou d'astreintes est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice».

787 Soulignement ajouté.

788 Arrêt de la Cour de justice du 21 janvier 2021, Whiteland Import Export, C-308/19.

789 Ibid., point 39.

790 Ibid., point 45.

791 Ibid., points 57 et 58.

792 Arrêt de la Cour de cassation du 12 janvier 1999, 97-13.125.

793 Arrêt de la Cour de justice du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij NV (LVM) e.a. / Commission, aff. jointes C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, points 187 et 192 ; du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals ApS et Alpharma LLC / Commission, T-471/13, point 354; du 27 juin 2012, Bolloré / Commission, T-372/10, point 104; du 20 mars 2002, UPS Europe SA/ Commission, T-175/99, point 38; et du 22 octobre 1997, SCK et FNK / Commission, T-213/95 et T-18/96, point 57.

794 Arrêts de la cour d'appel de Paris du 6 mai 2021, Société Transports-Transit-Déménagements, n° RG 20/07505, paragraphe 27; du 3 décembre 2020, Brenntag, n° RG 13/13058, paragraphe 109; et du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° RG 10/23945, page 18.

795 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 décembre 2020 précité, paragraphe 109.

796 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012 précité, page 18.

797 Voir, en ce sens, notamment, la décision n° 21-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 478 (cette décision a fait l'objet d'un recours pendant devant la cour d'appel de Paris).

798 Arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2010, n° 09-72031 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 06 mai 2021, n° RG 20/07505.

799 L'article L. 464-2 du code de commerce a d'ailleurs été modifié par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, et il ne prévoit désormais plus d'avis de clémence, notamment dans le but de réduire les délais d'instruction.

800 Décision n° 18-D-24 précitée.

801 Pour BSH: 2 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/24389 et RG n° 13/24402, donnant lieu à 2 ordonnance de la Cour de cassation du 3 juin 2016, n° 16 81.036 et n° 16 81.069.  Pour Candy Hoover: 2 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 8 novembre 2017, RG n° 14/13242 et n° 91, donnant lieu à 2 arrêts de la Cour de cassation du 19 décembre 2018, n° 17 87.347 et n° 17 87.357.  Pour Darty: 2 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/23245, et du 28 mars 2018, RG n° 17/16586, donnant lieu à 1 arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2017, n° 16 81.060.  Pour Electrolux: 4 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/23282, RG n° 13/23293, RG n° 13/23299, et RG n° 13/23878, donnant lieu à 4 arrêts de la Cour de cassation du 4 mai 2017, n° 16 81.043, n° 16 81.062, n° 16 81.063, et n° 16 81.072.  Pour Gemdis: 1 ordonnance de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/23174. Pour LG: 2 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/23257 et RG n° 13/23271, donnant lieu à 1 arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2016, n° 16 81.045. Pour Miele: 2 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/24472 et RG n° 13/24473, donnant lieu à 1 arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2016, n° 16 81.061. Pour Samsung: 2 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/24345 et RG n° 13/24347, donnant lieu à 2 arrêts de la Cour de cassation du 4 mai 2017, n° 16 81.070 et n° 16 81.071. Pour SEB : 1 ordonnance de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/24350, donnant lieu à 1 arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2017, n° 16 81.067. Pour Smeg: 1 ordonnance de la cour d'appel de Paris du 6 janvier 2016, RG n° 13/24368.  Pour Whirlpool: 5 ordonnances de la cour d'appel de Paris du 8 novembre 2017, RG n° 14/13378 et RG n° 14/13384, du 23 mai 2018, RG n° 17/20781, du 8 juillet 2020, RG n° 19/16854, et du 13 avril 2022, RG n° 21/15924, donnant lieu à 5 arrêts de la Cour de cassation du 13 juin 2019, n° 17 87.364, du 9 septembre 2020, n° 18 86.726, du 11 août 2021, n° 20 84.591, du 26 janvier 2022, n° 17 87.359, et du 30 janvier 2024, n° 22-82.589.

802 Arrêt de la cour d'appel du 26 mars 2015, n° 2014/03330, Reckitt Benckiser, pages 8 et 9.

803 Arrêt de la cour d'appel de Paris, du 26 janvier 2012, Beauté prestige internationale.a., n° 2010/23945, p. 25. Décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides, paragraphe 754.

804 Arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2016, GoodMills Deutschland, n° 14 28.234, p. 20.

805 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, RG n° 10/23945, p. 18.

806 Décision n° ll-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 323.

807 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juillet 2021, SCA Cambresis Artois Picardie Endives, RG n° 19/00595, point 123 ; voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, RG n° 10/23945, p. 19.

808 Décision n° l 1-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 325.

809 Cotes 245117 à 245122.

810 Décision n° 2l-D-20 du 22 juillet 2021 précitée, paragraphe 529, soulignement ajouté.

811 Décision n° 20-D-l l du 9 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), paragraphe 589.

812 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale e.a., n° 15/17638, point 138.

813 Cotes 193564 à 193567.

814 Voir annexe 15 du mémoire en réponse de Philips, cotes 255129 à 255221.

815 Cote 247370 (avis du conseiller auditeur, soulignements ajoutés).

816 Arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 2016, n° 14-21.670 et 14-21.671; arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 octobre 2022, Apple France, RG n° 20/08582, point 109.

817 Décision n° 20-DSA-613 du 25 novembre 2020 et n° 20-DSA-628 du 27 novembre 2020.

818 Décisions n° 23-DECR-443 et n° 23-DECR-444 du 3 novembre 2023.

819 Soulignement ajouté.

820 Décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, paragraphe 377.

821 Cotes 257063 à 257082 et 258509 à 258517.

822 Cotes 252631 à 252633.

823 Observations de Boulanger à la notification de griefs, paragraphe 190.

824 Cotes 244645 et 244646 (Boulanger), cotes 244731 et 244732, cotes 244776 et 244777 (United.B).

825 Cotes 244647 et 244648.

826 Cote 247416.

827 Ibid.

828 Cote 247417.

829 Observations de Boulanger à la notification de griefs, paragraphes 190 et 191.

830 Cotes 244326 à 244332.

831 Cotes 244387 et 244388.

832 Cote 244327.

833 Lignes directrices du 27 avril 2004 relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité, JO n° C 101 du 27/04/2004, pages 81-96.

834 Arrêt de la Cour de justice du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C-211/22, point 62 et jurisprudence citée.

835 Voir notamment l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 octobre 2007, RG n° 2006/19700, page 6.

836 Voir par exemple arrêt de la Cour de cassation du 13 juillet 2010, Vedettes inter-îles vendéennes, pourvoi n° 09-67439, page 5.

837 JOCE C/2024/1645 du 22 février 2024, page 6, point 12.

838 Voir notamment, décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 220 ; décision n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 et 159.

839 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause précitée, point 12.

840 Arrêt du Tribunal de l'Union du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/ Commission, T-30/05, point 86.

841 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013, société Roland Vlaemynck, n° 2012/08948, page 6. Voir également la décision n° 23-D-05 du 18 avril 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériels de boulangerie, paragraphe 119.

842 M.2621 - Seb / Moulinex, § 59.

843 Cote 203304.

844 Cote 244958.

845 M.2621 - Seb / Moulinex, § 30.

846 13/0089 AC, cote 11.

847 13/0089 AC, cote 1728.

848 M.6717 - Whirlpool / Alno, § 15, M.5859- Whirlpool / Privileg Rights, §§ 11-12, M.2703 -Merloni / GE / GDA N, §§ 9-12, and IV/M.458 - Electrolux/AEG, § 15.

849 M.7366 - Whirlpool / Indesit, §§ 1O.

850 M.7366- Whirlpool / Indesit, §§ 14-16.

851 Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale, JOUE du 14.1.2011, C 11/1, point 61.

852 Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale, JOUE du 21.7.2023 C 259/1.

853 Lignes directrices horizontales, point 75.

854 Arrêt du Tribunal de l'Union du 27 octobre 1994, John Deere Ltd / Commission, T-35/92, point 51.

855 Arrêt de la Cour de justice du 28 mai 1998, John Deere Ltd / Commission, C-7/95 P, point 89.

856 Arrêt de la Cour de justice du 29 juillet 2024, Banco BPN/BIC Português SA/ Autoridade da Concorrência, C-298/22.

857 Ibid., points 53, 54 et 61.

858 Ibid., point 62.

859 Ibid., point 62.

860 Ibid., point 63.

861 Ibid., point 64.

862 Ibid., point 65.

863 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2006, société hôtel le Bristol SA, n° 2005/24285.

864 Arrêt de la Cour de cassation du 27 juin 2007, Bouygues Telecom, n° 07-10.303.

865 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Bouygues Telecom, n° 09-12.984.

866 Décision n° 17-D-03 du 27 février 2017 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la location de voitures, paragraphe 131.

867 Ibid., paragraphe 144.

868 Voir les déclarations de BSH, qui ne recevait les données GfK que pour les produits d'entretien des sols, et ce tous les 3 ou 4 mois (cote 193391).

869 Voir, a contrario, pour des informations révélant en temps réel les taux de crédit proposés par certaines banques, l'arrêt Banco BPNIBIC au point 90.

870 Voir plus haut paragraphe 128.

871 Arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma, C-41/69, point 112 et du Tribunal de l'Union du 26 octobre 2000, Bayer, T-41/96, point 67; voir également l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige Internationale.a., n° 2010/23945, page 42.

872 Arrêt du Tribunal de l'Union du 26 octobre 2000, Bayer, T-41/96, point 173.

873 Arrêt du Tribunal de l'Union du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKiine Services, T-168/01, points 83 et 84.

874 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland, C-204/00, point 237.

875 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 janvier 2020, Canna France, n° 19/03410, page 8.

876 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 08/00255, page 9.

877 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JOUE C 248 du 30 juin 2022, point 54.

878 Arrêt de la Cour de justice du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C-211/22, points 52 et 53.

879 Arrêt de la Cour de justice du 6 janvier 2004, Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV et Commission/ Bayer AG, aff. jointes C-2/01 Pet C-3/01 P, point 84.

880 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige Internationale.a. précité, page 48.

881 Voir notamment décisions n° 19-D-17 du 30 juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphes 141 à 151 et 154 à 160; n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 835 ; et n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe 186.

882 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2010/23945, page 43.

883 Décision n° 21-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 649.

884 Arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, n° Y 12 13.961, page 28.

885 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 février 2012, Philips France, n° 2011/00951, page 12.

886 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, n° 06/14057, page 16.

887 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, n° 12/01227.

888 Arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank, C-228/18, point 33.

889 Ibid., point 54.

890 Ibid., points 40 et 44.

891 Ibid., point 51 et jurisprudence citée.

892 Ibid., point 76.

893 Ibid., point 52 et jurisprudence citée.

894 Ibid., point 53 et jurisprudence citée.

895 Voir en ce sens les arrêts de la Cour de justice du 3 juillet 1985, Binon, 243/83, point 43, du 1er octobre 1987, VVR / Sociale Dienst van de Plaatselijke en Gewestelijke Overheidsdiensten, C-311/85, point 17; du 19 avril 1988, SPRL Louis Erauw-Jacquery / La Hesbignonne SC, C-27/87, point 15.

896 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2013, Kontiki, n° 12/01227.

897 Arrêt de la Cour de justice du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C-211/22, point 38.

898 Ibid., point 36.

899 Règlement (UE) 2022/720 du 10 mai 2022 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE L 134/4, article 4 a).

900 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JOUE C 248 du 30 juin 2022, point 185.

901 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre1983, AEG / Commission, C-107/82, point 43.

902 Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

903 Arrêt de la Cour de justice du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a. / Commission, T-49/02 à T-51/02, point 185.

904 Arrêts du Tribunal de l'Union du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger / Commission, T-43/92, point 79 ; du 16 novembre 2006, Peroxidos Orgânicos / Commission, T-120/04, point 51 ; et du 5 avril 2006, Degussa / Commission, T-279/02, point 153.

905 Arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055, confirmant l'arrêt de la cour d'appel du 29 septembre 2009 sur la décision n° 08-D-12 rendue le 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production du contreplaqué, pages 8 à 9.

906 Arrêts du Tribunal de l'Union du 20 mars 2002, Dansk Rorindustri / Commission, T-21/99, points 53 à 56; du 5 avril 2006, Degussa / Commission, T-279/02, point 178; et du 19 mai 2010, IMI e.a. / Commission, T-18/05, points 96 à 97 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix signalisation e.a., 11/01228, p. 10. Voir également décision n° 18-D-24 du 5 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers, points 162 et suivants.

907 Observations à la notification de griefs, paragraphes 505 à 520.

908 Mémoire en réponse au rapport, paragraphes 1023 et 1024.

909 Ibid., paragraphes 632 à 677.

910 Ibid., paragraphes 521 à 533.

911 Ibid., paragraphes 534 à 608.

912 Ibid., paragraphes 609 à 625.

913 Ibid., paragraphes 814 et 815 et 832 à 847.

914 Ibid., paragraphe 532.

915 Ibid., paragraphes 424 à 434.

916 Cotes 195240 et 195241.

917 Cotes 101049 à 101051.

918 Cote 101049.

919 Cotes 101092 et 101093.

920 Observations de SEB à la notification de griefs, paragraphe 654.

921 Cote 101168.

922 Cote 101278.

923 Cote 101158.

924 Cote 117508.

925 Cotes 101244 et 101245.

926 Cote 101158.

927 Cotes 89840 à 89842.

928 Cote 101222.

929 Cotes 214750 à 214760.

930 Cotes 101297 à 101299.

931 Cote 101270.

932 Cotes 101281 à 101286.

933 Cote 101158.

934 Cotes 101275 à 101277.

935 Cotes 101292 à 101294.

936 Cote 101049.

937 Cote 101158.

938 Cotes 214755 à 214756.

939 Cotes 214737 à 214763.

940 Cotes 214733 à 214736, cotes 233801 et 233802.

941 Cotes 101160 et 101161.

942 Mémoire en réponse au rapport, paragraphe 663.

943 Ibid., paragraphe 659.

944 Ibid., paragraphes 665 à 749.

945 Ibid., paragraphes 684 à 722.

946 Règlement (UE) 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, article 4.

947 Mémoire en réponse au rapport, paragraphe 730.

948 Ibid., paragraphes 732 à 749.

949 Ibid., paragraphes 743 et 748.

950 Voir Règlement n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accord verticaux et de pratiques concertées, article 4; Règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, article 4.

951 Observations à la notification de griefs, paragraphe 694, cote 247107.

952 Observations de Boulanger au rapport, paragraphes 345 à 349.

953 Observations de Boulanger à la notification de griefs, paragraphe 26.

954 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2010/23945, page 43.

955 Ibid.

956 Cotes 101535 et 101536.

957 Cote 101594.

958 Cote 101570 VC (174368 VNC).

959 Cote 101486.

960 Cote 101574.

961 Cote 101575.

962 Ibid., paragraphes 1207 et 2244. Observations de Boulanger à la notification de griefs, paragraphes 716 à 720. Il ne peut être sérieusement soutenu que cet échange attesterait que « les distributeurs fixaient leurs prix de revente non pas dans le cadre d'une entente verticale avec les fabricants mais dans le cadre d'un parallélisme de comportements entre concurrents », dès lors que le rôle de coordinateur de Smeg vis-à-vis de la politique commerciale de ses distributeurs, dont Boulanger, ressort manifestement de cet échange.

963 Cotes 101584 et 101482.

964 Cote 101323.

965 Cotes 101582 et 101583.

966 Cotes 107200 à 107202.

967 Cote 195321.

968 Cotes 198790 à 198792.

969 Cote 102025.

970 Cote 102298.

971 Cote 109218.

972 Cote 109213.

973 Cotes 109867 et 109868.

974 Cote 109857.

975 Cotes 109850 et 109851.

976 Cotes 199252 et 199253, 199276 à 199278, 233806 et 233807.

977 Cotes 199316 à 199318.

978 Cote 199333 à 199335.

979 Cote 199292.

980 Cote 232374.

981 Cote 232360.

982 Cote 232377.

983 Cotes 232364 et 232365.

984 Observations de Boulanger au rapport, paragraphes 340 à 342.

985 Cotes 101575 à 101579.

986 Cotes 101323, 101639 et 101640.

987 Cotes 101509 à 101511.

988 Cotes 199322 à 199324.

989 Cotes 106848 et 106849.

990 Observations de Boulanger à la notification de griefs, paragraphe 823.

991 Ibid., paragraphe 841.

992 Ibid., paragraphe 843.

993 Mémoire de Boulanger en réponse au rapport, paragraphes 468 à 486.

994 Ibid., paragraphes 490 à 494.

995 Ibid., paragraphes 494 à 499, voir en ce sens le point 36 de l'arrêt Super Bock Bebidas précité.

996 Ibid., paragraphes 499 à 51O.

997 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2010/23945, page 37.

998 Décision n° 06-D-04 bis* du 13 mars 2006 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe, paragraphe 466.

999 Ibid., point 36.

1000 Voir en ce sens la décision n° 09-D-14 du 25 mars 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de l'électricité, paragraphe 64, l'arrêt de la CJUE du 7 février 2013, Slovenska sporitelna, C 68/12, points 20 et 35, ou encore l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 mai 1990, Confédération nationale des syndicats dentaires (« la légitime défense à l'égard de pratiques jugées déloyales ne saurait justifier le recours à des mesures de rétorsion que la loi interdit»).

1001 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JOUE C 248 du 30 juin 2022, paragraphe 197.

1002 Cote 102043.

1003 Cote 88747.

1004 Cote 88750.

1005 Cote 88355 (tableau de synthèse).

1006 Cote 88353.

1007 Cotes 88611 (AMS) et 88358 (Maismoinscher).

1008 Voir notamment cotes 91858 et 91859, 198790 à 198792, 89207, 19781 à 19783, 198776 et 198777, 198778 à 198780.

1009 Cotes 198855 et 198856.

1010 Cotes 232562 à 232567 (plan de vente pour 2009, communiqué à Darty); cotes 232597 à 232618 (plan de ventes pour 2010, communiqué à Darty); cotes 232569 à 232596 (plan de vente pour 2011, communiqué à Concerto); cotes 232664 à 232680 (plan de vente pour 2012, communiqué à Boulanger); cotes 232759 à 232778 (plan de vente pour 2013, communiqué à Boulanger) ; cotes 232874 à 232882 (plan de vente pour 2014, communiqué à Proxi).

1011 Cotes 198786 à 198789.

1012 Cote 102298.

1013 Cotes 102157 et 89233.

1014 Pour les clients suivants: Boulanger, Darty, Concerto, Proxi, Selectis, Execo Pro, Digital - cotes 198571 à 198766, 232555 à 232567, 232569 à 232618, 232620 à 232882.

1015 Voirnotamment cotes 102275 et 102276, 102107, 102115 à 102120, 102317.

1016 Cotes 195321, 198784 et 198785.

1017 Cotes 198833 à 198840.

1018 Cotes 193836, 193855 à 193860, 193982 et 195870 à 195892.

1019 Cotes 198814 à 198822.

1020 Cotes 101940 et 101941.

1021 Cotes 195320 et 195321.

1022 Cote 102086.

1023 Cote 102008.

1024 Cotes 129411, 102197, 129414 et 129415, 129418, 102198.

1025 Cote 88751.

1026 Cotes 88360 et 88361.

1027 Voit notamment cotes 91858 et 91859, 89207.

1028 Cote 101907.

1029 Cotes 88354 et 88360.

1030 Cote 195322.

1031 Voir notamment cote 88749.

1032 Cotes 88360 (Maismoinscher), 88631 et 88632 (AMS) et 88751 (Webachatfrance).

1033 Cote 195241.

1034 Cote 102298.

1035 Cote 102248.

1036 Cotes 102165 et 102166.

1037 Cotes 102115 à 102120.

1038 Cotes 102025 à 102026.

1039 Cotes 102411, 102418, 102196, 102197, 129414 et 129415.

1040 Cote 101900.

1041 Cotes 102183 à 102190.

1042 Cotes 102183 à 102190.

1043 Cote 102877.

1044 Cote 101901.

1045 Cotes 198778 à 198780.

1046 Cotes 198847 à 198851.

1047 Cotes 198790 à 198792.

1048 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1049 Décision n° 21 D 20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1050 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG v Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1051 Cote 89233.

1052 Cotes 19870 et 109871.

1053 Cotes 88353 et 88354.

1054 Cotes 88606 et 91740.

1055 Cotes 88611 (AMS) et 88359 (Maismoinscher).

1056 Voir notamment cotes 199540 à 199546, 199547 à 199549, 109863, 109865, 109867 à 109868.

1057 Cote 199558.

1058 Pour les clients suivants: Boulanger, Darty, But Conforama, Concerto - cotes 32973 à 32996, 32137 à 33155, 33333 à 33346, 33459 à 33478, 33713 à 33735, 33815 à 33831.

1059 Cote 108397.

1060 Voir notamment cotes 109944 (promotions Boulanger), 19577 (promotions Conforama).

1061 Cotes 109870 à 109871 « contrôle des stocks assuré par le Marketing», 109910, 110019 à 110020.

1062 Cotes 193613 à 193623, cote 193790 (éléments fournis par WorklT); cotes 197052 à 197068 (éléments fournis par Candy).

1063 Cotes 108389 et 10390 (concernant Ubaldi), cote 199567.

1064 Cote 190207 (courriel interne avec listes de références pour lesquelles les prix indiqués sont respectés par Darty, Conforama, But et Auchan); cotes 199540 à 199546 (échanges internes de courriels relatifs au positionnement prix de plusieurs références chez plusieurs distributeurs).

1065 Pour Conforama: pièce du 22 février 2013, cotes 199547 à 199549. Pour Darty: pièce du 4 mars 2013, cotes 199557 à 199559.

1066 Cotes 199566 et 199567.

1067 Cotes 199550 à 199553.

1068 Cote 88352.

1069 Cote 109206.

1070 Cote 88357.

1071 Voir par exemple cotes 89073, 89075, 89079 et 88627 (AMS), cote 88751 (Webachat), cote 88360 (Maismoinscher).

1072 Cotes 199528 et 199529, soulignement ajouté.

1073 Cotes 199540 à 199546, et cote 233810.

1074 Cotes 199547 à 199549.

1075 Cotes 199550 à 199553.

1076 Cotes 110086 et 110087.

1077 Cotes 109737 et 109738, et cotes 109209 et 109210.

1078 Cotes 110063 et 110064.

1079 Cote 109211.

1080 Cotes 199540 à 199546, et cote 233810.

1081 Cotes 199547 à 199549.

1082 Cote 109211.

1083 Cotes 109858 et 109859.

1084 Cote 108397.

1085 Cote 110014, soulignements ajoutés.

1086 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1087 Décision n° 21 D 20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1088 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1089 Cotes 199528 et 199529.

1090 Cote 88750.

1091 Cote 88353.

1092 Cote 88355 (tableau de synthèse).

1093 Cote 88358.

1094 Cote 91740.

1095 Cotes 199369 à 199371.

1096 Par un courriel du 14 mai 2012, la directrice juridique d'Eberhardt a précisé que « les contrats risquent d'être 'mal vus' d'ici quelques années car c'est une entorse à la libre concurrence» (cotes 95926 et 95927).

1097 Cotes 88945, 88947, 88934, 199485 à 199487.

1098 Cotes 199442 et 199443.

1099 Cotes 199384 à 199401.

1100 Cotes 1723 à 1863 (Baumatic), 1864 à 2287 (Falmec) et 2851 à 3288 (Liebherr).

1101 Cotes 88353 (Maismoinscher), 88608 (AMS) et 88750 à 88751 (Webacahtfrance).

1102 Cote 96069, cote 95802.

1103 Cotes 88928 à 88932.

1104 Cotes 199463 et 199464.

1105 Cotes 193697 et 193698, 193699 à 193708 (fourni par WorkIT) et cotes 197241 à 197260 (fourni par Eberhardt).

1106 Cotes 199442 et 199443.

1107 Cotes 199369 à 199371.

1108 Cotes 88353 à 88355 (Maismoinscher), cote 91746 (AMS).

1109 Cote 88624.

1110 Cotes 199485 à 199487.

1111 Cote 96069.

1112 Cotes 199369 à 199371.

1113 Voir également déclaration d' AMS, cote 88625.

1114 Cote 88624.

1115 Cotes 199382 et 199383, cotes 199406 et 199407, cotes 199432 à 199435, cotes 199424 et 199425.

1116 Cotes 199442 et 199443.

1117 Cote 88749.

1118 Cote 88627.

1119 Voir, pour illustration, cotes 89073, 89075 et 89079, s'agissant de déclarations de WebachatFrance, cote 88751 et s'agissant de déclarations de Maismoinscher, cote 88360.

1120 Cotes 199460 à 199462.

1121 Cotes 199384 à 199401.

1122 Cotes 199476 et 199477.

1123 Cote 95802.

1124 Compte-rendu du 6 novembre 2009 mentionné au point précédent. Cotes 199460 à 199462.

1125 Cotes 199424 et 199425.

1126 Cotes 199485 à 199487.

1127 Cotes 199473 à 199475.

1128 Cotes 199384 à 199401.

1129 Cote 96069.

1130 Cotes 199460 à 199462.

1131 Cotes 199476 et 199477.

1132 Cotes 199478 à 199481.

1133 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1134 Décision n° 21 D 20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1135 Arrêts de la Cour de justice du 25 octobrel983, AEG / Commission, C-107/82, point 43; du 22 octobre 1986, Mero SB-Grossmiirkte GmbH & Co. KG cl Commission, C-75/84. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1136 Cote 88624.

1137 Voir les plans de vente avec PPI de 2014, cotes 88928 à 88932.

1138 Cote 88747.

1139 Cote 88750.

1140 Cote 88747.

1141 Cotes 199293 et 199294, 95144 à 95146.

1142 Cotes 199314 et 199315.

1143 Cote 94503.

1144 Voir entre autres cotes 89074, 88791, 95154 et 95155.

1145 Cotes 199219 à 199225.

1146 Cotes 94532, 94744 et 94745.

1147 Cotes 95235 et 95236.

1148 Cotes 94782 et 94631.

1149 Cotes 94488 et 94489.

1150 Cotes 88747 et 88750.

1151 Cote 88354 (tableau de synthèse).

1152 Cote 88353.

1153 Cote 89079.

1154 Cotes 89074 et 89077.

1155 Cotes 199239 à 199243.

1156 Cote 88791.

1157 Cote 88791.

1158 Cotes 199307 à 199313.

1159 Cote 89071, avec déclaration de Webachat, cote 88627, et de Selectis, cote 195248.

1160 Cote 94669.

1161 Cotes 199288 à 199290.

1162 Cotes 199319 à 199321.

1163 Cote 88749.

1164 WebachatFrance a également confirmé qu'ils suivaient« assez régulièrement les demandes d'alignement de prix de[s] ( ... )fabricants». Voir cote 88751.

1165 Cotes 94532, 199333 à 199335.

1166 Cotes 199156 à 199159.

1167 Cote 89059.

1168 Cotes 199239 à 199243.

1169 Cotes 199282 à 199285.

1170 Cotes 199333 à 199335.

1171 Cotes 95144 à 95146.

1172 Cotes 199319 à 199321.

1173 Cotes 95142 à 95143.

1174 Cotes 199244 à 199247.

1175 Cotes 199156 à 199159.

1176 Cotes 95138 à 95140, soulignement ajouté.

1177 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1178 Décision n° 2l-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1179 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobrel983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1180 Cote 94532.

1181 Cotes 51651 à 51656 (plan de vente pour 2014 communiqué à But).

1182 Cote 94202.

1183 Cote 94266.

1184 Cote 94017.

1185 Voir entre autres cotes 198863 et 198864.

1186 Cote 88621.

1187 Cote 94203.

1188 Cotes 199704 et 199705, cotes 233751 à 233754.

1189 Cotes 199694 et 199695, cotes 199692 et 199693.

1190 Cotes 88834 à 88836.

1191 Cotes 88838 à 88840.

1192 Cote 94182.

1193 Cotes 88799 et 88800.

1194 Cote 84270.

1195 Cotes 195241 et 195244 et cotes 199701 à 199703.

1196.Cotes 199709 et 199710.

1197 Cotes 199704 et 199705, cotes 233751 à 233754.

1198 Cotes 93981 à 94005.

1199 Cote 94202.

1200 Cotes 94265 à 94276.

1201 Cote 88867.

1202 Cote 94255.

1203 Cotes 199696 et 199697, cotes 233748 à 233750.

1204 Cotes 199617 à 199619.

1205 Cotes 199606 et 199607.

1206 Cotes 199611 à 199613.

1207 Cote 88353.

1208 Cote 88354 (tableau de synthèse).

1209 Cotes 88858, 91877 et 91878.

1210 Cote 94411 (extraction SMS complète: cotes 94400 à 94411).

1211 Voir par exemple les suites de courriels des 29 et 30 juin 2011 concernant AMS, cotes 91808 et 91809, 88867, 91810 et 91811.

1212 Cote 94255.

1213 Cote 94277.

1214 Cotes 94209 et 94210.

1215 Cotes 199617 à 199619.

1216 Cote 88849.

1217 Cote 88849, soulignement ajouté.

1218 Cotes 199696 et 199697, cotes 233748 à 233750, soulignement ajouté.

1219 AMS a déclaré avoir connaissance du niveau de prix souhaité (cote 88627) et Webachat a déclaré suivre les demandes d'alignement (cote 88751).

1220 Voir pour une confirmation de hausse de la boutique du net, cotes 199701 à 199703, pour un prix acté avec Darty, cote 94411 (extraction SMS complète: cotes 94400 à 94411).

1221 Cote 94202.

1222 Cotes 88859 à 88866.

1223 Cotes 94263 et 232289.

1224 Cotes 88845 à 88847.

1225 Cote 94203.

1226 Cotes 94234 et 94235 (courriel de synthèse)-voir également cotes 94236 à 94239 (notes manuscrites).

1227 Cotes 94190 et 94191.

1228 Voir plans de ventes adressés en 2009, cotes 199694 et 199695 (But), cotes 199692 et 199693 (Conforama), cotes 94256 et 94257(Concerto), cotes 199711 et 199712, cotes 233755 à 233798 (Ixina).

1229 Demande de validation de prix promotionnels par Digital du 18 novembre 2010, cotes 199704 et 199705, cotes 233751 à 233754.

1230 Cotes 94234 et 94235 (courriel de synthèse)-voir également cotes 94236 à 94239 (notes manuscrites).

1231 Cotes 198860 à 198862.

1232 Cotes 199701 à 199703.

1233 Cote 94400.

1234 Cote 94400.

1235 Cotes 199704 et 199705, cotes 233751 à 233754.

1236 Cotes 94250 et 94251 (notes manuscrites); cotes 94248 et 94249 (courriel de synthèse).

1237 Cotes 138096 et 138097.

1238 Cotes 94006 à 94028.

1239 Cote 94261.

1240 Cote 88849.

1241 Cotes 199690 et 199691.

1242 Cotes 94234 et 94235 (courriel de synthèse)-voir également cotes 94236 à 94239 (notes manuscrites).

1243 Cotes 94258 et 94259.

1244 Cote 94261.

1245 Cotes 199591 à 199593.

1246 Cotes 94234 et 94235 (courriel de synthèse)-voir également cotes 94236 à 94239 (notes manuscrites).

1247 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1248 Décision n° 2l-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1249 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre1983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1250 Cote 94255.

1251 Cotes 62743 à 62763 (plan de vente pour 2009 communiqué à Selectis); cotes 69607 à 69621 (plan de vente pour 2010, communiqué à Cdiscount); cotes 70094 à 70155 (plan de vente pour 2011, communiqué à Conforama); cotes 70556 à 70565 (plan de vente pour 2012, communiqué à Darty) ; cotes 70911 à 70978 (plan de vente pour 2013, communiqué à Euronics); cotes 71185 à 71254 (plan de vente pour 2014, communiqué à Selectis).

1252 Cotes 195241 et 195244.

1253 Cote 101811.

1254 Ibid.

1255 Cote 89266 notamment.

1256 Cotes 89259 à 89261.

1257 Cote 101725.

1258 Cote 200046.

1259 Référence catégorie « lavage» Fl2580FD : 1299,99 euros pour Darty (cote 101787) contre 999,99 euros pour Conforama (cote 101781). Référence catégorie «lavage» Fl4932DS: 999,99 euros pour Darty (cote 101789) contre 899,99 euros pour Conforama (cote 101781).

1260 Cote 101811.

1261 Cote 89269.

1262 Cotes 101728 et 101729.

1263 Cotes 101746, 101747 et 101809.

1264 Cotes 101816 et 195217.

1265 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1266 Décision n° 2l-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1267 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG v Commission, C-107/82, EU:C:1983:293, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1268 Cote 95376.

1269 Cotes 199 930 et 199 931.

1270 Cotes 95363 et 95364.

1271 Les ménagistes, par opposition aux cuisinistes, vendent les appareils électroménagers à l'unité et n'assurent pas la conception de cuisines ni l'intégration des appareils dans des meubles.

1272 Cotes 199792 à 199795, cote 233812.

1213 Ibid.

1274 Cotes 199840 à 199844.

1275 Cotes 95253 à 95255.

1276 Cotes 88608 (AMS), 88533 (Maismoinscher), 88750 et 88751 (WebAchatFrance) ainsi que 195241 et 195244 (Selectis).

1277 Cote 199793.

1278 Cotes 199840 à 199844.

1279 Cotesl99845 à 199847.

1280 Cotes 95402, 95441 et 199859 à 199861.

1281 Cotes 193709 à 193721, 193790 (WorklT) et cotes 195851 à 195868 (Miele).

1282 Cotes 199790 et 199791.

1283 Cotes 193709 à 193721, 193790 (WorklT) et cotes 195851 à 195868 (Miele).

1284 Cotes 89312 et 88529.

1285 Cotes 89316 et 89273 à 89275.

1286 Cotes 199946 à 199948.

1287 Cotes 199845 à 199847.

1288 Cotes 199820 à 199824 et 199831 à 199834.

1289 Cotes 199930 et 199931.

1290 Cotes 199946 à 199948.

1291 Cotes 199807 à 199810.

1292 Cotes 95450 et 95451.

1293 Cotes 199933 et 199934.

1294 Cotes 199927 à 199932.

1295 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1296 Décision n° 2l-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1297 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1298 Cote 101665.

1299 Cote 101667.

1300 Cotes 72088 à 72091.

1301 Cote 101574.

1302 Cotes 101506 et 101507.

1303 Cotes 101311 à 101313.

1304 Cotes 101560 à 101564.

1305 Cotes 101324 à 101326.

1306 Cote 101479.

1307 Cotes 101585 à 101592.

1308 Cotes 101540 et 101541.

1309 Cotes 101324 à 101326, 101329, 92053 et 92054 notamment.

1310 Cote 101547.

1311 Cote 101538 VC, cote 174334 VNC.

1312 Cote 72168 (plan de vente Smeg pour le client Boulanger à compter de janvier 2009).

1313 Cote 88353.

1314 Cotes 195241 et 195244.

1315 Cotes 101306 et 101307.

1316 Cotes 101540 et 101541.

1317 Cote 101574.

1318 Cotes 101483 à 101485.

1319 Cote 101574.

1320 Cotes 193769 et 195903.

1321 Cote 101537.

1322 Cote 101600.

1323 Cotes 101540 et 101541.

1324 Cotes 101474 et 101475.

1325 Cotes 101512 et 101513.

1326 Cotes 101554 et 101555.

1327 Cote 101323.

1328 Cote 101329.

1329 Cotes 101529 à 101533.

1330 Cotes 101612 et 101613.

1331 Cote 101479.

1332 Cote 101581.

1333 Cote 101316.

1334 Cote 101314.

1335 Cote 88621.

1336 Cote 88356. Déclaration de Maismoinscher: « c'était une course sans fin et le but manifestement recherché était de nous empêcher de vendre les produits à prix hors PP/ sur internet et de nous exclure du marché».

1337 Cote 101574.

1338 Cotes 101474 et 101475.

1339 Cote 88751.

1340 Cote 88360.

1341 Cotes 101506 et 101507.

1342 Cote 101537.

1343 Cote 101575.

1344 Ibid.

1345 Cote 101482.

1346 Cote 91693.

1347 Cotes 101474 et 101475.

1348 Cote 101574.

1349 Cote 101623.

1150 Ibid.

1351 Cotes 101486 à 101489.

1352 Cotes 101560 à 101564.

1353 Cotes 101474 et 101475.

1354 Cote 101575.

1355 Cote 101581.

1356 Cote 101580.

1357 Cotes 101635 et 101636.

1358 Cotes 101634 et 101635.

1359 Ibid.

1360 Cotes 101494, 101493 et 101496.

1361 Cote 101667.

1362 Cotes 101486 à 101489.

1363 Cote 101509.

1364 Cotes 101498 et 101499.

1365 Cotes 101639 et 101640.

1366 Cote 101323.

1367 Cotes 214726 et 214727.

1368 Cotes 101639 et 101640.

1369 Cotes 101323, 101639 et 101640.

1370 Cote 101486.

1371 Cote 101581.

1372 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1373 Cotes 104225 et 104226.

1374 Cote 88747.

1375 Cote 88750.

1376 Cote 88355 (tableau de synthèse).

1377 Cote 88353.

1378 Voir notamment cotes 21285 à 21295, 24309, 24858, 25471 à 25510, 26873 à 26877, 88358, 88611, 88977 à 88980, 104232 à 104237, 104273 à 104280, 105916 à 105921, 106923 à 106927.

1379 Voir, pour Boulanger, cotes 19367 à 19390.

1380 Cotes 21285 à 21295 (tarifs pour 2009, communiqués à Conforama); cotes 24292 à 24555 (tarifs pour 2010, communiqués à Darty); cotes 24858 à 24925 (tarifs pour 2011, communiqués à But); cotes 25470 à 25510 (tarifs pour 2012, communiqués à Cdiscount); cotes 26873 à 26877 (tarifs pour 2013, communiqués à Darty); cotes 27823 à 27828 (tarifs pour 2014, communiqués à Conforama).

1381 Cotes 107135 et 107136.

1382 Cotes 106819 à 106820.

1383 Voir par exemple cotes 24292 à 24555.

1384 Cotes 107299 et 107300.

1385 Cotes 193772 à 193784; cotes 197623 à 197648.

1386 Cotes 195570 et 195571.

1387 Cotes 104376 et 104377.

1388 Cotes 106234 à 106241.

1389 Cotes 104229 à 104230.

1390 Cotes 106259 à 106260.

1391 Cotes 106966 à 106968.

1392 Cote 88625.

1393 Cotes 104376 et 104377.

1394 Cote 88751.

1395 Cotes 88360 et 88361.

1396 Voir, par exemple, cotes 214730 à 211732, cotes 106464 à 106469, cote 88996.

1397 Voir, par exemple, cotes 214730 à 214732.

1398 Cotes 89016 et 88626; cotes 89004 et 88626.

1399 Cotes 88360 (Maismoinscher), 88631 et 88632 (AMS) et 88751 (WebachatFrance).

1400 Cote 195241.

1401 Cotes 107135 et 107136.

1402 Cotes 107182 et 106834.

1403 Cotes 107294 et 107295.

1404 Cotes 107171 et 107172.

1405 Cotes 107299 et 107300, cotes 106829 et 106830.

1406 Cotes 214730 à 214732.

1407 Cotes 107183 et 107184.

1408 Cotes 104246 à 104249.

1409 JO C 130 du 19 mai 2010, point 25.

1410 Décision n° 2l-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 572.

1411 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2008) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1412 Cotes 104533 à 104534. Si le document semble dater de 2007, il atteste de ce que la politique de prix imposés a commencé à tout le moins au début de l'année 2008. Voir également la communication de prix conseillés à Boulanger pour l'année 2008, cotes 19367 à 19390.

1413 Cote 88352.

1414 Cote 88358.

1415 Cote 88527 (déclarations d' AMS).

1416 Cotes 106848 et 106849.

1417 Cotes 101634 et 101635.

1418 Voir supra, Section I.C.6 sur le groupe Fnac-Darty.

1419 Cote 195319.

1420 Cote 200045.

1421 Cote 91828.

1422 Cote 88747.

1423 Cote 88750.

1424 Cote 88358.

1425 Cote 101222.

1426 Cote 232432.

1427 Cote 232411.

1428 Cotes 101657 et 101658.

1429 Cotes 101506 et 101507.

1430 Cotes 199547 à 199549.

1431 Cotes 199264 à 199275.

1432 Cote 102126, voir également cotes 102127 et 102128.

1433 Cotes 102093 et 1020969.

1434 Cote 109994.

1435 Cote 109458.

1436 Cotes 94248 à 94251.

1437 Cotes 94190 et 94191.

1438 Cotes 101474 et 101475.

1439 Cote 195319.

1440 Cote 195321.

1441 Cote 88526.

1442 Cote 88628.

1443 Cotes 199384 à 199401.

1444 Cotes 199156 à 199159.

1445 Cotes 95138 à 95140.

1446 Cotes 199692 et 199693.

1447 Cotes 199460 à 199462.

1448 Cotes 232364 et 232365.

1449 Cotes 199540 à 199546, et cote 233810.

1450 Cotes 199547 à 199549.

1451 Cotes 199560 à 199563.

1452 Cote 88849.

1453 Cotes 101657 et 101658.

1454 Cotes 199460 à 199462.

1455 Cotes 232402 et 232403.

1456 Cote 232458.

1457 Cotes 232432 à 232438.

1458 Cotes 110063 et 110064.

1459 Cotes 232425 et 232426.

1460 Cotes 198797 et 198798.

1461 Cotes 101244 et 101245.

1462 Cote 101515.

1463 Cote 95801.

1464 Cotes 95138 à 95140.

1465 Cote 232370.

1466 Cote 101486.

1467 Arrêt de la Cour de justice du 25 octobrel983, AEG / Commission, C-107/82, point 43. Décision de la Commission du 17 décembre 2018, AT.40428 Guess, C(2018) 8455 final, points 86 et 136 à 138.

1468 Cote 101222.

1469 Arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel, C 97/08 P, points 55 et 56; et du 20 janvier 2011, General Quimica, C 90/09 P, point 36; voir, également, arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation, n° 2011/01228, pages 18 et 20.

1470 Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands, C-8/08, points 49 et 50.

1471 Arrêts Akzo Nobel, précité, point 58, General Quimica, précité, point 37, et Lacroix Signalisation, précité, pages 18 et 19.

1472 Arrêts Akzo Nobel, précité, points 60 et 61, General Quimica, précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation, précité, pages 19 et 20.

1473 Arrêts Akzo Nobel, précité, points 60 et 61, General Quimica, précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation, précité, pages 19 et 20.

1474 Arrêt General Quimica, précité, point 52.

1475 Arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2000, Cascades, C-279/98 P, point 78.

1476 Voir notamment les décisions de l'Autorité n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphe 711, n° 06-D-03 bis du 9 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation, paragraphe 1382 - en partie réformée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 janvier 2008, n° 06/07820, pages 27, 28 et 35 et n° 10-D-35 du 15 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture d'électrodes de soudure pour les constructeurs automobiles, paragraphe 206.

1477 Arrêts de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas, n° 01-17896 et 02-10066, et de la cour d'appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées, n° 08/01095, page 5.

1478 Arrêts de la Cour de justice du 5 décembre 2013, SNIA, C-448/11 P, point 23, et de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2016, Beiersdorf AG, n° 15/01673, point 164.

1479 Arrêts de la Cour de justice du 13 juin 2013, Versalis, C-511/11 P, point 52 et du 18 décembre 2014, Parker, C-434/13 P, points 49 et suivants.

1480 Arrêt de la Cour de justice du 18 décembre 2014, Parker, C-434/13 P, point 50.

1481 Arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2021, Sumal, C-882/19, points 31 et suivants.

1482 Décision n° 23-D-14 du 20 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec la console PlayStation 4, paragraphes 308-309 et 323-342.

1483 Ibid., point 51.

1484 idem, points 51 et 52.

1485 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 juin 2020, n° 19/08826, points 67 à 79.

1486 Ibid., point 72.

1487 Ibid., point 75 : « Il se déduit de ces éléments que la politique commerciale appliquée aux produits [secteur concerné par la pratique] a été définie au sein de la [société mère]». Pour arriver à cette conclusion, la cour d'appel de Paris relève, en premier lieu, qu'une division au sein de la société mère définissait la politique commerciale de l'ensemble des sociétés du groupe, société filiale en cause comprise, en deuxième lieu, que la pratique anticoncurrentielle a eu des effets sur les prix de vente des produits commercialisés par la société filiale et, en troisième et dernier lieu, que la société mère a détenu au cours de la période infractionnelle la totalité du capital de la société filiale.

1488 Observations de SEB à la notification de griefs, paragraphes 262 à 266.

1489 Notification de griefs, paragraphes 2436 à 2440.

1490 Observations de SEB à la notification de griefs, paragraphe 263.

1491 Notification de griefs, paragraphe 2440 et note de bas de page 1994. Pour sa part, SEB SA a été mise en cause en sa qualité de société mère.

1492 Cotes 101297 à 101299.

1493 La qualité d'auteur direct de Groupe SEB France résulte de l'action de ses employés tel que cela ressort des constatations ci-dessus ainsi que des réponses apportées par l'entreprise (cotes 201765 et 201766). La qualité d'auteur direct de Groupe SEB Retailing résulte de l'action de ses employés tel que cela ressort des constatations ci-dessus ainsi que des réponses apportées par l'entreprise (voir cotes 101297 à 101299, 201765, 201766 et 221511 à 221737).

1494 Jusqu'à son absorption par Darty Grand Est le 31 juillet 2013.

1495 Jusqu'à son absorption par Darty Nord le 31 août 2010.

1496 Jusqu'à son absorption par Darty Grand Ouest le 31 juillet 2013.

1497 Cotes 222068 à 222074.

1498 Jusqu'à son absorption par Darty Grand Est le 31 juillet 2013.

1499 Jusqu'à son absorption par Darty Nord le 31 août 2010.

1500 Jusqu'à son absorption par Darty Grand Ouest le 31 juillet 2013.

1501 Cotes 222068 à 222074.

1502 Cotes 222068 à 22207.

1503 Cotes 222068 à 222074.

1504 Voir le 3° du XVIII de l'article 2 de l'ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021.

1505 Arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri, aff. jointes C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, points 227 à 232.

1506 Arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a., C-501/11 P : arrêt dans lequel la Cour a considéré que les lignes directrices adoptées par la Commission « ne constituent ni une législation, ni une législation déléguée au sens de l'article 290, paragraphe 1, TFUE, ni la base légale des amendes infligées en matière de concurrence, lesquelles sont adoptées sur le seul fondement de l'article 23 du règlement n° 1/2003 ».

1507 Voir notamment décisions n° 22-D-08 du 3 mars 2022 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie, n° 22-D-l 7 du 11 octobre 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz, n° 23-D-02 du 8 mars 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne Canard Duchêne aux Antilles et en Guyane, n° 23-D-03 du 20 mars 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la sécurisation des débits de tabac dans les régions Hauts de France et Île de France, n° 23-D-04 du 12 avril 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la vente d'abonnements à des produits d'intelligence économique (business intelligence) et d'information d'entreprise, n° 23-D-06 du 14 juin 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la rénovation et de la restauration de couvertures et de charpentes pour les bâtiments du patrimoine public ou privé dans la région des Hauts-de­ France, et n° 23-D-08 du 7 septembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations de services d'ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires.

1508 Voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canine.a., n° 13 26.003.

1509 Communiqué sanctions, paragraphe 13.

1510 Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de l'Union du 13 juillet 2011, Schindler Holding, T-138/07, points 118 à 129 (confirmé par la Cour de justice). Voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet 2019, Goodmills Deutschland e.a., RG n° 16/23609, points 464 à 466.

1511 Voir entre autres, Cons. const., déc. n° 96-380 DC du 23 juillet 1996, Cons. const., déc. n° 97-388 DC du 20 mars 1997, et Conseil d'État, Assemblée, 11 avril 2012, Groupe d'information et de soutien des immigrés et des fédérations des associations pour la promotion et l'insertion par le logement, n° 322326, Recueil p. 142.

1512 Voir décision n° 18-D-15 du 26 juillet 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de médicaments vétérinaires, paragraphe 201 ; décision n° 19-D-15 du 11 juillet 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution en gros de produits et matériels de boulangerie­ pâtisserie, paragraphe 96; décision n° 21-D-24 du 12 octobre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution d'équipements de loisirs footballistiques, paragraphe 103.

1513 Arrêt de la cour d'appel de Paris, 19 juillet 2018, n° 16/01270, point 859.

1514 Arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2021, n° 18-21.436, pages 49 et 50.

1515 Arrêt de la Cour de justice du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan, C-227/14 P, points 56 à 59.

1516 Cote 110359.

1517 Cotes 101164 et 101165 « assortiment Krups ».

1518 Cotes 101086 à 101088.

1519 Cotes 243402 et 221488.

1520 Décision n° l 6-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac.

1521 Cote 101168. Ces références ont été soulignées probablement pour indiquer que les prix pratiqués par Boulanger pour ces produits étaient alignés sur les PPI, et donc qu'ils ne soulevaient pas de « problème de stock».

1522 Cote 101574.

1523 Communication de la Commission, Lignes directrices sur les restrictions verticales, 2022/C 248/01, paragraphe 196 (c).

1524 Arrêts de la Cour de justice du 21 septembre 2006, JCB Service, C-167/04 P, point 211, et de la cour d'appel de Paris du 4 mars 2008, José Alvarez e.a., n° 2007/00370, page 11.

1525 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, page 17.

1526 Voir décisions n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, paragraphe 307, n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphe 350 et n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphe 834.

1527 Voir les parties relatives aux mesures prises en cas de constat d'une déviation : paragraphes 748 et suivants (BSH) ; paragraphes 786 et suivants (Candy Hoover) ; paragraphes 826 et suivants (Eberhardt) ; paragraphes 863 et suivants (Electrolux) ; paragraphes 899 et suivants (Indesit) ; paragraphes 930 et suivants (LG); paragraphes 963 et suivants (Miele); paragraphe 338 (SEB); paragraphes 992 et suivants (Smeg) ; paragraphes 1034 et suivants (Whirlpool).

1528 Cote 13356.

1529 Cotes 13356, 13370, 13371 et 21416.

1530 Voir notamment décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphe 1087.

1531 Par exemple Maismoinscher, voir cotes 88360 et 88361.

1532 Cotes 101244 et 101245; 214746 à 214749; 214750 à 214760; 214764 et 214765.

1533 Cote 101182.

1534 Cote 101292.

1535 Cote 101049.

1536 Voir notamment décision n° l l-D-17 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 591.

1537 Arrêts de de la Cour de justice du 21 septembre 2006, JCB Service, C-167/04 P, point 211, et de la cour d'appel de Paris du 4 mars 2008, José Alvarez e.a., n° 2007/00370, page 11.

1538 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, page 17.

1539 Observations au rapport, paragraphes 622 et 623.

1540 Voir décisions n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, paragraphe 307, n° 18-D-26 du 20 décembre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique, paragraphe 350, et n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphe 834.

1541 Voir les parties relatives aux mesures prises en cas de constat d'une déviation: paragraphes 7487 et suivants (BSH); paragraphes 7865 et suivants (Candy Hoover); paragraphes 8265 et suivants (Eberhardt); paragraphes 8632 et suivants (Electrolux) ; paragraphes 898 et suivants (lndesit) ; paragraphes 93029 et suivants (LG); paragraphes 9632 et suivants (Miele); paragraphes 338627 et suivants (SEB); paragraphes 9921 et suivants (Smeg) ; paragraphes 10343 et suivants (Whirlpool).

1542 Voir, par exemple, cote 109213.

1543 Voir notamment décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphe 1087.

1544 Voir utilisation du terme« stock», cotes 109865 et 109866 ; 199276 à 199278 ; 233806 et 233807 ; 199316 à 199318.

1545 Voir notamment décision n° 11-D-l 7 du 8 décembre 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lessives, paragraphe 591.

1546 À titre d'illustration, le 13 septembre 2012, Boulanger s'est plainte auprès de Smeg en lui demandant de « regarder ce que vous pouvez faire sur la CP60X9 [cuisinière] et me tenir au courant», Smeg lui confirmant alors« une action à 999P demain matin», cotes 101575 à 101579.

1547 Voir communiqué sanctions du 30 juillet 2021, paragraphe 28.

1548 Voir supra, paragraphes 705 et suivants.

1549 Décision n° 21-D-26 du 8 novembre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre au sein du réseau de distribution des produits de marque Mobotix, paragraphe 366.

1550 Voir cote 195320.

1551 Cotes 102652 à 102657.

1552 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1553 Arrêt du Tribunal de l'Union du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky affaires, T-456/05 et T-457/05, points 126, 128-130, 133-134, 136-137.

1554 Cote 88354.

1555 Cote 101907.

1556 Décision de la Commission européenne du 4 juillet 2019, AT.37956, Ronds à Béton, paragraphes 569 et suivants.

1557 Arrêts du Tribunal de l'Union du 9 novembre 2022, Feralpi / Commission, T-657/19, points 295 et suivants, et Ferriere Nord/ Commission, T-667/19, points 657 et suivants.

1558 Arrêt du Tribunal de l'Union du 25 octobre 2007, SP e.a., T-27/03, T-46/03, T-58/03, T-79/03, T-80/03, T-97/03 et T-98/03, ainsi que les arrêts dans les affaires T-45/03, T-77/03 et T-94/03.

1559 Arrêts de la Cour de justice du 21 septembre 2017, Feralpi, C-85/15 P ; Ferriera Valsabbia e.a., C-86/15 P et C-87/15 P; Ferriere Nord, C 88/15 P; Riva Fire, C-89/15 P.

1560 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, page 17.

1561 Ibid., soulignement ajouté.

1562 Cotes 199547 à 199549.

1563 Cotes 109204 et 109205.

1564 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1565 Cotes 109870 et 109871.

1566 Cote 110019.

1567 Voir par exemple déclarations d'un responsable du site Maismoinscher, cote 88354.

1568 Cotes 261292 à 261301.

1569 Cote 88791.

1570 Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (les« Lignes directrices de la Commission»).

1571 Arrêt de la Cour de justice du 26 janvier 2017, Laufen Austria AG/ Commission, C-637/13 P, points 71 et 72.

1572 Cote 101841.

1573 Cotes 89269 et 91893.

1574 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1575 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1576 Voir cote 101665.

1577 Voir cotes 214726 à 214729, cotes 92053 à 92054.

1578 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1579 Cote 94266.

1580 Cotes 199701 à 199703, cote 94202.

1581 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, n° 2008/00255, page 17.

1582 Cote 88535.

1583 Cotes 95286 à 95288.

1584 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1585 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, RG n° 2008/00255, page 17.

1586 Ibid., soulignement ajouté.

1587 Cotes 258969 et suivantes.

1588 Voir notamment arrêt de la Cour de justice du 12 novembre 2009, Le Carbone Lorraine SA, C-554/08 P, point 44, ou arrêt de la Cour de justice du 3 septembre 2009, William Prym GmbH, C-534/07 P, point 96.

1589 Voir paragraphes 773 et suivants (BSH), 810 et suivants (Candy Hoover), 848 et suivants (Eberhardt), 886 et suivants (Electrolux), 920 et suivants (Indesit), 950 et suivants (LG), 978 et suivants (Miele), 654 et suivants (SEB), 1018 et suivants (Smeg), 1052 et suivants (Whirlpool), 1089 et suivants (Darty).