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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 12 décembre 2019, n° 17/03641

DOUAI

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

MM. Cordier, MM. FALLENOT

Arras, du 4 mai 2016

4 mai 2016

FAITS ET PROCEDURE

M. Guy C. est divorcé en premières noces de Mme M., union de laquelle est issue Sophie C., puis a été marié avec Mme Pascale R., dont il a divorcé en 2004 et avec laquelle il avait eu 4 enfants : Olivia, Agathe, Rémi, Camille.

Rémi était placé sous curatelle, gérée par M. Olivier B., beau-frère de sa mère et oncle d'Olivia, Agathe et Camille.

Mme Pascale R. est décédée le 6 mars 2012 et son fils Rémi C. le 8 novembre 2012.

Dépendent de la succession de Mme Pascale R. et de son fils des actions de la société R. Frères, qui est la société de tête d'un groupe familial, dont les statuts réglementent le transfert des titres, notamment en prévoyant un droit de préemption au profit des autres actionnaires.

Un engagement a été pris par les héritiers de conserver lesdites actions indivises entre eux pour une durée de 4 ans, venant à expiration le 23 décembre 2017, engagement qui leur a permis de bénéficier d'un abattement de 75 % sur les droits de mutation liés à la transmission des titres de la société R..

Les indivisaires ont sollicité le paiement des dividendes en attente depuis 2014, une convention d'indivision ayant été régularisée en janvier 2015 afin de faciliter le paiement des dividendes en attente.

Parallèlement, le 26 mars 2015, la société R. Frères a sollicité la notification des identités de chaque indivisaire et la répartition exacte des droits de chacun d'eux dans l'indivision, de manière à permettre la mise en oeuvre éventuelle de la procédure statutaire de préemption.

Le 21 avril 2015, le conseil de l'indivision a réitéré la demande de versement sans délai des dividendes pour les exercices échus, précisant en outre l'identité des indivisaires.

La société R. Frères, transférant à ses actionnaires la copie de ce courrier du 21 avril 2015, a offert, par courrier, que les parties datent respectivement soit du

24 avril 2015 soit du 27 avril 2015, de préempter dans les trente jours, les droits indivis de M. Guy C. et de sa fille Sophie dans les conditions prévues à l'article 10-12 d) des statuts de la société.

Par courrier portant date du 26 mai 2015 mais dont la date d'envoi et la date de réception sont discutées, la société Viadène, société anonyme présidée par M. Édouard R., a déclaré préempter la quote-part indivise des actions de la société R. Frères dévolues à M. Guy C. et sa fille Sophie C..

Par courrier recommandé en date du 10 juin 2015, la société R. Frères a avisé M. Guy C. et sa fille Sophie C. de la préemption exercée par la société Viadène, et a réclamé communication de la valeur des actions visées dans la déclaration de succession de Rémi C..

Par courrier recommandé en date du 22 juin 2015, les sociétés R. Frères et Viadène ont été avisées de la contestation émise par M. Guy C. et Mme Sophie C. quant au bien-fondé de la mise en 'uvre de la procédure de préemption, lesquels ont demandé à la société Viadène de renoncer à ladite préemption.

Par courrier du 1er juillet 2015, la société Viadène a demandé directement à Mesdames Olivia, Agathe, et Camille C. :

' la signature d'une convention d'indivision en suite de la préemption exercée,

' la communication de la valorisation des actions de la société R. Frères insérée dans la déclaration de succession suite au décès de Monsieur C. Rémi.

Depuis la préemption exercée par la société Viadène, la société R. Frères a refusé de procéder au paiement des dividendes sur le compte de l'indivision, les dividendes de Olivia, Agathe et Camille leur ayant été versés directement sur leurs comptes bancaires personnels.

Par acte extrajudiciaire en date du 7 octobre 2015, M. Guy C. et

Mme Sophie C. ont assigné les sociétés R. Frères et la société Viadène pour contester la licéité de la clause de préemption, déclarer à titre subsidiaire inopposable la procédure de préemption et désigner un expert pour déterminer la valeur des titres.

Par décision du 4 mai 2016, a été :

- enjoint à M. et Mme C. de communiquer à la SA R. frères et à la SA Viadène les courriers électroniques échangés entre M. et Mme C. de communiquer à la SA R. Frères et à la SA Viadène les courriers électroniques échangés entre M. B. et Olivia, Agathe et Camille C. sous astreinte de

200 euros par jour de retard qui prendra effet à l'issue d'une période de 10 jours suivant la date de signification de la présente ordonnance ;

- sursis à statuer dans l'attente des décisions qui seront rendues par le tribunal dans le différend opposant M. et Mme C. aux sociétés R. frères et Viadène assignées le 7 octobre 2015 et dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 8 juin 2014 à 14h00 ;

- réservé l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

- taxé les frais et débours de greffe du présent jugement à 117 euros.

Par un jugement rendu le 10 mai 2017, le tribunal de commerce d'Arras a :

- enjoint à M. et Mme C. de communiquer aux sociétés R. Frères et Viadène l'intégralité du courrier électronique en date du 8 juillet 2013 échangé entre M. B. et Olivia, Agathe, et Camille C. ;

- condamné in solidum M. et Mme C. à liquider l'astreinte de 200 euros par jour de retard, stipulée par le jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 4 mai 2016, et ce à compter du 28 mai 2016, soit 10 jours après la date de signification dudit jugement ;

- désigné M. P.'h., domicilié [...] en qualité d'expert, lequel aura pour mission :

- entendre les parties et tout sachant;

- se faire remettre tous documents et s'entourer de tous renseignements nécessaires à sa mission;

- déterminer la valeur des titres préemptés par la société Viadène au jour de la notification effectuée auprès de la société R. Frères, soit le 26 mai 2015;

- dit que le présent jugement sera notifié par le greffier à l'expert qui devra faire connaître sans délai son acceptation;

- dit que l'expert dressera du tout un rapport qu'il déposera au greffe dans le délai de quatre mois à compter du présent jugement;

- fixé à la somme de 20 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être consignée au greffe par chacune des parties à hauteur de 10 000 euros chacune, dans le mois de la présente décision ;

- dit qu'en cas d'empêchement de l'expert ou du refus de sa part, il sera, à la requête de la partie la plus diligente, procédé à son remplacement par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Arras à qui est confié le contrôle de cette mesure ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 10 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit les sociétés R. Frères et Viadène mal fondées en leur demande de réparation ;

- fait masse des dépens, en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 133, 41 euros, qui seront supportés par moitié par chacune des parties ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement ;

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par une déclaration en date du 9 juin 2017, M. et Mme C. ont interjeté appel des deux décisions.

À la suite de conclusions d'incident déposées par la société Viadène et la société R. Frères, par ordonnance en date du 12 juillet 2018, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté la demande de production forcée par M. et Mme C. de la déclaration successorale de Rémi C. ;

- rejeté la demande tendant à voir autoriser la société Viadène à séquestrer auprès de la Caisse des règlements pécuniaires des avocats de Douai un montant de 2 696 347,61 euros et les demandes subséquentes;

- rejeté de même la demande de M et Mme C. tendant à voir ordonner la séquestration par la société Viadène, auprès de la Caisse des règlements pécuniaires des avocats de Douai, de la somme totale de 4 744 710,36 euros et les demandes subséquentes ;

- dit en conséquence, n'y avoir lieu de désigner la Caisse des règlements pécuniaires des avocats de Douai comme séquestre du prix de la préemption, exercée par Viadène, des droits indivis sur des actions R. frères dévolus à Guy et Sophie C. ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance principale.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 21 juin 2019,

M. Guy C. et Mme Sophie C. demandent à la cour de :

- au titre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 4 mai 2016

- dire bien appelé, mal jugé,

- et statuant pour le surplus,

- au visa des dispositions de l'article 865 du Code de procédure civile, de l'article L.722-1 du Code de commerce,

- constater que le jugement du 4 mai 2016 a été rendu par la formation collégiale du Tribunal de Commerce

- dire qu'il appartenait au seul magistrat chargé de l'instruction de se prononcer sur l'incident de communication de pièces élevé par les sociétés R. Frères et Viadène,

- en conséquence, prononcer la nullité dudit jugement et dire qu'il est insusceptible de produire le moindre effet entre les parties,

- au visa des conclusions d'incident en réplique à l'incident de communication de pièces du bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions, du courrier officiel adressé par le Conseil des concluants au Conseil des intimées le 4 juillet 2016,

- constater que les concluants ont communiqué les pièces objet de l'incident avant que le Tribunal de Commerce ne rende sa décision,

- en conséquence, dire que l'injonction de communiquer sous astreinte était dépourvue d'objet et injustifiée,

- au titre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 10 mai 2017

- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées, et en conséquence :

- dire bien appelé, mal jugé, sauf en ce que le Tribunal de Commerce d'Arras a :

- dit que la préemption ne peut produire ses effets qu'au jour de la notification par l'actionnaire préempteur de sa décision de préempter auprès de la société R. Frères, soit à la date du 26 mai 2015,

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 10 du Code Civil,

- et statuant pour le surplus,

- à titre liminaire,

- au visa des articles 5 et 455 du Code de procédure civile,

- constater que le Tribunal de Commerce n'a pas satisfait son obligation de motivation,

- en conséquence, dire que le Tribunal a procédé par violation des dispositions des articles 5 et 455 du Code de procédure civile,

- à titre principal

- au visa de l'article 1130 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, des articles 1591 et 1599 du Code civil,

- constater l'illicéité de la clause de préemption insérée dans les statuts de la société R. Frères appliquée à l'occasion du décès d'un actionnaire, comme constituant un pacte sur succession future prohibé par l'Article 1130 du code civil,

- constater le caractère indivis du droit de préemption,

- constater l'indétermination du prix auquel a été exercée la préemption,

- constater que Monsieur Rémi C. ne disposait d'aucun droit sur les actions au jour de la préemption exercée par la société Viadène,

- en conséquence, prononcer la nullité de la préemption exercée par la société Viadène sur les actions dévolues à Monsieur Guy C. et Madame Sophie C.,

- dire la société R. Frères mal fondée et irrecevable à se prévaloir de la mise en 'uvre de la procédure de préemption, et la société Viadène irrecevable à exercer son droit de préemption,

- à titre subsidiaire,

- au visa des articles 1134 et suivants du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de l'article 1836 du Code civil, de l'article 815-3 du Code civil, de l'article 642 du Code de procédure civile et la jurisprudence,

- dire que la société R. Frères n'a pas respecté les délais impartis par les statuts pour mettre en 'uvre la procédure de préemption et la déclarer irrecevable pour ce faire par suite d'extinction des délais,

- dire que la mise en 'uvre de la procédure de préemption ne répond pas au formalisme de l'article 10 des statuts de la société R. Frères, et notamment à l'exigence d'une notification à l'initiative de l'actionnaire transférant et d'une transmission de la notification à tous les actionnaires dans un délai de cinq jours,

- dire que la société Viadène ne justifie pas du respect des conditions et modalités imposées à l'actionnaire préempteur par l'article 10 des statuts de la société R. Frères,

- dire que l'inobservation desdites conditions entraîne la nullité de la préemption,

- en conséquence, dire que la mise en 'uvre de la procédure de préemption par la société R. Frères et l'exercice du droit de préemption par la société Viadène sont inopposables à Monsieur C. Guy et à Madame C. Sophie,

- condamner conjointement ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés R. Frères et Viadène, à réparer le préjudice moral subi par

Monsieur C. Guy et Madame C. Sophie en faveur de chacun de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

- à titre infiniment subsidiaire,

- au visa des articles 815-14 et 815-16 du Code civil, de l'article 1108 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, - constater que la cession a été réalisée au mépris du droit de préemption des coindivisaires,

- constater que la cause de l'obligation de l'indivision était inexistante au jour de la préemption exercée par la société Viadène,

- constater le défaut de paiement du prix par la société Viadène et l'absence de signature d'ordre de mouvement par le cédant,

- en conséquence, prononcer la nullité de la cession des actions dévolues à Monsieur Guy et Madame Sophie C. au profit de la société Viadène,

- à titre très infiniment subsidiaire,

- au visa de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de l'article 1650 du Code civil,

- dans l'hypothèse où la préemption serait déclarée licite, valable ou opposable à Monsieur Guy C. et à Madame Sophie C. avec une prise d'effet au 26 mai 2015 :

- condamner la société Viadène à s'acquitter du prix de cession des actions, sur la base de la valeur unitaire des actions estimée à 561.68 € en 2015, soit à concurrence des sommes suivantes :

Sophie C.

2 033 447.30 €

Guy C.

2 711 263.06 €

- condamner la société Viadène à procéder au paiement du préjudice financier correspondant au différentiel entre le montant des droits de succession sur la base de la valeur unitaire des actions en 2012 et le montant de ces mêmes droits calculé sur la base de la valeur unitaire des actions en 2015, à concurrence des sommes suivantes :

Sophie C.

363 214.39 €

Guy C.

362 513.73 €

- au visa des articles 1701, 1727 et 1729 du Code général des impôts,

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. Frères et la société Viadène au paiement, entre les mains de Madame Sophie C. et de Monsieur Guy C., des intérêts de retard sur le montant des droits de succession dont le paiement a été différé :

Sophie C.

140 911.67 €

Guy C.

171 878.49 €

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. Frères et la société Viadène au paiement, entre les mains de Madame

Sophie C. et de Monsieur Guy C., de la majoration de 40 % sur le montant des droits de succession :

Sophie C.

362 175.76 €

Guy C.

331 687.90 €

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. Frères et la société Viadène au paiement, entre les mains de Monsieur Guy C., du préjudice résultant de la majoration de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune à concurrence des sommes suivantes :

majoration de l'IRPP

Majoration de l'ISF

TOTAL

Dans l'hypothèse d'une prise

d'effet de la préemption au

08/11/2012

10 330 €

17 875 €

28 205 €

Dans l'hypothèse d'une prise

d'effet de la préemption au

26 /05/2015

327 €

9 612 €

9 939 €

- au visa des articles 1591 et 1592 du Code Civil,

- si la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur la valeur des actions, désigner un expert avec pour mission de déterminer la valeur des titres transmis au jour du décès de Monsieur C. Rémi, au jour de l'acceptation de la succession par Monsieur C. Guy et par Madame C. Sophie, et à la date du 26 mai 2015, date d'exercice de la préemption par la société Viadène,

- en tout état de cause, dire que les frais d'expertise devront être supportés en totalité par la seule société Viadène,

- dire que l'exercice du droit de préemption emporte effet au jour de la notification par la société Viadène à la société R. de sa décision de préempter, soit à la date du 26 mai 2015, et déclarer la société Viadène irrecevable à réclamer déduction du prix d'acquisition des dividendes versés depuis le 8 novembre 2012,

- prendre acte de ce que Monsieur Guy C. et Madame Sophie C. entendent obtenir la condamnation de la société R. Frères et de la société Viadène au paiement, entre leurs mains, de dommages et intérêts à concurrence toutes les pertes financières résultant de la préemption exercée, outre tous frais et sommes annexes dont montant pour mémoire, à raison du caractère pour le moins tardif de la préemption exercée,

- au visa des articles 143, 144 et 865 du Code de procédure civile,

- dans l'hypothèse où la Cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur le chiffrage du préjudice financier de Monsieur Guy C. et Madame Sophie C., ordonner, à cette fin, la désignation de tel expert qu'il lui plaira, compétent dans le domaine de la fiscalité, de la comptabilité et ou de la finance, avec pour mission d'évaluer tout préjudice financier résultant de la préemption des actions intervenue le 26 mai 2016 et les frais annexes,

- dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 284-1 et suivants du Code de procédure civile, en particulier, il pourra réclamer toutes pièces utiles aux parties, recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près la Cour,

- indiquer le délai, sauf prorogation dûment sollicitée en temps utile auprès du Juge, dans lequel l'expert devra déposer son rapport,

- dire qu'en cas de difficulté, l'expert saisira la Cour qui aura ordonné l'expertise ou le juge désigné par lui ;

- fixer la provision à consigner au Greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir,

- dire que les frais d'expertise devront être supportés en totalité et solidairement par les sociétés R. Frères et Viadène,

- à titre encore plus infiniment subsidiaire,

- dans l'hypothèse où l'exercice de la préemption prendrait effet au jour du décès de Monsieur C. Rémi,

- au visa des articles 1701, 1727 et 1729 du Code général des impôts,

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. Frères et la société Viadène au paiement, entre les mains de Madame Sophie C. et de Monsieur Guy C., des intérêts de retard sur le montant des droits de succession dont le paiement a été différé :

Sophie C.

140 911.67 €

Guy C.

171 878.49 €

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. frères et la société Viadène au paiement, entre les mains de Madame Sophie C. et de Monsieur Guy C., de la majoration de 40 % sur le montant des droits de succession :

Sophie C.

362 175.76 €

Guy C.

331 687.90 €

- prendre acte de ce que Monsieur Guy C. et Madame Sophie C. entendent obtenir la condamnation de la société R. Frères et de la société Viadène au paiement, entre leurs mains, de dommages et intérêts à concurrence de toutes les pertes financières résultant de la préemption exercée, outre tous frais et sommes annexes, dont montant pour mémoire, à raison du caractère pour le moins tardif de la préemption exercée,

- au visa des articles 143, 144 et 865 du Code de procédure civile,

- dans l'hypothèse où la Cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée sur le chiffrage du préjudice financier de Monsieur Guy C. et Madame Sophie C., ordonner, à cette fin, la désignation de tel expert qu'il lui plaira, compétent dans le domaine de la fiscalité, de la comptabilité et ou de la finance, avec pour mission d'évaluer tout préjudice financier résultant de la préemption des actions intervenue le 26 mai 2016 et les frais annexes, dans les mêmes conditions que celles exposées précédemment, à titre très infiniment subsidiaire,

- en tout état de cause,

- au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, des articles 131-2 et 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution, de l'article 1154 du Code Civil,

- débouter les sociétés R. Frères et Viadène de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner la société R. Frères au paiement des dividendes sur le compte de l'indivision existante entre Olivia, Camille, Agathe, Sophie et Guy C., soit à concurrence des sommes suivantes, en faveur de Madame Sophie C. et de Guy C. et pour les exercices 2015 à 2018 :

2015

2016 à 2018

Sophie C.

36 564.98 €

(10.10 € x 3620.295)

109 694.94 €

(36 564.98 € x 3 ans)

Guy C.

48 753.31 €

(10.10 € x 4 827.06)

146 259.93 €

(48 753.31 € x 3 ans)

- dire que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 mars 2015, date de réception, par la société R. frères, de la lettre recommandée adressée par Maître V. et auquel se trouvait joint le RIB du compte bancaire de l'indivision devant permettre la mise en paiement des dividendes,

- prononcer la capitalisation des intérêts par périodes annuelles,

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 250 € par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- dans l'hypothèse où la Cour confirmerait la liquidation de l'astreinte, revoir à la baisse le taux de l'astreinte, pour un montant n'excédant pas 10 € par jour de retard,

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés R. Frères et Viadène à réparer le préjudice moral subi par Monsieur C. Guy et Madame C. Sophie, en procédant au paiement, en faveur de chacun, de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. Frères et la société Viadène à payer entre les mains de Monsieur C. Guy et Madame C. Sophie la somme de 17.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner conjointement et solidairement, ou l'une à défaut de l'autre, la Société R. Frères et la société Viadène aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

De manière générale, les appelants font valoir que :

' au soutien de leur demande de réformation du jugement rendu le 4 mai 2016,

- l'incident de communication était dévolu au juge chargé d'instruire l'affaire et non à la formation collégiale,

- l'inobservation des dispositions des articles L 722-1 et suivants du code de commerce constitue une cause de nullité du jugement,

- le jugement étant nul il ne saurait produire aucun effet entre les parties,

- l'astreinte prononcée ne peut qu'être écartée, l'obligation qu'elle assortit ayant été exécutée avant l'audience de plaidoiries,

- le caractère incomplet des échanges ni l'existence d'autres échanges non communiqués n'étaient même pas invoqués par les intimées,

' au soutien de leur demande de réformation du jugement rendu le

10 mai 2017,

- le jugement n'est pas motivé, le tribunal les ayant ainsi déboutés de leurs demandes, sans même examiner les moyens développés pour prétendre à l'illicéité, la nullité ou à l'inopposabilité de la clause de préemption, et sans y répondre précisément.

Sur l'illéciété de la clause de préemption en cas de décès, ils soutiennent que :

- dès lors que la clause de préemption est prévue dans l'hypothèse du décès d'un actionnaire, elle doit être qualifiée de pacte sur succession future, prohibé par l'article 1130 alinéa 2 du Code civil,

- l'article 228-23 du Code de Commerce interdit expressément les clauses d'agrément dans les statuts de SA en cas de succession, de liquidation de régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant,

- si la clause d'agrément est interdite dans les statuts, il est logique que la clause de préemption, qui conduit également à évincer l'héritier, soit interdite,

- ni Mme R. Pascale, ni son fils, n'ont pris de dispositions pour convenir de leur vivant du transfert de leurs actions détenues dans la société R.,

- leurs héritiers ne peuvent être évincés de leur droit à recueillir dans la succession de M. Rémi C. la quote-part leur revenant selon les règles de dévolution sucessorale applicable,

- la volonté de céder les titres de M. Rémi C. ne peut être déduite ni du fait qu'il aurait approuvé l'insertion, dans les statuts, de la clause de préemption, la clause étant silencieuse sur les modalités d'application en cas de décès, ni des rapports d'assemblée générale,

- la prohibition des pactes sur succession future est d'ordre public, de sorte que l'intervention du principal intéressé au pacte prohibé ne fait pas obstacle au prononcé de sa nullité, tout comme la position exprimée par des tiers, et notamment celles des héritiers ( Guy C.),

- aucune raison ne peut justifier que les concluants soient écartés de la société au motif qu'ils ne seraient pas des descendants directs de la famille R. et ce alors même que la société R. Frères n'est pas exclusivement composée de membres issus de cette même famille,

- le fait, pour Olivia, Agathe et Camille C., d'avoir accepté le versement de la quote-part de leurs dividendes sur leurs comptes bancaires personnels ne permet pas de valider la préemption exercée par la société Viadène,

- c'est le refus des indivisaires d'accepter la société Viadène en tant que membre de l'indivision qui a poussé la société R. Frères à proposer un paiement sur le compte bancaire personnel des indivisaires,

- le prétendu engagement pris par Monsieur Rémi C. aurait nécessairement un caractère potestatif (engagement de transférer la propriété sous réserve d'avoir toujours les actions au jour du dès, le rendant constitutif d'un pacte sur succession future,

- la clause de préemption insérée dans les statuts ne peut nullement s'analyser en une promesse de vente post mortem, le défunt devant manifester sans nul doute sa volonté de céder ses titres, ce qui fait défaut en l'espèce,

- la clause de préemption ne permet pas de déterminer l'objet ni le prix de la cession, ne fait pas naître un engagement irrévocable chez les actionnes, et ne fait naître aucun droit actuel au profit de son bénéficiaire,

- la société Viadène ne saurait prétendre que son droit existait du seul fait de l'insertion dans les statuts d'une clause de préemption et que seul l'exercice du droit serait décalé au jour du décès,

- le souci qu'aurait les intimés de préserver le caractère familial de la société est indifférent à la résolution du litige, la prohibition des pactes sur successions futures étant d'ordre public, étant observé que la prétendue volonté de maintenir les actions dans la famille R. Frères n'est qu'un prétexte dans la mesure où plusieurs actuels actionnaires ne sont pas des descendants, que ce soit en ligne directe ou non, ou encore que la société a manifesté son souhait d'ouvrir le capital social à des tiers.

Ils se prévalent également de :

' la nullité tirée du caractère indivisible du droit de préemption, à savoir l'exercice de ce dernier non sur toutes les actions dont se trouvait titulaire Remi C. mais uniquement sur les actions dévolues à Guy C. et à sa fille Sophie C., les intimés ne pouvant entretenir une confusion entre le transfert des actions

(à l'indivision) et la répartition des droits (aux 5 héritiers),

' la nullité de la préemption tirée de la violation de l'article 1599 du code civil, le transfert successoral au profit de l'indivision s'opposant juridiquement à l'existence d'un quelconque droit de préemption, qui reviendrait alors à autoriser la cession de la chose d'autrui,

' la nullité tirée de l'absence de détermination du prix, le prix au jour de la signature du bordereau la valeur de l'action n'étant pas déterminé et déterminable ce qui induit que le courrier adressé par la société Viadène le 26 mai 2016 ne pouvait donc valablement constituer l'exercice du droit de préemption, les appelants n'étant nullement tenus par le prix figurant dans la déclaration de succession.

Ils opposent la forclusion de la préemption pour défaut de mise en oeuvre dans les délais impartis, les délais statutairement prévus pour son exercice étant de 5 jours à compter de la notification ou de l'information sur l'identité du bénéficiaire du transfert des actions.

La société R. était pleinement informée de la dévolution successorale consécutive aux décès, laquelle peut être établie en novembre 2012, sans qu'il puisse être fait valoir que cette mise en oeuvre du droit de préemption aurait été retardée du fait des appelants.

Ils soulignent qu'en feignant ainsi d'ignorer, et en préférant adopter une attitude passive, la société R. Frères a renoncé au moins tacitement à mettre en 'uvre la procédure de préemption alors même qu'il est établi qu'elle disposait de tous moyens et informations sur la dévolution de Rémi C..

Ils concluent à l'inopposabilité de la préemption exercée aux motifs que :

- les dispositions statutaires ne sont pas applicables en cas de décès de l'actionnaire, lequel doit exprimer la décision de céder ou transférer ses actions,

- la société R. aggrave les conditions de mises en oeuvre de la préemption, l'identité du 'bénéficiaire pressenti' n'étant pas celui présenté par l'héritier de l'actionnaire décédé, mais selon la société R. Fères, l'héritier lui-même,

- selon les statuts, c'est à l'actionnaire, donc ici au successible, de notifier au président du conseil d'administration son intention de céder, qu'aucune notification n'a été faite en ce sens, le courrier du 21 avril 2015 ne pouvant s'analyser comme telle

( émetteur, destinataire différent, absence des 4 conditions),

- les conditions d'exercice de la préemption, requises à peine de nullité, ne sont pas remplies par la société Viadène, qui ne justifie pas de sa qualité d'actionnaire de la société R., ni du nombre d'actions détenues, étant observé qu'en présence de la personne morale la notification doit contenir différentes informations, notamment pour déterminer l'identité de la ou des personnes détenant ultimement les titres, ce qui fait défaut en l'espèce,

- l'absence de notification de la liste nominative des actionnaires de la société Viadène ou l'absence de lien de parenté avec la famille R. pour certains actionnaires doivent conduire à considérer que la préemption a été exercée en violation des statuts,

- les modalités de l'article 10 reposant sur une préemption en trois étapes n'ont pas été respectées (délai de 5 jours, notification par lettre recommandée, transmission de la notification à tous les actionnaires, absence de proposition d'un pris d'acquisition) les statuts prévoyant même la nullité des cessions d'actions en cas de non-respect de ces règles.

Ils précisent que les conditions pour l'opposabilité de la cession aux autres indivisaires ne sont pas remplies, le consentement de ces derniers sur la chose et sur le prix n'ayant pas été recueilli (article 815-3 du code civil).

À titre infiniment subsidiaire, ils plaident la nullité de la cession résultant de l'exercice du prétendu droit de préemption :

- par suite de violation du droit de préemption des coindivisaires, la cession au profit de la société Viadène étant elle-même soumise à l'absence de préemption par les autres membres de l'indivision, à savoir Olivia, Agathe et Camille,

- pour absence de cause, l'obligation de l'indivision trouvant sa cause dans l'obligation, pour le titulaire du droit de préemption de verser le prix et la société Viadène n'ayant toujours pas réglé le prix en contrepartie de la préemption des actions, ce qui rend la cause de l'obligation de l'indivision inexistante,

- à raison du défaut de paiement du prix et de l'absence de signature d'ordre de mouvement par le cédant,

Ils sollicitent, en cas d'illicéité, de nullité ou d'inopposabilité de la préemption des actions, le paiement des dividendes, non versés depuis l'exercice 2014. Une condamnation sous astreinte s'impose, les intimés n'ayant pas donnés suite à la sommation de communiquer relative au montant du dividende pour l'exercice 2016, afin de permettre l'actualisation du montant total de la demande en paiement.

En cas de mise en oeuvre opposable de la procédure de préemption,

ils concluent :

Sur la valeur ou le prix des actions préemptées, soulignant :

- ne pouvoir recourir qu'à une estimation faute pour les sociétés Viadène et R. Frères d'avoir répondu à la demande de communication des valeurs vénales des actions à la date du décès de Rémi C. et à la date de la notification de la préemption, soit le 26 mai 2015,

- la difficulté pour la société Viadène à payer le prix, puisqu'en l'absence de capacité financière de la société Viadène, une résolution de la vente à défaut de paiement du prix par l'acheteur sur le fondement de l'article 1654 du code civil pourrait être envisageable,

- la nécessaire réformation du jugement qui a désigné un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, inapplicable en l'espèce, les appelants ne pouvant être qualifiés d' 'actionnaires transférant' et aucun désaccord n'existant sur le prix, puisqu'aucun prix n'est proposé et donc refusé,

- la désignation possible d'un expert sur le fondement de l'article 1592 du code civil avec pour mission de déterminer la valeur des titres transmis au jour du décès de M. Rémi C., au jour de l'acceptation de la succession et la date du 26 mai 2015.

Sur la date de prise d'effet de la préemption, estimant que :

- au mieux, la préemption produit ses effets au jour de la notification par l'actionnaire préempteur auprès de la société R. Frères de sa décision de préempter, soit le 26 mai 2015,

- il n'est nullement fait état dans le courrier du 21 avril 2015, en faveur de l'actionnaire préempteur, d'une entrée en possession et jouissance des actions transférées, avec rétroactivité à la date du décès de l'actionnaire,

- la demande de la société Viadène tendant à obtenir le paiement du prix après déduction des dividendes perçus ne peut qu'être écartée, révélant une confusion entre les deux sociétés, les dividendes devant être versés par la société R. Frères.

Ils font état de conséquences financières à leur égard nettement préjudiciables, à raison des engagements de conservation souscrits, pris par leur auteur dans un premier temps puis individuellement pour 4 ans à compter de la date d'expiration, soit jusqu'au 23 décembre 2017, qu'ils ne sauraient alors respecter, engendrant l'obligation de payer à l'administration fiscale le montant des droits dus sur la quote-part des titres ayant bénéficié de l'abattement, soit 75 % de leur valeur.

La remise en cause de cette exonération, également pour les dividendes, entraîne l'exigibilité du complément des droits de mutation à titre gratuit, plus élevé puisqu'il sera calculé sur les valeurs des actions non en 2012 mais en 2015, l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du code général des impôts et une majoration de 40% éventuellement.

Ils soulignent que la détention des actions et la perception des dividendes a donné lieu à majoration de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, constituant un préjudice financier d'ordre fiscal dont ils demandent l'indemnisation.

Ils reviennent sur :

- la communication sous astreinte d'une pièce, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par le tribunal dans sa décision du 4 mai 2016,

- la liquidation de l'astreinte, le dispositif prévoyant une condamnation des appelants à liquider l'astreinte, ce qui est une prérogative juridictionnelle,

- le taux de l'astreinte, qui doit être révisé, cette dernière ayant été en partie exécutée et n'ayant pu commencé à courir, à raison de l'irrégularité de la signification de la décision.

Ils contestent toute faute et s'opposent aux demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 25 juin 2019, la société SA Viadène et la SA R. Frères demandent à la cour, au visa des articles 15, et 455 du Code de procédure civile, des articles 1130, 1134 (dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du10 février 2016) et 1240 du Code civil, des jugements du Tribunal de commerce d'Arras du 4 mai 2016 et du 10 mai 2017, de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Arras du 4 mai 2016 ;

- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Arras du 10 mai 2017 en ce qu'il a jugé licite la clause de préemption des statuts de R. Frères et valable la préemption des droits indivis dévolus à Guy et Sophie C. sur des actions R. Frères exercée par la société Viadène ;

- réformer le jugement du tribunal de commerce d'Arras du 10 mai 2017 pour le surplus;

- dire et juger que la préemption des droits indivis dévolus à Guy et Sophie C. sur des actions R. Frères exercée par la société Viadène a pris rétroactivement effet à la date de son fait générateur, à savoir le décès de Rémi C. survenu le 8 novembre 2012 ;

- dire et juger que le prix de ladite préemption doit être calculé sur la base de la valeur de ces droits indivis déclarée par Guy et Sophie C. à l'administration fiscale dans le cadre de la succession de Rémi C. et qu'il convient d'en déduire les dividendes indûment perçus par Guy et Sophie C. entre 2012 et 2015 ;

- constater que le prix dû par Viadène à raison de la préemption des droits indivis sur des actions R. Frères dévolus à Guy et Sophie C. s'élève, après déduction des dividendes indûment perçus par Guy et Sophie C., à 1.540.769,18€ pour Guy C. et à 1.155.578,38€ pour Sophie C. ;

- constater par conséquent qu'il n'y pas lieu de désigner un expert pour déterminer la valeur des droits indivis préemptés par Viadène et en toute hypothèse que la Cour ne serait pas compétente pour ce faire ;

- constater que la communication de pièce ordonnée sous astreinte de 200€ par jour de retard par le jugement du 4 mai 2016 a été exécutée par Guy C. et Sophie C. avec 385 jours de retard ;

- liquider par conséquent l'astreinte correspondante et condamner in solidum Guy C. et Sophie C. à verser à R. Frères et Viadène un montant total de 77.000€, réparti par moitié entre elles, hors intérêts à fixer par la Cour ;

- constater que la procédure engagée par Guy C. et Sophie C. est abusive, et les condamner in solidum à verser 50.000€ à R. Frères et 50.000€ à Viadène en réparation de leur préjudice ;

- condamner in solidum Guy C. et Sophie C. à verser à R. Frères 50.000€ et à Viadène 50.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Elles reviennent :

- sur le caractère familial de l'actionnariat de R. Frères, revenant sur la volonté des fondateurs, renforcée par l'adoption de nouveaux statuts, modifiés en 2011,

- sur le fait que c'est en parfaite connaissance de cause que les descendants des fondateurs, notamment Pascale R. et Rémi C. ont approuvé les statuts et la réglementation stricte de tout transfert des titres qu'ils ont instauré,

- sur l'article 10 des statuts qui prévoit que tout transfert de propriété des titres de la société implique 'à peine de nullité', le respect de diverses procédures destinées à contrôler l'évolution de l'actionnariat de la société et à préserver le caractère familial,

- sur la portée de cet article, qui s'applique à tous transfert réalisé par le cédant (à titre onéreux ou gratuit) ou qu'il résulte de son décès, dès lors que l'ascendant, descendant, frère ou soeur, d'un descendant des fondateurs n'est pas déjà actionnaire.

Elles soutiennent que :

- le transfert résultant du décès de Rémi C. est soumis au droit de préemption, puisque Guy et Sophie n'étant pas actionnaire de la société, le transfert à leur profit de droits indivis était subordonné à l'absence d'exercice par les actionnaires du droit de préemption instauré à leur profit par les statuts,

- Guy et Sophie avaient accepté la préemption, ne la contestant désormais que pour des raisons fiscales et ayant d'ailleurs indiqué aux termes d'un courrier ne pas être opposé à une cession à un actionnaire, à l'issue du délai de conservation,

- pendant plus de deux ans, Guy et Sophie C. ont retardé la préemption, soulignant qu'il aura fallu plus de deux ans après le décès de Rémi C. pour que l'identité des membres de l'indivision et le nombre exact d'actions ou droits indivis dévolus dans la succession de Rémi C. soient portés à la connaissance de la société,

- Guy et Sophie C. refusent de recevoir le prix de la préemption,

- depuis la préemption, la société R. Frères n'a jamais refusé le paiement des dividendes, soulignant seulement que le paiement d'une partie des dividendes revenant à l'indivision a été différé du fait de la préemption exercée par Viadène qui rendait caduque la convention d'indivision et par voie de conséquence le compte bancaire ouvert en vertu de cette convention.

Elles estiment que Guy et Sophie C. ont trompé la religion du tribunal en produisant une pièce 'caviardée'(courrier électronique entre M. B. et Olivia, Agathe et Camille C.), dont il ont tardé à remettre la version intégrale (condamnation sous astreinte du premier jugement, liquidation sous astreinte avec nouvelle production intégrale du second jugement) et dont ils contestent désormais la portée.

Elles sollicitent la confirmation du jugement du 4 mai 2016 aux motifs que :

- les dispositions relatives au juge chargé de l'instruction prévues aux articles 861-3 du code de procédure civile ne lui offrent que des pouvoirs facultatifs, délégués par la formation collégiale, sa compétence n'étant pas exclusive puisqu'il peut renvoyer à la formation de jugement,

- la pièce litigieuse n'a été produite que la veille de l'audience de plaidoirie, délibérément 'caviardée' et produite en son intégralité que le 16 juin 2017.

Elles demandent la confirmation partielle du jugement du 10 mai 2017, ce dernier étant conforme aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le fond, elles font valoir que :

- la clause de préemption prévue par les statuts est licite, contestant que ce soit un pacte sur succession future prohibé, cette théorie reposant sur une lecture erronée de l'article 1130 du code civil,

- les clauses de préemption exerçables entre vifs ou à cause de mort sont assimilables à des promesses post-mortem, dont la validité a été consacrée en jurisprudence, puisqu'elles créent un droit né et actuel pour le bénéficiaire, le promettant étant tenu dès la promesse d'une obligation dont seule l'exécution est différée,

- les objections des appelants ne résistent pas à l'analyse, tant sur la qualification d'engagement purement potestatif de Rémi C. qui ne peut être retenu en l'espèce puisque tous les transferts, entre vifs ou à cause de mort, sont envisagés, que sur l'absence de réunion des 3 conditions exigées pour la validité de telles promesses

(objet, prix, engagement irrévocable, naissance d'un droit actuel pur et simple),

- la cour de cassation ne subordonne pas la validité d'une telle promesse à une réitération par le promettant, avant sa mort, de sa volonté de céder ses titres, condition d'ailleurs qui est satisfaite en l'espèce,

- le régime applicable aux clauses d'agrément ne peut être appliqué au présent cas ni servir de base à un raisonnement par analogie.

Elles précisent que la préemption a été valablement exercée puisque :

- les délais de mise en oeuvre ont été respectés, la préemption ayant été effectuée dans le délai de 5 jours à compter du jour où la société a obtenu les informations relatives à la dévolution successorale de Rémi C.,

- la société justifie avoir notifié à tous ses actionnaires la dévolution successorale dans le délai de 5 jours, lequel expirait bien le 27 avril à raison de la prorogation induite par l'expiration du délai le dimanche 26 avril,

- les modalités d'exercice du droit de préemption sont applicables en cas de transfert résultant d'un décès, ce qui impose de les adapter dans un tel cas de figure, le successible, sans droit sur le capital pour ne pas être actionnaire, devant envoyer la notification concernant les informations requises et l'envoi de cette notification ayant seulement pour fonction de matérialiser la volonté que l'actionnaire décédé a exprimée de son vivant,

- la notification réalisée le 21 avril 2015, était régulière, soulignant que nul ne peut d'ailleurs se prévaloir de sa propre turpitude.

Elles s'opposent à toute contestation de la validité de l'exercice du droit de préemption par la société Viadène aux motifs que :

- la volonté de maintenir les actions entre les mains des descendants des fondateurs n'est aucunement un prétexte,

- la société Viadène est détenue exclusivement par des descendants des fondateurs, à l'exception de quelques actions détenues temporairement, soit en vertu de prêt d'action consenti par R., soit par des conjoints non divorcés de tels descendants, cette situation n'étant que l'héritage d'une situation antérieure à la réorganisation de 2011,

- la société Viadène justifie de sa qualité d'actionnaire de la société R. Frères,

- la société Viadène a exercé son droit de préemption dans le délai de 30 jours prévus par les statuts,

- la société Viadène a bien proposé un prix pour les droits indivis préemptés, puisqu'elle a indiqué dans son courrier que cette préemption se ferait à un prix calculé sur la base de la valeur des actions figurant dans la déclaration de succession, déduction faite des dividendes versés par la société R. depuis le 8 novembre 2012.

Elles considèrent les causes de nullité ou d'inopposabilité de la préemption dénuées de sérieux aux motifs que :

- la notion d'invisibilité interdit seulement la préemption partielle portant sur une cession au profit d'un seul et même cessionnaire, laquelle ne peut se voir retenue en cas de réalisation par un actionnaire de plusieurs transferts simultanés au profit de plusieurs cessionnaires différents,

- par hypothèse une préemption exerçable en cas de transfert résultant d'un décès s'exerce nécessairement après la mort, avec effet rétroactif à la date du décès, aucun transfert de propriété n'ayant pu intervenir dans l'intervalle puisque les statuts subordonnent ce transfert au respect de la procédure de préemption,

- le prix est déterminé, Viadène ayant donné son accord pour que le prix soit calculé sur la base de la valeur des actions R. Frères indiquée par Guy et Sophie C. dans la déclaration de succession,

- la règle fixée par l'article 815-3 du code civil, selon laquelle la cession du bien indivis requiert le consentement de tous les indivisaires, est inapplicable lorsque la cession porte sur un droit indivis, comme c'est le cas en l'espèce,

- le règlement du prix relève de l'exécution de la préemption et n'est pas une condition de sa validité, estimant quant à l'ordre de mouvement qu'il n'est requis qu'en cas de cession entre vifs,

- la cause de l'obligation du vendeur est l'obligation faite à l'acheteur de payer le prix et non son règlement, l'absence de règlement étant seulement imputable à Guy et Sophie C.,

- aucune violation du droit de préemption des indivisaires ne peut être retenue, puisque c'est Viadène qui, par la préemption, est réputée co-indivisaire d'Agathe, Camille et Olivia, opération qui ne leur avait pas conféré un droit de préemption sur les droits de Guy et Sophie C., puisqu'ils n'ont jamais été les co-indivisaires de ces derniers.

Elles en déduisent que :

- les demandes relatives au paiement des dividendes non versés depuis 2014 seront rejetées,

- la demande d'indemnisation du préjudice fiscal du fait de l'exercice du droit de préemption devra être rejetée en l'absence de toute faute commise par la société R. et Viadène.

Elles sollicitent la réformation du jugement sur :

- la liquidation de l'astreinte, que le tribunal a entendu liquider sans le pouvoir faute de production de la pièce,

- la date de prise d'effet de la préemption, qui doit dépendre non de sa date d'exercice, qui résulte des manoeuvres de Guy et Sophie C. mais doit correspondre à son fait générateur (le décès de Rémi), les appelants bénéficiant sinon d'une prime par rapport au prix qui leur est dû en leur permettant de bénéficier de la croissance de la valeur des actions R. Frères pendant la période,

- la condamnation de Guy et Sophie C. pour procédure abusive, l'action de ces derniers étant manifestement infondée et n'étant motivée que par des considérations fiscales.

Par note en délibéré en date du 14 novembre 2019, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur les conséquences du moyen relevé d'office de l'absence d' 'opération de nature à transférer les droits' sur les actions au sens retenu par les statuts sur leurs prétentions respectives en ce qui concerne l'exercice d'un éventuel droit de préemption, sous réserve de la validité de la clause litigieuse.

Par note en délibéré du 18 novembre 2019, les parties ont été invitées à présenter leurs observations, faute de partage, sur le moyen relevé d'office de l'irrecevabilité des demandes présentées par M. Guy et Sophie C. en paiement de la quote-part des dividendes pour les exercices 2015 à 2018.

Par note RPVA en date du 25 novembre 2019, les consorts C. estiment, s'agissant du premier moyen relevé par la cour, que :

- le décès constitue un fait juridique et non pas un acte ou une opération juridique, nécessitant une manifestation expresse de volonté,

- le champ de la clause de préemption est restreint aux seules opérations juridique emportant un transfert en pleine propriété,

- si dans la liste des opérations il est mentionné de manière expresse le décès, cette présentation contradictoire impose que la clause soit interprétée dans l'intérêt de celui qui s'engage, soit en faveur des actionnaires,

- telle que rédigée, la clause est inapplicable, ce d'autant que les clauses relatives au droit de préemption constituent une entrave au principe de libre transmissibilité des actions, imposant une interprétation stricte,

- l'intention des parties s'extirpe des autres alinéas de l'article 10, démontrant que les parties n'entendaient pas inclure le décès dans le champs d'application du droit de préemption,

' les termes 'envisage', 'renonciation au transfert' souligne l'inapplicabilité de cette clause au décès.

Quant au second moyen relevé, elle souligne que :

- les consorts C. ont qualité à agir dans la présente procédure, indépendamment de l'existence ou non d'un partage, cette qualité résultant du décès de Rémi C. mais également de leur qualité d'indivisaire,

- l'absence d'intervention des autres indivisaires à la procédure n'affecte pas cette qualité,

- la demande en paiement ne porte pas sur les actions en indivision mais sur les fruits de ces actions, et donc des droits qui leur sont propres,

- chaque indivisaire dispose d'un droit aux bénéfices provenant des biens indivis proportionnels à ses droits dans l'indivision, en application de l'article 815-10 alinéa 4 du code civil,

- selon la doctrine, les associés coindivisaires peuvent participer aux dividendes perçus des parts sociales et actions, en demandant annuellement le partage des bénéfices produits par les biens indivis sans que l'accord des autres soit nécessaire,

- la demande vise à obtenir la réparation d'un préjudice qui ne concerne pas l'indivision mais d'un préjudice personnel et qui leur est propre,

- le préjudice n'est pas seulement un préjudice financier, M Guy C. et Mme Sophie C. sont privés de tous les autres droits liés à la détention des actions, et notamment du droit de participer aux assemblées générales et d'exercer leur droit de vote,

- un coindivisaire peut, sans le concours des autres indivisaires, réclamer la réparation d'un préjudice qui lui est personnel même si ce préjudice est lié à la propriété du bien indivis.

Par note en délibéré en date du 28 novembre 2019, la Société R. et la Société Viadène font valoir que :

- les statuts emploient le terme ' opération' sans la qualifier, ce terme vague ne correspondant nullement à celle d'acte juridique,

- en droit français le décès entraîne de plein droit un transfert de propriété du de cujus à l'héritier sans qu'un partage soit nécessaire,

- le transfert de propriété 's'opère' du seul fait du décès, ce qui justifie l'emploi du terme opération dans le cadre des statuts,

- la définition statutaire des transfert est parfaitement claire et inclut notamment le transfert de propriété résultant d'un décès,

- elle n'a fait l'objet d'aucune contestation de la part des appelants jusqu'à ce jour,

- la rédaction des statuts exclut que ce droit de préemption soit retardé jusqu'à la survenance d'un partage entre les héritiers, ce qui mettrait en échec le but recherché par les rédacteurs des statuts visant à préserver à tout moment le caractère familial de l'actionnariat.

Quant à la demande de versement de la quote part des droits indivis, elles reviennent sur les différents cas se présentant à la cour. Elles soulignent, au cas où la cour jugerait nulle la clause ou considèrerait qu'elle n'a pas été valablement mise en oeuvre que :

- les titulaires de droits indivis sur des actions n'ont pas qualité pour agir directement en paiement de ces dividendes à leur profit, cette qualité étant réservée à la personne désignée à la société pour représenter l'indivision,

- l'article 724 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, aucun bien n'ayant été soustrait,

- l'article 815- 11 du code civil ne concerne que la demande formée par un indivisaire de réparation des bénéfices de l'indivision, mais est à adresser à la personne chargée de gérer les comptes de l'indivision, et non à la personne qui les verse.

- si par extraordinaire, la préemption par la société Viadène était invalidée, cette dernière reverserai à Guy et Sophie C. leur quote part de dividendes pour les exercices 2015 à 2018.

Quant au prix de l'action, elles soulignent que :

- les années 2015, 2016, 2017 et 2018 ne sont pas en litige, l'évaluation correspondant à ces années ne paraissant pas pouvoir être utile,

- le prix des actions est fixé chaque année par un collège d'experts et c'est leur valeur à la hausse depuis quelques années qui explique pourquoi Sophie et Guy C. tentent tout pour retarder l'exercice du droit de préemption,

MOTIVATION

Au préalable, il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que ....' ou 'dire que...', telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Sur la nullité des jugements

1) sur la nullité du jugement du 4 mai 2016 et les pouvoirs du juge chargé d'instruire l'affaire

L'article 861 du code de procédure civile dispose qu'en l'absence de conciliation, l'affaire est examinée par la formation de jugement qui peut renvoyer à une audience ultérieure ou 'confier à l'un de ses membres le soin de l'instruire en qualité de juge rapporteur'.

Conformément aux dispositions de l'article 865 alinéa 2, le juge chargé d'instruire l'affaire tranche les difficultés relatives à la communication des pièces.

L'article 866 du même code précise que les mesures prises par le juge chargé d'instruire l'affaire sont l'objet d'une simple mention au dossier ; avis est donné aux parties . Toutefois dans les cas prévus à l'article précédent, le juge statue par ordonnance motivée sous réserve des règles particulières aux mesures d'instruction.

La décision de confier l'instruction d'une affaire à un magistrat relève de la compétence de la formation de jugement, qui choisit librement entre le renvoi et le recours à ce magistrat, lequel ne bénéficie toutefois d'aucune exclusivité, quels que soient les pouvoirs considérés, dès lors qu'ils ressortissent des actes visés aux articles 861-3 à 865 du code de procédure civile.

Si le recours à un magistrat chargé d'instruire l'affaire est un choix discrétionnaire et que ledit juge peut renvoyer le règlement de la difficulté dont il est saisi alors même qu'elle relève de sa compétence à la formation de jugement, les parties doivent cependant être en mesure de déterminer qui de la formation de jugement ou du magistrat chargé d'instruire l'affaire à statuer et connaître les noms ou le nom des membres composant la juridiction.

Or, en l'espèce, une ambiguïté certaine entache la procédure suivie et ayant donné lieu à la décision du 4 mai 2016, sans que puisse, au vu des mentions de celle-ci, être déterminé avec certitude la juridiction ayant statué sur la demande de communication de pièces.

En effet, alors que la société R. Frères et la société Viadène adressent une demande de communication de pièces, par conclusions d'incident, au juge chargé d'instruire l'affaire, M. Guy C. et Mme Sophie C. formalisent une réponse par des conclusions adressées au tribunal.

Mais plus encore, la décision du 4 mai 2016 est à l'en-tête du tribunal de commerce d'Arras et énonce avoir été rendue en audience publique, par une collégialité de trois magistrats, après avoir été entendue par une autre collégialité de trois magistrats qui ont participé au délibéré, l'exposé du litige évoquant des demandes faites au tribunal.

Si le paragraphe relatif à la motivation s'ouvre par la mention 'sur ce le tribunal', la motivation renvoie à un juge, qui est bien distinct du tribunal, le dispositif de ladite décision étant rendue par 'le juge du tribunal de commerce statuant publiquement, en premier ressort, et par ordonnance contradictoire'.

La juridiction ayant statué et l'auteur de cette décision ne sauraient être déterminées, au vu de ces différentes énonciations et de ces multiples contradictions internes, le simple fait que M. C. soit le signataire de cette décision et le seul membre deux collégialités évoquées dans le chapeau de la décision étant insuffisant pour affirmer que cette décision serait l'oeuvre du juge chargé de l'instruction et qu'il en soit avec certitude l'unique auteur.

Conformément à l'article 458 du code de procédure civile, lequel renvoi aux prescriptions des articles 447, 451, 454 en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1er) et 456, la nullité de cette décision s'impose, sans que puisse être opposée l'alinéa 2 de cette disposition, les parties n'étant pas en mesure lors du prononcé de la décision de faire dresser au registre d'audience une quelconque observation faute de pouvoir se rendre compte, au vu de la collégialité et de la présence de M. C. dans les deux compositions, de la difficulté.

2) sur l'absence de motivation du jugement du 10 mai 2017 et

ses conséquences

L'aliéna 1 de l'article 455 in fine, auquel renvoie l'article 458 du code de procédure civile envisageant la nullité de la décision, énonce que le jugement doit être motivé.

En vertu de l'alinéa 2 de l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent appel, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Le défaut de motivation ou l'insuffisance de la motivation ne saurait conduire à une réformation automatique de la décision déférée, comme le soutient les appelants, mais à son annulation.

Or, la cour n'est saisie d'aucune demande d'annulation du jugement de ce chef, M. Guy C. et Mme Sophie C. se contentant d'en appeler à la réformation dudit jugement dans leur dispositif.

Sans examiner plus avant les moyens développés de ce chef, quand bien même le raisonnement suivi par les juges dans les motifs du jugement est indéniablement exposé de manière elliptique et laconique, la cour ne peut que débouter les appelants de leur demande de réformation de ce chef du jugement en date du 10 mai 2017.

Sur la clause des statuts et la préemption

En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

1) sur le contenu de la clause

Une modification des statuts de la société SA R. Frères a été adoptée aux fins d'introduire un article 10 sur la cession et la transmission des actions, avec un paragraphe sur la préemption ainsi rédigé :

1. Principe de préemption et champ d'application :

a) tout Transfert (ci-après défini) de Valeurs Mobilières(ci-après définies) de la société par un actionnaire (ci-après 'l'actionnaire transférant') est soumis aux droits de préemption dans les conditions ci-après visées.

b) par transfert au sens des présentes, il faut entendre toute opération, à titre onéreux ou gratuit, entre vifs ou à cause de mort, entraînant le transfert de la pleine propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit de Valeurs Mobilières de la Société, notamment sans que cette liste soit exhaustive, les cessions, apports, échanges, partage par suite de dissolution, constitution de fiducie (de vote ou autre), fusion (notamment par voie de transmission universelle de patrimoine), scission, donations, décès, adjudications. Est exclu le Transfert résultant d'un achat par une société de ses propres titres.

c)Toutefois, ne sont pas soumis au droit de préemption ...

d) par Valeur mobilière, il faut entendre tout titre représentatif d'une quotité du capital ou donnant droit, de façon immédiate ou différée, à l'attribution d'un titre représentatif d'une quotité du capital, ou à un droit de créance générale sur son patrimoine, et plus généralement, toute valeur visée au chapitre VIII du livre 2ème du code de commerce.

L'expression vise également les droits d'attribution en cas d'augmentation de capital par incorporation de réserves, primes, d'émission ou bénéfices ainsi que les droits de souscription à une augmentation de capital par voie d'apports en numéraire ou de renonciation individuelle au droit de souscription en faveur de personne dénommées...

2. Exercice du droit de préemption :

a) le droit de préemption s'exerce au profit de tous les actionnaires.

b) l'actionnaire qui envisage de transférer tout ou partie de ses Valeurs Mobilières est tenu de le notifier au préalable au président du Conseil d'Administration de la Société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant le nombre et la nature des Valeurs Mobilières concernées, le prix proposé ou la valeur retenue, l'identité du bénéficiaire pressenti ainsi que les autres conditions du Transfert (conditions de paiement offertes et conditions de garanties demandées) ainsi que tous documents justifiant des conditions du transfert projeté...'

De cette stipulation, on peut retenir que, de manière très générale, a été organisé un droit de préemption au profit de tous les actionnaires et auquel doit se soumettre tout actionnaire conduit à transférer des titres de ladite société, dès lors qu'il ne relève pas des exclusions prévues à l'alinéa c du paragraphe I, 1).

Ainsi, cette préemption peut concerner toute opération entraînant un 'transfert de la pleine propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit de Valeurs Mobilières', la stipulation précitée précisant qu'elle a lieu de s'appliquer tant pour les opérations 'à titre onéreux ou gratuit, entre vifs ou à cause de mort'.

Figure d'ailleurs à la suite de cette définition générale, une liste non exhaustive visant à illustrer les opérations susceptibles de donner lieu à application du droit de préemption, qui se réfère, hormis l'emploi du terme 'décès', à des opérations juridiques.

Quand bien même indéniablement, en droit français, le décès opère transfert de la propriété de plein droit du de cujus à l'héritier par le biais d'une fiction rétroactive à la date de la mort à l'issue du partage, le décès et la mort étant synonyme, il ne peut être raisonnablement soutenu, au vu de la rédaction de la clause, que le décès soit l'opération en elle-même, puisqu'elle n'est plus alors 'à cause de mort'.

L'emploi du terme 'décès' dans le cadre de cette énumération est une maladresse de langage, dès lors même que le décès est un simple fait et ne saurait relever de la catégorie envisagée par le principe énoncé juste auparavant des 'opérations à cause de mort', à savoir dont la cause trouve leur origine dans la mort mais qui en sont la suite juridique.

Cette lecture est d'ailleurs confirmée par les stipulations générales prévues en exergue de cet article 10 intitulé cession et transmission des actions, qui réglemente la preuve de la propriété des actions et leur inscription sur les comptes tenus à cet effet au siège de la société, lesquelles précisent que 'la transmission d'actions, à titre gratuit ou en suite de décès, est également mentionnée sur le registre des mouvements et dans les comptes individuels d'actions, sur justification de la mutation dans les conditions légales et sous réserve, le cas échéant du respect de la procédure ci-après.'

Ainsi, cette priorité offerte aux actionnaires a vocation à régir tout transfert envisagé par l'actionnaire cédant, tant de son vivant qu'à la suite à son décès, dès lors qu'a lieu une opération juridique de nature à entraîner le transfert de la pleine propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit des valeurs mobilières qu'il possédait.

Si la validité même de l'introduction d'une clause de préemption dans les statuts d'une SA n'est pas sujette à discussion, les parties s'opposent quant à la validité d'une telle clause pour cause de mort, qui recouvrerait, selon les appelants, un pacte sur succession future prohibé, tandis que les intimés objectent qu'il s'agit en réalité d'une promesse de vente post mortem, valide.

2) sur la validité de cette clause de préemption à cause de mort

En vertu des dispositions de l'article 722 du code civil, les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou d'un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi.

L'article 1130, dans sa rédaction applicable à l'espèce, en disposant qu'on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit, que dans les conditions prévues par la loi, réitère cette prohibition.

S'agissant d'une prohibition d'ordre public, est inopérant le moyen selon lequel le principal intéressé serait intervenu au pacte ou qu'un des successibles ait pu indiquer n'avoir aucune objection à formuler à l'égard de la clause de préemption, tel que cela résulte du courrier de M. Guy C. à M. Edouard R. en date du 22 janvier 2014.

Ainsi, constitue un pacte sur succession future toute convention ou toute stipulation qui a pour objet d'attribuer un droit privatif éventuel sur tout ou partie d'une succession non ouverte.

Sont donc nécessaires trois éléments : un élément consensuel, un élément successoral et un élément éventuel, l'objet du pacte étant le plus délicat à circonscrire.

Prenant la forme d'une stipulation intégrée dans les statuts, ce pacte, peu important que cette convention ait pour objet l'universalité ou une quote part de la succession ou un bien particulier, porte bien en l'espèce sur une succession non ouverte, lesdits statuts ayant été modifiés et ladite clause intégrée avant le décès de Pascale R. et de Rémi C..

S'agissant de l'objet, au droit privatif éventuel est opposé le droit de créance actuel dont seule l'exigibilité est différée, caractéristique de la promesse post mortem valide.

Toutefois, contrairement à ce que sous-entendent les parties qui s'escriment à analyser la volonté de céder de Pascale R. et Rémi C. de leur vivant, le simple fait que la convention ne constitue pas une promesse de vente ou une vente conditionnelle ne saurait induire de facto qu'il s'agit d'un pacte prohibé.

En l'espèce, la disposition précitée s'insère dans des statuts, à savoir l'édiction de règles contractuelles qui régissent les rapports entre associés mais aussi les rapports à l'égard des tiers, lesquelles ne comportent aucune promesse de vente déterminée mais ne prévoient pas non plus l'attribution d'un droit en suspens.

Elle édicte uniquement la charge pour l'actionnaire au profit des autres actionnaires d'offrir une priorité à ces derniers en cas de transfert envisagé aux fins de les substituer alors à l'acquéreur dans les droits et obligations cédés.

Cette charge grevant tout transfert, tant à cause de mort qu'entre vifs, envisagé par l'actionnaire cédant, n'est pas le moyen de mettre à la charge de sa succession des obligations auxquels il se soustrait de son vivant.

De même cette obligation ne modifie aucunement le patrimoine héréditaire et ne porte pas plus atteinte à un mécanisme successoral et aux règles de dévolution sucessorale, puisqu'elle ne restreint ni la liberté du de cujus de disposer de ses titres, ni celle de l'héritier présomptif d'accepter ou non la succession.

Elle ne prive pas plus ce dernier d'une partie des droits qu'il serait amené à percevoir dans le règlement de la succession de son de cujus, puisque l'exercice de cette préemption suppose que les héritiers aient marqué leur volonté de sortir de l'indivision successorale et qu'ils reçoivent alors, en contrepartie de leurs droits préemptés et à raison de leur volonté de sortir de l'indivision successorale, un véritable équivalent monétaire.

La charge ainsi prévue est une obligation, ferme et actuelle au profit des autres actionnaires, attachée à la qualité d'actionnaire en vue non de perturber les mécanismes successoraux mais de préserver le caractère familial de la société et l'actionnariat existant, pesant du vivant de l'actionnaire sur ce dernier, pouvant produire ses effets tant du vivant que suite au décès, et transmise d'ailleurs comme toutes les autres règles et obligations édictées par les statuts aux différents héritiers dans le cadre du recueil des actions dévolues par suite du décès de leur de cujus.

Le fait que l'article L 228-23 du code de commerce prévoit pour la clause d'agrément que cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial, ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou un descendant n'est pas de nature, s'agissant d'une exception qui ne peut s'interpréter que restrictivement et relative à une clause tout à fait distincte de la clause de préemption, à conduire par analogie ou extrapolation, à écarter la présente clause.

L'exercice seulement partiel de la préemption par la société Viadène dans le présent litige et l'appropriation par ce biais des titres de certains héritiers, à supposer ce fait valable, constituent une critique des modalités de mise en oeuvre du droit mais ne sont pas une conséquence nécessaire et directe, induite par la clause elle-même et dont il est démontré qu'elle était recherchée par leur auteur.

En conséquence, ce moyen sera écarté.

3) sur les conditions de l'exercice du droit de préemption par Viadène

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Au vu de la clause ci-dessus exposée, il incombe aux intimées de démontrer qu'une opération juridique à cause de mort a entraîné le transfert des titres aux héritiers, permettant alors la mise en oeuvre de la clause précitée.

Rappelant le décès de Rémi C. intervenu en novembre 2012, la société Viadène et la société R. Frères estiment que l'indivision, et plus précisément Guy et Sophie C. ont retardé pendant plus de deux ans la possibilité de purger le droit de préemption prévu par les statuts en refusant de communiquer la dévolution successorale.

Or, la dévolution consiste à déterminer les personnes que la loi appelle à la succession et l'ordre dans lequel elles se présentent lorsque le défunt n'a pas ou a incomplètement testé ou lorsque son pouvoir de disposition était restreint par la présence d'héritiers réservataires.

Elle n'est que la première étape, nécessaire mais insuffisante, pour permettre la transmission de la succession, avant que la liquidation puis le partage de la succession, mettant ainsi fin à l'indivision successorale, puissent être réalisées.

Le courrier du 21 avril 2015, adressé par le conseil de l'indivision successorale à la société R. Frère, dont se prévalent la société Viadène et la société R. Frères, outre qu'il vise essentiellement à solliciter le paiement des dividendes, ne fait que rappeler l'existence d'une convention d'indivision et la composition de ladite indivision.

Cette missive précise la teneur des droits de chacun des indivisaires. Elle n'est toutefois que l'exposé de la fraction théorique du droit individuel, qui dans l'indivision successorale correspond au quantum de la part héréditaire de son titulaire, ce dernier étant, jusqu'au partage, propriétaire de la totalité des biens indivis considérés dans leur nature.

La mort du titulaire du patrimoine a certes apporté un changement radical. Elle n'est toutefois qu'un fait qui donne naissance à une situation nouvelle, l'indivision successorale, qui ne sont l'une comme l'autre pas 'une opération juridique de nature à entraîner le transfert', exigé par l'article 10 des statuts pour permettre la mise en oeuvre du droit de préemption reconnue.

Ainsi, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, la préemption opérée par la société Viadène, par courrier du 26 mai 2015, sur les parts de Sophie C. et Guy C., à la suite de la procédure mise en oeuvre par la société R. Frères par courrier du 27 avril 2015, est nulle dès lors que ces courriers ne font pas suite à une opération de nature à entraîner le transfert en pleine propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit des valeurs mobilières appartenant à Pascale R. et Rémi C..

La décision des premiers juges sera donc infirmée en ce qu'elle considère la préemption réalisée par la société Viadène valable et désigne un expert pour déterminer la valeur des titres préemptés par la société Viadène au jour de la notification effectuée auprès de la société R. Frères, soit le 26 mai 2015.

Sur la communication de la pièce et la liquidation de l'astreinte

À raison de l'annulation du jugement en date du 4 mai 2016, la demande de liquidation de l'astreinte prononcée par ledit jugement est vouée à l'échec, le titre prononçant ladite astreinte étant rétroactivement anéanti.

La société Viadène et la société R. Frères seront donc déboutées de leur demande de ce chef et le jugement sera infirmé en ce qu'il a 'condamné in solidum

M. et Mme C. à liquider l'astreinte de 200 euros par jour de retard, stipulée par le jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 4 mai 2016, et ce à compter du 28 mai 2016, soit 10 jours après la date de signification dudit jugement'.

À raison de l'effet dévolutif de l'appel conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile la cour doit statuer sur la demande présentée par la Société Viadène et la Société R. Frères de communication du courrier électronique en date du 8 juillet 2013 en son intégralité, demande qui avait été réitérée lors du jugement sur le fond en première instance, auquel le tribunal a fait à nouveau droit, sans astreinte toutefois dans le jugement du 10 mai 2017.

Sans qu'il y ait lieu même de s'interroger sur la date à laquelle les intimés ont obtenu la communication, sur le caractère complet ou non de cette communication, et sur l'intérêt pour les intimés d'obtenir cette pièce afin de permettre la résolution du présent litige, il ne peut qu'être constaté que cette demande de communication est devenue sans objet, ladite pièce ayant été produite aux débats dans son intégralité et transmises entre les parties depuis.

En conséquence, la décision en date du 10 mai 2017 ne peut qu'être infirmée en ce qu'elle enjoint à communiquer ladite pièce.

Sur les demandes présentées par Guy et Sophie C.

1) au titre la quote part de leurs dividendes

En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Conformément aux dispositions de l'article 125 du même code, le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Cette liste n'est pas exhaustive.

De manière inopportune et contradictoire, au terme de leur note en délibéré, Sophie et Guy C., qui envisagent 'la demande tendant à obtenir le paiement de la quote-part leur recevant au titre des dividendes', évoquent 'une demande visant à obtenir la réparation d'un préjudice qui ne concerne pas l'indivision mais un préjudice qui leur est propre'.

Or cette demande n'est, à la différence de celle au titre du préjudice moral, qui ne pose en terme de recevabilité aucune difficulté, nullement une demande indemnitaire, mais, au vu de la rédaction retenue au terme des conclusions récapitulatives de Guy et Sophie C., une demande en paiement contre un tiers à leur profit de leur quote part dans les dividendes dues par ce tiers.

Les développements de Sophie et Guy C. au titre de la nature de leur préjudice et ses caractéristiques sont donc totalement inopérants.

Il ne saurait être tirer argument des dispositions de l'article 724 alinéa 1 du code civil, aux termes duquel les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt pour rendre recevable une telle demande.

S'il a pu être reconnu à tout héritier, même avant partage et même sans le concours des autres indivisaires, la possibilité d'agir contre le tiers-détenteur d'un bien qui aurait été soustrait à l'actif même de la succession, il ne peut qu'être souligné que les dividendes, qui sont des fruits ne sont pas l'actif même de la succession, mais uniquement son accroissement.

En outre, la demande de l'héritier, ainsi permise, a vocation à reconstituer l'actif même de la succession afin de permettre un retour du bien à l'indivision et pour le compte de l'indivision et non à permettre une appropriation directement par un des membres de l'indivision à son profit de ce bien ou d'une partie de ce bien en fonction de ses droits dans l'indivision.

Ce moyen n'est donc pas fondé.

L'alinéa 1 de article 815-11 du code civil, lequel prévoit que tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, ne peut pas plus justifier la recevabilité de la demande de Sophie et Guy C. d'obtenir d'un tiers, même cantonnée à la quote part attachée à leur qualité d'héritier, le paiement des fruits annuellement dus à l'indivision.

L'article précité n'est qu'une dérogation au principe posé par l'article 815-10 du même code, selon lequel les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.

Il n'est pas démontré en l'espèce, et notamment dans le cadre de la convention d'indivision mise en place, que les co-indivisaires aient convenu d'y déroger, en déterminant conventionnellement le sort des fruits et revenus.

Le droit de demander l'attribution de sa part annuelle dans les bénéfices est un droit individuel de chaque indivisaire, mais concerne les règles de fonctionnement de l'indivision, ce qui suppose une démarche amiable, puis éventuellement judiciaire en cas de contestation devant le président du tribunal de grande instance, entre indivisaires et au vu d'un compte annuel de gestion portant sur l'ensemble des biens de l'indivision, et non les tiers.

Seule une action menée au nom de l'indivision par tous les indivisaires ou leur mandataire, ou en cas d'opposition par l'un des membres expressément habilité par le président du tribunal de grande instance pour agir au nom de l'indivision, permet de réclamer le paiement des dividendes, qui ne saurait être cantonnée à une quote part mais à l'ensemble des dividendes dus par le tiers à l'indivision pour chaque année, lesquels pourront ensuite faire l'objet d'une répartition entre les membres de l'indivision annuellement conformément aux dispositions de l'article 815-11 alinéa 1 et suivants.

M. Guy C. et Mme Sophie C. ne peuvent dès lors en leur seul nom et pour leur seul compte former une demande en paiement à un tiers à leur profit d'une part des dividendes, et non de l'intégralités des dividendes dues à l'indivision.

2) au titre de leur préjudice moral

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Aucun moyen, tant de droit que de fait, n'étant évoqué au soutien de cette prétention, elle ne peut qu'être rejetée, faute de démontrer la faute, le préjudice et le lien de causalité nécessaire au succès de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

L'article 546 du code de procédure civile dispose que le droit d'appel est un droit qui appartient à toute partie qui y a intérêt, sous réserve toutefois de l'abus. Le fait d'intenter une action ou d'opposer des moyens de défense à une demande n'est pas en soi générateur de responsabilité et la succombance du plaideur ne caractérise pas sa faute.

La société Viadène et la Société R. Frères sollicitent une somme de

50 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sans toutefois caractériser la faute ayant fait dégénérer en abus la résistance et l'appel de Sophie et Guy C..

Aucun des moyens allégués, qui n'est d'ailleurs étayé par de quelconques éléments objectifs, n'est susceptible de caractériser un abus de droit , étant observé qu'il a été fait droit aux demandes présentées par Sophie et Guy C..

Les sociétés Viadène et R. Frères sont donc déboutées de leur demande respective de ce chef, et la décision de première instance est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande.

Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Viadène et la société R. Frères succombant en leur prétentions, elles sont condamnées in solidum aux dépens.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société R. et la société Viadène à payer à Guy C. et Sophie C. la somme de 12.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ANNULE le jugement du tribunal d'Arras rendu le 4 mai 2016 ;

Vu l'effet dévolutif de l'appel ;

REJETTE la demande de communication de pièces, devenue sans objet ;

INFIRME le jugement du tribunal d'Arras en date du 10 mai 2017, sauf en ce qu'il a débouté la société Viadène et la société R. Frères de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

REJETTE la demande de nullité de la clause de préemption insérée dans les statuts ;

PRONONCE la nullité de la préemption réalisée par courrier du 26 mai 2015, sur les parts de Sophie C. et Guy C., à la suite de la procédure mise en oeuvre par la société R. par courrier du 27 avril 2015 ;

REJETTE la demande de communication de pièces, devenue sans objet ;

DÉBOUTE la société Viadène et la société R. Frères de leur demande de liquidation de l'astreinte ;

DÉCLARE irrecevables Guy et Sophie C. en leur demande de condamnation de la société R. Frères au paiement d'une quote part des dividendes sur le compte de l'indivision existante entre Olivia, Camille, Agathe, Sophie et Guy C., pour les exercices 2015 à 2018 ;

DÉBOUTE Guy et Sophie C. de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

CONDAMNE in solidum la société R. Frères et la société Viadène à payer à

Guy C. et Sophie C. la somme de 12.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société R. Frères et la société Viadène de leurs demandes d'indemnité procédurale respectives ;

CONDAMNE in solidum la société R. Frères et la société Viadène aux dépens de première instance et d'appel.