Cass. com., 12 mars 2013, n° 11-19.730
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gérard
Avocats :
Me Spinosi, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 2011) et les productions, que le 12 septembre 2008 la société JJW a souscrit une promesse unilatérale d'achat de titres de diverses sociétés, intitulée " Bell 1 Put Option ", moyennant un premier dépôt de 50 millions d'euros entre les mains d'un séquestre, devant s'imputer sur le prix de vente à la réalisation de l'opération, au bénéfice de la société Groupe du Louvre (la société GDL) et de la société du Louvre La Fayette, anciennement dénommée Société du Louvre (la société SDL), qui se sont engagées à en réserver l'exclusivité au promettant durant une période dite de suspension ; que le 2 février 2009, les parties ont conclu une promesse complémentaire, dite " d'achat combiné " ou " Combined Put Option ", incluant de nouveaux biens dans le périmètre d'acquisition, le prix global étant augmenté ; que cet accord, reprenant l'engagement d'exclusivité des sociétés GDL et SDL, a prévu la libération du premier dépôt de garantie de 50 millions d'euros entre les mains de la société GDL à titre de premier versement et la constitution d'une garantie bancaire d'un montant de 50 millions d'euros ainsi que deux versements ultérieurs de 50 millions d'euros chacun, en fonction de la réalisation de certains événements ; que se prévalant de la violation d'un avenant du 11 mars 2009, contesté par la société JJW, les sociétés GDL et SDL lui ont notifié le 24 mars 2009 la résiliation des conventions avec effet immédiat et lui ont réclamé le règlement d'une indemnité de 100 millions d'euros stipulée à l'avenant ; que les sociétés GDL et SDL ont assigné en paiement et en dommages-intérêts la société JJW, laquelle, invoquant la violation de leur obligation d'exclusivité, a demandé leur condamnation reconventionnelle en dommages-intérêts et a assigné en communication de pièces les sociétés Y...holding, Y...services, Y...expertises et Y...Group holdings (les société du groupe Y...), et les sociétés CB X...Valuation, CB X...Agency, CB X...Corporate, CB X..., CB X...résidentiel, CB X...hôtels, CB X...capital Markets, CB X...Debt Advisory, CB X...Consulting, CB X...ressources et CB X...E...F... (les sociétés du groupe CB X...) ; que la société JJW a obtenu du juge des référés la désignation d'un huissier de justice, pour rechercher les preuves de l'éventuelle violation d'exclusivité ; que la restitution des documents saisis a été ordonnée, sans communication à la société JJW, par le juge rapporteur, puis par jugement du 8 avril 2010 ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° Y 11-19. 730 :
Attendu que la société JJW fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu d'annuler le jugement et de l'avoir confirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent, en ce qu'il a dit que les sociétés GDL et SDL étaient fondées, le 24 mars 2009, à mettre un terme aux accords et de conserver le versement de 50 millions d'euros effectué le 12 septembre 2008 par la société JJW, en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnité des sociétés GDL et SDL en application de l'article 10 du contrat et de publication de la décision dans la presse, en ce qu'il a implicitement rejeté la demande de la société JJW de communication de pièces, objet des saisies pratiquées le 24 juillet 2009, et en ce qu'il a condamné la société JJW aux dépens de première instance, alors, selon le moyen :
1°/ que l'annulation d'une décision en appel entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite ou l'application de la décision annulée ; qu'en l'espèce, le jugement du 8 avril 2010, rendu entre les parties et statuant sur la question de la méconnaissance, par les sociétés GDL et SDL, de leur engagement relatif à l'exclusivité consentie à la société JJW, était la suite de l'ordonnance du 7 décembre 2009 ayant refusé la communication à la société JJW des pièces susceptibles de prouver la violation de cet engagement relatif à l'exclusivité ; qu'en jugeant pourtant que l'annulation de l'ordonnance du 7 décembre 2009 n'entraînait pas l'annulation du jugement du 8 avril 2010, la cour d'appel a violé l'article 542 du code de procédure civile ;
2°/ que pour annuler l'ordonnance du 7 décembre 2009, la cour d'appel a expressément constaté qu'en disant que « l'objectif de la requête initiale de la société JJW Ltd de connaître les manquements éventuels de la societe Groupe du Louvre et de la Société du Louvre à leurs obligations contractuelles d'exclusivité est aujourd'hui atteint pour permettre à la société JJW Ltd d'agir contre ces derniers sur le fondement de l'inexécution desdites obligations », le juge rapporteur avait fondé l'essentiel de sa décision sur des constatations et des appréciations résultant de sa prise de connaissance personnelle des pièces litigieuses, sans en avoir préalablement dressé procès-verbal, et qu'il avait dès lors méconnu les droits de la défense de la société JJW ; que la cour d'appel a constaté que dans son jugement du 8 avril 2010, le tribunal avait repris exactement le même motif, mais a considéré que l'existence de ce motif permettait d'écarter l'annulation demandée ; qu'en s'abstenant de considérer que le jugement, qui statuait par des motifs identiques, était entaché de la même violation des droits de la défense que l'ordonnance du 7 décembre 2009, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 179 et 182 du code de procédure civile ;
3°/ que pour annuler l'ordonnance du 7 décembre 2009, la cour d'appel a expressément constaté qu'en disant que « l'objectif de la requête initiale de la société JJW Ltd de connaître les manquements éventuels de la société GDL et de la société SDL à leurs obligations contractuelles d'exclusivité est aujourd'hui atteint pour permettre à la société JJW Ltd d'agir contre ces derniers sur le fondement de l'inexécution desdites obligations », le juge rapporteur avait fondé l'essentiel de sa décision sur des constatations et des appréciations résultant de sa prise de connaissance personnelle des pièces litigieuses, sans en avoir préalablement dressé procès-verbal, et qu'il avait dès lors méconnu les droits de la défense de la société JJW ; que dans les motifs de son jugement du 8 avril 2010, le tribunal, présidé par le juge rapporteur ayant rendu l'ordonnance du 7 décembre 2009 annulée, avait repris exactement le même motif selon lequel « l'objectif de la requête initiale de la société JJW de connaître les manquements éventuels de la société GDL et de la société SDL à leurs obligations contractuelles d'exclusivité est aujourd'hui atteint pour permettre à la société JJW Ltd d'agir contre ces derniers sur le fondement de l'inexécution desdites obligations », ce qui faisait peser un doute sur le respect objectif, par le tribunal des droits de la défense ; qu'en se fondant pourtant sur l'existence de ce motif dans le jugement du 8 avril 2010 pour refuser d'en prononcer l'annulation, la cour d'appel a validé l'atteinte à l'impartialité objective commise par le tribunal, et a par conséquent violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que les parties sont tenues d'apporter leur concours à la manifestation de la vérité ; que si une partie ou un tiers détient un élément de preuve, le juge doit lui enjoindre de le produire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'huissier avait saisi divers documents dans les locaux des sociétés Jones Lang Lassalle et CB X..., documents de nature à établir les manquements des sociétés SDL et GDL envers la société JJW ; qu'en refusant la communication des pièces ainsi saisies sans expliquer en quoi la société JJW avait les moyens, sans le secours des documents saisis, de rapporter la preuve qui lui incombait des manquements des sociétés SDL et GDL à son égard, la cour d'appel a méconnu les articles 11 et 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société JJW a soutenu, devant la cour d'appel, que le tribunal aurait porté atteinte au principe d'impartialité objective en reprenant dans son jugement certains motifs de l'ordonnance du juge rapporteur ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en deuxième lieu, que sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir discrétionnaire du juge du fond en matière de production forcée de pièces ;
Attendu, en dernier lieu, que l'arrêt retient qu'en se limitant à trancher des difficultés relatives à la communication des pièces dans le cadre des pouvoirs qu'il détient de l'article 865 du code de procédure civile, le juge rapporteur n'a pas pour autant examiné le fond du litige dont le tribunal demeurait saisi ; que l'arrêt retient encore qu'indépendamment du rejet des pièces litigieuses par le juge rapporteur, le jugement du tribunal est intervenu à la suite de l'examen au fond du litige par la formation collégiale ; que de ces constatations et appréciations, dont il ressortait qu'il n'existait pas un lien de dépendance nécessaire entre l'ordonnance du juge rapporteur et le jugement du tribunal qui n'était pas entaché de la même violation des droits de la défense, la cour d'appel en a exactement déduit que la nullité de l'ordonnance n'emportait pas nullité du jugement ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société JJW fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du 8 avril 2010 en ce qu'il a dit que les sociétés GDL et SDL étaient fondées, le 24 mars 2009, à mettre un terme aux accords et de conserver le versement de 50 millions d'euros effectué le 12 septembre 2008 par la société JJW, en ce qu'il a implicitement débouté la société JJW de sa demande de communication de pièces, objet des saisies pratiquées le 24 juillet 2009, et en ce qu'il a condamné la société JJW aux dépens de première instance, d'avoir débouté la société JJW de l'ensemble de ses demandes et d'avoir ordonné la restitution des pièces saisies le 24 juillet 2009, par les huissiers ayant instrumenté, aux sociétés du groupe Y...et aux sociétés du groupe CB X..., chacune pour ce qui les concerne, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; qu'en l'espèce, les demandes des sociétés GDL et SDL, visant à voir reconnaître le bien-fondé de la rupture unilatérale du 24 mars 2009 et visant à la conservation du premier versement de 50 millions d'euros effectué le 12 septembre 2008 par la société JJW, étaient fondées sur l'exécution de l'« avenant » du 11 mars 2009, dont la cour d'appel a refusé de reconnaître la force obligatoire ; qu'en revanche, ces demandes n'étaient pas formées par les sociétés GDL et SDL sur le fondement de la promesse du 2 février 2009, et notamment de l'article 4. 2. 1 de cette promesse prévoyant l'obligation de fournir une garantie bancaire ; qu'en jugeant pourtant que c'était l'application de l'article 4. 2. 1 de la promesse du 2 février 2009 qui justifiait la résiliation du 24 mars 2009 et la conservation par les sociétés GDL et SDL du premier versement de 50 millions d'euros, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge ne peut pas méconnaître la loi des parties ; que l'article 5. 2. 3 de la promesse du 2 février 2009 stipulait que « Dans les dix (10) jours ouvrables de la date des présentes, GDL et SDL s'engagent à retranscrire le droit d'exclusivité envisagé par les présentes, accordé par GDL et SDL au promettant, dans les comptes-titres d'actionnaires et dans les registre de mouvements de titres de C Hôtel et de LV Hôtel (les sociétés du groupe supplémentaires) pour toute la durée de la période de suspension », l'article 5. 4 de la promesse stipulant quant à lui que « en cas de manquement substantiel par GDL ou SDL aux clauses 5. 2. 1 ou 5. 2. 3 (un " manquement substantiel de GDL/ SDL ") les parties sont convenus que la garantie bancaire sera levée dans les meilleurs délais conformément à ses termes » ; qu'en l'espèce, il n'a jamais été contesté, et il a été constaté, que les sociétés GDL et SDL n'avaient pas rempli l'obligation imposée par l'article 5. 2. 3, en s'abstenant d'inscrire l'engagement d'exclusivité dans les registres et comptes d'actionnaires des sociétés C Hôtel et LV Hôtel, ce dont il devait résulter, par application de l'article 5. 4, que la société JJW était dégagée de son engagement de fournir une garantie bancaire ; qu'en jugeant pourtant que, malgré l'inexécution par les sociétés GDL et SDL de leur obligation résultant de l'article 5. 2. 3 du contrat, la société JJW n'en devait pas moins fournir la garantie bancaire prévue par le contrat, la cour d'appel, qui a refusé d'appliquer la loi des parties en y ajoutant diverses conditions qu'elle ne comprenait pas, a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'il ne résulte d'aucun document contractuel l'intention des parties de reporter au 22 février 2009 la date d'inscription du droit d'exclusivité de la société JJW ; que si la cour d'appel a entendu adopter la motivation des premiers juges sur ce point, sans expliquer d'où elle pouvait déduire une telle volonté, jamais déclarée, des parties, la cour d'appel avait privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que le refus d'ordonner une mesure d'instruction que les constatations de l'arrêt elles-mêmes rendent nécessaire constitue un déni de justice ; qu'en l'espèce, il était établi que si les sociétés GDL et SDL avaient violé l'exclusivité consentie à la société JJW avant le 24 mars 2009, la société JJW était libérée de son obligation de fournir une garantie bancaire, de sorte qu'en refusant d'ordonner la communication des pièces saisies le 24 juillet 2009, permettant potentiellement d'établir une violation de l'exclusivité consentie à la société JJW avant le 24 mars 2009, et en jugeant au contraire qu'une telle communication n'aurait un intérêt que si l'exclusivité subsistait après le 24 mars 2009, la cour d'appel a refusé d'ordonner une mesure d'instruction que ses constatations rendaient pourtant nécessaire, violant ainsi l'article 4 du code civil ;
5°/ que la clause résolutoire doit exprimer de manière non équivoque la commune intention des parties de mettre fin de plein droit à leur convention ; qu'en l'espèce, l'article 4. 2. 1 de la promesse du 2 février 2009 se contentait de stipuler que « dans l'hypothèse où le garant n'aurait pas accordé la garantie bancaire dans le délai susvisé de huit jours ouvrables, GDL et SDL auront le droit, à leur entière appréciation, de résilier la promesse d'achat combinée », ce qui n'exprimait pas de manière non équivoque la possibilité ouverte aux sociétés GDL et SDL de résoudre unilatéralement le contrat sans recours au juge ; qu'en jugeant pourtant, sur le fondement de cette clause, que la résiliation unilatérale et extrajudiciaire du 24 mars 2009, par les sociétés GDL et SDL, était justifiée, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;
6°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, la société JJW avait expliqué que la résiliation unilatérale et extrajudiciaire du 24 mars 2009 n'était pas valable, dès lors que la mise en oeuvre de la clause résolutoire (à supposer qu'elle puisse être qualifiée ainsi) n'avait pas été précédée d'une mise en demeure ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire tiré du défaut de mise en demeure préalable, de nature à remettre en cause la validité de la résiliation du 24 mars 2009, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que le juge ne peut pas méconnaître la loi des parties ; que l'article 13 de la promesse du 2 février 2009, invoqué par la société JJW dans ses écritures, stipulait que les articles 5. 1 et 5. 2, relatifs à l'exclusivité consentie à la société JJW, « resteront applicables après la résiliation de la présente promesse d'achat combinée » ; qu'en jugeant qu'il n'était pas démontré que l'exclusivité aurait été prorogée au-delà de la durée d'existence des accords, sans justifier d'une raison permettant d'écarter l'application de l'article 13 précité, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
8°/ que le juge ne peut pas dénaturer les pièces produites ; qu'en l'espèce, la société JJW avait produit l'attestation du directeur financier de la société GDL 24 juillet 2009, énonçant qu'à cette date, les sociétés GDL et SDL étaient « en cours de discussion avec les banques parties au prêt relativement à une demande d'amendement au prêt ayant pour objet de déterminer la part des 50 000 000 euros, pour son montant net, qui viendrait en remboursement d'une partie du prêt et le montant qui serait conservé dans la trésorerie de GDL et SDL pour couvrir les besoins opérationnels de leurs activités », attestation qui établissait clairement et précisément qu'en juillet 2009, le « premier versement » de 50 millions d'euros n'avait pas été affecté au remboursement des prêts bancaires consentis aux sociétés GDL et SDL, pas plus qu'il n'avait fait l'objet d'un accord des banques autorisant les sociétés GDL et SDL à utiliser ces fonds pour les besoins d'exploitation des sociétés du groupe, de sorte que l'affectation contractuellement prévue par l'article 4. 1 de la promesse du 2 février 2009 n'était pas respectée ; qu'en jugeant pourtant que l'inexécution par les sociétés GDL et SDL de cet article 4. 1 de la promesse du 2 février 2009 n'était « pas démontrée », la cour d'appel a dénaturé par omission l'attestation en question, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
9°/ que l'exception d'inexécution peut toujours être opposée, sans recours au juge et sans mise en demeure préalable, même si cette sanction n'a pas été expressément prévue par le contrat ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que le manquement contractuel commis par les sociétés GDL et SDL, relatif au défaut d'affectation conforme du « premier versement » de 50 millions d'euros, ne soit « pas sanctionné dans les accords conventionnels » pour refuser d'accueillir l'exception d'inexécution invoquée par la société JJW, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;
10°/ que la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait application de la clause 4. 2. 1 de la promesse du 2 février 2009, stipulant que « Dans l'hypothèse où le garant n'aurait pas accordé la garantie bancaire dans le délai susvisé de huit (8) jours ouvrables, GDL et SDL auront le droit, à leur entière appréciation, de résilier la promesse d'achat combinée, auquel cas GDL et SDL pourront irrévocablement conserver le premier versement de 50 millions d'euros ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne s'agissait pas là d'une clause pénale et, dans ce cas, si la peine stipulée n'était pas manifestement excessive au regard du préjudice subi par les sociétés GDL et SDL, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1226 et 1152 du code civil ;
Attendu, en premier lieu, que sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir discrétionnaire du juge du fond en matière de production forcée de pièces ;
Attendu, en deuxième lieu, que répondant sans modifier l'objet du litige aux conclusions des sociétés GDL et SDL qui soutenaient que la somme de 50 millions d'euros leur était définitivement acquise par application des dispositions de la promesse " Combined put option " du 2 février 2009, l'arrêt relève que le deuxième alinéa du paragraphe 4. 2. 1 de cette promesse stipule que si le garant n'a pas accordé la garantie bancaire avant le 12 février 2009, au plus tard, les sociétés GDL et SDL avaient le droit " à leur entière appréciation, de résilier la promesse d'achat " ; que l'arrêt relève encore que la volonté commune des parties était de fixer la date limite de délivrance de la garantie à une date antérieure de deux jours à celle de l'inscription de l'engagement d'exclusivité sur les registres et comptes d'actionnaires des sociétés C Hôtel et LV Hôtel, soit à la date du 20 février suivant, et que ce délai n'a pas été respecté par la société JJW ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la promesse du 2 février 2009 permettait aux parties de mettre fin unilatéralement à la convention sans recourir au juge et dispensait les sociétés GDL et SDL d'une mise en demeure préalable, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées à la sixième branche, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en troisième lieu, qu'après avoir relevé que la société JJW ne démontrait pas avoir dénoncé une quelconque violation contractuelle ni notifié une mise en demeure d'avoir à respecter l'obligation d'exclusivité antérieurement au 20 février 2009, date limite pour fournir la garantie bancaire, et qu'une violation ultérieure, entre les 20 février et 24 mars 2009, n'était pas davantage démontrée, la cour d'appel, appréciant souverainement la commune intention des parties, a retenu, sans dénaturer l'article 5. 2. 3 de la promesse de vente du 2 février 2009 ni l'attestation du directeur financier de la société GDL à laquelle elle n'a pas fait référence, que les manquements des sociétés GDL et SDL relatifs au défaut d'inscription de l'engagement d'exclusivité et à l'utilisation prioritaire du premier versement de 50 millions d'euros n'étaient pas, au regard de l'économie générale des accords, d'une importance suffisante pour justifier l'inexécution par la société JJW de sa propre obligation de fournir préalablement une garantie bancaire avant le 20 février 2009 ;
Attendu, en dernier lieu, que l'article 13 de la promesse de vente du 2 février 2009 stipule que les clauses relatives à l'exclusivité resteront applicables après la résiliation de la promesse, sauf si celle-ci résulte d'un manquement substantiel de la société JJW ; qu'après avoir constaté que la garantie bancaire prévue au paragraphe 4. 2. 1 de la promesse de vente du 2 février 2009 n'a pas été fournie par la société JJW, l'arrêt retient que la résiliation notifiée le 24 mars 2009 par les sociétés GDL et SDL est contractuellement justifiée et qu'il n'est pas démontré que l'exclusivité a été prorogée au-delà de la durée d'existence des accords ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche visée par la dixième branche qui ne lui était pas demandée, a, sans méconnaître la loi des parties, pu déduire que la résiliation de la promesse de vente résultait d'un manquement substantiel de la société JJW au sens de l'article 5. 1. 3 de cette convention ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société JJW fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer aux onze personnes morales du groupe CB X...globalement 5 000 euros de dommages-intérêts et 5 000 euros de frais irrépétibles, et aux quatre sociétés du groupe Y...globalement 10 000 euros de dommages-intérêts et 20 000 euros de frais irrépétibles, alors, selon le moyen :
1°/ que le deuxième moyen a montré, en sa troisième branche, que les pièces saisies le 24 juillet 2009 étaient utiles à la solution du litige et auraient dû être versées aux débats ; que pour condamner la société JJW à payer des dommages-intérêts aux sociétés des groupes Y...et CB X..., la cour d'appel se fonde pourtant sur le fait que ces pièces ne seraient pas utiles à la solution du litige ; que la cassation à intervenir sur le fondement de la troisième branche du deuxième moyen justifie la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent pas procéder à une évaluation forfaitaire du dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les sociétés des groupes Y...et CB X...devaient être indemnisées « par l'allocation d'une indemnité forfaitairement évaluée » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu, d'une part, que le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi ayant été rejeté, celui qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;
Attendu, d'autre part, qu'en allouant aux sociétés du groupe Y...une certaine somme et aux sociétés du groupe CB X...une autre somme, la cour d'appel a individualisé les préjudices dont elle a souverainement apprécié le montant ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° N 11-25. 079 :
Attendu que les sociétés GDL et SDL font grief à l'arrêt d'avoir dit que la preuve de l'existence de l'avenant du 11 mars 2009 n'avait pas été rapportée, qu'en conséquence, ses stipulations n'étaient pas opposables à la société JJW, et d'avoir débouté les sociétés GDL et SDL de leur demande en paiement d'une indemnité de 100 millions d'euros et de toutes leurs autres demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que par leurs dernières écritures d'appel, signifiées le 30 novembre 2010, les sociétés SDL et GDL, se prévalant de la conclusion avec la société JJW, le 11 mars 2009, d'un avenant au contrat conclu par les mêmes parties le 2 février précédent, avaient, indiquant que ledit avenant avait été signé par M. B..., qui avait le pouvoir d'engager la société JJW, fait valoir en ce sens un aveu de cette dernière société, celle-ci ayant elle-même reconnu, aux termes de la requête en autorisation de saisie de documents qu'elle avait formée le 17 juillet 2009 devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, que M. B...avait signé l'avenant litigieux ; que ces conclusions étaient opérantes, la preuve du point de fait que constitue le consentement d'une partie à un contrat pouvant être rapportée par un aveu ; qu'en s'abstenant toutefois de répondre à ces conclusions avant de retenir l'absence de preuve de l'existence effective de l'avenant concerné, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que dans le cas où une partie dénie ou refuse de reconnaître la signature manuscrite d'un acte qui lui est opposé, même reproduite par un procédé mécanisé, il appartient au juge de vérifier cette signature au regard des règles relatives à la signature manuscrite, sans pouvoir appliquer les règles relatives à la signature électronique ; qu'en appliquant au contraire les règles relatives à la signature électronique pour statuer sur la contestation faite par la société JJW de la signature manuscrite numérisée figurant sur l'acte qui lui était opposé par les sociétés GDL et SDL, la cour d'appel a violé l'article 1316-4 du code civil, par fausse application, et l'article 1324 du même code, par refus d'application ;
3°/ qu'en relevant d'office le moyen tiré du prétendu défaut de signature électronique de l'écrit produit aux débats par les sociétés GDL et SDL pour preuve de l'avenant signé le 11 mars 2009, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que la preuve de l'existence d'une convention conclue entre des sociétés commerciales dans l'exercice de leur activité peut être rapportée par tous moyens et n'est pas soumise aux règles de la preuve littérale ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à retenir qu'il n'était pas établi que la signature figurant sur le document en date du 11 mars 2009, opposé par les sociétés GDL et SDL à la société JJW, était celle du représentant de cette dernière et qui n'a par ailleurs pas recherché, comme l'y invitaient les dernières écritures d'appel des sociétés GDL et SDL, si ce document, même à le supposer non signé, n'établissait pas l'existence de la convention des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce ;
5°/ que la preuve de l'existence d'une convention conclue entre des sociétés commerciales dans l'exercice de leur activité peut être rapportée par tous moyens ; qu'en se bornant, après avoir estimé que les sociétés GDL et SDL ne rapportaient pas la preuve de la signature par M. B..., au nom de la société JJW, de l'avenant conclu le 11 mars 2009, à retenir que les échanges de courriers électroniques antérieurs à cette date étaient, « à eux seuls », insuffisants à établir l'existence de cet avenant, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par les dernières écritures d'appel des sociétés GDL et SDL, si cet accord des parties n'était pas démontré par des échanges de courriers postérieurs à cette même date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce ;
Mais attendu que sous le couvert d'un grief de manque de base légale, le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle a décidé d'écarter ;
Attendu, en second lieu, que répondant sans soulever un moyen d'office aux conclusions de la société JJW qui ne déniait pas la signature de M. B...mais soutenait seulement que l'examen du document faisait apparaître qu'il s'agissait d'un montage, la cour d'appel a souverainement estimé que les sociétés GDL et SDL ne rapportaient pas la preuve de cet engagement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que les sociétés GDL et SDL font grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que les sociétés GDL et SDL ne prouvaient pas la réalité du préjudice qu'elles alléguaient du fait de l'exclusivité consentie à la société JJW du 12 septembre 2008 au 24 mars 2009, cependant que les sociétés GDL et SDL avaient en réalité fait valoir que leur préjudice avait été causé par les agissements fautifs commis par la société JJW postérieurement à cette période, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que par leurs dernières écritures d'appel, les sociétés GDL et SDL, au soutien de leur demande en réparation du préjudice subi par elles du fait des agissements de la société JJW postérieurement à la résiliation, le 24 mars 2009, de la promesse d'achat souscrite par cette dernière société le 2 février précédent, avaient précisé non seulement les agissements fautifs concernés-tels que la diffusion de communiqués de presse évoquant mensongèrement l'existence d'une exclusivité bénéficiant à la société JJW jusqu'au 31 mars 2010, la délivrance par huissier d'une sommation de respecter l'obligation d'exclusivité prévue par le contrat pourtant résilié, et la formation d'une requête aux fins de saisie conservatoire des actifs objet de la promesse d'achat-, mais aussi le préjudice ainsi causé aux sociétés GDL et SDL, du fait notamment de la perte d'une chance de cession de ces actifs et de la baisse de valeur de ces derniers par suite de la crise économique ; qu'en se bornant néanmoins, pour rejeter la demande en dommages-intérêts formée par les sociétés GDL et SDL, à retenir que ces dernières se bornaient à solliciter l'indemnisation du préjudice causé par les agissements de la société JJW, « sans plus de précisions », la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions d'appel des sociétés GDL et SDL relatives à leur préjudice postérieur à la résiliation effectuée le 24 mars 2009 et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu qu'aucune précision de nature à justifier la demande d'indemnisation de leurs préjudices résultant des agissements de la société JJW n'était apportée par les sociétés GDL et SDL ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.