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Décisions

Cass. com., 7 juin 1994, n° 92-16.358

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BEZARD

Lyon, du 23 mai 1992

23 mai 1992

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque française pour le commerce extérieur (la BFCE) a contre-garanti la banque saoudienne Al Bank Al Saudi (Al Bank) qui, le même jour, a donné au ministère de l'Agriculture et des eaux d'Arabie Saoudite (le MAW) une garantie à première demande pour la soumission de la société Rhône Mérieux à un appel d'offres concernant la création d'un laboratoire ; que l'engagement de la BFCE, donné à l'origine jusqu'au 2O mars 1989, a été prorogé, à la demande d'Al Bank jusqu'au 16 juillet 1990 ; qu'au début du mois de juin 1990, la BFCE a été sommée par Al Bank de proroger sa garantie ou d'en régler le montant et a reçu comme instructions de la société Rhône Mérieux de faire réduire le montant de la garantie ; que, le 29 mai 1991, Al Bank a notifié à la BFCE le refus du MAW de réduire le montant de la garantie ; que, le 4 juin 1991, la société Rhône Mérieux a assigné en référé la BFCE et Al Bank pour qu'il soit fait défense à la BFCE de payer la somme réclamée ; que la BFCE a versé le montant de la contre-garantie le 14 juin et en a débité le compte de la société Rhône Mérieux ; que cette société a demandé au juge des référés de condamner la BFCE à lui restituer cette somme ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour décider que le juge des référés est compétent, l'arrêt retient que la privation d'une somme de 500 000 francs constitue un péril imminent ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge des référés ne peut ordonner la restitution d'une somme au donneur d'ordre qui en a été privé à la suite du paiement d'une garantie à première demande, hors le cas de fraude ou d'abus manifeste, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 873 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer le juge des référés compétent, l'arrêt retient l'illicéité du procédé consistant à payer la contre-garantie, tandis que le juge des référés était saisi d'une demande d'interdiction de le faire ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, même après la saisine du juge des référés, la banque restait tenue de payer à première demande le montant de la contre-garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner la BFCE à restituer à la société Rhône Mérieux la somme débitée sur son compte, l'arrêt a retenu que l'appel de la garantie avait un caractère manifestement abusif puisque l'offre initiale de la société Rhône Mérieux n'ayant pas été retenue et un autre marché, d'un montant inférieur, n'ayant pas non plus été mené à sa conclusion, la garantie n'avait plus d'objet et qu'aucun accord concernant une nouvelle garantie n'avait été donné au ministère de l'Agriculture et de l'eau ;

Attendu qu'en se fondant exclusivement sur des considérations inhérentes au contrat de base, sans caractériser l'abus manifeste ou la fraude qu'aurait commis Al Bank en réclamant la contre-garantie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

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