CA Toulouse, 2e ch., 17 décembre 2024, n° 24/01448
TOULOUSE
Arrêt
Autre
17/12/2024
ARRÊT N° 465
N° RG 24/01448 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QF5J
IMM / CD
Décision déférée du 08 Avril 2024
Tribunal de Commerce de FOIX 2022J00016
M. LOUSTEAU
SAS BIOTEX TECHNOLOGIE
C/
Société EASTWEST MEDICO APS
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
Me Gilles SOREL
Me Ophélie BENOIT-DAIEF
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
SAS BIOTEX TECHNOLOGIE
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Sarah GEORGETTE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE
Société EASTWEST MEDICO APS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3] (Danemark)
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Marine LALLEMAND du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 septembre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère, chargée du rapport et M. NORGUET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
M. NORGUET, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente et par A. CAVAN, greffière
Exposé des faits et procédure :
Par contrat en date du 16 avril 2021, la société Biotex Technologie s'est engagée à acquérir auprès de la société Eastwest Medico 720.000 boîtes contenant chacune 100 gants en nitrile fabriqués dans une entreprise de manufacture en Chine
A cette fin, Eastwest Medico s'est engagée à conclure un contrat avec le fabricant chinois dans les cinq jours de la signature du contrat avec Biotex et à lui régler, dans les dix jours de sa signature, un acompte de 756.000 euros afin de sécuriser la vente, cet acompte devant ensuite être remboursé par Biotex Technologie à Eastwest Medico en deux temps : la moitié, soit la somme de 378.000 euros, dès que les trois premiers conteneurs auraient été livrés FOB et le solde de 378.000 euros six mois après l'expiration du contrat.
Biotex Technologie a souhaité renégocier le contrat au motif que le prix de vente des gants en nitrile en Europe avait diminué en raison d'un «dumping» pratiqué par un fabriquant leader sur ce marché.
Elle a sollicité une renégociation du prix des boîtes et une réduction des engagements de volumes pris aux termes du contrat.
Des pourparlers se sont engagés, mais Eastwood Medico a indiqué ne pas vouloir les poursuivre.
Estimant que la société Eastwood s'était appropriée indûment les marchandises acquises par Biotex pour les revendre pour son compte, cette dernière a, par actes extrajudiciaires successifs en date du 4 août 2021 et du 7 décembre 2021, fait assigner la société Eastwest Medico aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente de gants en nitriles conclu le 16 avril 2021, et d'obtenir la condamnation de Eastwest Medico à lui rembourser la somme de 685.750 € et à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 323.875 €.
La société Eastwest Medico a soulevé in limine litis l'incompétence du Tribunal de commerce de Foix au profit des juridictions danoises, sur le fondement des dispositions du Règlement UE n°1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis).
Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce de Foix a statué ainsi qu'il suit:
- se déclare incompétent pour connaître du présent litige dont il se dessaisit au bénéfice des juridictions danoises,
- invite la partie la plus diligente à saisir la juridiction compétente,
- Réserve les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Biotex aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 25 avril 2024, Biotex Technologie a interjeté appel de ce jugement.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 14 août 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SAS Biotex Technologie demandant de :
- La déclarer recevable et bien-fondé en son appel,
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Déclarer le tribunal de commerce de Foix compétent
- Ordonner l'examen au fond du litige par le tribunal de commerce de Foix
Vu les conclusions notifiées le 19 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de La société Eastwest Medico APS, demandant au visa des articles 4 et 7.1 du Règlement (UE) No 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, de :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Foix le 8 avril 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du présent litige au profit des juridictions danoises ;
- Débouter la société Biotex Technologie de l'intégralité de ses demandes;
- Condamner la société Biotex Technologie à verser à la société Eastwest Medico APS la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Motifs
La société Eastwest Medico, dont le siège social est situé au Danemark soutient que le tribunal de commerce de Foix est incompétent pour connaître du litige dès lors qu'en application de l'article 4 du Réglement Bruxelles I bis, le défendeur doit être attrait dans son Etat.
Elle ajoute que si le lieu de livraison des marchandises peut constituer un critère de compétence en application de l'article 7.1 du même Réglement, c'est à la condition qu'il se situe dans un état membre.
Elle estime que pour déterminer le lieu de livraison des marchandises, il y a lieu de se référer au contrat qui prévoit en l'espèce une livraison FOB en Chine, par conséquent hors de la zone UE.
Sans contester que le contrat renvoie à l'Incoterm FOB, la société Biotex soutient que les parties n'ont pas désigné de port d'embarquement et que pour l'exécution du contrat, elles ont choisi une livraison DDP, correspondant à une vente à l'arrivée dans ses entrepôts de [Localité 5].
L'article 4 du Règlement (UE ) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose que 'sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.'
Selon l' article 7.1), b) du en matière de vente de marchandises, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre état membre, devant le tribunal du lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, Car Trim, 25 février 2010, C-381/08 et Electrosteel Europe, 9 juin 2011, C-87/10), qu'en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat, et qu'afin de vérifier si le lieu de livraison est déterminé « en vertu du contrat », la juridiction nationale saisie doit prendre en compte tous les termes et toutes les clauses pertinents de ce contrat qui sont de nature à désigner de manière claire ce lieu, y compris les termes et les clauses généralement reconnus et consacrés par les usages du commerce international, tels que les Incoterms (« international commercial terms »).
Elaborés par la Chambre de commerce internationale et destinés à normaliser la définition des tâches que chacune des parties à tel ou tel type de vente de marchandises, assortie de leur transport, est tenue d'accomplir, les incoterms ont pour objet : « l'organisation précise du transfert des risques entre le vendeur et l'acheteur et la répartition entre eux du coût du transport et des formalités administratives ».
Selon l'incoterm Free on board-FOB, la responsabilité du vendeur prend fin lorsque les marchandises exportées arrivent à bord du navire désigné par le client pour le transport, qui constitue dès lors le lieu de livraison au sens des dispositions de l'article 7 du Règlement susvisé.
En l'espèce, le contrat qui lie les parties porte sur l'achat de 720 000 boites de gants en nitrite sans poudre ' auprès de Crdlight en Chine'. Il fait référence tant en ce qui concerne le transfert de risque qu'en ce qui concerne le paiement à l'Incoterm FOB.
Certes le contrat ne désigne pas le port chinois dans lequel les marchandises sont embarquées mais il précise que la société Eastwest Medico pourra fournir à Biotex une assistance en matière de logistique de la Chine vers l'Europe et que le prix de 7,2 € n'inclut pas la logistique, ce dont il y a lieu de déduire que la livraison et le transfert des risques a bien eu lieu en Chine.
Dans un courrier du 16 juin 2021, la société Biotex rappelait d'ailleurs à la société Eastwest Medico que ' le contrat signé en date du 16 avril 2021 implique un incoterm FOB. Jusqu'à présent Biotex a toujours payé Exworks. Or, le contrat stipule un paiement FOB ce qui implique que les marchandises doivent être à bord du train, dans le pays d'origine, afin que le paiement soit exigé et dû'.
Il résulte des termes même de ce courrier que si s'agissant des modalités de paiement, il a été dérogé aux stipulations contractuelles qui prévoyait une paiement selon l'incoterm FOB, c'est au profit d'un paiement Exwork, c'est à dire ' au départ de l'usine', et par conséquent en Chine.
Au contraire, rien ne permet de retenir, comme le soutient la société Biotex, que les parties se sont finalement entendues sur le principe d'une livraison à [Localité 5].
C'est en effet de façon inopérante que la société Biotex invoque les termes d'un courrier électronique de la société Eastwood par lequel cette dernière, au regard des difficultés de trésorerie invoquées par sa cocontractante, offre un délai pour le paiement des premières livraisons, et propose pour les 30 000 boites suivantes un paiement ' à la livraison à la destination européenne choisie par Biotex' et puis pour les lots à livrer postérieurement un paiement 30 jours après la livraison, puisque cette proposition de délais de paiement n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier la référence contractuelle à l'Incoterm FOB pour la détermination du lieu de livraison et de transfert des risques et que la référence à la date de ' livraison au lieu choisi par Biotex' doit simplement s'entendre comme la date à laquelle les marchandises ont été reçues par l'acquéreur dans ses entrepôts, après leur transport depuis le port d'embarquement en Chine et sont donc disponibles à la revente.
Il suffit sur ce point de rappeler que la convention des parties prévoit que la société Eastwest peut se voir confier, en sus de ses engagements résultant du contrat, une mission d'assistance logistique pour l'acheminement des marchandises entre la Chine et l'Europe, ce service complementaire n'ayant pas pour effet de modifier la détermination de la date du transfert de propriété et du risque.
Par conséquent, alors que la convention liant les parties prévoit une livraison FOB dans le pays de fabrication, c'est à dire en Chine, la société Biotex ne démontre pas que les parties se sont postérieurement engagées sur le principe d'une livraison en France.
A défaut pour la société Biotex de justifier que la livraison était contractuellement prévue sur le territoire français, les dispositions de l'article 7.1 du Réglement ne sont pas applicables et la société Eastwest, ayant son siège au Danemark ne peut être attraite, en application des dispositions de l'article 4 que devant une juridiction danoise.
La société Biotex invoque à titre subsidiaire les dispositions de l'article 14 du code civil, et non du code de procédure civile comme mentionné par erreur dans ses dernières écritures, qui prévoit un privilège de juridiction permettant au demandeur français de faire citer une personne étrangère devant un tribunal français mais ce texte, qui présente un caractère subsidiaire, ne s'applique qu'à défaut de traité international ou de réglement européen et ne permet donc pas de déroger aux régles de compétence issues des dispositions du Réglement UE susvisé.
C'est enfin vainement que la société Biotex invoque, pour la première fois en cause d'appel, 'un risque de déni de justice au Danemark' en indiquant que le ' Danemark semble imposer un délai pour agir de trois années, sans aucune cause de suspension' dès lors que cette affirmation demeure hypothétique. En outre, même avéré, le risque invoqué de prescription n'autorise pas qu'il soit dérogé aux régles de compétence telles qu'elles résultent du réglement UE susvisé.
C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce de Foix s'est dit incompétent.
Le jugement sera confirmé, sauf en ce que, alors qu'il a statué sur les dépens et constaté son déssaisissement, il a réservé la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société Biotex supportera les dépens.
Elle devra indemniser la société Eastwest Medico des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour les besoins de sa défense tant en première instance qu'en cause d'appel.
Par ces motifs
Confirme le jugement déféré,
Condamne la société Biotex aux dépens d'appel,
Condamne la société Biotex à payer à la société Eastwest la somme de 3000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
Le greffier La présidente
.
ARRÊT N° 465
N° RG 24/01448 - N° Portalis DBVI-V-B7I-QF5J
IMM / CD
Décision déférée du 08 Avril 2024
Tribunal de Commerce de FOIX 2022J00016
M. LOUSTEAU
SAS BIOTEX TECHNOLOGIE
C/
Société EASTWEST MEDICO APS
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
Me Gilles SOREL
Me Ophélie BENOIT-DAIEF
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
SAS BIOTEX TECHNOLOGIE
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Sarah GEORGETTE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE
Société EASTWEST MEDICO APS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3] (Danemark)
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Marine LALLEMAND du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 septembre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère, chargée du rapport et M. NORGUET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
M. NORGUET, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente et par A. CAVAN, greffière
Exposé des faits et procédure :
Par contrat en date du 16 avril 2021, la société Biotex Technologie s'est engagée à acquérir auprès de la société Eastwest Medico 720.000 boîtes contenant chacune 100 gants en nitrile fabriqués dans une entreprise de manufacture en Chine
A cette fin, Eastwest Medico s'est engagée à conclure un contrat avec le fabricant chinois dans les cinq jours de la signature du contrat avec Biotex et à lui régler, dans les dix jours de sa signature, un acompte de 756.000 euros afin de sécuriser la vente, cet acompte devant ensuite être remboursé par Biotex Technologie à Eastwest Medico en deux temps : la moitié, soit la somme de 378.000 euros, dès que les trois premiers conteneurs auraient été livrés FOB et le solde de 378.000 euros six mois après l'expiration du contrat.
Biotex Technologie a souhaité renégocier le contrat au motif que le prix de vente des gants en nitrile en Europe avait diminué en raison d'un «dumping» pratiqué par un fabriquant leader sur ce marché.
Elle a sollicité une renégociation du prix des boîtes et une réduction des engagements de volumes pris aux termes du contrat.
Des pourparlers se sont engagés, mais Eastwood Medico a indiqué ne pas vouloir les poursuivre.
Estimant que la société Eastwood s'était appropriée indûment les marchandises acquises par Biotex pour les revendre pour son compte, cette dernière a, par actes extrajudiciaires successifs en date du 4 août 2021 et du 7 décembre 2021, fait assigner la société Eastwest Medico aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente de gants en nitriles conclu le 16 avril 2021, et d'obtenir la condamnation de Eastwest Medico à lui rembourser la somme de 685.750 € et à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 323.875 €.
La société Eastwest Medico a soulevé in limine litis l'incompétence du Tribunal de commerce de Foix au profit des juridictions danoises, sur le fondement des dispositions du Règlement UE n°1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis).
Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce de Foix a statué ainsi qu'il suit:
- se déclare incompétent pour connaître du présent litige dont il se dessaisit au bénéfice des juridictions danoises,
- invite la partie la plus diligente à saisir la juridiction compétente,
- Réserve les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Biotex aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 25 avril 2024, Biotex Technologie a interjeté appel de ce jugement.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 14 août 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SAS Biotex Technologie demandant de :
- La déclarer recevable et bien-fondé en son appel,
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Déclarer le tribunal de commerce de Foix compétent
- Ordonner l'examen au fond du litige par le tribunal de commerce de Foix
Vu les conclusions notifiées le 19 juillet 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de La société Eastwest Medico APS, demandant au visa des articles 4 et 7.1 du Règlement (UE) No 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, de :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Foix le 8 avril 2024 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du présent litige au profit des juridictions danoises ;
- Débouter la société Biotex Technologie de l'intégralité de ses demandes;
- Condamner la société Biotex Technologie à verser à la société Eastwest Medico APS la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Motifs
La société Eastwest Medico, dont le siège social est situé au Danemark soutient que le tribunal de commerce de Foix est incompétent pour connaître du litige dès lors qu'en application de l'article 4 du Réglement Bruxelles I bis, le défendeur doit être attrait dans son Etat.
Elle ajoute que si le lieu de livraison des marchandises peut constituer un critère de compétence en application de l'article 7.1 du même Réglement, c'est à la condition qu'il se situe dans un état membre.
Elle estime que pour déterminer le lieu de livraison des marchandises, il y a lieu de se référer au contrat qui prévoit en l'espèce une livraison FOB en Chine, par conséquent hors de la zone UE.
Sans contester que le contrat renvoie à l'Incoterm FOB, la société Biotex soutient que les parties n'ont pas désigné de port d'embarquement et que pour l'exécution du contrat, elles ont choisi une livraison DDP, correspondant à une vente à l'arrivée dans ses entrepôts de [Localité 5].
L'article 4 du Règlement (UE ) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dispose que 'sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.'
Selon l' article 7.1), b) du en matière de vente de marchandises, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre état membre, devant le tribunal du lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, Car Trim, 25 février 2010, C-381/08 et Electrosteel Europe, 9 juin 2011, C-87/10), qu'en cas de vente à distance, le lieu où les marchandises ont été ou auraient dû être livrées en vertu du contrat doit être déterminé sur la base des dispositions de ce contrat, et qu'afin de vérifier si le lieu de livraison est déterminé « en vertu du contrat », la juridiction nationale saisie doit prendre en compte tous les termes et toutes les clauses pertinents de ce contrat qui sont de nature à désigner de manière claire ce lieu, y compris les termes et les clauses généralement reconnus et consacrés par les usages du commerce international, tels que les Incoterms (« international commercial terms »).
Elaborés par la Chambre de commerce internationale et destinés à normaliser la définition des tâches que chacune des parties à tel ou tel type de vente de marchandises, assortie de leur transport, est tenue d'accomplir, les incoterms ont pour objet : « l'organisation précise du transfert des risques entre le vendeur et l'acheteur et la répartition entre eux du coût du transport et des formalités administratives ».
Selon l'incoterm Free on board-FOB, la responsabilité du vendeur prend fin lorsque les marchandises exportées arrivent à bord du navire désigné par le client pour le transport, qui constitue dès lors le lieu de livraison au sens des dispositions de l'article 7 du Règlement susvisé.
En l'espèce, le contrat qui lie les parties porte sur l'achat de 720 000 boites de gants en nitrite sans poudre ' auprès de Crdlight en Chine'. Il fait référence tant en ce qui concerne le transfert de risque qu'en ce qui concerne le paiement à l'Incoterm FOB.
Certes le contrat ne désigne pas le port chinois dans lequel les marchandises sont embarquées mais il précise que la société Eastwest Medico pourra fournir à Biotex une assistance en matière de logistique de la Chine vers l'Europe et que le prix de 7,2 € n'inclut pas la logistique, ce dont il y a lieu de déduire que la livraison et le transfert des risques a bien eu lieu en Chine.
Dans un courrier du 16 juin 2021, la société Biotex rappelait d'ailleurs à la société Eastwest Medico que ' le contrat signé en date du 16 avril 2021 implique un incoterm FOB. Jusqu'à présent Biotex a toujours payé Exworks. Or, le contrat stipule un paiement FOB ce qui implique que les marchandises doivent être à bord du train, dans le pays d'origine, afin que le paiement soit exigé et dû'.
Il résulte des termes même de ce courrier que si s'agissant des modalités de paiement, il a été dérogé aux stipulations contractuelles qui prévoyait une paiement selon l'incoterm FOB, c'est au profit d'un paiement Exwork, c'est à dire ' au départ de l'usine', et par conséquent en Chine.
Au contraire, rien ne permet de retenir, comme le soutient la société Biotex, que les parties se sont finalement entendues sur le principe d'une livraison à [Localité 5].
C'est en effet de façon inopérante que la société Biotex invoque les termes d'un courrier électronique de la société Eastwood par lequel cette dernière, au regard des difficultés de trésorerie invoquées par sa cocontractante, offre un délai pour le paiement des premières livraisons, et propose pour les 30 000 boites suivantes un paiement ' à la livraison à la destination européenne choisie par Biotex' et puis pour les lots à livrer postérieurement un paiement 30 jours après la livraison, puisque cette proposition de délais de paiement n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier la référence contractuelle à l'Incoterm FOB pour la détermination du lieu de livraison et de transfert des risques et que la référence à la date de ' livraison au lieu choisi par Biotex' doit simplement s'entendre comme la date à laquelle les marchandises ont été reçues par l'acquéreur dans ses entrepôts, après leur transport depuis le port d'embarquement en Chine et sont donc disponibles à la revente.
Il suffit sur ce point de rappeler que la convention des parties prévoit que la société Eastwest peut se voir confier, en sus de ses engagements résultant du contrat, une mission d'assistance logistique pour l'acheminement des marchandises entre la Chine et l'Europe, ce service complementaire n'ayant pas pour effet de modifier la détermination de la date du transfert de propriété et du risque.
Par conséquent, alors que la convention liant les parties prévoit une livraison FOB dans le pays de fabrication, c'est à dire en Chine, la société Biotex ne démontre pas que les parties se sont postérieurement engagées sur le principe d'une livraison en France.
A défaut pour la société Biotex de justifier que la livraison était contractuellement prévue sur le territoire français, les dispositions de l'article 7.1 du Réglement ne sont pas applicables et la société Eastwest, ayant son siège au Danemark ne peut être attraite, en application des dispositions de l'article 4 que devant une juridiction danoise.
La société Biotex invoque à titre subsidiaire les dispositions de l'article 14 du code civil, et non du code de procédure civile comme mentionné par erreur dans ses dernières écritures, qui prévoit un privilège de juridiction permettant au demandeur français de faire citer une personne étrangère devant un tribunal français mais ce texte, qui présente un caractère subsidiaire, ne s'applique qu'à défaut de traité international ou de réglement européen et ne permet donc pas de déroger aux régles de compétence issues des dispositions du Réglement UE susvisé.
C'est enfin vainement que la société Biotex invoque, pour la première fois en cause d'appel, 'un risque de déni de justice au Danemark' en indiquant que le ' Danemark semble imposer un délai pour agir de trois années, sans aucune cause de suspension' dès lors que cette affirmation demeure hypothétique. En outre, même avéré, le risque invoqué de prescription n'autorise pas qu'il soit dérogé aux régles de compétence telles qu'elles résultent du réglement UE susvisé.
C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce de Foix s'est dit incompétent.
Le jugement sera confirmé, sauf en ce que, alors qu'il a statué sur les dépens et constaté son déssaisissement, il a réservé la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société Biotex supportera les dépens.
Elle devra indemniser la société Eastwest Medico des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour les besoins de sa défense tant en première instance qu'en cause d'appel.
Par ces motifs
Confirme le jugement déféré,
Condamne la société Biotex aux dépens d'appel,
Condamne la société Biotex à payer à la société Eastwest la somme de 3000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
Le greffier La présidente
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