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Cass. crim., 18 décembre 2024, n° 23-85.467

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. crim. n° 23-85.467

18 décembre 2024

N° Z 23-85.467 F-D

N° 01551

GM
18 DÉCEMBRE 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 DÉCEMBRE 2024

Mme [Z] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-2, en date du 22 juin 2023, qui a prononcé sur une demande de restitution d'objets saisis.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [Z] [G], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par arrêt définitif du 6 août 2020, M. [I] [R], après avoir été interpellé alors qu'il circulait à bord du véhicule de type Mercedes AMG C 63 immatriculé en Allemagne sous le numéro W-812-FR, a été déclaré coupable des chefs de refus d'obtempérer aggravé, fourniture d'une identité imaginaire, conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances, évasion et trafic de stupéfiants. Le prévenu a notamment été condamné à la confiscation du véhicule.

3. Par requête du 8 juin 2022, Mme [Z] [G], revendiquant la propriété du véhicule, a sollicité la restitution de celui-ci.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [G] de restitution du véhicule Mercedes AMG C 63 immatriculé W-812-FR, alors :

« 1°/ que le bien susceptible de confiscation doit être à la libre disposition du prévenu ; que tel n'est pas le cas d'un véhicule de prêt dont le prévenu a fait un simple usage ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure et des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que le véhicule Mercedes AMG immatriculé W-812-FR avait été prêté au prévenu, son acquisition ayant été financée par un crédit bancaire souscrit par Mme [G] [O] qui en revendiquait la propriété ; qu'indépendamment de la question de la propriété de ce véhicule, la cour d'appel, qui reconnaissait que le prévenu avait précisé qu'il s'agissait d'un véhicule de location qui lui avait été prêté et dont l'achat avait été financé par un crédit souscrit auprès de la banque [1] par Mme [G], n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole n° 1 à cette convention, 6§2 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 131-21 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, en considérant que le prévenu en avait la libre disposition, le simple usage d'un véhicule prêt et financé par un crédit souscrit par un tiers, étant exclusif d'une disposition libre ;

2°/ que les droits du propriétaire de bonne foi doivent être réservés, la confiscation de son bien ne pouvant être régulière que si la preuve de sa mauvaise foi, au regard des faits reprochés au prévenu ou de ses liens avec ce dernier, est rapportée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à se référer aux « circonstances inexpliquées dans lesquelles le véhicule Mercedes AMG immatriculé n° W-812-FR allait être découvert en France en possession d'[T] [R] » et aux « conditions économiques particulièrement favorables de rachat du crédit obtenu par la requérante auprès de la banque [1] lui ayant permis de devenir propriétaire du véhicule » pour considérer que l'exposante n'était pas de bonne foi et rejeter sa demande de restitution ; qu'en déduisant ainsi la mauvaise foi de Mme [G] des conditions d'acquisition du véhicule et de rachat du crédit ayant permis le financement de cette acquisition, sans jamais établir de lien entre Mme [G] et le prévenu ou les faits reprochés à ce dernier, qui seul aurait pu caractériser une mauvaise foi de nature à faire obstacle à la restitution, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole n° 1 à cette convention, 6§2 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 131-21 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 131-21 du code pénal :

5. Selon ce texte, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement.

6. S'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l'origine.

7. Pour confirmer la confiscation et rejeter la demande de restitution du véhicule, l'arrêt attaqué retient que le prévenu a reconnu lors de sa garde à vue en avoir eu la libre disposition, précisant qu'il s'agissait d'un véhicule de location qui lui avait été prêté.

8. Les juges ajoutent que Mme [G] a acquis le véhicule le 15 mars 2020 pour la somme de 38 787,43 euros, ainsi que cela résulte de l'échéancier fourni par la banque [1], qu'elle l'a loué dès le 14 avril 2020 pour une durée de trois mois à un tiers en échange d'un véhicule de type Audi A8, véhicule qui lui a été dérobé dans la nuit du 7 au 8 juillet 2020, et qu'en outre la banque [1] a proposé à Mme [G] la résiliation amiable du contrat de crédit à la date du 1er août 2021 en échange d'un versement de 6 243,77 euros, étant relevé que le montant du crédit restant dû à cette même date était de 27 819,84 euros.

9. Ils considèrent enfin qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, en particulier de l'achat à crédit le 15 mars 2020 d'un véhicule de marque Mercedes haut de gamme, de sa location pour des motifs inexpliqués dès le 14 avril 2020, soit moins d'un mois plus tard, en échange d'un véhicule de type Audi A8, du vol de ce véhicule dans la nuit du 7 au 8 juillet 2020 au préjudice de Mme [G], des circonstances inexpliquées dans lesquelles le véhicule a été découvert en France en possession du prévenu, et enfin des conditions économiques particulièrement favorables du rachat du crédit obtenu par la requérante auprès de la banque [1] lui ayant permis de devenir propriétaire du véhicule W-812-FR pour la somme de seulement 6 243,77 euros, que Mme [G] n'est pas propriétaire de bonne foi du véhicule dont elle sollicite la restitution.

10. En se déterminant ainsi, sans établir que le prévenu était le propriétaire économique réel du véhicule, ni que Mme [G] avait connaissance de cette circonstance de fait, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

11. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 22 juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.

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