CA Versailles, ch. civ. 1-2, 17 décembre 2024, n° 23/07980
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
H2R Energies (SAS)
Défendeur :
CA Consumer Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseiller :
Mme Thivellier
Avocats :
Me De Kerckhove, Me Baudin, Me Pedroletti, Me Bloch, Me Boulaire, Me Priou Gadala
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 janvier 2017, à la suite d'un démarchage à domicile, M. [R] [X] et Mme [O] [X] née [T] ont signé avec la société H2R Energies un bon de commande pour un ensemble photovoltaïque au prix de 37 400 euros toutes taxes comprises, financé à l'aide d'un crédit affecté conclu le même jour avec la société CA Consumer Finance, exerçant sous le nom commercial Sofinco.
Par jugement contradictoire du 14 septembre 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Vanves a :
- prononcé l'annulation du contrat de vente aux torts de la société H2R Energies ;
- condamné en conséquence la société H2R Energies à payer à M. et Mme [X] la somme de 37 400 euros au titre du prix de vente de l'installation ;
- condamné la société H2R Energies à déposer l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble ;
- prononcé l'annulation de plein droit du contrat de prêt ;
- constaté que la société CA Consumer Finance n'a pas commis de faute la privant de son droit à restitution du capital emprunté ;
- condamné la société CA Consumer Finance à rembourser à M. et Mme [X] la somme de 1 109, 47 euros au titre du coût du crédit ;
- condamné solidairement la société H2R Energies et la société CA Consumer Finance à payer à M. et Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement la société H2R Energies et la société CA Consumer Finance aux dépens ;
- condamné la société H2R Energies à garantir la société CA Consumer Finance de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 27 novembre 2023, la société H2R Energies a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 27 février 2024, la société H2R Energies, appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement intervenu ;
- débouter M. et Mme [X] de leur appel incident ;
Statuant à nouveau,
- déclarer l'action de M. et Mme [X] irrecevable car prescrite ;
- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner M. et Mme [X] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.
- condamner M. et Mme [X] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 juillet 2024, la société CA Consumer Finance demande à la cour :
A titre principal,
- de déclarer la société H2R Energies mal fondée en son appel, l'en débouter,
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant
- condamner M. et Mme [X] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le moyen tiré de la prescription de l'action de M. et Mme [X] à l'encontre de la société H2R Energies serait accueilli :
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* condamné la société CA Consumer Finance à rembourser à M. et Mme [X] la somme de 1 109,47 euros au titre du coût du crédit,
* condamné la société CA Consumer Finance à payer à M. et Mme [X] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 800 du code de procédure civile,
- et statuant à nouveau :
* annuler la condamnation de la société CA Consumer Finance à rembourser à M. et Mme [X] la somme de 1 109,47 euros au titre du coût du crédit,
* annuler la condamnation de la société CA Consumer Finance à payer la somme de 2 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
Sur l'appel incident des époux [X] :
- débouter M. et Mme [X] de toutes leurs prétentions relatives à leur appel incident à l'encontre de la société CA Consumer Finance,
En tout état de cause :
- débouter M. et Mme [X] de toutes demandes plus amples ou contraires qui pourraient être dirigées contre la société CA Consumer Finance,
- condamner M. et Mme [X] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [X] en tous les dépens, dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 2 août 2024, M. et Mme [X], intimés formant appel incident, demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
* constate que la société CA Consumer Finance n'a pas commis de faute la privant de son droit à restitution du capital emprunté ;
* condamne la société CA Consumer Finance à ne leur rembourser que la seule somme de 1 109,47 euros au titre du coût du crédit ;
* déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- confirmer le jugement sur le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- déclarer que la société CA Consumer Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds à leur préjudice devant entraîner la privation de sa créance de restitution ;
- condamner la société CA Consumer Finance à leur verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
* 37 400 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution ;
* 12 844,48 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par leurs soins à la société CA Consumer Finance en exécution du prêt souscrit ;
- condamner solidairement et en tout état de cause la société H2R Energies et la société CA Consumer Finance à leur verser l'intégralité des sommes suivantes :
* 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
- condamner la société CA Consumer Finance à garantir la société H2R Energies dans le cadre du paiement des sommes qui seront mises à sa charge par la présente juridiction ;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société CA Consumer Finance ;
- condamner la société CA Consumer Finance à leur rembourser l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ; lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts ;
- débouter la société CA Consumer Finance et la société H2R Energies de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;
- condamner solidairement la société H2R Energies et la société CA Consumer Finance à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 octobre 2024.
Par courrier parvenu à la cour le 16 octobre 2024, le conseil de M. et Mme [X] a transmis une note intitulée « Synthèse ». Cette note en délibéré non autorisée ne sera pas prise en considération.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes de nullité
La société H2R Energies fait valoir l'irrecevabilité de l'action de M. et Mme [X], motif pris que selon une jurisprudence constante le point de départ du délai de prescription court à compter du jour de la vente, que cette solution trouve à s'appliquer en matière de panneaux photovoltaïques, le point de départ courant du jour où l'acte a été passé, qu'en l'espèce le contrat a été passé le 4 janvier 2017 en sorte que l'action devait être introduite avant le 4 janvier 2022 mais n'a été introduite que le 25 février 2022, soit postérieurement au délai de prescription.
M. et Mme [X] font valoir :
- que c'est pour la première fois en cause d'appel que la société H2R Energies soutient que leurs demandes seraient irrecevables en raison de la prescription,
- que la société CA Consumer Finance, si elle demande à titre incident qu'ils soient déboutés de leurs demandes, n'effectue aucun développement sur le bien fondé ou non de cette fin de non-recevoir,
- que l'article 2224 du code civil pose comme règle claire que le point de départ de la prescription n'est pas fixé au jour des faits mais à la date où le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître,
- que s'agissant d'une action en responsabilité au titre d'un manquement commis par un cocontractant à ses obligations, les faits justifiant d'agir sont d'une part le fait générateur de responsabilité et d'autre part la connaissance du préjudice subi,
- que l'appréciation de la rentabilité d'une installation censée produire un gain ou une économie d'énergie sur plusieurs année nécessite du recul,
- que leurs craintes d'une absence complète d'autofinancement et de rentabilité ne se sont confirmées qu'après la lecture du rapport d'expertise qui leur a été remis le 30 juin 2020,
- qu'au demeurant ils n'ont reçu leur première facture de production et de revente d'électricité qu'en octobre 2018, en sorte qu'à supposer qu'ils aient eu connaissance dès cette date de leur dommage, l'action n'est pas prescrite,
- qu'ils n'ont pas eu connaissance de la faute de la banque à la conclusion du contrat, soulignant que la cour de justice de l'Union Européenne a jugé qu'un délai court qui débuterait à la conclusion du contrat ne permettrait pas de garantir la protection des consommateurs et l'effectivité de leurs droits,
- qu'ils ont seulement eu connaissance de la faute de la banque au moment où ils ont saisi un avocat,
- que la Cour de cassation a elle-même rappelé que, par principe, dans le cadre des erreurs commises en matière de taux effectif global, le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date d'acception de l'offre par l'emprunteur qu'à la double condition d'une part que l'emprunteur soit en mesure de déceler par lui-même l'irrégularité affectant l'acte et d'autre part que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, sans avoir à procéder à des calculs ou des analyses et que ce n'est pas le cas en l'espèce,
- que la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 2024, opérant un revirement de jurisprudence, a considéré que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permettait pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat,
- qu'ils ne pouvaient imaginer que la banque n'aurait pas procédé aux vérifications utiles du bon de commande dont elle avait la responsabilité et que dès lors la signature du contrat ne peut constituer le point de départ du délai de prescription, n'ayant pas à cette date connaissance de l'ensemble des irrégularités,
- qu'au nom du principe de l'égalité des armes, le contrat étant toujours en cours et la banque pouvant agir pendant la durée du prêt, le consommateur doit pouvoir également remettre en cause la régularité du prêt pendant son exécution, en sorte qu'aucune prescription n'est acquise.
La société Consumer Finance sollicite seulement l'annulation de ses condamnations si le moyen tiré de la prescription était accueilli, sans répondre sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
S'agissant d'une fin de non-recevoir en application de l'article 123 du code de procédure civile, celle-ci peut être évoquée en tout état de cause et pour la première fois en appel.
En l'espèce M. et Mme [X] fondent leurs demandes de nullité à la fois sur les irrégularités formelles du bon de commande et sur le dol.
* S'agissant des irrégularités formelles
Au vu du fondement de la demande en nullité du contrat, à savoir le non-respect des prescriptions de l'article L.111-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable, le point de départ de la prescription est la date de l'acte argué de nullité sauf à ce que M. et Mme [X] démontrent qu'ils étaient dans l'impossibilité d'agir et qu'ils ignoraient l'existence de leurs droits.
M. et Mme [X] ne sauraient invoquer leur ignorance, pour administrer une telle preuve et solliciter un report du point de départ de la prescription à la date à laquelle ils ont consulté un avocat, alors même que les irrégularités formelles invoquées, à les supposer avérées, étaient visibles par les intéressés à la date de conclusion du contrat. Retenir leur argumentation reviendrait au demeurant à voir repousser le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formelle du contrat à une date décidée à leur seule convenance, à la date à laquelle ils ont pu avoir une connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme qu'ils invoquent.
En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence.
Par ailleurs, c'est en vain que M. et Mme [X] invoquent la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, pour échapper à la prescription quinquennale. En effet, la règle nationale de prescription de l'action, contrairement à ce que M. et Mme [X] affirment, est conforme aux principes européens d'effectivité des droits, notamment du consommateur, en ce que d'une part, elle ne fait courir le délai à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits ; d'autre part en ce qu'elle aménage un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
De la même manière, M. et Mme [X] ne peuvent utilement invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était point décelable lors de la conclusion du contrat, puisque précisément, en l'espèce, ces derniers étaient en mesure de déceler lors de la conclusion du contrat de vente litigieux les irrégularités entachant, selon leurs dires, le bon de commande, sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux, ces erreurs résultant du seul constat que certaines mentions prévues par le code de la consommation n'apparaissaient pas sur le bon de commande.
Enfin, ils ne peuvent pas plus invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation issue de son arrêt du 24 janvier 2024 relative à la confirmation d'un acte nul par application de l'article 1182 du code civil qui juge désormais que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions, puisque l'article 1182 exige une connaissance effective de la cause de nullité (« en connaissance de la cause de nullité »), tandis que l'article 2224 du code civil applicable à l'espèce, n'exige du titulaire du droit qu'une connaissance effective ou supposée des faits.
Il résulte de ce qui précède que la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondée sur les irrégularités entachant le bon de commande est irrecevable, motif pris de ce qu'elle a été formée par assignations délivrées le 25 février 2022, soit plus de cinq ans après la signature du bon de commande litigieux intervenue le 4 janvier 2017.
* S'agissant du dol
En application de l'article 1144 du code civil, la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert les man'uvres ou la réticence dolosive qu'il dénonce.
Il incombe au requérant de justifier des éléments de fait qui induisent qu'il n'a eu connaissance du dol ou n'a été en mesure de le connaître que postérieurement à la souscription du contrat.
En l'espèce, M. et Mme [X], qui n'ont émis aucune contestation à réception de leurs différentes factures de revente d'électricité, défaillent à rapporter la preuve d'une découverte postérieure au contrat d'une discordance entre la rentabilité promise et la rentabilité effective de leur installation, dès lors que :
- le bon de commande et l'ensemble des pièces contractuelles ne comportent aucun engagement contractuel de la venderesse concernant la rentabilité de l'installation acquise ni aucune garantie de revenus ou d'autofinancement,
- il n'est pas justifié, au vu des pièces produites, de la rentabilité effective de l'installation, qui doit être appréciée sur la totalité de sa durée de vie,
- l'acquisition de M. et Mme [X] ne s'inscrit pas uniquement dans une finalité de rentabilité mais constitue également un achat responsable visant à protéger l'environnement.
Dès lors, M. et Mme [X] sont irrecevables en leur demande de nullité des contrats sur le fondement du dol.
A titre surabondant, il sera relevé que, à supposer la demande recevable, la cour l'aurait rejetée pour être manifestement mal fondée, en raison du fait que M. et Mme [X] échouent à faire la preuve des man'uvres dolosives prêtées à la société venderesse et vantant la rentabilité de l'installation et son autofinancement, et que l'examen du bon de commande, seul document ayant valeur contractuelle, ne fait pas ressortir que M. et Mme [X] avaient fait de la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque une condition déterminante de leur consentement (Cass.Com., 30 août 2023, n° 21-16.738 ; Civ., 2e, 25 mai 2022, n°20-23.641).
De ce qui précède, il résulte que le jugement est infirmé dans sa totalité et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes hormis la demande de déchéance du droit aux intérêts, demande subsidiaire.
La cour rappelle par ailleurs que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et que les parties restent redevables de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement infirmé, sans qu'il soit nécessaire 'd'annuler' des condamnations comme le sollicite la société CA Consumer Finance dans son subsidiaire.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels
M. et Mme [X] demandent la privation du prêteur de son droit à intérêts sur le fondement de l'article L. 312-14 du code de la consommation en ce qu'il a manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde en ne s'intéressant pas aux besoins et à leur situation financière, à leurs capacités financières présentes et futures, en évaluant les conséquences que le crédit pouvait avoir sur leur situation et aux garanties offertes. Ils ajoutent que la banque devra justifier des démarches préalables obligatoires lui incombant avant l'octroi du crédit et notamment que le crédit a été distribué par un professionnel qualifié, compétent, donc formé et dont la société H2R est responsable et ce par application des dispositions de l'article L. 546-1 du code monétaire et financier et L. 311-8 et D. 311-4-3 du code de la consommation. Ils affirment que la banque n'apporte pas la preuve de la consultation et de la réponse obligatoire du FICP, comme d'une analyse complète de la solvabilité de l'emprunteur.
Ni la société CA Consumer Finance ni la société H2R Energies n'ont répondu sur ce point.
Réponse de la cour
L'article L.314-25 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que 'Les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur les prêts mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-3 et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 312-17 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L. 6353-1 du code du travail, établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés, sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation sont définies par décret'.
Cette disposition ne met pas à la charge du prêteur une obligation de justifier de la formation de l'agent démarcheur qui n'incombe qu'à l'employeur de ce dernier.
Par ailleurs, si les époux [X] font référence dans leurs écritures à l'article L. 546-1 du code monétaire et financier qui impose à un intermédiaire de banque d'être immatriculé sur un registre spécifique, ils imputent sans motivation circonstanciée une faute à la société CA Consumer Finance à cet égard, alors que l'obligation d'immatriculation pesait sur la société venderesse et que les intimés ne fournissent aucun élément de fait susceptible d'établir que celle-ci aurait manqué à cette obligation.
Il résulte de ce qui précède que les époux [X] sont mal fondés à solliciter la déchéance de la société CA Consumer Finance aux intérêts contractuels et doivent être déboutés de leurs demandes à ce titre.
Par ailleurs, selon l'article L. 312-14 dans sa rédaction applicable au litige, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 312-12.
Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement.
Selon l'article L. 312-16 du même code, avant de conclure le contrat de crédit , le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.
Selon l'article L341-2, «Le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.»
Les pièces communiquées par la société CA Consumer Finance et notamment le contrat de crédit, la fiche de dialogue, la pièce d'identité des emprunteurs, leurs bulletins de salaires démontrent que la banque a bien procédé à la vérification de la solvabilité des emprunteurs puisqu'il est bien mentionné que M. [X] exerçait en qualité de mécanicien opérateur et disposait d'un revenu mensuel net de 3 160 euros, que Mme [X] employée, percevait un traitement mensuel net de 600 euros, qu'ils sont propriétaires de leur logement et qu'il apparaissait un seul crédit pour un montant de 550 euros mensuels, rendant très raisonnable une demande de crédit qui prévoyait 144 mensualités de 386,32 euros.
En revanche, si la banque a bien fait compléter aux emprunteurs la fiche de ressources et charges, elle ne justifie pas avoir consulté le FICP avant la conclusion du contrat, en violation de l'article L.312-16 précité, en sorte qu'elle encourt la déchéance des intérêts, totale ou dans une proportion fixé par le juge.
Il résulte du dossier que le prêt a été soldé (lettre de la société CA Consumer Finance du 26 mai 2021 - sa pièce n°10), ce que ne contestent d'ailleurs pas les époux [X], et qu'aucun incident de paiement n'est jamais survenu, ce qui démontre que les emprunteurs étaient parfaitement solvables, ainsi que cela ressort d'ailleurs de la fiche de dialogue telle qu'évoquée plus haut.
Dès lors, au regard du préjudice réellement subi par les emprunteurs du fait de la non consultation du FICP, la banque sera déchue de son droit aux intérêts à hauteur de 200 euros. Le crédit étant intégralement remboursé, la banque sera donc condamnée à payer à M. et Mme [X] la dite somme.
Sur les demandes accessoires
M. et Mme [X] qui succombent principalement doivent être tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux qui les concernent au profit de Maître Stéphanie Cartier et de Maître Mélina Pedroletti, les dispositions du jugement au titre des dépens et des frais irrépétibles étant infirmées.
Ils sont également condamnés, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer in solidum à la société H2R Energies et à la société CA Consumer Finance, à chacune la somme de 1 500 euros, étant déboutés de leur propre demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par décision contradictoire et mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare M. [R] [X] et Mme [O] [X] née [T] irrecevables en leurs demandes de nullité,
Prononce la déchéance partielle de la société CA Consumer Finance de son droit aux intérêts contractuels à raison de la non justification de la consultation du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers,
Condamne la société CA Consumer Finance payer à M. [R] [X] et Mme [O] [X] née [T] la somme de 200 euros,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum M. [R] [X] et Mme [O] [X] née [T], aux dépens de première instance et d'appel, dépens qui pourront être recouvrés, pour ceux qui les concernent, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par Maître Stéphanie Cartier et Maître Mélina Pedroletti.
Condamne in solidum M. [R] [X] et Mme [O] [X] née [T] à payer à la société CA Consumer Finance une indemnité de 1 500 euros et à la société H2R Energies une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.