CA Rennes, 3e ch. com., 17 décembre 2024, n° 23/06340
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sail (SAS)
Défendeur :
Sport & Co (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Contamine
Conseillers :
Mme Ramin, Mme Clément
Avocats :
Me Morel, Me Lhermitte, Me Gicquelay
ARRÊT :
Le 8 septembre 2020, la société Sail a conclu avec la société Sport & co un contrat de publicité et de promotion pour bénéficier d'un programme de partenariat avec le club de basket UJAP [Localité 7] portant sur les saisons 2020/2021 et 2021/2022 moyennant la somme totale de 6 500 € HT devant être payée en trois fois : 3000 €HT au plus tard le 30 janvier 2021, 2 000 € HT au plus tard le 30 janvier 2022 et 1 500 € HT au plus tard le 30 juin 2022.
La société Sport & co a adressé ses factures lesquelles sont demeurées impayées.
Après une mise en demeure le 29 juin 2022 puis une sommation de payer du 13 septembre 2022, la société Sport & co a saisi le président du tribunal de commerce de Quimper d'une requête en injonction de payer.
Par ordonnance du 27 septembre 2022 signifiée le 4 octobre 2022, le président a enjoint à la société Sail de payer la somme principale de 7800 € outre les frais et intérêts.
Le 2 novembre 2022, la société Sail a formé opposition. Elle a, in limine litis, fait valoir l'incompétence du tribunal de commerce de Quimper en vertu d'une clause d'attribution de compétence, et, au fond, invoqué une exception d'inexécution ainsi que l'inopposabilité des clauses contractuelles.
Par jugement du 29 septembre 2023, le tribunal de commerce a :
- dit l'opposition recevable mais mal fondée,
- rejeté l'exception d'incompétence formulée par la société Sail,
- condamné la société Sail à payer à la société Sport & co les sommes de :
- 3 600 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2021,
- 2 400 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2022,
- 1 800 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2022,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- condamné la société Sail à payer à la société Sport & co la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions,
- condamné la société Sail aux entiers dépens, lesquels comprennent notamment les frais de greffe liquidés pour le jugement à la somme de 60,22 €, ainsi que les frais de la procédure en injonction pour la somme de 312,81 €,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
La société Sail demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondée son appel et en conséquence,
- se déclarer incompétente au profit de la cour d'appel de Paris,
- rejeter la demande en paiement de la société Sport & co,
- subsidiairement, réduire à la somme de 1 500 euros la rémunération due à la société Sport & co en contrepartie des rares prestations réalisées,
- condamner la société Sport & co au paiement d'une somme de 2 000 euros à la société Sail sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sport & co aux entiers frais et dépens.
La société Sport & co demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé la société Sport & co en son appel incident,
- déclarer irrecevable et infondée la demande de la société Sail portant sur l'incompétence du tribunal de commerce,
- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
- débouter la société Sail de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Sail à payer à la société Sport & co la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sail aux entiers dépens d'instance.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
DISCUSSION
Sur l'exception d'incompétence
La société Sail soulève, en premier lieu, une exception de procédure. Elle fait valoir que le tribunal de commerce de Quimper était incompétent pour statuer alors qu'étaient invoquées les dispositions de l'article L442-1 du code de commerce, tout comme la cour d'appel de Rennes, les litiges devant être portés devant celle de Paris en application de l'article D442-3 du code de commerce.
La société Sport & co soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en ce que la société Sail, en première instance, n'avait soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Quimper qu'au titre d'une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Nanterre.
L'article 564 du code de procédure civile dispose :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
L'article 565 du même code précise :
« Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »
La société Sail a soulevé in limine litis devant le tribunal de commerce de Quimper son incompétence en invoquant une clause attributive de compétence.
Elle invoque toujours l'incompétence du tribunal de commerce de Quimper bien que le fondement, à savoir la compétence d'attribution exclusive prévue par l'article D442-3 du code du commerce, ait été modifié.
Quant à l'incompétence de la cour d'appel de Rennes, elle résulte d'une circonstance nouvelle tenant à la procédure d'appel qui ne pouvait être soulevée que devant elle.
L'exception est recevable.
L'article L.442-4 III du code de commerce prévoit que les litiges relatifs à l'application de l'article L.442-1 du même code, correspondant aux pratiques restrictives, sont attribués à des juridictions déterminées.
L'article D442-3 dans ses versions successives depuis le 19 juin 2019 prévoit que pour l'application du III de l'article L.442-4, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes sont limitées et fixées au tableau de l'annexe 4-2-2 de la partie réglementaire du Livre 4. Il est ajouté que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
Il ressort du jugement que la société Sail a fait valoir que les stipulations de l'article 13 des conditions générales de vente qu'elle considérait lui être inopposables comme non signées, étaient, en outre, incompatibles avec les dispositions de l'article L.442-1 du code de commerce, en ce qu'elles permettaient à la société Sport & co d'obtenir un avantage ne correspondant pas à une contrepartie et créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Elle s'est ainsi notamment fondée sur ce moyen pour prétendre au rejet de la demande en paiement.
Il ressort du contrat produit, signé des parties, que celui-ci renvoie expressément aux conditions générales figurant au verso de sorte que la clause litigieuse n'est donc pas manifestement inapplicable et qu'il convenait d'apprécier le moyen tiré du déséquilibre significatif.
Il doit être constaté que le tribunal de commerce de Quimper n'était pas compétent pour apprécier ledit déséquilibre.
Le jugement sera infirmé.
La cour d'appel de Rennes, dans le ressort de laquelle se situe le tribunal compétent en la matière, à savoir le tribunal de commerce de Rennes, est toutefois elle-même incompétente pour statuer sur l'appel.
Compte tenu de l'interdépendance de la demande en paiement et de l'exception tenant à l'inopposabilité du contrat du fait de l'allégation d'un déséquilibre significatif, la cour d'appel de Rennes doit, conformément à l'article 90 du code de procédure civile, renvoyer la présente affaire pour le tout devant la cour d'appel de Paris.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Quimper en ces dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Déclare le tribunal de commerce de Quimper incompétent,
Déclare la cour d'appel de Rennes incompétente pour statuer sur l'appel,
Ordonne le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Paris sur le fondement des articles L.442-4 III et D442-3 du code de commerce,