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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 11, 13 décembre 2024, n° 21/20171

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/20171

13 décembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 13 DECEMBRE 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20171 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWGB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020029987

APPELANTE

S.A.R.L. SIPP

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 450 290 242

Représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

INTIMEE

S.A.S. SFP GESTION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Localité 7] / France

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 851 511 881

Représentée par Me Nicolas LISIMACHIO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0299

PARTIES INTERVENANTES :

S.A.R.L. AJRS, en la personne de Maître [T] [F], [Adresse 9], es qualité d'Administrateur désigné par le Tribunal de Commerce de PARIS par jugement du 5 avril 2023

[Adresse 9]

[Localité 6]

Madame Maître [N] [S], Administrateur, [Adresse 14], es qualité d'Administrateur désigné par le Tribunal de Commerce de PARIS par jugement du 5 avril 2023

[Adresse 14]

[Localité 11]

S.E.L.A.F.A. MJA, Maître [R] [L], Mandataire Judiciaire, [Adresse 1], es qualité de Mandataire judiciaire désigné par le Tribunal de Commerce de PARIS par jugement du 5 avril 2023,

[Adresse 1]

[Localité 8]

S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRE, Maître [X] [I], Mandataire Judiciaire, [Adresse 2], es qualité de Mandataire judiciaire désigné par le Tribunal de Commerce de PARIS par jugement du 5 avril 2023

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentées par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Vu l'appel du 19 novembre 2021 interjeté par la société SIPP contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 novembre 2021 par lequel il a débouté la société SIPP de l'ensemble de ses demandes liées à la résiliation anticipée du contrat passé avec la société SFP Gestion ('société SFP'), condamné la société SFP à payer à la société SIPP la somme de 13.608,06 euros TTC au titre du solde de la facture n° FC20010037 du 31 janvier 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, débouté la société SFP de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société SIPP aux dépens et à payer à la société SFP la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 juillet 2023 pour la société SIPP ainsi qu'en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 avril 2023, les personnes désignées en qualités d'administrateurs, la sociétés AJRS et Mme [T] [F] ainsi que Mme [N] [S], et les mandataires judiciaires, la société MJA et Mme [R] [L] ainsi que la société Actis et Mme [X] [I], afin d'entendre, en application des articles 1103, 1231-1, 1231-6, 1344-1, 1170, 1304-2, 1304-3 et 1342 du code civil et 146 du code de procédure civile :

'- recevoir et dire bien fondé les interventions volontaires des administrateurs et mandataires Judiciaires nommés par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 5 avril 2023,

- ordonner la reprise de l'instance;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SIPP de l'ensemble de ses demandes liées à la résiliation anticipée du contrat avec la société SFP, condamné la société SFP à payer à la société SIPP la somme de 13.608,06 euros TTC au titre du solde de la facture n°FC20010037 du 31 janvier 2020 avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente assignation, condamné la société SIPP à payer à la société SFP la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires, condamné la société SIPP aux dépens,

à titre principal,

- juger la résiliation anticipée de SFP inopposable à SIPP faute de tentative de remédiation préalable, d'avertissement préalable et de mise en demeure à la société SIPP,

subsidiairement,

vu l'octroi d'un préavis et l'absence de mise en demeure préalable

- juger que l'octroi d'un préavis exclut tout bien fondé à la résiliation anticipée et à l'existence d'une faute grave

vu l'absence de faute grave, et d'octroi d'un préavis

- déclarer inopposable la résiliation anticipée de SFP,

- très subsidiairement, si la cour retenait la validité du principe de la résiliation anticipée,

- juger que les faits reprochés ne peuvent être qualifiés de graves pour justifier une résiliation anticipée (pas d'urgence, pas de gravité) et eu égard à la date de connaissance de ceux-ci (pendant la période probatoire) ou peu de temps après,

infiniment subsidiairement,

- dire en tout état de cause nulle au visa de l'article L. 446-2 alinéa 2 du code de commerce l'article 24.2 du CCATP au motif qu'il est déséquilibré comme ne donnant pas la possibilité à chaque titulaire du contrat de résilier selon des conditions symétriques (tel le non-paiement des prestations par SFP) par la société SIPP,

en conséquence,

- juger que la résiliation fondée sur cette clause n'est pas justifiée,

- condamner la société SFP au paiement des dommages et intérêts compensatoires pour un montant de 276.780,42 euros avec intérêts au taux légal à compter de la résiliation anticipée du 15 février 2020

- condamner la société SFP à payer la somme de 26.016,47 euros au titre du solde restant dû pour la facture n°FC19120064 avec intérêt au taux légal à compter de la facture

- condamner la société SFP à payer les intérêts de retard au taux légal sur les factures à compter de leur envoi numéros 19120033, 20020048, 20030011, 1912001, 19120062, 19120063, ceci, depuis leur date d'émission jusqu'à la date de paiement avec capitalisation,

- condamner la société SFP à payer la somme de 5.000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SFP aux entiers dépens,

- débouter la société SFP de toutes ses demandes ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juin 2024 pour la société SFP gestion afin d'entendre, en application des articles 1224, 1225 et 1231-1 et suivants du code civil et R. 621-33 du code de la sécurité intérieure, de :

'

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la résiliation unilatérale du contrat par SFP était justifiée, débouté la société SIPP de l'ensemble de ses demandes liées à la résiliation unilatérale et anticipée du contrat par la société SFP, limité les sommes restant dues par la société SFP au titre de la facture n° 19120064 à 13.608,06 euros TTC, débouté la société SIPP de sa demande au titre du solde de ladite facture, condamné SIPP à verser 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté SFP de sa demande reconventionnelle de condamnation de SIPP à lui verser la somme de 35.400 euros à titre de dommages et intérêts,

- fixer la créance de SFP au passif de la liquidation judiciaire de SIPP à la somme de 35.400 euros,

en tout état de cause,

- débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- fixer la créance de SFP au passif de la liquidation judiciaire de SIPP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 5.000 euros,

- condamner les liquidateurs judiciaires, es qualités, aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Il sera succinctement rapporté que la société SFP, chargée de l'exploitation du stade [12] à [Localité 13], établissement recevant du public ('ERP') de 1ère catégorie suivant la nomenclature de l'article R. 143-2 du code de la construction et de l'habitation, a lancé en juillet 2019 un appel d'offres pour les prestations de services de sûreté à l'intérieur et aux abords du stade pour une durée d'un an, et d'après les termes du cahier des clauses techniques et administratives particulières ('CCATP'), il était notamment exigé pour les soumissionnaires :

à l'article 16.2. c.

'TITULAIRE met en place un encadrement adapté au site.

Cet encadrement est composé au minimum d'un chef de site de qualification SSIAP3 cette deuxième personne sera identifiée dès le démarrage du contrat ; Cet encadrement est chargé de : La prise en compte des doléances des occupants, La mise en application des méthodes préconisées par le TITULAIRE, La préparation, du suivi et du contrôle de la qualité des prestations, La sécurité du personnel et des biens, L'organisation du travail, La discipline du chantier et du personnel, Assurer auprès du CLIENT son rôle et ses devoirs de conseils.'

à l'article 16.2. d. relatif au 'Personnel d'intervention'

'Organisation de l'équipe du TITULAIRE :

Il est précisé que le personnel du TITULAIRE est sous le contrôle et la responsabilité de l'encadrement défini dans les paragraphes précédents.

Dès la notification du Contrat et pour l'exécution des prestations, le TITULAIRE présente la liste exhaustive de toutes les personnes susceptibles d'intervenir sur le site. Cette liste fournit à la fois les noms, les qualifications et les fonctions attribuées.

A la mise en place du Contrat et en cours d'exécution du Contrat, l'ensemble des profils du personnel prévu au Contrat est présenté au responsable du CLIENT.'

à l'article 16.2. e. relatifs aux intervenants du titulaire

'Sous-traitance

Le TITULAIRE, ne peut sous-traiter des prestations sans l'accord écrit préalable du CLIENT. La liste des sociétés sous-traitantes doit être proposée par le TITULAIRE et agréée par le CLIENT.

Le TITULAIRE demeure le seul interlocuteur du CLIENT. Il assume donc entièrement seul pendant la durée du Contrat, devant le CLIENT comme devant tous tiers, l'entière responsabilité des prestations pour lesquelles il est engagé.

La sous-traitance en tout ou partie de certaines prestations implique l'adhésion du sous-traitant aux clauses techniques du Contrat ainsi que le respect de l'ensemble des stipulations du Contrat et des lois et règlements en vigueur.'

Enfin, le CCATP stipulait à son article 24.2 que :

'Le CLIENT a la faculté de résilier le marché, immédiatement et de plein droit en cas de recours à un ou plusieurs sous-traitants n'ayant pas fait l'objet d'un accord préalable du CLIENT.'

A l'issue de la consultation, le marché a été confié le 1er octobre 2019 à la société SIPP, spécialisée dans la sécurité et le gardiennage soumise à la réglementation relative aux ERP ainsi qu'au code de la sécurité intérieure suivant son article L. 611-1 1°, en particulier en matière de 'transparence sur la sous-traitance' par l'article R. 631-23, dans sa version en vigueur jusqu'au 26 mai 2022 :

'Les entreprises et leurs dirigeants proposent, dans leurs contrats avec les clients ainsi que dans les contrats signés entre eux, une clause de transparence, stipulant si le recours à un ou plusieurs sous-traitants ou collaborateurs libéraux est envisagé ou non.

Si le recours à la sous-traitance ou à la collaboration libérale est envisagé dès la signature du contrat, ils informent leurs clients de leurs droits à connaître le contenu des contrats de sous-traitance ou de collaboration libérale projetés. A cette fin, la clause de transparence rappelle, en les reproduisant intégralement, les dispositions des articles 1er, 2, 3 et 5 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. S'il n'est pas prévu à la signature du contrat, le recours à la sous-traitance ou à la collaboration libérale ne peut intervenir qu'après information écrite du client.

Lors de la conclusion d'un contrat de sous-traitance ou de collaboration libérale, les entreprises de sécurité privée doivent s'assurer du respect, par leurs sous-traitants ou collaborateurs libéraux, des règles sociales, fiscales et relatives à l'interdiction du travail illégal, dans le cadre de ce contrat.

Tout contrat de sous-traitance ou de collaboration libérale ne peut intervenir qu'après vérification par l'entreprise de sécurité privée donneuse d'ordre de la validité de l'autorisation de l'entreprise sous-traitante, des agréments de ses dirigeants et associés et des cartes professionnelles de ses salariés qui seront amenés à exécuter les prestations dans le cadre de ce contrat.'

A compter de décembre 2019, la société SFP a déploré des incidents relatifs, notamment, à la mise en arrêt du système de sécurité incendie par les agents de la société SIPP alors que 200 personnes se trouvaient dans un salon du stade, à la sincérité des rapports relatifs à des déclenchements d'alarme établis par M. [W], responsable en sa qualité d'agent 'SSIAP' de niveau 3, du site et des agents affectés à la sécurité, aux ports d'uniformes par des agents de la société SIPP non conformes à la réglementation applicable, à des défaillances dans les consignes d'intervention à l'occasion d'une panne d'électricité, à des carences dans l'affichage de documentation sur les procédures de sécurité, à la prise de poste d'un agent sans pause pendant 16 heures consécutives, et l'introduction dans l'enceinte du stade de personnes étrangères par des agents de la société SIPP,

Le 15 février 2020, la société SFP a fait réaliser un audit des services de sécurité de la société SIPP aux termes duquel il a été rapporté, en particulier, que le 'SSIAP3 ne fait pas partie de la société SIPP, il travaille en qualité d'auto entrepreneur. Par conséquent, il ne peut pas diriger les équipes composant le service de sécurité car il n'a aucun lien hiérarchique avec eux' et d'autre part, que 'L'uniformité et la copie des attestations notamment celles réalisées en janvier 2020 démontrent que depuis l'arrivée de la société SIPP sur le site, le personnel ne disposait pas de l'ensemble des attestations nécessaires à l'accomplissement des missions qui leur étaient confiées'.

Sur la base de cet audit, la société SFP a dénoncé le 25 février 2020 la 'résolution' du contrat de sécurité avec effet au 17 mars suivant aux motifs que la société SIPP réalisait ses prestations en violation de la réglementation applicable et de ses engagements contractuels.

Après avoir contesté ces griefs par lettre du 2 mars 2020, la société SIPP a assigné le 22 juillet 2020 la société SFP devant le tribunal de commerce de Paris en condamnation au paiement de la somme de 276.780,42 euros à titre de dommages et intérêts.

1. Sur le bien fondé de la résiliation unilatérale du marché de sécurité incendie

Aux termes de leurs conclusions, les parties s'opposent sur le bien fondé de la résiliation unilatérale du marché prise en application de l'article 1226 du code civil disposant que :

Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

- d'après le préalable contractuel de la conciliation

Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il dit recevable et bien fondée la dénonciation de la résiliation anticipée du contrat par la société SFP et rejeté sa demande de dommages et intérêts représentant le solde du prix du marché à son terme, la société SIPP soutient que la société SFP ne pouvait se prévaloir de cette dénonciation unilatérale avant de se conformer à l'obligation de conciliation préalable de l'article 7 du CCATP stipulant que :

'Les parties s'engagent à résoudre à l'amiable tous les litiges auxquels le Contrat pourrait donner lieu, notamment au sujet de leur validité, de leur interprétation, de leur exécution et de leur résiliation'.

Au demeurant, il se déduit des termes de cette consultation préalable qu'elle n'est pas assortie d'un caractère obligatoire, de sorte que le moyen doit être écarté.

- d'après la preuve de la faute grave

Au fond, la société SIPP conteste en premier lieu la gravité de la faute qui lui est reprochée, d'une première part en ce qui concerne le statut de M. [W], alors qu'il est établi la preuve qu'il était particulièrement compétent, diplômé et expérimenté dans les domaines de la sécurité et en affirmant d'autre part qu'il a personnellement réalisé l'ensemble de la documentation technique et opérationnelle du service de sécurité incendie du site en moins de trois mois transmis à la société SFP pour avis et validation dès le 10 octobre 2019. La société SIPP se prévaut par ailleurs d'un échange de courriels le 27 novembre 2019 entre le responsable technique de la société SFP et M. [W] par lequel ce dernier indiquait, à un reproche qui lui était fait sur les prestations, que 'Je suis certes un prestataire '. Certes un consultant externe...' pour déduire la preuve que depuis novembre 2019, la société SFP était informée de statut de sous-traitant de M. [W].

La société SIPP conteste de deuxième part les griefs tenant d'abord à l'entrée de personnes non autorisées sur le stade qui se serait passée le 26 novembre 2019, alors que pour autant qu'elle soit établie, elle ne peut servir de base à la résiliation alors qu'il est intervenu pendant la période d'essai du marché. S'agissant des délais d'intervention rapide le 26 janvier 2020 à la suite de l'alarme déclenchée par le dysfonctionnement de la température dans la salle des serveurs du site, la société SIPP soutient que le contrôle lié à une panne d'électricité n'entrait pas dans le cadre de son intervention. Sur les équipements de SIPP, la société affirme que tout son personnel était doté en permanence d'un vêtement identifiable de travail conforme aux prescriptions de l'article 16-2 du CCATP. Et en ce qui concerne les rapports erronés émis par le SSIAP 3 à l'occasion des déclenchements d'alerte, la société SIPP soutient que l'établissement de ces rapports n'était pas du ressort du SSIAP 3, alors qu'il n'a pas l'obligation contractuelle ni réglementaire à demeurer quotidiennement sur le site de sorte que cette tâche ressortissait seulement au chef de poste SSIAP2 présent et responsable de la sécurité incendie du site.

Et de troisième part, la société SIPP relève qu'elle n'a pas été invitée contradictoirement aux constatations de l'audit sur les qualification de ses agents et sur la qualité des prestations, de sorte qu'elle conteste le bien fondé des griefs tenant aux suspicions affectant les attestations de stage au titre des interventions des ascenseurs établies le même jour le 20 janvier 2020, pour les recyclages 'sauveteur secouriste du travail' réalisés aux mêmes dates pour l'ensemble du personnel ou encore l'absence pour certains agents de la détention des 'attestations ascenseurs'.

Ainsi, la société SIPP déduit que ces incidents ne caractérisaient pas une faute grave et conclut qu'à tout le moins, aucun 'problème sécuritaire' ne lui est reproché, seul de nature à justifier l'urgence propre à dispenser la société SFP d'une mise en demeure préalable à la résiliation du contrat.

In fine, la société SIPP conclut encore que la faute grave qui lui est reprochée n'autorisait pas le préavis dont était assortie la résiliation unilatérale du marché.

Toutefois, il est en premier lieu manifeste qu'un échange de courriels entre le responsable technique du site et M. [W] n'est pas de nature à suppléer les règles d'acceptation de la sous-traitance telle qu'elle est régie par les clauses précitées du CCATP.

En deuxième lieu, la violation de cette procédure qui contrevient à l'engagement formel de la société SIPP dans son dossier de candidature, et dont le respect est d'ordre public suivant les prescriptions de l'article R. 631-23 du code de la sécurité intérieure précité, est d'autant plus grave qu'elle a porté sur l'affectation d'un agent de SSIAP 3 dont le recrutement occulte lui interdisait, de droit, d'exercer une autorité sur les salariés de la société SIPP.

Alors par ailleurs que la société SIPP, qui était en mesure de justifier la réalité des circonstances de temps et d'encadrement dans lesquels son personnel avait acquis les qualifications requises critiqués par l'audit, ne met aux débats aucun éléments de nature à lever les suspicions sur les conditions d'octroi de ces compétences au jour de la prise d'effet du contrat, il se déduit de la gravité des risques juridiques encourus pour des missions préventives en matière de sécurité des biens et des personnes ainsi que de la perte de confiance de la société SFP dans l'exécution du marché passé avec la société SIPP le bien fondé de la résiliation du contrat dans l'urgence requise par l'article 1226 du code civil.

Enfin, depuis un arrêt de la cour de cassation du 13 octobre 1998 n°96-21.485, il est de jurisprudence constante que la gravité de la faute n'est pas nécessairement exclusive d'un délai de préavis, lequel était fixé par la société SFP pour pourvoir à des emplois de remplacement du personnel de la société SIPP de manière à garantir la sécurité de l'établissement accueillant du public, de sorte que par ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit régulière la dénonciation du contrat et débouté la société SIPP de sa demande de dommages et intérêts.

3. Sur la nullité de la clause de résiliation

L'article 24.2 du CCTAP dispose que :

'Le contrat peut être résilié avant la date d'échéance par le CLIENT, aux torts du TITULAIRE et sans indemnités si :

Si celui-ci ne respecte pas les obligations dont il a la charge, après une mise en demeure qui lui est adressé par le CLIENT par lettre recommandée avec avis de réception, et non suivi d'effet dans un délai de 8 jours.

Après l'avoir signifiée au TITULAIRE par lettre recommandée avec accusé de réception avec un préavis de 1 (un) mois, dans les cas suivants :

en cas de faute grave, notamment lorsque le TITULAIRE est responsable d'un accident matériel ou corporel grave, ou responsabilité totale ou partielle du TITULAIRE quant à la survenance d'un accident matériel ou corporel. A l'issue du préavis la résiliation intervient immédiatement et de plein droit.'

La société SIPP conclut à nouveau en cause d'appel à la nullité de cette clause sur le fondement de l'article L. 442-1, 2° b) du code de commerce disposant que :

Engage sa responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées, notamment en lui imposant des pénalités disproportionnées au regard de l'inexécution d'engagements contractuels.

Elle relève ainsi qu'elle a poursuivi ses prestations de décembre 2019 à mars 2020 sans avoir été rémunérée et dont une partie des factures demeure impayée sans que le CCATP ne réserve la faculté de dénoncer le contrat de ce chef.

Au demeurant, les cas de résiliation de l'article 24.2 précité ne sont pas disproportionnés avec la faculté que les articles 1219 à 1220 du code civil réservent à une partie de refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, et tandis en tout état de cause que, sous le bénéfice de la discussion du solde des factures au point 4, la société SIPP ne forme aucune prétention de ce chef, il n'y pas lieu de discuter davantage celui-ci.

4. Sur le solde des prestations réalisées du 1er mars au 17 mars 2020

La société SIPP conteste le jugement en ce qu'il a limité la facture émise le 16 mars 2020 pour la somme de 26.016,47 au titre des prestations réalisées du 1er mars au 17 mars 2020 affirmant qu'elle comprend la facturation de toute la documentation réalisée par M. [W].

Cependant, la pièce n°10 dont elle se prévaut ne mentionne pas la facturation d'une documentation et la société SIPP ne justifie pas davantage que devant les premiers juges, la preuve alléguée par la société SFP que la présence des prestataires M. [W] et les contrôleurs SIPP sur la période n'a été que de 42 heures au lieu 396 heures, de sorte que sur cette base, le jugement sera confirmé en ce qu'il a limité le solde restant dû à somme de 13.608,06 euros TTC.

5. Sur la demande de dommages et intérêts de la société

La société SFP entend voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts qu'elle justifie en raison du péril de la sécurité du stade, de ses usagers et de l'ensemble de son personnel, de la perturbation, des événements avant la résolution du contrat, de l'audit qu'elle a dû réaliser pour comprendre les manquements commis par SIPP, du personnel qu'elle a mobilisé pour rechercher un nouveau prestataire dans l'urgence et l'assistance par son avocat dans le cadre de la résolution du contrat.

Néanmoins, il n'est pas établi la preuve d'une matérialisation du préjudice dans l'accueil du public dans le site. L'essentiel des démarches de la société SFP aurait pu être conduites personnellement et entraient au surplus dans le cadre de son activité de surveillance des qualités de la prestation, et tandis au surplus que la société SFP a remercié la société SIPP dans l'exécution des prestations au terme du préavis, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.

6. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SIPP succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a tranché les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, et tandis que la société SIPP est l'objet d'une procédure collective, il convient en cause d'appel de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens ainsi que celle des frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

DONNE ACTE aux interventions volontaires en qualité d'administrateurs judiciaires de la société SIPP la société AJRS, Mme [T] [F], Mme [N] [S], et en qualité de mandataires judiciaires de la société SIPP, la société MJA, Mme [R] [L], la société Actis et Mme [X] [I] ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a prononcé la condamnation de la société SIPP au paiement ;

DIT que les sommes dues à la société SFP gestion sont fixées au passif de la société SIPP ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens ainsi que celle des frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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