CA Versailles, ch. civ. 1-2, 17 décembre 2024, n° 24/01167
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
Défendeur :
Franfinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseiller :
Mme Thivellier
Avocats :
Me Baudin, Me Boulaire, Me Cartier
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 8 avril 2013, M. [R] [J] a signé un bon de commande auprès de la société Conseils Eco Génération portant sur la fourniture et l'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque pour un montant total de 23 900 euros. Le même jour, M. [R] [J] et Mme [V] [J] née [H] ont souscrit un contrat de crédit aux fins de financement de cet achat auprès de la société Franfinance pour un montant de 23 900 euros remboursable suivant 12 mensualités de 40 euros suivies de 103 mensualités de 331,47 euros, outre 32,52 euros de cotisation mensuelle à l'assurance facultative, après une période d'amortissement de 6 mois.
Une attestation de livraison sans réserve a été signée le 25 juin 2013 par M. [R] [J]. Ce dernier a, à nouveau, le 6 juillet 2013 attesté de la livraison du bien en parfait état et a autorisé la banque à régler au vendeur l'intégralité du crédit.
Les fonds ont été débloqués le 9 juillet 2013 et le crédit a été intégralement remboursé par les emprunteurs le 25 juillet 2016.
Un contrat d'achat photovoltaïque a été signé par M. [R] [J] avec EDF.
Par jugement en date du 1er octobre 2015, la société Conseils Eco Génération a été placée en liquidation judiciaire et par jugement en date du 24 septembre 2020, la clôture de la liquidation a été prononcée pour insuffisance d'actif.
Par acte délivré les 8 et 13 juillet 2021, M. et Mme [J] ont fait assigner la société Conseils Eco Génération, représentée par la Searl AJ UP, prise en la personne de Maître [O] [U], en qualité de mandataire ad hoc, et la société Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux aux fins d'obtenir :
- la recevabilité de leurs demandes ;
- le constat des irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat de vente conclu avec la société Conseils Eco Génération ;
- le constat selon lequel la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution normale du contrat litigieux ;
- la condamnation de la société Franfinance à leur verser les sommes suivantes :
* 23 900 euros correspondant au montant du capital emprunté ;
* 14 461 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du contrat de crédit ;
* 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le débouté de la société Franfinance de toutes ses demandes ;
- la condamnation de la société Franfinance aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 23 janvier 2024, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
- déclaré irrecevables les demandes formées par M. et Mme [J] au titre de la nullité pour dol du contrat de vente conclu le 8 avril 2013 avec la société Conseils Eco Génération et de la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu le 8 avril 2013 avec la société Franfinance ;
- déclaré irrecevables les demandes formées par M. et Mme [J] au titre de la nullité pour non-respect des dispositions du code de la consommation du contrat de vente conclu le 8 avril 2013 avec la société Conseils Eco Génération et de la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu le 8 avril 2013 avec la société Franfinance ;
- déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [J] présentées comme les conséquences desdites nullités ;
- débouté la société Franfinance de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamné M. et Mme [J] au paiement de la somme de 2 000 euros à la société Franfinance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. et Mme [J] aux dépens ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 16 février 2024, M. et Mme [J] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions d'incident signifiées le 22 avril 2024, M. et Mme [J], appelants, demandent à la cour de constater leur désistement d'instance et d'action à l'encontre de la Selarl AJ UP ainsi qu'à l'encontre de la société Conseils Eco Génération.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 22 avril 2024, M. et Mme [J], appelants demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* déclaré irrecevables leurs demandes au titre de la nullité pour dol du contrat de vente conclu le 8 avril 2013 avec la société Conseils Eco Génération et de la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu le 8 avril 2013 avec la société Franfinance;
* déclaré leurs demandes au titre de la nullité pour non-respect des dispositions du code de la consommation du contrat de vente conclu le 8 avril 2013 avec la société Conseils Eco Génération et de la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu le 8 avril 2013 avec la société Franfinance;
* déclaré irrecevables leurs demandes présentées comme les conséquences desdites nullités;
* les a condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros à la société Franfinance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
* les a condamnés aux dépens;
* a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
* a rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire;
- déclarer recevables et bien fondées leurs demandes;
- déclarer que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds à leur préjudice devant entraîner la privation de sa créance de restitution ;
- condamner la société Franfinance à leur verser l'intégralité des sommes suivantes au titre des fautes commises :
* 23 900 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution;
* 14 461 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés à la société Franfinance en exécution du prêt souscrit;
* 5 000 euros au titre du préjudice moral;
* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
En tout état de cause,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Franfinance;
- condamner la société Franfinance à leur rembourser l'ensemble des intérêts versés au titre de l'exécution normale du contrat de prêt jusqu'à parfait paiement ; et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé desdits intérêts;
- débouter la société Franfinance de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires;
- condamner la société Franfinance à supporter les entiers frais et dépens de l'instance.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 22 avril 2024, la société Franfinance, intimée, demande à la cour de :
- dire et juger l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions recevables et bien fondées ;
Y faisant droit, à titre principal :
- dire et juger M. et Mme [J] mal fondés en leur appel ;
- confirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 23 janvier 2024 ;
- déclarer irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une faute serait retenue à son encontre :
- débouter M. et Mme [J] de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées à l'encontre de la société Franfinance ;
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de dommages et intérêts :
- limiter le montant des dommages et intérêts à concurrence du préjudice réellement ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. et Mme [J] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme [J] aux entiers dépens d'appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Selarl AJ UP, prise en la personne de maître [O] [U], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Conseils Eco Génération n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions d'appel lui ont a été signifiées par acte du 23 avril 2024 délivré à personne morale. Le jugement sera réputé contradictoire en application de l'article 474 alinéa 1 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 septembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le désistement partiel d'appel
L'article 400 du code de procédure civile dispose que le désistement d'appel est admis en toutes matières sauf dispositions contraires.
L'article 401 du code de procédure civile précise que le désistement d'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
Par conclusions du 22 avril 2024, M. et Mme [J] font valoir que la mission du mandataire ad hoc a pris fin le 28 juin 2022 et qu'ils entendent se désister de leur appel à l'égard de la Selarl AJ UP ès qualités et à l'encontre de la société Conseils Eco Génération et demandent de constater leur désistement d'instance et d'action à l'égard du mandataire ad hoc, c'est-à-dire la Selarl AJ UP désignée mandataire ad hoc de la société Conseils Eco Génération.
La Selarl AJ UP désignée mandataire ad hoc de la société Conseils Eco Génération n'a pas constitué avocat.
Dès lors, la cour constate ce désistement partiel d'appel qui n'a pas à être accepté, au visa de l'article 401 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de constater le désistement partiel de la société Conseils Eco Génération qui n'est pas partie à l'instance, celle-ci étant dépourvue de toute existence juridique.
Sur la recevabilité des demandes
Le tribunal a jugé, s'agissant de la recevabilité de la demande relative à la nullité du contrat de vente pour dol et celle subséquente du contrat de crédit affecté, que la découverte du dol qu'invoquent M. et Mme [J], soit une faiblesse de la rentabilité par rapport aux promesses faites lors de la signature du bon de commande, peut être établie au plus tard à la première facture d'achat par EDF de l'électricité, soit le 20 janvier 2015, en sorte que l'assignation, délivrée les 8 et 13 juillet 2021 est irrecevable.
S'agissant de la recevabilité de la demande relative à la nullité du contrat de vente fondée sur le non-respect des dispositions du code de la consommation et celle subséquente du contrat de crédit affecté, le tribunal a jugé que le point de départ de la prescription est la date de signature du contrat et que M. et Mme [J] ne justifient pas d'un motif de report, étant en capacité à la signature du bon de commande de vérifier que celui-ci était incomplet ou irrégulier, en sorte que la prescription est là encore acquise.
M. et Mme [J] font valoir, sans distinguer entre l'action en nullité pour dol et celle pour non-respect des dispositions du code de la consommation :
- que c'est à tort que le tribunal a jugé leur action prescrite, au motif que l'article 2224 du code civil pose comme règle claire que le point de départ de la prescription n'est pas fixé au jour des faits mais à la date où le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître,
- que s'agissant d'une action en responsabilité au titre d'un manquement commis par un cocontractant à ses obligations, les faits justifiant d'agir sont d'une part le fait générateur de responsabilité et d'autre part la connaissance du préjudice subi,
- que l'appréciation de la rentabilité d'une installation censée produire un gain ou une économie d'énergie sur plusieurs année nécessite du recul,
- que leurs craintes d'une absence complète d'autofinancement et de rentabilité ne se sont confirmées qu'après plusieurs années de production et après la lecture du rapport d'expertise qui leur a été remis,
- qu'ils n'ont pas eu connaissance de la faute de la banque à la conclusion du contrat, soulignant que la cour de justice de l'Union Européenne a jugé qu'un délai court qui débuterait à la conclusion du contrat ne permettrait pas de garantir la protection des consommateurs et l'effectivité de leurs droits,
- qu'ils ont seulement eu connaissance de la faute de la banque au moment où ils ont saisi un avocat,
- que la Cour de cassation a elle-même rappelé que, par principe, dans le cadre des erreurs commises en matière de taux effectif global, le point de départ de la prescription ne pouvait être fixé à la date d'acception de l'offre par l'emprunteur qu'à la double condition d'une part que l'emprunteur soit en mesure de déceler par lui-même l'irrégularité affectant l'acte et d'autre part que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, sans avoir à procéder à des calculs ou des analyses et que ce n'est pas le cas en l'espèce,
- que la Cour de cassation dans un arrêt du 24 janvier 2024, opérant un revirement de jurisprudence, a considéré que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permettait pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat,
- qu'ils ne pouvaient imaginer que la banque n'aurait pas procédé aux vérifications utiles du bon de commande dont elle avait la responsabilité et que dès lors la signature du contrat ne peut constituer le point de départ du délai de prescription, n'ayant pas à cette date connaissance de l'ensemble des irrégularités, en sorte qu'aucune prescription n'est acquise.
La société Franfinance, qui, à titre liminaire, juge cette action dénuée de tout intérêt pour la transition écologique et actionnée dans un but purement financier, fait valoir s'agissant de la prescription de l'action en nullité du contrat de vente fondée sur le formalisme, que le point de départ du délai de prescription en application de l'article 2224 du code civil, est la connaissance effective ou supposée des faits, qu'en décider autrement reviendrait à faire partir le point de départ de la prescription du jour choisi par eux et rendrait l'action quasiment imprescriptible. Elle rappelle que la jurisprudence est constante à cet égard sur le point de départ de la prescription au titre du formalisme du contrat, à savoir la date de conclusion du contrat. Elle en conclut que la prescription est acquise.
S'agissant de la prescription de l'action en nullité pour dol, la société Franfinance fait valoir, outre qu'aucune rentabilité n'était contractuellement prévue, que le point de départ de la prescription doit être fixée à la date de conclusion du contrat, que M. et Mme [J] ne justifient pas d'un motif de report du point de départ de la prescription, qu'au plus tard le point de départ de la prescription pourrait être fixé au 20 janvier 2015, date de la première facture de production d'électricité, que la prescription est acquise.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce M. et Mme [J] fondent leurs demandes de nullité à la fois sur le non-respect des dispositions du code de la consommation et sur le dol.
* S'agissant du non-respect des dispositions du code de la consommation
Au vu du fondement de la demande en nullité du contrat, à savoir le non-respect des prescriptions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable, le point de départ de la prescription est la date de l'acte argué de nullité sauf à ce que M. et Mme [J] démontrent qu'ils étaient dans l'impossibilité d'agir et qu'ils ignoraient l'existence de leurs droits.
M. et Mme [J] ne sauraient invoquer leur ignorance, pour administrer une telle preuve et solliciter un report du point de départ de la prescription, alors même que les irrégularités formelles invoquées, à les supposer avérées, étaient visibles par les intéressés à la date de conclusion du contrat. Retenir leur argumentation reviendrait au demeurant à voir repousser le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité formelle du contrat à une date décidée à leur seule convenance, à la date à laquelle ils ont pu avoir une connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme qu'ils invoquent.
En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence.
Par ailleurs, c'est en vain que M. et Mme [J] invoquent la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, pour échapper à la prescription quinquennale. En effet, la règle nationale de prescription de l'action, contrairement à ce que ces derniers affirment, est conforme aux principes européens d'effectivité des droits, notamment du consommateur, en ce que d'une part, elle ne fait courir le délai à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits ; d'autre part en ce qu'elle aménage un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
De la même manière, M. et Mme [J] ne peuvent utilement invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était point décelable lors de la conclusion du contrat, puisque précisément, en l'espèce, ces derniers étaient en mesure de déceler lors de la conclusion du contrat de vente litigieux les irrégularités entachant, selon leurs dires, le bon de commande, sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux, ces erreurs résultant du seul constat que certaines mentions prévues par le code de la consommation n'apparaissaient pas sur le bon de commande.
Enfin, ils ne peuvent pas plus invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation issue de son arrêt du 24 janvier 2024 relative à la confirmation d'un acte nul par application de l'article 1182 du code civil qui juge désormais que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions, puisque l'article 1182 exige une connaissance effective de la cause de nullité (« en connaissance de la cause de nullité »), tandis que l'article 2224 du code civil applicable à l'espèce, n'exige du titulaire du droit qu'une connaissance effective ou supposée des faits.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté fondée sur non-respect des dispositions du code de la consommation, motif pris de ce qu'elle a été formée par assignations délivrées les 8 et 13 juillet 2021, soit plus de cinq ans après la signature du bon de commande litigieux intervenue le 8 avril 2013.
* S'agissant du dol
En application de l'article 1304 du code civil dans sa version applicable au contrat, la prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert les man'uvres ou la réticence dolosive qu'il dénonce.
Il incombe aux requérants de justifier des éléments de fait qui induisent qu'ils n'ont eu connaissance du dol ou n'ont été en mesure de le connaître que postérieurement à la souscription du contrat.
S'agissant du dol relatif à l'absence d'autofinancement et à sa rentabilité financière, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle M. et Mme [J] ont compris que tel ne serait pas le cas. M. et Mme [J] soutiennent qu'ils n'ont eu conscience de cette absence de rentabilité qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise, qui doit ainsi, selon eux, fonder le point de départ du délai de prescription, soit le 19 novembre 2019.
Toutefois, la cour relève qu'il ne saurait suffire de la production d'un rapport d'expertise non contradictoire, au demeurant succinct et lacunaire, dont l'établissement résulte de la seule volonté des appelants, pour établir le point de départ de la prescription, alors même que dès avant l'établissement de ce rapport d'expertise M. et Mme [J] avaient nécessairement connaissance de la moindre rentabilité.
M. et Mme [J], qui n'ont d'ailleurs émis aucune contestation à réception de leurs factures de revente d'électricité, défaillent à rapporter la preuve d'une découverte, postérieure au contrat, d'une discordance entre la rentabilité promise et la rentabilité effective de leur installation, dès lors que:
- le bon de commande et l'ensemble des pièces contractuelles ne comportent aucun engagement contractuel de la venderesse concernant la rentabilité de l'installation acquise par M. et Mme [J] ni aucune garantie de revenus ou d'autofinancement,
- il n'est pas justifié, au vu des pièces produites, de la rentabilité effective de l'installation, qui doit être appréciée sur la totalité de sa durée de vie,
- l'acquisition de M. et Mme [J] ne s'inscrit pas uniquement dans une finalité de rentabilité mais constitue également un achat responsable visant à protéger l'environnement.
Partant, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de nullité des contrats sur le fondement du dol.
A titre surabondant, il sera relevé que, à supposer la demande recevable, la cour l'aurait rejetée pour être manifestement mal fondée, en raison du fait que M. et Mme [J] échouent à faire la preuve des man'uvres dolosives prêtées à la société venderesse et vantant la rentabilité de l'installation et son autofinancement, et que l'examen du bon de commande, seul document ayant valeur contractuelle, ne fait pas ressortir que M. et Mme [J] avaient fait de la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque une condition déterminante de leur consentement (Cass.Com., 30 août 2023, n° 21-16.738 ; Civ., 2e, 25 mai 2022, n°20-23.641).
De ce qui précède, il résulte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes hormis sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque
M. et Mme [J] sollicitent dans le dispositif de leurs conclusions que la banque soit déchue de son droit aux intérêts conventionnels.
La société Franfinance rétorque que la demande n'est pas motivée, qu'elle est nouvelle en cause d'appel et qu'elle est en toutes hypothèses prescrite.
Réponse de la cour
En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions, de sorte qu'il ne sera pas répondu à la demande de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Franfinance, cette prétention n'étant soutenue par aucun moyen.
Sur les demandes accessoires
M. et Mme [J], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Stéphanie Cartier en application de l'article 699 du code de procédure civile, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et frais irrépétibles étant, par ailleurs, confirmées.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter les frais irrépétibles de la société Franfinance à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe,
Constate le désistement partiel d'appel à l'égard de la Selarl AJ UP, mandataire ad hoc de la société Conseils Eco Génération,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [R] [J] et Mme [V] [J] née [H] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par Maître Stéphanie Cartier, qui en a fait la demande,
Condamne in solidum M. [R] [J] et Mme [V] [J] née [H] à payer à la société Franfinance une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, à laquelel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.