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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 13 décembre 2024, n° 24/08893

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Neo 10 (SARL)

Défendeur :

Sareas Immobilier (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseiller :

Mme Gaffinel

Avocats :

Me Jean, Me Nougaret, Me Vignes, Me Charmet-Ingold

TC Evry, du 24 avr. 2024, n° 2023R00257

24 avril 2024

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Le 20 janvier 2021 a été conclu un contrat de promotion immobilière entre les sociétés Sareas Immobilier et Neo 10, aux termes duquel, la première s'est engagée, en qualité de promoteur, à procéder ou faire procéder, au nom et pour le compte de la seconde, désignée maître de l'ouvrage, à la réalisation d'un immeuble situé à [Localité 10] (Essonne), d'une surface de plancher globale d'environ 6.140 m² à usage d'activité, d'accueil et de showroom au rez-de-chaussée et de bureaux au 1er étage, avec 71 emplacements de stationnement, moyennant le prix ferme et définitif de 4.462.848 euros, payable selon un échéancier contractuellement prévu.

Il a été convenu que le promoteur s'engageait à livrer l'immeuble au plus tard douze mois après le dépôt d'une déclaration d'ouverture du chantier, laquelle a été déposée le 26 août 2021.

Le 22 décembre 2022, a été signé, entre les sociétés Sareas Immobilier et Neo 10, un procès-verbal d'achèvement et de livraison de l'immeuble avec 126 réserves, lesquelles devaient être levées, en application du contrat, dans un délai de trois mois.

Le 22 mars 2023, seules 58 réserves ont été levées et la société Sareas Immobilier a adressé, le 21 mars 2023, à la société Neo 10, un planning d'intervention des entreprises pour la levée des 68 réserves restantes, ramenées à 54 le 3 avril 2023. Cette dernière ayant refusé l'accès aux entreprises, la société Sareas Immobilier l'a mise en demeure, par lettre du 4 avril 2023, de laisser les entreprises intervenir dans les locaux. Par lettre non datée mais reçue par la société Sareas Immobilier le 12 avril 2023, la société Neo 10 lui a confirmé son refus de toute intervention de la part des entreprises dans ses locaux, estimant que celle-ci serait préjudiciable à l'exploitation du site.

Le 31 mai 2023, la société Neo 10 a fait procéder à un constat par commissaire de justice, afin d'établir les réserves non levées, qu'elle a transmis à la société Sareas Immobilier le 3 octobre suivant, puis a dénoncé de nouveaux désordres consistant en des infiltrations survenues postérieurement à la livraison de l'ouvrage et a maintenu son refus de faire lever par celle-ci les réserves restantes.

Dans ces circonstances, la société Sareas Immobilier a émis deux factures d'un montant de 133.885,44 euros TTC chacune, en date des 10 mai et 19 septembre 2023, correspondant aux 8ème et 9ème échéances du prix, respectivement dues à la levée des réserves et la remise des documents visés à l'article 12.5, d'une part, et à l'obtention de l'attestation de non-contestation de la conformité de l'immeuble et à la remise des polices d'assurance, d'autre part.

Ces factures n'ayant pas été réglées, la société Sareas Immobilier a, par acte du 21 décembre 2023, assigné la société Neo 10 devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry afin, notamment, d'obtenir la condamnation provisionnelle de cette dernière au paiement des sommes précitées.

Par ordonnance contradictoire du 24 avril 2024, le premier juge a :

débouté la société Sareas Immobilier de sa demande de forclusion ;

débouté la société Neo 10 de sa demande d'expertise judiciaire ;

débouté la société Neo 10 de sa demande en paiement des pénalités de retard contractuelles ;

condamné par provision la société Sareas Immobilier à payer à la société Neo 10 la somme de 16.682 euros TTC au titre des dégradations et vols ;

condamné par provision la société Neo 10 à payer à la société Sareas Immobilier la somme de 267.770,88 euros au titre des factures 9 et 8 ;

condamné la société Neo 10 à payer à la société Sareas Immobilier la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté du surplus,

condamné la société Neo 10 aux dépens.

Par déclaration du 10 mai 2024, la société Neo 10 a relevé appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives, d'une part, au rejet de ses demandes d'expertise judiciaire et de paiement des pénalités de retard, d'autre part, à sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 267.770,88 euros au titre des factures 9 et 8, d'une indemnité procédurale et des dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 octobre 2024, la société Neo 10 demande à la cour de :

la déclarer recevable et fondée en son appel ;

réformer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau,

ordonner une expertise judiciaire ;

désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission, notamment, de :

- décrire les réserves subsistantes, désordres, malfaçons et non-façons affectant l'ouvrage objet du contrat de promotion immobilière du 20 janvier 2021 mentionnés dans le constat du commissaire de justice du 31 mai 2023 et le rapport du cabinet Civilis Expertises du 6 février 2024 ;

- dire si ces désordres vont s'aggraver avec le temps, si d'autres conséquences

dommageables peuvent survenir et dans quelle mesure ;

- dire si ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou s'ils rendent cet ouvrage impropre à sa destination ;

- rechercher les causes exactes des désordres ;

- décrire et chiffrer les travaux de reprise nécessaires pour remédier à ces désordres ;

- décrire et chiffrer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage ;

- faire la liste des réserves signalées à la réception non levées à ce jour ;

- dire si des mesures conservatoires urgentes sont nécessaires ;

- évaluer les préjudices subis et ceux à venir ;

- proposer un compte entre les parties ;

- donner plus généralement tous éléments permettant au juge du fond de trancher les responsabilités et les dédommagements susceptibles d'être fixés ;

condamner la société Sareas Immobilier à lui verser une somme de 166.500 euros HT, outre TVA à 20%, soit 199.800 euros TTC, à titre de provision à valoir sur les pénalités de retard contractuelles ;

débouter la société Sareas Immobilier de sa demande de provision au titre des tranches 8 et 9 ;

la décharger en conséquence des condamnations prononcées à son encontre et réglées au titre de l'exécution provisoire, soit la somme en principal de 267. 770,88 euros ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- débouté la société Sareas Immobilier de sa demande de forclusion ;

- condamné la société Sareas Immobilier à lui payer par provision la somme de 16.682 euros TTC au titre des dégradations et vols ;

condamner la société Sareas Immobilier à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 20 octobre 2024, la société Sareas Immobilier demande à la cour de :

débouter la société Neo 10 de son appel et de toutes ses demandes ;

la dire recevable et bien fondée en son appel incident et en ses demandes ;

infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de forclusion et l'a condamnée à payer à la société Neo 10 une provision de 16.682 euros au titre des dégradations et vols ;

Statuant à nouveau,

dire la société Neo 10 forclose en sa demande de désignation d'un expert au titre des réserves non levées, dès lors qu'elle est forclose pour agir à son encontre du chef des désordres apparents et au titre de la garantie de parfait achèvement ;

dire que la demande en paiement d'une provision au titre des dégradations et vols souffre de contestations sérieuses ;

En conséquence,

dire n'y avoir lieu à référé sur la demande d'expertise forclose et sur la demande de provision de 16.682 euros au titre des dégradations et vols formées par la société Neo 10 ;

A titre subsidiaire,

confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

débouté la société Neo 10 de sa demande d'expertise judiciaire ;

condamné la société Neo 10 à lui payer une provision d'un montant de 267.770,88 euros au titre des factures 8 et 9 ;

condamné la société Neo 10 à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire, si une expertise judiciaire devait être ordonnée,

ordonner la consignation de la somme de 267.770,88 euros auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations jusqu'au dépôt du rapport de l'expert judiciaire, consignation qui sera faite par elle, en l'état de la saisie attribution ;

Ajoutant à l'ordonnance déférée,

condamner la société Neo 10 à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 octobre 2024.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Pour ordonner une expertise en application de ce texte, le juge des référés doit constater l'existence d'un procès 'en germe', possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, l'expertise judiciaire ordonnée n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Au cas présent, la société Neo 10 invoque l'existence de réserves non levées et de désordres apparus postérieurement à la livraison de l'ouvrage. Elle se fonde essentiellement sur le procès-verbal de constat réalisé le 31 mai 2023, démontrant l'absence de levée de la totalité des réserves et sur un compte rendu de visite de la société Civilis Expertises du 6 février 2024 afin d'établir la survenue de nouveaux désordres.

Elle considère que ces pièces suffisent à établir l'existence d'un motif légitime et soutient qu'en raison de l'inachèvement de l'ouvrage, des nouveaux désordres et du dépassement du délai contractuel de livraison, la responsabilité de la société Sareas Immobilier est susceptible d'être engagée sur le fondement des articles 1831-1 et suivants du code civil, 1642-1 et 1648 alinéa 2 du même code, s'ils sont applicables au présent litige, ou 1792 dudit code de sorte que sa future action n'est pas manifestement vouée à l'échec.

Pour s'opposer à la mesure d'instruction, la société Sareas Immobilier soutient que celle-ci portant sur des réserves non levées est inutile dans la mesure où l'action au fond que pourrait engager la société Neo 10 à ce titre est forclose.

Elle fait valoir que la responsabilité du promoteur immobilier au titre des vices apparents est régie par les articles 1642-1 et 1648, alinéa 2, du code civil de sorte que l'action en justice doit être engagée dans l'année suivant la réception ou la prise de possession des locaux à peine de forclusion ; que la demande d'expertise a été formée, pour la première fois, par conclusions devant le premier juge du 7 février 2024, que les désordres ont été dénoncés entre septembre et octobre 2023, soit dans l'année de la livraison intervenue le 22 décembre 2022, qu'en exécution des textes susvisés, applicables au promoteur immobilier tenu des désordres apparents et de l'article 1792-6 du code civil relatif à la garantie de parfait achèvement, même si l'appelante considère que celle-ci ne serait pas applicable, cette dernière aurait dû agir contre elle avant le 22 décembre 2023, que ne l'ayant pas fait, elle est désormais irrecevable à agir de sorte que son action est nécessairement vouée à l'échec.

Il sera rappelé qu'en application de l'article 1831-1 du code civil, 'le contrat de promotion immobilière est un mandat d'intérêt commun par lequel une personne dite 'promoteur immobilier' s'oblige envers le maître d'un ouvrage à faire procéder, pour un prix convenu, au moyen de contrats de louage d'ouvrage, à la réalisation d'un programme de construction d'un ou plusieurs édifices ainsi qu'à procéder elle-même ou à faire procéder, moyennant une rémunération convenue, à tout ou partie des opérations juridiques, administratives et financières concourant au même objet. Ce promoteur est garant de l'exécution des obligations mises à la charge des personnes avec lesquelles il a traité au nom du maître de l'ouvrage. Il est notamment tenu des obligations résultant des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code civil.

Si le promoteur s'engage à exécuter lui-même partie des opérations du programme, il est tenu quant à ses opérations, des obligations d'un locateur d'ouvrage'.

Il a été stipulé à l'article 11 du contrat, intitulé 'Garanties délivrées par le promoteur', sous le n° 11.2 que 'de convention expresse entre les parties, le promoteur est tenu des garanties suivantes :

- la garantie de parfait achèvement résultant de l'article 1792-6 du code civil à laquelle sont tenues les entreprises participant à l'acte de construire pendant le délai d'un an à compter de la réception,

- la garantie des vices apparents et des non-conformités apparentes qui se révéleraient dans le délai de douze mois à compter de la prise de possession de l'immeuble par le maître de l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne pourra agir contre le promoteur que dans l'année qui suit la date à laquelle le promoteur peut être déchargé des vices apparents, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 1648, alinéa 2 du code civil,

- la garantie des vices cachés.

Le promoteur est également tenu des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des dispositions des articles 1792, 1792-1 à 1792-4 et 2270 du code civil pendant une durée de dix ans à compter de la réception des travaux. (....)'.

La société Neo 10 conteste la rédaction de cette clause qu'elle considère contradictoire et confuse en soutenant que l'article 1792-6 a vocation à ne s'appliquer qu'aux seules entreprises et que le contrat de promotion immobilière au sens des articles 1831-1 et suivants du code civil est en principe étranger à la garantie des vices et défaut de conformité apparents de l'article 1642-1 du code civil, alors que ces textes, exclusifs l'un de l'autre, sont tous deux visés, de sorte qu'elle considère que la forclusion invoquée de son action est contestable.

Il n'appartient toutefois pas au juge des référés d'apprécier la rédaction de la clause susvisée ni de l'interpréter alors au surplus que sa rédaction est dépourvue de toute ambiguïté en ce qu'elle met à la charge de la société Sareas Immobilier la garantie des vices apparents de l'article 1642-1 du code civil, qui dispose que le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.

Selon l'article 1648, alinéa 2 dudit code, dans le cas prévu par l'article susvisé, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

La prise de possession des locaux s'étant effectuée le 22 décembre 2022, le point de départ de l'action doit être fixé un mois après celle-ci, soit le 22 janvier 2023, de sorte que, pour les réserves non levées, l'action est forclose depuis le 22 janvier 2024.

Cependant, ainsi que le soutient la société Neo 10, le délai de forclusion de l'article 1648 alinéa 2, du code civil n'est pas applicable à l'action qui a pour objet d'obtenir l'exécution de l'engagement pris de réparer les désordres apparents qui ont fait l'objet de réserves à la réception.

La société Neo 10 se fonde sur la lettre de la société Sareas Immobilier en date du 4 avril 2023 dans laquelle celle-ci indique avoir transmis le 21 mars 2023 un planning d'intervention des entreprises pour la reprise des réserves, et met en demeure le maître de l'ouvrage de laisser intervenir les entreprises pour permettre cette reprise, demande réitérée par lettre du 2 juin 2023.

Dès lors qu'il pourrait être considéré par la juridiction éventuellement saisie au fond, que les termes de ces lettres manifestent l'engagement exprès, lequel n'est au demeurant pas contesté, de la société Sareas Immobilier de reprendre les réserves non levées, l'action que la société Neo 10 pourrait engager n'apparaît pas, à ce stade, manifestement vouée à l'échec.

En tout état de cause, la société Neo 10 fait état de désordres apparus postérieurement à la prise de possession consistant essentiellement en des infiltrations, des inondations des quais de chargement du fait d'un dysfonctionnement des pompes de relevage et une dégradation des structures et matériels de ces quais provenant de leur disposition gênant les manoeuvres des semi-remorques. Le rapport de visite de la société Civilis Expertises produit par la société Neo 10 ne suffit pas à établir la nature et l'ampleur de ces nouveaux désordres que seule une mesure d'instruction permettra de déterminer de sorte que pour ces derniers, n'ayant pas fait l'objet de réserve à la réception, la future action que pourrait engager la société Neo 10 n'est pas davantage manifestement vouée à l'échec.

Dans ces conditions, dès lors que la société Neo 10 justifie d'un procès en germe à l'encontre de la société Sareas Immobilier et donc, d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, il convient, infirmant de ce chef l'ordonnance entreprise, d'ordonner une mesure d'expertise dont les modalités seront précisées au dispositif et qui s'effectuera aux frais avancés de la société appelante, qui a intérêt à ce que cette mesure soit diligentée.

Sur les demandes de provisions

Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Au titre des deux dernières échéances du contrat de promotion immobilière

La société Sareas Immobilier sollicite la confirmation de l'ordonnance lui ayant alloué la somme de 267.770,88 euros à valoir sur le solde du prix de la construction.

Cette somme correspond aux deux factures émises le 19 septembre 2023 d'un montant de 133.885,44 euros, au titre de la situation n°8 et le 10 mai 2023, au titre de la situation n° 9 représentant, chacune, 2,5 % du prix.

Sur la facture du 19 septembre 2023

Selon le contrat, la situation n°8 est payable à la levée des réserves et à la remise des documents visés à l'article 12.5 de celui-ci, à savoir, notamment, le rapport final du bureau de contrôle technique sans réserve, le procès-verbal de levée des réserves avec les entrepreneurs, le cas échéant, les contrats et conventions de mitoyenneté, de servitudes et autres conclus par le promoteur pour la réalisation de l'opération ou sa desserte, les plans de recollement produits par les entreprises, le procès-verbal d'essais des matériaux, notamment, de résistance au feu et avis technique.

Il résulte des pièces produites que la société Neo 10 a, par sa seule attitude, empêché la levée des réserves.

En effet, en dépit de plusieurs demandes formées par la société Sareas Immobilier, entre mars et juin 2023, la société Neo 10 a refusé l'intervention des entreprises pour permettre la levée des réserves au motif qu'étant installée sur le site, il n'était plus possible pour ces dernières d'intervenir 'sans perturber (son) activité ou dégrader la propreté (des) locaux' tout en indiquant qu'elle ferait appel à ses prestataires pour corriger l'ensemble des réserves et malfaçons (lettres reçues par Sareas Immobilier les 12 avril et 3 octobre 2023 - pièces n°11 et 13).

S'il est exact que contractuellement les réserves devaient être levées dans un délai de trois mois à compter de la livraison (soit jusqu'au 22 mars 2023), il ne peut qu'être constaté qu'à cette date 58 réserves avaient été levées et que selon le planning proposé le 21 mars 2023 à la société Neo 10, il était prévu que les réserves restantes seraient levées entre le 27 mars et le 28 avril 2023 (pièces 9 et 10 de la société intimée), étant relevé à la lecture des pièces 10 et 24 de l'intimée, qu'il restait, début avril 2023, 54 réserves à lever.

Dès lors c'est sans pertinence que la société Neo 10 a indiqué dans la lettre en réponse à la première mise en demeure qui lui a été adressée le 4 avril 2023, puis dans la lettre en réponse à celle recommandée du 21 septembre 2023 que lui avait envoyée la société Sareas Immobilier, qu'elle a laissé le bâtiment à disposition pendant quatre mois après la livraison sans que ce délai ne soit utilisé pour réaliser les travaux de levée des réserves.

Les motifs invoqués par la société Neo 10 ne sont pas de nature à justifier son refus réitéré de laisser l'accès à ses locaux aux entreprises devant intervenir pour lever les réserves ou son recours à des entreprises tierces, aucune défaillance de la société Sareas Immobilier n'étant en effet démontrée à ce titre. Au surplus, il est relevé que le contrat fait obligation au maître de l'ouvrage de laisser l'accès au promoteur ainsi qu'à ses entreprises et à toute personne missionnée par lui aux fins de réalisation des travaux de levée des réserves (article 6.4 du contrat).

Il en résulte que la société Neo 10 ne peut soutenir que la facture du 19 septembre 2023, correspondant à la situation n°8 ne serait pas exigible dès lors que le défaut d'exigibilité allégué résulte de son obstruction abusive à la réalisation des travaux litigieux, empêchant la remise des documents dont précisément le procès-verbal de levée des réserves avec les entrepreneurs, étant relevé, sur ce dernier point, que la société Sareas Immobilier indique être en possession des autres documents qu'elle remettra à l'appelante dès confirmation de l'ordonnance entreprise de ce chef.

Les nouveaux désordres invoqués, dont la nature et les préjudices en résultant ne sont pas déterminés à ce jour, et qui feront l'objet de la mesure d'expertise ordonnée, ne pourront donner lieu qu'à une éventuelle créance indemnitaire du maître de l'ouvrage, qui, à ce jour, n'est ni certaine, ni liquide ni exigible de sorte qu'elle ne peut constituer une contestation sérieuse au paiement de travaux exécutés avant réception.

La société Sareas Immobilier a fait chiffrer le coût des travaux nécessaires pour lever des réserves restantes à la somme globale de 7.970,91 euros HT, soit 9.565,09 euros TTC. S'il apparaît à la lecture des devis produits et du dernier état de la liste des réserves au nombre de 54, que toutes les reprises n'ont pas été chiffrées, ce fait ne saurait faire obstacle au paiement de l'intégralité de la situation n° 8, alors au surplus, que la société Neo 10 ne fournit aucun élément sur le montant des travaux qu'elle estimerait nécessaires à la levée des réserves restantes.

Enfin, la société Neo 10 soutient que la société Sareas Immobilier aurait dû mettre en oeuvre la procédure conventionnelle de constatation de l'achèvement de l'immeuble prévue au contrat de sorte qu'elle est irrecevable à solliciter le solde du prix.

Cependant, en ayant signé le procès-verbal d'achèvement et de livraison de l'immeuble le 22 décembre 2022, la société Neo 10 a nécessairement constaté cet achèvement conformément à l'article 6.3 du contrat, l'existence de réserves n'étant pas de nature à remettre en cause celui-ci.

En tout état de cause, la société Sareas Immobilier produit l'attestation du maître d'oeuvre de l'opération en date du 5 décembre 2022 qui certifie l'achèvement des travaux à cette date et il est relevé que la société Neo 10 a pris possession des locaux et les exploite depuis avril 2023 ainsi qu'elle l'a reconnu dans les lettres adressées pour s'opposer à la levée des réserves.

Au regard de ces éléments, il apparaît que l'obligation de la société Neo 10 n'est pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 124.320,35 euros TTC (133.885,44 euros TTC - 9.565,09 euros TTC) à valoir sur le paiement de la situation n° 8.

Sur la facture du 10 mai 2023

Selon le contrat de promotion immobilière, la situation n°9 est payable à l'obtention d'une attestation de non-contestation de la conformité de l'immeuble et la remise des documents visés à l'article 12.6, consistant en une copie des polices d'assurances visées au contrat et l'attestation de non-contestation de la conformité fournie par les services de l'urbanisme compétents.

La société Neo 10 s'oppose au paiement de cette situation n° 9 émise en mai 2023 en soutenant qu'elle ne serait pas exigible dès lors que la situation précédente ne l'est pas et que les attestations d'assurance visées à l'article 12.6 ne lui ont pas été remises.

Mais, aucune disposition du contrat ne conditionne l'exigibilité de la dernière tranche avant la précédente, alors au surplus que cette situation est imputable à la société Neo 10, qui par son refus de laisser l'intimée lever les réserves, l'a contrainte à ne pas suivre l'ordre des modalités de paiement contractuellement prévu.

La société Sareas Immobilier justifie avoir obtenu, le 3 mai 2023, de l'agglomération Coeur d'Essonne l'attestation de conformité des réseaux d'assainissement et, le 9 mai suivant, l'attestation du maire d'[Localité 10], de l'existence d'aucune opposition à la déclaration de conformité enregistrée le 2 janvier 2023 concernant la réalisation de l'immeuble de la société Neo 10, qui ne conteste pas avoir reçu ces attestations.

S'agissant des polices d'assurances, la société Sareas Immobilier précise ne pas être opposée à leur transmission mais que celle-ci ne pouvait s'effectuer qu'après levée des réserves.

Au regard des circonstances du litige, l'absence de transmission des polices d'assurance qui devra être réalisée au plus vite, ne constitue pas un obstacle au paiement du solde du contrat.

Dans ces conditions, l'obligation de la société Neo 10 au paiement de la somme provisionnelle de 133.885,44 euros TTC ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Il sera donc alloué à la société Sareas Immobilier la somme provisionnelle globale de 258.205,79 euros à valoir sur le solde du contrat (124.320,35 euros TTC + 133.885,44 euros TTC). La mesure d'expertise ordonnée n'est pas de nature à justifier la consignation de cette somme au surplus par la société Sareas Immobilière ainsi qu'elle le sollicite à titre subsidiaire.

Au titre des pénalités de retard

La société Neo 10 sollicite la somme provisionnelle de 199.800 euros TTC au titre des pénalités de retard qu'elle estime être dues par la société Sareas Immobilier en soutenant qu'en application de l'article 7.1 du contrat, la responsabilité du promoteur est de plein droit engagée en cas de retard, que l'immeuble a été livré avec 116 jours de retard ce qui justifie la somme réclamée, qu'en tout état de cause, les manquements du promoteur sont établis dès lors qu'il n'a pas levé les réserves, n'est pas intervenu au titre des nouveaux désordres et a commis une erreur de conception quant au dispositif de sécurité incendie et qu'aucun retard ne peut lui être imputé.

La société Sareas Immobilier conteste cette demande en faisant valoir que la société Neo 10 ne s'est jamais plainte de retard dans la livraison de l'ouvrage et que les retards lui sont essentiellement imputables en raison des délais de livraison de certains éléments d'équipement qu'elle devait fournir et du retard dans le paiement de la situation n° 5 l'ayant contrainte à arrêter l'avancement du chantier.

Il est exact que l'ouvrage qui devait être livré au plus tard douze mois après le dépôt de la déclaration d'ouverture du chantier, soit le 26 août 2022, (la déclaration d'ouverture du chantier ayant été déposée le 26 août 2021) n'a été livré que le 22 décembre 2022.

Cependant, si le contrat prévoit que le promoteur sera redevable de plein droit envers le maître de l'ouvrage d'une pénalité forfaitaire en cas de non-respect du délai d'achèvement, il précise également des cas dans lesquels ce délai pourra être prorogé sans que cette prorogation ne lui soit imputable tels que, notamment, le retard provenant de la défaillance d'une entreprise ou le retard de paiement de plus de cinq jours à compter de l'exigibilité d'une échéance non contestée par le maître de l'ouvrage.

Au regard des moyens développés par la société Sareas Immobilier justifiés par les lettres des 18 juillet et 27 septembre 2022 dans lesquelles il est fait état, dans la première, du report de la date d'achèvement en lien avec des retards de livraison des menuiseries extérieures et dans la seconde d'un arrêt du chantier à compter du 23 septembre 2022 pour non-règlement de la situation n°5, l'obligation de la société Sareas Immobilier au paiement des pénalités sollicitées n'est pas établie avec l'évidence requise en référé, celle-ci relevant de l'appréciation du juge du fond.

Il convient donc de confirmer de ce chef l'ordonnance entreprise.

Au titre des dégradations et vols

La société Neo 10 sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle lui a alloué la somme de 16.682 euros au titre des dégradations et vols commis sur le chantier. Elle a produit une facture qu'elle a établie le 6 décembre 2022 de ce montant, jointe à un mail qu'elle a adressé à la société Sareas Immobilier, récapitulant les éléments volés et détériorés sur le chantier dont elle indique qu'il n'a jamais été contesté.

La société Sareas Immobilier fait observer qu'elle n'a jamais accepté de prendre en charge cette facture qui ne mentionne aucun prix précis pour chacun des matériaux, et donc, de supporter la responsabilité de ces dégradations et vols allégués mais non démontrés.

En l'état de ces éléments et alors qu'aucune pièce ne démontre la matérialité des dégradations et vols, l'obligation de la société Sareas Immobilier n'est pas établie avec l'évidence requise en référé. L'ordonnance entreprise sera donc de ce chef infirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge.

La société Neo 10, ayant partiellement succombé, supportera les dépens d'appel et sera tenue de régler à la société Sareas Immobilier la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions relatives au rejet de la mesure d'expertise, à la provision allouée à la société Neo 10 au titre des dégradations et vols et au montant de la provision allouée à la société Sareas Immobilier au titre des factures des situations de travaux 8 et 9 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Ordonne une mesure d'expertise ;

Désigne pour y procéder :

M. [C] [B]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Tél : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX02]

Email : [Courriel 11]

avec faculté, si besoin, de s'adjoindre un sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne à charge pour lui d'en informer préalablement les parties et le juge chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et mission de :

se faire communiquer par les parties l'ensemble des documents utiles à l'accomplissement de sa mission ;

convoquer les parties et tous sachants afin de les entendre en leurs explications ;

se rendre sur les lieux litigieux, [Adresse 3], en présence des parties et/ou de leur conseil et les décrire ;

relever et décrire les réserves subsistantes, désordres, malfaçons et non-façons affectant l'ouvrage, objet du contrat de promotion immobilière du 20 janvier 2021, mentionnés dans le constat du commissaire de justice du 31 mai 2023 et le rapport du cabinet Civilis Expertises du 6 février 2024, au regard des documents contractuels liant les parties ;

en détailler l'origine, les causes, l'étendue et les conséquences quant à l'esthétique du bâtiment, sa solidité, l'usage qui peut en être attendu ou la conformité à sa destination ;

dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;

donner son avis sur les préjudices et coûts induits par les désordres, malfaçons, non-façons ou non-conformité ;

donner son avis sur les solutions appropriées pour remédier aux désordres, malfaçons, non-façons ou non-conformité ;

évaluer le coût des travaux nécessaires pour y mettre fin à l'aide de devis d'entreprises fournis par les parties ;

dire si des mesures conservatoires urgentes sont nécessaires ;

donner son avis sur les comptes entre les parties ;

donner plus généralement tous éléments techniques et de fait permettant à la juridiction qui sera éventuellement saisie au fond de trancher les responsabilités et les dédommagements susceptibles d'être fixés ;

Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de commerce d'Evry avant le 30 juin 2025 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

Dit que la société Neo 10 devra consigner à la régie du tribunal de commerce d'Evry la somme de 4.500 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard le 31 janvier 2025 ;

Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

Désigne pour suivre les opérations d'expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal de commerce d'Evry ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la société Neo 10 au titre des dégradations et vols ;

Condamne la société Neo 10 à payer à la société Sareas Immobilier la somme provisionnelle de 258.205,79 euros à valoir sur le montant des factures des situations n° 8 et 9 ;

Confirme l'ordonnance en ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à consignation de la somme de 258.205,79 euros ;

Condamne la société Neo 10 aux dépens d'appel et à payer à la société Sareas Immobilier la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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