CA Versailles, ch. soc. 4-4, 18 décembre 2024, n° 24/01376
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 DÉCEMBRE 2024
N° RG 24/01376
N° Portalis DBV3-V-B7I-WQHO
AFFAIRE :
[J] [E]
C/
SDC [Adresse 6]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 2 mai 2024 par le Cour d'Appel de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° Section : 1
N° RG : 23/02862
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Arthur BOUCHAT
Me Virginia DUGARD NOUVEL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [E]
né le 29 juin 1959 à [Localité 7] (TUNISIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Arthur BOUCHAT de la SAS NARVAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0785
APPELANT
DEMANDEUR À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
SDC [Adresse 6] représenté par son syndic SAS NEOSYNDIC
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Virginia DUGARD NOUVEL de la SELARL LALLEMENT - DUGARD Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
DÉFENDERESSE À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 octobre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du 19 septembre 2023, notifié aux parties le 22 septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement), en sa formation de départage, a :
. Fixé le salaire moyen de M. [E] à la somme de 3 845,38 euros bruts mensuels;
. Rejeté les pièces n°26, 27 et 100 produites par M. [E];
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] les sommes suivantes :
. 42 671,88 euros nets à titre de rappels de salaire pour la période du 4 mai 2012 au 27 décembre 2015;
. 4 267,19 euros nets au titre des congés payés afférents
. 3 845,38 euros au titre de la prime conventionnelle d'anniversaire
. 4 394,25 euros au titre des frais de mutuelle;
. Débouté M. [E] de ses demandes au titre des congés payés conventionnels supplémentaires ainsi qu'au titre des RTT contractuels;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] la somme de 12 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] la somme de 14 806,35euros nets au titre de rappels de salaire sur la période du 1er février 2016 au 5 juillet 2016, outre 1 480,6euros nets au titre des congés payés afférents;
. Jugé que la proposition de poste de réintégration proposée par le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie était conforme aux exigences légales;
. Débouté M. [E] de ses demandes de nullité du licenciement du 5 juillet 2016;
. Jugé le licenciement de M. [E] du 5 juillet 2016 dépourvu de cause réelle et sérieuse;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] les sommes suivantes :
. 45 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;
. 7 690,76 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 769,08euros au titre des congés payés afférents.
. 35 762,03 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. Débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire;
. Débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct;
. Débouté M. [E] de ses demandes relatives à la perte de chance de cotisation de retraite complémentaire ainsi qu'à la perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite à taux plein;
. Débouté M. [E] de sa demande d'indemnisation au titre de dommages et intérêts pour remise d'un certificat de travail erroné suite au licenciement du 5 juillet 2016;
. Ordonné au Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie de remettre à M. [E] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paye conformes à la présente décision;
. Débouté M. [E] de sa demande d'astreinte à ce titre:
. Débouté M. [E] de sa demande d'affichage de la présente décision sous astreinte;
. Rappelé que les créances salariales produisent intérêts à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la convocation devant le bureau d'orientation et de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêt à compter du présent jugement;
. Ordonné la capitalisation des intérêts;
. Ordonné au Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois d'indemnités;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] la somme de 2 160euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
. Débouté les parties de leurs autres demandes;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Versailles le 16 octobre 2023, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 2 mai 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :
. Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter la [sanction de] caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
. Prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023
. Condamné M. [E] aux entiers dépens d'appel
. Rappelé que la présente ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les quinze jours de sa date.
Les motifs de l'ordonnance sont les suivants : « L'appelant n'a pas respecté le délai de trois mois dont il disposait à compter de sa déclaration d'appel pour notifier ses conclusions à la cour et à l'intimé. »
Par requête aux fins de déféré du 7 mai 2024, puis par ses dernières conclusions notifiées par Rpva le 8 octobre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé complet des moyens, M. [E] demande à la cour de :
. Infirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 2 mai 2024 en ce qu'elle a :
. Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter la caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
. Prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
. Condamné M. [E] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau
. Juger que les conclusions et le bordereau de pièces de M. [E] ont été remises à la cour d'appel dans les délais prévus à l'article 908 du code de procédure civile,
Subsidiairement
. Écarter la sanction prévue à l'article 908 du code de procédure civile et la caducité de la déclaration d'appel,
Très subsidiairement
. Juger que les conclusions de M. [E] sont recevables pour avoir été remises au greffe dans le délai prévu à l'article 748-7 du code de procédure civile et que la caducité de la déclaration d'appel ne peut pas être prononcée.
Il soutient avoir remis ses conclusions à la cour par Rpva le 11 janvier 2024 et ajoute que le fait que le greffe ait soudainement déconnecté l'adresse d'envoi ne prive pas la notification de ses effets. Au soutien de sa demande subsidiaire, il invoque un cas de de force majeure expliquant avoir remis ses conclusions par Rpva à l'adresse courriel de la 25ème chambre mais d'une part qu'il n'avait aucun moyen de deviner qu'une réorganisation interne à la cour avait eu pour effet de modifier cette adresse et d'autre part qu'aucun message d'erreur ne lui a été adressé consécutivement à la remise de ses conclusions au greffe. A titre très subsidiaire, il invoque une cause étrangère, expliquant n'avoir appris que le 17 janvier 2024 par téléphone que la 25ème chambre avait disparu et que les dossiers avaient été transférés à la chambre 4-1. Il ajoute que jusqu'à cette date, le système e-barreau n'avait pas été mis à jour ce qui caractérise la cause étrangère qu'il invoque.
Le défendeur au déféré, le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], demande à la cour, dans ses conclusions du 19 septembre 2024 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé complet de ses moyens, de :
. Confirmer l'ordonnance rendue le 2 mai 2024 par le conseiller de la mise en état de la chambre sociale 4-1 de la cour d'appel de Versailles ;
En conséquence :
. Prononcer la caducité de la déclaration d'appel ;
. Rejeter les demandes de M. [E] tendant à faire juger recevables ses conclusions et bordereau de pièces ;
. Condamner M. [E] aux entiers dépens d'appel.
Il soutient que l'appelant n'a pas remis ses conclusions à la cour dans le délai imparti, soit trois mois à compter de la déclaration d'appel, et qu'il ne justifie ni d'un cas de force majeure ni d'un événement extérieur qui pourraient proroger ce délai. Plus précisément, il expose que la remise des conclusions au greffe n'est valable que si ce dernier les a reçues, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il ajoute que seul l'avis de réception électronique remplit cet office en application de l'article 748-3 du code de procédure civile et qu'au cas d'espèce, l'appelant avait au contraire reçu un avis de non-réception et que, dès lors, l'appelant était pleinement informé de la non-réception de ses conclusions dès le 11 janvier 2024, c'est-à-dire en temps utile puisqu'il lui restait un délai suffisant pour réitérer son envoi électronique via le Rpva actuel ' l'« ancien » e-barreau ', ce qu'il n'a pas fait, étant précisé que rien n'impose l'utilisation exclusive du nouvel e-barreau, ce d'autant que la nouvelle version n'est pas encore pleinement opérationnelle.
Il conteste toute force majeure, expliquant que la difficulté rencontrée par l'appelant n'était pas insurmontable puisqu'il n'était pas impossible d'envoyer des messages électroniques en utilisant l'ancien e-barreau. Il conteste également toute cause étrangère.
MOTIFS
L'article 908 du code de procédure civile prescrit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L'article 930-1 prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.
Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.
Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
Fait preuve d'un formalisme excessif et viole les articles les articles 954 et 961 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui retient que les conclusions, qui adressaient les demandes au tribunal de grande instance, ne la saisissaient d'aucune demande, alors que ces conclusions avaient été régulièrement transmises à la cour d'appel et contenaient une demande de réformation du jugement, la référence erronée au tribunal de grande instance relevant d'une simple erreur matérielle affectant uniquement l'en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi (2e Civ., 3 octobre 2024, pourvoi n° 22-16.223, publié).
En l'espèce, l'appelant ayant relevé appel le 16 octobre 2023, et disposant d'un délai de trois mois pour conclure, il devait remettre ses conclusions au greffe le mardi 16 janvier 2024 au plus tard.
Le 11 janvier 2024 à 14h08, c'est-à-dire avant l'expiration du délai susvisé, le conseil de l'appelant a adressé ses conclusions au greffe de la chambre chargée de la mise en état pour l'ensemble des chambres sociales de la cour lors de sa déclaration d'appel. Sa pièce 3 montre en effet qu'un envoi a été adressé par le conseil de l'appelant au greffe de la 25ème chambre le 11 janvier 2024 avec pour intitulé « Mise en état [23/02862] 11-01-2024 022 - 1ères conclusions appelant ». Ce message, d'une taille de 1 MB, comportait en outre une pièce jointe portant pour intitulé « Conclusions 1 [E] RPVA 11.01.2024.pdf ». Il a été envoyé à l'adresse suivante : « [Courriel 5] »
L'appelant a, à l'occasion de ce même message, adressé ses conclusions à l'intimé en le mettant en copie du courriel adressé à la 25ème chambre (cf. pièce 3 de l'appelant).
Une minute plus tard, à 14h09, l'appelant a adressé au greffe (copie à l'intimée) son bordereau de communication de pièces (pièce 4 de l'appelant).
Selon un message du 17 janvier 2024 à 11h17, adressé au greffe de la chambre 4-1 ' nouveau numéro de la 25ème chambre ' l'appelant a demandé d'écarter les prescriptions de l'article 908 en même temps qu'il transmettait au greffe, de nouveau par voie électronique mais à la bonne adresse, ses conclusions et son bordereau.
Il n'est à cet égard pas discuté que le conseil de l'appelant ne s'est avisé que le 17 janvier 2024 de ce que ses conclusions et son bordereau de communication de pièces n'avaient pas été réceptionnés par le greffe de la chambre 4-1 le 11 janvier.
Certes, l'intimé fait observer à juste titre que l'appelant avait reçu, dès le 11 janvier 2024, un accusé de non-réception de ses courriels du même jour par lesquels il avait adressé ses conclusions et son bordereau.
De fait, en pièces 3 et 4, l'appelant montre qu'il a été destinataire, le 11 janvier 2024, tant pour ses conclusions que pour son bordereau de communication de pièces, d'un « accusé de non réception » lui indiquant : « le message n'a pas été délivré à : [Courriel 5] ».
Toutefois, les accusés de non-réception ne sont pas reçus dans la boîte de réception du système de l'avocat, mais dans sa boîte d'envoi de sorte que ce type de message n'est pas directement porté à la connaissance de l'avocat.
Au surplus, le conseil de l'appelant a pu être trompé, en adressant son message au greffe de la 25ème chambre (« [Courriel 5] »), par le fait que le numéro de la 25ème chambre venait de changer pour devenir la chambre 4-1, ce qui a eu pour effet de modifier l'adresse courriel de cette chambre, et de générer cet avis de non-réception par une chambre qui avait été supprimée.
Certes, l'intimé montre (ses pièces 2 et 3) que l'ordre des avocats du barreau de Versailles avait communiqué, le 22 décembre 2023, aux avocats de son ressort les nouveaux numéros affectés aux chambres de la cour.
Néanmoins, le conseil de l'appelant est inscrit au barreau de Paris et il n'est pas établi que ce dernier lui ait communiqué lesdits nouveaux numéros.
Enfin, il ne peut être reproché au conseil de l'appelant de ne pas avoir eu recours à l'ancien e-barreau et d'avoir privilégié le nouvel e-barreau dès lors qu'il justifie que ce nouveau système pouvait être adopté par les avocats dès le 24 août 2022 et même que les avocats étaient incités à adopter ce nouveau système le plus tôt possible puisqu'il leur était indiqué que l'ancienne version ne serait plus accessible à partir du 3 avril 2023 (cf. pièces 14, 15 et 16 de l'appelant).
D'une part, le caractère exceptionnel de ces circonstances explique la méprise du conseil de l'appelant, lequel doit être tenu comme ayant satisfait à son obligation de remettre au greffe, dans les trois mois de sa déclaration d'appel, ses conclusions.
D'autre part, la cour relevant que l'intimé a été rendu destinataire des conclusions et pièces de l'appelant dans les délais prescrits par l'article 908, la caducité de l'appel constituerait une sanction procédant d'un formalisme excessif dans l'application de règles de procédure susceptible de porter atteinte à l'équité de la procédure.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et, statuant à nouveau, de dire.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ECARTE la sanction de caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
DIT que la déclaration d'appel de M. [E] n'est pas caduque,
RENVOIE l'affaire à la mise en état pour poursuite de la procédure au fond,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
LAISSE les dépens du présent déféré à la charge de M. [E],
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 DÉCEMBRE 2024
N° RG 24/01376
N° Portalis DBV3-V-B7I-WQHO
AFFAIRE :
[J] [E]
C/
SDC [Adresse 6]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 2 mai 2024 par le Cour d'Appel de VERSAILLES
N° Chambre : 4
N° Section : 1
N° RG : 23/02862
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Arthur BOUCHAT
Me Virginia DUGARD NOUVEL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [E]
né le 29 juin 1959 à [Localité 7] (TUNISIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Arthur BOUCHAT de la SAS NARVAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0785
APPELANT
DEMANDEUR À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
SDC [Adresse 6] représenté par son syndic SAS NEOSYNDIC
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Virginia DUGARD NOUVEL de la SELARL LALLEMENT - DUGARD Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
DÉFENDERESSE À LA REQUÊTE EN DÉFÉRÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 octobre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du 19 septembre 2023, notifié aux parties le 22 septembre 2023, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement), en sa formation de départage, a :
. Fixé le salaire moyen de M. [E] à la somme de 3 845,38 euros bruts mensuels;
. Rejeté les pièces n°26, 27 et 100 produites par M. [E];
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] les sommes suivantes :
. 42 671,88 euros nets à titre de rappels de salaire pour la période du 4 mai 2012 au 27 décembre 2015;
. 4 267,19 euros nets au titre des congés payés afférents
. 3 845,38 euros au titre de la prime conventionnelle d'anniversaire
. 4 394,25 euros au titre des frais de mutuelle;
. Débouté M. [E] de ses demandes au titre des congés payés conventionnels supplémentaires ainsi qu'au titre des RTT contractuels;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] la somme de 12 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] la somme de 14 806,35euros nets au titre de rappels de salaire sur la période du 1er février 2016 au 5 juillet 2016, outre 1 480,6euros nets au titre des congés payés afférents;
. Jugé que la proposition de poste de réintégration proposée par le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie était conforme aux exigences légales;
. Débouté M. [E] de ses demandes de nullité du licenciement du 5 juillet 2016;
. Jugé le licenciement de M. [E] du 5 juillet 2016 dépourvu de cause réelle et sérieuse;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] les sommes suivantes :
. 45 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;
. 7 690,76 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 769,08euros au titre des congés payés afférents.
. 35 762,03 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. Débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire;
. Débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct;
. Débouté M. [E] de ses demandes relatives à la perte de chance de cotisation de retraite complémentaire ainsi qu'à la perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite à taux plein;
. Débouté M. [E] de sa demande d'indemnisation au titre de dommages et intérêts pour remise d'un certificat de travail erroné suite au licenciement du 5 juillet 2016;
. Ordonné au Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie de remettre à M. [E] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de paye conformes à la présente décision;
. Débouté M. [E] de sa demande d'astreinte à ce titre:
. Débouté M. [E] de sa demande d'affichage de la présente décision sous astreinte;
. Rappelé que les créances salariales produisent intérêts à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la convocation devant le bureau d'orientation et de conciliation et que les créances indemnitaires produisent intérêt à compter du présent jugement;
. Ordonné la capitalisation des intérêts;
. Ordonné au Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois d'indemnités;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie à verser à M. [E] la somme de 2 160euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
. Débouté les parties de leurs autres demandes;
. Condamné le Syndicat des copropriétaires Les jardins d'Arcadie aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Versailles le 16 octobre 2023, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 2 mai 2024, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :
. Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter la [sanction de] caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
. Prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023
. Condamné M. [E] aux entiers dépens d'appel
. Rappelé que la présente ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les quinze jours de sa date.
Les motifs de l'ordonnance sont les suivants : « L'appelant n'a pas respecté le délai de trois mois dont il disposait à compter de sa déclaration d'appel pour notifier ses conclusions à la cour et à l'intimé. »
Par requête aux fins de déféré du 7 mai 2024, puis par ses dernières conclusions notifiées par Rpva le 8 octobre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé complet des moyens, M. [E] demande à la cour de :
. Infirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 2 mai 2024 en ce qu'elle a :
. Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter la caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
. Prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
. Condamné M. [E] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau
. Juger que les conclusions et le bordereau de pièces de M. [E] ont été remises à la cour d'appel dans les délais prévus à l'article 908 du code de procédure civile,
Subsidiairement
. Écarter la sanction prévue à l'article 908 du code de procédure civile et la caducité de la déclaration d'appel,
Très subsidiairement
. Juger que les conclusions de M. [E] sont recevables pour avoir été remises au greffe dans le délai prévu à l'article 748-7 du code de procédure civile et que la caducité de la déclaration d'appel ne peut pas être prononcée.
Il soutient avoir remis ses conclusions à la cour par Rpva le 11 janvier 2024 et ajoute que le fait que le greffe ait soudainement déconnecté l'adresse d'envoi ne prive pas la notification de ses effets. Au soutien de sa demande subsidiaire, il invoque un cas de de force majeure expliquant avoir remis ses conclusions par Rpva à l'adresse courriel de la 25ème chambre mais d'une part qu'il n'avait aucun moyen de deviner qu'une réorganisation interne à la cour avait eu pour effet de modifier cette adresse et d'autre part qu'aucun message d'erreur ne lui a été adressé consécutivement à la remise de ses conclusions au greffe. A titre très subsidiaire, il invoque une cause étrangère, expliquant n'avoir appris que le 17 janvier 2024 par téléphone que la 25ème chambre avait disparu et que les dossiers avaient été transférés à la chambre 4-1. Il ajoute que jusqu'à cette date, le système e-barreau n'avait pas été mis à jour ce qui caractérise la cause étrangère qu'il invoque.
Le défendeur au déféré, le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], demande à la cour, dans ses conclusions du 19 septembre 2024 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé complet de ses moyens, de :
. Confirmer l'ordonnance rendue le 2 mai 2024 par le conseiller de la mise en état de la chambre sociale 4-1 de la cour d'appel de Versailles ;
En conséquence :
. Prononcer la caducité de la déclaration d'appel ;
. Rejeter les demandes de M. [E] tendant à faire juger recevables ses conclusions et bordereau de pièces ;
. Condamner M. [E] aux entiers dépens d'appel.
Il soutient que l'appelant n'a pas remis ses conclusions à la cour dans le délai imparti, soit trois mois à compter de la déclaration d'appel, et qu'il ne justifie ni d'un cas de force majeure ni d'un événement extérieur qui pourraient proroger ce délai. Plus précisément, il expose que la remise des conclusions au greffe n'est valable que si ce dernier les a reçues, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il ajoute que seul l'avis de réception électronique remplit cet office en application de l'article 748-3 du code de procédure civile et qu'au cas d'espèce, l'appelant avait au contraire reçu un avis de non-réception et que, dès lors, l'appelant était pleinement informé de la non-réception de ses conclusions dès le 11 janvier 2024, c'est-à-dire en temps utile puisqu'il lui restait un délai suffisant pour réitérer son envoi électronique via le Rpva actuel ' l'« ancien » e-barreau ', ce qu'il n'a pas fait, étant précisé que rien n'impose l'utilisation exclusive du nouvel e-barreau, ce d'autant que la nouvelle version n'est pas encore pleinement opérationnelle.
Il conteste toute force majeure, expliquant que la difficulté rencontrée par l'appelant n'était pas insurmontable puisqu'il n'était pas impossible d'envoyer des messages électroniques en utilisant l'ancien e-barreau. Il conteste également toute cause étrangère.
MOTIFS
L'article 908 du code de procédure civile prescrit qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
L'article 930-1 prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.
Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.
Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
Fait preuve d'un formalisme excessif et viole les articles les articles 954 et 961 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel qui retient que les conclusions, qui adressaient les demandes au tribunal de grande instance, ne la saisissaient d'aucune demande, alors que ces conclusions avaient été régulièrement transmises à la cour d'appel et contenaient une demande de réformation du jugement, la référence erronée au tribunal de grande instance relevant d'une simple erreur matérielle affectant uniquement l'en-tête des conclusions et portant sur une mention non exigée par la loi (2e Civ., 3 octobre 2024, pourvoi n° 22-16.223, publié).
En l'espèce, l'appelant ayant relevé appel le 16 octobre 2023, et disposant d'un délai de trois mois pour conclure, il devait remettre ses conclusions au greffe le mardi 16 janvier 2024 au plus tard.
Le 11 janvier 2024 à 14h08, c'est-à-dire avant l'expiration du délai susvisé, le conseil de l'appelant a adressé ses conclusions au greffe de la chambre chargée de la mise en état pour l'ensemble des chambres sociales de la cour lors de sa déclaration d'appel. Sa pièce 3 montre en effet qu'un envoi a été adressé par le conseil de l'appelant au greffe de la 25ème chambre le 11 janvier 2024 avec pour intitulé « Mise en état [23/02862] 11-01-2024 022 - 1ères conclusions appelant ». Ce message, d'une taille de 1 MB, comportait en outre une pièce jointe portant pour intitulé « Conclusions 1 [E] RPVA 11.01.2024.pdf ». Il a été envoyé à l'adresse suivante : « [Courriel 5] »
L'appelant a, à l'occasion de ce même message, adressé ses conclusions à l'intimé en le mettant en copie du courriel adressé à la 25ème chambre (cf. pièce 3 de l'appelant).
Une minute plus tard, à 14h09, l'appelant a adressé au greffe (copie à l'intimée) son bordereau de communication de pièces (pièce 4 de l'appelant).
Selon un message du 17 janvier 2024 à 11h17, adressé au greffe de la chambre 4-1 ' nouveau numéro de la 25ème chambre ' l'appelant a demandé d'écarter les prescriptions de l'article 908 en même temps qu'il transmettait au greffe, de nouveau par voie électronique mais à la bonne adresse, ses conclusions et son bordereau.
Il n'est à cet égard pas discuté que le conseil de l'appelant ne s'est avisé que le 17 janvier 2024 de ce que ses conclusions et son bordereau de communication de pièces n'avaient pas été réceptionnés par le greffe de la chambre 4-1 le 11 janvier.
Certes, l'intimé fait observer à juste titre que l'appelant avait reçu, dès le 11 janvier 2024, un accusé de non-réception de ses courriels du même jour par lesquels il avait adressé ses conclusions et son bordereau.
De fait, en pièces 3 et 4, l'appelant montre qu'il a été destinataire, le 11 janvier 2024, tant pour ses conclusions que pour son bordereau de communication de pièces, d'un « accusé de non réception » lui indiquant : « le message n'a pas été délivré à : [Courriel 5] ».
Toutefois, les accusés de non-réception ne sont pas reçus dans la boîte de réception du système de l'avocat, mais dans sa boîte d'envoi de sorte que ce type de message n'est pas directement porté à la connaissance de l'avocat.
Au surplus, le conseil de l'appelant a pu être trompé, en adressant son message au greffe de la 25ème chambre (« [Courriel 5] »), par le fait que le numéro de la 25ème chambre venait de changer pour devenir la chambre 4-1, ce qui a eu pour effet de modifier l'adresse courriel de cette chambre, et de générer cet avis de non-réception par une chambre qui avait été supprimée.
Certes, l'intimé montre (ses pièces 2 et 3) que l'ordre des avocats du barreau de Versailles avait communiqué, le 22 décembre 2023, aux avocats de son ressort les nouveaux numéros affectés aux chambres de la cour.
Néanmoins, le conseil de l'appelant est inscrit au barreau de Paris et il n'est pas établi que ce dernier lui ait communiqué lesdits nouveaux numéros.
Enfin, il ne peut être reproché au conseil de l'appelant de ne pas avoir eu recours à l'ancien e-barreau et d'avoir privilégié le nouvel e-barreau dès lors qu'il justifie que ce nouveau système pouvait être adopté par les avocats dès le 24 août 2022 et même que les avocats étaient incités à adopter ce nouveau système le plus tôt possible puisqu'il leur était indiqué que l'ancienne version ne serait plus accessible à partir du 3 avril 2023 (cf. pièces 14, 15 et 16 de l'appelant).
D'une part, le caractère exceptionnel de ces circonstances explique la méprise du conseil de l'appelant, lequel doit être tenu comme ayant satisfait à son obligation de remettre au greffe, dans les trois mois de sa déclaration d'appel, ses conclusions.
D'autre part, la cour relevant que l'intimé a été rendu destinataire des conclusions et pièces de l'appelant dans les délais prescrits par l'article 908, la caducité de l'appel constituerait une sanction procédant d'un formalisme excessif dans l'application de règles de procédure susceptible de porter atteinte à l'équité de la procédure.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et, statuant à nouveau, de dire.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ECARTE la sanction de caducité de la déclaration d'appel du 16 octobre 2023,
DIT que la déclaration d'appel de M. [E] n'est pas caduque,
RENVOIE l'affaire à la mise en état pour poursuite de la procédure au fond,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
LAISSE les dépens du présent déféré à la charge de M. [E],
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Aurélie Prache, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La Greffière La Présidente