CA Lyon, 23 décembre 2024, n° 24/00220
LYON
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Lorine (SASU)
Défendeur :
Dubois (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bardoux
Avocat :
Me Ceyhan
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 23 juillet 2024, le tribunal de commerce de Lyon a notamment prononcé le redressement judiciaire de la S.A.S.U. Lorine, désigné la SELARL Marie Dubois en qualité de mandataire judiciaire et fixé au 23 janvier 2025 l'expiration de la période d'observation.
Par requête du 30 août 2024, la SELARL Marie Dubois a saisi le tribunal de commerce d'une demande de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.
Par jugement contradictoire du 23 septembre 2024, le tribunal de commerce de Lyon a notamment :
- prononcé la conversion en liquidation judiciaire du redressement judiciaire de la société Lorine,
- nommé la SELARL Marie Dubois en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Lorine a interjeté appel de la décision le 1er octobre 2024.
Par acte du 18 octobre 2024, la société Lorine a assigné en référé la SELARL Marie Dubois devant le premier président aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.
A l'audience du 9 décembre 2024 devant le délégué du premier président, la société Lorine, régulièrement représentée, s'en est remise à ses écritures, qu'elles a soutenues oralement.
Dans son assignation, la société Lorine soutient au visa des articles 514-3 du Code de procédure civile et R. 661-1 du Code de commerce l'existence de moyens sérieux à l'appui de son appel en ce que le tribunal de commerce n'a pas démontré que le redressement était manifestement impossible conformément à l'article L. 631-15 du Code de commerce.
Elle prétend que son bail commercial n'a pas été résilié avant l'ouverture de la procédure collective contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. Elle fait valoir que l'activité de la société permettait la poursuite de sa période d'observation et le maintien de la procédure de redressement judiciaire.
Elle explique que même si elle n'avait pas produit de situation comptable, elle avait fourni les attestations de son expert-comptable et les relevés de compte bancaire démontrant les encaissements. Elle affirme en outre n'avoir pas de nouveau passif.
Par soit transmis du 3 décembre 2024 régulièrement porté à la connaissance de la demanderesse lors de l'audience, le ministère public a émis un avis favorable au maintien de l'exécution provisoire en soulignant que l'absence de comptabilité durant un redressement judiciaire est une cause déterminante de conversion en liquidation judiciaire et que les incertitudes pesant sur le bail vont dans le même sens. Il relève qu'aucune information n'a été transmise sur la trésorerie.
La SELARL Marie Dubois, régulièrement assignée par acte délivrée à une personne habilitée pour le recevoir, n'a pas comparu.
Par courrier envoyé le 19 décembre 2024, reçu au greffe le 20 décembre 2024, le conseil de la société Lorine a entendu déposer une note en délibéré concernant son bilan comptable.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée et à l'assignation ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.
MOTIFS
Attendu, tout d'abord et en application de l'article 445 du Code de procédure civile, que le courrier envoyé le 19 décembre 2024 par le conseil de la demanderesse, reçu au greffe le 20 décembre 2024, est écarté des débats comme postérieur à leur clôture et comme ne faisant pas suite à une demande expresse du délégué du premier président ;
Attendu que la SELARL Marie Dubois ayant été assignée à sa personne, la présente ordonnance est réputée contradictoire ;
Attendu, qu'aux termes de l'article 472 du Code de procédure civile, le juge ne fait droit à la demande, en l'absence de la partie défenderesse que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;
Attendu que l'article R. 661-1 du Code de commerce prévoit d'une part que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire et dans son alinéa 4 que, par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel statuant en référé ne peut arrêter l'exécution provisoire d'un tel jugement, que si les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la société Lorine invoque de manière inopérante les dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile qui sont inapplicables en l'espèce, ce qui ne peut conduire à apprécier l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives comme la demanderesse le rappelle d'ailleurs avec pertinence ;
Attendu qu'un moyen sérieux ne relève pas d'une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance ; qu'en d'autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d'être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d'être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l'annulation ou à la réformation ;
Que l'absence de pouvoir juridictionnel du premier président pour déterminer les chances de succès de l'appel doit le conduire à ne retenir un moyen que s'il repose sur une base factuelle évidente ;
Attendu que la société Lorine soutient que la résiliation de son bail n'a jamais été acquise avant l'ouverture de la procédure collective et que la conversion en liquidation judiciaire de son redressement judiciaire n'est pas motivée par le tribunal de commerce ; qu'elle estime avoir fait la démonstration de l'absence de résiliation de son bail commercial et ajoute que la procédure d'inscription de faux qu'elle a initiée ne constitue qu'une pièce supplémentaire appuyant ce moyen ;
Qu'elle fait valoir que les significations de l'ordonnance de référé du 12 juin 2023 ayant constaté la résiliation du bail, de la sommation de payer du 21 février 2024 et du commandement de quitter les lieux sont irrégulières ;
Attendu que s'agissant d'abord de la motivation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 23 septembre 2024, sa seule lecture permet de révéler qu'il a été motivé tant sur la question de la contestation d'une résiliation du bail commercial que sur les possibilités de proposer un plan de redressement à raison d'une absence de maintien d'un lieu permettant la poursuite de son activité ;
Attendu que s'agissant ensuite des contestations et actions opposées par la société Lorine à l'effectivité de la résiliation de son bail, il doit être relevé que l'ordonnance de référé rendue le 12 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lyon était contradictoire, la demanderesse étant alors représentée par son conseil ;
Que cette décision tout en constatant la résiliation de plein droit du bail a accordé des délais de paiement suspendant les effets de la clause résolutoire ;
Attendu qu'il ressort de la requête en conversion de la SELARL Marie Dubois qu'une déchéance du terme de ces délais est dite intervenue à défaut du respect des échéances fixées par le juge des référés ;
Attendu que la société Lorine ne conteste pas l'intervention de cette déchéance du terme à défaut de respect des délais de paiement mais entend en réalité se prévaloir d'irrégularités de significations de l'ordonnance de référé et de voies d'exécution subséquentes ; qu'elle ne tente pas d'expliquer l'incidence de ces significations et de la régularité de ces dernières sur la question du respect de ces délais, et n'indique pas plus si toutes les échéances exigibles depuis l'ordonnance du 12 juin 2023 ont été intégralement couvertes ;
Que le moyen tiré de ces irrégularités de signification est ainsi dénué de sérieux comme ne pouvant tendre à une réformation ;
Attendu que la société Lorine affirme en outre qu'elle a démontré lors de l'audience devant le tribunal de commerce que son activité permettait la poursuite de la période d'observation, même si elle n'avait pas produit de situation comptable ; qu'elle prétend suffisants les attestations de son expert-comptable et les relevés de compte relatant ses encaissements ;
Attendu que si aux termes de l'article L. 631-15 du Code de commerce, la liquidation judiciaire n'est prononcée que si le redressement est manifestement impossible, il appartient à la société Lorine, dans le cadre du présent référé, de fournir des éléments de nature à établir le contraire ;
Attendu qu'il est vainement recherché dans les pièces versées aux débats de quelconques éléments comptables, mais surtout les attestations d'expert comptable qu'elle allègue avoir fournies au tribunal de commerce ; que la société Lorine se borne en outre à alléguer l'absence de nouvelles dettes ;
Attendu que la production de relevés de compte du Crédit Mutuel entre le 1er février et le 30 avril 2024 est bien inopérante à permettre de se faire une quelconque idée sur sa santé financière actuelle et sur sa capacité financière d'une part à poursuivre une période d'observation et d'autre part à présenter un plan d'apurement de son passif ; qu'elles sont surtout insuffisantes à permettre de retenir comme paraissant sérieux un moyen tiré de l'existence d'une faculté de se redresser au regard d'une incertitude plus que manifeste sur la faculté de disposer encore de locaux d'exploitation ;
Qu'il doit être relevé qu'il est étonnant que les pièces dites procurées au tribunal de commerce n'aient pas été fournies dans le cadre de la présente instance ;
Attendu qu'en l'absence de caractérisation de moyens paraissant sérieux de réformation, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société Lorine est rejetée ;
Attendu que les dépens de la présente instance en référé doivent demeurer à la charge de la société Lorine et seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
PAR CES MOTIFS
Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance réputée contradictoire,
Vu la déclaration d'appel du 1er octobre 2024,
Ecartons des débats la note en délibéré présentée par la S.A.S.U. Lorine,
Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la S.A.S.U. Lorine,
Disons que les dépens de la présente instance en référé seront employés en frais privilégiés de procédure collective.