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Décisions

CA Metz, 1re ch., 24 décembre 2024, n° 22/02639

METZ

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Toon's Detailing (SA)

Défendeur :

Toon's Detailing (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Donnadieu

Conseillers :

Mme Fournel, M. Mauché

Avocat :

Me Bemer

TJ Metz, du 27 oct. 2022, n° 2022/01219

27 octobre 2022

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [E] [D] a acquis le 11 août 2020 un véhicule Peugeot 3008 immatriculé [Immatriculation 6] auprès de la société de droit luxembourgeois Toon's Detailing, spécialisée dans la vente de véhicules automobiles, pour un montant de 18.150,76 euros.

Faisant valoir que, à la suite d'une panne survenue le 26 juin 2021 la société Toon's Detailing avait repris le véhicule, dont la carte grise ne lui avait jamais été remise, et qu'elle s'était en outre rendu compte à cette occasion que le kilométrage affiché sur le véhicule n'était pas celui mentionné sur une facture de réparation antérieure à la vente, et exposant que malgré l'accord initial de la société Toon's Detailing sur une résolution de la vente, celle-ci ne lui avait jamais restitué le prix de vente du véhicule, Mme [E] [D] a assigné devant le tribunal judiciaire la S.A. de droit luxembourgeois Toon's Detailing par acte signifié le 02 mai 2022 selon les formalités prévues au règlement CE n° 1393/2007 du 13 novembre 2017, afin d'obtenir condamnation de cette société, sur le fondement de l'article 1103 du code civil, à lui payer les sommes de :

18.150,76 euros correspondant au prix d'achat du véhicule, avec intérêts légaux à compter de la signification de l'assignation,

6.020 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, somme à parfaire à hauteur de 20 euros par jour jusqu'à la date du jugement à intervenir,

2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement assignée la société de droit luxembourgeois Toon's Detailing n'a pas comparu ni constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 27 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Metz a :

Débouté Mme [E] [D] de sa demande de restitution de la somme de 18 150,76 euros ;

Débouté Mme [E] [D] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance ;

Débouté Mme [E] [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissé les dépens à la charge de Mme [E] [D] ;

Rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.

Le tribunal a retenu sa compétence en application des articles 5.1. de la convention de Bruxelles et 7.1 du règlement Bruxelles I bis, dès lors que le lieu de livraison du véhicule était le domicile de Mme [D], situé en France.

Ayant rappelé que selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, le tribunal a relevé que, si Mme [D] avait exposé dans son assignation avoir découvert que le kilométrage réel du véhicule n'était pas celui affiché, elle n'avait saisi cependant le tribunal d'aucune demande à ce titre et ne fondait sa demande en restitution du prix de vente que sur l'obligation de restitution dont serait tenue selon elle la société Toon's Detailing, en alléguant des dispositions de l'article 1103 du code civil et de l'accord de cette société sur ce point.

Or le tribunal a constaté que la vente litigieuse était parfaite, le contrat ayant été exécuté de manière réciproque par chacune des parties. Il a rappelé que les contrats, qui font la loi des parties ne pouvaient être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties et pour les causes que la loi autorise, et a relevé que les courriers produits, contradictoires, ne faisaient pas preuve d'un accord de la société Toon's Detailing sur la restitution du prix et donc sur la résolution amiable de la vente.

Il en a conclu que Mme [D] échouait à faire la preuve d'une convention passée entre les parties prévoyant une résolution amiable de la vente, observant que sauf à s'écarter de l'article 4 précité le tribunal ne pouvait statuer que sur les prétentions telles que formulées par Mme [D].

Le tribunal a également rejeté la demande de Mme [D] au titre d'un préjudice de jouissance, dès lors que celle-ci n'invoquait aucune action en responsabilité et ne procédait à aucune démonstration sur la faute qui aurait été commise par la société Toon's Detailing, alors au contraire qu'elle exposait que cette société aurait repris le véhicule aux fins de réparation. Il a en conséquence également rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 21 novembre 2022, Mme [D] a interjeté appel du jugement aux fins d'obtenir son infirmation en ce qu'il :

L'a déboutée de sa demande de restitution du prix à savoir 18.150,76 euros ;

L'a déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice de jouissance ;

L'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A laissé les dépens à sa charge ;

Rappelé que l'exécution provisoire était de droit.

Mme [E] [D] a pris à hauteur d'appel des conclusions en date du 20 février 2023 par lesquelles elle sollicitait l'infirmation du jugement, à titre principal la nullité du contrat, à titre subsidiaire la résolution judiciaire de celui-ci et en tout état de cause la condamnation de la SA Toon's Detailing à lui restituer la somme de 118.150,76 euros et à lui payer une somme de 6.020 euros à titre de dommages-intérêts.

Bien que la déclaration d'appel et les conclusions justificatives d'appel lui aient été signifiées le 31 mars 2023 selon les formalités prévues au règlement CE n°1393/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, la société de droit luxembourgeois Toon's Detailing n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2023.

Par arrêt avant-dire droit du 16 avril 2024, la cour d'appel de Metz a :

Ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture ;

Ordonné la réouverture des débats, tout droit et moyens des parties réservés ;

Invité les parties à s'expliquer sur la législation applicable au présent litige et dans l'hypothèse où la législation luxembourgeoise devrait être retenue, à préciser les fondements juridiques de l'action et des prétentions de Mme [D] en considération de la législation luxembourgeoise sur l'obligation de délivrance

Renvoyé l'affaire à une audience de mise en état,

Réservé les demandes ainsi que les dépens.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions du 11 juillet 2024 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [E] [D] demande à la cour d'appel de :

Dire l'appel formé par Madame [E] [D] recevable et bien fondé,

Ainsi,

Y faire droit,

En conséquence,

Infirmer le jugement rendu le 27 octobre 2022 en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a débouté Madame [D] de sa demande de restitution de la somme de 18 150,76 euros ; débouté Madame [D] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance ; débouté Madame [D] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; laissé les dépens à sa charge.

Et statuant de nouveau,

A titre principal,

Prononcer la nullité de la vente intervenue le 11 août 2020 entre Madame [E] [D] et la société Toon's Detailing Sa concernant le véhicule d'occasion Peugeot 3008

Constater l'existence d'un vice d'un vice du consentement rendant impossible le maintien du contrat conclu entre les parties,

Ainsi, ordonner la restitution du prix de vente de 18 150.76 euros à Madame [E] [D] en raison de la nullité du contrat de vente pour vices du consentement, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation.

A titre subsidiaire,

Prononcer la résolution judiciaire de la vente intervenue le 11 août 2020 entre Madame [E] [D] et la société Toon's Detailing SA concernant le véhicule d'occasion Peugeot 3008,

Constater la mauvaise foi de la société Toon's Detailing SA,

Ainsi,

Condamner la société Toon's Detailing SA à restituer à Madame [E] [D] la somme de 18 150,76 euros correspondant au prix d'achat du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation.

En tout état de cause,

Constater l'existence du préjudice de jouissance de Madame [E] [D],

Ainsi,

Condamner la société Toon's Detailing SA à payer à Madame [E] [D] la somme de 6 020,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, et cela avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation,

Débouter la société Toon's Detailing de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Toon's Detailing à payer à Madame [E] [D] la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Toon's Detailing aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

En réponse à l'arrêt avant dire droit de la cour, Mme [D] fait valoir qu'elle est une consommatrice, et la société Toon's Detailing un professionnel de la vente de véhicules. Elle indique que lors de la conclusion du contrat, les parties n'ont pas désigné la loi applicable de sorte qu'il convient de faire application du règlement CE du 17 juin 2008 dit Rome 1 et plus particulièrement de son article 6, lequel édicte des dispositions dérogeant à l'article 4 du même règlement, en prévoyant que le contrat est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à la condition, notamment, que le professionnel dirige par tout moyen son activité vers le pays de résidence du consommateur ou vers plusieurs pays dont celui-ci, et que le contrat entre dans le cadre de cette activité.

Elle fait valoir qu'en l'espèce la société Toon's Detailing, vendeur professionnel de véhicules, ne dirige pas uniquement son activité vers le Grand-Duché du Luxembourg mais propose ses véhicules à la vente vers tous les pays de l'Union Européenne. Elle précise que le véhicule a été immatriculé en France et livré en France de sorte qu'en application de l'article 6 b précité, il convient d'appliquer au contrat la loi du consommateur, à savoir la loi française.

Subsidiairement et à supposer la loi luxembourgeoise applicable, Mme [D] se réfère à l'article 5 de la loi du 21 avril 2004 ayant transposé dans le droit luxembourgeois la directive 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, cet article prévoyant qu'en cas de défaut de conformité le consommateur a la possibilité de rendre le bien et de se faire restituer le prix.

Au fond, Mme [D] déclare solliciter à titre principal la nullité du contrat de vente pour vice du consentement, et se réfère expressément à l'article 1137 du code civil relatif au dol.

Elle expose avoir rapidement constaté, après la vente, l'extrême mauvaise foi du vendeur qui refusait de lui délivrer une carte grise à son nom. Elle ajoute surtout que le véhicule affichait 41.038 km au compteur alors qu'il s'est avéré qu'il en avait en réalité plus de 74.626 depuis septembre 2019, date d'une facture retrouvée au fond du vide-poche du véhicule.

Elle fait valoir que le compteur kilométrique a été modifié, et que si elle avait connu le kilométrage véritable du véhicule elle ne l'aurait certainement pas acquis, ou sinon pour un prix nettement inférieur.

Elle affirme ainsi avoir été volontairement trompée par la société Toon's Detailing, vendeur professionnel, qui lui a volontairement caché une information essentielle et elle considère que la man'uvre dolosive est constituée.

A titre subsidiaire elle sollicite la résolution judiciaire du contrat en soutenant que de jurisprudence constante l'acheteur trompé par son vendeur professionnel a la possibilité d'agir sur le fondement de l'action en nullité ou en résolution.

Elle indique avoir tenté d'obtenir à l'amiable une telle résolution, avec laquelle le vendeur était initialement d'accord avant de se raviser. Elle souligne qu'à l'heure actuelle la société Toon's Detailing est toujours en possession du véhicule, et rappelle que selon l'article 1227 du code civil la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice, et que selon l'article 1229 la résolution met fin au contrat et oblige les parties à restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procurées l'une à l'autre.

Elle conclut que la tromperie dont elle a été l'objet doit pouvoir être réparée, et que le vendeur n'a pas respecté ses obligations légales d'information et de délivrance conforme.

Quant à son préjudice de jouissance, Mme [D] se fonde sur l'article 1228 du code civil qui permet au juge saisi d'une demande en résolution d'accorder des dommages-intérêts, et elle expose qu'à compter du 1er juillet 2021 elle s'est retrouvée sans véhicule alors qu'elle travaillait loin de son domicile et parcourait chaque jour de nombreux kilomètres. Elle indique avoir d'abord loué des véhicules, avant d'en racheter un nouveau le 27 avril 2022.

Elle soutient avoir également continué à payer l'assurance du véhicule Peugeot 3008 jusqu'au 31 août 2022, et réclame finalement une somme de 6.020 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

La S.A Toon's Detailing n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur le droit applicable à la cause

Il est rappelé que la compétence des juridictions françaises, en application de l'article 16 du règlement CE n° 44/20011 du Conseil en date du 22 décembre 2000 n'est pas contestée.

L'unique document contractuel existant, en l'occurrence une facture, ne comporte effectivement aucune mention quant au choix de la loi applicable à une convention conclue entre un vendeur professionnel domicilié à [Localité 5] (Luxembourg) et une acheteuse française domiciliée en France à [Localité 4] (57), et pouvant revendiquer en l'espèce la qualité de consommatrice, dès lors qu'il était indiqué dans l'assignation initiale qu'elle exerce la profession de télévendeuse et n'est donc pas une professionnelle du domaine de la vente automobile.

Aux termes de l'article 4 - 1. a) du règlement CE n° 593/3008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008, « à défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit (a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

Aux termes de l'article 6-1 du règlement précité, « Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après « le consommateur ») pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après « le professionnel ») agissant dans l'exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :

a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou

b) par tout moyen dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci ».

En l'espèce, Mme [D] verse aux débats des extraits de la communication internet de la société Toon's Detailing en français, desquels il peut effectivement se déduire que l'activité de cette société ne se limite pas au Luxembourg.

Il est exact par ailleurs que le véhicule litigieux a été livré en France, et était muni d'une immatriculation provisoire en France, dont la SA Toon's Detailing s'est chargée. La cour relève que sur la facture, dont copie est produite aux débats, le coût de l'immatriculation ww provisoire et des démarches administratives a été facturé 96 euros. Le coût de la carte grise française lui a également été facturé à hauteur de 554,76 euros. Il apparaît ainsi que la société Toon's Detailing, en ce qu'elle est en mesure de se charger des démarches administratives en France, dirige bien son activité notamment vers ce pays.

Au vu de ces éléments, la cour considère que Mme [D] est en droit de revendiquer l'application de la législation française.

II- Au fond

Il est rappelé que, en application de l'article 472 du code de procédure civile, et à hauteur d'appel, si l'intimé ne constitue pas avocat il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime fondée.

Par ailleurs en application de l'article 954 dernier alinéa du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.

Sur la demande en restitution de la somme de 18.150,76 euros fondée sur le dol

Aux termes du nouvel article 1137 du code civil, « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

En application de l'article 1130, le dol vicie le consentement lorsqu'il est d'une nature telle que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à de conditions substantiellement différentes.

Il appartient à la partie qui s'en prévaut d'apporter la preuve des man'uvres, mensonges ou dissimulations qu'elle impute à son adversaire.

En l'espèce, il résulte de la facture versée aux débats, que la SA Toon's Detailing a vendu à Mme [D] un véhicule Peugeot 3008 d'occasion dont le kilométrage tel qu'indiqué sur la facture, était de 41 038 km hors transport à la date du 11 août 2020.

Il résulte effectivement d'une facture du 2 septembre 2019, que le même véhicule avait, à cette date, un kilométrage de 74 625 km. L'identité de véhicule n'est pas discutable, au vu du numéro de série (VF3MJAHXHGS279165) identique sur les deux factures précitées.

La cour observe cependant que cette facture date du 2 septembre 2019 et a été émise en Allemagne à l'occasion d'une intervention sur le véhicule.

Bien que l'intervention sur le compteur soit nécessairement ultérieure, une telle facture ne fait pas preuve de la date à laquelle cette modification a été effectuée, pas plus qu'elle ne fait preuve de ce que cette falsification aurait été effectuée par la société Toon's Detailing, domiciliée au Luxembourg, alors que la vente de ce véhicule par Toon's Detailing à Mme [D] n'est intervenue que le 11 août 2020 soit pratiquement un an plus tard. De plus, aucun élément produit ne permet de déterminer la date à laquelle Toon's Detailing, spécialisée dans la vente de véhicules d'occasion, aurait acquis la voiture litigieuse, alors que son but était de la revendre.

Par ailleurs Mme [D] indique avoir trouvé la facture précitée en fouillant le fond du vide poche du véhicule. Il est peu vraisemblable que cette facture ait été laissée volontairement, et rien n'établit que la société Toon's Detailing ait eu connaissance de sa présence, et encore moins qu'elle ait été la bénéficiaire des travaux facturés un an auparavant en Allemagne.

Il n'est ainsi pas établi, ni que le vendeur aurait lui-même falsifié le compteur, ni qu'il ait eu connaissance de cette falsification et l'ait volontairement cachée à l'acquéreur.

La demande en nullité de la vente fondée sur le dol ne peut donc prospérer.

La seule sanction d'un vice du consentement, à le supposer établi, est la nullité de la vente, et non l'impossibilité de maintenir le contrat.

Sur la demande en résolution du contrat

L'appelante sollicite la résolution judiciaire de la vente, au motif que de jurisprudence constante l'acheteur trompé par son vendeur professionnel a la possibilité d'agir sur le fondement de l'action en nullité ou en résolution.

Cependant il s'évince des termes mêmes de la citation qui précède, qu'il serait nécessaire à suivre le raisonnement de l'appelante, de faire la preuve de la tromperie perpétrée par le vendeur, ce qui n'est pas le cas.

Aux termes des alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé.

En l'espèce, l'appelante mentionne dans ses conclusions, que le vendeur n'a pas respecté ses obligations légales d'information et de délivrance conforme.

De jurisprudence constante, le vendeur qui vend un véhicule dont le kilométrage indiqué n'est pas le kilométrage réel, manque à son obligation de délivrance d'un bien conforme aux stipulations contractuelles, telle qu'elle résulte des dispositions de l'article 1604 du code civil selon lesquelles la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

D'autre part aux termes de l'article 1615 du code civil, l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel, et la carte grise d'un véhicule constitue un accessoire indispensable à la vente d'un véhicule, de sorte que le défaut de remise de ce document relève également de l'inexécution d'une obligation de délivrance d'un bien conforme aux stipulations contractuelles.

Enfin, en application des articles 1217 et 1227 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut, notamment, provoquer la résolution du contrat, et cette résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice.

En l'occurrence, et outre le fait que Mme [D] se plaint d'un défaut de délivrance de la carte grise, il résulte sans conteste de la comparaison entre les deux factures précédemment citées, que le kilométrage réel du véhicule est supérieur de plus de 32 000 km au kilométrage indiqué lors de la vente, ce qui constitue une différence considérable, de sorte que la violation de l'obligation de délivrance est sans conteste constituée, ce qui justifie la résolution du contrat aux torts de la SA Toon's Detailing.

En l'espèce, il résulte des courriers échangés entre les parties que le véhicule litigieux est, depuis le 1er juillet 2021 en la possession de la société Toon's Detailing, ce que celle-ci ne conteste pas, tout en laissant finalement entendre dans ses courriers qu'elle n'aurait repris le véhicule qu'à des fins de réparation.

Il reste donc à statuer sur la restitution à Mme [D] du prix de vente du véhicule, soit 17 500 euros, outre les frais d'immatriculation provisoire à hauteur de 96 euros et le coût de la carte grise facturée par cette société à hauteur de 554,76 euros, soit au total la somme de 18 150,76 euros.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré et de condamner la SA Toon's Detailing à verser à Mme [D] la somme de 18 150,76 euros.

En application de l'article 1352-6 du code civil, la restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue.

En l'espèce par conséquent il convient de faire droit à la demande tendant à ce que les intérêts sur la somme de 18 150,76 euros soient dus à compter de l'assignation signifiée le 2 mai 2022.

Sur la demande en dommages-intérêts au titre du préjudice de jouissance

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s''il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Il appartient à la partie qui réclame des dommages-intérêts d'apporter la preuve de l'étendue de son préjudice et du lien de causalité avec l'inexécution alléguée.

En l'espèce il résulte des échanges de courriers et notamment du courrier de la société Toon's Detailing en date du 2 août 2021, que Mme [D] est privée de l'usage de son véhicule depuis le 1er juillet 2021.

Dans ce courrier la société Toon's Detailing déclarait avoir « pris en compte » les doléances de Mme [D] et l'informait également que son immatriculation provisoire était obsolète, que le dossier final avait été retiré des services compétents et que le véhicule avait fait l'objet d'une nouvelle immatriculation. Elle s'engageait également à restituer le prix de vente, engagement renouvelé dans un certain nombre de SMS échangés entre Mme [D] et une représentante de la société, et sur lequel la société semblait revenir dans un courrier du 10 septembre 2021.

Il n'en demeure pas moins que la société Toon's Detailing n'a jamais envisagé de remettre à la disposition de Mme [D] le véhicule litigieux, lequel en tout état de cause n'était pas conforme à la convention passée entre les parties.

La société Toon's Detailing porte donc la responsabilité du dommage résultant pour Mme [D] de la privation d'un véhicule.

Mme [D] justifie de la location d'un véhicule de remplacement pour la période du 2 au 8 juillet 2021, pour un prix de 469,94 euros.

Elle justifie également de l'acquisition d'un nouveau véhicule le 9 octobre 2021, acquisition qu'elle souhaitait manifestement réaliser plus tôt et dès restitution du prix de vente, ainsi qu'il résulte des SMS échangés avec une employée de la société Toon's Detailing.

Elle ne donne en revanche aucun détail sur la manière dont la somme de 6 020 euros a été calculée.

S'agissant de la prime d'assurance qu'elle indique avoir payé pour le véhicule Peugeot 3008 litigieux, la cour note que la carte d'assurance produite ne concerne pas ce véhicule, muni d'une immatriculation provisoire, mais un véhicule Peugeot immatriculé [Immatriculation 3], de catégorie A et de moins de 501 kg ce qui n'est pas compatible avec le véhicule Peugeot 3008 lequel n'apparaissait pas doté d'une immatriculation définitive.

Au vu de ces éléments, la cour retiendra que Mme [D] justifie d'un préjudice de 469,94 euros pour la période du 2 au 8 juillet 2021. Pour la période ultérieure, allant jusqu'au 9 octobre 2021, aucune autre facture de location de véhicule n'est produite. La cour retiendra cependant que la privation de tout véhicule durant cette période est néanmoins une source de préjudice, Mme [D] ayant d'ailleurs rapidement souhaité racheter un autre véhicule pour y remédier. En l'absence de plus de précisions la cour fixe à 10 euros par jour le préjudice de jouissance durant cette période, soit au total une somme de 930 euros.

Le montant total du préjudice de jouissance subi par Mme [D] est donc évalué à 1 399,94 euros.

Il convient donc, infirmant également le premier juge sur ce point, de condamner la SA Toon's Detailing à payer à Mme [D] une somme de 1399,94 euros en réparation de son préjudice de jouissance, avec les intérêts légaux à compter du présent arrêt s'agissant d'une somme allouée à titre indemnitaire.

Sur le sort des dépens et des frais irrépétibles

Le sens de la présente décision conduit à infirmer le jugement dont appel pour ce qui concerne ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Toon's Detailing qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il est en outre équitable d'allouer à Mme [D], en remboursement de ses frais irrépétibles, la somme de 2 000 euros, soit 1 000 euros au titre de chacune des deux instances.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution judiciaire de la vente intervenue le 11 août 2020 entre Mme [E] [D] et la société de droit luxembourgeois Toon's Detailing SA, portant sur le véhicule Peugeot 3008 n° de série VF3MJAHXHGS279165,

Condamne la société Toon's Detailing SA à restituer à Mme [E] [D] la somme de 18 150,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 02 mai 2022,

Condamne la société Toon's Detailing SA à verser à Mme [E] [D] une somme de 1399,94 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice de jouissance, avec intérêt légaux à compter du présent arrêt,

Condamne la société Toon's Detailing SA aux entiers dépens de première instance,

Condamne la société Toon's Detailing SA à verser à Mme [E] [D] une somme de 1000 euros en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance,

Y ajoutant,

Condamne la société Toon's Detailing SA aux entiers dépens d'appel,

Condamne la société Toon's Detailing SA à verser à Mme [E] [D] une somme de 1000 euros en remboursement des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

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