Cass. 1re civ., 23 octobre 2013, n° 10-28.620
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Avocats :
SCP Richard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Pierre X... et Mme Y... ont donné en avancement d'hoirie à leurs filles Béatrice et Christine la nue-propriété, chacune pour une moitié, de 369 parts d'une société civile immobilière dont dépend un appartement situé à Paris, les donateurs se réservant l'usufruit sur les parts ; que Christine X... occupe l'appartement depuis le 9 juin 1975 ; que Pierre X... est décédé le 2 janvier 1996, laissant pour lui succéder Mme Y..., son épouse commune en biens, usufruitière de l'ensemble de la succession, et leurs cinq enfants, Alain, Elisabeth, Béatrice, Dominique et Christine X... ; qu'Alain X... est décédé le 5 mars 2001, laissant pour lui succéder sa mère, Mme Y..., et ses soeurs ; qu'un tribunal a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Pierre X... et Mme Y..., des successions de Pierre et Alain X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Christine X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de désignation d'un expert judiciaire ;
Attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel a refusé d'ordonner une expertise, que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Christine X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à sa mère une indemnité d'occupation ;
Attendu que la cour d'appel, qui a constaté que Mme Christine X... ne justifiait pas d'une situation de besoin, a confirmé la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation au profit de l'usufruitière de l'appartement occupé, et a ainsi légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen relevé d'office, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 843 du code civil , dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant décidé que Mme Christine X... doit rapporter à la succession de Pierre X... la moitié de l'avantage indirect représenté par l'occupation gratuite du bien immobilier sis ..., du 9 juin 1975 au 2 janvier 1996, la cour d'appel retient que Mme Christine X... a été favorisée en occupant gratuitement ce bien pendant plus de vingt ans, qu'elle n'a pas eu à assumer de frais pour se loger, tandis que ses parents, qui s'étaient réservés l'usufruit, n'en ont tiré aucun fruit, que Mme Christine X... ne démontre pas qu'en mettant gratuitement à sa disposition l'appartement, Pierre X... n'a fait qu'assumer l'obligation d'entretien lui incombant en vertu des articles 205 et 207 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater l'appauvrissement des donateurs, ni leur intention libérale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris ayant décidé que Mme Christine X... doit rapporter à la succession de Pierre X... la moitié de l'avantage indirect représenté par l'occupation gratuite du bien immobilier sis ..., du 9 juin 1975 au 2 janvier 1996, l'arrêt rendu le 20 octobre 2010, entre les
parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme Y..., Mmes Elisabeth et Dominique X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille treize.