Cass. 1re civ., 11 avril 2018, n° 17-18.207
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Reygner
Avocat général :
Mme Caron-Deglise
Avocats :
SCP Delamarre et Jehannin, Me Ricard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 mars 2017), que M. Y... et Mme X... ont vécu en concubinage à partir du 27 septembre 2003 et ont conclu un pacte civil de solidarité le 13 décembre 2012, dissous le 2 septembre 2013 ; qu'après la séparation, Mme X..., soutenant avoir participé à l'exploitation agricole de M. Y..., sans rétribution, a assigné celui-ci en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de dommages-intérêts pour rupture brutale de leur relation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande sur le fondement de l'enrichissement sans cause, alors, selon le moyen :
1°/ que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique ; qu'en écartant, sans en examiner le contenu, les tableaux, photographies et notes non authentifiés et non signés, produits aux débats par Mme X..., ainsi que l'attestation qu'elle a rédigée pour elle-même, en retenant qu'ils ne sauraient valoir preuve car nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil en sa rédaction applicable en la cause ;
2°/ que la collaboration professionnelle non rétribuée d'un concubin à l'activité professionnelle de l'autre, qui se distingue d'une participation aux dépenses communes des concubins, implique par elle-même l'appauvrissement de l'un et l'enrichissement de l'autre ; que la cour d'appel a constaté que Mme X... avait participé aux activités de l'exploitation agricole de M. Y... et qu'elle avait été affiliée à la MSA « en qualité de conjoint collaborateur pour la période du 14 décembre 2006 au 30 juillet 2013 » ; qu'en excluant tout appauvrissement de Mme X... en retenant qu'en exerçant ces activités de nature professionnelle, elle aurait rempli son obligation de participer aux charges du ménage et apporté une contrepartie à l'hébergement dont elle bénéficiait, la cour d'appel a opéré une confusion entre la vie professionnelle et la vie personnelle des concubins, en violation de l'article 1371 du code civil, en sa rédaction applicable en la cause ;
3°/ qu'en retenant que M. Y... aurait versé une somme de 65 800 euros sur un compte ouvert au nom de Mme X... du 27 juin 2005 à fin août 2013, et qu'il aurait réglé trois voyages au nom de celle-ci, sans établir que cette somme aurait été destinée en propre à Mme X... et que son montant et la valeur de ces voyages correspondaient à la valeur du travail effectivement réalisé par cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'absence de tout enrichissement sans cause de M. Y... au détriment de Mme X..., privant sa décision de base légale au regard de l'article 1371 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;
Mais attendu, d'abord, qu'en ne prenant pas en considération les tableaux, photographies et notes non authentifiés et non signés ainsi que l'attestation rédigée par Mme X..., au motif qu'ils ne sauraient valoir preuve de la réalité du travail effectué par celle-ci au sein de l'exploitation agricole, la cour d'appel en a estimé la valeur probante ;
Attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve versés aux débats, après une analyse complète des nombreux témoignages et de l'attestation d'affiliation à la MSA, qu'elle a estimé que ni l'aide ponctuelle apportée à l'activité agricole de M. Y..., qui employait un comptable et un salarié, ni la confection de repas lors de réunions de chasse trois ou quatre fois par an, ni les embellissements apportés à l'habitation commune, n'excédaient la contribution normale de Mme X... aux charges du ménage, auxquelles M. Y... avait aussi participé par des versements importants sur le compte de cette dernière et le financement de plusieurs voyages ; que, de ces énonciations et appréciations, elle a pu déduire l'absence d'enrichissement du patrimoine de celui-ci au détriment du patrimoine de sa compagne ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire pour rupture brutale de leur relation de concubinage ;
Attendu qu'en relevant que le procès-verbal de la plainte déposée par Mme X... pour violence avec arme était insusceptible, à lui seul, de rapporter la preuve du comportement violent de M. Y... à son égard, dès lors que le ministère public avait classé l'affaire, estimant l'infraction insuffisamment caractérisée, la cour d'appel, sans retenir l'autorité de chose jugée, n'a fait qu'apprécier le caractère probant de ce document ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-huit.